Carnets de leadership

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Carnets de leadership
Carnets
de leadership
C D GA
Conseil des directrices et directeurs généraux
de l'administration du gouvernement du Québec
(Volume 1, numéro 3)
J
HARVARD BUSINESS REVIEW (HBR).
Inside the Mind of the Leader.
Special issue, January 2004, 116 pages.
La contribution financière de l’Université du Québec
et du Mouvement Desjardins a permis la réalisation de
Carnets de leadership.
anvier 2004 : un numéro complet de cette prestigieuse
revue est entièrement consacré au leadership, une
publication inespérée et incontournable pour les
responsables de la chronique Carnets de leadership.
Après avoir parcouru le texte de ce périodique, deux
constatations s’imposent. Premièrement, le contenu est
riche et varié et dose correctement de nouveaux articles.
De plus, la reprise de textes pertinents déjà publiés par
HBR est la bienvenue. Deuxièmement, parce qu’il est
plus difficile dans un périodique que dans un livre de
cerner ce qui doit être résumé (introduction, développement,
conclusion), je vous recommande de vous procurer le
numéro de janvier. Puisqu’il faut quand même choisir
pour vous offrir un condensé, mon texte se divisera en
deux grandes parties : la première est une table des
matières commentée de cette publication, et la deuxième
vous propose mes choix et des résumés un peu plus
longs des articles que j’ai trouvés les plus intéressants.
1 Table des matières commentée
L’éditeur de HBR, Thomas A. STEWART, nous explique
que ce numéro spécial nous donne l'occasion d’explorer
un vaste sujet en deux dimensions : « (…) first, across
space, with a gathering of new articles arranged around the
subject in an illuminating way; and second, across time,
with a republication of the very best articles from HBR’s
past-frequently the articles that helped define the topic in the
first place. » (p. 10)
Carnets de leadership
1
Le dosage est, en effet, presque parfait. Le périodique
comprend (1) une étude de cas à propos de problèmes
éthiques et psychologiques d’un futur président d’une
compagnie, avec l’opinion de plusieurs analystes; (2) un
article de dix pages (intitulé Leading by Feel) qui nous
propose la conception de 18 leaders ou universitaires sur
« la gestion assistée par l’intelligence émotionnelle »;
(3) une réédition d’une publication de Barbara
KELLERMAN, Le leadership, une analyse sans complaisance1.
Suivent (4) le texte de huit pages de Warren Bennis sur les
sept périodes de la carrière d’un leader (The Seven Ages of
the Leader); (5) l’interview (intitulée Putting Leaders on
the Couch) d’un psychanalyste reconnu aux États-Unis,
Manfred F.R. Kets de Vries2; (6) un essai (intitulé When
reprennent pas des thèses déjà connues : l’article de
Warren Bennis, par exemple, reprend les principales idées
expliquées dans ses autres livres avec un emballage nouveau
et original.
« Ce qui distingue les gestionnaires des
leaders (…), c'est l'idée qu'ils se font,
au plus profond d'eux-mêmes, du chaos
et de l'ordre. Les gestionnaires
favorisent les processus, recherchent la
stabilité et le contrôle, et, d'instinct,
s'efforcent de résoudre les problèmes
sans délai. (…) Par opposition, les leaders
tolèrent le chaos et l'incohérence; ils
n'ont pas hâte de crever l'abcès, ce qui leur
permet de mieux cerner les problèmes. »
Followers Become Toxic), ou comment le leader doit se méfier
des opinions complaisantes ou erronées de ses conseillers.
Le mensuel (HBR) a eu l’heureuse idée de reprendre
quelques articles parmi les meilleurs déjà publiés sur le
leadership : (7) un classique du professeur de leadership à
Harvard, Abraham Zaleznik (1977), à propos des différences
entre les leaders et les gérants (managers)3; (8) l’article de
Daniel Goleman (1998), qui a introduit le concept de
l’intelligence émotionnelle en administration et qui
signe un texte d’un peu moins de 10 pages : What Makes
a Leader4; (9) un papier à propos des leaders narcissiques
(Narcissistic Leaders. The Incredible Pros, the Inevitable
Cons), écrit en 2000 et (10) un texte plus ancien (1961),
à mon avis, moins intéressant, intitulé Understanding
Leadership. La conclusion de l’éditeur de la revue (The
Highway of the Mind) est audacieuse et bien ramassée.
2 Articles que j’ai choisis
La première partie de ce résumé vous a montré la grande
diversité des articles et des points de vue. J’ai voulu, pour
cette deuxième partie, vous présenter des textes qui ne
1
Notre traduction de Leadership. Warts and All.
2
« Leadership is the global obsession. Thousands of recent books-many of
them best sellers-have dissected the leadership styles of great leaders, from
Jesus to Jefferson. Business writers have joined the frenzy. (…) The trouble
is, much of the business literature on leadership-unlike the broader literature
on the subject-starts with the assumption that leaders are rational beings. »
(p. 65)
3 « The difference between managers and leaders (…) lies in the conception
they hold, deep in their psyches, of chaos and order. Managers embrace
process, seek stability and control, and instinctively try to resolve problems
quickly (…). Leaders, in contrast, tolerate chaos and lack of structure and
are willing to delay closure in order to understand the issues more fully. »
(p. 74)
4 Vous pourrez aussi lire, dans Carnets de leadership, le résumé (numéro 2)
du livre de Goleman, Boyatis et McKee, Primal Leadership: Realizing the
Power of Emotional Intelligence, 2002, 306 pages.
Carnets de leadership
2
« Les leaders sur le divan du psychanalyste », une
conversation avec Kets de Vries5
Il ne faut pas adopter comme prémisse de départ que les
leaders sont nécessairement des êtres rationnels (cf. note 2).
Les leaders qui réussissent sont ceux qui ont développé et
utilisent leur intelligence émotionnelle (cf. Goleman) :
« In general, emotionally intelligent leaders tend to make
better team players, and they are more effective at motivating
themselves and others. » (p. 66) Malheureusement, le côté
droit du cerveau, lieu des processus intuitifs, est peu
développé dans les écoles de gestion… Parlons un peu de
l’incontournable narcissisme des leaders en disant d’abord
que « le culte du moi » a mauvaise réputation; mais il faut
savoir que nous en avons tous besoin d’une certaine dose,
et que les leaders doivent en avoir une ration relativement
élevée s’ils veulent survivre dans leur rôle ou leurs
responsabilités.
Le plus grand danger réside dans le fait que les cadres qui
côtoient le leader vont souvent l’idéaliser et manquer de
sens critique : « To be effective, organizations need people
with a healthy disrespect for the boss-people who feel free to
express emotions and opinions openly, who can engage in
active give-and-take. Sadly, this typically happens only after
a leader is out of power. » (p. 70)
Les leaders peuvent devenir hyperactifs, ce qui les
empêche de prendre le temps requis pour écouter les conseils
et pour réfléchir à l’avenir de l’organisation. Finalement,
les leaders vivent habituellement de façon très intense, se
passionnent pour leur travail, peuvent gérer leur anxiété,
sont capables d’introspection et sont capables d’être nonconformistes.
« Pour réussir, les organisations devraient
pouvoir compter sur des gens capables
de remettre vigoureusement en question
les points de vue du patron, qui se sentent
libres d'exprimer en toute franchise leurs
émotions et leurs opinions, et qu'on
encourage à échanger des idées de façon
dynamique. Malheureusement, ceci ne se
produit le plus souvent qu'après le
départ du leader. »
Une analyse sans complaisance de certains aspects du
leadership
Barbara Kellerman6 débute en affirmant qu’il est impossible
de nier que des personnes qui n’ont pas les qualités et
l’éthique requises occupent des postes importants : « It is
impossible to deny that bad or at least unworthy people often
occupy and successfully fill top leadership positions, and it is
high time leadership experts acknowledge the fact. » (p. 42)
Il nous faut admettre que nous pouvons apprendre autant
en examinant les expériences et les décisions des bons
leaders que celles des mauvais.
Puis, l’auteure fait un peu d’histoire, remontant jusqu’au
Prince de Machiavel, pour ensuite nous rappeler que des
« leaders politiques » du XXe siècle ont pratiqué la torture
et même plus (Staline, Hitler, Pol Pot, Idi Amin,
Milosevic et d’autres) : les mots leader et leadership ont
5
Manfred F.R. Kets de Vries a interviewé plusieurs leaders et publié
une vingtaine de livres (The leadership Mystique et The Neurotic
Organization, entre autres); il est aussi professeur titulaire de la
Chaire du développement du Leadership à Fontainebleau et
directeur du centre de recherche de l’Insead sur le Leadership global.
6 L’auteure est directrice de la recherche au Center for Public
Leadership, et professeure au John F. Kennedy School of
Government, à Cambridge, Mass.
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3
repris, depuis la fin des années 70, dans le langage de
l’administration aussi bien que dans le langage de tous les
jours, un sens exclusivement et peut-être excessivement
positif. Dans son livre On Becoming a Leader, Bennis nous
a fourni une définition du leader qui fait maintenant
presque l’unanimité : « Leaders create shared meaning, have
a distinctive voice, have the capacity to adapt, and have
integrity. » Kellerman termine son article avec quelques
interrogations; sachant que les leaders sont aussi des
humains, avec des qualités et des défauts, il nous faudra
approfondir les sujets suivants : « Why do leaders behave
badly? Why do followers follow bad leaders? How can bad
leadership be slowed or even stopped? » (p. 45)
ont fait scandale (Enron), nous propose six conseils ou six
attitudes à développer pour éviter les influences de conseillers
peu critiques et pour s’assurer, le plus possible, de prendre
de bonnes décisions. Premièrement, avoir une vision et
des valeurs auxquelles vous tiendrez; deuxièmement, vous
assurer que vos conseillers sont capables de vous tenir
tête; troisièmement, vous entourer de personnes qui vous
Dans son livre On Becoming a Leader,
Bennis nous a fourni une définition du
leader qui fait maintenant presque
l’unanimité : « Le vrai leader fait naître
une communauté de vision, s'engage hors
des sentiers battus, s'adapte aisément et
fait preuve d'intégrité. »
Vos conseillers ou vos proches peuvent devenir « toxiques »
pour votre leadership
Peu de leaders réalisent comment ils peuvent être trop
sensibles et parfois obnubilés par les opinions de leurs
proches conseillers ou de leurs amis, ce qui les amène à
prendre de mauvaises décisions et même, parfois, à ne
plus percevoir correctement la réalité ou le contexte de la
décision qu’ils vont prendre. L’auteure, Lynn R. Offerman7,
donneront l’heure juste; quatrièmement, décider comme
vous le feriez pour vos affaires personnelles; cinquièmement,
vous fier à votre intuition; et finalement, lorsque vous
déléguez, vérifier quand même, parce que vous serez toujours
ultimement responsable de vos décisions.
raconte au début de son article comment le président
Kennedy, habituellement lucide et critique, avait entraîné
les États-Unis dans la guerre du Vietnam parce que ses
principaux conseillers ne lui donnaient pas l’heure juste…
Michel Leclerc,
le 15 avril 2004
Les leaders qui engagent des conseillers peu critiques qui
n’osent pas contredire leurs patrons ou qui s’entourent
d’une cour de « flatteurs » prendront des décisions qui
risquent d’être mauvaises assez souvent; par ailleurs, ces
leaders sont narcissiques, de façon générale, et prennent
des décisions de façon trop hâtive. Comment faire pour
éviter ces pièges? Offerman, après avoir brièvement
analysé les erreurs dans certaines prises de décisions qui
7
Lynn Offerman est professeure de Organizational Sciences and
Psychology, à l’université George Washington.
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