Restructuration sociale de Novembre 2015

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Restructuration sociale de Novembre 2015
NOVEMBRE 2015
REVUE DE JURISPRUDENCE « RESTRUCTURATION SOCIALE »
(Novembre 2015)
Le salarié peut valablement assigner son coemployeur
devant le conseil de prud’hommes : ................................................................................... p. 3
Cour cassation 30 septembre 2015
Le CHSCT ne peut recourir à l’expertise que lorsque le projet
modifiant les conditions de travail émane de l’employeur : ............................................ p. 4
Cour cassation 14 octobre 2015
Seuls les contentieux relatifs aux procédures de licenciement collectif
Relèvent de la compétence des juges administratifs : ...................................................... p. 5
Cour d’appel de Versailles 1er décembre 2015
Et si on faisait un point sur le contenu des offres de reclassement : ............................... p. 6
Cour cassation 28 octobre 2015
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LE SALARIE PROTEGE PEUT VALABLEMENT ASSIGNER SON CO-EMPLOYEUR
DEVANT LE CONSEIL DE PRUD’HOMMES
Par Patrick Thiébart
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Un salarié protégé est licencié pour motif économique après autorisation de l’inspecteur du
travail, alors que la société qui l’employait avait été placée en liquidation judiciaire.
Le salarié protégé saisit la juridiction prud’homale afin que la société mère soit déclarée
coemployeur et obtenir la nullité de son licenciement.
Il est débouté de ses demandes par la cour d’appel. Celle-ci retient que les juridictions de
l’ordre judiciaire ne sont pas compétentes pour apprécier la demande relative à l’existence d’un
coemployeur à partir du moment où cette demande est formulée par un salarié protégé. En
d’autres termes, le salarié protégé aurait du agir devant le tribunal administratif.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 30 septembre 20151, censure la décision de la cour
d’appel en soulignant que l’inspection du travail, qui avait autorité le licenciement du salarié, ne
s’était pas prononcé sur une situation de coemploi.
Cette décision de la Cour de cassation laisse perplexe et parait pour le moins malmener le
principe de la séparation des pouvoirs qui s’oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur
le bien fondé du licenciement d’un salarié protégé. On voit mal, en effet, en quoi le fait qu’il
existe un employeur « de fait » à côté d’un employeur « de droit » change quelque chose au
respect de cette règle de principe.
Par ailleurs et surtout cette décision semble faire la part belle au salarié protégé qui aura tout
intérêt à rester taisant devant l’inspecteur du travail sur ses intentions de mettre en cause la
société-mère en tant que coemployeur de sorte qu’il puisse bénéficier de deux voies de
recours :
- devant le juge administratif pour contester l’éventuelle décision de l’administration ayant
autorisé son employeur à le licencier ;
- devant le juge judiciaire pour mettre en cause la responsabilité de la société-mère en qualité
de coemployeur.
Difficile d’imaginer, dans un tel cas, que l’on ne soit pas en face d’un risque de contrariété de
décisions entre le juge de l’ordre judiciaire et le juge de l’ordre administratif …
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Cass . Soc. 30 sept. 2015, n°13-27872
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LE CHSCT NE PEUT RECOURIR A L’EXPERTISE QUE LORSQUE LE PROJET
MODIFIANT LES CONDITIONS DE TRAVAIL EMANE DE L’EMPLOYEUR
Par Patrick Thiébart
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La société Faurecia intérieur industrie (« Faurecia ») constitue la division équipement
automobile du groupe PSA. En juillet 2012, la société Peugeot Citroën automobiles, faisant état
de pertes importantes, engage un projet de réorganisation de ses activités. Cela se traduira
notamment par la fermeture de son site d'Aulnay-sous-Bois. Par délibération du 9 janvier 2013,
le CHSCT de l'établissement d'Auchel de Faurecia considère qu’il est face à un projet important
modifiant les conditions les conditions de travail des salariés de l’établissement et qu’il est ainsi
en droit de bénéficier de l’assistance d’un expert aux frais de l’employeur.
La direction de Faurecia ne l’entend pas de cette oreille et décide de contester en justice le
bien-fondé de cette expertise.
Dans son arrêt du 27 septembre 2013, la cour d’appel de Douai lui donne raison. Le CHSCT
décide alors de se pourvoir en cassation et fait valoir qu’il peut, conformément à l'article L.
4612-8 du code du travail, faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les
conditions de travail, peu important que le projet ne soit pas directement établi par l’employeur
lui-même mais la société pour laquelle il travaille, soit le groupe PSA Peugeot-Citroën.
Dans son arrêt du 14 octobre 20152, la Cour de cassation rejette le pourvoi du CHSCT. Le
principal grief fait par la Cour de cassation au pourvoi est de ne pas rapporter la preuve de
l’existence d’un projet d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de
sécurité ou les conditions de travail de l’entreprise. Il est vrai que l’argumentation du CHSCT
était assez faible puisqu’étaient invoqués pêle-mêle « une baisse significative du chiffre
d'affaires de l'établissement d'Auchel et la disparition de certaines productions attribuées à ce
site, résultat prévisible de la fin de certains marchés »
Cet arrêt est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation qui rappelle que le CHSCT
n’a pas un droit général à l’expertise, celui-ci étant limité, aux termes mêmes de l’article L.
4614-12 du code du travail, aux cas suivants :
1° lorsqu'un risque grave, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est
constaté dans l'établissement ;
2° en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions
de travail.
Or, en l’espèce Faurecia n’avait fait état d’aucun projet visant à modifier les conditions de travail
de ses salariés. Il ne peut y avoir de projet de réorganisation susceptible d’impacter les
conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail que lorsque ce projet émane de
l’employeur et non d’une entreprise pour laquelle cet employeur travaille.
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Cass. Soc. 14 oct. 2015, n°14-17224
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SEULS LES CONTENTIEUX RELATIFS AUX PROCEDURES DE LICENCIEMENT
COLLECTIF RELEVENT DE LA COMPETENCE DES JUGES ADMINISTRATIFS
Par Patrick Thiébart
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AIRBUS GROUP a constitué, à compter du 1er janvier 2014, une division intitulée « AIRBUS
DEFENCE AND SPACE » regroupant plusieurs entités du groupe dont la société Astrium.
Plusieurs centaine de licenciements étant prévues en son sein, Astrium a engagé une
procédure d'information-consultation de ses institutions représentatives du personnel (« IRP »).
A l’issue de cette procédure, les IRP ont rendu un avis négatif, après avoir constaté la mise en
danger de la santé des salariés du fait de la surcharge de travail consécutive à la suppression
des postes projetée. N’étant pas parvenue à signer un accord collectif avec les organisations
syndicales, la direction d’Astrium a fait homologuer par la DIRECCTE un document unilatéral
portant PSE.
Les organisations syndicales ont alors saisi le TGI de Nanterre afin que soit interdite la
poursuite de la mise en place du PSE. Au soutien de leur demande, les syndicats ont fait valoir
que la société ASTRIUM n'avait pas procédé à son obligation d'évaluation des risques en dépit
du fait que son projet de réorganisation était générateur de risques psycho-sociaux.
Parallèlement, les organisations syndicales ont saisi le juge des référés afin que la
restructuration et le PSE en cours soient suspendus.
Tant le juge du fond que le juge des référés se sont déclarés incompétents, estimant que les
demandes dont ils étaient saisis ne pouvaient relever que de la juridiction administrative.
Saisi en appel de la décision du juge du fond, la Cour d’appel de Versailles a infirmé le
jugement du TGI, dans son arrêt du 1er décembre 20153 en rappelant que le contentieux ayant
trait aux éventuels risques psycho sociaux induits par un projet de restructuration - que celui-ci
soit ou non, assorti d'un PSE - ne figure pas, aux termes mêmes des dispositions introduites
dans le code du travail par la loi du 14 juin 2013, au nombre des litiges dont la connaissance
est réservée au juge administratif.
Cette décision ne peut qu’être approuvée. Ce n’est pas l’ensemble du contentieux lié au PSE
qui a été redirigé vers les juridictions administratives par la loi du 14 juin 2013 mais seulement
celui qui a trait à l'appréciation du contenu du PSE et à la régularité de la procédure suivie en
matière de consultation des IRP. Dès lors, les juridictions administratives ne disposent pas du
pouvoir de statuer sur la possible existence de risques psycho sociaux ou, plus généralement,
d'un manquement allégué de l'employeur à son obligation de sécurité, même si un tel
manquement est invoqué à l'occasion d'une procédure relative à un projet de PSE.
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Cour d’appel de Versailles 1er déc. 2015 – n° 15/01203
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ET SI L’ON FAISAIT UN POINT SUR LE CONTENU DES OFFRES DE RECLASSEMENT …
Par Patrick Thiébart
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Plusieurs salariés ayant fait l’objet d’un licenciement économique collectif accompagné d'un
plan de sauvegarde de l'emploi saisissent la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir des
dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les salariés prétendent
que leur employeur a manqué à son obligation légal de reclassement au motif qu’il se serait
borné à procéder par voie de lettres circulaires adressées aux filiales du groupe pour identifier
les postes disponibles au sein du groupe, alors que ces recherches de postes auraient du être
assorties de la communication du profil personnalisé de chaque salarié susceptible d’être
licencié.
La cour d’appel de Dijon rejette la demande des salariés dans son arrêt du 20 mars 2014 en
faisant valoir qu’aucune disposition du code du travail n'exige pas que les recherches de
reclassement interne prennent en compte le profil personnalisé des salariés affectés pour
l'établissement du plan de reclassement intégré au PSE.
Les salariés décident de se pourvoir en cassation. Peine perdue, leur pourvoi est rejeté. Dans
son arrêt du 28 octobre 20154, la Cour de cassation rappelle laconiquement que le plan de
reclassement intégré au PSE doit seulement préciser le nombre, la nature, la localisation, le
statut et la rémunération des emplois disponibles au sein du groupe.
La décision de la Cour de cassation a le mérite de la clarté, ce qui n’a pas toujours été le cas en
matière de reclassement interne. C’est ce qui explique d’ailleurs que les conseils de
prud’hommes aient, à maintes reprises, été saisies de demande indemnitaires de la part de
salariés reprochant à leur employeur d’avoir adressé aux filiales du groupe une lettre circulaire
de recherches de postes.
L’employeur a une double obligation dans le domaine du reclassement interne :
- Il doit rechercher tous postes disponibles dans l'entreprise ou dans les entreprises
appartenant au même groupe et dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation
permettent la permutabilité des salariés, sachant que lorsque les entreprises du groupe sont
établies à l’étranger c’est au salarié qu’il appartiendra, selon des modalités à déterminer par
voie de décret pris en application de la loi Macron du 10 juillet 2015, d’indiquer à son
employeur qu’il souhaite recevoir des offres de reclassement à l’étranger.
- L’employeur doit proposer, individuellement et par écrit, à chaque salarié susceptible d'être
licencié, conformément au volet du PSE traitant du reclassement interne, des offres d’emploi
relevant de la même catégorie que celui qu’occupe le salarié (ou un emploi équivalent voire,
sous réserve de l’accord exprès du salarié, un emploi d'une catégorie inférieure) et précisant
le type de poste proposé, le lieu de travail, la durée du contrat, le temps de travail et la
rémunération des postes proposés.
4 Cass. Soc. 28 oct. 2015, n°14-17712 14-17713 14-17716 14-17717 14-17720 14-17721
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