Influence de la culture d`entreprise et des politiques de ressources
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Influence de la culture d`entreprise et des politiques de ressources
Logistique & Management Influence de la culture d’entreprise et des politiques de ressources humaines sur la stratégie Supply Chain Management (SCM) R. Bruce McAFEE, Myron GLASSMAN et Earl D. HONEYCUTT, Jr. Old Dominion University Cet article présente la politique de ressources humaines et la culture d’une entreprise comme deux éléments importants à considérer lors de l’élaboration d’une stratégie supply chain. Il montre aussi qu’une entreprise doit considérer l’interaction entre sa politique ressources humaines (relation ou transaction), et sa stratégie logistique (relation ou transaction). Ne pas atteindre de façon satisfaisante cette concordance stratégique peut entraîner une réduction de l’efficacité de la chaîne dans son ensemble. Au cours des dix dernières années, le management de la chaîne logistique d’une entreprise est devenu le procédé « clé » pour améliorer et renforcer, en amont et en aval, les liens commerciaux. Des relations gagnant-gagnant sont établies entre les différents partenaires d’une supply chain en mettant à profit les atouts des uns et des autres (Katzorke et Lee 2000). Alors que l’importance des relations dans une supply chain alimente de nombreux débats, on s’intéresse moins souvent au concept de culture d’entreprise et à son influence, positive ou négative, sur ces relations. La culture d’une entreprise s’apparente à sa personnalité, car elle constitue une mémoire organisationnelle qui réduit le besoin de redéfinir cette culture au moindre mouvement de personnel (Walsch et Ungson 1998). En assurant la constance des normes, la mémoire organisationnelle régule les flux de communication tant à l’intérieur de la structure qu’entre les membres de la chaîne. Mohr et Sohi (1995) déclarent à ce sujet : « l’accord sur les normes signifie que fabriquant et distributeur parta- Vol. 11 – N°1, 2003 gent l’idée selon laquelle l’échange d’informations est nécessaire et souhaité » (p. 398). A l’inverse, quand le partage des normes n’est pas renforcé par une mémoire organisationnelle, l’échange des informations paraît moins impératif. Les recherches ont montré que le partage des valeurs encourage l’engagement et la confiance entre une entreprise et les membres de sa chaîne (Morgan and Hunt 1994). Les politiques de ressources humaines, qui influencent directement la culture d’entreprise, et sont influencées par elle, ont aussi un impact significatif sur les acteurs de la supply chain : les décisions en matière de ressources humaines sont essentielles car si une société engage du personnel qui s’adapte à sa culture organisationnelle, cela permet de valoriser la connaissance sociale commune et d’accroître la cohésion entre les objectifs de l’employé et ceux de l’entreprise (Wilkins et Ouchi 1983). Le partage d’une conscience sociale aide les employés à prendre les bonnes décisions face Cet article est paru initialement dans Journal of Business Logistics vol 23 n°1, 2002 qui nous a autorisé sa reproduction Traduction Laure Boucherie étudiante DESS de Traduction pour l’édition, Université Michel de Montaigne Bordeaux III 53 Logistique & Management à des changements de situation (Weitz et Jap 1995). Deux éléments essentiels sont inhérents à la définition de la culture d’entreprise. L’objectif de cet article est de proposer une façon efficace de mettre en pratique les politiques ressources humaines et d’obtenir ainsi les stratégies désirées en matière de logistique et de supply chain. Dans cette perspective, nous examinerons les caractéristiques culturelles et leurs rapports avec les politiques ressources humaines. Ensuite, quatre combinaisons différentes de stratégies de management des ressources humaines et de supply chain seront abordées. Leur influence sur la cohésion culturelle susceptible de se développer entre deux firmes sera analysée. Enfin, nous présenterons une liste de questions à considérer au moment d’élaborer une stratégie supply chain. La première caractéristique de la culture organisationnelle est le partage des attentes en termes de travail ou de fonction. Dans une organisation, les employés développent au contact les uns des autres, une connaissance commune de ce que l’on attend d’eux. Les membres d’une supply chain aussi, cultivent au fil du temps une conscience commune de ce que l’on attend d’eux et de ce qu’il peuvent eux-mêmes escompter. Il existe en ce sens deux formes différentes d’attentes mutuelles : (1) la culture interne qui caractérise les attentes de l’employé, et (2), la culture externe qui désigne les attentes des membres de la chaîne. Variables organisationnelles et orientation chaîne logistique La figure 1 présente un modèle des interactions entre culture d’entreprise, politiques ressources humaines et orientation chaîne logistique. L’influence entre la gestion des ressources humaines et la culture d’entreprise peut résulter en une approche transactionnelle ou relationnelle du rapport de la société avec ses employés acheteurs, ses employés logisticiens, et ses autres employés. Culture organisationnelle Le concept de “culture organisationnelle” renvoie à la personnalité d’une entreprise, c’est à dire à ce qui la rend unique aux yeux de ceux qui y travaillent et des autres. Il existe de nombreuses définitions de la culture, mais le thème commun à toutes ces définitions est le partage des valeurs, des convictions, des idées et des lignes de conduite (cf. Schein 1992). Figure 1 - Modèle de relations entre culture organisationnelle, gestion des ressources humaines, employés et orientation chaîne logistique. Le second élément de la culture est la stabilité des normes et des valeurs de l’organisation. A partir d’expériences solides et répétées, les employés constituent des normes de comportement. En externe, ces normes représentent des standards permettant à une personne d’anticiper les comportements et les attentes des membres de la chaîne en terme de relation. Il est important de comprendre qu’il existe une interaction entre la culture interne d’une organisation et sa culture externe, ou image organisationnelle : les perceptions des membres d’une chaîne sont très influencées par les employés qui gèrent leurs relations commerciales. Cela signifie qu’une conformité des cultures se caractérise par des attentes satisfaites. Les employés et les membres de la chaîne savent non seulement ce qu’ils sont en droit d’attendre de l’organisation, mais ils s’accordent aussi sur ce qui doit être mis en œuvre pour satisfaire ces attentes, et ils agissent en conséquence. Autrement dit, les deux respectent les termes de leur contrat psychologique (Blancero et Ellram 1997). On peut prévoir dans cette situation une grande satisfaction au travail des membres de la chaîne et des employés. Un conflit culturel se caractérise au contraire par des « attentes insatisfaites », ce qui signifie qu’il y a désaccord entre les attentes des employés et celles des membres de la chaîne. Ce désaccord mène habituellement à l’insatisfaction des employés et des membres, ce qui entraîne par la suite des coûts de supply chain, directs et indirects, plus importants. Culture et gestion des ressources humaines De la même façon, il existe une relation symbiotique entre la culture d’une entreprise et sa politique de ressources humaines ; elles s’influencent l’une l’autre. Le recrutement, la 54 Vol. 11 – N°1, 2003 Logistique & Management formation, la rémunération et l’évaluation des employés sont les quatre aspects de la GRH qui ont un effet sur la culture organisationnelle. Premièrement, le niveau de qualification des nouveaux employés diffère considérablement d’une firme à l’autre. Certaines s’efforcent d’engager des personnes très diplômées, faisant preuve de compétences techniques, de qualités communicatives et d’un relationnel excellents, et observant une éthique forte du travail. Le Ritz-Carlton par exemple, a recours à un mode de sélection qui combine des entretiens déterminant les talents et les habilités naturelles d’une personne, et des tests d’évaluation des compétences nécessaires pour le travail en question. De la même façon, AGA Catalog Marketing and Design réunit une équipe d’employés sélectionnés avec soin pour évaluer lors d’un entretien la capacité d’adaptation des candidats à la culture de l’entreprise (Anonyme, Inc. 1999) et Cisco Systems, dans le même but, demande aux candidats au poste de passer cinq à dix entretiens en face-à-face (Cohen 2000). Deuxièmement, certaines entreprises prévoient des formations initiales importantes et variées, qu’elles complètent avec un programme de tutorat et de formation continue sur le lieu de travail. Disney’s Resort Polynésie par exemple, a élaboré un programme intitulé Magic of Polynesia, visant à présenter l’entreprise et ses valeurs à l’employé et à encourager son engagement envers elles (Enz et Siguaw 2000). Chez Edward Jones, les nouveaux courtiers suivent dix-sept semaines de formation coûtant entre 50 000 et 70 000 dollars par personne (Branch 1999). A l’inverse, certaines firmes dispensent une formation initiale minimale, peu de programmes continus de développement et ont à peine recours au système d’apprentissage sur le lieu de travail (Honeycutt 1996). Troisièmement, les systèmes de rémunération sont très variables : certaines entreprises adoptent une approche d’avant-garde (hauts salaires et profits) et d’autres une approche archaïque (faibles salaires et profits). Charles Schwab par exemple, considère que pour offrir un service irréprochable aux clients, il faut aussi que les employés soient bien traités. Le personnel qui a travaillé cinq ans chez Schwab bénéficie donc de quatre semaines sabbatiques rémunérées qu’il peut combiner avec les congés payés (Williamson 2000). Chez Synovus Financial, le salaire est complété par des primes de retraite pouvant Vol. 11 – N°1, 2003 atteindre 21% du salaire brut, et par des stock options (Levering et Moskowitz 2000). Chez Cisco Systems, les employés peuvent toucher jusqu’à 2000 dollars de primes ponctuelles pour excellents résultats (Levering et Moskowitz 2000). Ces pratiques de rémunération contrastent énormément avec celles de la restauration rapide où les salaires sont minimums et les bénéfices faibles. Enfin, les procédures d’évaluation et de traitement de l’information sont considérablement différentes d’une société à l’autre. Certaines évaluent rarement leurs employés et les résultats qu’elles renvoient sont principalement liés à la quantité de travail, alors que d’autres se penchent plus sur la qualité et fournissent fréquemment des informations spécifiques sur le comportement. Chez General Electric par exemple, certains managers reçoivent chaque année de trois à quatre rapports sur leurs performances, en plus des informations concernant leurs progrès en vue d’accomplir les objectifs de promotion qu’ils se sont fixés en accord avec l’entreprise (Cohen 2000). Relations au sein de la supply chain Une supply chain, c’est une philosophie qui tend vers une gestion intégrée de l’ensemble des flux d’un canal, du fournisseur à l’utilisateur final, jusqu’à la logistique des retours (Cooper et al 1997). Il existe une myriade de types de relations entre les membres d’une supply chain, qui peuvent faire l’objet d’analyses sur la façon de s’associer ou de collaborer (Akacum et Dale 1995). Ces rapports vont de la relation distante à la relation rapprochée business to business ou partenariat (Cooper et al. 1997). On doit à Sam Walton de Wal-Mart l’analogie entre les relations interentreprises et une configuration en « diamant » ou en « nœud papillon ». Un « nœud papillon » est composé de deux triangles se rejoignant en un de leurs sommets, ce qui représente une situation traditionnelle où les interactions entre les deux entreprises se limitent à l’acheteur de l’une et au vendeur de l’autre. Une relation en « diamant » s’établit lorsque les triangles sont tournés de sorte que les deux longs côtés soient alignés. Cela représente une situation où plusieurs parties de chaque entreprise interagissent, notamment les ingénieurs, les professionnels des systèmes d’information, les responsables des contrats, les directeurs logistiques, et les experts en contrôle qualité. La littérature consacrée à ce sujet suggère que la nature de la relation entre une firme, ses fournisseurs et ses distributeurs peut être déterminée selon plusieurs variables. Ces 55 Logistique & Management Tableau 1 - Variables influençant les relations dans une supply chain. Sincérité du contact Incertitudes environnementales Actifs déployés Réciprocité Dépendance Bases du pouvoir Rapport satisfaction/relation Communication Contacts personnels Théorie du portefeuille financier Compatibilité avec l’objectif Engagement Respect des promesses Réputation Développement des normes Caractéristiques de situation Caractéristiques du processus Confiance Processus marchand Diversité environnementale Volatilité environnementale Expérience précédente Valeurs/convictions Etendue des frontières de la société Liens socioéconomiques Cycle de vie technologique Structure du marché variables comprennent la gestion du temps, le management, et les caractéristiques du marché (Cooper et al. 1997). D’autres facteurs doivent aussi être considérés : notamment les inducteurs de coûts de certains coûts de transaction, l’incertitude et la fréquence, la part de marché et d’affaires, la couverture géographique, les compétences spéciales requises, et l’histoire du client (Gardner, Cooper et Noordewier 1994). Une étude de cas menée en Angleterre a relevé quatre autres variables importantes dans la détermination de la nature des relations dans une supply chain : le volume d’affaires ; le degré de spécialisation des produits et les informations et la formation requises pour bien les utiliser ; la mesure dans laquelle les services nécessitent une meilleure compréhension du processus pour une réduction des coûts, et si les précédents fournisseurs ont satisfait les exigences de l’entreprise (Akacum et Dale 1995). Comme indiqué dans le Tableau 1, un grand éventail de variables influence les relations à l’intérieur d’une chaîne. Continuum transaction-relation Les différents types de relations commerciales peuvent être représentés sous la forme d’un continuum. A l’une des extrémités, deux entreprises interagissent sur le modèle transactionnel. Cela signifie que chaque rencontre est envisagée dans la perspective de résultats à court terme. A l’autre extrémité se trouvent les relations à long terme, incluant partenariat, planning stratégique, marketing vertical, et désir de voir au delà du court terme (cf. Bowersox et Cooper, 1992). Orientation relationnelle L’extrémité relation à long terme du continuum peut se décliner de plusieurs façons. 56 Cette relation est caractérisée par le contenu (début, signaux, fin) de la communication entre les partenaires de la chaîne, et le mode (fréquence et richesse) des interactions (Leuthesser 1997). L’extrémité partenariat du continuum comprend planning commun, partage des contraintes et des récompenses, grande confiance, échange systématique des informations opérationnelles, contrôles des opérations interfirmes, et construction de liens entre les cultures d’entreprises (Cooper et al. 1997). Une des façons de visualiser ce concept est de considérer que sans autre choix, deux ou trois parties entrent volontairement dans une relation parce que les rencontres précédentes ont satisfait ou dépassé leurs attentes. De plus, chaque partie considère que les prochaines rencontres seront satisfaisantes. Selon la terminologie de la vente, cette dyade s’efforce d’obtenir des résultats gagnant-gagnant, ce qui signifie qu’après une rencontre, les parties considèrent que leurs besoins et leurs attentes ont été satisfaits ou dépassés. L’extrémité relation du continuum peut aussi être décrite en termes de synergie. Elle permet aux deux parties de remplir des objectifs inatteignables individuellement. Par exemple, un fabricant va s’associer à un fournisseur pour élaborer une machinerie permettant d’améliorer la qualité de la production tout en réduisant les coûts. Entretenir des relations à long terme semble profiter aux entreprises. La réduction des craintes, de l’incertitude et du doute (FUD : Fear, Uncertainty and Doubt) entre les membres de la chaîne est un des avantages de ce type de relations (McKenna 1987). De plus, les profits d’une approche basée sur la relation forte sont mis en valeur quand une société fait appel à un fournisseur certifié et/ou unique (Larson et Kulchitsky 1998). Dans une Vol. 11 – N°1, 2003 Logistique & Management approche relationnelle du supply chain management, les entreprises voient les membres de la chaîne comme des partenaires. Pour renforcer la relation, elles manifestent leur engagement sur une longue période (Brown, Lusch et Nicholson 1995). Un des atouts de l’approche relationnelle est le développement de nombreux avantages propres à l’intégration verticale, sans les risques liés à la possession (Ellram et Hendrick 1995). Par exemple, un fournisseur peut se rendre dans l’entreprise du fabricant et rencontrer les membres clé du personnel, assister aux salons professionnels et aux foires commerciales avec lui, et travailler à ses côtés pour anticiper les changements des besoins des clients (Narus et Anderson 1987). Ces activités aident à consolider la relation, à travers une communication développée et optimisée (Joseph et al. 1995 ; Mohr et Sohi 1995), et par la création de normes communes (Heide et John 1992). Le rapprochement entre les partenaires commerciaux, renforcé par la mémoire organisationnelle et les valeurs partagées, résulte en un langage spécialisé commun qui à son tour, mène à une communication plus efficace (Williamson 1979). Cette meilleure communication aide au renforcement des liens interfirmes. Orientation transactionnelle. L’extrémité ‘transaction à court terme’ du continuum correspond à au moins cinq situations différentes (Noordewier, John et Nevin 1990) : pour les acheteurs, les termes de l’échange doivent être spécifiques et engager les fournisseurs (faible flexibilité du fournisseur) ; les bénéfices et les charges de chaque membre de la supply chain sont clairement définis (faible assistance du fournisseur) ; peu d’informations circulent entre les parties (faible communication) ; les membres de la supply chain exercent peu de contrôle les uns sur les autres (faible contrôle) ; les transactions sont de courte durée et ont peu de chance d’en entraîner de nouvelles (durabilité peu envisagée). Selon le vocabulaire de la vente, chaque membre se contente d’un résultat « gagnant-perdant » à condition d’être gagnant. Une lecture de la littérature montre qu’historiquement les approches transactionnelles ont été plus satisfaisantes. Des chercheurs ont notamment pris comme cadre théorique « les bases du pouvoir » de French et Raven (cf. Frazier et Summers 1984). Dans une approche transactionnelle, plutôt que d’essayer d’élargir le « gâteau », chaque membre essaie d’obtenir la plus grosse part. Vol. 11 – N°1, 2003 Le fabricant qui se fournit toujours là où c’est le moins cher, est un exemple d’échange sans passé et peu d’avenir. Dans ce cas, traiter avec le même fournisseur pendant 15 ans ne signifie pas qu’il existe une relation, mais que la société qui vend a toujours proposé le prix le plus bas. Il est à noter qu’il peut y avoir désaccord sur le choix de la stratégie supply chain appropriée (Fournier, Dobscha, et Mick 1998 ; Han, Wilson, et Dant 1993 ; Ramsay 1990). Selon Gardner, Cooper et Noordewier : accepter aveuglément le partenariat comme une solution serait une erreur aussi grave que de refuser aveuglément d’en considérer l’utilité potentielle (1994, p.125). De plus, certains auteurs présentent l’approche relationnelle comme idéaliste et utopique (Koon 1996). Peu de partenariats à long terme réussis ont été recensés (Walton 1996). Il est aussi important de prendre en compte les cas où la transaction unique convient (Frazier et Antia 1995). Par exemple, une situation où le niveau de risque interne ou du marché est faible peut être mieux gérée par une approche transactionnelle, même si l’entreprise suit une orientation relationnelle. A l’inverse, dans le cas d’un haut niveau de risque interne ou du marché, une firme orientée transaction peut être forcée d’adopter une approche relationnelle avec un seul et même fournisseur indispensable à son activité (Buddress et Raedels 2000). Stratégies RH et logistique Les politiques ressources humaines et la culture qui en découle peuvent aussi se définir en fonction du continuum transaction-relation (Deadrick, McAfee et Glassman 1997). A l’une des extrémités du continuum se trouve la stratégie de GRH orientée relation, qui souligne la loyauté réciproque entre les employés et l’entreprise. Ce lien mène à une relation à long terme mutuellement bénéfique. L’autre extrémité représente une stratégie ressources humaines orientée transaction selon laquelle les employés sont interchangeables et remplaçables, de sorte que beaucoup moins d’efforts sont fournis pour entretenir leur loyauté. Une société qui emploie beaucoup d’ouvriers à la journée est représentative de ce genre de stratégie. Cette approche met l’accent sur l’efficacité opérationnelle, ce qui conduit à des emplois simples, avantageux pour l’entreprise, car ils demandent peu d’investissements au niveau ressources humaines. 57 Logistique & Management Figure 2 - Exemple de stratégies ressources humaines et logistique. La figure 2 associe deux stratégies logistiques avec deux stratégies ressources humaines que des entreprises dans une supply chain peuvent adopter, soit par défaut, soit à l’issue d’un effort planifié. Deux des combinaisons de stratégies sont compatibles en termes d’objectifs logistiques et de GRH (cases 1 et 4), alors que les deux autres (cases 2 et 3) représentent un conflit stratégique. Dans la description qui suit, chaque stratégie est décrite en termes de dynamiques stratégique, culturelle et GRH. Ces quatre stratégies représentent indubitablement les extrémités de deux continuums ; ces extrémités sont cependant contrastées afin d’en simplifier l’analyse. Stratégies relationnelles combinées Une stratégie est totalement basée sur la relation quand l’objectif de l’entreprise est d’établir une coopération à long terme avec la majorité de ses partenaires (ex. clients, fournisseurs et distributeurs) et de ses propres employés. D’après cette définition, une société peut suivre une stratégie relationnelle sans pour autant baser 100% de ses interactions avec ses partenaires et ses employés sur une relation durable. Il est important que la stratégie relationnelle soit la philosophie générale de l’entreprise, qui sera mise en œuvre dès que cela est utile et possible. Une firme orientée relation s’efforce d’établir une sorte de complicité (Treacy et Wiersema 1995). Les objectifs des fournisseurs et des distributeurs, en matière de relations humaines et de marketing, doivent être cohérents et complémentaires. L’entreprise qui adopte une stratégie relationnelle traite les clients, les fournisseurs et les distributeurs de la même 58 manière, et les premières rencontres sont pour chaque partie l’occasion de déterminer si l’autre entreprise souhaite et est en mesure de satisfaire ses besoins. Si les parties entrevoient la possibilité d’une relation future positive, elles consacreront alors le temps et les efforts nécessaires au développement progressif d’un partenariat bénéfique pour chacune d’elles. Afin de renforcer une stratégie relationnelle ou partenariale avec les membres de la chaîne, les entreprises suivent une stratégie « d’emplois à vie » qui nécessite des pratiques spécifiques de GRH pour les embauches, la formation, la rémunération, et l’évaluation du personnel. Les employés sont considérés comme des investissements, et l’importance de la responsabilité partagée et du facteur « employé » domine la gestion des ressources humaines. Par exemple, chez le géant de l’assurance USAA, le personnel suit en moyenne 80 heures de formation par an, soit près de deux fois la moyenne de 43 heures que l’on trouve chez les 100 meilleurs employeurs américains classés par Fortune (Branch 1999). Ce sont les candidats les plus qualifiés qui sont engagés. La société Select Comfort recherche notamment des candidats qualifiés parmi ses meilleurs clients, considérant que ces personnes feront preuve d’enthousiasme et d’une bonne connaissance des produits (Fenn 1997). Pour s’assurer qu’ils soient bien informés des responsabilités liées à leurs postes et qu’ils possèdent des aptitudes à la communication, l’entreprise fait suivre une formation continue à ses nouveaux employés. De même chez DaimlerChrysler, les directeurs logistique et achats établissent des objectifs annuels de formation pour l’ensemble du groupe. Les entreprises adoptent cette approche car la satisfaction des partenaires de la supply chain est considérée comme essentielle au développement des relations à long terme qui sont indispensables au succès (Avery, Epatko-Murphy et Fitzgerald 1998). Pour les retenir sur le long terme, la firme paie des salaires élevés à ses employés. Les chasseurs de têtes ont eu par exemple du mal à recruter les employés de DaimlerChrysler en raison du haut niveau des salaires pratiqués par cette entreprise. Les autres sociétés, qui pensent que l’argent n’est pas le seul élément de motivation, adoptent une approche plus large des plans de rémunération. Chez Harley-Davidson, des repas sont organisés en l’honneur des résultats de production de l’équipe et les employés bénéficient de prêts Vol. 11 – N°1, 2003 Logistique & Management sans intérêts, pouvant aller jusqu’à 3000 dollars pour l’achat d’un ordinateur. Il sont en outre constamment évalués sur la qualité de leur travail par rapport aux membres de la supply chain, plutôt que seulement en terme de quantité de travail. Chez Ashland, les acheteurs et les logisticiens sont intégrés à des équipes qualité pluridisciplinaires, et participent notamment à des visites sur le terrain pour apprendre à cerner les besoins des clients (Milligan et Brunelli 1999). Dans cet environnement, les employés développent un sens des responsabilités dans la création et le maintien de relations à long terme avec les membres de la supply chain, et l’organisation fournit les ressources et les impulsions pour s’assurer que non seulement ces relations se développent, mais que les employés en profitent au même titre que l’entreprise. Dans les situations de stratégie relationnelle, il y a une forte cohérence culturelle. Une culture relationnelle se développe, ce qui se caractérise par une confiance mutuelle et une interdépendance entreprise-employé et entreprise-membres de la supply chain (cf. Gutek 1995). Les cultures interne et externe sont donc concordantes ; autrement dit, l’organisation mise à long terme sur ses employés et ces derniers misent à long terme sur les partenaires logistiques de l’entreprise. Les membres de la chaîne logistique seront à leur tour plus enclins à s’investir de façon significative auprès de l’entreprise, en termes de durée, de financement, et de fidélité. Les employés et les partenaires sont traités de la même manière par la firme ; c’est à dire qu’ils sont considérés comme des investissements à long terme. Ceci est mis en évidence par l’investissement effectué par Harley-Davidson dans la formation de ses professionnels de l’achat au sein d’équipes pluridisciplinaires, et l’importance que donne l’entreprise aux relations avec les fournisseurs dans toutes les activités (Avery, Epatko-Murphy et Fitzgerald 1998). Il y a aussi un large degré de conformité entre les attentes d’un employé relatives à sa mission et les attentes des partenaires en terme de service ; les deux parties attendent un échange de grande qualité et un certain degré de loyauté de la part de l’une et l’autre et de la part de l’organisation. Une des façons de parvenir à la conformité, est de faciliter la communication entre les différentes parties et de fournir une formation adaptée. Pour réduire le fossé entre le niveau de service annoncé aux employés et aux partenaires et le niveau de service effectivement fourni, des enquêtes de satisfaction sont essentielles. Vol. 11 – N°1, 2003 Stratégie transactionnelle Le Tableau 2 (case 4) montre aussi qu’une entreprise peut adopter une approche transactionnelle avec une partie ou l’ensemble des membres de sa chaîne et de ses propres employés. Stratégiquement, cette approche peut convenir à une entreprise qui veut produire à faibles coûts (Porter 1980) ou bien qui s’efforce de se concentrer sur l’excellence opérationnelle (Treacy et Wiersema 1995). Dans cette configuration, la loyauté de l’employé envers l’organisation et les membres de sa chaîne est peu envisagée. On constate de la même façon, un faible degré de fidélité entre l’entreprise et ses fournisseurs ou ses distributeurs. De plus, il est possible que les membres de la chaîne ne s’attendent pas à traiter avec le même employé sur deux transactions successives, et que les employés ne s’attendent pas non plus à faire de nouveau affaire avec le même client à l’avenir. Il est important de comprendre que personne, client, employés, fournisseurs ou distributeurs de l’entreprise, ne voit au delà de la prochaine vente. Une politique transactionnelle de ressources humaines consiste à se concentrer sur la qualité du service (mise en relief de l’importance de la quantité et de la rapidité du service). Dans ce scénario, l’évaluation de l’employé se fait sur le critère de volume de travail au dépend de la qualité. Afin d’améliorer l’efficacité de la prestation de service, les emplois sont strictement définis pour que chaque employé ait à remplir peu de tâches liées au service. Cette approche permet de recruter et de former moins d’employés qualifiés. La combinaison entre emplois strictement définis et routiniers et minimum de qualifications requises, mène à des situations où les employés sont remplaçables et peu payés, ce qui peut provoquer une nouvelle réduction de l’efficacité des prestations de service à chaque changement de personnel. Pour une organisation fonctionnant comme dans la case 4, il existe un fort degré de cohérence stratégique : les stratégies supply chain et ressources humaines mettent en valeur l’importance de la quantité, de la standardisation, et de la rapidité des services. De plus, on s’attend à trouver une forte cohésion au niveau culturel ; au même titre que les employés, les membres de la supply chain sont interchangeables. On attend peu de fidélité de la part des membres de la chaîne envers l’organisation, et de la part des employés envers l’organisation et les membres de la chaîne. Une 59 Logistique & Management culture transactionnelle peut donc avoir les mêmes caractéristiques qu’une société de travail temporaire, de par la nature provisoire de la culture interne des employés et de la culture externe des clients (cf. Gutek 1995). Il y a aussi un fort degré de congruence en matière de rôle, dans le sens où les membres de la chaîne attendent des employés un service rapide et efficace et les employés souhaitent et sont généralement capables de satisfaire cette exigence. Tant que l’entreprise comprend et est en mesure de répondre aux problèmes soulevés par une main d’œuvre et des membres de la supply chain interchangeables, en théorie, ni la qualité, ni la productivité, ni les profits ne devraient en souffrir. L’action de José Ignacio Lopez de Arriortura au début des années 1990, donne un bon exemple d’orientation transactionnelle. Connu sous le nom de « Lopez le tueur» par les fournisseurs de GM, il fut engagé par cette entreprise en avril 1992 pour réduire les coûts de fabrication des automobiles. Il commença sa campagne en annonçant aux cadres des fournisseurs de GM que de nouveaux appels d’offres seraient lancés, que les prix seraient renégociés et que 50% de gains de productivité étaient attendus (Cohen 1992). Certains d’entre eux déclarèrent que le seul critère considéré par GM dans le choix d’un fournisseur était le prix. A la manière transactionnelle, Lopez quitta GM onze mois plus tard pour rejoindre Volswagen AG qui lui proposait un salaire considérablement plus intéressant (Teahen 1993). Plus récemment, Dieter Zetsche de DaimlerChrysler exigea des fournisseurs qu’ils réduisent de 5% le coût de leurs contrats avec le constructeur automobile. Néanmoins, contrairement à Lopez, il mit au point des « war-rooms » où 1500 des 9000 ingénieurs de Chrysler travaillent avec des représentants de fournisseurs pour élaborer des pièces moins coûteuses à la réalisation. Objectif : nouvelle réduction de 10 % des coûts des pièces en deux ans (Ball 2001). Stratégie mixte : relation à long terme avec les membres de la chaîne et transaction avec les employés. Dans la case 2, l’entreprise suit une approche transactionnelle avec ses employés, mais attend d’eux qu’ils adoptent une approche relationnelle avec les membres de la chaîne. Dans cette situation, la stratégie supply chain choisie est orientée relation ; cependant, étant donné l’aspect transactionnel de la politique ressources humaines, les membres de la supply chain risquent de recevoir un service de 60 niveau transactionnel (cf. Gutek 1995). Il y a deux raisons à cela. D’une part, comme la stratégie GRH favorise l’efficacité et la rapidité de service, les caractéristiques de travail étroitement définies empêchent le personnel de fournir un service d’ensemble et sur le long terme. De plus, le système de récompense est lié à des objectifs quantitatifs, transactionnels de court terme plutôt qu’à des objectifs qualitatifs, relationnels sur le long terme. Les employés sont donc pénalisés ou bien non récompensés pour le temps dédié à l’entretien de relations à long terme. D’autre part, la stratégie ressources humaines étant basée sur des emplois simples et routiniers qui nécessitent une main d’œuvre peu qualifiée, les employés sont moins aptes à fournir le niveau de service requis au sein d’un véritable environnement relationnel. En réalité, un fossé des compétences se creuse lorsque la connaissance et le savoir-faire des membres de la chaîne excèdent ceux des employés de l’entreprise. Dans ce cas, les membres de la chaîne deviennent des « coproducteurs ». La mesure dans laquelle ils reçoivent le niveau et la quantité de service dont ils ont besoin dépend de leur propre habilité à déterminer ce qu’ils veulent et comment/où se le procurer (cf. Gutek 1995). Considérant l’impact de la stratégie RH, l’organisation est par défaut gênée dans la réalisation de ses objectifs de partenariat à long terme. Dans ce scénario, il existe un conflit d’objectif fondamental, entre les stratégies supply chain et de ressources humaines, qui conduit à un conflit entre les membres ‘externes’ de la chaîne, et les employés ‘internes’. Bien que les partenaires envisagent une approche relationnelle, il est possible que les employés ne puissent et/ou ne veulent pas satisfaire ces attentes, car « ce n’est pas leur travail ! » Il est possible que l’organisation ait adopté cette stratégie dans un effort de réduction des coûts, mais en réalité, le coût total peut augmenter si l’on considère les coûts de perte de parts de marché et les frais liés à la supply chain. Cependant, il est à noter que les entreprises peuvent compenser en partie leurs limites en matière de service, engendrées par une stratégie ressources humaines orientée transaction. Elles confient pour cela à un autre membre de la supply chain, ayant choisi une approche relationnelle, les tâches qu’il sera plus apte à remplir. Etant donné que ce procédé risque de causer un conflit culturel, il peut convenir, pour une firme qui a une stra- Vol. 11 – N°1, 2003 Logistique & Management tégie transactionnelle de ressources humaines, de désigner et de former une ou plusieurs personnes qui serviront de lien et se comporteront de manière relationnelle. tion). Ne pas atteindre de façon satisfaisante cette concordance stratégique peut entraîner une réduction de l’efficacité de la chaîne dans son ensemble. Stratégie mixte : transaction à court terme avec les membres de la chaîne et relation avec les employés La Figure 1 montre qu’il peut exister de nombreuses combinaisons de relations entre une entreprise et les membres de sa supply chain. Un des problèmes les plus importants pour la direction est donc de déterminer la combinaison d’orientation relation/transaction la plus appropriée. En se basant sur le modèle présenté dans la Figure 1, les dirigeants devraient se pencher sur les problèmes de stratégie logistique et RH en répondant aux questions suivantes : Une entreprise suivant le schéma de la case 3 adopte une approche relationnelle avec ses employés et transactionnelle avec les membres de sa supply chain. Ici, la société peut considérer que les membres de la chaîne sont interchangeables, mais elle tente par contre d’obtenir de ses employés un engagement à long terme. Dans cette situation, des employés très qualifiés sont recrutés, reçoivent les salaires élevés, suivent une formation globale et continue, et sont évalués sur la qualité de leur travail plutôt que sur la quantité. Cette stratégie RH peut être la plus efficace en matière de coûts, ou non. En revanche, le maintien d’une main d’œuvre de première classe pour effectuer des tâches transactionnelles est un des aspects peu économiques de cette approche. Cependant, une main d’œuvre de première classe peut être en mesure d’effectuer des tâches qu’un membre de chaîne transactionnel n’est pas capable ou ne souhaite pas exécuter. Il peut dans ce cas en résulter une baisse du coût global. Il est aussi à noter que certaines entreprises peuvent adopter cette démarche en guise d’étape intermédiaire vers l’adoption d’une approche relationnelle. En terme d’adéquation culturelle, il y a au moins un problème potentiel avec cette stratégie. Le dilemme concerne le conflit de rôle entre la culture interne (les employés) et la culture externe (les partenaires de la chaîne). Les employés qui développent un sentiment partagé de fierté relatif à la norme de leur service peuvent trouver difficile de traiter avec les employés des partenaires de la chaîne, qui ont des normes et des valeurs transactionnelles. Conclusions et implications pour la direction Cet article présente la politique de ressources humaines et la culture d’une entreprise comme deux éléments importants à considérer lors de l’élaboration d’une stratégie supply chain. Il montre aussi qu’une entreprise doit considérer l’interaction entre sa politique ressources humaines (relation ou transaction), et sa stratégie logistique (relation ou transac- Vol. 11 – N°1, 2003 1. L’entreprise peut-elle établir une cohérence interne entre culture organisationnelle et politiques ressources humaines ? La cohérence interne entre la culture d’entreprise et les politiques RH est une condition préalable au développement conscient d’une stratégie supply chain réussie. L’inadéquation entre la culture et la GRH (transactionnelle ou relationnelle) d’une entreprise rend donc difficile, voire impossible, le développement et l’exploitation d’une supply chain efficace. Bien que parvenir à une cohérence semble être une tâche facile, il existe de nombreux facteurs pouvant empêcher ce résultat. D’abord, le partage des points de vue, des convictions, et des modèles de comportement se met en place sur une longue période et évolue donc lentement. Ainsi, ce n’est pas parce que l’entreprise modifie ses politiques ressources humaines pour obtenir une culture transactionnelle ou relationnelle, que la culture va suivre instantanément. Toute transformation prendra du temps. Ensuite, l’inadéquation peut résulter du fait que certains cadres sont moins aptes à mettre en œuvre les politiques RH fixées par l’entreprise. Il est probable que ces cadres n’aient pas une connaissance suffisante de ces politiques ou les compétences de gestionnaire nécessaires. Enfin, d’autres facteurs que les politiques ressources humaines influencent la culture d’entreprise. Comme Schein (1985) l’a souligné, la culture vient des « pressions de l’extérieur, des potentiels internes, des réactions face aux évènements critiques et probablement, à un certain degré, du facteur chance, imprévisible d’après l’expérience, l’environnement, ou les membres (p85-84). » Un seul facteur ou la combinaison de trois facteurs, peuvent donc entraîner un déséquilibre entre les politiques RH et la culture d’une organisation. 61 Logistique & Management 2. Les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en œuvre interne de la stratégie (transaction/relation) désirée sont-elles réunies ? Une fois que l’entreprise a obtenu une cohésion entre sa culture et ses politiques, et qu’elle a décidé de son orientation, elle doit mettre cette stratégie en pratique. Chaque stratégie nécessite des ressources considérables et variables. Par exemple, une entreprise qui se base sur la relation devra consacrer d’importantes ressources pour recruter les bons employés, leur faire suivre des formations concrètes et continues, fournir des informations régulières et complètes, et réunir les ressources financières nécessaires pour récompenser et indemniser le personnel. Toutes les firmes ne sont pas en mesure de remplir ces conditions préalables ou ne trouvent pas sur le marché du travail des employés suffisamment qualifiés correspondant à leur secteur d’activité. Les stratégies transactionnelles requièrent un ensemble différent de ressources. Les fonctions étant étroitement définies, un plus grand nombre d’employés peut être nécessaire. Faire exécuter des tâches simples et répétées par des employés peu qualifiés peut entraîner une augmentation du chiffre d’affaires. Ce résultat peut à son tour pousser l’entreprise à beaucoup investir dans les machines et les processus afin de rester compétitive. 3. Est-ce que les cultures et les stratégies ressources humaines des autres membres de la supply chain permettent à l’entreprise de mettre en pratique sa stratégie ? Le modèle (Figure 1) montre que le succès de la stratégie logistique d’une entreprise dépend en partie de la stratégie ressources humaines des autres membres de la supply chain. Il est donc essentiel que les entreprises considèrent cette question et déterminent la position potentielle des membres de la supply chain sur le continuum transaction-relation. Le temps qu’une entreprise consacre à déterminer l’orientation d’un membre de la chaîne va dépendre de l’importance de ce membre à ses yeux. Même les sociétés ayant adopté une approche relationnelle avec les membres de la supply chain sont susceptibles de ne mener qu’une étude superficielle d’un membre non décisif de la chaîne. Pour un membre crucial, l’entreprise pourra obtenir des réponses aux questions suivantes par téléphone, visites sur place et par un examen de ses publications sur les politiques RH et les procédures : Quelles sont les qualifications de leurs employés ? 62 Quelles formations suivent-ils ? De quelle manière sont-ils rémunérés et évalués ? Quel est le degré de complexité des tâches qu’ils exécutent ? Quel est le taux de roulement de personnel ? Les réponses à ces questions peuvent être comparées aux normes de l’industrie (Stewart-Allen 2001) aussi bien qu’aux propres normes de l’organisation. Une entreprise peut alors conclure si les attentes des parties sont compatibles et peuvent être satisfaites. 4. L’entreprise a-t-elle la capacité d’établir des normes et une culture communes à ses employés et aux membres de sa chaîne ? Après avoir conclu que le membre de la supply chain avait adopté l’orientation adéquate, l’entreprise doit être capable de développer les normes appropriées entre leurs employés respectifs. Comme mentionné plus haut, il existe souvent une inadéquation entre les politiques et les pratiques, et une orientation donnée peut être mise en œuvre de diverses manières. Deux entreprises orientées relationnel peuvent donc se comporter très différemment. C’est pourquoi la firme doit savoir dans quelle mesure elle peut développer une culture commune entre ses employés et ceux du membre de la supply chain, sans prendre compte de l’orientation (relation ou transaction) adoptée. Les entreprises qui ont une stratégie de réseau orientée relation peuvent faciliter une culture commune, comme des sociétés telles que Chrysler et Harley-Davidson l’ont fait, en demandant à leurs employés de suivre des programmes de formation offerts par les autres entreprises membres du circuit. Alternativement, de nouveaux programmes de formation suivis par des membres des deux entreprises peuvent être créés. Les entreprises peuvent aussi tenir des réunions et remplir des fonctions sociales communes pour renforcer la stabilité de leurs cultures. Pour faciliter les relations avec les membres de la chaîne qui sont décisifs pour l’entreprise, elle peut aussi nommer quelqu’un qui servirait le lien à plein temps avec ces partenaires. Les firmes qui ont une stratégie de réseau orientée transaction n’ont pas forcément besoin de formations communes. Cependant, cela peut quand même être utile pour l’ensemble des employés de comprendre les normes qui régissent leurs relations aux autres employés, même lorsque ces normes minimisent la communication et le contact de personne à personne. Vol. 11 – N°1, 2003 Logistique & Management 5. Quel est l’effet de la stratégie ressources humaines de l’entreprise sur le coût total de possession ? La stratégie ressources humaines d’une entreprise a d’importantes répercussions en terme de coût total de possession. Cette approche suggère que la direction doit baser les décisions en matière de management logistique sur l’ensemble des coûts, associés à l’acquisition, l’utilisation et la maintenance d’un bien ou d’un service, et non pas seulement sur le coût associé à chacun de ces éléments (cf. Degraeve et Roodhooft 1999 ; Ellram 1993). Cette question du coût total peut être examinée sous deux angles différents. Premièrement, la direction doit considérer les effets de la stratégie RH de l’entreprise sur les coûts de l’interaction avec les membres de la supply chain, en amont et en aval. Deuxièmement, et cela semble plus important, la direction devrait considérer les effets de leurs stratégies ressources humaines sur l’ensemble des coûts de la supply chain. Par exemple, si les coûts de transaction avec un membre de la supply chain augmentent, ils peuvent être compensés par des coûts plus faibles au sein de l’entreprise. Une entreprise qui a une stratégie RH transactionnelle, peut trouver rentable de sous-traiter certaines activités à d’autres membres du circuit. De plus, étudier la stratégie ressources humaines des membres de la supply chain peut mener à la décision de prendre sur soi les coûts de transaction avec certains membres du circuit car cela engendre des coûts totaux de supply chain inférieurs. Bibliographie Akacum, Aysequl et Barrie G. Dale (1995), “Supplier Partnering: Case Study Experiences,” International Journal of Purchasing and Materials Management, Vol 31, N° 1, pp. 38-45. Anonymous (1999), “Hiring Committee Measures Candidates for Cultural Fit,” Inc, 1er Octobre. Avery, Susan, Elena E. Epakto-Murphy, et Kevin R. Fitzgerald (1998), “The Best Places to Work,” Purchasing, 10 Décembre, pp. 60-64. 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