Discours d`usage de M. Alfred FONTENILLES1

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Discours d`usage de M. Alfred FONTENILLES1
Discours d’usage de M. Alfred FONTENILLES1,
professeur agrégé d’Anglais,
lors de la distribution solennelle des prix du 30 juin 1955.
suivi par celui du Docteur Pierre DROUIN
Monsieur Le Président,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Le mot humour qui a de nos jours une résonance si typiquement britannique est d’origine
française. Importé sans doute, en Grande-Bretagne dans les bagages des conquérants normands,
on le rencontre pour la première fois au début du Moyen Âge dans le sens de fluide, d’humeur
liquide.
Ben Jonson2, qui est, après Shakespeare, un des plus grands dramaturges de la Renaissance
Elisabéthaine, va faire la fortune de ce mot. Selon Galien et Hippocrate, notre organisme
contient quatre humeurs différentes : le sang, la pituite ou flegme, la bile jaune et la bile noire
ou atrabile. La théorie des « humeurs » ou tempéraments psycho-physiologiques liés à la
prédominance d’un de ces fluides dans l’organisme et offrant par leurs mille diversités une
matière inépuisable à la comédie, va être utilisée par Ben Jonson avec l’énergie d’une conviction
robuste, docte et un tantinet pédante dans ses deux fameuses comédies : « Every Man in His
Humour » , Chacun dans son humeur » 1598, et « Every Man out His Humour , Chacun hors de son
humeur » 1599. La comédie des « humeurs » était née.
Les personnages de cette comédie sont des originaux ou des excentriques chez lesquels le
développement excessif d’une tendance, d’une habitude, d’un tic, a détruit la proportion normale
et l’équilibre de la personne humaine. Le développement de cette tendance unique, de cette idée
fixe, provient du trop plein d’une humeur. Ainsi, on trouvera chez Ben Jonson des tempéraments
1
Agrégé d'anglais, diplômé de l'université de Cambridge, Alfred Fontenilles a enseigné dans notre lycée durant l'année
scolaire 1954-55. Tout en poursuivant ses activités d'enseignant, Alfred Fontenilles s'est spécialisé dans l'anglais
commercial et dans la littérature américaine. Il a publié plusieurs dictionnaires et guides, en collaboration avec des
collèges enseignants ("English for business world" -l'anglais des affaires- chez Assimil, avec Claude Chapuis et Peter Dunn;
"l'anglais économique pour l'université"; "les Etats-Unis, guide culturel" chez Hachette en 1978, avec Jean-Pierre Fichon;
"Glossaire d'anglais comptable", chez Longmann France, avec Michel Lebas; "Dictionnaire des oeuvres et des thèmes de la
littérature américaine", chez Hachette, avec Pierre Marabaud. Alfred Fontenilles a aussi été membre du conseil
d'administration de l'Institute of european and asian studies à Chicago. Note de Didier Béoutis.
2
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ben_Jonson
trop sanguins, d’où violents, passionnés et querelleurs. Au contraire, ceux de ses personnages qui
subiront l’influence de la bile jaune ou noire seront de caractère jaloux, acariâtre, atrabilaire,
etc. L’humoriste au sens premier du terme fut donc un excentrique, un original, véritable pilier
de comédie, mais toujours inconscient de son humour, ou plutôt de son « humeur ».
Il faudra attendre le siècle suivant pour voir se préciser la notion moderne d’humour. En effet,
au XVIIIe siècle, grâce au talent d’écrivains comme Steele, Addison, Swift, puis Fielding et
Sterne, l’humour va enfin prendre conscience de lui-même comme technique privilégiée du rire.
Depuis cette époque, son sens s’est encore considérablement chargé de nuances, surtout sous
l’influence des grands humoristes du XIXe siècle comme Thackeray et Dickens. Il y a eu aussi
une extension progressive de son utilisation et la distinction entre l’humour et le comique en est
souvent obscurcie aujourd’hui.
Tous les théoriciens de l’humour s’accordent cependant à marquer cette distinction et à
reconnaître que l’humour consiste en une méthode d’expression paradoxale qui détruit la liaison
naturelle et attendue entre les choses exprimées et la façon de les dire. De la théorie des
humeurs, on retrouve l’excentricité, mais elle est maintenant cultivée volontairement. Il s’agit de
présenter le comique gravement, avec une grande maîtrise de soi, et l’absurde avec le plus grand
respect. Fernand Baldensperger souligne bien cette dualité de l’humour dans la définition qu’il en
a donnée : « L’humour, dit-il, réside essentiellement dans une sorte d’inadéquation, de
disconvenance entre l’idée et l’expression, le fond et la forme, l’inspiration et les procédés, le
sentiment et le tour, l’impression produite par le monde extérieur et sa manifestation chez
l’humoriste. »
Cette dualité — qui est en fait une transposition du plan naturel au plan imprévu — trouve une
parfaite illustration dans le genre appelé « Shaggy-dog story », c’est-à-dire une histoire de
chien hirsute (je ne suis pas certain de l’origine de cette expression). Il s’agit de ces phrases à
faux déclic et à chute grave qui, au moment où nous y songeons le moins, nous précipitent dans le
vide, par exemple cette boutade célèbre en Angleterre : « J’ai connu autrefois en NouvelleZélande un homme qui n’avait pas de dents et qui, cependant, jouait du tambour mieux que
quiconque. »
On le voit, l’humour se joue des liens rigides de notre logique rationnelle. Il s’oppose à tout ce
qui est simple automatisme, réaction banale, spontanéité impulsive et nerveuse, à l’entraînement
de la passion oratoire et lyrique, tous si typiquement latins.
C’est ici qu’on peut se rendre compte que, malgré son manque apparent de logique, l’humour
est solidement ancré dans le réel, donc opposé au sentimentalisme et à la fausse poésie. Prenons
une illustration chez le grand écrivain et humoriste américain Mark Twain. S’agit-il de rendre au
passé, travesti par les poètes, son véritable caractère ? Mark Twain lui juxtapose brusquement
le présent dans ce qu’il a de plus actuel, voire même de plus vulgaire. De passage à Rome, Mark
Twain est allé au Colysée, le Colysée au clair de lune, le Colysée poétique des martyrs, de
« Fabiola » et de « Quo Vadis ». Mark Twain saurait, s’il le voulait, évoquer le passé tragique
dont ces pierres perpétuent le souvenir. Mais pour l’humoriste, ce serait sacrifier aux illusions
sentimentales. Mark Twain, chemin faisant, a trouvé un document authentique qui emporte son
imagination dans une direction diamétralement opposée. C’est La Gazette du Cirque, Le Journal
des Gladiateurs (« la Hache d’armes romaine, quotidien »), publié à Rome au VIe siècle après
Jésus-Christ. En voici un extrait qui nous enlève bien des illusions : « Colisée, début de saison…
Une matinée pour les petits est annoncée pour cet après-midi. A cette occasion, plusieurs
enfants de l’école du dimanche, appartenant à la secte dénommée chrétienne, seront mangés par
les tigres. On continuera tous les soirs, sauf avis contraire, la représentation habituelle. Tous les
soirs, changements importants de programme. Au bénéfice du gladiateur Valérien, mardi 29, si
Valérien est encore vivant. — N. B. : La Direction désire faire l’acquisition de 30 ou 40 lions et
tigres de premier choix. On demande des martyrs. Ainsi, l’humour se venge ici par la caricature à
la fois de la cruauté humaine et du mirage sentimental qui travestit la réalité.
Voici, toujours tirée de l’œuvre de Mark Twain, une esquisse nature de l’Arno, fleuve
dantesque aux yeux des habitants de Florence et de tous les Italiens en général : « C’est un
grand fossé historique, de quatre pieds environ dans le chenal, avec quelques barques à fond plat
tout autour. Ce pourrait être une rivière fort plausible, si une pompe y versait de l’eau. On
l’appelle une rivière et les sombres et farouches Florentins s’imaginent que c’en est une en effet.
Pour ajouter à l’illusion, ils construisent des ponts dessus. » (Les Innocents en voyage.)
Mais, le paradoxe de l’humour, l’étrangeté d’un esprit qui réagit dehors des plans accoutumés ne
s’expriment pas toujours sous une forme de plaisanterie dite sur un ton grave, comme si
l’humoriste arrêtait volontairement en lui la perception du comique (bien que cette dernière
forme soit la plus courante de nos jours).
L’humour dépend parfois aussi d’un arrêt du jugement moral. Il est alors caractérisé par une
indifférence apparente à la valeur éthique des choses. On rencontre cette forme d’humour
fréquemment chez Swift, génial relateur des Voyages de Gulliver et pamphlétaire politique. Dans
un essai intitulé : « Une modeste proposition quant aux enfants des pauvres Irlandais », il
suggérera avec beaucoup de sang-froid et de sérieux à ses concitoyens, de résoudre une fois
pour toute la question irlandaise, constamment compliquée par l’excédent des naissances, en
utilisant pour la boucherie la chair des jeunes enfants irlandais. Ici la plaisanterie devient
féroce et se charge d’une indignation brûlante. Cette maîtrise de soi en pleine colère, cette
énergie sous pression qui se possède, mais peut partir d’un instant à l’autre, voilà l’humour de
Swift. On sent la poche de fiel toute prête ouvrir et l’humour redevenir véritablement l’humeur
noire, l’atrabile si chère à Ben Jonson.
On trouvera un exemple plus récent et moins cruel peut-être de cet humour noir dans un film3
anglais où le héros pour hériter d’un titre et d’une fortune — disons-le — substantielle, décide
froidement et sans aucun scrupule d’exécuter lui-même une dizaine d’oncles et de cousins qui
font, par leur présence, obstacle à cette ambition.
3
Je crois qu’il s’agit de « Noblesse oblige », sorti en 1949.
Cet humour noir et l’humour en général suggèrent souvent par contraste une attitude didactique
— on l’a vu chez Swift — dissimulée derrière l’observation calme et minutieuse de l’humoriste.
Cette attitude rappelle par beaucoup de points l’attitude du savant. C’est que l’attitude
scientifique, elle aussi, est éminemment sérieuse ; elle confère à l’esprit la grande curiosité
humaine en face des merveilles de la nature. C’est, sans doute, ce parallèle entre l’attitude de
l’humoriste et celle du savant qui a fait dire à Bergson dans son étude sur le rire, que
« l’humoriste était un moraliste qui se déguisait en savant. »
L’humour tend de plus en plus à échapper à cette définition. Il est devenu aujourd’hui un genre,
une étiquette littéraire et il s’affaiblit en se divisant. A la limite, ce n’est plus qu’une autre façon
d’appeler le comique, n’importe quel comique. Pourtant, la notion d’humour anglo-saxon reste,
comme nous l’avons vu, un peu plus précise. L’humour anglo-saxon possède un mécanisme
particulier que j’ai essayé d’exposer brièvement. Il repose pour sa matière sur une façon
particulière de penser qui est celle des Anglo-Saxons, sens du réel (également perceptible dans
l’évolution patiente de leurs institutions politiques), parfois teinté de pessimisme comme chez
Swift et aussi acceptation d’une certaine forme d’illogisme que l’anecdote de l’Anglais à
l’étranger illustre à la perfection. A Paris comme à Bucarest, l’Anglais est un Englishman, les gens
qui l’entourent des « foreigners » — des étrangers — même dans leur propre patrie.
Les traits de caractère de l’Anglais correspondent donc bien à ceux de l’humour, comme ceux
du Français à l’esprit. L’humour anglais est un produit propre à l’Angleterre pour un usage interne
et qui, comme le fait remarquer si justement Louis Cazamian, « perd de son individualité par une
extension de sa portée et par la standardisation de sa production dans lesquelles ses traits
originaux se corrompent et s’effacent. »
Discours du Docteur Pierre DROUIN4.
Monsieur l’Inspecteur d’académie,
Monsieur le proviseur,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
Pierre DROUIN en
1930, en première.
Sans doute êtes-vous quelque peu étonnés de me voir présider cette cérémonie, alors
qu’autour de moi siègent tant de personnalités plus dignes de cet honneur. N’y voyez là que le
témoignage du lien qui unit étroitement l’Université et Les Parents d’Elèves dont je ne suis que le
représentant.
Au reste, je me demande encore comment j’ai pu accepter ce privilège rare. Lorsque, au reçu
de l’invitation de M. le Recteur, je me suis rendu auprès de M. le Proviseur, j’avais l’intention bien
arrêtée de refuser, encore mal remis de l’émotion d’avoir à faire, puis à prononcer ce discours…
et vous me voyez pourtant là, sur la sellette, en train de prononcer ce discours que je m’étais
promis d’éviter.
Il faut vous que votre Proviseur est un homme redoutable, soucieux de perpétuer une
tradition, en sorte que j’ai quitté son bureau pâle et défait, ayant vu mes dernières défenses
s’effriter sous les arguments de cet homme implacable.
Si je suis ici, en définitive, c’est également, et pour une part très grande, en souvenir de mon
père. Pour lui, tout ce qui avait trait à ses Lycées, ne le laissait jamais indifférent, et c’est ainsi
que durant de longues années, membre des deux Conseils d’administration, il a pu leur apporter
l’aide de ses conseils précieux.
Plein d’allant il avait créé un premier groupement de parents d’élèves qui travaillait en accord
avec notre Proviseur de l’époque, M. BOUCHY. L’idée lancée, l’Association s’est créée, a grandi en
4
Né au Mans le 3 mai 1913, Pierre Drouin était le fils de Charles Drouin, élève du lycée de 1884 à 1899,
médecin installé au 26, rue de l'étoile, président de l'amicale de 1920 à 1922, puis fondateur, en 1932, de la
première association de parents d'élèves du lycée. Pierre Drouin fit ses études primaires et secondaires au
lycée entre 1922 et 1931, année d’obtention du baccalauréat. Étudiant à la faculté de médecine de Paris, il
obtint son doctorat avec une spécialisation en oto-rhino-laryngologie et en ophtalmologie. Associé à son père,
il lui succéda et, médecin fort estimé, exerça en libéral au Mans jusqu’à l’âge de 75 ans, en 1988. Père de
quatre enfants, sportif (pratiquant le tennis et l’escrime), Pierre Drouin a présidé l'association des parents
d'élèves du lycée tout au long des années cinquante, tout en étant membre du conseil d'administration du
lycée. Il nous a quittés le 3 mai 2006.
s’organisant et, définissant son rôle, a trouvé son plein essor sous la baguette de son Présidentfondateur Me PERRIER.
Je voudrais tout d’abord vous dire, mes chers amis, que c’est un ancien qui vous parle, qu’il
s’est assis durant quelque dix ans sur les bancs de notre vieux Bahut et a gardé de ce temps un
souvenir heureux, celui d’une éducation tranquille, tout entière passée dans la même Maison, au
milieu de mêmes camarades qui rarement l’ont déçu…
Ainsi, chaque année, je me retrouvais de l’autre côté de l’estrade, contemplant tous ces
officiels, écoutant leurs discours avec plus ou moins de patience, attendant ensuite mes
habituelles nominations en gymnastique, bois et parfois même en musique. Après quoi, mon père
me félicitait…de n’avoir pas mis exagérément sa modestie à l’épreuve.
Je conserve également le souvenir de mes maîtres qui aimaient leur délicat métier et
auxquels je dois d’avoir franchi quelques obstacles sur cette route qui déjà s’allonge.
Vous-mêmes, mes chers amis, qui avez hâte de quitter les bancs de notre lycée, pour n’y plus
revenir que lors des réunions d’Anciens, vous-mêmes ne tarderez pas à repenser à ces années de
votre vie. Alors seulement vous verrez vos maîtres avec leur vrai visage, celui d’hommes, souvent
chargés d’une tâche ingrate et vous jugerez alors tout ce que vous leur devez. Je pensais à celui
tout à l’heure en écoutant le discours de M. FONTENILLES : nous savons combien vous
appréciez ce professeur, auquel des dons rares et … difficiles à prononcer, permettraient
également d’enseigner dans une Université anglaise. Il vient, avec beaucoup de précisions et de
charme, de nous ouvrier les yeux sur certains aspects de l’humour anglo-saxon. J’y ai
personnellement puisé quelques enseignements, dont ma scolarité entièrement passée dans le
Walhalla germanique m’avait sans doute privé. Il a réussi admirablement à nous expliquer
certaines différences avec nos voisins d’outre-Manche. Nul doute que leur connaissance ne vous
aide ainsi à les mieux comprendre.
Permettez-moi de le féliciter en votre nom à tous et de le remercier de son fort intéressant
exposé. Je suis persuadé qu’avec ce maître, comme avec beaucoup d’autres que je connais, vous
êtes à bonne école et préparés au mieux à vos tâches de demain. Quel est, en effet, le principal
bienfait de l’enseignement reçu sinon l’éducation de l’esprit, le développement harmonieux de
l’intelligence, mais c’est aussi sa transposition dans la vie courante où les hommes, dont il faut
souhaiter sauvegarder l’individualité, sont cependant les maillons d’une même chaîne.
Les résultats scolaires, puis les autres sont d’ailleurs là pour témoigner de la réussite de leur
enseignement.
Je m’en voudrais, en tressant cette couronne, d’oublier notre proviseur et ses collaborateurs
directs, dont nous avons pu, en maintes circonstances, apprécier le dévouement, l’activité,
l’expérience. Grâce à lui, grâce à ses professeurs, notre vieux Lycée est toujours gaillard,
poursuivant sa mission, sa robe sans être moderne, est toujours décente et son vieux cœur
continue à battre allégrement au rythme du travail de ses maîtres, en des conditions souvent
difficiles de surcharges des classes et du programme. C’est d’ailleurs en partie pour essayer
d’obvier à cet inconvénient qu’à cette époque le problème de la réforme de l’enseignement est à
nouveau à l’ordre du jour. Nous devrions déjà avoir obtenu que la réforme prenne une forme
législative d’emblée, au lieu d’être réalisée par des décrets successifs, ainsi qu’il en avait été
question ces temps derniers. La réforme cependant apparaît délicate, car l’accord est loin d’être
réalisé. De quoi s’agit-il en fait ? Tout le monde parle d’une réforme, sans connaître exactement
ce qu’il faut réformer, il faut du nouveau, mais est-on seulement d’accord sur des points précis à
modifier ?
Du reste, notre enseignement a-t-il tellement failli à sa tâche et combien il s’exercerait plus
efficacement s’il disposait de professeurs en nombre décent, et s’il disposait aussi des locaux
nécessaires.
Dans l’actuel projet qui vient d’être accepté par le Conseil supérieur de l’Education nationale,
avec quelques amendements, sur la nécessité desquels nous étions tous d’accord, la scolarité
obligatoire serait porté à 16 ans ; mais comment le réaliser, si des modalités s’application ne sont
pas du même coup envisagées.
D’autres remarques seraient à faire sur le cycle d’orientation. Celui-ci ne paraît acceptable, ni
même souhaitable que s’il est confié seulement aux Lycées et Collèges, car, dans le cas contraire,
le classique enseignement secondaire se trouverait pratiquement ramené à cinq ans au lieu des
sept années habituelles, donc impossible en fait. De plus nombreux seraient alors les enfants qui
ne pourraient choisir en sixième l’option classique. Or, nous tenons ici comme ailleurs, et
maintenant comme toujours, à sauvegarder les droits des parents dans l’orientation à donner à
leurs enfants. Les parents demandent que d’ailleurs les tests qui paraissent la maladie à la mode,
n’aient qu’une valeur indicative.
Remarques à faire encore sur la section B, dont la suppression avait été envisagée. Son
maintien nous apparaît au contraire indispensable, à moins de condamner dès lors l’enseignement
classique comme inutile, n’étant plus alors réservé qu’à une élite dont les rangs iraient se
clairsemant.
Pour l’examen d’entrée en sixième, les opinions diffèrent, certains le condamnent comme
faussant le jugement sur des enfants qui, en sixième, ne suivent pas toujours le rang de leur
examen, d’autres l’acceptent sous les réserves d’un examen déjà sévère imposé à des enfants,
dont il est le premier souci.
Cette année, le choix des sujets a été tel qu’il tendait à rétablir un meilleur équilibre entre le
français et les mathématiques.
A propos du Baccalauréat, nous sommes pour son maintien, écrit et oral, en souhaitant une
révision de son organisation. On a beaucoup parlé de la double correction, souvent à tort et à
travers ; or, il semble bien, d’après les renseignements puisés à des sources sûres, que tous ont à
cœur de ne pas créer d’injustice, de défendre les candidats. Il paraît impossible de généraliser
la double correction, à moins d’aboutir à un travail de commission, mais peut-être pourrait-on en
étendre le bénéfice à tous, pour le français et la philosophie, matières pouvant prêter à
discussion. Pour compléter ces réflexions sur la réforme de l’enseignement, que d’aucuns
appelleraient remise en forme, il nous faut bien avouer qu’il devrait s’accompagner d’une
modification des programmes.
On se plaît à reconnaître qu’il nous faut adapter au mieux nos enfants à leur vie de demain.
Est-ce à dire qu’il faut seulement leur donner quelques bonnes recettes pratiques, et ne serait-il
pas temps d’adapter l’enseignement classique aux besoins modernes, d’en imprégner toutes les
branches d’enseignement lui permettant de poursuivre la mission prééminente de formation, qu’il
a toujours eue en notre pays ?
Avant de passer la parole à M. le proviseur pour la lecture du palmarès, je voudrais vous dire
encore quelques mots.
Je vous ai tout à l’heure, et je m’en excuse, trop longtemps parlé de mon passé, alors qu’en
fait c’est votre avenir qui nous intéresse. Loin de moi la pensée de profiter de ma situation
privilégiée pour vous prodiguer les conseils que j’aurais refusés à votre âge.
En vous regardant, mes chers Amis, je pense non sans appréhension que certains d’entre vous
vont dans quelques jours, commencer l’apprentissage de l’existence ; pour certains les épreuves
vont commencer sans tarder ; pour d’autres, elles seront plus tardives. Je vous demande
seulement de ne pas rester prisonniers de ce mal de notre époque, qui est la désespérance ;
gardez votre foi en vous, conservez votre loyauté ; que chaque épreuve soit pour vous l’occasion
de tremper vos jeunes volontés.
Vous verrez qu’en définitive le bon souvent a raison du mauvais lorsqu’il a la volonté et
l’ambition de vouloir triompher.