Christian Meurant, ce dé...enu marchand de puzzles

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Christian Meurant, ce dé...enu marchand de puzzles
23/4/2015
Christian Meurant, ce détective devenu marchand de puzzles
Reconversion professionnelle
Christian Meurant, ce détective privé devenu marchand de puzzles
PAR LUCA BERNARDI
— 17.04.2015
L
ente et puissante, la voix de Jacques Brel envahit chaque recoin de l’étroite boutique de Christian Meurant. «Quand on n’a que l’amour…», chante
le compositeur belge. L’amour des énigmes, des mystères et des petits bouts de carton résume à merveille la passion du propriétaire des lieux, le
plus ancien et respectable détective privé de Bruxelles.
Au début des années 1950, il rêvait pourtant de devenir journaliste. Une profession que cet aficionado de casse-tête et devinettes depuis l’âge de 12 ans
embrasse quelques années, avant de s’orienter vers l’industrie bancaire. C’est ainsi qu’il découvre sa voie: l’investigation financière. «J’avais perçu les
possibilités que pouvait offrir cette activité, et j’ai su saisir cette opportunité», explique-t-il.
Dans les enquêtes de Christian Meurant, point de maris volages ou de chiens égarés. Son quotidien est rythmé par les duperies, faillites douteuses ou
escroqueries impliquant des multinationales. Au point de devoir sillonner parfois plusieurs continents. Une sombre histoire d’assurance-vie l’a par
exemple conduit, après de longues semaines de recherche, jusqu’en Afrique, où le prétendu défunt y coulait des jours tranquilles tandis que sa «veuve»
jouissait pleinement, en Belgique, de la rente contractuelle.
Au sommet de son art, le détective chevronné employait jusqu’à vingt-cinq personnes dans l’immeuble qui abrite aujourd’hui son magasin. Des chefs
d’entreprises, des politiciens ou des célébrités locales ont fait appel à ses services et certains sont même devenus des amis. Mais, secret professionnel
oblige, nous n’en saurons guère plus.
Qu’est-ce qu’une enquête si ce n’est un grand puzzle?
Sa marque de fabrique? «L’observation, la déduction et la persévérance», dit-il, le regard malicieux et apparemment très fier. «Grâce à mon réseau de
connaissances et de sources, accumulé au cours des années, rares étaient ceux qui déterraient des informations que je n’avais pas moi-même déjà
dénichées».
D’une voix calme et posée, il nous expose avec parcimonie ses méthodes «à l’ancienne», comme les filatures ou les épluchages de données
comptables de ses «cibles». L’ancien Sherlock Holmes belge avoue cependant avoir rencontré des difficultés dans les années 2000, avec la révolution
Internet. «Le métier a beaucoup changé et l’accès à certaines informations s’est non seulement démocratisé, mais est surtout devenu en grande partie
gratuit», souffle-t-il, nostalgique, ses grands yeux bleus perdus dans le vide.
D’après lui, il ne subsisterait qu’une vingtaine de ses confrères dans tout le pays, alors que les agences d’intelligence économique, plutôt axées sur les
renseignements obtenus par des moyens technologiques, fleurissent. Devenue plus stricte avec l’évolution de la législation sur la vie privée, la loi belge
oblige aujourd’hui les détectives privés à être assermentés par le ministère de l’Intérieur.
Une affaire macabre
Parmi les affaires sur lesquelles Christian Meurant a enquêté, plusieurs ont marqué le détective. Comme celle de cette société de leasing qui le mandate dans le courant des années 1990. Un
véhicule, propriété d’un homme signalé comme disparu par son épouse, soulève des doutes auprès de l’entreprise. Quelques jours plus tard, le privé retrouve ladite voiture, abandonnée sur un
parking aux alentours de la gare du Nord, à Paris. Sa piste le conduit à Nice, où il retrouvera finalement l’homme… pendu dans une chambre d’hôtel.
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Désormais à la retraite, après plus de cinquante ans de carrière, le fin limier poursuit néanmoins son activité à ses heures perdues. Une douzaine de
dossiers s’entassent sur son bureau, signe que des mandataires continuent à faire appel à ses services. «Mais pas plus d’une dizaine d’heures par
semaine, je ne suis plus tout jeune!», s’esclaffe Christian Meurant.
Ce revenu subsidiaire lui permet de s’adonner à son autre activité, la vente de puzzles. Le déclic lui est venu lors d’une rencontre en 2004 à Londres
avec le directeur d’une grande maison de jeux et loisirs. L’idée lui trottait déjà dans la tête, mais il devait s’en convaincre et s’assurer le soutien de ses
proches. «Au final, qu’est-ce qu’une enquête si ce n’est un grand puzzle? Partir de rien, mettre les éléments bout à bout pour que, petit à petit, se forme
une image. Ensuite, tout n’est question que de déduction et de patience…»
«Certains de mes clients se rappellent encore de mes apparitions
télévisées.»
C’est donc accompagné de son épouse Annick que Christian Meurant sollicite un entretien avec son interlocuteur qui, touché par son envie de
reconversion, le convainc de suivre cette voie: «On a bavardé un peu et je lui ai expliqué mon projet. Comme je ne souhaitais pas dépendre de centrales
d’achats ou de grossistes, le plus simple était de me mettre à mon compte. Il nous a beaucoup aidés à nos débuts, ma femme et moi», avoue Christian
Meurant, ému, la voix tintée de reconnaissance.
Les acheteurs viennent de Bruxelles, mais aussi de France ou du Royaume-Uni. Un engouement que Christian Meurant met volontiers sur le compte de
son passé d’enquêteur: «Certains de mes clients se rappellent encore de mes apparitions télévisées quand j’ai débuté dans la vente de puzzles. Les
médias belges m’avaient alors invité pour parler de cette reconversion et, du coup, je n’ai jamais eu à faire de publicité. Tout s’est fait comme ça et
surtout grâce au bouche-à-oreille», confesse-t-il modestement.
Pourtant, sa boutique est plutôt discrète. Seule une enseigne bleue luminescente, pareille à celles des bars modernes, invite le passant à s’aventurer
au-delà du renfoncement qui masque le numéro 143 de la rue Belliard à Bruxelles. Dans la vitrine de «Puzzles passion», des boîtes multicolores avec
des natures mortes, des fresques d’animaux sauvages et des paysages issus d’un autre temps donnent un minuscule aperçu des trésors que recèle ce
haut-lieu de mystères à résoudre.
Luca Bernardi
Pas moins de trois mille jeux de patience estampillés Ravensburger, Nathan ou, plus appréciés des collectionneurs, Mordillo, remplissent les étagères
murales de l’étroit couloir de l’entrée jusque dans l’arrière-boutique, en passant par la pièce centrale. De deux à 33’600 pièces pour le plus imposant des
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casse-tête, il y en a pour tous les goûts et pour toutes les endurances.
Des modèles plus classiques, comme une représentation d’un marché à Bâle côtoient les nouveautés. D’autres sont également disponibles en trois
dimensions, comme celui du Colisée de Rome. A en donner le tournis… A l’instar de cette cliente déboussolée, en quête d’images de trains. Après
l’avoir renseignée, Christian Meurant enchaîne: «En plus des modèles existants, nous pouvons aussi réaliser des puzzles sur mesure et personnalisés,
sur la base de photos privées». L’originalité de la collection en fait également un établissement prisé, faute de concurrence dans le domaine.
Un certain Jacques Chirac serait également venu acheter quelques jeux
de construction.
Claudiquant, notre hôte nous emmène vers un piédestal qui trône au milieu de son antre. Avec un grand sourire sur son visage ridé, il ouvre devant nous
son livre d’or. Rédigés en espagnol, en italien ou, plus exotique, en mandarin et en japonais, des petits mots simples, «Merci pour tout», et des
compliments, «Votre magasin est splendide», comme autant de témoignages de l’affection que lui porte sa clientèle. On y aperçoit aussi quelques noms
connus, comme celui de ce ministre belge, en poste à plusieurs reprises entre 1980 et 1998.
Un certain Jacques Chirac serait également venu, en toute discrétion, acheter quelques jeux de constructions lors de ses différents déplacements à
Bruxelles, en marge des réunions du Conseil européen, situé à quelques rues de la boutique de Christian Meurant. Aujourd’hui encore, son échoppe voit
passer du beau monde, à l’image de ce diplomate, toujours pressé, qui gare sa voiture en double-file, laissant son chauffeur au volant: «Un client fidèle,
qui repart, chaque mois, avec trois ou quatre boîtes de puzzles sous le bras pour ses proches».
Si l’ivresse des petites pièces de Christian Meurant a su séduire le public, elle a aussi gagné ses proches. Cet Hercule Poirot à la sauce bruxelloise
espère d’ailleurs que l’un de ses trois enfants perpétuera la tradition le moment venu. «Si c’était à refaire, je referais tout pareil», conclut Christian
Meurant, un regard affectueux vers son fils Jean-Baptiste.
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