1er Congrès des Ecrivans et Artistes Noir Paris 1956
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1er Congrès des Ecrivans et Artistes Noir Paris 1956
1er Congrès des Ecrivans et Artistes Noir Paris 1956 (titre provisoire) Un film de Bob Swaim écrit par Bob Swaim et Sebastian Danchin et Daniel Maximin sur une idée de Daniel Maximin 19 Septembre 1956… À la fin d’un été chaotique sur la scène internationale, une poignée d’intellectuels du monde noir se retrouvent dans l’amphithéâtre Descartes de la Sorbonne. Officiellement, il s’agit d’évoquer la culture noire dans sa diversité… L’impact de cette rencontre sera tout autre. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, des écrivains et des artistes inspirés par les philosophes du siècle des Lumières vont modifier le cours de l’histoire en prenant en mains leurs destinées politiques. À la veille de l’entrée des chars soviétiques à Budapest, sur fond de crise en Algérie et à Suez comme aux États-Unis où la communauté noire se mobilise contre la ségrégation, des artistes venus de tous les horizons du monde noir choisissent Paris pour se réunir en Congrès afin de tenter un pari impossible : celui de proposer au monde de la Guerre Froide une vision humaniste, profondément novatrice, des rapports entre le Nord et le Sud. Contre toute attente, leur audace et leur volontarisme vont se révéler payants, la plupart des pays d’Afrique et de nombreuses terres des Caraïbes ayant accédé à l’indépendance dans le sillage de ce Congrès fondateur et des deux autres rencontres organisées dans une même logique à Rome (1959), puis à Dakar (1966). Ce sont ces trois événements essentiels et méconnus de l’histoire du XXè siècle que le cinéaste Bob Swaim choisit de raconter à travers ce film. 1 Paris – Rome – Dakar 1956-1966 La décennie de la libération À l’initiative d’Alioune Diop, fondateur des éditions Présence Africaine, sont réunis dans le cadre symbolique de la Sorbonne plusieurs dizaines de délégués venus d’Haïti et de Cuba, des Antilles françaises comme des West Indies, d’Afrique noire francophone et anglophone, des États-Unis, du Brésil… Au cœur d’une époque marquée par l’affrontement entre l’Amérique et l’Union Soviétique, à l’heure de l’émergence du Tiers Monde annoncée par la conférence de Bandung (1955), les penseurs de la conscience noire ont décidé de réfléchir ensemble à l’avenir d’une planète à la recherche de son équilibre. En confrontant les points de vue culturels des uns et des autres, il s’agit d’imaginer ensemble le futur des anciennes colonies. Il n’est toutefois pas question d’invoquer la nostalgie du passé, encore moins de présenter les peuples noirs comme les victimes de l’Histoire. À travers ce refus de la victimisation, les acteurs de ce Premier Congrès font preuve d’une acuité intellectuelle qui leur vaut le soutien et le respect des artistes et intellectuels présents lors du Congrès : Pablo Picasso, Jean-Paul Sartre, Claude Lévi-Strauss… Imaginé par ses participants de façon volontariste, sans le moindre moyen financier et dans un silence médiatique parlant, ce Premier Congrès n’est pas exempt de confrontations tranchées. Les discussions acérées entre Noirs américains, Noirs des Antilles et Noirs d’Afrique en apporte la preuve, qui se déroulent sous le regard scrutateur de la police française, de la CIA et du KGB Mais alors que les anciennes grandes puissances d’hier trébuchent sur les décombres de leurs empires, les congressistes s’accordent à rejeter toutes les solutions de facilité : 2 - refus de céder aux sirènes de l’empire industriel américain, décidé à substituer une forme d’assujetissement économique au colonialisme traditionnel ; - refus du socialisme à la soviétique, contrairement aux mouvements intellectuels d’avant-guerre qui entretenaient encore le rêve d’un socialisme international ; - refus de tomber dans le piège d’un racisme à l’envers qui ferait perdurer l’illusion d’une hiérarchisation des races. C’est dans ce dernier domaine que les participants à ce Congrès fondateur vont faire preuve de la plus grande modernité. S’affranchissant des barrières raciales, ils proposent d’inventer un monde post-colonial fondé sur le partage et l’échange. Ce modèle ne tardera pas à être mis en pratique, souvent avec la participation de ces intellectuels et artistes noirs qui n’hésitent pas se lancer dans l’arène politique. Avant même la tenue d’un 2è Congrès à Rome au printemps 1959, le Ghana (1957) et la Guinée (1958) ouvrent la voie en accédant à l’indépendance, en attendant que leur exemple soit suivi par de nombreux autres pays d’Afrique et des Antilles au cours des mois suivants. Héritier direct des Congrès de Paris et de Rome, le Premier Festival Mondial des Arts Nègres qui se tient à Dakar en avril 1966 s’impose alors comme le point d’orgue de cette métamorphose d’un genre inédit. Entamée dans le débat et la réflexion, la libération des peuples noirs trouve son aboutissement avec l’explosion de la culture noire dans toute ses dimensions : musicales (premières rencontres du jazz et des musiques africaines), poétiques, théâtrales, cinématographiques… À travers le récit en images de ces événements, ponctué par les témoignages passionnés de participants venus de tous les horizons du monde Noir (Aimé Césaire, Abdoulaye Wadé, René Depestre, George Lamming, Christiane Diop, Edouard Glissan.…) auxquels se mêlent les voix des historiens de tous les continents, ce film aux multiples rebondissements nous fait comprendre les enjeux de cette mutation réussie. Au passage, il nous éclaire sur bien des aspects de l’histoire récente, qu’il s’agisse de l’émergence d’une Afrique du Sud pluriculturelle sur fond de pardon et de tolérance, ou 3 bien des soubresauts qui agitent aujourd’hui encore les anciennes puissances coloniales confrontées aux problèmes de l’intégration. À ce titre, la valorisation des cultures alliée au rejet du racisme et de la victimisation prônés par le Congrès prennent aujourd’hui valeur d’exemple. 4