LA PATERNITE EN MATERNITE, Gérôme Truc
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LA PATERNITE EN MATERNITE, Gérôme Truc
LA PATERNITE EN MATERNITE, Gérôme Truc « La paternité en maternité » est un article écrit par Gérôme Truc, issu du département des Sciences Sociales de l'ENS Cachan. Il s'agit d'une étude qui a été publiée dans Ethnologie française, par la Presse Universitaire de France en 2006. L'étude est fondée sur une observation ethnographique d'un service de maternité conduite du point de vue d'une sociologie de la parentalité. L'auteur cherche ainsi à comprendre les enjeux de la présence des pères dans les maternités. Le. Le texte s'articule selon quatre parties. Dans l'introduction, l'auteur s'attache à introduire son sujet et son étude en proposant d'emblée ses enjeux : « Dans quelle mesure les pères disposent-ils des moyens de choisir d’être présent en Maternité, et de prendre directement part à ce qui s’y joue, dans les premiers jours de la vie de l’enfant ? [...] le terme de Maternité lui-même semble exclure de facto la légitimité de la présence de la paternité en son sein. Il faut donc observer comment se situent, se comportent, sont perçus et jugés les pères en service de Maternité, pour tenter de comprendre dans quelle mesure ils sont incités à participer aux premiers jours de la vie de leur enfant ». Ensuite, l'auteur va introduire les éléments concrets de son étude, à la fois le lieu et la justification du choix du lieu de l'étude, en expliquant que la Maternité qu'il a choisie se situe dans l'Hopital Foch de Suresnes qui est une maternité-usine. Par ailleurs, il parle aussi de son ressenti et celui des pères qu'il a pu croiser au cours de son étude, à la fois par rapport au personnel de la Maternité et aussi le partage qui a eu lieu avec les pères : « Certains eurent à cœur de nous présenter leur bébé et nous convièrent, souvent avec fierté, à observer les premiers bains et changes ; l’observateur « anonyme » pouvant ainsi se muer parfois en témoin privilégié de moments uniques ». Cette introduction à l'étude donne au lecteur une toute autre perspective sur la suite de l'article. Ensuite, l'auteur passe ensuite à l'étude à proprement parler. Il commence avec les espaces dans la maternité où la présence des pères est tolérée. Il explique que les pères n'ont pas d'espace à eux, qui leur soit dédié. Les nouveaux-nés sont dans la crèche, et les mères sont dans les chambres, mais les pères déambulent. Ce sont les horaires de visite (qui ne sont pas les mêmes pour les pères que pour les autres visiteurs mais cela dépend essentiellement de la maternité) qui vont donner au père une place pour s'occuper de l'enfant. Il arrive parfois même que les pères ne puissent pas assister à l'accouchement. Par ailleurs, dans un soucis de discrétion, les pères ont tendance à rester dans la chambre de la mère, mais dans cet espace aussi, les pères n'y sont tolérés qu'à des moments particuliers, ainsi, lors des soins de sa compagne ou de la voisine de chambre dans le cas de chambres partagées, le père se retrouve à la porte. « D’après lui, [cette situation] dénotait un malaise certain, un problème urgent à considérer : on demande aux pères de s’impliquer plus, nous disait-il, mais la plupart du temps on ne les laisse pas faire, ce qui ne peut les conduire, lui et les autres pères, qu’à un renoncement. On mesure combien l’enjeu de notre étude ethnographique est souligné par ces paroles paternelles : il s’agit bien d’élucider ce qui pourrait être au principe d’un si dommageable renoncement ». Dans ce prolongement, l'auteur analyse ensuite les rapports inégaux qu'entretiennent les pères et les mères avec le bébé. Car en effet, après avoir constaté que les pères n'ont pas une place à proprement dite dans la maternité, ils ont un rôle cependant. Ils doivent non pas prendre en charge les besoins du nouveau-né, mais plutôt ceux de la mère, afin que celle-ci puisse se consacrer entièrement à l'enfant : « le père (ou futur père) ne peut constituer en tant que tel une individualité autonome dans la Maternité : il n’existe que par et pour la mère ». Isabella Restrepo L1 S1 Sciences Sociales Il reprend aussi un terme de Jack Goody dans La maternité en Europe 2001, et parle de matrifocalité. L'auteur en conclue donc que les structures matrifocales marginalisent implicitement les pères et constitue un frein à ce que les pères prennent part directement aux premiers instants de la vie de leur enfant. L'un des enjeux de l'étude est aussi de comprendre comment les pères peuvent-ils réagir, et aussi s'adapter à cette matrifocalité. Pour ce faire, l'auteur procède dans une troisième partie, à faire une typologie de la partenité en maternité. Selon lui, les comportements des pères s'articule en fonction de s'ils sont là, et s'ils font. Ainsi, il dégage quatre types de pères que l'on peut retrouver dans la maternité. Il y a les pères craintifs, qui sont là, mais ne font pas, d'une part parce qu'ils ressentent beaucoup la matrifocalité, et parce qu'ils ont peur de mal faire, la mère et le personnel ayant souvent le quasi-monopole des soins de l'enfant, il n'est pas indispensable aux soins. Il y a aussi les pères actifs, qui sont là, et qui font. Ceux là sont une petite minorité qui déjoue la matrifocalité en s'occupant de l'enfant, tout en la respectant. Par ailleurs, on peut aussi y voir des pères déviants, qui ne sont pas toujours là, mais qui font quand ils sont là. Ils restent peu de temps dans la maternité, ce qu'ils peuvent contourner ou ignorer la matrifocalité. Généralement, ce sont des pères qui travaillent et qui n'ont pas pu obtenir de jours de congé. Leur absence n'est donc pas toujours un choix, elle peut aussi être subie. Pour fnir, il y a les pères absents, qui ne sont pas là, et donc ne font pas. Dans ces cas là, les mères dont le conjoint est absent vont alors construire la maternité comme un lieu exclusivement et radicalement matifocalisé. Ces pères là qui sont absents peuvent se sentir très concernés par la naissance, mais ils connaissent un contexte professionnel défavorable. Cette typologie permet à l'auteur de dégager l'enjeu principal de l'article : en quoi la matrifocalité empêche-t-elle les pères d'acquérir les compétences nécessaires au père pour prendre en charge son enfant ? Selon lui, les pères cherchent d'abord à acquérir des compétences parentales plutôt que d'établir un lien direct avec l'enfant. Mais la matrifocalité les marginalise dans l'acquisition de ces compétences, car le personnel s'adresse quasi exclusivement à la mère lorsqu'il s'agit de transmettre les gestes et les compétences parentales. Pour l'auteur, il y a alors un paradoxe : la maternité est l'unique lieu ou les pères peuvent acquérir des compétences parentales, mais c'est aussi le lieu de reproduction des craintes et des blocages. Cet article est très intéressant sur plusieurs plans : la sociologie de la parentalité, comme Gérôme Truc l'explique lui-même, est traditionnellement abordée par des entretiens ; parallèlement l'observation ethnographique et sociologique dans les milieux hospitaliers a laisse de côté les services de maternité. Cette étude a donc un caractère particulier, à la fois dans la sociologie de la parentalité par la méthode d'enquête sociologique, et par le lieu d'étude dans le cadre de l'étude sociologique par observation dans le milieu hospitalier. D'autre part, il saisit les rapports inégaux qui structurent la parentalité. Enfin, ce texte est aussi intéressant du point de vue de la méthode d'enquête puisque l'auteur est très transparent sur la démarche et sur le déroulement de l'enquête. Isabella Restrepo L1 S1 Sciences Sociales