Exemple de copie d`un candidat de la session 2009

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Exemple de copie d`un candidat de la session 2009
Banque Agro-Veto - Session 2009
Rapport sur les concours A - filière BCPST
Exemple de copie d’un candidat de la session 2009
Afin d’éclairer et de compléter le rapport sur la session 2009 de l’épreuve de composition
française, nous proposons ci-dessous, recopiée telle quelle une copie qui a obtenu la note
12/20.
Le but que nous nous proposons en publiant ainsi une copie n’est en aucun cas de proposer
un modèle à suivre ou un idéal dont il faudrait se rapprocher, mais plutôt de mettre en
avant un exemple parmi d’autres de devoir honnête, ni excellent ni mauvais, afin
d’encourager les candidats dans leur préparation, et de leur montrer, en un mot, que le
travail paye.
Cette copie comporte bien entendu des défauts et des qualités que nous choisissons de ne
pas énumérer, mais son intérêt principal en tant qu’exemple est qu’elle témoigne d’une
bonne connaissance des œuvres, et qu’elle s’attache avec sérieux à cerner le sujet, c'est-àdire qu’elle réunit les deux conditions qui donnent à un candidat les moyens de réussir son
épreuve de français.
Chaque individu a sa propre personnalité et son propre caractère. Mais ceux-ci peuvent
renfermer des contradictions, de nombreuses facettes différentes. Ainsi, Friedrich Nietzsche
dit dans La Volonté de Puissance : « On est plus riche qu’on ne le pense, on porte en soi
l’étoffe de plusieurs personnages, on prend pour « caractère » ce qui n’appartient qu’au
« personnage », à l’un de nos masques. La plupart de nos actions ne viennent pas du tréfond
de nous, mais sont superficielles, comme la plupart des éruptions volcaniques ». Le moi est
donc complexe et fait d’une multitude de choses qu’on ne soupçonne pas forcément. Nous ne
sommes qu’une seule personne, qu’un seul moi mais celui-ci est rempli de personnages que
nous choisissons. Ainsi, d’après Nietzsche, notre caractère n’est pas ce que nous sommes
réellement au fond, ce n’est qu’une façade, quelque chose de superficiel. Ce n’est donc pas
notre moi profond qui décide de nos actions et elles sont elles aussi superficielles. Comment
cette multiplicité des personnages qui nous constitue nous empêche-t-elle d’exprimer notre
moi profond et faut-il s’en débarrasser ? Il est vrai que le moi est toujours très riche et
complexe et renferme de nombreux personnages. Mais ces masques nous empêchent de nous
connaître réellement et ne nous permettent que d’agir de façon superficielle car ils cachent
notre moi profond. Il parait donc indispensable de s’en séparer ou du moins de prendre de la
distance afin de nous connaître mieux et d’exprimer notre moi profond.
Le moi est caractérisé par sa richesse qui vient à la fois de sa multiplicité, des contradictions
et des différents personnages que le moi renferme. Le moi est complexe par sa multiplicité.
En effet, nous sommes constitués d’une multitude de choses ; de différentes passions,
différentes envies, différentes craintes… On retrouve cette multiplicité chez les trois auteurs
du programme. La multitude des masques que prend Lorenzo dans la pièce de Musset,
Lorenzaccio, traduit cette multiplicité. Il emprunte ces masques aux autres personnages de la
pièce, comme le masque du débauché qu’il emprunte au Duc de Florence. Dans L’Age
d’Homme, Michel Leiris se décrit à travers une mosaïque d’images, une superposition
d’images, de rêves, de métaphores qui lui semblent bien décrire la multitude de choses qui
remplissent le moi. La grandeur de la mémoire, telle que le décrit Augustin dans le livre X des
Confessions traduit aussi la multiplicité du moi. Il parle ainsi de sa mémoire en ces termes :
« ces vastes palais de ma mémoire », « ce grand magasin de la mémoire », « ses plis et ses
replis s’étendent à l’infini ». Ainsi, le moi apparaît riche et complexe par sa multiplicité. Mais
il l’est aussi par les contradictions qu’il renferme. Le moi renferme de nombreuses
contradictions qui doivent se faire face : nos envies, les pulsions dictées par notre corps
doivent faire face aux règles imposées par la société. Chez Lorenzo, ce sont de nombreuses
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aspirations qui sont contradictoires comme l’aspiration à la pureté et son attitude de débauché.
Augustin, lui a toujours des plaisirs de la chair dictées par son corps dont il a du mal à se
défaire et qui appartiennent selon lui à son moi passé. Notre moi est aussi riche dans le sens
où nous nous identifions à des personnages, nous choisissons des personnages pour constituer
notre moi.
Nous nous construisons, sans le savoir, en obéissant à qui nous voulons ressembler. Nous
portons donc en nous «l’étoffe de plusieurs personnages » comme le dit Nietzsche. La pièce
de Musset commence par un bal masqué où Lorenzo et le Duc sont déguisés en nonnes. Ceci
montre que notre moi renferme des personnages différents à l’image de Lorenzo qui emprunte
des caractères à chacun des personnages de la pièce : la pureté à Catherine, la débauche au
Duc, la réflexion à Philippe Strozzi… Leiris, lui use de mythes avec Lucrèce et Judith et
s’identifie à d’autres personnages comme Holopherne, à des héros d’opéra, des personnages
de théâtre… Leiris pense ainsi qu’un homme accomplit son moi s’il parvient à se créer une
histoire, un mythe. Le moi apparaît donc bien pour les trois auteurs riche et rempli de
personnages différents. Mais de ce fait, il est aussi complexe et tous les masques que nous
prenons cachent la réalité de notre moi profond. Nous nous cachons derrière ces masques et
notre personnalité n’est que le reflet d’un de ces masques, ce n’est pas notre moi profond. Ces
masques nous empêchent donc de nous connaître réellement car nous nous en servons aussi
pour nous protéger. Ils rendent donc nos actions superficielles.
Nous nous cachons derrière ces masques pour nous protéger car nous refusons souvent ce que
nous sommes réellement. Ainsi, Lorenzo se cache derrière des masques car il refuse de voir
qui il est réellement. Philippe Strozzi se rend compte que ce n’est pas le véritable Lorenzo
qu’il a devant lui : «Ne m’as-tu pas parlé d’un homme qui s’appelle aussi Lorenzo et qui se
cache derrière le Lorenzo que voilà ? » Leiris aussi se sert des mythes pour se décrire mais
aussi pour se cacher. Il avoue même : « Comment oserais-je me regarder si je ne portais pas
soit un masque soit des lunettes déformantes ? » Ces masques peuvent donc servir à se cacher,
mais ils rendent aussi difficile la connaissance de soi.
La connaissance de soi est difficile par la multiplicité du moi mais aussi par tous ces masques
qui nous dissimulent. Ainsi Leiris reconnaît qu’il ne peut pas tout connaître de lui : «il y a
sans nul doute des choses qui m’échappent et vraisemblablement parmi les plus apparentes ».
De même, Augustin pense que la connaissance entière de nous-mêmes n’est pas possible : «Il
n’y a néanmoins dans l’homme des choses que son esprit même ne connaît pas ». Les
différents personnages qui remplissent notre moi ne nous éclairent pas sur nous-mêmes mais
au contraire, nous conduisent à une connaissance superficielle qui n’est pas celle de notre moi
profond. Ainsi, nos actions ne viennent pas non plus des décisions de notre moi profond et
sont donc superficielles.
Nos actions « sont superficielles, comme la plupart des éruptions volcaniques » dit Nietzsche.
Elles ne peuvent provenir que de la surface de chacun car elles sont décidées par notre
caractère qui n’est qu’un reflet d’un personnage qu’on a choisi. Ainsi, Lorenzo décide de tuer
un tyran. Il a l’impression que cette action politique vient de son moi profond mais, en réalité,
il ne veut que reproduire la violence de ses pères. Il s’identifie même à Brutus. Pourtant,
l’action d’Augustin, qui est celle de se convertir et de se consacrer à Dieu semble provenir de
son moi profond. Il apparaît ainsi qu’une action, si elle ne provient pas de notre moi profond,
échoue. C’est le cas de Lorenzo qui échoue dans son action car il ne parvient pas à libérer
Florence d’un tyran malgré la mort du Duc. Par contre, Augustin réussit dans son action, dans
l’accès au monde divin car c’est une décision qu’il a prise lui-même et qui vient du fond de
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lui. Une action s’effectue avec un but précis mais si l’action est superficielle, elle ne peut pas
avoir de but précis, tout comme celle de Lorenzo.
Tous ces masques, ces personnages qui nous constituent conduisent à réprimer notre moi
profond qui ne peut pas s’exprimer. Il faut donc pouvoir se défaire de ces masques.
Prendre de la distance par rapport à tous ces personnages permet de se connaître mieux. Il
existe plusieurs méthodes pour cette prise de distance, qui apparaissent chez les trois auteurs
du programme : par l’intermédiaire de Dieu, par l’écriture et l’art. Mais l’autre et le monde
extérieur peuvent aussi permettre une meilleure connaissance de soi.
Pour Augustin, il ne se connaîtra réellement que s’il a accès à Dieu : « Il n’y a pas que vous
mon Dieu qui me connaissiez parfaitement ». Il lui faut donc parvenir au-delà du monde
terrestre pour accéder au monde divin. C’est ce dialogue avec Dieu qui pourra permettre à
Augustin de se connaître tout entier. Dieu est « le médecin intérieur » de son âme, c’est lui qui
lui permet de connaître toute chose : « Vous êtes cette lumière immuable que je consultais sur
toute chose ». Augustin prend donc une certaine distance par l’intermédiaire de Dieu. Les
autres auteurs utilisent l’écriture et l’art. L’exemple de Lorenzo qui ne prend aucun recul et
qui échoue montre que ce recul est indispensable. Musset le prend par l’intermédiaire de
Lorenzo dans une pièce de théâtre. Cette pièce lui permet de mettre en scène le malaise des
jeunes de son époque à travers celui des gens du XVIème siècle. Cette pièce lui permet d’avoir
l’avis des lecteurs et des spectateurs. Là où son personnage échoue, Musset réussit grâce au
théâtre. Tebaldeo, le peintre de la pièce utilise aussi l’art et la religion, et c’est le seul
personnage épanoui de la pièce. L’art apparaît donc comme un moyen de prendre du recul et
de se connaître mieux. Ce recul peut aussi passer par l’écriture comme Leiris qui arrive à
analyser son moi avec tous ses rêves, les mythes et les image qu’il développe. Il parvient ainsi
à l’âge d’homme à la fin du roman. Tous ces moyens sont bons pour se débarrasser de ces
masques et prendre du recul. Le monde extérieur peut aussi nous aider.
Même si le monde extérieur nous fait peur car on a peur des images qu’il peut renvoyer de
nous, celui-ci peut nous aider dans la connaissance de soi. Leiris dit : « Le monde, objet réel
qui me domine et me dévore par la souffrance et par la peur ». Il refuse la réalité mais il
parvient enfin à sortir de l’enfance quand il prend en compte ce monde extérieur. Augustin
reconnaît que le monde terrestre lui apporte les connaissances nécessaires pour avoir accès au
monde divin. Seul Lorenzo qui n’arrive pas à prendre du recul échoue car il veut fuir hors du
réel.
Chez les trois auteurs, le moi apparaît bien riche, complexe et constitué de personnages et de
masques différents. Mais au lieu de les aider, ces masques dissimulent le moi profond de
chacun. Ils se cachent derrière. Leurs actions en sont donc perturbées, elles deviennent
superficielles. Il apparaît donc indispensable de prendre du recul par rapport à ses masques.
Musset, Leiris et Augustin y parviennent par plusieurs moyens. Mais Lorenzo est le seul à
rester prisonnier de ses masques et il échoue dans son action qui n’a plus de but.
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