TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES Nos 1603380,1603382
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES Nos 1603380,1603382
nt/mav TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES Nos 1603380,1603382,1603383,1603384,1603387, 1603388,1603389,1603390,1603393,1603394, 1603395,1603397,1603398,1603402,1603410, 1603411 ___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Commune de LANNION et autres ___________ M. Tronel Juge des référés ___________ Le juge des référés, Ordonnance du 5 septembre 2016 __________ C Vu la procédure suivante : Par des requêtes enregistrées le 1er août 2016, sous les nos 1603380, 1603382, 1603383, 16003384, 1603387, 1603388, 1603389, 1603390, 1603393, 1603394, 1603395, 1603397, 1603398, 1603402, 1603410, 1603411, la commune de Lannion, la communauté d’agglomération Lannion-Trégor Communauté, les communes de Locquirec et de Louannec, la communauté d’agglomération Morlaix Communauté, les communes de Perros-Guirec, de Plestin-les-Grèves, de Pleumeur-Bodou, de Plouzélambre, de Ploumilliau, de Saint-Michel-enGrève, l’association Trébeurden patrimoine environnement et les communes de Trébeurden, de Trédrez-Locquemeau, de Tréduder et de Trégastel, représentées par le cabinet d’avocats Coudray, demandent au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l’exécution des trois arrêtés du 1er décembre 2015 par lesquels : - le préfet du Finistère a autorisé la Compagnie armoricaine de navigation (CAN) à exploiter les sables coquilliers contenus à l’intérieur du périmètre de la concession de « Pointe d’Armor », accordée pour une durée de quinze ans ; - les préfets du Finistère et des Côtes-d’Armor ont autorisé la Compagnie armoricaine de navigation (CAN) à occuper temporairement le domaine public maritime, en vue de l’exploitation de la concession de sables calcaires coquilliers de « Pointe d’Armor » accordée par le décret ministériel du 14 septembre 2015 ; - les préfets du Finistère et des Côtes-d’Armor ont décidé de l’institution d’une commission de suivi, d’information et de concertation ; 2°) de mettre à la charge de l’État une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : N° 1603380… 2 - sur l’urgence. Elle est caractérisée en raison de l’imminence des travaux d’extraction, par la CAN, du sable coquillier de la dune de Trezen ar Gorjegou, au moyen de la technique de dragage par élinde trainante qui est de nature à porter une atteinte manifestement grave et immédiate aux différents intérêts publics que constituent, d’une part, la protection de l’environnement et notamment de la biodiversité remarquable de la baie de Lannion et d’autre part, le maintien des activités économiques locales liées à la présence de cette biodiversité. Ces atteintes graves et immédiates à ces intérêts publics ne sauraient être valablement contrebalancées par les seuls intérêts privés de la CAN. - sur le doute sérieux : la procédure au terme de laquelle sont intervenus les arrêtés est irrégulière. Le décret n° 2006-798 du 6 juillet 2006 prévoit que l’arrêté d’autorisation d’ouverture des travaux est délivré au terme d’un délai de deux mois suivant la notification du décret accordant la concession de sables coquillers au demandeur. En l’espèce, le décret du 14 septembre 2015, publié au Journal officiel des 16 et 23 septembre 2015 a été notifié antérieurement au 1 er octobre 2015 à la CAN. Dès lors, il doit être considéré qu’une décision implicite de rejet de la demande d’autorisation d’ouverture de travaux est intervenue à l’expiration du délai de deux mois à compter de la notification du décret à la CAN et, en tout état de cause, antérieurement au 1 er décembre 2015. Cette décision implicite de rejet de la demande a donc mis fin à la procédure. Elle est définitive. En conséquence, l’arrêté du 1er décembre 2015 autorisant les travaux ne saurait être analysé comme la décision prise à l’issue de la procédure initiée en 2010. En effet, l’arrêté contesté aurait dû être pris à l’issue d’une nouvelle procédure d’instruction, initiée par le dépôt d’une nouvelle demande de concession par la CAN. L’exécution de l’arrêté d’ouverture des travaux miniers encourt la suspension. Par voie de conséquence, l’exécution de l’arrêté du même jour portant autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime doit donc également être suspendue. Il en va de même de l’arrêté interdépartemental portant création de la commission de suivi, d’information et de concertation. l’instruction du dossier s’est déroulée suivant un manque de concertation avec les acteurs locaux qui est de nature à entacher d’illégalité la décision au sens de la jurisprudence du Conseil d’État dite Danthony (CE, 23 décembre 2011, n° 335033). le dossier réalisé par la CAN et soumis à l’enquête publique comportait de graves insuffisances, qui ont eu pour effet de priver le public de la garantie que constituent le droit à l’information et le droit à la participation. En particulier, l’étude d’impact et l’évaluation d’incidences Natura 2000 incluses au dossier présentent des carences manifestes. Ainsi, l’étude d’impact présente insuffisamment l’état initial, n’analyse pas les effets du projet et ne présente pas les mesures compensatoires envisagées. La bibliographie et l’analyse des méthodes sont insuffisantes. En ce qui concerne l’évaluation des incidences Natura 2000 : Le site concerné par le projet est situé dans une dent creuse, entre les deux sites Natura 2000 « Baie de Morlaix » et « Côte de Granit Rose-Sept-Îles ». Le projet d’extraction de sables coquilliers est susceptible d’affecter de manière significative deux sites Natura 2000 au sens des dispositions de l’article L. 414-4 du code de l’environnement. En effet, bien que situés en dehors de la zone d’extraction, ces sites sont directement inclus au sein de la zone d’influence du projet, par le déversement du panache turbide. l’Autorité environnementale n’a pas émis d’avis exprès et le public n’a pas été mis à même de bénéficier de l’ensemble des informations et avis émis sur le projet. la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) ne pouvait pas être l’instance saisie au titre de la fonction d’Autorité environnementale. Il résulte du II de l’article R. 122-1-1 du code de l’environnement alors en vigueur qu’il fallait recueillir l’avis du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) en tant qu’Autorité environnementale. Le non-respect d’une telle garantie procédurale constitue une insuffisance manifeste de la procédure, qui a exercé, en l’espèce, une N° 1603380… 3 influence sur le sens des décisions prises par le ministre de l’environnement et par les préfets des Côtes-d’Armor et du Finistère. Cette irrégularité procédurale a également privé les intéressés d’une garantie, l’avis du CGEDD devant être intégré au dossier d’enquête publique Ce vice est donc assurément de nature à entacher d’illégalité le décret ministériel du 14 septembre 2015, dont l’illégalité est soulevée par voie d’exception et, par voie de conséquence, les trois arrêtés du 1er décembre 2015, ce qui justifie la suspension de l’exécution desdites décisions. le commissaire-enquêteur n’a pas tenu compte des nombreuses objections soulevées pour émettre son avis. des modifications substantielles ont été apportées au projet après l’enquête publique, de nature à en affecter l’économie générale par rapport au projet soumis à l’enquête. Le projet a subi des modifications substantielles entre la phase de l’enquête publique, d’une part et le décret accordant la concession, intervenu près de cinq années plus tard ainsi que les arrêtés contestés, d’autre part. Ces modifications ont touché tant au volume et au périmètre d’extraction qu’à la période d’octroi de la concession ainsi qu’au nombre de jours d’exploitation du site « Pointe d’Armor », si bien que le projet, objet de la concession accordée par le décret du 14 septembre 2015 et des arrêtés contestés dans le cadre de la présente instance, est radicalement différent du projet présenté dans la demande de la CAN. Une nouvelle enquête publique était nécessaire. eu égard à la différence sensible entre le projet soumis à enquête publique et aux autorités administratives consultatives et le projet finalement retenu pour la délivrance de la concession et des autorisations contestées, il est incontestable qu’une nouvelle évaluation des incidences Natura 2000 était nécessaire. sont méconnus : -s’agissant de l’arrêté préfectoral d’autorisation d’exploitation des sables coquilliers, l’article L. 161-1 du code minier qui renvoie à l’article L. 211-1 du code de l’environnement dès lors que le projet : portera atteinte à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et aux éléments la composant ; modifiera de manière substantielle et irréversible les caractéristiques physiques de la dune de Trezen ar Gorjegou (le sable étant une matière non renouvelable eu égard au temps nécessaire à sa formation) ; modifiera de manière substantielle les caractéristiques biologiques des eaux de ce secteur, par le déversement d’un panache turbide aux conséquences néfastes sur les écosystèmes environnants, mais aussi par le prélèvement de sables constitutifs de zones d’habitat et de nourricerie des lançons, situés à la base de la chaîne alimentaire de la baie de Lannion ; portera une atteinte grave à la ressource en eau comme ressource économique et à la répartition équitable de cette ressource, touchant plus particulièrement les pêcheurs et le secteur touristique développé autour de cette ressource ; portera atteinte au rétablissement des continuités écologiques du bassin hydrographique, le projet ayant notamment un impact sur les espèces marines et sur l’avifaune vivant ou se nourrissant autour de la dune ; ne permet pas, en conséquence, de concilier de manière satisfaisante les différents usages de la mer tels que définis au II de l’article L. 211-1 du code de l’environnement. -s’agissant de l’arrêté d’autorisation d’ouverture de travaux et l’arrêté portant création de la Commission de suivi d’information et de concertation, l’article 21 du décret n° 2006-798 du 6 juillet 2006. Il ressort de ces dispositions que le préfet compétent peut assortir son arrêté d’autorisation d’exploitation de diverses prescriptions, portant notamment sur la surveillance des effets sur l’environnement, sur les analyses, les mesures et les résultats des contrôles éventuellement exigés, ainsi que sur les moyens d’intervention dont doit disposer le bénéficiaire en cas d’incident ou d’accident. L’ensemble des prescriptions doit donc figurer au sein de cet unique N° 1603380… 4 arrêté préfectoral, à l’exclusion de toute autre décision. Or, en l’occurrence, l’ensemble des prescriptions mises à la charge de l’exploitant ne figurent pas dans l’arrêté du préfet du Finistère accordant l’ouverture des travaux miniers du 1 er décembre 2015. Ainsi, la prescription de la réalisation, préalable à l’exploitation, d’une étude sur la situation socio-économique de la baie de Lannion n’apparaît qu’au sein de l’arrêté du même jour, pris conjointement par le préfet du Finistère et le préfet des Côtes-d’Armor, portant création de la Commission de suivi, d’information et de concertation. L’inscription de cette prescription au sein de l’arrêté interpréfectoral, en lieu et place de l’arrêté d’autorisation d’exploitation, s’inscrit donc en violation de l’article 21 du décret du 6 juillet 2006, qui prévoit que seul l’arrêté d’autorisation d’ouverture des travaux peut contenir de telles prescriptions. L’arrêté interpréfectoral portant création de la Commission de suivi d’information et de concertation est donc illégal en ce qu’il va au-delà du dispositif prévu par le décret du 6 juillet 2006. Il est également illégal en ce qu’il est pris par une autorité incompétente, le préfet des Côtes-d’Armor n’étant pas compétent pour soumettre l’exploitant au respect de prescriptions en vertu du décret. De même, l’arrêté d’autorisation d’ouverture des travaux encourt inévitablement l’annulation en ce qu’il n’est pas assorti de l’ensemble des prescriptions prévues dans le cadre de la procédure, en méconnaissance du décret du 6 juillet 2006. Cette triple illégalité est de nature à justifier la suspension de l’exécution des arrêtés d’autorisation d’ouverture des travaux et de création de la commission. Elle entraîne également, par voie de conséquence, la nécessité de suspendre l’exécution de l’arrêté portant autorisation d’occupation du domaine public maritime, lié à l’arrêté d’autorisation d’ouverture des travaux miniers. -le principe de précaution (article L. 110-1 du code de l’environnement et article 5 de la charte de l’environnement). Compte tenu de la richesse de la biodiversité et de la sensibilité du milieu, les préfets du Finistère et des Côtes-d’Armor auraient dû, tout comme le ministre, faire une application du principe de précaution dans le cadre de leurs décisions. En effet, les avis des instances spécialisées consultées dans le cadre de la procédure ont tous mis en évidence l’existence d’un risque d’atteinte grave et irréversible à l’environnement et aux écosystèmes lié à l’exploitation de la concession de sables coquilliers sur la dune de Trezen ar Gorjegou. Plus particulièrement, ce risque concerne : l’atteinte irréversible, directement opérée par l’extraction du sable coquillier, à la dune de Trezen ar Gorjegou façonnée par la houle et les courants de marée depuis des millénaires, qui présente la qualité d’habitat d’intérêt communautaire ; l’atteinte grave, durant toute la durée de l’exploitation et après celle-ci, à une zone d’habitat, de nourricerie et de frayère du lançon, espèce fourragère à la base de la chaîne alimentaire des espèces halieutiques et de nombreuses espèces d’oiseaux présentes dans la baie, parmi lesquelles l’une des espèces d’oiseaux les plus menacées d’Europe ; l’atteinte grave et manifeste à une zone de nourricerie de l’avifaune et, notamment, de l’ensemble des espèces protégées de la réserve des Sept-Îles ; l’atteinte grave et irréversible à la conservation des espèces piscicoles et avifaunistiques de la zone et la diminution drastique de ces espèces ; la dégradation irréversible d’habitats naturels d’intérêt communautaire, d’espèces animales et végétales alentours, incluant des espèces protégées, provoquée par le panache turbide généré par l’extraction ; l’atteinte grave et irréversible, par voie de conséquence, aux sites Natura 2000 situés de part et d’autre du périmètre de la concession minière ainsi qu’aux espèces de la réserve naturelle nationale des Sept-Îles ; l’atteinte grave et irréversible au trait de côte, manifestée par une érosion due à l’augmentation de la houle ; la plupart des N° 1603380… 5 conséquences du projet d’extraction sur l’environnement apparaissent certaines. Au stade de la décision des préfets, de nombreuses incertitudes demeuraient, d’ailleurs en grande partie imputables à l’insuffisance manifeste des études menées tout au long de la procédure par la CAN. -à tout le moins et en tout état de cause, les décisions prises par les préfets auraient dû être assorties de prescriptions pertinentes afin de prévenir les risques décrits précédemment, toujours en application du principe de précaution. Or, les prescriptions prévues dans l’arrêté d’autorisation d’exploitation de la concession sont très insuffisantes. Elles ne permettent pas d’assurer une prévention effective et proportionnelle à la gravité des dommages générés par le projet d’extraction de sables. les préfets ont commis une erreur d’appréciation quant au respect du dispositif Natura 2000 (articles L. 414-4 et suivants du code de l’environnement). L’autorisation d’un projet entrant dans le champ du dispositif Natura 2000 ne peut être accordée qu’à la triple condition que : les autorités compétentes aient acquis la certitude qu’il est dépourvu d’effets préjudiciables susceptibles d’empêcher le maintien durable des caractéristiques constitutives du site concerné ; elles aient identifié tous les aspects du projet pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation du site Natura 2000 concerné ; aucun doute raisonnable ne doit subsister d’un point de vue scientifique quant à l’absence d’effet. En l’espèce, aucune de ces trois conditions n’est respectée. quand bien même il aurait été régulièrement conclu, comme il se devait, à une atteinte aux objectifs de conservation des deux sites Natura 2000 concernés, la demande de la CAN n’aurait pas pu faire l’objet d’une autorisation d’exploitation, faute de répondre aux trois conditions cumulatives de la dérogation prévue par le VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement. les préfets ont commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation : -en ce qui concerne la sensibilité des écosystèmes concernés par le projet : absence de prise en compte de la présence du lançon, de l’impact direct sur les sites Natura 2000, du caractère irréversible de la destruction d’une partie de la dune et de la modification du trait de côte ; -en ce qui concerne les enjeux économiques de la baie de Lannion : absence de prise en compte des répercussions sur la pêche professionnelle et de l’impact sur le tourisme ; -en ce qui concerne les insuffisances du dossier de demande de la CAN. Il n’a pas été tenu compte des nombreux avis négatifs émis à l’encontre du projet tout au long de l’instruction de la demande de la CAN. Les préfets et le ministre de l’économie ont commis un détournement de procédure. En dépit de l’insuffisance de l’étude d’impact et de l’évaluation d’incidences Natura 2000 du dossier de demande de la CAN, l’instruction a été poursuivie et la concession ainsi que les autorisations subséquentes délivrées. Le ministre de l’économie a entendu pallier ces insuffisances en fixant des modalités spécifiques d’exploitation et en prescrivant des études complémentaires dans le décret et dans l’arrêté d’autorisation d’ouverture des travaux d’exploitation. Les arrêtés d’autorisation d’exploitation et d’occupation temporaire du domaine public maritime ont repris ces prescriptions en les détaillant. Cependant, le décret n° 2006-798 du 6 juillet 2006 ne permet pas au ministre de l’économie et aux préfets de régulariser un dossier de demande de titre minier et d’autorisation d’ouverture des travaux d’exploitation insuffisant au regard des exigences du code de l’environnement par le biais de prescriptions relatives à la réalisation d’un état initial. L’utilisation de synonyme du type « état zéro » ou « état de référence » ne saurait couvrir un tel détournement de procédure. L’article 21 du décret n° 2006798 ne donne pas droit au préfet de solliciter du pétitionnaire la réalisation d’un nouvel état N° 1603380… 6 initial. Le texte se limite à la surveillance des effets sur l’environnement. Or, en l’espèce, les autorités compétentes ont dévoyé les dispositions alors applicables des articles R. 122-3 et R. 414-21 du code de l’environnement imposant la réalisation d’une étude d’impact et d’une évaluation d’incidences complète préalablement à toute décision. Pour se convaincre de la réalisation d’un véritable état initial en lieu et place de l’état initial insuffisamment constitué dans le cadre de l’étude d’impact, il convient d’en consulter la teneur. Les compléments apportés par ce document auraient tous dû figurer dans l’étude d’impact initiale. Outre les dispositions du cahier des charges du décret du 14 septembre 2015, les prescriptions contenues dans les arrêtés attaqués et le contenu de l’état de référence réalisé en décembre 2015, un certain nombre de documents, produits tant par le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique que par les préfectures, attestent du détournement de procédure. Par des mémoires en défense enregistrés le 23 août 2016, la CAN, représentée par Me Sagalovitsch, conclut au rejet des requêtes et à ce qu’il soit mis à la charge de chacune des requérantes la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la condition d’urgence n’est pas établie ; - aucun des moyens soulevés n’est de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées. Par des mémoires en défense enregistrés le 25 août 2016, les préfets des Côtes-d’Armor et du Finistère concluent au rejet des requêtes. Ils font valoir que : - le tribunal administratif de Rennes est territorialement incompétent pour connaître des requêtes en application de l’article R. 341-2 du code de justice administrative ; - les communautés d’agglomération Lannion Trégor Communauté et Morlaix Communauté ainsi que les communes de Louannec, de Perros-Guirec, de Plouzélambre et de Trégastel ne justifient pas d’intérêt à agir ; - la condition d’urgence n’est pas établie ; - aucun des moyens soulevés n’est de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées. Vu : - les autres pièces des dossiers. - les requêtes au fond. Vu : - le code de l’environnement ; - le code minier ; - le décret n° 2006-798 du 6 juillet 2006 ; - le code de justice administrative. La présidente du tribunal a désigné M. Tronel, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. N° 1603380… 7 Ont été entendus, au cours de l’audience publique du 30 août 2016 : - le rapport de M. Tronel, juge des référés, - Me Antona Traversi, représentant les requérantes, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens. - MM. Bouillet, Dalidec et Harel, représentant les préfets des Côtes-d’Armor et du Finistère, qui concluent au rejet de la requête en exposant les arguments développés dans les écritures en défense. - Me du Besset, représentant la CAN, qui conclut au rejet de la requête. - M. Le Jeune, président de Lannion-Trégor Communauté, et M. Bidal, président de l’association Trébeurden patrimoine environnement, qui rappellent les conséquences négatives de ce projet sur le tourisme local, l’environnement et l’économie de la pêche. Ils relèvent en outre que l’extraction des sables coquilliers de la dune de Trezen ar Gorjegou n’est pas indispensable à la filière agricole bretonne et qu’une partie sera exportée à l’international. Ils précisent enfin que la connaissance fine de la dune dont l’ensemble des acteurs concernés disposent désormais conclut à sa nécessaire préservation et à l’arrêt de l’extraction envisagée. - Mme Guérin, responsable environnement et foncier de la CAN, qui précise les modalités d’intervention de la société sur le site et les enjeux économiques de cette exploitation. La parole ayant été donnée en dernier lieu aux représentants des préfets du Finistère et des Côtes-d’Armor. La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience. Sur la jonction : 1. Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une même ordonnance ; Sur la connexité : 2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 341-2 du code de justice administrative : « Dans le cas où un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi de conclusions relevant normalement de sa compétence mais connexes à des conclusions présentées devant le Conseil d'Etat et relevant de la compétence en premier et dernier ressort de celui-ci, son président renvoie au Conseil d'Etat lesdites conclusions. (…) » ; 3. Considérant que les préfets des Côtes-d’Armor et du Finistère doivent être regardés comme demandant le renvoi au Conseil d’État des requêtes en suspension en invoquant leur connexité avec plusieurs requêtes enregistrées au secrétariat du contentieux du Conseil d’État le 17 novembre 2015 et dirigées contre le décret du 14 septembre 2015 accordant la concession de sables calcaires coquilliers dites « concession de la pointe d’Armor » à la CAN ; que toutefois, des conclusions tendant à la suspension d’un acte administratif ne sont pas connexes à des conclusions tendant à l’annulation d’un autre acte ; que l’exception de connexité doit dès lors être écarté ; N° 1603380… 8 Sur les conclusions à fin de suspension : Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense ; 4. Considérant qu’aux termes du premier aliéna de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. » ; 5. Considérant qu’aucun des moyens susvisés n’est de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées ; que l’une des conditions mises par l’article L. 521-1 du code de justice administrative à la suspension de l’exécution d’une décision n’est pas remplie ; que dès lors, les requêtes doivent être rejetées y compris les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la CAN ; ORDONNE: Article 1er : Les requêtes susvisées, les conclusions des préfets du Finistère et des Côtes-d’Armor tendant au renvoi des requêtes au Conseil d’État et celles présentées par la CAN sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée aux communautés d’agglomération LannionTrégor Communauté et Morlaix Communauté, aux communes de Louannec, de Lannion, de Locquirec, de Perros-Guirec, de Plestin-les-Grèves, de Pleumeur-Bodou, de Plouzélambre, de Ploumilliau, de Saint-Michel-en-Grève, de Trébeurden, de Trédrez-Locquemeau, de Tréduder, de Trégastel, à l’association Trébeurden patrimoine environnement et à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Une copie pour information sera remise aux préfets du Finistère et des Côtes-d'Armor. Fait à Rennes, le 5 septembre 2016. Le juge des référés, Le greffier, signé signé N° 1603380… 9 N. Tronel M-A. Vernier La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.