Invagination intestinale avec boudin prolabé par l`anus chez l`enfant

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Invagination intestinale avec boudin prolabé par l`anus chez l`enfant
Journal de pédiatrie et de puériculture (2013) 26, 59—61
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
CAS CLINIQUE
Invagination intestinale avec boudin prolabé par
l’anus chez l’enfant
Rectal prolapse of intussusception in children
F. Raherinantenaina ∗, A.R. Raherison ,
J. Rakotosamimanana , A. Rantoanina , F.A. Hunald ,
M.L. Andriamanarivo
Unité de soins de formation et de recherche (USFR), service de chirurgie pédiatrique, centre
hospitalier universitaire de Joseph Ravoahangy Andrianavalona (CHU-JRA), BP 4150,
Antananarivo, Madagascar
Reçu le 18 août 2012 ; accepté le 26 octobre 2012
MOTS CLÉS
Invagination
intestinale aiguë ;
Prolapsus rectal
Introduction
L’invagination intestinale aiguë (IIA) réalise un télescopage d’un segment intestinal d’aval
par le segment intestinal d’amont [1] pour former le « boudin » [2,3]. Elle peut se compliquer de prolapsus rectal [3—6]. Nous rapportons un nouveau cas chez une petite fille de
12 mois afin de soulever les difficultés diagnostiques et les modalités thérapeutiques de
cette entité.
KEYWORDS
Acute
intussusception;
Rectal prolapse
∗
Observation
Une petite fille de 12 mois correctement vaccinée, sans notion de prolapsus depuis la naissance a été hospitalisée en pédiatrie pour pleurs inexpliqués associés à des vomissements
et à un refus de toute alimentation depuis cinq jours. Elle avait dans un premier temps
été amenée en consultation pour diarrhée faite de selles mucosanglantes. Au sixième
jour, s’était installé un état de déshydratation sévère avec un arrêt des matières et
des gaz. Au dixième jour, une masse prolabée par l’anus a été constatée. L’enfant était
admis aux urgences chirurgicales. L’examen physique révélait une altération de l’état
général et une masse intestinale prolabée par l’anus (Fig. 1). Le toucher rectal mettait en évidence un espace libre entre le canal anal et l’intestin prolabé. Le diagnostic
d’une IIA avec boudin prolabé par l’anus était retenu. La radiographie d’abdomen sans
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (F. Raherinantenaina).
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http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2012.10.002
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F. Raherinantenaina et al.
Figure 3. Pièce de colectomie segmentaire mettant en évidence
l’ischémie du cæcum.
Figure 1. Présentation clinique du boudin d’invagination prolabé
par l’anus.
préparation mettait en évidence une occlusion du grêle
(Fig. 2). L’échographie abdominale avait conclu à l’absence
d’aucune anomalie intra-abdominale. L’enfant était opéré
en urgence. L’exploration chirurgicale par laparotomie mettait en évidence une invagination iléo-cæcocolique avec
progression du boudin sur tout le cadre colique. La désinvagination était difficile. L’iléon terminal était le siège d’une
section complète par cisaillement occasionné par le collet
du boudin. Il existait un défaut d’accolement du cæcum.
Aucune cause à cette invagination n’était observée. Une
ischémie irréversible du cæcum et du côlon ascendant était
Figure 2. Abdomen sans préparation (ASP) préopératoire mettant
en évidence une occlusion de l’intestin grêle.
constatée. Après vidange de l’intestin grêle, une hémicolectomie droite associée à une courte résection de l’iléon
terminal a été réalisée. Le côlon et l’iléon restant étaient de
bonne vitalité. Une anastomose iléocolique terminolatérale
a été effectuée. En postopératoire, une biantibiothérapie
a été poursuivie pendant sept jours. Les suites opératoires
étaient simples avec reprise de transit au premier jour et
réalimentation entérale au troisième jour. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire (Fig. 3) avait conclu
à l’absence d’aucune lésion spécifique. L’enfant est sorti
au sixième jour postopératoire. Le recul à six mois était
satisfaisant.
Discussion
L’invagination intestinale avec boudin prolabé par l’anus est
grave chez l’enfant, car le pronostic est souvent très sévère
[6]. Dans notre cas, l’IIA était idiopathique. La forme secondaire est classiquement observée chez l’enfant inférieur à
deux mois ou supérieur à deux ans [2,3]. La progression du
boudin sur la totalité du cadre colique a été facilitée par un
défaut d’accolement du cæcum. Elle est également possible
en cas de mésentère long [5,7]. L’erreur de prise en charge
aboutissait à l’extériorisation du boudin d’invagination par
l’anus et dont le diagnostic a été évoqué à ce stade tardif.
Au stade précoce, la symptomatologie de l’IIA est souvent
incomplète [3,5] et trompeuse aboutissant à une erreur et
retard diagnostique [6]. Elle n’est complète que dans 20 %
des cas [2]. La triade classique associe des vomissements,
des douleurs abdominales paroxystiques et des rectorragies
qui sont habituellement tardives et considérées comme un
signe de gravité [2—4,8]. La mise en évidence du boudin
d’invagination est une aide pour le diagnostic mais il est
rarement palpable [3,8,9]. L’échographie abdominale est
l’examen clé pour confirmer le diagnostic [2,3,9]. Elle aurait
pu mettre en évidence le boudin d’invagination sous forme
d’une image en cocarde, en sandwich ou en pseudorein
[2,3], en cas de localisation intra-abdominale. Le prolapsus du boudin d’invagination par l’anus pourrait être tardif
[10] allant de huit à 11 jours [6]. Dans notre cas, le délai de
prise en charge chirurgicale était de dix jours. Le toucher
rectal permet d’étayer le diagnostic comme se fut le cas
pour notre patiente. En effet, lorsque l’invagination atteint
Invagination intestinale avec boudin prolabé par l’anus chez l’enfant
le rectum, le toucher rectal peut percevoir la tête du boudin d’invagination [3]. L’existence d’un espace libre entre
le canal anal et le rectum, d’une part, et l’intestin prolabé, d’autre part, permet d’affirmer le diagnostic d’une
IIA avec boudin prolabé par l’anus ; alors qu’en cas de prolapsus rectal, le doit bute à 1 ou 2 cm de la marge anale
[6]. L’échographie abdominale ne pouvait plus mettre en
évidence le boudin d’invagination du fait de sa localisation anale masquée par le bassin. L’occlusion intestinale
confirmée par l’Abdomen sans préparation (ASP) était un
argument supplémentaire suggérant l’existence d’un obstacle colique. C’est l’une des raisons pour lesquelles la
laparotomie a été indiquée en urgence. La désinvagination
était impossible sans l’aide de poussées manuelles sur le
boudin prolabé. La survenue d’une nécrose intestinale est
fréquente en cas de boudin prolabé par l’anus (82 % de
nécrose après 72 heures [11]). Elle est surtout observée en
cas de retard diagnostique [3,4,6], car à ce stade l’ischémie
s’installe et conduit à la nécrose de l’intestin invaginé [3].
L’intestin grêle est souvent le plus touché. La survenue d’une
ischémie cæcale est exceptionnelle. Elle était en rapport
avec une atteinte du pédicule iléo-cæco-appendiculaire
entraîné par la migration du boudin et entretenu par
le retard de prise en charge. Le rétablissement de
la continuité était immédiat car les segments restants
étaient non ischémiques et il n’y avait pas de péritonite
associée.
Conclusion
L’invagination intestinale avec boudin prolabé par l’anus est
rare chez le nourrisson, non diagnostiquée par l’imagerie
conventionnelle et dont le diagnostic était clinique et
peropératoire. Favorisée par le défaut d’accolement
cæcal, la progression du boudin d’invagination jusqu’au
canal anal et la bonne vitalité des segments intestinaux
étaient une bonne indication d’anastomose colique en un
temps.
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Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
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