Palais de Justice
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Palais de Justice
7 février 2012 (CALM R&V) Palais de Justice RV 10 h 00 au métro CITÉ Brrrrr ! Quel froid sibérien. Nous nous retrouvons au métro "Cité", gelés, prêts à partir à l’assaut de cet immense paquebot bordé au nord par le quai de l’Horloge, au sud par le célèbre quai des Orfèvres, à l’est par le boulevard du Palais et à l’ouest par la rue de Harlay et la place Dauphine. Nous attaquons notre visite au pas de charge, investissons les lieux par le 10 du boulevard du palais. Une brigade de fringants CRS nous accueille avec leur sourire et leurs scanners, sécurité oblige. Sacs et personnes sont passés au détecteur de métaux. "RIEN A DECLARER ? Non, alors bienvenue au Palais". Le site occupe 4 hectares de la pointe occidentale de l’île, avec une superficie au sol de 200 000 m2, 24 kilomètres de couloirs, 7 000 portes, 3 150 fenêtres. 15 000 personnes, 4 000 magistrats, 23 000 avocats y travaillent. Il abrite 1 cour de cassation, 1 conseil d’état, 30 cours d’appel, le tout surveillé et protégé par notre magnifique Garde Républicaine. Nous voilà dans la cour de Mai, prêts à escalader les magistrales marches de pierre qui donnent accès au Palais. Nous entrons dans la cathédrale du droit par la galerie marchande. Après avoir regroupé ses troupes, notre guide nous invite à nous diriger vers l’immense salle des pas perdus ou se croisent avocats, clients, visiteurs et autres badauds. Tout l’édifice, boiseries, moulures, sculptures datent du 19ème siècle. En effet, au cours des siècles, le Palais a été mainte fois détruit, brulé et reconstruit. Il reste cependant quelques vestiges de l'ancien palais royal dans les deux tours de la Conciergerie ; dont la tour BONBEC, dernier vestige du XIIIème siècle qui servait de salle de torture, très prisée à l’époque pour délier les langues. Au menu, nous avons le supplice de la chèvre, on se fait lécher les pieds par une chèvre, parfait pour détendre les zygomatiques, ensuite, nous avons le supplice de la goutte d’eau, attaché sur une planche, on fait couler un goutte à goutte sur le front, très agréable pour décontracter les neurones, ambiance « zen » assurée. Pour finir une petite friture ? Le supplice de la bassine d’huile bouillante. On trempe la main de l’accusé dans l’huile bouillante. Si la main ressort intacte, c’est qu’il est innocent. Nous voilà dans l’ambiance. Dame justice a bien raison de se bander les yeux pour ne pas voir ces horreurs ! L’Ile de la cité a toujours été un centre du pouvoir dédié à l’administration et la justice. Déjà à l'époque Gallo-Romaine, à ce même endroit, s’élevait le palais des Gouverneurs Romains dans lequel ils exerçaient le pouvoir civil et militaire. Les Rois Mérovingiens ont investi les lieux jusqu’au VIIIème siècle. C'est dans ce Palais que meurt Clovis en 511. Une petite visite chez Hugues Capet premier monarque de la dynastie des capétiens (941996) roi de 987 à 996. Il en fait sa résidence royale. Dès lors, les Rois de France s’y succèdent jusqu’à Charles V le sage (1338-1380) roi de 1364 à 1380 qui abandonne le palais avec sa famille pour s’installer au Louvre. Le Palais devient alors le quartier administratif. Parmi les locataires illustres signalons particulièrement Louis VI le Gros qui occupe les lieux avec sa cour et le Parlement en 1112, Philippe Auguste (1165-1223) le roi bâtisseur, Louis IX dit Saint Louis (1214-1270) à qui l’on doit la construction de la sainte chapelle, et Philippe le Bel (1268-1314) qui agrandit et embellit l’édifice. A l’époque, le pouvoir royal et le pouvoir judiciaire sont indissociables. Bien que les avocats soient déjà très présents, c’est toujours le jugement final du roi qui fait loi. Les rois de France étant d’essence divine, leur jugement est sans appel. "Petits rappels avant de continuer notre visite afin de mieux comprendre la suite : - TGI veut dire Tribunal de Grande Instance. Il est compétent pour les litiges supérieurs à 10.000 euros - TI est le Tribunal d’Instance règle les litiges compris entre 4.000 et 10.000 euros. - Un référé est une procédure permettant d’obtenir une décision de justice en urgence." Nous entrons dans la chambre des criées. C’est là qu’ont lieu les ventes judiciaires par adjudication ou à la bougie (exemple : l’affaire des HLM de Paris). A côté de la chambre des criées, la 1ère chambre du TGI (ancienne chambre dorée) est la chambre dans laquelle la reine Marie-Antoinette a été jugée. Cette salle a un accès direct avec la conciergerie. Nous empruntons maintenant la galerie des prisonniers. A droite, la 1ère chambre de la cour de cassation donne sur la Seine. L’entrée est maintenant interdite au public. Elle juge le droit, vérifie si les règles ont été respectées (ex : affaire Seznec). En face, la cour d’assises, avec son jury populaire, dans laquelle on juge les crimes, meurtres, viols et attentats. Les appels y sont également jugés depuis l’an 2000. A gauche c’est la salle des journalistes, à droite la salle des accusés. Les jurés sont au nombre de 9 + 3. La galerie des prisonniers est jalonnée de statues d’hommes et de femmes célèbres. Cour de cassation Cour d’assises Parmi les plus marquants, Vincent de MORO-GIAFFORI (1878-1958) grand avocat d’origine corse connu pour son grand talent d’orateur, adepte de la joute verbale lance au cour d’un procès "La Corse vit en autarcie : elle exporte des fonctionnaires et elle importe des retraités", (wikipédia) ou encore "le mot, c'est le verbe, et le verbe, c'est Dieu !". Il a défendu entre autre LANDRU, ou un membre de la bande à Bonnot, il se fait également connaitre pour la défense des déshérités. Le 15 mai 1956, il est élu par ses pairs Président de la Haute Cour ! (Accadomia Corsa). Au bout de cette galerie, le vestibule de HARLAIS débouche sur la rue du même nom. A sa droite, la cour de Cassation donne sur la seine. Elle a été brulée au 19ème siècle et reconstruite. Plus loin dans la galerie, nous pouvons entrer dans la première chambre de la cour d’appel. Nous y admirons un tableau de Bonnat peintre du 19ème siècle, auteur de nombreux portraits, (il a eu pour élève Braque, Caillebotte, Toulouse-Lautrec etc…). Une magnifique tapisserie d’Aubusson orne le mur au dessus du bureau du Président. Le plafond et les boiseries sont en pitchpin (bois parfait, fil assez droit, grain variable. bois très résineux à aspect corné). Pétain a été jugé dans cette salle. C’est également là que les magistrats prêtent serment. Nous voici maintenant sur le plateau des correctionnelles au-dessus du "36 quai des orfèvres" (la célèbre préfecture de police, au cœur de la vie de la Cité, est garante de la sécurité des personnes et des biens à Paris et dans les 3 départements de la petite couronne. Créée en 1800, au service de tous les publics, elle réunit des compétences diverses qui relèvent à la fois du maire et du préfet dans les autres départements, tout en intégrant les services de police et de sécurité civile mis à sa disposition par le ministère de l’Intérieur). Une petite anecdote rigolote : d’où vient l’expression "les poulets, la volaille etc..." c’est tout simplement parce que, avant que la police ne vienne s’y installer, l’endroit était occupé par un entrepôt de volaille qui desservait les halles situées de l’autre coté de la Seine. Nous arrivons à la bibliothèque des avocats RIPARFOND. C’est une immense salle ou règne un silence de plomb. Très impressionnants tous ces murs tapissés de livres de droit, de codes historiques, une merveille, on peut sentir le poids des siècles d’histoire. La profession d’avocat nait au XIIIème siècle pour assister les accusés en justice. Le mot avocat vient de l’étymologie "vocatus ad" qui veut dire "appelé pour". Les avocats sont inscrits sur une liste officielle. Au XIVème siècle, le barreau de Paris comporte 600 membres. Sous le règne de Louis XIV, l’ordre des avocats est créé avec à sa tête un bâtonnier. Au XVIIIème siècle, le barreau réclame son indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. La révolution dissout tout cela en 1790 et établit le tribunal révolutionnaire qui supprime la profession d’avocat. Quelques irréductibles résistent au péril de leur vie et assistent les accusés devant le Tribunal révolutionnaire. Malesherbes, avocat et défenseur du Roi Louis XVI, sera décapité avec une partie de sa famille en 1794. Chauveau-Lagarde, grand défenseur des accusés de la révolution, a été le défenseur de la Reine Marie-Antoinette. Il a également défendu Charlotte Corday, la meurtrière de Marat. Il a réussi à échapper à la guillotine. Il faudra attendre le règne de Napoléon pour que les barreaux et l’ordre des avocats soient rétablis en 1810 En 1900, une loi autorise enfin une femme à exercer la profession en dépit des réticences des avocats les plus traditionnels. Quelques mots sur Jeanne CHAUVIN, première femme avocat qui après de nombreux refus arrive à s’imposer dans la profession. Elle prête serment en 1900. Viendra ensuite Maria Vérone fondatrice de l’union des avocates de France devient avocate en 1908. Elle milite activement pour défendre les femmes battues. Retournons dans la salle des pas perdus, devant le monument d’A. BERRYER. Né à Paris, le 4 janvier 1790, ce grand avocat et grand parlementaire fut le défenseur du maréchal Ney, Cambronne, de Chateaubriand en 1834 : il prononça de nombreux plaidoyers et collabora à divers journaux ; il fut député royaliste libéral pendant dix-huit ans. Élu à l'Académie, le 12 février 1852, il meurt le 29 novembre 1868. C’est dans cette salle que les futurs avocats prêtent le serment de BEYRRIER. Les conférences Berryer sont des événements d'expression orale, qui mettent en scène les avocats lauréats du concours de la Conférence du barreau de Paris. Les candidats préparent un discours sur l'un des deux sujets proposés, connus à l'avance, et le déclament devant les 12 secrétaires, l'invité et le public (le peuple de Berryer). Ensuite, c'est au tour des Secrétaires de critiquer son art oratoire déplorable… Le ton des réactions des Secrétaires peut être sévère, salace, mais est souvent assez fin et certainement pointé de beaucoup d'humour. (source internet) A l’opposé, nous admirons le monument de marbre élevé en 1821 à la gloire de Malesherbes, l’avocat qui a eu le courage de défendre Louis XVI à la barre de la Convention. Outre la statue en pierre de Malesherbes, nous pouvons admirer à ses côtés les statues de la France et la Fidélité. Le roi Louis XVIII en a composé lui-même l'inscription latine gravée sur le soubassement. Nous avons le plaisir d’apprendre que la France montre ses fesses (clin d’œil ou provocation ?) alors que la fidélité ne découvre rien (pudeur oblige). Qu’à cela ne tienne, la France peut surement se permettre des libertés que la fidélité ne peut pas. Nous défilons donc pour admirer la croupe généreuse de notre belle France, j’ai même l’impression qu’elle me fait un clin d’œil complice la coquine. La salle des Pas Perdus constitue le cœur du palais. Elle se compose de deux immenses nefs séparées par un rang d'arcades en plein cintre. Elle remplace la Grande-Salle, une des plus illustres de l'histoire de France, jadis décorée de statues royales. Cette salle était le siège des cérémonies d'apparat. Incendiée en 1618, elle fut reconstruite en 1822. Après le nouvel incendie de la Commune en 1871, elle fut refaite dans l'esprit de l'ancienne salle. À l'extrémité droite de la pièce, en face du monument aux Morts, un escalier imposant, à double révolution, conduit aux chambres du tribunal civil et au greffe. (Source internet) La chambre dorée ou Grand-Chambre, à laquelle nous ne pourrons pas accéder, est un vestige de l'ancien palais. Le lieu a joué un rôle considérable dans l'histoire du palais. Probablement chambre de Saint-Louis à l'origine, elle fit plus tard partie des locaux du parlement de Paris. C'est dans la chambre Dorée du Palais de justice que siégea, à partir du 6 avril 1793, le tribunal révolutionnaire remplacé par le Tribunal criminel extraordinaire le 10 mai 1793. De nombreux personnages historiques, dont Marie-Antoinette y furent condamnés. Viennent ensuite le tour de Danton, Camille Desmoulins, Chaumette, Fabre d’Eglantine, puis Robespierre, Saint-Just, Henriot et Fouquet. Comme la salle des pas-perdus, elle est restaurée en 1866, incendiée en 1871, et rétablie dans le style primitif de Louis XII (1502). La visite se termine et nous revenons dans la galerie marchande. Que d’histoire, que de drame, que de souffrance, que de larmes, mais aussi que d’anecdotes, drôles, croustillantes (les avocats ont un grand sens de l’humour...) Photos : Jean-Paul et Serge Texte : Claudine