Le souvenir de l`assassinat d`Itzhak Rabin, en novembre 1995, nous
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Le souvenir de l`assassinat d`Itzhak Rabin, en novembre 1995, nous
Intervention à la commémoration de l’assassinat d’Itzhak Rabin Nancy, le 6 novembre 2011. Didier Francfort pour l’ACJ. Le souvenir de l’assassinat d’Itzhak Rabin, en novembre 1995, nous rappelle chaque année à quel point il n’y a pas, de façon évidente, de leçons de l’histoire et nous démontre tristement qu’il ne suffit pas de connaı̂tre le passé pour éviter de commettre de nouveaux crimes, de nouvelles violences. Chaque année, l’actualité nous rappelle la nécessité de la vigilance face aux déferlements des violences et des haines. Cette année encore, la spirale des tirs de roquettes et des bombardements semble inéluctable. Après la mort du premier ministre israélien, nous étions quelques-uns à penser que le deuil conduirait la société israélienne à poursuivre les idées de paix portées par Rabin. Il n’en a rien été, sa politique n’a pas été reprise par ses successeurs et le fossé de haine, de violence et de souffrance entre Israéliens et Palestiniens s’est reconstitué. L’histoire ne nous donne pas de leçon. C’est à nous de connaı̂tre l’histoire sans pouvoir en tirer d’enseignements clairs mais en cherchant à fonder des choix cohérents, rationnels, justes et pacifiques. Le parcours de Rabin reste à cet égard exemplaire, il est devenu un apôtre de la paix non par tradition angélique (il est bien militaire de formation) mais par réalisme, pensant que la paix est indispensable rationnellement au futur de la nation israélienne. Cette année, la commémoration se passe dans un contexte dont la complexité ne peut pas être éludée. La libération de Gilad Shalit, sa rencontre avec des représentants du village de Shibli, ses déclarations pour la paix, tout cela aurait pu renforcer l’espoir d’un retour aux valeurs défendues par Itzhak Rabin. Et puis il y a eu l’été dernier le mouvement des Indignés du boulevard Rothschild de Tel-Aviv, montrant bien que la société israélienne connaı̂t aussi les questions de société, d’accès au logement, de précarité et de reconnaissance des générations montantes. Ce mouvement a repris cet automne mais il est interrompu par le retour de la spirale de la violence. Et le souvenir de l’assassinat d’Itzhak Rabin a resurgi dans la nuit du 13 au 14 octobre dernier. Le monument érigé à sa mémoire a été profané. Des inscriptions ont été peintes demandant la libération d’Yigal Amir, l’assassin d’Itzhak Rabin, prisonnier qui a déjà pu bénéficier, il y a quelques années, de mesures de faveur. L’auteur de la profanation a également inscrit le prix à payer , faisant référence aux conditions de la libération de Gilad Shalit. Le présumé coupable s’appelle Shvuel Schijveschuurder, il a 27 ans. Sa famille a péri dans un attentat à Jérusalem en 2001. Parmi les prisonniers relâchés, figurent des personnes ayant participé à l’organisation de cet attentat. La complexité des faits implique que l’on ne peut plus se contenter d’un slogan, même le plus généreux et le plus humaniste. Commémorer la mémoire d’Itzhak Rabin, Prix Nobel de la Paix, c’est penser que des processus politiques permettent aux sociétés de sortir de la spirale de la douleur et de la violence. Comment agir en conséquence, ici loin des terrains deviolence ? En étant vigilant, en débusquant les simplifications, les attributions univoques de responsabilité. Attention, il ne s’agit pas de relativisme, de torts partagés, il y a bien des criminels. Le nazisme ne peut pas être intégré à une chaı̂ne de responsabilités, comme une réponse à quoi que ce soit. Le Traité de Versailles, la Crise économique, la division des démocrates, tout cela explique les conditions de l’accession au pouvoir du nazisme, pas la violence criminelle. Mais on ne peut pas s’en tenir à l’explication des crimes par l’existence de déséquilibres mentaux. Le profanateur du monument dédié à la mémoire de Rabin a été présenté, d’abord, immédiatement comme un déséquilibré . Les communiqués de la police considèrent qu’il souffre de problèmes mentaux mais 2 Commémoration Rabin 2011 qu’il a agi pour des raisons idéologiques et pour rendre hommage à la mémoire de sa famille assassinée en 2001. La coexistence d’une souffrance réelle, de la maladie ne doit pas conduire à exonérer les idéologies exaltant la violence. Le monument à la mémoire Rabin a été profané par un individu lui reprochant le processus de paix d’Oslo. La politique du prix à payer est invoquée par les auteurs de violence contre les populations arabes. Il y a bien des idéologies violentes. Il est difficile lorsque l’on évoque la personnalité du promoteur du processus de paix d’Oslo de ne pas évoquer ce qui s’est passé cet été en Norvège. Un assassin prémédite son acte. Qu’il est rassurant de se dire qu’il est isolé, dément et de trouver dans son discours et son idéologie une forme de délire coupé de toute réalité politique. Or, l’assassin des jeunes Norvégiens et le meurtrier de Rabin partagent un même refus de voir coexister des différences, de respecter les autres, de trouver rationnellement des solutions politiques. La rationalité en politique implique le respect des accords conclus. Les accords conclus à Oslo prévoyaient la marche vers la reconnaissance d’un État palestinien et l’arrêt des implantations nouvelles. La logique de la négociation, des concessions, des compromis n’a pas la capacité de séduction des formules absolues du tout ou rien. Elle s’impose cependant de façon pressante contre la logique de l’affrontement, de la violence et de la vengeance. Le chemin de la reconnaissance d’un État palestinien semble aujourd’hui le moyen le plus sûr pour que s’instaurent des relations équilibrées et pacifiques entre deux nations. Il est important de continuer à se retrouver autour de la mémoire d’Itzhak Rabin pour soutenir tout ce qui continue le processus de paix qu’il a initié, pour dénoncer l’idéologie de son assassin. Quelques jours avant d’être assassiné, le 24 octobre 1995, Itzhak Rabin avait prononcé un discours important pour le 50ème anniversaire de l’ONU, sans concession, contre le terrorisme, félicitant le chemin parcouru par ses interlocuteurs palestiniens et tous ses anciens ennemis. Depuis 1995, les idées d’Itzhak Rabin ont été trop souvent oubliées. L’histoire ne nous a peut-être pas apporté des leçons faciles à interpréter et à lire immédiatement. Elle continue à nous imposer des exigences. Le combat pour la coexistence pacifique des peuples et pour l’idéal démocratique doit être poursuivi. Il est souvent lent, ingrat, peu spectaculaire, réfléchi, loin de la rhétorique des formules brillantes. C’est la dignité et la nécessité de la politique dont Itzhak Rabin a donné un exemple. Merci de votre attention.