La législation wallonne sur les sols Le décret
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La législation wallonne sur les sols Le décret
La législation wallonne sur les sols Le décret relatif à la gestion des sols, en Région Wallonne, est entré en vigueur en mai 2009. Il a pour objectifs de permettre le redéveloppement des friches industrielles, de fournir des garanties aux nouveaux exploitants, propriétaires et utilisateurs de terrain – en supprimant l’insécurité juridique et l’insécurité environnementale – et d’améliorer et de préserver la qualité de l’environnement… Par Norbert Buysse « Mieux vaut tard que jamais », dit-on dans ces cas là, mais l’absence de législation claire pendant toutes ces années où les pollutions agricoles, industrielles et urbaines ont été intenses aura couté très cher à nos sols, à notre santé, voire au portefeuille de chaque Wallon. Nature & Progrès, souvenez-vous, en a même récemment fait les frais… Un bref rappel des faits Au début des années 2000, deux de nos membres découvrent, avec stupeur, que le sol du jardin de la maison qu’ils viennent d’acheter est fortement pollué aux métaux lourds – on relira, à ce propos, le texte paru dans la revue Valériane n°51 et intitulé « Faut-il s’inquiéter de la qualité du sol de nos jardin » – du fait de l’activité de ferrailleur du propriétaire précédent. Décidés à avertir la police de l’environnement, ils s’entendent répondre qu’il vaut mieux que celle-ci ne soit pas au courant dans le cas d’une pollution importante ! Car, en tant que propriétaires, ils se verraient obligés de dépolluer le site, à leur charge, ce qui représenterait plus de cinquante mille euros pour une dizaine d’ares ! Ils tentent alors une action en justice pour vice caché mais décident, par la suite, de tout abandonner du fait du cout bien trop élevé – avec, en sus, l’incertitude de l’issue vu l’absence de législation… Suite à leurs mésaventures, nos deux membres insistent pour que Nature & Progrès analyse le sol du jardin didactique que l’association possède, rue de Dave à Jambes, ce notre association entreprend en 2005. Des concentrations anormalement élevées en zinc et en plomb ressortent des différentes analyses faites au jardin, mais les valeurs de références varient d’un laboratoire à l’autre – du simple au triple pour certains métaux lourds ! – et, pour cause, il n’y a alors pas de législation précise qui définit les seuils de pollution en Région Wallonne ! Difficile, par conséquent, de se faire une idée de la gravité de la pollution et des mesures à prendre dans de telles conditions. Heureusement, Nature & Progrès n’a pas attendu pour agir que le législateur sorte de son hibernation prolongée et mena diverses investigations concernant, par exemple, le transfert de métaux lourds dans les légumes ou la dépollution par les plantes… Reste que, pour nos deux membres, l’absence d’une législation définissant les seuils de pollution et qui applique le principe du pollueur – payeur, leur aura couté cher en temps, en énergie et en argent. Aujourd’hui, une telle mésaventure ne devrait, en principe, plus se produire. Que prévoit le décret sols ? Il aura donc fallu attendre 2009 pour que la Région Wallonne définisse ce qu’est un sol pollué ! Et, surtout, pour qu’elle détermine la responsabilité de la pollution et, par là-même, qui devra payer les coûts de la dépollution ! Des coûts qui, comme on l’a vu, peuvent s’avérer exorbitants… Pour les métaux lourds, le décret sols fixes trois valeurs en fonction des différents types d’usages – naturel, agricole, résidentiel, récréatif ou commercial, industriel – : une valeur de référence, une valeur seuil et une valeur d’intervention. * La valeur de référence donne une valeur indicative de la concentration naturelle en métaux lourds des sols en absence de l’influence des activités anthropiques, agricole, industrielle, urbaine… La présence de métaux lourds dans les sols n’est pas anormale : ils sont issus de l’altération physicochimique des roches et des minéraux, ainsi que des retombées atmosphériques liées aux éruptions volcaniques, aux embruns marins ou aux feux de forêts. En pratique, on ne retrouve plus de telles concentrations dans nos pays industrialisés du fait de la pollution diffuse dues aux activités industrielles, agricoles et urbaines généralisées. * La valeur seuil indique la concentration en polluants dans un sol au delà de laquelle des études devront être menées, menant le cas échéant à la nécessité d’assainir. En deçà de ce seuil, le terrain est traité comme un terrain non pollué. Ces valeurs varient selon la destination du terrain : elles sont plus basses pour les sols des zones agricoles et résidentielles que pour les zones industrielles * La valeur d’intervention indique une concentration en polluant au-delà de laquelle une intervention est systématiquement entreprise : un assainissement et/ou des mesures de sécurités et de suivi. Les valeurs seuils et d’interventions sont fondées sur les risques que de telles concentrations représentent pour la santé humaine, pour les nappes aquifères et pour les organismes vivants. Les obligations et la responsabilité Toute personne peut entamer volontairement les démarches qui vont mener à l’assainissement, mais la dépollution est obligatoire lors de la cession d’un bien pollué ou potentiellement pollué, lors de la cessation d’une activité à risque ou suite à une décision de l’administration. La responsabilité de la dépollution incombe à l’auteur de la pollution ou de l’abandon des déchets. Si l’auteur est introuvable ou insolvable, c’est l’exploitant, et à défaut, le propriétaire des lieux qui endosse la responsabilité. Valeurs fixées par le décret sol, en ce qui concerne les métaux lourds Sol (en mg / kg de matière sèche) Types d’usage métaux I II III IV V eaux souterraines (en micro g / l) arsenic VR 12 12 12 12 12 1 arsenic VS 30 30 40 40 50 10 arsenic VI 220 265 300 300 300 40 cadmium VR 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 0,25 cadmium VS 1 1 3 10 15 5 cadmium VI 10 10 30 40 50 20 chrome VR 34 34 34 34 34 2,5 chrome VS 60 85 125 125 165 50 chrome VI 95 175 520 520 700 100 cuivre VR 14 14 14 14 14 15 cuivre VS 40 50 110 110 120 100 cuivre VI 80 145 290 290 500 200 mercure VR 0,05 0,05 0,05 0,05 0,05 0,1 mercure VS 1 1 1 5 5 1 mercure VI 6 6 6 50 50 1 nickel VR 24 24 24 24 24 10 nickel VS 60 65 150 150 210 20 nickel VI 100 200 300 300 500 80 plomb VR 25 25 25 25 25 2,5 plomb VS 120 200 200 280 385 10 plomb VI 170 400 700 700 1360 40 zinc VR 67 67 67 67 67 90 zinc VS 120 155 230 230 320 200 zinc VI 215 300 710 710 1300 400 I : naturel II : agricole III : résidentiel IV : récréatif ou commercial V : industriel VR : valeur de référence VS : valeur seuil VI : valeur d’intervention --Une vaste étude révélera le « bruit de fond » de la pollution des sols wallons La SPAQuE (Société Publique d’Aide à la Qualité de l’Environnement) met en chantier une vaste étude qui permettra – enfin ! – d’avoir une idée exacte de l’état dans lequel se trouvent nos sols. Attention ! Il ne s’agira pas d’évaluer l’effet de pollutions bien connues et strictement localisées, mais de connaître l’ampleur du « bruit de fond » généré par deux siècles d’activités industrielles… Les résultats sont attendus pour fin 2011. Par Dominique Parizel Complétant l’étude Pollusol 1 qui dressait un inventaire des teneurs en métaux retrouvés habituellement dans les sols proches de l’état naturel en Région Wallonne, Pollusol 2 est un vaste projet, qui a démarré en janvier 2009, et qui a pour objectif d’évaluer la qualité des sols et des eaux souterraines dans les zones urbaines et industrielles. Commandé par la SPAQuE, ce projet est mené par une équipe scientifique interuniversitaire qui regroupe l’université de Louvain (département des Sciences du milieu et de l’aménagement du territoire), la faculté de Gembloux (laboratoire des géotechnologies), l’université de Liège et la faculté polytechnique de Mons. La communication avec le grand public et les riverains est organisée par Espace Environnement, à Charleroi. Les objectifs poursuivis par Pollusol 2 « Le nom de Pollusol 1 fut assez mal choisi à l’époque, précise Julie Leclercq, ingénieure agronome à la SPAQuE, car il ne s’agit pas d’étudier directement l’impact de pollutions précises. Pollusol 2 n’étudie pas davantage les sites pollués en tant que tels, mais des zones – comme le boulevard d’Avroy, à Liège, où nos bureaux sont installés – où il n’y a pas eu, à proprement parler, d’activités industrielles polluantes, mais où l’ensemble de l’activité humaine a fait que les teneurs de fond peuvent être bien supérieures à celles qu’on retrouve dans les zones agricoles ou forestières, par exemple. » Ces valeurs de fond sont évidemment très importantes puisque, dans le cadre du décret sol promulgué par la Région Wallonne, apparaît la notion de concentrations. Il s’agit de concentrations ambiantes de polluants dans le sol qui peuvent être soit des concentrations naturelles, soit des concentrations émanant d’une activité agricole ou industrielle locale. Pollusol 2 s’est donc intéressé aux zones urbaines et industrielles dans le but de compléter la cartographie débutée par Pollusol 1et de montrer ainsi, de manière générale, les teneurs dans les sols et dans les eaux souterraines, des métaux, des métalloïdes, mais aussi des hydrocarbures. Cette cartographie permettra ensuite d’évaluer les impacts éventuels des pollutions pour l’Homme et pour l’environnement et, si besoin est, de mettre en place des outils de réhabilitation des sols. Un des objectifs de l’étude est aussi de décrire l’ensemble des situations rencontrées sur le terrain puisque, notamment en zones urbaines, nous sommes face à des sols qui ne sont pas naturels, mais qui sont souvent des zones de remblais. De plus, ces remblais sont généralement de type minier et des polluants caractéristiques s’y retrouvent. Les différentes étapes du projet « Dans un premier temps, explique Julie Leclercq, la cellule historique de la SPAQuE a dressé la liste des principales industries polluantes en Région Wallonne : des sites toujours en état de marche, mais aussi de vieilles industries du XIXe. Les retombées engendrées par ces activités ont été modélisées et ont permis de déterminer une probabilité de dépôts de polluants au sol. Sans surprise, la région liégeoise et la vallée de la Meuse, la région de Verviers, celle de Charleroi et celle du Centre apparaissent déjà très bien. Cette liste nous a ensuite permis de déterminer les secteurs d’étude dans lesquels nous allons aller, chez les particuliers, pour prélever des échantillons… » Les analyses de sol sont, en effet, généralement faites par les agriculteurs et rarement par les riverains de zones industrielles ; celles-ci font donc cruellement défaut. « Les zones d’études choisies doivent évidemment être fortement affectées par les retombées, poursuit Julie Leclercq, représentatives du contexte général – industriel, pédologique et géologique – et il est impératif qu’on puisse y trouver une diversité de sols suffisante. Des premiers prélèvements ont déjà été effectués en 2009 : pour la région liégeoise, nous avions sélectionné la commune de Seraing parce qu’il s’agit d’une commune qui permet de remonter de la vallée jusqu’au bois ; nous avions donc un gradient de concentration nous permettant de rencontrer différentes situations. Pour la région de Charleroi, nous avions retenu les communes de Châtelet et de Charleroi, et pour la région de Mons, celle de Colfontaine. Nous sommes donc partis prélever des échantillons de terre dans les jardins potagers, les pelouses, les prairies et les bois. Nous prélevons aussi différents types de légumes – feuilles, fruits et racines –, ainsi que des échantillons d’eau. Pour 2009, nous avons déjà fait des prélèvements dans 192 jardins potagers, ce qui représente 640 végétaux analysés. C’est énorme ! Nous prélevons et nous analysons des quantités égales des différents types de légumes car les pollutions peuvent être très différentes : la transmission de métaux lourds peut se faire par de simples éclaboussures sur un légume feuille et sera donc très différente de ce qui peut se passer, par exemple, avec des pommes de terre… Nous analysons aussi les légumes pelés et non pelés, lavés et non lavés afin de voir s’il est possible de limiter aisément une contamination éventuelle. Nous n’analysons que les parties consommables. » La suite à l’été 2010 ! L’étude ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Mais, on l’aura compris : elle ne peut être menée qu’à la belle saison, au moment où les légumes sont dans les jardins ! De nouveaux secteurs vont donc être investigués à partir de juin-juillet prochains : la région du Centre, les vallées de la Meuse et de la Vesdre, Hesbaye, ainsi que la Gaume qui est toutefois un cas particulier dans la mesure où elle subit une grande influence des pays limitrophes. « Nous lançons actuellement un appel aux riverains pour les communes d’Amay et d’Engis, de Trooz, de Verviers, de La Louvière et d’Aubange, annonce Julie Leclercq ! Des contacts sont pris avec les autorités communales et des cessions d’information seront organisées localement. Mais les habitants qui le souhaitent peuvent déjà se manifester via les écoconseillers d’Espace Environnement. Ils seront recontactés par téléphone et nous leur poserons quelques questions qui permettront d’effectuer une sélection finale, en fonction de la localisation exacte du jardin et des différents types de cultures qui y seront présentes. » Cette analyse complémentaire des eaux et des légumes permettra, on s’en doute, de déterminer si le « bruit de fond » de la pollution est problématique ou non pour la santé publique. Détecter la présence systématique de certains polluants permettra également, à la SPAQuE, de formuler des conseils de culture plus précis, de recommander les « bonnes pratiques » susceptibles de limiter les risques en terme de consommation : en premier lieu des conseils de fumure qui permettront d’éviter l’emploi systématique d’intrants trop polluants…. « Répétons que nous voulons mettre en évidence un bruit de fond, insiste André Lox, directeur du département faisabilité de la SPAQuE, et nous ne visons donc pas, en tant que telles, les pollutions spécifiques bien identifiées. On s’attend, certes, à se trouver une ‘zone grise ‘ où certains polluants seront à la limite des normes, voire légèrement au-dessus. Mais il s’agit d’une situation généralisée dans toute cette partie de l’Europe, depuis Londres jusqu’à la Ruhr. Notre idée est d’identifier la nature précise de ce bruit de fond et d’évaluer son impact sur la santé des gens. Nous n’allons évidemment pas pouvoir gérer er assainir l’ensemble des sols où un dépassement de norme sera constaté, dans tout le bassin industriel. Nous pourrons voir si une zone a été spécialement impactée par un site industriel précis, dans la mesure où les teneurs constatées seront plus élevées que celles qu’on rencontre dans une zone du même type. Du reste, il faut clairement dire aux riverains qu’il n’y a pas de raisons particulières d’assainir le sol d’un jardin qui serait dans la norme de ce bruit de fond. » Appel aux riverains ! Insistons, avant tout, sur le fait qu’une telle étude ne doit pas faire peur. Dans la continuité du décret sol, elle doit permettre de savoir dans quelle mesure des cultures sont encore acceptables dans ces ‘zones grises’, si un risque majeur avéré est lié, ou non, à la consommation de légumes qui y sont produits. L’expérience vécue chez Nature & Progrès avait déjà montré que les plantes ne captent évidemment jamais l’entièreté de la pollution, qu’on ne retrouvé même pas forcément de transferts entre le sol et la plante. « Aucun cas de transfert majeur n’a, jusqu’ici, pu être mis en évidence, affirme André Lox, on constate même des résultats très différents entre les différents légumes, et même entre différentes variétés d’un même légume… Nous ne pouvons pas les expliquer à l’heure qu’il est. Mais le simple fait de nettoyer convenablement le légume, voire de le peler, permet déjà de limiter le principal risque d’ingestion de polluants, qui est la présence de poussières sur la surface du légume… Si on constate des teneurs sensiblement plus élevée chez un particulier que chez son voisin, on pourra aussi l’interroger sur ses propres pratiques, comme la nature des amendements utilisés, par exemple – trop de manières organiques, ou des composts mal faits –, de manière à pouvoir donner des conseils utiles à l’ensemble de la population… » A l’heure qu’il est, nos interlocuteurs n’en sont encore qu’au stade des hypothèses ; il est leur est donc difficile de donner des résultats partiels et d’anticiper sur les résultats finaux… Mais peut-être pourrez-vous les aider, cet été, à finaliser leur grand travail, en leur ouvrant simplement les portes de votre beau jardin… Vous habitez Amay, Engis, Trooz, Verviers, La Louvière ou Aubange ? Vous accepteriez que la SPAQuE prélève un échantillon de terre dans votre jardin ? Appelez les éco-conseillers d’Espace Environnement, tous les jours de 9h30 à 12h30, au 071/300.300