Je t`aime moi non plus
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Je t`aime moi non plus
Lettre mensuelle n°6, 2013 Je t’aime moi non plus Les flux dans les actions passent par le filtre des gestions Depuis plusieurs mois, les marchés d’actions des pays développés ont enregistré des flux entrants dont la persistance est le signe d’un changement structurel positif qui n’a pas été observé depuis l’éclatement de la bulle internet. Si une des motivations pour détenir les marchés d’actions des pays développés est leur caractère bon marché, il est surprenant de voir les secteurs les plus chers continuer à offrir la meilleure performance. Ainsi le secteur des valeurs dites « défensives » dont le PE est de 20 (contre 13 pour la moyenne du marché) affiche la plus forte performance. Certains pourraient y voir une forme de schizophrénie des investisseurs finaux. Il est plus vraisemblable que ce soit l’expression du style dominant des gérants actions. Comme investir sur les actions dans la bulle internet était synonyme d’investir sur les valeurs technologiques, investir sur les actions aujourd’hui reflète avant tout le caractère défensif de l’offre proposée par les gestionnaires actions. Des bénéfices sans résultats Depuis la crise financière de 2008, les entreprises ont embrassé une politique de maîtrise des coûts à l’inverse des stratégies de croissance de la période précédente. Les équipes managériales ont été remplacées par des réducteurs de coûts. Seuls les dirigeants les plus prudents ont survécu à cette vague de changement. Le résultat aura été une amélioration impressionnante des marges, l’accumulation d’une trésorerie pléthorique et l’augmentation des dividendes. La forte progression des bénéfices depuis 2008 est donc essentiellement le fait de la hausse des marges, la progression du chiffre d’affaire restant une considération tout à fait secondaire. Des dividendes, toujours des dividendes Dans ce contexte, les marchés d’actions ont été dominés par deux grands thèmes favorisant les valeurs défensives : les dividendes élevés et la gestion minimum-variance. La volatilité des marchés d’actions et l’anticipation d’une longue période de faible croissance ont justifié l’inclination pour les valeurs offrant des dividendes juteux, en contrepartie d’une croissance certes faible mais régulière. D’une certaine manière, ces actions sont considérées avoir des caractéristiques assez proches d’une classe d’actif très en vogue : les obligations émises par les entreprises (flux de paiement réguliers et volatilité a priori faible). La prévalence de ce premier thème d’investissement a également ouvert la voie au second, à savoir la montée en puissance du style minimum-variance dans la gestion actions. Encore une source de convexité dans les marchés Il s’agit d’investir dans les actions dont la volatilité a baissé et de désinvestir dans celles dont la volatilité a monté. Ce type de gestion est donc performant lorsque la volatilité passée est un bon indicateur de la volatilité future, c’est-à-dire lorsque la volatilité suit une tendance. Or le développement même de ce type de gestion accentue en retour la direction prise par la volatilité de chacune des actions. Ainsi, plus le style minimum-variance est répandu, plus il est efficace. Et comme plus il est efficace, plus il est populaire, on aura reconnu ici un facteur de convexité typique des dynamiques de bulle. Le moment arrive où la valorisation n’a plus aucune pertinence et seuls les flux de marchés permettent d’anticiper l’évolution future des prix, comme lors de la bulle du crédit à partir de 2006. La « croissance défensive », et pourquoi pas « le feu qui mouille » La valorisation des actions dites « défensives » est aujourd’hui complètement déconnectée des fondamentaux. Pernod Ricard à 18 de PE est un exemple de valeur défensive parmi tant d’autres. A défaut d’imaginer que la terre entière devienne alcoolique, rien ne justifie une telle cherté. En suivant les conseils d’Audiard mis dans la bouche de Lino Ventura dans les Tontons Flingueurs, on reconnait les bulles au fait qu’elles osent tout. Ainsi, le concept de « croissance défensive » est aujourd’hui mis en avant pour justifier l’incroyable détention de valeurs défensives. La réalité est que le marché tout entier est surinvesti sur des actions ayant un PE de 20 et une croissance de seulement 5%. L’invention de nouveaux concepts fumeux n’y changera rien. Par définition, des actions sont « défensives » si la croissance de leurs résultats est stable et donc modérée. Mettre en avant la perspective d’une croissance plus forte demain disqualifie leur caractère défensif aujourd’hui. H2O Asset Management LLP, 10 Old Burlington Street, London W1S 3AG, United Kingdom, Management Company n°529105 FCA 1 Comment échapper à la tyrannie sectorielle Le vilain petit canard des « défensives » Dividende, marges et croissance : la Sainte Trinité des actions La rédemption des banques européennes Pas facile d’abandonner les vieilles recettes Cette situation pose un véritable dilemme pour les gérants actions qui refusent de participer à cette bulle thématique. S’ils n’investissent pas les flux qu’ils reçoivent selon les standards dominants du marché, ils risquent fort de sous-performer leurs concurrents. S’ils s’inclinent devant la tyrannie sectorielle du moment, ils contreviennent à l’esprit de leurs obligations fiduciaires vis-à-vis des investisseurs finaux. Heureusement, les excès de marché sont aussi une source d’opportunités, sans d’ailleurs devoir s’opposer frontalement au style en vogue. On en trouve au sein même de la bulle avec les télécoms européennes, à sa périphérie avec les techs américaines, et enfin en dehors avec les banques européennes. Elles ressemblent à des défensives, mais elles sont délaissées car leurs marges ont été rognées par un environnement réglementaire de plus en plus contraignant. Il s’agit des valeurs de téléphonie européennes. Pour le reste, ces valeurs offrent des dividendes élevés et des ventes stables. La bonne nouvelle est que le régulateur européen a enfin compris les bénéfices de son effacement pour l’industrie, en décidant en juin 2012 de ne pas règlementer le secteur de la fibre optique en Europe afin de permettre de rattraper le retard pris sur l’Asie et les Etats-Unis. Les stratégies des entreprises européennes du secteur sortent également de leur stratégie ultra-défensive de restructuration interne pour une approche plus proactive avec la multiplication des joint-ventures. Avec un PE de 9, les télécoms européennes sont des défensives très peu chères, dont le rendement des capitaux propres devrait être soutenu par une amélioration des marges opérationnelles. Les valeurs technologiques américaines partagent également certains attributs donnés aux défensives. Leur rentabilité économique élevée leur a permis d’accumuler un véritable trésor de guerre de trésorerie. La décision récente d’en distribuer une partie aux actionnaires par versement de dividendes et rachats d’actions devrait contribuer à soutenir le rendement des capitaux propres. Ce secteur n’est pas particulièrement bon marché (PE de 15), mais la volonté de re-leverager leur bilan est un signe supplémentaire du passage à une stratégie offensive de la part des équipes dirigeantes. Les techs américaines paient des dividendes, rachètent leurs actions et sont exposées à la croissance. Si l’on ajoute qu’elles sont peu sensibles au risque de hausse des taux, il ne manque presque rien à la check-list type de l’investisseur actions. Avec un retour sur capitaux propres de 15% avant la crise de 2008 et de seulement 8% aujourd’hui, les banques européennes ont subi de plein fouet le durcissement de la réglementation et la crise de la zone euro. La baisse des tensions dans l’UEM et l’étalement dans le temps de l’application des nouvelles règles de Bâle 3 constituent un environnement nettement moins défavorable pour le secteur. Mais c’est surtout les actions du management pour améliorer la rentabilité dans ce nouveau cadre règlementaire par une allocation plus efficace du capital (fermeture de certaines activités, réorientation sur les points forts les plus rentables) qui n’est pas encore pleinement reconnue par le marché. Ces valeurs ont une valorisation attractive, sont faiblement détenues et ont la perspective de voir leur rentabilité remonter autour de 12%. Elles ont enfin le précieux avantage d’être indépendantes des grands thèmes sectoriels qui ont dominé ad nauseum les marchés d’actions ces dernières années. L’optimisme nouveau que révèlent les flux entrants sur les actions des pays développés est aujourd’hui incohérent avec le scepticisme de l’industrie de la gestion actions. Cette contradiction pourrait bien être le signe d’un changement structurel de l’allocation optimale du capital dans l’économie mondiale. En effet, par inertie et par convexité, les intervenants de marché continuent à appliquer le filtre du passé d’un monde de croissance atone dans les pays développés dominé par la prudence des managements, la contrainte règlementaire et l’aversion pour le risque des investisseurs. Cette lecture est de plus en plus décalée de la réalité sous-jacente à l’appétit pour les marchés d’actions du G3. Celle-ci reflète, en effet, la confiance retrouvée des investisseurs finaux dans le rendement du capital productif des entreprises des pays développés. Une telle anticipation est rabaissée par le pessimisme sousjacent à la gestion actions à la mode en ce moment. Cette situation est malsaine, voire dangereuse, car les flux entrants nourrissent malgré eux une bulle sectorielle contraire aux attentes des investisseurs. Il faut s’attendre à ce que l’échec des vieilles recettes soit cuisant et source d’une profonde désillusion. Edité à Londres le 19 juin 2013. Ce document est destiné à des clients professionnels. Il ne peut être utilisé dans un but autre que celui pour lequel il a été conçu et ne peut pas être reproduit, diffusé ou communiqué à des tiers en tout ou partie sans l'autorisation préalable et écrite de H2O Asset Management LLP. 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