LP 3 Rubrique DVD - Blogs Poker Academie

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LP 3 Rubrique DVD - Blogs Poker Academie
LP45p76-79_Technique-Sharp:LP3 AR pas si simple 20/04/11 10:40 Page76
TECHNIQUE
ÉQUITÉ TOI ?
PAR SHARP, PROFESSEUR SUR POKER-ACADEMIE.FR
Les différentes équités
en partie de cash game
Concept très usité en mathématiques financières, l’équité a été transposée à la théorie des jeux de façon très
utile. Ainsi, notre équité dans un coup donné nous indique s’il s’agit d’une proposition gagnante sur la durée.
Elle peut de surcroît être appréhendée au travers de diverses déclinaisons, notamment pour le cash game.
Q
u’est-ce que l’équité ? Y en
a-t-il de plusieurs formes ?
Comment la calcule-t-on ou
l’évalue-t-on en cash game ?
Voilà le sujet qui nous occupe
ce mois-ci. Pour répondre à toutes ces questions, prenons d’emblée un exemple simple et concret…
Les blindes sont de 1€/2€ et le stack effectif de 200 €. Alain et Jean partent à tapis
avant le flop et retournent leurs cartes. Le
premier affiche K♥K♠ et le second A♣K♣.
D’un commun accord, les deux concurrents
demandent au croupier de dérouler trois
tableaux au lieu d’un, chacun décidant du
gagnant pour un tiers du pot. Cette pratique, courante dans les grosses parties
d’argent, n’affecte en rien les chances de
chacun ; elle permet simplement de réduire
la variance, c’est-à-dire la part de chance.
Cependant, trois tableaux laissent encore
la part belle au hasard.
Poussons le raisonnement à l’extrême et
imaginons un croupier virtuel qui déroulerait un nombre infini de tableaux. En vertu
de la loi des grands nombres, le facteur
chance disparaît, le hasard n’intervient plus ;
le pot est maintenant partagé équitablement selon les chances de chacun.
En mathématiques financières, ces “parts”
ont un nom : l’équité. Cette valeur est utilisée à la Bourse pour évaluer la position
des porteurs d’actions en regard du prix
de leurs acquisitions. La théorie des jeux
de hasard, si proche des boursicotages,
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l’a adoptée afin de modéliser les chances de
chacun sur un coup donné qui serait répété
à l’infini.
ÉQUITÉ D’UNE MAIN
CONTRE UNE AUTRE
Les équités se calculent avec les chances
de gains : K♥K♠ gagne dans 65,48% des cas,
partage 0,82% du temps et perd 33,69% des
coups face à AK.
Sachant que chacun des deux opposants
a engagé 200 € dans cette situation, la
position d’Alain, détenteur de la paire de
Rois, vaut :
65,48 x 400 + 0,82 x 200 + 33,69% x 0 =
263,59 € ; celle de Jean vaut par conséquent 400 - 263,59 = 136,42 €.
Les mathématiciens n’aiment pas s’encombrer avec des devises et des montants. Peu
importe qu’Alain et Jean jouent pour 200 €,
200 millions de dollars ou 200 allumettes, le
résultat sera le même et il se soumet à deux
généralisations possibles…
• On peut exprimer l’équité en pourcentage,
tout simplement en divisant ces sommes
par la valeur du pot. Ainsi, l’équité de Jean
sera de 136,24 / 400 = 34,1%, et donc celle
d’Alain de 65,9%.
• Mais on peut aussi exprimer l’équité en
ratio, en considérant l’argent dans le pot
comme un placement, et l’équité comme
son rendement.
Pour chaque jeton mis au pot, et sachant
que son adversaire en investit autant, Jean
récupère, en espérance mathématique,
34,1% x 2 = 0,68. Soit une perte de 0,32 par
unité investie.
Partir à tapis est donc une opération à
-0,32 EV pour Jean et à +0,32 EV pour Alain.
Lorsque vous lisez qu’un coup est + EV,
l’auteur fait référence à l’équité exprimée
en ratio.
ÉQUITÉ CONTRE UN ÉVENTAIL
En cours de partie, il n’est pas possible de
calculer son équité face à la main adverse
puisque celle-ci est inconnue ; le seul recours
est donc de déterminer l’équité de son jeu
contre un éventail de mains.
Examinons cet exemple, où les blindes sont
de 1€/2€, le tapis effectif de 200 €, et où
nous recevons A♥K♠ en grosse blinde.
Alice relance au bouton à 6 € et Paul suit
depuis la petite blinde.
Or, Alice ouvre trois fois sur quatre depuis
le bouton : il est donc raisonnable de lui
assigner le top 75% des mains.
Et nous assignons à Paul l’éventail suivant :
99-22, AJs-ATs, A5s-A2s, KTs+, QTs+, J9s+, 8Ts+,
97s+, 87s, 76s, 65s, AJo-ATo, KJo+, QJo, TJo.
Inutile d’effectuer de lourds calculs mathématiques pour savoir que notre main est
en avance sur les éventails rivaux. En simulation sur le logiciel PokerStove, A♥K♠ a
effectivement 45% d’équité. Et, dans un
pot à trois joueurs, notre contribution est
de 33%.
Chaque euro investi empochera donc en
moyenne 3 x 0,45 = 1,35 €. Soit un gain net
de 0,35. Ainsi, si nous partions tous à tapis
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Photo : DR
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Cette somme représente donc notre gain
potentiel. Il nous faut alors en investir 170
pour la remporter, et les 170 € sont ce que
nous risquons.
La formule de base du calcul de cotes nous
donne le pourcentage au-delà duquel nous
pouvons payer :
Risque / (Risque + Gain) = 170 / (236 +
170) = 170 / 406 = 41,87%.
Avec 38,82% d’équité pour une cote de
42%, c’est une erreur d’engager son tapis
contre la range de Paul.
Notez cependant que cet exemple est
purement théorique. Dans la pratique, je
conseillerais de suivre à tapis. Avec seulement 3% d’équité d’écart entre les deux
lignes, l’erreur est marginale. En effet, contre
cet éventail, nous perdons en moyenne 5 €
sur les 170 engagés. Mais même un joueur
solide peut être en bluff. Bien sûr, ses mains
de bluff auront de l’équité contre AK, mais
pas assez pour que notre jeu ne puisse rattraper son retard.
avec ces éventails, nous ferions un gain
moyen théorique de 70 € grâce à notre AK.
Mais nous n’envisageons pas de simplement suivre la relance du bouton, qui a été
payée par la SB. Ici, notre main, notre position et les actions précédentes nous offrent
un spot de squeeze évident, et nous optons
pour une relance à 30 €. Pourquoi ?
• Pour la valeur de notre jeu. Avec une main
favorite contre les éventails adverses, il est
dans notre intérêt de gonfler le pot.
• Pour être équilibré. Face à deux éventails
aussi larges, c’est une très bonne situation
pour relancer en bluff, et nous voulons
équilibrer ces tentatives avec des squeezes
pour valeur.
• Pour améliorer notre jouabilité post-flop.
Si AK a une belle équité, la main reste difficilement jouable avec des tapis profonds,
en particulier lorsqu’elle est prise en étau
entre deux vilains aux éventails si larges.
Notre relance peut nous faire gagner le pot
de 13 € ou réduire le ratio entre le pot et
les tapis.
• Premier cas : Alice réclame tapis et Paul
abandonne.
Alice est consciente de son image agressive
au bouton : elle s’attend ainsi à se faire contrer tôt ou tard et a prévu une parade. Elle
relance pour valeur : 88+, AJs+, AQ+, soit le
top 6% et 3% en bluff. Difficile de déterminer les 3% de bluffs, dans lesquels nous
ajouterons KQo, 9Ts, 76s, 55, 44, A5s et A4s.
C’est un échantillon représentatif des mains
qu’Alice peut choisir de transformer en bluff.
En simulation sur PokerStove, notre jeu a
53% et est favori contre cet éventail. Il est
donc profitable d’engager notre tapis.
• Second cas : Alice s’écarte et Paul pousse
son tapis.
Paul a un style beaucoup plus solide
qu’Alice et n’engage jamais son tapis à
la légère. Nous sommes tombés dans un
piège… Paul a suivi la première relance
avec une premium dans l’espoir de nous
voir faire un squeeze. Son éventail de mains
ici est : QQ+, AK. Et là, notre jeu tombe à
38,82% d’équité seulement. N’étant pas
favori, notre décision va alors dépendre d’un
calcul de cotes.
Il y a 236 € au pot : 6 € engagés par Alice,
200 € par Paul et 30 € par nous-mêmes.
LISSER VOS RÉSULTATS
EN REGARD DES SKLANSKY
DOLLARS
Le poker reste un jeu de chance qui
nous fait vivre à tous des mauvais coups,
ainsi que des coups heureux. Étrangement (ou pas !), les premiers nous marquent plus que les seconds, et tous les
joueurs sont intimement persuadés
d’être plus malchanceux que la moyenne.
Alors, comment analyser sans biais nos
résultats ?
David Sklansky, l’un des premiers et plus
grands théoriciens du poker, a isolé la
part de chance dans nos résultats, en
s’appuyant justement sur l’équité. Dans
La Théorie du poker, à mon sens son meilleur
ouvrage, il a introduit pour ce faire les
“Sklansky Bucks”, ou dollars sklanskiens
– bucks étant un terme d’argot américain
signifiant dollars.
Le principe est de ne pas considérer les
résultats, mais, à chaque fois que l’argent
va au pot, de considérer l’équité et la
multiplier avec le montant des sommes
engagées. Ainsi, $ Sklansky = Sommes
engagées x Équité (exprimée en ratio).
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2♠2♥, et sa main tient. Notre résultat brut
affiche donc une perte de 200 €.
Qu’en est-il du point de vue de Sklansky ?
A♠K♥ a 47,35% d’équité contre 2♠2♥. Il
nous faut engager 180 € pour en gagner
230. $ Sklansky = (47,85% x 230) - (52,65% x
180) = 15,28 € de gains.
Étudions maintenant le problème grâce à
l’approche galfondienne. L’éventail {QQ+,
Photo : IMPDI
Si, par exemple, vous partez à tapis pour
100 € pré-flop avec AA contre JJ (environ
80% d’équité)… Sans prendre en compte le
rake (ou la taille), votre résultat sera +100 €,
-100 € – ou 0 € dans les rares cas de partage, quand les deux mains jouent le board.
En $ Sklansky, vous affichez un profit de :
100 x (+0,60) = 60 €. On peut aussi l’envisager ainsi : 80% du temps, vous gagnerez les 100 € adverses, et 20%
du temps, vous perdrez vos
100 € propres. Soit : 0,8 x 100 0,2 x 100 = 80 - 20 = 60 €.
Tant que vous affichez un profit en dollars “sklanskiens”, vous
serez gagnant sur le long terme,
affirme l’auteur. En raison de la loi
des grands nombres, la courbe
de profit réel, et celle de profit
en Sklansky Bucks, finiront par
se rejoindre.
GALFOND BUCKS
Le talent de Phil Galfond est de
plus en plus reconnu. À 25 ans, il
est l’un des plus gros gagnants
de ces dernières années, ainsi
qu’un théoricien respecté. En
2007, il a repris le travail de
Sklansky et y a introduit les “GBucks”, ou dollars galfondiens.
G-Bucks = Sommes engagées x
Équité de l’éventail des mains
contre celle adverse.
Galfond a amélioré la formule de Sklansky
en se basant sur l’éventail des mains avec
lesquelles on se serait engagé au lieu de
la simple main. Notez en revanche que
sa formule se borne à considérer le jeu
concurrent. Se baser sur un éventail introduirait des erreurs d’appréciation.
Voici un exemple où Galfond corrige utilement le concept de Sklansky…
Blindes toujours à 1€/2€, tapis effectif de
200 €… Un opposant ouvre à 8 €, nous le
controns à 20 € avec A♠K♥ depuis le bouton… quand la petite blinde relance à tapis
pour 200 €. Le premier relanceur s’écarte
et la parole nous revient. Contre ce profil
de joueur, notre éventail pour payer est
{QQ+, AK}. Nous callons son tapis, il retourne
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AK} a 74,9% d’équité contre 2♠2♥. Donc,
nous avons en G-Bucks : 74,9% x 230 25,1% x 180 = 127,09 € de gains.
Dans ce cas, les G-Bucks estiment beaucoup mieux notre avantage à long terme
face à un joueur capable d’engager son
tapis de façon aussi légère.
L’ÉQUITÉ DE BLUFF
ET LA FORMULE DE
SOUTH/NGUYEN
Cole South et Tri Nguyen sont deux joueurs
de grosses limites. Leur livre Let There Be
Range a fait sensation il y a deux ans. En
vente uniquement sur Internet, son prix
était de… 1850 $ !
Je ne révélerai pas ici de secret hors de prix.
Cette formule est présente dans les quatre
pages disponibles en libre lecture.
La plupart des coups en No Limit ne vont
pas à l’abattage. L’équité de bluff – la probabilité que notre adversaire jette sur une
mise ou une relance – modélise la part de
gains de ces situations.
Voyons l’utilisation de cette formule par
l’exemple…
Blindes à 1€/2€, tapis effectif de
200 € ; nous ouvrons à 7 € depuis
le premier poste avec J♠J♥.
Deux rivaux suivent et Arnaud
relance à 30 € depuis le bouton.
Les deux blindes s’écartent.
Arnaud 3-bet énormément. Il peut
faire ce squeeze avec une grande
variété de mains…
• Pour valeur, avec comme plan
d’engager son tapis : QQ+, AK.
• En bluff, avec des consécutives
assorties : 67s, T9s, des broadways,
ou des As.
C’est une situation difficile, et ce
d’autant qu’en plus d’Arnaud, nous
devons nous méfier des joueurs
restants. L’un d’eux peut s’être
embusqué avec une grosse main.
Examinons nos diverses options…
Suivre la relance est une proposition perdante : nous n’avons pas
la cote pour aller chercher un brelan et nous devrons jouer hors de
position une main moyenne.
Une relance nous engagerait nécessairement à tapis. En effet, on ne peut pas
relancer à 90 € pour jeter sur un all in :
nous aurions alors une cote supérieure à
2 contre 1, et la paire de Valets a largement cette cote contre l’éventail ennemi
pour valeur. Nos deux options sont donc
l’abandon ou le all in. Pour résoudre le
problème, comparons notre équité dans
chaque cas. Dans le premier, le “calcul” est
très simple, puisque l’abandon a pour
équité zéro ! Et maintenant, pour que faire
tapis soit justifié, que faut-il ?
Le pot contient trois mises de 7 €, une
relance de 30 €, et les blindes. Soit P = 54 €.
Notre équité contre l’éventail {QQ+, AK} vaut
H = 36%, et donc celle adverse : V = 64%.
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FORMULE D’ÉQUITÉ DE BLUFF DE SOUTH/NGUYEN
La magie des probabilités fait que les équités dans un pot s’additionnent.
Équité totale = Équité de bluff x Pot + Probabilité d’être payé x Équité du pot.
Et, par définition, Probabilité d’être payé = 1 - Équité de bluff.
En développant cette formule, South et Nguyen ont déterminé l’équité de bluff avec
laquelle on a intérêt à s’engager dans un pot, connaissant notre équité quand on est payé.
C’est ainsi que l’on obtient la fameuse formule d’équité de bluff de South/Nguyen :
L’Équité d’un bluff = XP + (1 - X) x (WH - LV).
X est notre inconnue de l’équation, elle représente l’équité de bluff.
P = la taille du pot.
L = notre risque.
V = l’équité de notre adversaire s’il nous paye.
W = notre gain maximal une fois que nous sommes payés.
H = notre équité si nous sommes payés.
Notez que la formule utilise les équités en pourcentage.
Nous risquons 193 € de tapis.
Notre gain maximal si nous sommes payés
par le bouton est :
W = P + 170 = 224 € ; et si un joueur en
sandwich se réveille avec une main, il atteindra : W’ = P + 193 = 247 €.
Afin d’alléger les calculs, négligeons les cas
où deux rivaux nous payent. Si deux joueurs
partent à tapis, le troisième peut jeter AK
ou QQ. Cependant, cette hypothèse est
à notre avantage. Pour la corriger, nous
supposerons que notre gain maximal est
de 224 €. Le choix d’un éventail adverse
très serré contrebalance également notre
désavantage. Il suffit qu’Arnaud paye avec
des mains plus faibles (AQs, TT) pour augmenter significativement notre équité et
nos raisons de faire tapis.
Le reste est un simple calcul d’algèbre
pour lequel nous recourons à la formule
South/Nguyen, explicitée ci-dessus :
54X + (1 - X) x (-64% x 193 + 36% x 247) > 0.
54X + (1 - X) (-34,6) > 0.
54X + 34,6X > 34,6.
X > 39%.
Si les trois joueurs se couchent dans plus
de 39% des cas, alors engager notre tapis
devient justifié.
Nous pouvons donc prendre la bonne décision en regard de l’opposition.
L’éventail {QQ+, AK} représente 2,5% des
mains. En supposant qu’Arnaud squeeze
avec une fréquence de 7,5%, il y a donc
deux chances sur trois qu’il se couche sur
notre 4-bet.
Si les deux joueurs en sandwich ont des
profils larges et passifs, les chances qu’ils
soient embusqués avec une grosse main
sont minimes. J’évalue approximativement
à 10% les chances d’être payé par chacun
d’eux. Cela représente une grosse paire ou
AK, joué mollement face à la première
relance, mais qui n’entend pas se coucher.
On peut jauger les chances de ne pas aller
à l’abattage en faisant comme si les événements étaient indépendants. Le raisonnement est mathématiquement faux,
mais nous sommes sur des estimations :
X = 90% x 90% x 66% = 53,46%.
Même si l’on a fait beaucoup de simplifications en chemin, l’écart entre 39% et 53,46%
reste assez important. La conclusion est
claire : notre équité de bluff justifie amplement le call et il faut engager son tapis.
Cependant, si les joueurs en sandwich
n’étaient plus des rivaux larges et passifs,
mais des réguliers aux profils agressifs et
roublards, la conclusion n’est plus aussi
tranchée. Assignons à 40% les chances
du premier d’avoir une grosse main avec
laquelle il souhaiterait “trap” – l’éventail
pour payer une relance dans cette position
est généralement fort –, et à 5% les chances
du second d’être embusqué – seulement
5%, car peu de joueurs prennent le risque
de sous-jouer une main face à un ouvreur
et un suiveur.
Notre équité de bluff devient X = 60% x
95% x 66% = 37,6%.
Après toutes les simplifications, l’écart est
trop fin pour conclure. La décision est marginale, et la variance qu’elle entraîne importante. Dans la pratique, je coucherais paire
de Valets dans cette situation.
L’ÉQUITÉ CONTRAIRE
Prenons enfin un dernier exemple qui va
nous permettre d’introduire une ultime
notion, celle d’équité contraire…
Les blindes sont de 1€/2€, le tapis effectif
de 200 € ; un joueur ouvre à 8 €, et nous le
suivons au bouton avec 8♠8♣.
Nous abordons le flop en tête à tête et, sur
A♥9♥2♦, nous faisons face à une mise en
continuation de 12 € dans un pot qui en
compte 19.
Le joueur est un solide régulier, nous le plaçons sur l’éventail : 66+, ATs+, KTs+, QTs+,
JTs, T9s, 98s, 87s, 76s, AJo+, KQo.
Notre jeu a 37% d’équité contre cet éventail.
Il coûte 12 € pour en gagner 31 : suivre
la mise est donc légitime avec plus de
12 / (12 + 31) = 27,9%.
Ce serait la ligne de jeu optimale si nous
étions alors à tapis, ou contre un rival
qui ne mise jamais de deuxième salve. Mais
un bon joueur va poursuivre l’agression en
bluff, en semi-bluff ou quand il nous a battus. Nous aurons bien du mal à suivre une
deuxième et encore plus une troisième
salve avec une paire de Huit. Et payer au
flop pour jeter au tournant nous ferait perdre 12 € supplémentaires.
La protection de notre tapis induit une
équité contraire négative assez significative
pour conduire à jeter 88 dans cette situation. Il est difficile de mesurer mathématiquement cette équité. Tout dépendra de la
texture du flop et de la propension de l’opposant à miser le turn et la river.
L’équité contraire est le pendant de l’équité
de bluff. Contre un concurrent suspicieux
peu enclin à jeter, votre équité de bluff est
faible. Vous devrez alors maximiser votre
équité en misant inlassablement lorsque
vous connectez au flop, afin de lui faire
payer l’équité contraire. ■
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