Les forces en présence à Guadalcanal en août 1942

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Les forces en présence à Guadalcanal en août 1942
Appendice 1
Les forces en présence à Guadalcanal en août 1942
Les forces terrestres japonaises
D’après C. Mathieu, L’Armée Impériale japonaise dans la Seconde Guerre Mondiale.
Guadalcanal était pour la Marine Impériale japonaise, depuis les nouveaux plans établis par
Yamamoto en mai, après la bataille de la Mer de Corail, un avant-poste de leur offensive, un
point d’appui aérien permettant d’abord de gêner le trafic maritime allié, puis de participer à
l’attaque de la Nouvelle-Calédonie, des Fidji et des Nouvelles-Hébrides, et de couvrir le flanc
d’une future offensive contre la Nouvelle-Guinée.
L’aérodrome de Tenaru et l’hydrobase de Tulagi devant jouer un rôle important dans cette
offensive, il fut décidé d’occuper l’île (et les îlots voisins), avec assez de forces pour les
protéger contre un éventuel raid de commandos. Le terrain très inhospitalier limitait par
ailleurs la variété du matériel employé.
La coordination entre l’Armée et la Marine Impériales fut, comme souvent, des plus réduites,
et même nulle avant l’arrivée des Américains – l’existence même de l’aérodrome de Tenaru
était inconnue de l’Armée ! Guadalcanal et l’ensemble des Salomon Orientales faisaient en
effet partie d’une zone dont le contrôle exclusif était dévolu à la Marine, à la suite d’un accord
conclu entre les deux états-majors. La Marine avait donc pris en charge au départ l’ensemble
de la défense.
Les forces au 7 août
A Tulagi et Gavutu débarquèrent plus de 1 000 combattants de la 3e Force Spéciale Navale de
Débarquement de Kure (ou 3e SNLF, récemment formée, à ne pas confondre avec les 1ère et 2e
Forces Spéciales de Kure), ainsi que 600 travailleurs rattachés à cette unité. Le lieutenant
Juntaro Maruyama commandait le détachement de Tulagi, le lieutenant Kakichi Yoshimoto
celui de Gavutu. Leurs forces, réparties entre les deux îles, n’avaient pas en propre
d’armement plus lourd que huit mitrailleuses Type 92 et quatre canons antichars de 37 mm 1.
Elles furent renforcées par un canon de 75 mm AA et quatre canons de 40 mm Vickers.
A Guadalcanal débarquèrent 2 300 hommes : une centaine d’hommes de la 3e SNLF et les 11e
et 13e Unités de Construction Navales (en tout 2 200 hommes dont 1 800 Coréens), chargés
d’achever l’aérodrome, de l’entretenir et de développer le petit port de Pointe Cruz.
1
Contrairement à une légende tenace, les SNLF ne constituent pas l’équivalent des US Marines. A l’origine, le
Japon ne possédait pas de corps de Marines au sens américain (infanterie légère pratiquant des débarquements de
vive force). Quand la nécessité se faisait sentir, le corps de débarquement était constitué d’une partie de
l’équipage des navires. Les résultats ne furent pas toujours excellents : les marins n’étaient ni entraînés, ni
équipés pour des actions terrestres, et les navires subissaient la perte d’hommes qualifiés et difficilement
remplaçables. Devant le manque d’efficacité de cette solution, des forces spéciales de débarquement furent
constituées vers la fin des années 1920 au sein des quatre Chinjufu (districts navals) : Sasebo, Maizuru, Kure et
Yokosuka, ainsi qu’à Shanghai. Dénommées en japonais rikusentai, ces unités sont aujourd’hui beaucoup plus
connues sous le sigle anglais de SNLF (Special Naval Landing Forces, forces navales spéciales de
débarquement). Elles ne dépendaient que de la Marine et portaient le nom de la base navale où elles avaient été
formées ou du lieu de leur première entrée en action (pour Shanghai).
Bien que les SNLF aient été organisées selon des règles officielles, leur puissance réelle variait énormément au
cours du temps, car chaque unité était renforcée ou scindée en fonction de la mission. Leur taille pouvait
atteindre les 1 000 hommes ou descendre en dessous de 200, avec une moyenne de 600.
Par ailleurs, les navires continuèrent parfois à former des groupes de débarquement, eux aussi dénommés
rikusentai puisque ce mot désigne en japonais toute force navale débarquée, qu’il s’agisse d’une unité des SNLF,
d’un détachement de marins provisoire ou d’un groupe d’hommes envoyé à terre pour une mission logistique.
Cela contribue à troubler les estimations et les Américains firent plus d’une fois la confusion.
………………
D’autres unités suivirent dès l’achèvement de l’aérodrome, afin de le protéger contre un
éventuel raid américain.
Pour préserver les avions basés dans l’île d’un débarquement de commandos, la Marine
installa sur Guadalcanal la 5e SNLF de Yokosuka (900 hommes, soit trois compagnies, avec
huit mitrailleuses lourdes et quatre canons de 37 mm). Elle fut déployée entre l’aérodrome et
les plages.
Pour faire face à la menace aérienne, une unité de DCA renforcée (800 hommes) fut envoyée
sur place. Elle était dotée de 24 canons de 25 mm AA et de 16 canons de 75 mm AA (très
différents des 75 de montagne de l’Armée). La plupart de ces armes furent disposées autour
de l’aérodrome. Quatre 25 mm furent déployés autour des installations de Pointe Cruz et deux
75 AA tout près de là, sur une hauteur dominant le petit port. Un autre 75 AA fut déployé sur
l’îlot de Tanambogo. Selon la doctrine en vigueur, les 75 AA furent au départ le plus souvent
déployés dans des “donuts”, sobriquet attribué par les pilotes américains surpris de rencontrer
des positions circulaires composées de deux murailles de terre autour de la fosse du canon. Si
la protection offerte était très bonne, l’utilisation du canon contre des objectifs non aériens
pouvait exiger des heures de travail.
Pour préserver la baie contre un éventuel raid de bombardement naval, l’état-major de la
Marine Impériale dans la région fit installer deux batteries de deux canons de 5,5 pouces
récupérées sur le croiseur auxiliaire Gokoku Maru, une de chaque côté de la Pointe Lunga.
Elles n’auraient évidemment pas pu faire grand-chose contre un croiseur de bataille, mais le
geste était utile au prestige de la Marine, qui marquait ainsi son empreinte sur l’île. Le
Gokoku Maru fournit aussi quatre vieux canons de 40 mm Vickers, qui allèrent renforcer la 3e
SNLF.
Pour donner aussi à la base une certaine capacité d’auto-défense en cas de raid nocturne de
bombardement naval, les vedettes lance-torpilles du 2e Escadron indépendant Gyoratei
(commandant : lieutenant Iishi) furent aussi basées sur place. Les G-1, G-2 et G-3 étaient des
vedettes lance-torpilles de classe T-1 (20,5 tonnes, 20 m de long, 38,5 nœuds, 2 mitrailleuses
et 2 torpilles de 18 pouces 2), capables de franchir 210 nautiques à 30 nœuds et dotés d’un
moteur de croisière silencieux 3. Elles étaient soutenues par le Kaiyo Maru 1 (150 GRT,
ancien bateau utilisé par les autorités locales) et par un transporteur de carburant de 1 150
GRT qui faisait la navette avec Rabaul. Cette force était camouflée dans la rivière Mbonehe
(l’alternance eau salée/eau douce nettoyant les coques), près de la pointe de Tassafaronga,
sous la garde du détachement de la 3e SNLF.
………
Une quinzaine de jours avant l’arrivée des Américains, les reconnaissances aériennes menées
par les Betty de Tenaru et les hydravions H6K (Mavis) de Tulagi avaient fait redouter une
action alliée à l’état-major de la Marine Impériale, à Rabaul. Les services de renseignements
japonais jugeaient cependant que les Américains seraient incapables d’une action offensive
amphibie d’envergure avant le mois d’octobre 1942 au plus tôt (voire avant le mois de mai
1943 !). Seul un raid de commandos était donc à redouter : la concentration de forces
2
Ces torpilles de 18 pouces étaient des torpilles aériennes standards de la Marine Impériale, Type 91 Mk 1 de
1931, à peine modifiées. Elles étaient lâchées à côté de la vedette et accéléraient à partir de presque zéro. Si le
lanceur était immobile, il leur fallait environ 200 mètres pour que leur profondeur se stabilise. La charge
explosive était de 150 kg et la portée de 2 200 mètres à une vitesse de 41 à 43 nœuds. Ces torpilles laissaient un
sillage de bulles. Elles étaient en nombre limité dans la région et la plupart étant réservées aux avions torpilleurs,
le détachement Iishi n’en avait que six en réserve.
3
Ces petits bâtiments (et leurs successeurs) étaient inspirés de modèles allemands et construits par Yokohama
Yacht Co. Le constructeur avait eu des problèmes avec la coque, problèmes résolus à la suite d’échanges avec
les spécialistes de la Kriegsmarine au premier trimestre 1942.
terrestres signalée en Nouvelle-Calédonie ne pouvait être que défensive. C’est pourquoi la
garnison de Guadalcanal, la plus exposée, fut simplement priée de prendre des dispositions
contre des commandos. C’est à ce moment que le capitaine de corvette Naga, qui commandait
la 5e SNLF et l’unité de DCA, envoya une compagnie garder les rudimentaires installations
portuaires de l’île, à Pointe Cruz, avec les quatre 37 mm.
Les premiers renforts
Ce n’est qu’après le débarquement américain que la Marine se résigna à faire appel à
l’Armée, qu’elle avait soigneusement “oublié” d’informer de l’existence d’un aérodrome
jusqu’à ce moment. Mais nécessité faisait loi : seule l’Armée disposait de troupes, qui
dépendaient de la 17e Armée du lieutenant-général Harukichi Hyakutake (à Rabaul). Fou
furieux d’apprendre que la Marine avait eu un aérodrome dans les Salomon Orientales et que
les Américains étaient en train de le lui enlever, il se retrouvait contraint de tenter d’envoyer
sur place toutes les troupes disponibles dans la région. Il faut d’ailleurs reconnaître que
l’Armée japonaise fut capable de mobiliser très rapidement des effectifs notables.
………
Ce fut d’abord le 28e Régiment d’Infanterie de la 7e Division, commandé par le colonel
Kiyono Ichiki (trois bataillons totalisant 3 600 hommes et dotés de 2 canons de 70 mm
chacun) et son artillerie régimentaire (une batterie d’artillerie de montagne avec 4 x 75 mm
courts et une compagnie antichar avec 6 x 37 mm). Le 7e régiment du génie (en fait, le
bataillon spécialisé de la 7e DI, comptant 900 hommes) et le 1er Bataillon du Régiment
d’Artillerie de la 7e Division (12 canons de 75 mm courts de montagne, 900 hommes) étaient
également disponibles 4. Une partie de ces unités avaient été prévues pour l’opération de
débarquement à Midway, dont l’annulation avait été décidée après la Mer de Corail.
Ces forces étaient normalement dotées de centaines de chevaux (800 pour le seul 28e RI), qui
avaient été laissés au Japon, le paludisme endémique et le climat des îles “paradisiaques” du
Pacifique Sud étant encore plus nuisibles pour eux que pour les hommes. De plus, les
stratèges de Tokyo considéraient que ces bêtes seraient inutiles pour les opérations que le
régiment aurait à mener.
A Rabaul se trouvait en revanche un des quatre hôpitaux de campagne de la 7e Division, avec
une unité de brancardiers et une unité de purification d’eau. L’état-major de la 17e Armée était
en effet soucieux d’éviter les graves problèmes de santé rencontrés en Malaisie. Mais il ne fut
jamais possible d’envoyer l’hôpital sur les traces du 28e d’Infanterie.
La 7e D.I. était une division d’active, et nombre de ses hommes avaient eu l’occasion de
participer aux opérations en Chine. Malheureusement pour eux, s’ils étaient préparés au
combat, les leçons qu’ils avaient apprises face à des combattants peu entraînés et mal équipés
devaient se révéler sans valeur devant les US Marines. C’est en partie cette expérience qui les
conduisit à commettre lors de cette campagne des erreurs telles que la sous-estimation
systématique des forces américaines, en nombre et surtout en qualité, le manque de sécurité
opérationnelle 5 et la croyance en l’intangible, c’est à dire en la prédominance du moral sur le
matériel. Comme ils l’apprendraient à leurs dépens face à des positions soutenues par des
armes automatiques, “le Feu tue”.
4
Il est à noter que ces unités étaient au complet – une rareté déjà pour l’époque – et suivaient les Tables
Officielles de 1941 pour un régiment de Classe B (standard). Ses caractéristiques principales étaient à l’image
des choix tactiques japonais : légèreté de la structure, absence presque totale de capacité anti-char dans cette
zone de jungle, accent porté sur le nombre d’hommes au détriment des unités de soutien. Depuis quelques
semaines, les enseignements de la campagne de Singapour avaient commencé à faire évoluer les conceptions,
mais bien évidemment, cette évolution ne pouvait encore se faire sentir en première ligne.
5
Ainsi, beaucoup d’officiers tenaient un journal intime souvent fort précis sur les opérations en cours, et ces
documents retrouvés sur leurs cadavres furent d’une grande utilité pour les Américains.
………
La deuxième unité terrestre de quelque importance susceptible de se porter au secours de
Guadalcanal était le 124e Rgt d’Infanterie (de la 35e Brigade), très semblable au 28e RI.
Hyakutake disposait aussi d’une compagnie de mortiers de 81 mm (150 hommes) et d’une
compagnie antichars indépendante (6 x 47 mm).
Le reste de la 7e DI (deux régiments d’infanterie et deux bataillons d’artillerie) et le reste de la
35e Brigade étaient encore dispersés dans le vaste empire contrôlé par les Japonais,
notamment en raison de la résistance inattendue des forces alliées, à Singapour bien sûr, mais
aussi en Indochine (où se trouvait le reste de la 7e DI) et aux Philippines (où stationnait le gros
de la 35e Brigade).
Le problème logistique
A la veille du débarquement allié, le nombre total de Japonais (et de Coréens) à Guadalcanal
et dans les îles voisines s’élevait à environ 5 000 hommes. Deux fortes SNLF, trois unités de
construction, une unité de DCA renforcée, une batterie côtière et un détachement de trois
vedettes lance-torpilles – plus les équipages et mécaniciens des éléments de la 25e Flottille
Aérienne basés à Tenaru et à Tulagi, qui n’allaient pas rester très longtemps.
Le ravitaillement de tout ce monde était déjà difficile. Nourrir autant d’hommes demandait 5
tonnes de nourriture par jour. Il fallait aussi les ravitailler en munitions, en pièces de
rechange… et, jusqu’au débarquement des Marines, en essence d’aviation.
Par la suite, il s’avéra tout aussi difficile de ravitailler les troupes que les Japonais allaient
jeter sur Guadalcanal. Le principal problème était avant tout la distance. Si les dépôts de
Rabaul ou de Truk était correctement approvisionnés, les logisticiens japonais avaient un
choix difficile à faire entre des cargos vulnérables, lents et difficiles à décharger par manque
d’infrastructures, mais de grande capacité, et des destroyers rapides, mais de faible capacité et
consommant de grandes quantités de mazout. L’utilisation des croiseurs auxiliaires
“démobilisés” (navires civils rapides armés et utilisés à des tâches d’escorte que l’on avait
rendus au transport), dont quatre avaient été affectés aux Salomon, n’apporta qu’une réponse
partielle au problème. En effet, les Saigon Maru et Bangkok Maru (5 350 GRT, 18 nœuds),
Kongo Maru (8 624 GRT, 18 nœuds) et Kiyozumi Maru (8 613 GRT, 18 nœuds) allaient vite,
mais consommaient beaucoup de mazout.
Certains historiens (P.Z. Hiller, 1994) calculèrent que le simple ravitaillement de Guadalcanal
avait coûté pendant la bataille près de 5% des capacités de production de mazout japonaises !
Les Combat Groups de l’USMC et de l’AMF et leurs missions
1ère Division de l’US Marine Corps (général Alexander Vandegrift)
Combat Group A (colonel Hunt, sur l’American Legion)
5e Rgt de Marines : débarquer sur Red Beach et sécuriser la tête de pont.
Combat Group B (colonel Gates, sur le Barnett)
1er Rgt de Marines : débarquer à H + 120 minutes, traverser le Combat Group A et avancer en
direction du Mont Austen et de l’aérodrome.
Raider Group (colonel Edson, sur le Colhoun)
1er Bataillon de Raiders : débarquer à Pointe Cruz et s’emparer du petit port.
Bataillon Parachutiste : renforcer cette position à H + 1 heure et avancer vers l’aérodrome par
l’ouest.
Groupe de Soutien (colonel Del Valle, sur le Hunter Liggett)
Débarquer sur Red Beach, installer l’artillerie et la DCA et assurer la défense de la tête de
pont.
Note – L’artillerie de la 1ère Division USMC est officiellement dénommée “11e Régiment de
Marines”.
Réserve (colonel Arthur)
2e Rgt de Marines.
………………
28e Brigade de l’AMF (Australian Military Force, “Militia”)
13e Bataillon : débarquer à Gavutu, s’emparer de Gavutu et Tanambogo.
17e Bataillon : débarquer à Halavo et Halita, sur Florida.
18e Bataillon : débarquer sur Blue Beach (Tulagi) et s’emparer de l’île.
La participation australienne
D’après B. Marcus, Les Forces armées australiennes dans la Seconde Guerre Mondiale.
La présence des forces australiennes lors de Watchtower peut sembler paradoxale et ne
s’explique qu’en prenant en considération la situation politique entre les Alliés. En effet, le
Premier ministre australien John Curtin percevait parfaitement l’ampleur de la menace
japonaise et le risque de se retrouver coupé de la Grande-Bretagne. Son fameux message du
26 décembre 1941 6 ouvrait la voie à plus de coopération avec les USA – sans certitude
aucune, d’ailleurs, d’être entendu. Il provoqua un émoi certain à Londres comme à
Washington. Autant cette annonce irrita Churchill, autant Roosevelt lut fort bien la crainte et
la panique entre les lignes. Et l’élimination de la flotte alliée lors de la bataille de Mer de
Chine Méridionale, quelques jours plus tard, ne fit qu’ajouter à cette panique.
Néanmoins, l’état d’esprit des Australiens n’influa pas sur la décision américaine de confier la
gestion du théâtre Pacifique à l’US Navy (décision confirmée quelques mois plus tard lors de
la mort de Douglas MacArthur, seul général qu’il aurait été envisageable de nommer
commandant en chef de tout le théâtre). Curtin comprit fort bien que ce choix risquait de faire
passer l’Australie au troisième rang des préoccupations alliées.
La première solution fut d’intégrer vaille que vaille des forces australiennes, même de taille
réduite, dans les premières opérations offensives, pour affermir le moral des civils et
repositionner le pays sur l’échiquier diplomatique. Evidemment, cela n’alla pas sans mal car
les habitants de Darwin craignaient que le départ de ces forces ne laisse le pays – et en
particulier leur région – démuni face à une invasion directe.
Par ailleurs, les partisans les plus extrémistes de la “White Australia Policy” critiquaient
l’arrivée sur le territoire australien des premières unités de construction américaines,
composées en grande partie de Noirs. Curtin lui-même soutenait cette attitude 7, mais il lui
fallait bien donner des gages à Washington. Aussi les Noirs américains débarquèrent-ils en
Australie, et les Blancs australiens aux Salomon.
………
Dès le mois de mai 1942, la 1ère Division de l’AMF (QG à Sydney) fut chargée de former
d’urgence une brigade destinée à participer à la campagne des Salomon. Il restait très peu de
temps pour créer et entraîner une unité amphibie. Pendant que trois croiseurs auxiliaires
étaient retirés de leurs missions d’escorte de convois et hâtivement convertis en transports
d’assaut, les troupes choisies furent entraînées à Sydney.
Désignée pour cette tâche, la 28e Brigade n’avait que deux bataillons (le 17e et le 18e) ; un
troisième (le 13e) lui fut ajouté, emprunté à la 1ère Brigade. On renforça aussi la brigade avec
le 9e Bataillon d’Artillerie, RAA (25 pdr), une compagnie du génie (1ère Field Company,
RAE) et une Compagnie Blindée Mixte. Cette dernière fut formée avec des chars et des
6
“We look for a solid and impregnable barrier of the Democracies against the three Axis powers, and we refuse
to accept the dictum that the Pacific struggle must be treated as a subordinate segment of the general conflict.
By that it is not meant that any one of the other theatres of war is of less importance than the Pacific, but that
Australia asks for a concerted plan evoking the greatest strength at the Democracies' disposal, determined upon
hurling Japan back. The Australian Government, therefore regards the Pacific struggle as primarily one in
which the United States and Australia must have the fullest say in the direction of the Democracies' fighting
plan. Without any inhibitions of any kind, I make it clear that Australia looks to America, free of any pangs as to
our traditional links or kinship with the United Kingdom. We know the problems that the United Kingdom faces.
We know the dangers of dispersal of strength, but we know too that Australia can go and Britain can still hold
on. We are, therefore, determined that Australia shall not go, and we shall exert all our energies towards the
shaping of a plan, with the United States as its keystone, which will give to our country some confidence of being
able to hold out until the tide of battle swings against the enemy.”
7
“This country shall remain forever the home of the descendants of those people who came here in peace in
order to establish in the South Seas an outpost of the British race.”
équipages du 4e Armoured Battalion de la 2e Division de Cavalerie de l’AMF, renforcés de
vétérans évacués de Malaisie. La compagnie blindée comptait cinq chars Valentine, trois
Matilda I, deux petits Mk VI, plus deux Covenanter (ou Cruiser V) et un Covenanter poseur
de pont, qui avaient trouvé le chemin des quais de Melbourne 8. On ajouta (pour éviter le
chiffre treize, prétendirent de mauvaises langues) deux modèles de pré-production du nouveau
char Sentinel (ou “Australian Cruiser”), équipé d’un canon de 25 livres. On pensait tester au
combat ce blindé, mis au point avec l’aide de l’ingénieur français Perrier, dans ces conditions
que l’on espérait relativement peu sévères. La compagnie comptait donc en tout quinze
véhicules.
La grande variété de véhicules était moins gênante qu’il n’y paraissait. Elle résultait du fait
que tous les camps d’entraînement et dépôts britanniques avaient été priés d’expédier aux
Antipodes leurs blindés plus ou moins dépareillés. Si certains responsables n’avaient envoyé
que des rebuts inutilisables, la plupart avaient compris que des hommes pourraient bien voir le
feu dans ces engins d’occasion. En général, les véhicules arrivaient donc dûment révisés, avec
leur dossier d’entretien en trois exemplaires dans une sacoche accrochée au siège du
conducteur et un caisson de pièces détachées sanglé au pont arrière. Ils étaient donc prêts au
combat dès leur arrivée. Les chars américains, quoique neufs, avaient moins bonne réputation
que les exilés britanniques, parce qu’ils arrivaient le plus souvent dépourvus de composants
essentiels et du moindre manuel technique.
Les unités de la 28e Brigade commencèrent à s’entraîner en juin. Le 7 août, elles étaient loin
d’être parfaitement formées ou équipées pour leur tâche, mais elles étaient simplement la
meilleure force disponible.
Les trois AMC de la Royal Australian Navy, les Kanimbla, Manoora et Westralia, furent
donc convertis en transports d’assaut. Dans l’urgence, cette transformation fut partielle – ils
perdirent leur hydravion (le Kanimbla n’en avait pas) et se virent équipés de bossoirs lourds et
de LCVP pour débarquer les troupes, mais conservèrent leurs sept canons de 6 pouces.
Le cargo Iron Chieftain, spécialisé dans le transport du minerai de fer et doté de grues
puissantes et de ponts renforcés, fut transformé pour transporter des véhicules et des chars,
ainsi que des pontons plats construits à la hâte, afin de pouvoir d’abord débarquer les chars,
puis former un quai flottant doté de grues légères.
La RAN fournit aussi deux ravitailleurs auxiliaires d’hydravions, le Zealandia et le Nairana.
Ce dernier avait été modifié selon des plans datant de la Première Guerre, lors de son service
dans la Royal Navy. Grâce à de frénétiques demandes auprès de Londres, ils transportaient
vingt-quatre hydravions : 16 Spitfire hydravions surnommés Floatfire (dont quatre démontés,
en caisses) 9, six Swordfish à flotteurs et deux des ubiquitaires amphibies Walrus, d’allure
préhistorique mais toujours très utiles.
Enfin, il faut rappeler la contribution la plus puissante de la RAN : l’Australia, seul croiseur
lourd du dominion depuis la perte du Canberra.
8
La plupart de ces chars et notamment les trois Covenanter avaient été fournis par les Britanniques, au titre d’un
programme d’aide d’urgence décidé au moment de la bataille de la Mer de Corail. L’engin poseur de pont était
en général considéré comme le résultat d’un exercice de chargement pour grutiers britanniques ivres ayant
affreusement mal tourné, ou comme un acte de vengeance commis par l’un de ces mêmes grutiers dont la femme
aurait été séduite par un Australien servant en Grande-Bretagne.
9
En fait des Spitfire V, prélevés parmi ceux qui venaient d’être remplacés par des Spitfire IX et XII dans les
Wings de la RAF, et convertis par Folland Aircraft avec des flotteurs fabriqués à la hâte (les appareils du même
genre déployés à Port Blair étaient des Spitfire I modifiés).
Appendice 2
1ère bataille de Savo (9 août 1942) : les forces en présence
Navires détruits – Navires endommagés°
Les Japonais : l’Escadre “des Mers du Sud”
– 2e Escadron de Destroyers (contre-amiral Raizo Tanaka)
CL Jintsu° (amiral)
Destroyers Amatsukaze°, Hatsukaze, Hayashio, Kuroshio et Oyashio (classe Kagerô).
– Détachement de la 9e Division de Croiseurs pour entraînement après rééquipement
CLTT Kitakami
– 6e Division de Croiseurs (contre-amiral Aritomo Goto)
CA Aoba°, Furutaka°, Kako° et Kinugasa
– 18e Division de Croiseurs (contre-amiral Mitsuharu Matsuyama)
CL Tatsuta et Yûbari
Les Alliés : le convoi et son escorte
1 – Task Force de Transport (contre-amiral Turner, à bord du MN Jeanne d’Arc)
– Groupe de Transports X-Ray
Transdiv A : American Legion, Bellatrix, Fuller
Transdiv B : Barnett, George F. Elliot, Libra, McCawley
Transdiv C : Alchiba, Betelgeuse, Fomalhaut, Hunter Liggett
Transdiv D : Alhena, Crescent City, President Adams, President Hayes
– Groupe de Transports Yoke
Transdiv E : Heywood, Neville, President Jackson, Zeilin
Transdiv 12 (DD convertis en transports ou APD) : Colhoun, Gregory, Little, McKean
– Groupe de la Royal Australian Navy
AMC convertis Kanimbla, Manoora, Westralia
Transport Iron Chieftain
Ravitailleurs d’hydravions auxiliaires Nairana, Zealandia
Navire hôpital Wanganella
– Ecran
CL Jeanne d’Arc
DD Dewey, Helm, Hull, Jarvis, Mugford [coulé avant la bataille de Savo 1], Wilson
DMS Hopkins, Hovey, Southard, Trever [coulé après la bataille de Savo 1], Zane
2 – Task Force de couverture (contre-amiral Crutchley, à bord du HMAS Australia)
CA Australia°, Astoria, Quincy, Vincennes, Wichita
CL Leander°
CLAA San Juan
DD Bagley, Blue, Buchanan°, Henley, Monssen°, Patterson, Ralph Talbot
Appendice 3
Bataille des Salomon Orientales (13 au 15 août 1942)
Les forces en présence
Forces alliées
Tous les bâtiments sont de l’US Navy, sauf mention contraire.
Task Force 61
Vice-Amiral Frank J. Fletcher
Task Force 11 – V.Am. Frank J. Fletcher
CV Saratoga (A)
Air Group 3 – Cdr Harry D. Felt
VF-5 (LtCdr Leroy C. Simpler) 21 F4F-4
VB-3 (LtCdr Shumway) 12 SBD-3
VS-3 (LtCdr Louis J. Kirn) 11 SBD-3
VT-8 (Lt Harold H. “Swede” Larsen) 9 TBF-1
Plus un F4F-7 de reco photo.
Ecran (et Pacific Squadron de la Royal Navy) – Amiral J.G. Crace, RN
BC Renown (A) (RN)
CA Shropshire (RN)
CL Brisbane (RAN)
Destroyer Squadron 1 – Capt. Samuel B. Brewer
DD Phelps
Destroyer Division 2 – Cdr Francis X. McInerney
DD Dale
DD Farragut
DD MacDonough
DD Worden
Task Force 16 – C.Am. Thomas C. Kinkaid
CV Enterprise (A)
Air Group 6 – LtCdr Maxwell F. Leslie
VF-6 (Lt Louis H. Bauer) 24 F4F-4
VB-6 (Lt Ray Davis) 12 SBD-3
VS-5 (Lt Turner F. Caldwell) 10 SBD-3
VT-3 (LtCdr Charles M. Jett) 10 TBF-1
Plus un F4F-7 de reco photo.
Ecran – C.Am. Mahlon S. Tisdale
BB North Carolina
CA Portland
CA Minneapolis
CLAA Atlanta
Destroyer Squadron 6 – Capt. Edward P. Sauer
DD Benham
DD Balch
DD Ellett
DD Maury
Destroyer Division 22 – Cdr Harold R. Holcomb
DD Grayson
Task Force 18 – C.Am. Leigh Noyes
CV Wasp (A)
Air Group 7 – LtCdr Wallace M. Beakley
VF-71 (LtCdr Courtney M. Shands) 25 F4F-4
VS-71 (LtCdr John Eldridge, Jr) 11 SBD-3
VS-72 (LtCdr Ernest M. Snowden) 13 SBD-3
VT-7 (Lt Harry A. Romberg) 7 TBF-1
Plus un Dauntless et un J2F de réserve.
Ecran
BB Washington
CA San Francisco
CA Duquesne (MN)
Destroyer Squadron 12 – Capt. Robert G. Tobin
DD Aaron Ward
DD Farenholt
Destroyer Division 14 – Capt. William W. Warlick
DD Lang
DD Stack
DD Sterett
Destroyer Squadron 4 – Capt Cornelius W. Flynn
DD Selfridge
Avions basés à terre
Tulagi (Salomon Orientales)
RAN et RAAF
14 hydravions Spitfire Type 355 “Floatfire” (13 opérationnels)
6 hydravions Swordfish
2 hydravions Walrus
(Ravitailleurs Nairana et Zealandia)
Efate (Nouvelles-Hébrides)
Task Force 63 – C.Am. John S. McCain
– USMC
Marine Air Group 23 – Col William J. Wallace, USMC
VMF-223 (Capt. John L. Smith) 18 F4F-4 : tous les avions et une partie des pilotes ont été
transférés aux porte-avions de la TF 61 pour compenser leurs pertes.
VMSB-232 (Maj. Richard C. Mangrum) 17 SBD-3 : tous les avions et une partie des
équipages ont été transférés aux porte-avions de la TF 61 pour compenser leurs pertes.
– USAAF
11e Heavy Bombardment Group (Col. La Verne Saunders) 9 B-17E/F (dont 8 transférés des
Fidji). En attente de 15 autres avions arrivant des Etats-Unis.
69e Bombardment Squadron (Col. Clyde Rich) 6 B-26 (gréés en bombardiers-torpilleurs).
– RNZAF : 6 Hudson.
– Aéronavale
AC-20 : 19 Hawk-87 (P-40E)
AB-8 : 7 DB-73M1 et 8 DB-73M2
Espiritu Santo (Nouvelles-Hébrides)
Groupe de reconnaissance (36 PBY)
VP-11 : 16 PBY-5A
VP-14 : 2 PBY-5A
VP-23 : 12 PBY-5A
VP-72 : 3 PBY-5
E-24 (Aéronavale) : 3 PBY-5
Le ravitailleur léger USS McFarland est stationné à Ndemi (îles Santa-Cruz) pour y créer une
base avancée.
Nouméa (Nouvelle-Calédonie)
USAAF : 29 P-400 (P-39)
RNZAF : 6 Hudson (en patrouilles ASM)
Iles Fidji
USMC : 6 F4F-3
USAAF : 12 B-26 (prêts à se redéployer en cas de besoin vers Efate ou Nouméa).
RNZAF : 3 Short Singapore ; 9 Vincent
Total : 168 avions et hydravions (y compris les 22 de Tulagi).
Forces japonaises
Les navires dont les noms sont suivis d’un # sont équipés d’un radar de veille aérienne.
Flotte Combinée
Amiral Isoroku Yamamoto
Elément principal de la Force de Soutien (à l’ancre dans le lagon de Truk)
BB Yamato# (A)
CVE Taiyo (ancien paquebot Kasuga Maru)
CVE Unyo (ancien paquebot Yamata Maru)
DD Harusame (détaché de la 16e Division)
DD Samidare (détaché de la 4e Division)
Force de Couverture – V.Am. Takeo Takagi
– Détachés de la 1ère Division de Cuirassés
BB Mutsu#
BB Nagato
– 5e Division de Porte-Avions
CVL Hiyo (23 A6M2, 21 D3A1, 10 B5N2)
– 5e Division de Croiseurs
CA Haguro
CA Maya
CA Myoko
CA Takao
– Détachement du 4e Escadron de Destroyers – C.Am. Tomatsu Takama
CL Yura
et 9e Division de Destroyers – Capt. Yasuo Sato
DD Minegumo
DD Natsugumo
Groupe de renforts pour Guadalcanal
– Force de transport
Aikoku Maru (transportant un bataillon indépendant d’artillerie lourde, soit 4 x obusiers de
155 mm et 8 x canons de campagne de 105 mm)
Boston Maru, Daifuku Maru et Kinryû Maru (transportant le 3e Bataillon du 124e Rgt
d’Infanterie et les unités régimentaires du régiment, soit 1500 hommes en tout)
Patrouilleurs n° 1, n° 2, n° 34 et n° 35.
– Ecran
30e Division de Destroyers – Capt. Shiro Yasutake
DD Akizuki
DD Mutsuki
DD Uzuki
DD Yayoi
Détachement du 2e Escadron de Destroyers – C.Am. Tanaka
DD Kuroshio (A)
DD Hayashio
DD Oyoshio
DD Hatsukaze (détaché)
Force de frappe aéronavale – V.Am. Chuichi Nagumo
– 1ère Division de Porte-avions – V.Am. Nagumo
CV Akagi# (A) (21 A6M2, 21 D3A1, 21 B5N2)
CV Kaga# (30 A6M2, 23 D3A1, 30 B5N2)
– 2e Division de Porte-avions – C.Am. Tamon Yamaguchi
CV Hiryu# (21 A6M2, 21 D3A1, 21 B5N2)
CV Soryu# (21 A6M2, 19 D3A1, 2 D4Y1-C, 21 B5N2)
– Ecran – C.Am. Hiroaki Abe
11e Division de Cuirassés – C.Am. Abe
BC Hiei# (A)
3e Division de Cuirassés
BC Haruna#
BC Kirishima
8e Division de Croiseurs
CA Tone#
CA Chikuma
10e Escadron de Destroyers – C.Am. Satsuma Kimura
CL Nagara
4e Division de Destroyers – Capt. Kosaku Ariga
DD Maikaze
DD Tanikaze
DD Tokitsukaze
10e Division de Destroyers – Capt. T. Abe
DD Akigumo
DD Kazagumo
DD Makigumo
DD Yugumo
6e Flotte (sous-marins) – V.Am. Teruhisa Komatsu
A Truk ou en mer dans le secteur des Salomon
1er Escadron sous-marin – C.Am. Shigeaki Yamazaki
I-9 (A)
2e Division de Sous-marins – Capt. Hiroshi Imazato
I-19
4e Division de Sous-marins
I-26
15e Division de Sous-marins
I-31
I-32
I-33
3e Escadron sous-marin – Capt. Hanmazu Sasaki
I-11
11e Division de Sous-marins
I-174
I-175
12e Division de Sous-marins
I-169
I-171 (temporairement rentré au Japon pour une révision)
I-172
Détachement de la 4e Flotte – V.Am. Shigeyoshi Inoue
7e Escadron sous-marin – C.Am. Setsuzo Yoshitomi, sur le ravitailleur Jingei
21e Division de Sous-marins – Cdr. Tsutau Fujimoto
Ro-33
Ro-34
Avions basés à terre
11e Flotte Aérienne (Rabaul) – V.Am. Nishizo Tsukuhara
– 25e Koku Sentai ou 5e Force d’Attaque Aérienne – C.Am. Sadayoshi Yamada
Groupe aérien de Tainan (Zéro)
2e Groupe aérien (Zéro)
4e Groupe aérien (Betty)
Groupe aérien de Yokohama (Mavis)
Détachement du 14e Groupe aérien (Emily)
– 26e Koku Sentai ou 6e Force d’Attaque Aérienne – V.Am. Seizo Yamagata
Détachement du 6e Groupe aérien (Zéro)
Groupe aérien de Misawa (Betty)
Groupe aérien de Kisarazu (Betty)
Force approximative le 13 août au matin
– Avions :
34 Zéro (12 A6M2 et 22 A6M3 mod.32, ceux-ci arrivés le 12),
13 Betty (3 G4M1 et 10 G4M1-Kai, ceux-ci arrivés le 12),
5 J1N1-C Irving.
– Hydravions :
8 H6K4 Mavis, 3 H8K1 Emily (dont deux équipés de radar), 14 E13A1 Jake (dont 4 à
Rekata), 5 A6M2-N Rufe (à Rekata), 6 F1M2 Pete (dont 4 à Rekata).
Total : 113 avions et hydravions (y compris les 13 de Rekata).
Appendice 4
« La terre est ronde »
Amirauté britannique – Division des Opérations
Section de recherche – Sous-marins – 1946
Opérations lointaines de la Marine Impériale japonaise
L’opération Oni 3
L’attaque japonaise contre le Canal de Panama fut l’une des opérations les plus hardies de la
guerre. Elle peut se comparer à l’attaque de Saint-Nazaire (opération Chariot) en termes
d’audace pure. Ce fut la seule opération des sous-marins de la Marine Impériale Japonaise
ayant eu un réel impact stratégique, car elle dégrada assez sérieusement l’organisation du
transport maritime des Alliés. Cependant, cet effet ne se fit sentir que pendant six mois, aussi
son impact moral peut-il être considéré comme plus important.
Planification : mars-avril 1942
Le plan initial de cette opération eut pour origine une réunion inhabituelle de l’état-major de
la Sixième Flotte en mars 1942, destinée à envisager les moyens de rehausser le prestige des
forces sous-marines. On ne peut échapper à un sentiment étrange de flou en examinant ce
plan, surtout en se référant aux règles en usage dans la Royal Navy en matière de planification
des opérations. En fait, cette opération aux ramifications stratégiques majeures a été planifiée
sans implication particulière de l’état-major de la Flotte Combinée, hormis une approbation
initiale ! A l’époque, la Royal Navy et l’US Navy furent convaincues que les deux opérations
lointaines conduites la même semaine par les sous-marins de la Marine Impériale faisaient
partie d’un plan extraordinairement bien orchestré. Dans la réalité, rien n’était coordonné et
les équipes de planification des deux opérations étaient indépendantes. La date exacte de
l’opération Oni 3 (Panama) avait été laissée à l’appréciation du CV Takamura, commandant
de la flottille de sous-marins, qui aurait pu presser l’exécution d’un jour ou deux, ou au
contraire la retarder, par exemple pour attendre une météo favorable. Réciproquement, au
départ de leurs bases, le plan de route des quatre sous-marins de l’opération Oni 2 (New York
et Norfolk – voir rubrique Atlantique, 25 août et appendice) prévoyait qu’ils pourraient
attaquer le 25, et le fait que l’attaque se déroula effectivement dans la nuit du 24 au 25 est un
hommage aux qualités et à la ponctualité des équipages japonais – mais là encore, le
commandement de la flottille aurait pu décider, en fonction de la situation, de suivre une route
un peu plus courte ou un peu plus longue, voire d’attendre devant leurs cibles un moment
favorable. En théorie, les deux opérations auraient même pu se dérouler en même temps, mais
seul un hasard invraisemblable en aurait été responsable, non une planification savante !
Cette imprécision a pour origine la nature semi-féodale des états-majors et des cellules de
planification de la Marine Impériale. Les amiraux commandant les Flottes de la Marine
Impériale pouvaient monter de leur propre initiative, et à un degré inconcevable aux yeux des
Alliés, des opérations d’une certaine ampleur. Il est avéré que le vice-amiral Komatsu obtint
certes l’approbation de l’amiral Yamamoto pour l’opération Oni 3, mais aussi qu’elle ne fut
jamais débattue à un niveau plus élevé. Ainsi, une des attaques stratégiques les plus
audacieuses de la guerre fut élaborée et mise en œuvre comme une banale opération tactique
d’une flottille de sous-marins.
La première version du plan de cette opération, reproduite ci-après, a été retrouvée sur des
documents saisis à Singapour lors de sa reconquête. Il est à noter qu’il ne s’agit que d’une
ébauche, guère plus élaborée qu’une trame initiale, et de fait, l’action menée finalement en
diffère sur de nombreux points, à commencer par la date, mais aucun autre document sur la
planification n’a été trouvé jusqu’à présent. L’US Navy a été particulièrement méticuleuse en
fouillant les ruines du quartier général de la Sixième Flotte à Saïpan, mais l’état de destruction
quasi-complète des lieux n’a malheureusement pas permis d’y trouver la moindre
information.
« Opération Oni 3
Le croiseur sous-marin I-10 (de type A1) sera détaché du 8e Escadron de sous-marins. Il
prendra le commandement d’un groupe composé, en plus de lui, de cinq croiseurs sousmarins des 1er et 8e Escadrons (I-17, 21, 25, 27 et 29, tous de type B1). Le groupe se
rassemblera à Kwajalein. Chaque bâtiment emportera dans son hangar à hydravion un canot
rapide à deux hélices de 8 m 50. Il emmènera également 14 membres des commandos de la
Marine qui auront subi un entraînement spécial dans la démolition par explosifs. Deux des
canots ne porteront que 10 hommes, la place libérée étant occupée par des charges de 500 kg
d’explosifs.
Les canots seront entièrement préparés et les hommes y monteront à l’intérieur des hangars ;
puis les canots seront roulés sur leur berceau jusqu’à la catapulte et désamarrés au moment
où les sous-marins plongeront. A 30 nœuds, la durée estimée du trajet jusqu’à la cible est
d’environ 20 ou 25 minutes. Les commandos de la Marine seront armés de pistoletsmitrailleurs, grenades et explosifs. Ils seront vêtus de leurs uniformes, teints pour qu’ils
ressemblent au maximum à ceux de l’US Army, au moins de nuit. Des inscriptions en anglais
figureront sur les canots, qui arboreront le pavillon américain jusqu’au moment de toucher
terre. Quelques hommes parlant couramment l’anglais des Etats-Unis feront partie de la
force d’attaque, afin de répondre aux interpellations éventuelles de manière suffisamment
convaincante. [Note – Etonnant amateurisme : les Japonais souhaitaient faire passer leurs
canots pour des bateaux de pêche ; or les embarcations locales battaient pavillon panaméen et
leurs hommes d’équipage parlaient espagnol et peu ou pas l’anglais, une interpellation se
serait terminée en catastrophe.]
Ces forces spéciales attaqueront et détruiront les écluses de Miraflores sur le canal de
Panama. Il y a quatre écluses (deux paires d’écluses successives placées côte à côte), soit un
total de six portes [Note – Description succincte et inexacte !]. Les écluses se trouvent à 8 km
de l’entrée du canal. L’ensemble du complexe qu’elles forment mesure environ un km de long,
et de petits bateaux peuvent débarquer des troupes sur une rive ou l’autre à quelques dizaines
de mètres des premières écluses. Les portes de ces écluses mesurent environ deux mètres
d’épaisseur. Les deux portes aval peuvent être détruites par des charges lourdes d’explosif
amenées par les canots, les quatre autres en faisant sauter leurs gonds avec des charges
mises en place par les commandos. Le poids de l’eau fera le reste, y compris vider le lac de
Miraflores. Si cette opération réussit, le canal de Panama sera fermé au moins un an.
Deux sous-marins attendront à un point de rendez-vous au large pour récupérer les membres
des commandos. Les quatre autres monteront la garde pour intercepter tout bâtiment ennemi
se dirigeant vers le point de rendez-vous. Les hommes des forces spéciales qui ne pourraient
rejoindre ce point se dirigeront vers les pays neutres voisins, d’où ils pourront rejoindre le
Pérou, où réside une importante communauté japonaise. Ils seront ensuite rapatriés par sousmarin.
Aucune activité de nos sous-marins n’a encore eu lieu sur la côte Ouest des Etats-Unis.
Aucune autre opération de la Marine Impériale n’aura lieu dans ces eaux avant celle-ci, afin
de donner à l’ennemi une fausse impression de sécurité. [Note – La Sixième Flotte laissa
donc la côte Ouest des Etats-Unis tranquille de mars à août 1942, en raison de la préparation
de cette opération. Ses attaques les plus à l’est (vu du Japon) furent menées dans le voisinage
des îles Hawaï.]
Cette attaque est prévue pour septembre 1942. »
[Note – Quelques indications fragmentaires ont été retrouvées, indiquant que la Marine
Impériale chercha, sans y parvenir, des moyens d’attaquer les écluses de Gatun et de vider le
lac principal alimentant le canal en eau.]
Préparation : mai-juillet 1942
Durant les mois de mai et juin, la Force de Transport s’entraîna et répéta tous les aspects de
l’opération. Quand la préparation de l’opération commença, la Marine Impériale savait que
ses codes, y compris les plus secrets, risquaient d’être décryptés par les Alliés. La sécurité
autour de l’opération fut donc particulièrement rigoureuse, et peu de personnes à l’extérieur
de Kwajalein étaient au courant. La couverture choisie était crédible par sa simplicité et sa
vraisemblance : la Marine Impériale allait utiliser des sous-marins équipés de hangars pour
servir de bases mobiles à ses forces spéciales dans le cadre de raids contre des installations
ennemies dans les îles du Pacifique. Une des conséquences de ces mesures de sécurité
draconiennes fut que même pour le Haut Commandement de la Marine Impériale, en dehors
de l’amiral Yamamoto lui-même, l’annonce du succès de l’opération fut une énorme surprise.
Obtenir les sous-marins ne posa aucun problème, pas plus que les transformer. Le
regroupement eut lieu à Kwajalein début mai 1942. Le I-21 eut des problèmes de purges
durant un des premiers essais et plongea de manière incontrôlée au fond du lagon. Bien qu’il
n’y ait pas eu de dégâts, le bâtiment aurait été perdu corps et biens par plus grands fonds.
L’une des principales difficultés n’était pas attendue : comment entraîner les membres des
commandos à opérer à partir d’un sous-marin ? Cela n’avait jamais été fait et les soldats
n’avaient pas la moindre idée sur la façon de se maintenir en bonne condition physique ou
même simplement de garder en bon état leur paquetage et leur armement dans les corridors
humides et exigus d’un sous-marin. Selon les témoins retrouvés aux Mariannes, le CV
Takamura paya de sa personne pour encourager les commandos, heureux de la perspective de
donner leur vie, mais peu enthousiastes à l’idée de passer des semaines de croisière dans un
sous-marin. Takamura répétait comme un slogan : « Le Canal de Panama est le nombril de
l’Amérique, le nombril de la puissance des Etats-Unis ! » [Note – Le mot employé pour
“nombril” évoque en japonais le point considéré comme particulièrement vulnérable où
s’enfonce la lame lors du suicide rituel, le seppuku.]
Le plan initial prévoyait l’utilisation de canots rapides de 8,50 mètres, à deux hélices,
emportant 14 hommes, dans le hangar de chaque sous-marin. Ces canots furent remplacés par
la combinaison de deux barques de pêche, une de 9 mètres et une autre de 7,50 mètres, les
deux pouvant se loger dans le hangar à hydravions de chaque submersible, la plus petite fixée
sur la plus grande pendant le transit. Ces bateaux, construits aux Mariannes, ressemblaient
beaucoup à ceux des pêcheurs d’Amérique du Sud. Leur réputation de solidité n’était plus à
faire. Ils utilisaient des moteurs hors-bord artisanaux extrêmement courants dans toutes les
mers tropicales (où il s’agit en général de vieux moteurs d’automobile ou de camion dont le
vilebrequin est prolongé par un axe portant une hélice). Le moteur était fixé à l’arrière du
bateau sur un support articulé permettant un débattement suffisant avec l’horizontale. Pour
extraire ces bateaux du hangar à hydravion du sous-marin, le plus petit était hissé
suffisamment haut, le plus grand mis sur la catapulte, sorti du hangar grâce aux rails de celleci et posé sur le pont à bonne distance, puis le processus était repris pour le plus petit. Une
fois les commandos à bord, le sous-marin plongeait simplement sous les bateaux.
La possibilité d’embarquer deux bateaux permit d’augmenter sensiblement le nombre de
membres des forces spéciales participant à l’opération. La conduite de chaque barque était
assurée par quatre hommes, trois matelots et un officier. Chaque sous-marin put ainsi
déployer 30 hommes, portant le total des forces de débarquement à 180 soldats (plus 48
marins). La place nécessaire fut trouvée en supprimant les torpilles de recharge et en enlevant
tout le matériel destiné à la mise en œuvre de l’hydravion et inutile pour celle des bateaux.
Employer une charge massive de 500 kg pour faire sauter les portes inférieures était une idée
simple, mais une charge pareille était difficile à transporter. Dans l’esprit propre aux sports de
combat japonais, on décida d’utilisant l’énergie de la masse d’eau contenue dans l’écluse. Il
suffisait d’affaiblir les portes et de laisser l’eau faire le travail de destruction en s’écoulant.
Mais il y avait deux écluses : l’écluse sud-ouest était destinée en priorité au trafic militaire,
l’écluse nord-est était en général empruntée par le trafic civil. Et chaque écluse comportait
cinq portes, chacune à deux battants. L’objectif minimal était donc de détruire, ou au moins
d’endommager gravement, les portes inférieures et intermédiaires, de bloquer en position
ouverte celles donnant sur le lac et de démolir les équipements de contrôle et de commande
des écluses.
Approche : 20 juillet-21 août 1942
La Force de Transport quitta Kwajalein le 20 juillet et fit route assez lentement vers sa
destination. Elle arriva au large de Panama un mois plus tard sans avoir été détectée, ayant
choisi un itinéraire extrêmement peu fréquenté. Le silence radio fut absolu, les commandants
des six sous-marins ayant même mis les manipulateurs Morse sous clé. Le quartier général de
la Sixième Flotte savait qu’il n’aurait aucune information avant les jours suivant l’attaque.
Un autre dilemme majeur était le choix de l’approche. La route praticable la plus sûre et la
moins sujette aux reconnaissances aériennes américaines avait une longueur de 100 milles
après avoir passé la Punta Mala, en longeant plus ou moins la côte, mais les fonds étaient
relativement peu profonds la plupart du temps le long de cet itinéraire. La solution retenue fut
une approche individuelle de la Punta Mala par chaque sous-marin pour l’atterrissage, puis la
formation d’un véritable train en surface, les six sous-marins à intervalles d’un kilomètre. On
supposa que toute personne rapportant la vision de six grands sous-marins faisant route vers
Panama City en surface, à la queue-leu-leu passerait pour ivre ou victime d’hallucinations…
A 30 milles de l’objectif, les six sous-marins continueraient, submergés, donc à faible vitesse,
de jour, puis en surface, de nuit, groupés, pour atteindre en temps et heure la position
d’attaque, choisie au large d’un endroit inhabité de la côte. Trois sous-marins récupéreraient
les membres des commandos, les autres cherchant à attirer l’attention loin du point de rendezvous. Après l’attaque, un grand nombre de faux périscopes devaient être disséminés pour
tromper l’ennemi. Un mécanisme simple leur permettait d’émerger doucement, de rester un
quart d’heure en surface, puis de disparaître pendant 50 minutes, le processus se répétant en
théorie pendant 24 heures avant qu’ils ne coulent définitivement ; un chiffon blanc simulant
une “plume” y était même attaché pour donner une impression de mouvement. Malgré toutes
ces précautions, des pertes importantes étaient attendues.
L’approche du “train de sous-marins” dans la nuit du 21 au 22 août fut probablement observée
par un bon nombre de petites embarcations, et sans doute même par un cargo brillamment
éclairé, présumé neutre. Toutefois, aucune alarme ne fut donnée et les sous-marins plongèrent
tranquillement aux petites heures du 22 août 1942. Le mois d’août se situant en pleine saison
des pluies (de mai à novembre), la visibilité était mauvaise dans pratiquement tout le golfe de
Panama, avec des grains fréquents, d’épais nuages et de nombreux orages. Il est tout à fait
possible que les sous-marins de la Marine Impériale n’aient pu être identifiés clairement par
quiconque. Leurs équipages furent contents de constater que beaucoup de petits bateaux de
pêche naviguaient dans les parages, portant de surcroît de nombreux fanaux. L’usage de
lampes à acétylène destinées à attirer les poissons et les calmars était généralisé ; c’était prévu
et des lampes de ce type avaient été emportées pour les bateaux destinés à débarquer les
commandos.
En vue de l’objectif : 22 août 1942
Les sous-marins firent surface le 22, à la nuit faite, toujours par une visibilité limitée avec un
plafond bas et des averses. Le vent ne soufflait qu’à six nœuds. Chaque sous-marin fit sortir
ses deux bateaux comme à l’exercice. Les membres des commandos montèrent à bord, les
moteurs furent mis en route, et les sous-marins plongèrent lentement. Les quatre “marinspêcheurs” de chaque bateau étaient restés debout sur le pont du sous-marin pour empêcher
leurs embarcations de cogner contre les rails de la catapulte pendant le début de la plongée.
Dès que les bateaux furent à flot, ils s’y hissèrent. La flottille se mit en ordre de marche et
profita d’un petit grain de pluie pour progresser rapidement le long de la côte en direction du
canal. Le littoral était normalement éclairé, mais les feux des balises étaient masqués.
Des troupes américaines très importantes étaient présentes dans la zone du Canal (près de
42 000 hommes), mais, les mois passant, il semblait que la Marine Impériale n’eût pas la
moindre intention de s’en approcher. La discipline rigoureuse et la vigilance des premiers
jours de la guerre avaient inévitablement fait place à une attitude plus relâchée, se rapprochant
de la routine du temps de paix. De plus, la principale menace attendue était une attaque
aérienne lancée depuis des porte-avions, précédant éventuellement un débarquement en force.
La chaîne de commandement était efficace, mais focalisée sur ce type de menaces. Un
important réseau d’alerte radar anti-aérien avait été construit, des patrouilles aériennes
organisées dans le golfe de Panama et des chasseurs basés sur des aérodromes récemment
construits. De puissantes batteries côtières avaient été installées, mais si leurs canons lourds
étaient en alerte toutes les nuits, les postes de DCA de petit calibre ne l’étaient pas, leurs
servants n’étant présents que de jour. L’US Navy disposait à Panama de vieux sous-marins
(classe S) pour la défense côtière (du côté Atlantique, quelques bâtiments anciens de la
Marine Nationale française étaient utilisés pour l’entraînement à la lutte anti-sous-marine).
Enfin, les patrouilles maritimes dans le golfe étaient constantes, assurées par les destroyers du
15e District Naval, renforcés par de plus petits bâtiments. Une douzaine de patrouilleurs et de
dragueurs de mines assuraient la surveillance du secteur. Deux d’entre eux, le dragueur de
mines Catbird (AMS-68, 350 tonnes, un chalutier reconverti) et le dragueur de mines côtier
Magpie (AMS-2, également un chalutier reconverti), étaient en mer la nuit du 22 au 23 août
1942.
Chaque navire traversant le Canal embarquait obligatoirement un peloton de gardes armés,
prêts à intervenir en cas de manœuvres ou de comportements inattendus, comme le largage
d’une bombe à retardement ou d’une mine pendant la traversée des écluses. Ces dernières
étaient surveillées par des patrouilles destinées à prévenir tout risque de sabotage par des
petits groupes d’individus. L’ensemble des forces gardant les écluses était de l’ordre de
plusieurs sections d’infanterie, mais il n’y avait pas de postes de défense fixes occupés en
permanence ni de retranchements organisés. Des réseaux de barbelés avaient été mis en place
et des tranchées creusées dans le terrain boueux, mais la pluie rendait celles-ci difficiles à
utiliser et elles étaient en train d’être remplacées par des abris bétonnés, davantage à vocation
anti-aérienne. Ce soir-là, la plupart d’entre elles étaient partiellement ou totalement inondées,
la pluie ayant été particulièrement abondante le jour précédent.
Les dispositions américaines étaient très bien connues des Japonais. Les premières mesures de
protection avaient été prises longtemps avant la guerre, et progressivement renforcées au fur
et à mesure que la tension avec le Japon montait. Des officiers du renseignement naval
nippon, mêlés aux équipages des navires de commerce transitant par le Canal, avaient pu les
observer à loisir. Après le début de la guerre, des informations transitant par l’ambassade du
Japon au Pérou avaient encore été fournies par des marins japonais servant sous de fausses
identités sur des navires neutres. Mais la principale source d’information était représentée par
les rapports hebdomadaires envoyés par l’espion Akiyama et transitant par des ambassades
neutres (l’ambassade d’Espagne jusqu’en octobre 1942). C’est sur la base de ces
renseignements qu’avaient été choisis la route d’approche et le point de débarquement.
Akiyama donnait également des éléments très précis sur la situation des la plupart des postes
de défense, ainsi que sur les habitudes des patrouilles navales.
Le principal problème était représenté par les 8 km d’eau à franchir de l’entrée du Canal aux
écluses de Miraflores. Le Canal ne faisait que 300 mètres de large au plus et ses rives étaient
semées de batteries d’artillerie et de positions de projecteurs (de DCA, mais aussi destinés à
éclairer le Canal), qui avaient une vue directe sur l’étroit passage. Echapper au repérage était
évidemment impossible. La seule solution était de se faire passer pour des bateaux de pêche
panaméens, nombreux à braver les interdictions américaines pour pêcher dans des eaux
rendues poissonneuses par l’abondance des déchets organiques rejetés par les navires qui
passaient là (en juillet, une cinquantaine de violations nocturnes de la zone interdite avaient
été relevées). C’est pourquoi six des douze barques japonaises allumèrent leurs feux avant
d’arriver en vue des approches du canal. Elles avancèrent à allure réduite, les membres des
commandos dissimulés sous des bâches, elles-mêmes camouflées par des filets. Ce fut un
trajet long et inconfortable, mais il se fit au milieu de groupes d’autres embarcations, tout
aussi éclairées.
Attaque : 23 août 1942
A 00h30 le 23 août, la flottille entra dans le premier segment du canal, avant les écluses de
Miraflores. Il restait en théorie 30 minutes de parcours à vitesse modérée.
A ce moment, la chance, qui avait déjà bien servi les Japonais, aurait pu les abandonner : les
bateaux furent repérés par les hydrophones du champ de mines installé au sud de l’entrée du
Canal. Cependant, comme le savaient les Japonais, les signaux de ces hydrophones étaient en
général négligés. La réaction des opérateurs des hydrophones, devant des bruits d’hélices
évoquant des bateaux de pêche, était en général de conclure qu’il s’agissait encore de bateaux
de pêche indisciplinés. Ce fut le cas ce soir-là et les mines ne furent pas déclenchées.
Les deux premiers bateaux accostèrent à 01h50 sur une petite plage en aval des écluses, sur la
rive est. Les commandos débarquèrent rapidement, vêtus d’uniforme en soie mate, gris foncé.
Les uns avaient pour mission de tuer les gardes avec des armes munies de silencieux. Ils
étaient accompagnés de spécialistes chargés de leur frayer un passage à travers des réseaux de
barbelés ou autres obstacles. Les premiers gardes furent pris par surprise, là où ils cherchaient
à s’abriter de la pluie diluvienne. Leur tour de garde ayant commencé à minuit, les camions
qui les avaient amenés étaient repartis depuis longtemps.
Néanmoins, si la surprise permit aux attaquants de poser leurs charges sur les portes aval des
deux écluses et sur la porte suivante de l’écluse est, elle ne pouvait pas durer éternellement.
Les Américains réagirent d’abord, on s’en doute, dans la plus grande confusion. L’un des
postes de garde succomba après avoir informé le poste de commandement qu’il était attaqué
par des soldats allemands ! Mais l’alerte était donnée. Dès que leur présence fut visiblement
signalée, les Japonais se mirent à tirer au mortier léger sur les emplacements des
concentrations de troupes américaines (localisés grâce aux rapports d’Akiyama). Ils se mirent
également à ouvrir le feu sur tout ce qui se présentait, détruisant des “mules” (les petites
locomotives électriques qui halent les navires dans l’écluse) et incendiant les bâtiments
administratifs et la tour de contrôle des écluses.
Du côté ouest (le côté militaire), les deux portes aval (quatre battants) purent être détruites,
mais les Japonais remontant l’écluse arrivèrent ensuite dans une zone battue par deux postes
de mitrailleuses de DCA (un poste de .30 et un de .50). Ces deux postes avaient été mis en
place à cet endroit à l’insu d’Akiyama en même temps qu’une unité de ballons de barrage qui,
elle, avait été bien signalée… Or, la zone était dépourvue de tout bâtiment pouvant servir de
couvert et représentait un champ de tir parfait pour des mitrailleurs à présent bien réveillés !
Les Japonais n’avaient aucune chance de passer, bien qu’une vingtaine d’hommes se soient
sacrifiés vainement à cet endroit.
Du côté est, les attaquants parvinrent à détruire ou à endommager irrémédiablement sept des
dix battants de porte d’écluse, dont les deux de la porte amont. Ces destructions auraient dû
suffire à détruire totalement l’écluse, voire à vider le lac de Miraflores, et c’est bien ce
qu’espéraient les commandos en décrochant. La porte amont était très abîmée et ce qui en
restait était bloqué en position ouverte, les gonds tordus. Les portes intermédiaires étaient
assez affaiblies pour que la poussée de l’énorme masse d’eau finisse par les arracher et vienne
défoncer les portes aval, déjà très endommagées. Mais les Américains avaient prévu une
dernière mesure de sécurité : la ruée de l’eau dans l’écluse provoqua la sortie automatique
d’un barrage d’urgence si secret que même l’omniscient Akiyama n’en avait pas entendu
parler. L’écoulement de l’eau fut réduit de 90 % et ce qui restait des portes intermédiaires tint
bon. Le niveau du lac ne devait pas varier de façon significative avant les réparations.
Lorsque les Japonais commencèrent à décrocher, ils étaient pourtant sûrs d’avoir réussi leur
mission bien plus qu’à moitié : une écluse très endommagée, l’autre détruite et le lac de
Miraflores en train de se vider… Ils avaient déjà payé un prix sanglant pour cet exploit. Sur
les 180 soldats japonais engagés, une trentaine avaient été tués. Trente autres, chargés de
couvrir l’opération au nord des écluses, ne reçurent pas le signal de rappel à temps et furent
pris au piège. Vingt-deux se battirent jusqu’au dernier souffle, puisqu’il fallut quatre jours à la
garnison américaine pour en venir à bout. Aucun prisonnier ne put être fait, les membres des
forces spéciales japonaises, tous fanatisés, préférant combattre jusqu’à la mort, même sans
espoir. Les huit derniers réussirent à s’enfuir vers le sud à bord d’un bateau de pêche volé et
parvinrent au Pérou, où ils furent internés par le gouvernement péruvien sous la pression des
Etats-Unis. Deux d’entre eux parvinrent néanmoins à s’évader et à rejoindre le Japon.
Les 120 soldats restants, dont une vingtaine de blessés, parvinrent à rejoindre les bateaux.
Mais si le point de débarquement était judicieux pour l’attaque, il l’était beaucoup moins pour
la retraite. Si les postes de tir américains sur les bords du canal avaient été correctement
informés de ce qui se passait, aucun bateau n’aurait pu s’enfuir. Mais dans la confusion,
l’obscurité et sous une pluie toujours obstinée, la réaction américaine fut erratique, au mieux.
Huit des douze embarcations réussirent à passer, les quatre autres succombant sous des tirs de
tous calibres qui balayèrent aussi plusieurs petites bateaux de pêche panaméens, bien
durement punis d’avoir voulu faire la mauvaise nuit une pêche miraculeuse…
Le repli en mer fut un peu plus facile. A 03h30, les I-21, I-25 et I-29 ouvrirent le feu sur
Panama City avec leurs pièces de 140 mm, ce qui aggrava la panique régnant chez les
défenseurs. Le tir japonais était imprécis et ne causa que des dommages insignifiants, mais
déclencha un feu nourri de la part des batteries côtières et de la DCA, dont les postes avaient
été activés peu de temps après les premières explosions. Les canons anti-aériens embrasèrent
le ciel en pure perte pour arrêter une attaque aérienne que l’on croyait imminente, pendant que
les batteries côtières (y compris les énormes pièces de 16 pouces) cherchaient vainement à
atteindre les sous-marins, qui se mettaient à l’abri en plongeant. L’infortuné dragueur de
mines Catbird, ayant aperçu un des sous-marins en train de tirer, chercha à le rattraper. Mais
il fut pris dans un faisceau de projecteurs et coulé par les tirs de l’artillerie côtière, alors que le
sous-marin poursuivi venait de plonger. Deux bateaux de pêche furent eux aussi coulés par
erreur. La diversion porta ses fruits, puisque personne ne s’intéressa aux I-10, I-17 et I-27 qui
venaient récupérer les embarcations des commandos, dans la direction opposée. Au total, sur
228 hommes (180 soldats et 48 marins), 113 furent récupérés.
Les submersibles filèrent en plongée vers la haute mer. Une fois hors de portée des
projecteurs, ils firent surface, pour s’échapper à pleine puissance jusqu’au lever du jour, en
larguant des faux périscopes au passage. Certains de ces leurres firent l’objet d’attaques à la
bombe des avions envoyés à la recherche des sous-marins, mais la plupart disparurent d’eux
mêmes bien plus tôt que prévu.
Conséquences : 24 août 1942-février 1943
L’impact de cette attaque fut immédiat – mais bien moins considérable que les Japonais ne
l’avaient espéré. L’importance de la route passant par la Méditerranée et Suez crût
instantanément. Un nombre important de navires durent être consacrés aux seules
communications entre la côte Ouest et le front du Pacifique, et les Etats-Unis lancèrent des
travaux importants pour augmenter leur capacité ferroviaire est-ouest, travaux dont les
conséquences marquèrent durablement l’organisation des transports intérieurs américains.
Les premières estimations effectuées par les Japonais des dommages infligés prévoyaient que
le Canal devrait rester fermé pendant deux ans pour reconstruire les écluses de Miraflores. La
partie critique du chantier était la reconstruction des portes, qui demandait en théorie une
année entière, plus deux mois pour leur livraison et mise en place et autant pour les
ajustements et la mise au point. Mais les Japonais ignoraient que des portes de rechange et
toutes sortes de pièces avaient déjà été fabriquées et étaient stockées sur place ! De plus, nous
l’avons vu, le lac de Miraflores ne s’était pas vidé.
En fait, six semaines à peine après l’attaque, le canal était remis en service à 50 % de sa
capacité. Et en février 1943, la remise en état était complète ! Les capacités du canal allaient
même devenir supérieures à ce qu’elles étaient au départ. En effet, la décision de construire
deux cuirassés de la classe Montana ayant été prise entre-temps, l’achèvement d’une troisième
écluse, dimensionnée pour convenir à ces monstres, avait été hâté. Cette écluse devait être
prête au printemps 1945.
………
L’effet de l’opération Oni 3 sur les opérations dans le Pacifique fut donc relativement limité.
Néanmoins, l’attaque de Panama (suivie, qui plus est, de celle qui frappa les ports de la côte
est des Etats-Unis) provoqua beaucoup d’inquiétude dans le camp allié et entraîna la
mobilisation sur place d’une grande quantité de ressources défensives en tout genre. Mais
quel qu’ait pu être son impact réel sur les capacités alliées, il faut se souvenir de ce que
déclarait le Président Roosevelt en annonçant au peuple américain la mise hors service
provisoire du canal : « Les Japonais semblent avoir oublié une chose : si les navires que nous
fabriquons dans nos ports de la Côte Est ne peuvent passer par le Canal, cela ne les
empêchera pas d’aller les attaquer, car la Terre est ronde… »
Appendice 5
Deuxième Bataille de Savo (30-31 août 1942)
(Battle of the Sound pour les Américains, Deuxième Bataille de
Guadalcanal pour les Japonais)
Les forces en présence
Marine Impériale japonaise
Groupe de Bombardement (contre-amiral Hiroaki Abe)
BB Nagato (CA Hiroaki Abe)
5e Division de Croiseurs
CA Myoko (CA Chuichi Hara)
CA Maya
CA Takao
Détachement du 4e Escadron de Destroyers (contre-amiral Tomatsu Takama)
CL Yura (amiral)
9e Division de Destroyers (CV Yasuo Sato)
DD Minegumo
DD Natsugumo
DD Harusame
30e Division de Destroyers (CV Shiro Yasutake)
DD Akizuki
DD Mutsuki
DD Uzuki
DD Yayoi
Groupe d’Avant-Garde (contre-amiral Raizo Tanaka)
18e Division de Croiseurs
CL Yubari (amiral)
CL Tatsuta
Détachement de la 9e Division de Croiseurs
CLTT Kitakami
Détachement du 2e Escadron de Destroyers
DD Kuroshio
DD Oyashio
DD Hatsukaze
DD Hayashio
Flottille de vedettes rapides de Guadalcanal
Vedettes lance-torpilles G-1, G-3, G-5, G-7, vedettes canonnières H-11, H-12.
Marines alliées
Task Force 64 (contre-amiral Norman C. Scott, USN)
CA San Francisco (amiral)
BB Washington (C.Am. John W. Wilcox)
BB North Carolina
CA Salt Lake City
CL Honolulu
CLAA Atlanta
12e Escadron de Destroyers
DD Farenholt
DD Aaron Ward
1er Escadron de Destroyers
DD Phelps
Force ABDF (contre-amiral J.G. Crace, RN)
CA Shropshire (amiral) (RN)
CA Duquesne (MN)
CL Brisbane (RAN)
CL Achilles (RN, NZ Squadron)
CL Tromp (RNN)
DD Van Ghent (RNN)
DD Van Nes (RNN)
DD Witte de With (RNN)
DD Isaac Sweers (RNN)
DD Arunta (RAN)
Groupement de destroyers
2e Division de Destroyers
DD Farragut
DD MacDonough
DD Dale
DD Worden
14e Division de Destroyers
DD Lang
DD Stack
DD Sterett
4e Escadron de Destroyers
DD Selfridge
Unités n’ayant pas directement participé à la bataille
Task Force 17 (contre-amiral Mitscher) 10
CV Hornet
BB South Dakota
CA Pensacola
CLAA Juneau, San Diego
ComDesRon 2 : DD Anderson, Hughes, Mustin, Russel
10
La TF 17 a laissé à la TF 64 le CA Salt Lake City et le CL Honolulu.
Task Force 41 (contre-amiral Charles A. Lockwood et CV R. W. Christie)
S-39, S-41, S-43, S-44, S-46 (USN)
2e Flottille Sous-Marine d’Extrême-Orient : Sfax, Bévézier, Sidi-Ferruch (MN)
1ère Flottille Sous-Marine d’Extrême-Orient : Pascal, Le Tonnant, Le Glorieux (MN)
Groupe de transport rapide et de mouillage de mines (opérant de Port-Vila,
administrativement rattaché à la Force ABDF)
CL Emile-Bertin, Lamotte-Piquet (MN)
APD Stuart (RAN)
APD Colhoun, Gregory, McKean (USN)
SST Cachalot, Cuttlefish, Dolphin (USN)
Groupe d’escorte et de transport rapide (contre-amiral Turner)
CLT Jeanne d’Arc (MN)
DD Blue, Dewey, Helm, Hull, Jarvis, Ralph Talbot, Wilson (USN)
Aviso D’Iberville (MN)
Avisos Van Kinsbergen, Flores, Soemba (RNN)
ML Willem van de Zaan (RNN)
MS Eland Dubois, Jan van Gelder (RNN)
DMS Hopkins, Hovey, Southard, Zane (USN)