30 ans de combat mis en boite le projet
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30 ans de combat mis en boite le projet
30 ANS DE COMBAT MIS EN BOITE LE PROJET Memorama est un projet conçu dans le cadre des 30 ans de France Alzheimer et maladies apparentées. Il réunit quatre objets dont chacun raconte une histoire, évoque un sentiment, nourrit une atmosphère chère à l’Association. Pour autant, tous soulignent un seul et même engagement : celui consacré depuis 30 ans par France Alzheimer et maladies apparentées pour accompagner les personnes malades et leurs aidants, changer le regard porté sur la maladie, lutter contre la maladie d’Alzheimer. Uniques, symboliques, poétiques… La magie opère dans les yeux du visiteur/acteur quand il découvre la causeuse, la porte-bibliothèque, la visionneuse et le cerveau brillant qui composent la boîte à souvenirs, grandeur nature, de l’Association France Alzheimer et maladies apparentées. On est ici bien loin des codes stéréotypés d’une œuvre d’art contemporain. Le visiteur est invité à s’approprier les quatre objets, à les manipuler, à les ouvrir, les fermer… Une chose est sûre, que l’on soit une personne malade, un aidant, un bénévole de l’association France Alzheimer et maladies apparentées ou un « simple » citoyen portant un intérêt à la cause Alzheimer, personne ne reste insensible. L’objet est évocateur pour quiconque l’observe, quiconque en prend possession ! Cette boîte à souvenirs inédite a été pensée et conçue dans le cadre des 30 ans par la designerplasticienne Isabelle Daëron. Cet objet sensible révèle l’engagement sans faille et le combat mené depuis 30 ans par l’Association pour améliorer l’accompagnement des familles, soutenir la recherche scientifique, former les professionnels de santé, sensibiliser et informer les pouvoirs publics et le grand public. Avec cette boîte à souvenirs, c’est un voyage individuel ou collectif que propose France Alzheimer et maladies apparentées au visiteur. Entre introspection et relation à autrui, les notions de solidarité, de mobilisation et de générosité face à la maladie prennent ici tous leurs sens. Les boîtes à souvenirs : un outil de médiation Le projet Memorama intégrant quatre objets d’envergure rappelle les boîtes à souvenirs utilisées par les associations départementales France Alzheimer et maladies apparentées lors des ateliers de réminiscence. Ces ateliers s’inscrivent dans le cadre des travaux menés par Arlette Goldberg, coordinatrice française du Réseau Européen de Réminiscence. Les personnes malades participant à ces ateliers sont invitées à intégrer dans les boîtes à souvenirs mises à leur disposition des objets marquants de leur vie. Ces ateliers n’ont pas pour objectif d’améliorer les performances cognitives de la personne malade mais de donner du plaisir en renforçant son sentiment d’identité. La boîte à souvenirs Memorama de l’Association France Alzheimer et maladies apparentées s’est construite sur ce modèle. Inutile de chercher ailleurs la moindre copie, chaque objet est ici unique. Un peu à l’image de chaque histoire familiale avec la maladie. FACE À FACE La conseillère artistique Nawal Bakouri et la designer Isabelle Daëron se sont prêtées au jeu du face à face et nous donnent leur perception respective du projet Memorama. Nawal Bakouri, conseillère artistique « Faire écho à l’imaginaire et aux souvenirs de chacun » Plusieurs étapes furent nécessaires pour aboutir à cette boîte à souvenirs et ses 4 composants majeurs. Résumer 30 ans d’engagement et une politique d’action solidaire en quelques éléments : le projet semblait très ambitieux. Quel fut le principal écueil que vous avez rencontré ? Nawal Bakouri : « Le plus complexe fut, à mon sens, de matérialiser une vision de France Alzheimer et maladies apparentées partagée par les élus et bénévoles de l’Association. C’était là tout l’enjeu du projet. Il était donc important de prendre le temps d’échanger avec plusieurs interlocuteurs, fins connaisseurs de l’Association, pour traduire la vision la plus fine qu’en avaient les élus et bénévoles. Nous souhaitions produire quelque chose de concret, qui parle aux gens, qui soit assez évocateur pour que chacun se l’approprie. Le piège aurait été de réaliser une œuvre d’art abstraite, bien loin de la réalité concrète de terrain défendue par l’Association. Nous voulions aussi aboutir à une réalisation qui témoigne d’une certaine sensibilité, à la plastique évocatrice mais qui ne soit pas uniquement sujette à la contemplation par des spécialistes comme c’est le cas pour la plupart des objets d’art. Très vite, le recours à une designer-plasticienne s’est imposé. Ce profil nous permettait, par ailleurs, de faire appel à quelqu’un qui avait une culture de projet, quelqu’un capable de répondre à un cahier des charges, de conceptualiser une commande précise, d’assurer le suivi de fabrication. » Ces réalisations nécessitaient de mettre en relation des univers qui n’ont pas forcément l’habitude de se côtoyer entre des familles touchées par la maladie, une designer -plasticienne, les élus bénévoles d’une association de personnes malades et d’aidants, des artisans… Vous étiez en charge d’assurer la parfaite complémentarité de ces interventions. Quel fut concrètement votre rôle en tant que conseillère artistique ? N. B. : « Là encore, il a fallu fonctionner par étape avec, pour commencer, un important travail d’analyse et de synthèse. Analyse d’une part du besoin de l’Association, de ses objectifs et du contexte. Synthèse d’autre part des informations diverses afin de construire un cahier des charges qui permettait de voir aboutir le projet en fonction de la compréhension de l’Association et de sa structure. Il fallait impliquer tous les niveaux. Une fois la commande parfaitement définie, il m’a fallu préciser le profil du concepteur, en l’occurrence ici, Isabelle Daëron, designer plasticienne, retenue sur dossier et après entretien. J’avais au préalable sélectionné une dizaine de profils capables de répondre à la commande et de respecter un timing très serré. J’en ai rencontré 5. Deux ont été présentés à l’Association pour sélection finale. En outre, l’univers médico-social n’était pas inconnu d’Isabelle Daëron même si dès le départ, elle fut très modeste et humble dans sa compréhension de la maladie. Les objets présentés ont bien entendu été influencés par sa vision personnelle mais chacun, de par l’utilisation qui doit en être faite, fait écho à l’imaginaire et aux souvenirs personnels du visiteur. France Alzheimer et maladies apparentées a été séduite par la poésie presque naïve au sens noble du terme qui transparaissait sur chacun des objets. Des objets au design épuré, des objets simples mais pas simplistes. Pour moi, ils sont comme des haïkus japonais, ces petits poèmes très courts et symboliques qui comportent d’ailleurs toujours une notion de temps. S’il fallait résumer mon action, je me devais de préciser en continu les enjeux du projet à la designer tout en alertant l’Association sur la faisabilité des détails du projet, les problématiques rencontrées, les partis-pris souhaités. Mais je suis surtout une sorte de traductrice qui parle à la fois le langage associatif et le langage de l’art. » Cette boîte à souvenirs est avant tout un projet collectif. La rencontre entre la vision solidaire d’une structure associative, l’esprit de synthèse et d’analyse d’une conseillère artistique, la créativité et l’expertise d’une designer, le savoirfaire de plusieurs artisans. Est-ce compliqué de coordonner ces différentes interventions ? N. B. : « Ma partie est de m’assurer que le projet émerge dans les conditions souhaitées par chacun. Je fais essentiellement de la médiation, de la traduction, mais la partie production est en grande partie gérée par la designer. Mon apport est un soutien logistique et surtout du point de vue de l’éthique artistique. C’est le rôle de conformité au projet que j’ai co-écrit avec l’Association. La coordination fut d’autant plus simple qu’un important travail de définition du projet avait été réalisé en amont. La commande était donc très précise. Au final, nous obtenons une boîte à souvenirs en cohérence avec l’activité de l’Association et les ressentis qui s’y rattachent. Pour autant, chaque objet, s’il participe à un tout, peut vivre séparément car il raconte une histoire propre. L’idée étant que chacun se fasse sa propre interprétation de ce qu’il a en face de lui. » Isabelle Daëron, designer-plasticienne « De la réflexion à la conception : une œuvre collective » A posteriori, vous avez défini ce projet de boîte à souvenirs comme un véritable défi pour la designer que vous êtes. Quel était ce défi ? Isabelle Daëron : « Après réflexion, c’était un défi à double titre. Le premier était de mettre mes compétences de designer au service d’un projet qui fait sens, d’un projet qui fédère. A ce titre, il fallait imaginer un ou plusieurs objets qui puissent incarner un engagement, un combat, une cause et ses valeurs. Le deuxième défi à relever, en parallèle, fut celui de la synthèse. A savoir, se nourrir des entretiens passés et de la richesse de contenu pour faire émerger des notions fortes, des principes directeurs. De ce travail, sont nés les objets du projet Memorama. L’erreur aurait été de tomber dans une liste exhaustive d’objets. Je crois sincèrement que notre réflexion collective a permis d’aboutir à des formes assez évocatrices. » Justement, quels principes fondateurs de l’Association et témoins de son développement, avez-vous identifiés en amont de la conception des objets ? I. D : « Il faut d’abord préciser que ces principes sont d’abord ceux exprimés par les bénévoles de l’Association, des experts scientifiques en lien direct avec France Alzheimer et maladies apparentées, plusieurs membres du conseil d’administration de l’Union nationale ainsi que certains salariés. L’idée fut ensuite de faire ressortir les éléments communs qui témoignaient d’une même identification. Quant aux principes forts, je citerais le relationnel et la proximité, le répit, le maillage territorial et national, le combat sémantique, la quête de connaissances sans oublier une certaine dualité entre, par exemple, aidants et bénévoles ou sciences médicales et sciences humaines et sociales. » Identifier des principes fondateurs est une chose, les transformer en objets concrets en est une autre. Comment s’est opérée chez vous l’évolution conceptuelle ? I. D : « Partant du principe que la maladie et son accompagnement relevaient avant tout de l’intime et du relationnel, l’élément déclencheur fut de prendre appui sur un objet domestique. Cet objet domestique devait aussi bien symboliser la sphère privée que le souci de l’accueil porté par chaque association départementale. Par ailleurs, cet objet domestique qu’est la causeuse devait donner lieu à différentes interprétations symboliques. Il a fallu ensuite penser un objet qui symbolise l’Association en actions. Or, la difficulté était de concentrer en un seul objet une pluralité d’actions. Je crois, en toute humilité, que nous y sommes parvenus avec la fenêtre–visionneuse. Quant au cerveau brillant, il constitue la représentation première de la maladie pour le grand public à savoir un cerveau mis à mal mais qui peut également développer des mécanismes de défense face à la maladie. Il était important d’illustrer cette ambiguïté d’un cerveau malade aux neurones affectés mais encore capable d’être à l’origine d’actions réfléchies et sensées. La réalisation en 3D avec la peinture métallisée laisse planer chez l’observateur un doute quant à l’objet en lui-même, très peu significatif quand il est fermé, beaucoup plus quand il est ouvert. Quant à la porte-bibliothèque, elle illustre l’ouverture vers la connaissance en même temps que le maillage territorial…» QUATRE EN UN... La boîte à souvenirs France Alzheimer et maladies apparentées se composent de quatre objets d’envergure. Ces quatre objets, pièces uniques réalisées dans le cadre de ce projet, ont été conçus pour être utilisés, manipulés. Cette dimension fonctionnelle a été recherchée tout au long de la phase de conception pour traduire une posture active toujours présente au sein de France Alzheimer et maladies apparentées, celle des bénévoles, des personnes malades et des aidants. En même temps, ils revêtent tous une dimension symbolique forte par l’objet seul et une dimension plus narrative par le contenu de chacun d’eux. La causeuse Memorama La causeuse est ce petit canapé bas où peuvent s’asseoir deux personnes pour converser. Tant dans son appellation que dans sa forme, elle incarne le dialogue. La proximité favorise l’échange et l’interaction. Objet chaleureux par excellence, la causeuse n’induit pas forcément un échange verbal. Elle sous-entend tout au moins un accompagnement, un lien social dans une atmosphère sereine, apaisante et confortable, à l’image de l’accompagnement qui est proposé au sein des associations départementales France Alzheimer et maladies apparentées. Il s’agissait de prendre appui sur ce type d’objet singulier pour traduire ce que propose en premier lieu l’association : des lieux de rencontre et d’échange (les haltes-relais, les cafés mémoire France Alzheimer, les groupes de parole, etc.). Par ailleurs, l’objet illustre symboliquement le choix qui s’offre à nous, après s’être assis, de converser ou non avec la personne à nos côtés ou d’uniquement choisir de regarder en silence dans une même direction. Avec la causeuse, est symbolisée la rencontre entre deux espaces habités : celui de l’aidant rencontrant celui de la personne malade ; celui des familles rencontrant celui du bénévole. La causeuse souligne ainsi l’attention portée par l’Association à ces temps de dialogue sur la maladie mais aussi sur le quotidien des personnes malades et de leurs proches aidants. La visionneuse Memorama Qui n’a jamais eu entre les mains une visionneuse sous forme d’appareil photo ? Qui ne s’est jamais extasié devant la magie de cet objet capable de vous faire voyager en un seul coup d’œil. L’objet est évocateur. La visionneuse Memorama est un objet qui détourne la fonction première d’une fenêtre. Elle illustre l’évasion, l’ouverture sur l’extérieur, la fuite temporaire d’un quotidien compliqué marqué par la maladie. Elle souligne aussi et surtout les solutions proposées aux familles par l’Association pour faire face à cette difficile réalité. Une fenêtre à six carreaux, six actions portées par l’Association : les Séjours Vacances – Répit Alzheimer®, la formation des aidants, les cafés mémoire France Alzheimer®, les haltes relais France Alzheimer®, les temps de convivialité, les groupes de parole. Le cerveau brillant Memorama Comment traduire dans un même objet la double perception de la maladie – médicale et sensible ? Le cerveau brillant est un objet réfléchissant son environnement. Il est à première vue difficilement nommable – à l’image d’une maladie qui n’avait pas encore trouvé ses mots pour la définir il y a 30 ans. En s’ouvrant, il révèle les contours d’une tête humaine en proposant deux représentations du cerveau. La première décrit les atteintes cérébrales causées par la maladie. La seconde présente la part d’identité sensible, l’imaginaire, l’expérience sensorielle de la personne malade. Deux visions complémentaires d’un organe dans le combat contre la maladie. La porte bibliothèque Memorama La porte-bibliothèque Memorama donne à voir une des forces de France Alzheimer et maladies apparentées : son maillage territorial. Passer la porte de l’Association, c’est avant tout s’adresser à un réseau de plus de 90 associations départementales. Derrière la porte, une bibliothèque réunit les ouvrages les plus marquants édités par l’Association depuis 30 ans. Les livres symbolisent ici la connaissance, le partage d’expériences, la recherche qui progresse à travers les publications dans les revues scientifiques, l’expertise et le militantisme actif de France Alzheimer et maladies apparentées