Apple, Google, Microsoft et Facebook : bienvenue chez

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Apple, Google, Microsoft et Facebook : bienvenue chez
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Directeur de la publication : Edwy Plenel
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Rien que cette première étape d’« optimisation »
permettrait donc de soustraire au moins 15 millions
d'euros au fisc français.
Apple, Google, Microsoft et Facebook :
bienvenue chez «les Intaxables»
Sur mediapart.fr, un objet graphique est disponible à cet endroit.
PAR DAN ISRAEL
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 7 NOVEMBRE 2012
Deuxième étape : ne pas laisser l’administration
luxembourgeoise toucher aux revenus générés par
iTunes dans toute l’Europe. Ce qui n’est pas si
difficile, puisque la filiale luxembourgeoise n’est pas
si riche, malgré un chiffre d’affaires d’un milliard
d’euros environ. Elle reverse en effet plus de 80 % de
son chiffre d’affaires en droit divers, sur les chansons
et les films qu’elle commercialise. Mais pour être
sûre de ne pas verser trop d’impôts au Luxembourg,
elle reverse aussi 7 % de son chiffre d’affaires à
d'autres filiales d'Apple, pour des services de « support
marketing ».
Les faits sont connus, mais lorsque des chiffres
apparaissent, ils font mal. Ils démontrent comment des
mastodontes économiques, ultra-visibles et chouchous
des citoyens (et donc des contribuables) parviennent,
partout dans le monde, à « éviter » l'impôt. Voire
à frauder le fisc. Apple, Google ou Microsoft sont
passés maîtres dans l'art d'exploiter les possibilités
offertes par les paradis fiscaux. Exemple le plus
récent ? Sur l’exercice fiscal 2011, Apple a payé en
France 7 millions d’euros d’impôts sur les bénéfices,
après avoir déclaré 257 millions de chiffre d’affaires.
Alors qu’on peut estimer son bénéfice réel dans
l’Hexagone à… environ 3,5 milliards d’euros. C’est
BFM Business, dans une enquête fouillée publiée sur
son site, qui met le doigt sur cet ahurissant tour de
passe-passe fiscal. 2 % d’impôts sur les bénéfices, qui
dit mieux ?
C'est une démarche classique pour une multinationale
soucieuse de ne pas payer trop d’impôt : la
manipulation des « prix de transfert » entre filiales
basées un peu partout dans le monde permet de
rendre déficitaires (ou au moins peu imposables)
les succursales basées dans des pays à fort taux
d’imposition, et d’engranger les bénéfices réels dans
des pays peu regardants en matière fiscale, c’est-à-dire
des paradis fiscaux.
Pour se faire passer pour une entreprise quasiment
sans le sou en France, la firme à la pomme (qui
totalise la bagatelle de 41,7 milliards de dollars
de profit cette année, soit 32,5 milliards d’euros)
emploie des techniques d’évitement fiscal connues,
et très efficaces, reposant sur les paradis fiscaux que
sont notamment l’Irlande, le Luxembourg ou les îles
Vierges britanniques. Plusieurs stratégies sont mises
en œuvre par le mastodonte, qui a atteint en août
la première place des capitalisations boursières aux
États-Unis.
Pour Apple, le « miracle des îles Vierges
britanniques »
Autre pierre angulaire de la stratégie fiscale d’Apple :
l’Irlande. Avec ses 12,5 % d’impôt sur les sociétés
(contre 33,3 % en France, 35 % aux États-Unis et 24 %
en Grande-Bretagne), le pays offre la taxation la plus
légère de l’Union européenne. Et c’est donc depuis
son territoire, assure BFM, que le fabricant facture les
ventes de matériel réalisées hors de ses boutiques et de
son site web, par exemple les téléphones vendus par
les opérateurs mobiles, ou les ordinateurs vendus par
des grossistes.
D’abord, la vente en ligne de musique, de films, de
livres numériques et d'applications est assurée par une
filiale luxembourgeoise, iTunes SARL. « Objectif :
payer moins de TVA, rappelle BFM Business. Le taux
exact de TVA dont bénéficie iTunes n'est pas connu,
mais il est estimé à 6 %, soit trois fois moins qu'en
France (19,6 %). » La radio économique estime que
« pour les seules musique et cinéma, iTunes génère
en France environ 110 millions d'euros de recettes ».
L’Irlande sortirait donc gagnante de ce montage ?
Apple ne lui laisse pas ce privilège. Il est
matériellement impossible de savoir ce que paye la
société au fisc irlandais, puisque sa filiale a opté pour
un statut fort pratique, la dispensant de déposer ses
comptes... Mais une enquête très éclairante, publiée
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le 4 novembre dans le Sunday Times, permet vite
de comprendre que l’entourloupe ne s’arrête pas à
Dublin.
sénatoriale sur l’évasion fiscale. Le journaliste
Christian Chavagneux, spécialiste des paradis fiscaux,
avait énuméré devant les sénateurs les techniques,
légales, disponibles pour une entreprise souhaitant
« optimiser » au mieux (lire notre article à ce
sujet). Elles sont au cœur du livre coécrit dès 2006
par Chavagneux aux éditions La Découverte, mais
aussi plus récemment dans l’ouvrage du Britannique
Nicolas Shaxson (André Versailles éditeur).
Le journal britannique a pu consulter un document
(disponible en PDF) fourni par Apple au gendarme de
la Bourse américain, la SEC (Securities and Exchange
Commission), où la société détaille l’ensemble des
impôts qu’elle paye hors des États-Unis. Et le moins
que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne pèsent pas lourd :
alors qu’elle totalise, pour 2011, 36,8 milliards de
dollars de bénéfice à l’étranger, la société n’a été
imposée que l’équivalent de 713 millions de dollars.
Or, si l’ensemble des bénéfices réalisés par Apple en
Europe étaient imposés en Irlande, la somme à verser
serait déjà le double, assure BFM Business.
Dans le secteur high-tech, Apple est loin d’être le
seul à utiliser toutes les ficelles fiscales à sa portée.
On trouve à ses côtés tous les géants américains, au
premier rang desquels Google, Facebook et Microsoft.
Ceux que le SundayTimesa désigné ironiquement
comme The Untaxables, en référence au film
d’animation de Pixar, The Incredibles.
Sur l’ensemble de ses opérations hors États-Unis, la
compagnie est en fait taxée à un taux moyen de…
1,9 % ! Contre 2,5 % pour l’exercice précédent,
rappelle le Sunday Times. En comparaison, le taux
réel payé par la compagnie au fisc américain pour ses
bénéfices réalisés aux États-Unis est de 28 % (1,18
milliard de dollars sur 4,2 milliards de profits).
Par quelle magie Apple s’en sort-elle aussi « bien »
hors de sa terre natale ? Pas de magie, mais ce
qu’on pourrait appeler le « miracle des îles Vierges
britanniques ». Les profits réalisés de par le monde
sont en fait transférés dans des paradis fiscaux. Par
exemple, ceux qui sont centralisés en Irlande passent,
semble-t-il, pour leur immense majorité dans une
filiale d’Apple basée aux îles Vierges britanniques, qui
est aussi un actionnaire ultra-minoritaire des filiales
irlandaises d'Apple. Selon BFM, il s’agit d’« une
simple boîte à lettres sans activité, hébergée dans le
bureau local de Tricor, une banque de Hong Kong ».
Une société quasi fictive, qui suffit pour entasser les
dollars sur un territoire qui ne réclame aucun impôt sur
les bénéfices
"Les Intaxables", images Pixar
détournées par le Sunday Times © Sunday Times
Tous utilisent peu ou prou les mêmes techniques,
popularisées sous le nom de « double irlandais »
et de « sandwich hollandais ». Dans un article
explosif d’octobre 2010 (bien résumé à l’époque par
Libération), Bloomberg avait jeté une lumière crue
sur les manipulations comptables, tout à fait légales,
de Google. En trois ans, le colosse du net avait réduit
sa facture fiscale de 3,1 milliards de dollars dans le
monde, et atteint le taux réel de 2,4 % d’impôt sur les
bénéfices.
Les méthodes sont toujours les mêmes. Ainsi, toutes
les publicités vendues en Europe, au Moyen-Orient et
en Afrique par Google sont facturées depuis une filiale
irlandaise, Google Ireland Ltd. Mais pas question
de voir imposer les énormes revenus générés. Or,
l’Irlande taxe à un très faible taux les royalties
générées par la propriété intellectuelle. Et c’est bien
pour cela que Google Ireland Ltd reverse la quasitotalité de son bénéfice, sous forme de royalties, à
« Double irlandais » et « sandwich
hollandais »
Les pratiques des géants de l’entreprise pour échapper
aux « griffes » du fisc sont connues, et bien
documentées. Elles ont notamment été décrites en
détail en avril, lors des auditions de la commission
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une autre filiale irlandaise, Google Ireland Holdings,
détenant les droits sur tous les brevets de Google.
C’est principalement cette particularité de la fiscalité
irlandaise qui est exploitée par les entreprises high
tech, qui reposent sur un fort « capital intellectuel »,
leurs brevets. Une opportunité fiscale qui est déjà
exploitée depuis des années par de glorieux aînés, tels
Dell et IBM.
de comptabiliser le prix réel d’un produit vendu,
Microsoft France ne déclare dans ses comptes qu’une
(faible) commission sur la vente.
À noter : ces pratiques ne sont pas limitées au
secteur technologique. Le 1er novembre, Reuters
démontrait que Starbucks utilisait le même type de
pratiques. Alors que le cafetier américain assure à ses
investisseurs qu’il a réalisé 40 millions de dollars de
profit en Europe, il a déclaré une perte de 60 millions
aux administrations fiscales britanniques, allemandes
et françaises (les trois pays représentent 90 % de son
activité sur le continent).
Mais comme Apple, Google ne maintient pas
ses profits en Irlande. Elle les envoie à Google
Netherlands Holdings, à Amsterdam, en utilisant une
autre spécificité irlandaise : les royalties versées
depuis son sol vers les Pays-Bas ne sont pas taxées.
Le tout est ensuite transféré, quasiment sans frais, vers
plusieurs coquilles vides basées aux Bermudes. Qui ne
publient pas leur compte, comme les autorise à le faire
la loi locale.
En France, Starbucks n’a jamais payé d’impôt,
officiellement en déficit perpétuel depuis son
lancement sur le territoire, en 2004. Ce qui ne l'a
jamais empêché de multiplier les points de vente,
toujours à des emplacements choisis, et donc chers. La
recette pour obtenir ces comptes dans le rouge, malgré
un chiffre d'affaires en constante progression ? Elle
consiste en deux points majeurs. Un : la maison-mère
Starbucks réclame elle aussi des royalties à ses filiales
(6 % des ventes de chaque magasin), auxquelles il
faut ajouter 25 000 euros forfaitaires par boutique par
an. Deux : les filiales de l’entreprise n’empruntent pas
elles-mêmes l’argent qu’elles veulent dépenser pour
ouvrir ou rénover des boutiques. C’est la maison-mère
qui le leur prête… à un taux deux fois supérieur à celui
auquel elle l’a elle-même emprunté.
Grâce à ce tour du monde accéléré, Google paye très
peu d’impôt hors des États-Unis. En France, souligne
BFM Business, le groupe n’a déclaré que 138 millions
d’euros de chiffres d’affaires pour l’exercice clos en
2011, et versé 5,5 millions d’euros au fisc. En réalité,
son activité représenterait plus de 1 milliard d’euros de
chiffre d’affaires, et son bénéfice réel aurait pu donner
lieu à une imposition de 150 millions d’euros.
Résultat : le groupe américain réalise 23 % de son
chiffre d’affaires hors des États-Unis, mais ne paye
que 6,6 % de ses impôts dans ces pays.
TVA : traitement de faveur des « services
numériques »
Toutes ces entreprises ont amassé un trésor de guerre
considérable, stocké dans des paradis fiscaux hors des
États-Unis. Et elles se gardent bien de le rapatrier,
soucieuses de ne pas payer 35 % de taxes sur les
milliards si astucieusement gagnés. Ainsi, sur les 121
milliards de dollars de trésorerie que détient Apple, 83
milliards sont bloqués dans des filiales à l'étranger. Et
pour Microsoft, ce sont 61 milliards sur 63 qui sont
conservés loin des yeux du fisc américain !
En 2010, Bloomberg documentait déjà le parcours
plein de surprise des bénéfices de Google.
Les données sont à peu près comparables pour
Microsoft, qui a payé l’an dernier en France 21,7
millions d'euros d'impôts, alors que son chiffre
d’affaires réel y tourne autour de 2 milliards d’euros.
Là encore, la plupart des activités sont facturées
depuis l’Irlande, et la filiale française est enregistrée
comme un simple agent commissionné : au lieu
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Au total, selon un rapport publié en mai par
JP Morgan, les entreprises américaines détiennent
1 700 milliards de dollars d’économie dans leurs
filiales étrangères. En 2004, George W. Bush avait
permis de rapatrier près de 40 % de ces avoirs,
en consentant à ne les taxer, exceptionnellement,
qu’à hauteur de 5 %. Plusieurs multinationales, dont
Google, Apple et Microsoft, ont récemment fait le
siège du gouvernement américain pour obtenir une
nouvelle fois ce privilège. L’administration Obama
avait jusqu’à présent refusé. Et sa position a peu de
chance d’évoluer.
déplore que les « services électroniques » disposent
d’un régime de faveur : dans tous les autres secteurs
d’activité, la TVA doit être acquittée au taux du pays
où l’activité est effectuée (État de consommation).
Mais jusqu’au 1er janvier 2015, la TVA sur les services
électroniques sera payée au taux de l’État siège,
où l’entreprise est implantée. C’est ce qui permet à
l’Irlande d’attirer sur son sol « les Intaxables ».
En attendant que cette exception fiscale s’éteigne, le
fisc français essaye d’agir. En tentant de trouver des
failles dans l’organisation des géants du net, ou en
pointant les hypocrisies de leur position. Ainsi, le 28
juin, une centaine d'officiers de la police judiciaire,
d'inspecteurs et de contrôleurs des impôts ont réalisé
une descente spectaculaire au siège de Microsoft
France, à Issy-les-Moulineaux. À l’AFP qui avait
révélé cette perquisition, l’entreprise avait assuré qu’il
s’agissait d’un contrôle fiscal « banal ». Mais le 4
juillet, Le Canard enchaîné détaillait les soupçons
du fisc, qui estime que la filiale française facturerait
depuis l'Irlande ou les États-Unis des activités (sans
doute de service), qui ne devraient pas être couvertes
par le si pratique statut d'agent commissionné.
En octobre 2011, selon Bloomberg, le fisc américain
avait en effet scruté de près la façon dont Google
fait disparaître ses profits dans des paradis offshore.
Il s’intéressait notamment à la circulation de l’argent
nécessaire à l’acquisition de Youtube en 2006 (1,65
milliard de dollars), le service de sécurisation des emails Postini en 2007 (625 millions) et l’agence de
pub interactive DoubleClick en 2008 (3,2 milliards !).
Et en septembre dernier, le Sénat américain s’est
ému des pratiques de ses entreprises nationales avides
de filiales offshore, en pointant particulièrement
Microsoft, mais aussi Hewlett Packard.
Ce contrôle géant était le troisième en dix ans, sans
que le fisc trouve jamais grand-chose à reprocher à
Microsoft France : un redressement de 350 000 euros
sur des « charges non déductibles » en 2000 et un
autre de 1,1 million d'euros sur la taxe professionnelle,
entre 2002 et 2004. Et lorsqu’il a essayé de reprocher
à Microsoft d’avoir baissé, en 1999, le taux de
commission versé par la filiale française à l’Irlande,
de 25 % à 18 %, le fisc s’est fait renvoyer dans
les cordes par la justice. La France jugeait que
l’entreprise avait baissé ses commissions pour faire
diminuer artificiellement son chiffre d’affaires, et
payer encore moins d’impôts. L’administration avait
notifié un redressement fiscal de 20 millions d’euros.
Mais en février 2012, la cour administrative d'appel
a condamné Bercy à rembourser les 20 millions…
augmentés de 4 millions d'intérêts !
La France n’est pas en reste, loin de là. Pour
tenter encore une fois de mettre au pas la fiscalité
du numérique, le gouvernement a confié en juillet
une mission au conseiller d'État Pierre Collin et à
l'inspecteur des finances Nicolas Colin. Leur rapport
est attendu en décembre. Le manque à gagner pour
l’Hexagone causé par les manipulations comptables
des entreprises du secteur a d’ores et déjà été évalué, en
juin, par le sénateur UMP Philippe Marini, président
de la commission des finances et auteur d’un rapport
sur « une fiscalité numérique neutre et équitable ».
Il estime que si elle était perçue en France, la TVA
sur les activités du secteur rapporterait plus de 800
millions d’euros par an. Auprès des Inrockuptibles,
il ne s’offusque pas outre mesure de l’existence de
l’optimisation fiscale, qui « consiste à utiliser les
contradictions des législations fiscales nationales et à
les combiner pour obtenir le meilleur résultat possible
du point de vue de l’entreprise ». En revanche, il
En guise de défense, Microsoft a publié cet été un
communiqué récusant « fermement toute allégation
ou qualification de fraude, qu’aucune preuve ne vient
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démontrer ». L’entreprise assure avoir créé en France
1 400 emplois directs (et 75 000 indirects), et se
paye même le luxe de vanter les 10 millions d’euros
qu’elle a consacrés depuis 2006 à un laboratoire créé
avec l’Inria, un organisme public de recherche sur le
numérique.
Le fisc aurait trouvé des contrats de travail français
signés par Google, et mentionnant explicitement une
activité de prospection commerciale sur le territoire.
L’entreprise a eu beau plaider qu’« aucun élément ne
permet de supposer que les salariés de Google France
disposent du pouvoir de négocier et de conclure les
contrats d'achat et de publicité, ou disposent d'un
pouvoir de décision dans la gestion et le suivi des
comptes », elle n’a pas convaincu la justice.
1,7 milliard d'euros réclamés par le fisc
français à Google ?
Mais dans l’Hexagone, le bras de fer emblématique
est celui qui oppose le fisc à la filiale de Google. En
janvier 2010, Nicolas Sarkozy avait fustigé sans la
nommer l’entreprise, en attaquant ces sociétés « taxées
dans le pays siège », mais qui ponctionnent « une
part importante de notre marché publicitaire ». Ce qui
ne l’avait pas empêché d’accueillir à bras ouverts
Eric Schmidt, le patron du moteur de recherches,
lorsqu’il avait ouvert un centre de recherche à Paris,
en décembre 2011.
Et il semble bien qu’elle n’a pas non plus convaincu
le fisc. Selon une information, non confirmée
par Google, du Canard enchaîné du 31 octobre,
l’administration réclamerait à la filiale française
la somme totale… d'un milliard d'euros, au titre
de l'impôt sur les sociétés, pour quatre exercices
comptables. Dans son édition suivante, l’hebdo assure
même que la somme demandée est de 1,7 milliard,
compte tenu des « pénalités de retard » et « des
amendes ». Le groupe admet être sous le coup d'une
enquête fiscale, mais a assuré dès le 30 octobre ne
pas avoir « reçu de notification de redressement fiscal
de la part de l’administration fiscale française ».
Comme il le répète invariablement à chaque fois qu’il
est interrogé sur des questions fiscales, le groupe
a indiqué : « Google se conforme aux législations
fiscales de tous les pays dans lesquels l’entreprise
opère, et avec les règles européennes. »
Pourtant, en coulisses, le fisc était déjà au travail. Le 30
juin 2011, Google France avait elle aussi eu droit à une
visite pas très amicale de ses agents. Après une plainte
de l’entreprise contestant cette « descente », on a pu
récemment comprendre ce que le fisc lui reproche : en
mai 2012 la cour d’appel de Paris a validé la procédure,
et a détaillé les soupçons de l’administration.
Un mois avant la publication de l’info du Canard, le
DG de Google France, Jean-Marc Tassetto, assurait
d’ailleurs sur France Culture que son entreprise
payait en fait « 32 millions d’euros d’impôts en
France, et non pas 5 ». Une vision très généreuse
(ou exagérée, chacun choisira son genre), puisqu’elle
agrège à l’impôt sur les bénéfices les charges sociales,
les taxes foncières ou la taxe professionnelle ! Tassetto
s’est même fendu d’un amical conseil pour la France.
Pour le patron de Google France, notre pays ferait
même mieux de réviser un peu sa politique fiscale, s’il
ne veut pas voir fuir les entreprises…
Selon ce que déclare l’entreprise au fisc, sa filiale
française se contente de fournir une « assistance
marketing » à Google Ireland, qui vend, elle, les
publicités. Or, souligne la cour d’appel, « Google
France ne semble pas exercer seulement un rôle
d'assistance, mais paraît assurer toute la gestion
commerciale des clients de Google Ireland, y compris
la conclusion de contrats de publicité ». Autrement
dit, Google Ireland exercerait en fait « une activité
commerciale en utilisant les moyens humains et
matériels de Google France ».
Sur mediapart.fr, un objet graphique est disponible à cet endroit.
Selon Le Point, des sources gouvernementales
jugent « vraisemblables » les affirmations de
l’hebdomadaire satirique. Sans en dire plus, une des
représentantes de Google a commencé à se défendre
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plus vigoureusement mardi 6 novembre, en déclarant
que l’adresse irlandaise de Google n'est pas « qu'une
boîte aux lettres » et en martelant que « la structure
organisationnelle fait que les activités commerciales
sont basées à Dublin ». Autre déclaration cocasse :
« La contribution de Google (à la France) ne se fait
pas qu'à l'aune de l'assiette fiscale. »
Les éditeurs de presse traditionnels ont obtenu des
ministres concernés que le gouvernement les appuie
dans leurs revendications (auxquelles est opposé le
Spiil, le syndicat des sites d’info indépendants, dont
Mediapart est membre fondateur). Et promis juré,
ce sujet était le seul à l’ordre du jour à Paris pour
Schmidt. « Nous avons eu de bonnes discussions, et
je pense que nous atteindrons une sorte d’accord d’ici
la fin de l’année », a indiqué ce dernier au New York
Times. La controverse fiscale, elle, est « une question
très distincte ». Que Google aimerait sans doute voir
repoussée indéfiniment.
Quoi qu’il en soit, Le Point assure que François
Hollande n’a pas abordé la question fiscale avec
Schmidt lorsqu’il l’a reçu à l’Élysée, lundi 29 octobre.
Il semble pourtant difficile de croire que le président
se soit privé de cet instrument de négociation dans le
bras de fer qui oppose actuellement le gouvernement à
Google sur l’épineuse question d’une taxe sur les liens
vers les contenus d’actualité.
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