En el seminario XJ

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En el seminario XJ
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Groupe de travail: Acting-Out, une zone de rapport ? De la zone
de rapport au lieu du transfert
Congrès de Convergencia, juin 2015
Cristina Catalá, María-Cruz Estada, Haydée Heinrich, Roque Hernández,
Guillermo de Lazcano, Raquel Lucena, Laura Vaccarezza
Dans le Séminaire X "L'Angoisse", J. Lacan fait un long développement à
propos du traitement de Frida, une patiente difficile et parfois hostile de
Margaret Little qui n'arrive pas à entrer en transfert, qui vit dangereusement,
ne se débrouille pas dans les tâches quotidiennes et ne cesse de s’emporter.
Des années d'analyse ne changent pas grand-chose et l'analyste ne peut pas
dire qu'il y a eu un travail analytique. Il est aisé de critiquer les interprétations
transférentielles et contre-transférentielles dans lesquelles elle s'égare, mais
on est obligé de reconnaître la difficulté de l'abord de certains transferts qui
sont plutôt du côté de l'acte et de la provocation que d'une question adressée
au Sujet Supposé Savoir.
C'est dans ce contexte de patients difficiles à traiter et à diagnostiquer que
l’on peut entendre l'affirmation énigmatique de Lacan: "En réalité il ne s'agit
pas d'une espèce de sujet, mais d'une zone de rapport, celle que je définis ici
comme Acting Out”1. Nous comprenons que les précisions données par
Lacan à propos de la structure de l'acting, tel que le fait de le localiser dans le
tableau d'Inhibition-symptôme-angoisse à la même place que le deuil, vont
peut-être nous permettre de mieux nous positionner par rapport à certaines
demandes qui, au début, ne se présentent pas comme des demandes.
--------------o0o-----------------Ce groupe de travail nous réunit autour de la question de la position de
l'analyste dans le transfert, par rapport à certains patients provoquants, qui
ont beaucoup de difficultés à faire du lien social, à s'identifier, qui n'accordent
pas de valeur au signifiant, mais qui n'arrêtent pas de nous interpeller. Des
patients qui nous appellent de façon intempestive, qui menacent de se
suicider, d'arrêter le traitement ou de porter plainte contre nous; des patients
qui se plaignent du fait que le traitement ne leur apporte rien, mais qui
continuent à venir —probablement pour pouvoir continuer à nous dire qu'ils
n’en retirent rien— et qui mettent toujours l'analyste en échec.
Lacan dans "D'une question préliminaire à tout traitement possible des
psychoses”2, parle de « psychose sociale » en rapport avec une position du
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J. Lacan: Le Séminaire X : "L'angoisse".
J. Lacan: D'une question préliminaire à tout traitement possible des psychoses, in Écrits.
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sujet dans laquelle il ne produit pas des phénomènes psychotiques stricto
sensu (délires et hallucinations), mais à propos de sujets qui passent par une
expérience de vide existentiel, de « dispersion d'identité ». On parle pour ces
patients d'une nouvelle clinique nommée de différentes façons selon les
auteurs: clinique du vide, pathologies narcissiques, troubles limites de la
personnalité, pathologies borderline, psychoses ordinaires, des inclassables
dans la clinique, etc…
Cependant, dans notre groupe de travail, on a souligné la complexité de cette
zone dans laquelle quotidiennement et au un par un, nous nous demandons
si nous nous trouvons face à une psychose non déclarée, ou bien s'il s'agit
d'un sujet pas encore constitué comme tel du fait que le refoulement n’opère
pas complètement ; ou si l'on peut penser à des signifiants forclos qui ne
soient pas nécessairement le Signifiant du Nom du Père. Il pourrait s'agir
d'une forclusion aux conséquences ravageuses qui produirait un « tout
psychotique », ou bien de la conséquence d'un événement : un signifiant
deviendrait traumatisant et la castration symbolique serait inopérante à
certains moments de sorte que le corps, son image, serait alors l’unique
rempart face à une jouissance envahissante. A d'autres occasions pourrait
apparaître une sorte de lacune dans la mémoire (amentia de Meynert). La
question serait toujours de savoir si le sujet —tel que nous le concevons : le
sujet divisé— pourrait rester en suspens parfois, de façon transitoire, alors
que, en même temps, pourrait exister une réalité structurée par le
refoulement. Des questions à continuer à travailler.
En tout cas, nous pensons que le danger serait de rester au niveau
phénoménologique et d’oublier la dimension du sujet et de l'écoute dans le
cadre du transfert et de la structure, là où le diagnostic doit rester en
souffrance et où la question du désir d'analyste va tenir sa place de fonction
essentielle. C'est ainsi que l’analyste pourra assumer la conduite de la cure.
Mais qu’en serait-il pour une zone de rapport acting-out?
L'acting-out peut se penser comme un concept qui rend compte d'un
mouvement de l'analysant consécutif à un affaiblissement de la position de
l'analyste, ce qui supposerait un cadre transférentiel, une ébauche de
transfert, un transfert sauvage, un transfert potentiel : peut-on penser ces
transferts comme équivalents ? Ont-ils une spécificité ?
Lacan aborde l'acting-out dans au moins deux perspectives dont nous allons
nous servir pour faire une hypothèse sur cette zone. D'un côté nous savons
de l'acting :
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- A la différence du symptôme, il ne se suffit pas à lui-même, il appelle une
interprétation.
- Il est adressé à un Autre —en particulier à l'analyste, quand le patient est en
analyse— qui, quant à lui, “n'est pas trop mal placé, mais il n'est pas non
plus tout à fait à sa place”3.
- C’est un message qui n'est pas toujours explicite, mais plutôt un “hint”, une
allusion.
Il est également :
- transfert sauvage
- le bouc qui saute sur la scène.
- une façon de mettre en scène une vérité qui passe inaperçue.
- un champ si difficile que nous sommes obligés d’y avancer comme le
rhinocéros dans la porcelaine,… doucement 4.
Mais il est aussi :
- Ce type d'action par où à tel moment du traitement,… c’est peut-être par
notre bêtise, ça peut-être par la sienne, mais ceci est secondaire, qu’importe,
le sujet exige une réponse plus juste 5.
- Et, pour finir : Ca consiste à faire passer le semblant sur la scène, à le
monter à la hauteur de la scène, à en faire exemple. Voilà ce qui… s'appelle
l’acting-out. On appelle encore ça la passion 6.
La façon dont ces patients se présentent par l'acting-out, constitue une mise
à l'épreuve de la loi. L'analyste devra supporter sa position de destinataire de
cet appel erratique à l'Autre et assumer de devoir conduire la cure à partir de
là. Si l'analyste suppose cette fonction d'appel dans l'acting, s'il le construit
comme tel et se considère comme destinataire, cela va déterminer sa place
dans le transfert, il sera à l'écoute de ce qui n'a pas été écouté et il
supposera qu'il s'agit là d'une vérité en attente d'être lue, ce qui aidera le
patient à sortir de l'indifférencié, à mettre une limite à sa jouissance et à
s'insérer comme sujet dans les défilés de la demande et dans la dialectique
du désir, à ouvrir ainsi un parcours possible du métonymique au
métaphorique.
La clinique de ces cas nous confronte au fragile équilibre entre d'un côté le
désir de la mère et ses ravages et, de l'autre, la fonction paternelle et ses
failles ; c'est à dire, à la question de comment les parents ont traversé et
transmis la fonction phallique et la castration, comment ils ont résolu les
deuils, à la question de la place de l'enfant dans le désir de l'Autre, etc…, ou,
J. Lacan: Le Séminaire, num. V, séance 5.
J. Lacan: Le Séminaire, num. XIV, séance 13.
5
J. Lacan: Le Séminaire, num. VIII, séance 23.
6
J. Lacan: Le Séminaire, num. XVIII, séance 2.
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—ce qui est la même chose— aux opérations relatives au « Stade du
Miroir », au dénouement de l’oedipe qui va précipiter le sujet d'un côté ou de
l'autre de la structure, se réfugiant alors dans la névrose, la perversion ou la
psychose.
Comment répondre à la difficulté d’organiser une division subjective, à la
tentative d’un individu de condenser 'S' et 'a', comme dans le schéma
Lambda ? Comment métaboliser les tentatives du patient pour se situer
comme objet 'a' qui viendrait combler ce manque qui soutient la pensée
symbolique chez l'analyste? De ces tentatives dérivent les difficultés dans la
conduite de la cure et les moments d'égarement que nous devons traverser.
Nous soutenons que l'enjeu analytique vise un passage possible de la zone
de relation au lieu du transfert, passage qui requiert que l'analyste puisse
accueillir d’étranges manifestations de la souffrance qui frôlent la pulsion de
mort et qui font appel à notre transitivisme. Transitivisme qui va nous
permettre de nous laisser porter par ces égarements, tout en soutenant
l'impossibilité de combler ce vide, cette distance irréductible entre idéal et
objet.
Il n'y a pas en effet d'autres indications pour une cure que la décision du sujet
et de l'analyste lui-même à s'y engager.
Nous voyons que le transfert, en tant que lieu, passe par la castration de
l'analyste par rapport au savoir de la théorie et de la clinique, ce qui ne doit
pas empêcher qu'il les mette à l'épreuve en inventant des dispositifs
transférentiels singuliers, au un par un, ce qui nécessite également une
temporalité singulière pour que quelque chose se noue.
D'autre part, en tant qu’analystes qui travaillons avec des sujets
psychotiques, nous savons que les expériences de la folie sont très éloignées
de celles qui caractérisent un sujet névrotique. L’auto-référence et la certitude
du paranoïaque, la fragmentation du schizophrène et, comme dit J.M.
Alvarez7, « l'indignité » du mélancolique, semblent caractériser les
dimensions d'une expérience que nous appelons « psychose ».
Nous savons que leurs témoignages mettent en relief les modes particuliers
selon lesquels la folie engage le langage, le corps, la jouissance et le
discours social. A l’écoute de certains faits cliniques chez des sujets qui n'ont
pas déclenché une psychose, nous devons être avertis sur la façon dont
nous allons mener la conduite de la cure.
Dans le Séminaire 25, Lacan dit, à propos de sa définition du transfert :
Supposé-savoir quoi ? Comment opérer ? Mais ça serait tout à fait excessif
que de dire que l'analyste sait comment opérer. Ce qu’il faudrait, c’est qu'il
J.C. Maleval, J.M. Álvarez et al., Psicosis actuales, Capítulo 'Las otras psicosis ¿a partir de cuándo se está
loco?', Ed. Grama, p. 55.
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sache opérer convenablement, c'est-à-dire qu'il se rende compte de la
portée des mots pour son analysant, ce qu’incontestablement il ignore.
Et comme il dit dans "D'une question préliminaire…" 8 : Le désir d'analyste
implique donc une soumission complète… aux positions proprement
subjectives du malade, seule façon d'éviter les réticences du sujet
psychotique et aussi de faire avec les résistances du sujet névrotique.
Cette surprenante "soumission complète" nous renvoie à "La direction de la
cure…" et au commentaire de Lacan lorsqu’il dit que l'analyste aussi doit
payer, payer avec des mots sans doute (…) mais aussi payer de sa
personne, en tant que, quoi qu'il en ait, il la prête comme support aux
phénomènes singuliers que l'analyse a découverts dans le transfert 9.
Mais, comment fait l'analyste pour payer de sa personne dans le transfert,
sans tomber dans une position sadique ou masochiste, réponse
fantasmatique qui viendrait occulter la demande?
Ceci nous renvoie à la proximité de l'analyste en fonction avec la position
féminine —faire semblant d'être ce que l'autre veut, s'adapter à son rythme,
attendre, accueillir…— ; en étant justement dans le semblant, l’analyste évite
de tomber dans le masochisme (ou le sadisme, bien sûr), ce qui serait le cas
s’il se prenait vraiment pour l'objet.
Le féminin comme faculté d'ouvrir les volets quand ils sont sur le point de se
fermer?
Il s'agira, donc, de se maintenir dans le transfert, de ne pas perdre confiance
en l'inconscient, en la parole, en la pensée, en tout ce qui fait hiatus entre
idéal et objet, et de ne pas intervenir selon certaines normes, selon du
désespoir ou la supposition de comment devrait se développer une analyse,
c'est à dire, selon un savoir constitué.
Nous pouvons nous autoriser à nous sentir parfois un peu perdus, à être
imprécis, voire égarés ; tout cela peut nous protéger et il s'agit, donc, de
positions instituantes, contraires au dogme, à l'institué qui ne laisse pas
d’espace au sujet. Perdus, dans le sens de ce que Lacan dit sur l'analyste
moyen : celui qui s'autorise à s'égarer 10. Comme dit S. Sabinus : C'est cela
« s'égarer » : perdre le sens.
Un autre aspect que nous voudrions signaler est la relation de l'acting avec le
deuil : l'acting-out est inhérent au deuil, là où la perte ne peut pas être
recouverte complètement par le symbolique. Il n'y a pas deuil sans acting.
Mais de quel deuil s'agit-il chez ces patients?
Par rapport à la patiente de Margaret Little, Lacan signale qu'elle n'avait
jamais pu faire le deuil de personne, ni de son père pour qui elle ne signifiait
rien, ni de sa mère, pour qui elle n'était qu'une extension de son propre
corps. À partir de cette analyse, Lacan va énoncer sa phrase bien connue:
Cf. citation 2.
J. Lacan: La conduite de la cure, in Écrits.
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Cité dans le texte "Psychose de transfert" de Serge Sabinus, dans la revue Analyse freudienne presse nº
19, Ed. Érès, 2012.
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Nous ne sommes en deuil que de quelqu’un dont nous pouvons nous dire
'j'étais son manque', et il dira que Frida n'avait jamais manqué à personne.
C'est à dire qu'il s'agit d'un deuil fondateur qui n'a pas été inscrit, ce qui laisse
le sujet dans une position dont on peut penser qu’elle est mélancolique ; c’est
là où il y a impossibilité d’inscrire un deuil que survient l'insistance de l'actingout.
Ce sera dans le un par un et dans une mise en acte du désir d'analyser ces
patients qui se présentent à nous comme un dire exprimé en acte, que nous
pourrons peut-être trouver quelque réponse et formuler d'autres questions
afin de continuer à élaborer un savoir manquant.