comment bell a dilapidé 47 milliards$ de votre argent
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comment bell a dilapidé 47 milliards$ de votre argent
Novembre 2003 Contes et comptes du prof Lauzon COMMENT BELL A DILAPIDÉ 47 MILLIARDS$ DE VOTRE ARGENT 1ère PARTIE par Léo-Paul Lauzon Introduction Cet article comportera deux parties. Grâce à l’étude systématique des états financiers des 14 dernières années (1989-2002) de Bell Canada Entreprises (BCE), la plus grande compagnie de communications au Canada, je vais vous démontrer clairement comment leurs dirigeants ont réussi le tour de force de dilapider 47 milliards$ de votre argent au cours de cette période dans toutes sortes d’aventures loufoques, digne du privé, en plus de vous coûter 10 milliards$ de plus en déductions fiscales que leurs politiciens leurs ont accordées en prime sur ces pertes. J’ai rendu l’étude publique au mois de juin 2003, et à ce jour, je n’ai reçu aucune réplique de leur part contestant le bien fondé de mes chiffres. Ils n’ont pas intérêt à répondre car ce 47 milliards$ ne représente que les pertes comptables, les pertes économiques étant beaucoup plus importantes. Sachez bien qu’en dernier ressort c’est vous qui payez de vos poches que ce soit à titre de consommateurs, d’employés et de contribuables. Vous allez voir que malgré ces pertes éléphantesques, les dirigeants s’en sont mis et continuent de plus belle à s’en mettre plein les poches. Dans la deuxième partie, je ferai le parallèle entre le traitement plein de compréhension accordé aux frasques de 47 milliards$ de Bell et de ses dirigeants par les politiciens, les médias et leurs journalistes, chroniqueurs et éditorialistes ainsi que le silence complice du patronat et de leurs économistes de tous genres que nous comparerons ensuite au traitement hystérique et rempli de mépris accordé à la perte de 8.5 milliards$ subie par la Caisse de dépôt et placement du Québec en 2002. Pourtant, les pertes de Bell furent cinq fois plus grandes que celles encourues par la Caisse de dépôt et se répètent à chaque année depuis 1983 alors que la Caisse de dépôt a connu des résultats impressionnants par le passé. Il n’a fallu qu’une mauvaise année financière de la Caisse de dépôt, dont les pertes sont principalement dues à la chute du marché boursier et sans que l’on prenne en considération que la perte économique subie sur son placement dans Quebecor n’est que sur papier seulement et sans que l’on quantifie les importants avantages socio-économiques pour le Québec et ses commettants de conserver le contrôle juridique dans notre province d’une firme aussi importante que Vidéotron et de ses filiales, comme entre autres, Télé-Métropole. Mais non, pour les gaffes effectuées dans le privé il y a toujours des justifications rationnelles et pour certaines erreurs commises par les gouvernements et leurs organismes publics il n’y a de place que pour des accusations souvent gratuites et intéressées des profiteurs et de leur suite afin de réclamer à hauts cris la privatisation. Pourtant, quoiqu’on en dise et surtout que l’on ne dit pas, dans les deux cas, ce sont les contribuables qui font les frais de tous ces écarts économiques. Le service résidentiel d’ici: la poule aux gros oeufs d’or de Bell Nous verrons qu’à chaque fois que Bell Canada Entreprises est sortie, ici et ailleurs dans le monde, de son confortable créneau réglementé du téléphone résidentiel et de ce qui s’ensuit, les résultats ont été tout simplement catastrophiques. Payer environ entre vingt-cinq et trente dollars par mois pour une ligne de téléphone résidentiel, alors qu’aucun service n’est fourni et que le réseau de lignes téléphoniques est amorti depuis belle lurette, c’est carrément un vol institutionnalisé, qu’on se le dise une fois pour toutes. Et dire que plusieurs nous ont répété ad nauseam dans le passé que c’était l’interurbain qui finançait le résidentiel. Quelle farce grotesque! D’ailleurs, les dirigeants de Bell s’avisent bien de nous fournir aucun détail sur la rentabilité véritable du service résidentiel dans leurs rapports annuels. Ils préfèrent, de pair avec leurs mercenaires de tout acabit et avec l’assentiment des organismes réglementaires, tel que le CRTC, nous mentir à tour de bras sur la profitabilité réelle du résidentiel afin d’augmenter inlassablement leur tarif mensuel et nous arnaquer chaque fois un peu plus. Dans son rapport annuel 2001, les dirigeants signalent clairement que Bell détient 96% du marché local du service résidentiel. Allô ouverture à la concurrence et allô marché avec ses lois économiques dites naturelles. Faut plutôt parler d’un véritable monopole privé. En 2002, les services locaux totalisaient 35.4% des ventes totales contre 37% en 1993. Et, n’oublions pas que le service de téléphone résidentiel de Bell aide à stimuler fortement les ventes de plusieurs produits et services connexes, dont l’interurbain entre autre. Dire qu’en 1992, le coût mensuel d’un téléphone résidentiel était de 13.70$ à plusieurs endroits au Québec et en Ontario (Recto-Verso, novembre-décembre 1997) alors que ma dernière facture de Bell fait état d’un tarif de base de 29.61$ (mars 2002) et de 34.00$ après TPS et TVQ pour un téléphone résidentiel à Ste-Marguerite dans les Laurentides. Du vrai vol à l’exposant «N». Comme si cette arnaque institionnalisée n’était pas assez, les dirigeants de Bell en ont rajouté encore plus lors de leurs audiences d’avril 2000 devant le CRTC en disant le plus sérieusement du monde que: «au chapitre du service de résidence, les clients de Bell ne paient que 76% du coût réel des services de base» (Le Devoir, 1 avril 2000, «Bell demande une hausse de ses tarifs résidentiels»). Si le téléphone résidentiel est si déficitaire, pourquoi alors ne liquident-ils pas cette division et ne ferment-ils pas la «shop»? Et pourquoi ont-ils racheté en 2002, au gros prix (6,32 milliards$) s’ilvous-plaît, la participation de 20% que détenait la firme américaine SBC Ameritech dans Bell Canada? Messieurs, serait-il possible d’être plus subtil dans vos énormités et d’arrêter de nous prendre pour des caves? Mondialisation à la sauce du privé et de Bell Le secteur privé canadien a beau se gargariser du concept siroteux de la mondialisation, souvent pour justifier des mises à pied, des baisses d’impôts et de taxes, des privatisations, de la déréglementation, de la sous-traitance, etc, et BCE a beau clamer qu’elle est la plus grande société canadienne de communications mais, dans les faits, les firmes canadiennes si elles jouent au gros ici, elles se font fort discrètes ailleurs, étant quasi-absentes en Europe occidentale et très peu visibles en Asie, en Afrique et en Amérique latine à moins que l’État canadien les accompagnent et les soutiennent. Les ligues majeures en économie sont pour les firmes européennes et américaines et les ligues de garage pour... En 2002, sur des produits d’exploitation consolidés totaux de 19.8 milliards$ de Bell Canada Entreprises, 95% (18.8 milliards$) ont été réalisés au Canada, 4% aux États-Unis et un gros 1% ailleurs dans le monde. Voilà pour la mondialisation servie à la sauce du patronat canadien. D’ailleurs, en 2002, BCE a liquidé sa filiale Bell Canada International et a vendu au cours des dernières années ses placements étrangers comme Telecom Américas, Jones Intercable, Cable & Wireless Communications, KG Telecommunications, Phone Com, Clear Communications, etc. Elle s’est sortie, et les concurrents l’ont sortie, de l’Amérique latine, de l’Asie, du Moyen-Orient et de la vieille Europe. Pourquoi se frotter à la farouche concurrence à l’étranger lorsque l’on peut opérer tranquillement dans un monopole lucratif au Canada? Détail du coût total des frasques de 47 milliards$ de BCE Les pertes totales de 47 milliards$ encourues par Bell Canada Entreprises (BCE) au cours des 14 dernières années (1989-2002) sont conservatrices et n’incluent pas les flops retentissants comme le système de communications Alex et le retrait de BCE de plusieurs pays et de certaines activités. Ces pertes de 47 milliards$ subies durant les 14 dernières années dans toutes sortes d’aventures aussi loufoques les unes que les autres, allant de Bell Canada International à Téléglobe, de Montréal Trustco à Nortel Networks, de TransCanada Pipelines à Excel, de l’immobilier au génie informatique, de la vente et du rachat de sa participation de 20% dans Bell Canada à SBC Ameritech, de Bell Globemedia à Alex, etc., représentent une moyenne annuelle de 3.3 milliards$. Qui dit mieux? Plusieurs de ses stratégies de diversification ratées furent très éphémères comme dans les cas de l’immobilier, des services financiers, du pétrole et du gaz, de l’international avec Bell Canada International, de la vente et du rachat d’une participation de 20% dans Bell Canada à SBC Ameritech, de Téléglobe, d’Excel, etc. Voici brièvement le détail de ces gigantesques pertes subies par Bell sur votre bras au cours des 14 dernières années (1989-2002): Nortel Networks (2000, fin de l’aventure) 13 milliards$ Téléglobe et Excel Communications (1998-2002) 13 milliards$ Vente (1999) et rachats (2002) d’une participation de 20% dans Bell Canada à SBC Ameritech, USA 7 milliards$ Immobilier - BCE Development, Daon Development, BF Realty Holding et Brookfield (1985-1993) 2 milliards$ Achat (1989) et vente (1993) de Montréal Trustco 1 milliard$ Génie informatique - Kinburn Technology, SHL Systemhouse et autres 1 milliard$ Bell Canada International, BCE Emergis, Bell Globemedia, Iridium, Sky View, Alliant, Sympatico et autres filiales 7 milliards$ Général - Nombreux frais de restructuration, de transformation, de rationalisation et autres 3 milliards$ TOTAL 47 milliards$ Ah, j’allais oublier, BCE a réalisé en 1993, un gain insignifiant de 200 millions$ lors de la vente de ses filiales TransCanada Pipelines (transport de gaz naturel) et d’Encor, un producteur de pétrole et de gaz naturel. Vous vous dites certainement que faisait alors BCE dans le pétrole et le gaz naturel? Vous n’êtes surtout pas les seuls, loin de là. Mais chez BCE, tout est possible et plus rien ne nous surprend. Coût fiscal de 10 milliards$ des frasques de BCE pour les contribuables Les nombreux déboires de Bell au montant de 47 milliards$ expérimentés au cours des 14 dernières années vont également coûter très cher aux contribuables canadiens, car BCE aura droit à des remboursements d’impôts et à des déductions fiscales du gouvernement fédéral et des provinces d’au moins 10 milliards$. L’État, qu’il soit fédéral ou provincial, sera donc privé de 10.1 milliards$ et devra compenser ce manque à gagner en allant le chercher dans les poches des contribuables canadiens ou en coupant dans les services publics. Voilà encore appliqué le dicton qui postule la socialisation des pertes privées et la privatisation des profits. Ne l’oublions pas encore une fois, le coût des frasques de 47 milliards$ de BCE et des déductions fiscales de 10 milliards$ qui s’ensuivent, ce sont principalement les consommateurs, les employés et les contribuables qui en font les frais. Certainement pas les dirigeants de Bell qui, avec leurs parachutes dorés, s’en sortent avec des millions et des millions en salaires, en primes de départ et en rentes de retraite, toujours sur le bras des consommateurs, des employés, des actionnaires et des contribuables. Téléglobe et Excel Communications Téléglobe était une société d’État fédérale qui était fort rentable du temps qu’elle était gérée par des fonctionnaires. Puis, Brian Mulroney, alors premier ministre du Canada et grand partisan de l’idéologie néolibérale, a vendu cette entreprise pour des miettes à la binerie Memotec qui l’a ensuite refilée au tandem Bell et Charles Sirois, la vedette d’alors de l’entrepreneurship québécois qui, en bon «smat» qu’il était, ne se gênait pas pour multiplier haut et fort ses lumineux conseils sur la façon de gérer l’État. Excel Communications des États-Unis acquise en 1998 par le «visionnaire» Charles Sirois au prix d’environ 6.7 milliards$ canadiens fut vendue en 2001 à l’entreprise américaine Vartec Telecom pour moins de 250 millions$ US («Vente d’Excel: Téléglobe se débarasse d’un boulet». La Presse, 28 août 2001, Charles Côté, journaliste). Puis, c’est en 2002 que Bell a largué Téléglobe et que le président de l’entreprise Jean C. Monty a remis sa démission. Dans son article du 25 avril 2002 intitulé «Monty victime de sa démesure», le journaliste Gérard Bérubé du Devoir dit alors que la radiation de Téléglobe pourrait atteindre une perte de 8.5 milliards$ US aux livres de BCE. Démesure peut-être, mais cela n’a pas empêché le petit Jean C. Monty de recevoir une grosse prime de départ de 1.34 millions$ (Journal de Montréal, 12 avril 2003) et de toucher une grosse pension de vieillesse de BCE de près de 2 millions$ par année pour le reste de sa vie (La Presse, 30 avril 2002). Enfin, en 2000, le sieur Monty avait encaissé un p’tit 50 millions$ de rien du tout à la levée d’options d’achats d’actions. L’argent versé à Monty, c’est pas Bell qui le paie au bout du compte, c’est vous avec votre argent. Enfin, Téléglobe s’est placé sous la protection des tribunaux au mois de mai 2002 (La Presse, 16 mai 2002, Martyne Couture, journaliste). Résultat final, l’aventure de Bell dans Téléglobe aura finalement coûté à l’entreprise au moins 13 milliards$. La «Bell» affaire! Vente et rachat d’une participation de 20% dans Bell Canada à SBC Communications, USA En 1999, BCE vend une participation de 20% dans sa lucrative filiale Bell Canada à l’américaine SBC Communications pour une considération de 5.1 milliards$ et comptabilise à ce moment un gain de 4.242 milliards$ à son état des résultats, gain qui représentait alors 78% du bénéfice net de 5.459 milliards$ déclaré par BCE en 1999. Puis, en 2002, elle rachète cette même participation de 20% dans Bell Canada de la même entreprise américaine SBC, pour une considération de 6.32 milliards$ et en profite alors pour augmenter au bilan son actif intangible «achalandage» ou «écart d’acquisition» pour un montant de 5.472 milliards$. Premièrement, signalons encore une fois de plus l’illogisme des dirigeants de BCE. Vendre en 1999 une participation de 20% dans sa filiale de Bell Canada à SBC Ameritech des États-Unis pour 5.1 milliards$ et la racheter moins de trois ans après en 2002 pour 6.32 milliards$, dépasse tout entendement et fait subir à l’entreprise 1.22 milliards$ en perte économique sèche. Il est très facile à comprendre le calcul de cette perte de 1.22 milliards$ pour BCE et c’est cette perte nette qui aurait dû être comptabilisée dans les états financiers de BCE entre 1999 et 2002. Mais ce n’est pas ce qu’ont fait les dirigeants de l’entreprise. Par opportunisme et avec l’utilisation de cosmétiques comptables, tout en recevant la bénédiction de leur très aimable vérificateur externe Deloitte & Touche, ils ont comptabilisé, lors de la vente, un super gain de 4.242 milliards$ en 1999 et ont augmenté, lors du rachat, l’actif intangible d’achalandage de 5.472 milliards$ en 2002. Cette façon de faire des dirigeants de BCE, quant au traitement comptable de cette transaction (vente et rachat de la participation de 20% dans Bell Canada), est fallacieuse, trompeuse et a induit en erreur les investisseurs et les lecteurs des états financiers de BCE. Cet artifice comptable a gonflé les bénéfices, l’avoir des actionnaires (bénéfices non répartis) et l’actif total de la firme. Et dire que ce sont ces mêmes personnes qui parlent d’imputabilité et de transparence obligatoires dans le public. Ces artifices comptables de 4.2 milliards$ et de 5.5 milliards$ respectivement cuisinés par les dirigeants de BCE en 1999 et en 2002 sur cette même transaction, quoique très importante en chiffres absolus, en pourcentage du bénéfice net et de l’actif total, aucun média et aucun organisme patronal ne les ont relevés et signalés au grand public. Mais que l’État ou un organisme public ne s’avise pas de faire la même chose, même en moins grossier et en valeur monétaire moindre, alors là, attendez-vous aux accusations de toutes sortes et aux gros titres flamboyants provenant de l’artillerie lourde. En 2002, lors du rachat de la participation, les dirigeants de BCE auraient dû comptabliliser une perte à l’état des résultats de 5.4 milliards$,soit la perte économique réelle de 1.2 milliards$ (prix de rachat 6.3$ moins prix de vente 5.1$) plus l’annulation du gain de 4.2 milliards$ comptabilisé en 1999 qui s’est avéré ultérieurement une perte. Mais non, en 2002, la direction de BCE a décidé en lieu et place, de camoufler le tout en augmentant au bilan un actif intangible bidon du nom «d’écart d’acquisition» de 5.4 milliards$. On a entreposé ce «moton» de 5.4 milliards$ dans ce poste d’actif intangible de façon «provisoire», qu’ils ont dit dans le rapport annuel 2002. Le temps d’un certain laps de temps pour que les gens oublient, puis «oups» par enchantement on va, quelques années plus tard, radier ce montant en le transférant et en diminuant directement le compte de bénéfices non répartis de l’avoir des actionnaires au bilan. Ni vu, ni connu. Du vrai tripotage de faits économiques significatifs dans le but de leurrer et de tromper les lecteurs des états financiers. Lorsque la rémunération des dirigeants d’une entreprise est fondée sur le rendement obtenu, la tentation est alors forte d’augmenter à tout prix le profit, quitte à utiliser au passage des artifices comptables. À cet effet, les scandales financiers mis à jour l’an passé aux États-Unis constituent un exemple probant. Un gigantesque trou public financier de 5.4 milliards$ et personne n’en dit mot. Si ça relève du privé avec leur éthique, leur régie d’entreprise et leur gouvernance exemplaires, c’est que ça doit être correct. On parle ici d’un trou réel de 5.4 milliards$, basé sur des faits passés objectifs et non d’un trou hypothétique reposant seulement sur des données budgétaires, comme celui relevé dans le dernier budget de la province du Québec par Guy Breton, l’ex-vérificateur général du Québec, devenu l’homme de main du nouveau gouvernement libéral du Québec, dont tout le monde a parlé et empiré à dessein la chose par intérêt . Peut-être que l’on pourrait mandater ce même Guy Breton pour enquêter sur le trou de 5.4 milliards$ dans les états financiers 2002 de BCE, lui qui est un spécialiste en la recherche et surtout en la «découverte» de trous de tous genres, principalement ceux émanant du secteur public? Nortel Networks - Le cadeau empoisonné Quant au canard boiteux largué en 2000 par les dirigeants de BCE à ses actionnaires, qui sont devenus les dindons d’une farce vraiment grotesque, ces derniers savaient bien alors ce qu’ils faisaient. Ils ont voulu sauver les meubles et transférer rapidement cette bombe à retardement aux actionnaires afin de ne pas avoir à prendre en charge des pertes énormes sur cette filiale. Larguée en 2000 à ses actionnaires, la valeur des actions de Nortel est tombée à presque rien en 2001, un an seulement après son délestage. Rions encore plus sur le génie visionnaire des dirigeants de BCE en observant quelques folles acquisitions effectuées au gros prix par Nortel Networks de 1998 à 2000, période durant laquelle elle était détenue par BCE. Cette courte énumération ne prétend aucunement être exhaustive: 1. «Nortel achète Bay Network de Californie, pour 9.1 milliards$ US (environ 13 milliards$ canadiens)» (Journal de Montréal, 16 janvier 1998); 2. «Nortel versera jusqu’à 3.25 milliards$ US (environ 4.5 milliards$ canadiens) pour Qtera en Floride» (La Presse, 16 décembre 1999); 3. «Nortel entreprend 2000 en haute vitesse. Le géant acquiert un développeur d’accès à Internet (Promatory Communications de Californie) pour 778 millions$ US (environ 1.5 milliards$ canadiens)» (La Presse, 7 janvier 2000); 4. «Une PME (Xros de Californie) vendue 3.25 milliards$ US (environ 4.5 milliards canadiens) à Nortel» (La Presse, 15 mars 2000). Les dirigeants de BCE ont comptabilisé dans leurs états financiers de l’an 2000 le transfert de Nortel Networks à leurs actionnaires à titre d’un dividende versé à ses derniers au montant de 10.7 milliards$ et ont réduit directement l’avoir des actionnaires (bénéfices non répartis) du même montant. En voici une dernière avant de passer à autre chose: «Nortel obtient 108 millions US pour des actifs payés trois milliards US en 2001 (environ 4.5 milliards$) (Le Journal de Montréal, 8 décembre 2002). En seulement un an, on revend la patente à gosses en subissant une légère perte d’environ 4.3 milliards$ canadiens. Une autre preuve de plus que le privé c’est toujours meilleur. Et que dites-vous de ceci: «Un milliard engouffré dans un fonds de retraite de Nortel». Tel était le titre d’un article du Devoir du 6 juillet 2002 dans lequel on disait que: «Plus de un milliards$ US d’un fonds de retraite d’employés non syndiqués aux États-Unis a été perdu parce qu’il était constitué d’actions de la compagnie... Le rendement du fonds canadien n’a pas été rendu public par les dirigeants de Nortel. «Bel exemple de transparence. Nortel a fait beaucoup pire que la caisse de dépôt dans la gestion de sa caisse de retraite mais on n’en parle pas ou à peine. Seulement un minuscule article de la Presse Canadienne. Faut être tolérant envers le privé. Ajouter au moins un autre milliard$ US dans le fonds de retraite canadien de Nortel, ça fait deux milliards$ US, soit environ 2.8 milliards de dollars canadiens pour une seule compagnie. Rationalisation et restructuration à la mode Bell À force de commettre des gaffes l’une après l’autre, l’entreprise congédie et impartie en soustraitance ses employés afin de sauver la face et de maintenir sa rentabilité. Les employés deviennent donc alors les victimes des nombreuses et coûteuses erreurs commises par les administrateurs de Bell. Voici, à titre d’exemple, ce que disait la note 4 intitulée «Frais de restructuration et autres frais» des états financiers de 1999 de BCE: «Les frais de restructuration, composés surtout d’indemnités de cessation d’emploi (visant environ 2600 employés) et de coûts supplémentaires qui y sont reliés, résultent principalement de la décision d’impartir une partie des activités du Service de téléphonistes, du démantèlement de Gestion du réseau canadien Stentor et de la rationalisation des coûts au sein d’autres groupes d’exploitation». En 2001, les programmes de rationalisation concernant la réduction de l’effectif de Bell et de ses filiales ont touché 4150 employés additionnels licenciés ou mis à la retraite, après les 2600 téléphonistes licenciées et vendues en 1999 à un sous-traitant dont Bell est toutefois actionnaire! Puis, en 2002, la note aux états financiers concernant les frais liés à la rationalisation et autres frais disait ceci: «Les frais de restructuration résultaient principalement d’une décision de rationaliser certaines fonctions et incluaient des indemnités de cessation d’emploi à l’égard d’environ 1700 employés». Les mises à pied constituent de fait un sport national chez Bell depuis toujours. Et dire que le privé est censé être le seul à être en mesure de créer de la richesse et des emplois pour tous. Par exemple, l’article du journaliste Robert Dutrisac du journal Le Devoir du 28 mars 1995 s’intitulait ainsi: «Bell Canada sabre 10 000 emplois: le géant de la téléphonie veut doubler ses profits». Une chance qu’ils ne voulaient pas tripler leurs bénéfices! Puis, que dire du titre de cet article de La Presse du 12 janvier 1999: «Les Téléphonistes de Bell “vendues” à des Américains». Chanceuses qu’elles sont d’être vendues aux merveilleux «Américains» des States, les défenseurs de la liberté et de la démocratie et qui ont rien de moins que Dieu comme «partner». Puis, dans Le Devoir du 26 avril 2001, le titre de cet article: «Tout baigne pour BCE, à l’exception de Téléglobe: La compagnie Bell a réduit son effectif de 1900 personnes dans le cours normal de ses activités». Donc, licencier pour Bell en particulier et le privé en général est une activité de tout ce qui a de plus normale. Puis, dans le Journal de Montréal du 19 décembre 2002, le titre suivant de cet article: «BCE abolira 1700 emplois: Simplicité et efficacité dit le nouveau président Michael Sabia». Plus les présidents de Bell changent, de Jean de Grandpré, à J.V. Raynond Cyr, à L.R. Wilson, à Jean C. Monty et maintenant Michael J. Sabia, plus c’est pareil. Chez Bell, c’est la politique du deux poids, deux mesures. Pour les dirigeants, c’est différent, comme l’indique très bien le titre de l’article d’Yvon Laprade du 31 mai 2003 paru dans le Journal de Montréal: «Un “conseil”: devenez administrateur de BCE». Il est dit que la rémunération des administrateurs triplera en 2003. Le président du Conseil de Bell a estimé que les montants n’étaient pas exagérés. Je dirais qu’ils sont sous-payés et même exploités. Pour un partenariat public-privé du service résidentiel Je le sais trop bien, dans ce courant idéologique du démantèlement de l’État, de la privatisation, de la déréglementation, de la défiscalisation, de la désyndicalisation, etc., suggérer la nationalisation, même avec des chiffres à l’appui, relève pour certains de la provocation, de la folie furieuse, de la pensée magique. Par contre, ceux qui suggèrent l’État minimal, la privatisation, la défiscalisation, la désyndicalisation et la déréglementation, toutes des mesures qui ne profitent qu’à une minorité d’opportunistes et de nantis, comme les mesures suggérées par le patronat et leurs organismes de recherche; par les partis politiques comme le parti Libéral du Québec et l’Action Démocratique du Québec; par les médias et leurs chroniqueurs, leurs éditorialistes et certains de leurs journalistes, tout cela représente à leurs yeux des mesures, un discours et des initiatives courageuses, modernes, incontournables, rafraîchissantes, intelligentes et relevant tout naturellement du gros bon sens. En bon rassembleur, et en bon modéré que je suis, je recommande une solution mitoyenne entre la nationalisation complète et le privé intégral actuel, soit l’instauration d’un partenariat publicprivé du service résidentiel de Bell Canada dans lequel l’État détiendrait une participation juridique suffisante de la nouvelle entité lui permettant d’avoir une influence certaine dans le processus décisionnel. Une telle structure soulèvera à coups sûrs l’enthousiasme et recevra l’assentiment du patronat et des partis politiques qui plaident continuellement en faveur du concept de partenariat public-privé. Pour une fois, je ferai l’unanimité, sauf pour certains groupes d’extrême gauche qui trouveront ma proposition beaucoup trop à droite. J’y reviendrai en conclusion dans la deuxième partie de mon texte.