Notes du cours d`introduction aux mathématiques pour les étudiants

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Notes du cours d`introduction aux mathématiques pour les étudiants
Université de Poitiers
L1 Parcours Renforcé, année 2009-2010
Mathématiques : cours d’introduction
Table des matières
1 Plan habituel
2
2 Assertions
2.1 Table de vérité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
2
3 Ensembles
3.1 Ensembles . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Quantificateurs . . . . . . . . . . . . .
3.3 Négation de phrase quantifiée . . . . .
3.4 Sous-ensembles, parties d’un ensemble
3.5 Produit cartésien . . . . . . . . . . . .
4 Applications
4.1 Généralités . . . . . . . . . . . . .
4.2 Images directes, images réciproques
4.3 Composition d’applications . . . . .
4.4 Injectivité, surjectivité, bijectivité .
5 Les
5.1
5.2
5.3
5.4
entiers : N et Z
Le principe de récurrence . . . .
Un peu d’arithmétique dans Z .
Théorèmes de Bezout et Gauss
Nombres premiers . . . . . . . .
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6
6
7
8
8
10
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10
10
11
13
13
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16
16
18
18
20
6 Les nombres rationnels : Q
21
6.1 Forme irréductible des rationnels . . . . . . . . . . . . . . . . 22
6.2 Q R . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1
1
Plan habituel
Un cours de mathématiques est souvent présenté de la manière suivante :
– Définition : création d’un nouvel objet.
– Exemples : des exemples de cet objet qui montrent que ce que l’on
vient de définir existe
– Lemme, propriétés, proposition, théorèmes : des énoncés mettant
en avant les propriétés de l’objet nouvellement créé. Ils sont toujours
accompagnés d’une démonstration. Un énoncé non-démontré n’est pas
considéré comme vrai et est appelé conjecture.
– Applications : les applications possibles des théorèmes aux autres
branches des mathématiques ou à d’autres disciplines.
2
Assertions
Une assertion mathématique est une phrase, une proposition. Elle est soit
vraie (V), soit fausse (F).
Exemples
– L’assertion A : "La terre est la troisième planète la plus proche du
soleil" est vraie.
– L’assertion B : "Zinédine Zidane ne connait pas les règles du football"
est fausse.
– L’assertion C : "Le nombre 12 est divisible par 3" est vraie.
– L’assertion D : "Quand il pleut, il y a des nuages" est vraie.
– L’assertion E : "Les tableaux de Picasso sont laids" n’est pas mathématique puisqu’elle fait appel à un sentiment subjectif ; on ne peut décider
si elle est vraie ou fausse.
2.1
Table de vérité
Soit A une assertion ; on signifie qu’elle est soit vraie, soit fausse, par sa
table de vérité :
A
V
F
Définition 2.1.1 Soit A une assertion. On définit l’assertion non A par sa
table de vérité :
2
A
V
F
non A
F
V
Cela signifie que quand A est vraie, non A est fausse et que, quand A est
fausse, non A est vraie.
Exemple : soit A l’assertion : "6 est inférieur ou égal à 3" ou encore
"6 ≤ 3". Alors non A est l’assertion : "6 est strictement plus grand que 3",
ou encore 6 > 3. Dans ce cas, A est fausse et non A est vraie.
Définition 2.1.2 Soit A et B deux assertions. On définit les assertions (A
et B) et (A ou B) par leurs tables de vérité :
A B
V V
V F
F V
F F
A et B
V
F
F
F
A ou B
V
V
V
F
Ainsi, (A et B) n’est vraie que quand A et B sont vraies simultanément alors
que (A ou B) est vraie si au moins une des deux assertions est vraie.
Exercices
1. Soit les assertions
– A : "La terre est la troisième planète la plus proche du soleil."
– B : "12 est divisible par 3."
– C : "Zinédine Zidane ne connait pas les règles du football."
Dire si les assertions suivantes sont vraies ou fausses.
A et B : , A et C : , A ou C :
B ou C : , B et C : , A et C :
2. Soit A et B deux assertions. Compléter les tables de vérités suivantes :
A B
V V
V F
F V
F F
non(A et B) (non A) ou (non B)
A B
V V
V F
F V
F F
non(A ou B) (non A) et (non B)
3
A
V
V
F
F
B
V
F
V
F
(non A) ou B
Définition 2.1.3 Soit A et B deux assertions. On définit l’assertion A ⇒ B
(prononcer "A implique B") par sa table de vérité :
A⇒B
V
F
V
V
A B
V V
V F
F V
F F
Faisons quelques commentaires sur cette définition. L’implication A ⇒ B
est fausse seulement quand A est vraie et B est fausse.
Quand A est fausse, l’implication est toujours vraie ; par conséquent l’implication "5 est divisible par 3 ⇒ Johnny Hallyday est le pape" est vraie ;
de même pour l’implication "5 est divisible par 3 ⇒ Johnny Hallyday est un
chanteur".
La valeur de vérité d’une implication A ⇒ B ne permet pas, en général,
de décider de la valeur de vérité des assertions A et B. Par contre, si on a
montré que l’implication est vraie et que A est vraie, nous sommes forcément
dans la première ligne de la table et B est donc vraie. Cela justifie le terme
"implication".
Pour montrer qu’une implication A ⇒ B est vraie, on suppose que A est
vraie et on s’efforce de démontrer que B l’est aussi. Donnons un exemple :
Enoncé : soit n un nombre entier. Montrer l’implication suivante : (n est
divisible par 6) ⇒ (n est divisible par 3).
Solution : On veut montrer une implication, on suppose donc que n
est divisible par 6 et on va montrer qu’il est divisible par 3. Puisque n est
divisible par 6, il existe un nombre entier k tel que n = 6k. Or 6=3×2. Donc
n=3×(2k) ; cela montre que n est divisible par 3 et conclut la preuve de
l’implication.
Proposition 2.1.4 Soit A, B et C trois assertions telles que A ⇒ B et
B ⇒ C, alors A ⇒ C. On dit que l’implication est transitive.
Démonstration : Soit trois assertions A, B et C telles que A ⇒ B et
B ⇒ C. On va montrer que A ⇒ C. Pour cela, il suffit de supposer que A
est vraie et de montrer qu’alors C l’est aussi.
4
Puisque A est vraie et que A ⇒ B, alors B est aussi vraie. Maintenant,
puisque B est vraie et que B ⇒ C, nous obtenons que C est vraie ; ce que
nous devions démontrer.
L’implication réciproque de A ⇒ B est l’implication B ⇒ A. Attention à
ne pas confondre ces deux implications ; l’une peut-être vraie alors que l’autre
est fausse ; dressons leur tables de vérité :
A B
V V
V F
F V
F F
A⇒B
V
F
V
V
B⇒A
V
V
F
V
Par exemple soit A : "il pleut" et B : "il y a des nuages". Alors A ⇒ B
est vraie alors que B ⇒ A peut-être fausse puisqu’il peut y avoir des nuages
sans qu’il pleuve ; cela correspond à la 3ème ligne de la table.
Exercice Soit A et B deux assertions, établir la table de vérité de (non
A) ⇒ B. Dans le cas où cette implication est vraie et ou B est fausse, que
peut-on déduire sur A ?
A B
V V
V F
F V
F F
(non A) ⇒ B
Définition 2.1.5 Soit A et B deux assertions. On dit que A est équivalente
à B si les deux implications (A ⇒ B) et (B ⇒ A) sont vraies. On note
A ⇔ B.
Ainsi, la table de vérité de l’assertion A ⇔ B est :
A B
V V
V F
F V
F F
A⇒B
V
F
V
V
A⇒B
V
V
F
V
A⇔B
V
F
F
V
Par conséquent, lorsque deux assertions sont équivalentes (A ⇔ B est
vraie), elles sont soit simultanément vraies, soit simultanément fausses. Ce
sont, en quelque sorte, les deux "mêmes" assertions.
Exemple : soit A : "je suis né en 1981" et B : "en 2007, je fête mes 26
ans". Alors A ⇔ B.
5
Proposition 2.1.6 Soit A, B et C trois assertions. Si A ⇔ B et B ⇔ C
alors A ⇔ C On dit que l’équivalence est transitive.
Démonstration : Elle repose sur la transivité de l’implication. Supposons
que A ⇔ B et B ⇔ C. Il nous faut montrer que A ⇒ C et C ⇒ A. Mais
nous avons A ⇒ B et B ⇒ C, donc A ⇒ C. De même, nous avons B ⇒ A
et C ⇒ B, donc C ⇒ A ; ce que nous devions démontrer.
Exercice
Soit A et B deux assertions. Rappeler les tables de vérité de A ⇒ B
et de (non A) ou B. En déduire que (A ⇒ B) ⇔ ((non A) ou B) puis que
(A ⇒ B) ⇔ ((non B) ⇒ (non A)).
L’implication (non B) ⇒ (non A) s’appelle l’implication contraposée de
A ⇒ B. Elle lui est équivalente. Il arrive que, pour montrer une implication,
il soit plus facile de montrer sa contraposée.
Exercice
Soit x et y deux nombres réels. En utilisant un raisonnement par contraposée,
montrer que si x et y sont différents, alors (x + 1)(y − 1) et (x − 1)(y + 1)
sont également différents.
Exercice
Soit a et b deux nombres réels. En utilisant un raisonnement par contraposée,
montrer que (a 6= −1 et b 6= −1) ⇒ (a + b + ab 6= −1).
3
3.1
Ensembles
Ensembles
Un ensemble est une collection d’éléments (non répétés). On note ces
éléments entre accolades ; ils peuvent être de plusieurs natures :
– E = {0, 1, −1, 3}
– F = { Pierre, Paul, Jacques }
On travaillera souvent avec les ensembles suivants :
N = {0, 1, 2, 3, . . .}
N⋆ = {1, 2, 3, . . .}
Z = {. . . , −3, −2, −1, 0, 1, 2, 3, . . .}
entiers naturels
entiers naturels non-nuls
entiers relatifs
Si un élément x fait partie d’un ensemble, on note x ∈ E. Dans le cas
contraire, on note x ∈
/ E. Par exemple 5 ∈ N alors que −1 ∈
/ N ; cependant,
−1 ∈ Z.
6
On peut définir des ensembles par des propriétés :
E = {n ∈ N| n ≥ 4}
signifie que E est l’ensemble des entiers naturels qui sont plus grands ou
égaux à 4. On peut aussi écrire E = {4, 5, 6, 7, . . .}.
De même
F = {n ∈ N| 3 divise n} = {0, 3, 6, 9, 12, 15, . . .}.
et on a 192 ∈ F alors 17 ∈
/ F.
L’ensemble qui ne contient aucun élément est appelé ensemble vide et est
noté ∅.
3.2
Quantificateurs
Il existe deux quantificateurs principaux :
– le quantificateur universel ∀. Il se dit "quel que soit" ou "pour tout".
– le quantificateur existenciel ∃. Il se dit "il existe".
Ces quantificateurs doivent êtres suivies d’une expression du genre x ∈
E pour être compréhensibles. Attention, en aucun cas l’utilisation de ces
quantificateurs n’est obligatoire ; on peut toujours remplacer "∀x ∈ E" par
les mots "pour tout x élément de E". L’utilisation des quantificateurs est
plus rapide et concise mais il ne faut pas en abuser.
L’utilité principale des quantificateurs est d’écrire des assertions mathématiques. Donnons quelques exemples avec E l’ensemble {0, 1, 4, 7}.
1. L’assertion ∀x ∈ E, x ≤ 10 est vraie.
2. L’assertion ∀x ∈ E, x ≥ 5 est fausse.
3. L’assertion ∃x ∈ E, x ≥ 1 est vraie.
4. L’assertion ∀x ∈ E, x = 1 est fausse.
5. L’assertion ∃x ∈ E, x = 1 est vraie.
6. L’assertion ∃x ∈ E, ∀y ∈ E, x ≤ y est vraie.
7. L’assertion ∃x ∈ N, ∀y ∈ Nx ≤ y est vraie.
8. L’assertion ∃x ∈ N, ∀y ∈ Nx ≥ y est fausse.
9. L’assertion ∀x ∈ N, ∃y ∈ Nx ≥ y est vraie.
Exercice : créer un ensemble, écrire une assertion vraie et une assertion fausse concernant les éléments de cet ensemble. Ecrire également une
assertion qui n’a pas de sens.
7
3.3
Négation de phrase quantifiée
Exercice On travaille avec l’ensemble E = {0, 1, 4, 7} et on considère les
deux assertions :
– A : ∀x ∈ E, ∃y ∈ E, x < y
– B : ∃x ∈ E, ∀y ∈ E, x ≥ y.
L’assertion A est-elle vraie ou fausse ? Même question pour B. Voyez-vous
un lien entre B et A.
En fait, l’assertion B est l’assertion non A. Pour nier une assertion écrite
avec des quantificateurs on procède ainsi :
– Les parties de la forme ∀x ∈ E deviennent ∃x ∈ E
– Les parties de la forme ∃x ∈ E deviennent ∀x ∈ E
– Les parties sans quantificateurs sont niées simplement ( ≤ devient >,
∈ devient ∈,
/ "est divisible par" devient "n’est pas divisible par" etc...).
Exercice Soit E = {0, 1, 4, 7} et F = {0, 1, 4, 7, 8}. Nier les assertions
suivantes et dire à chaque fois quelle est l’assertion vraie.
1. ∃x ∈ E, x ≤ 2
2. ∃x ∈ E, ∀y ∈ E, x ≤ y
3. ∃x ∈ N, ∀y ∈ N, x divise y
4. ∀x ∈ E, x ∈ F .
Toute assertion commençant par ∀x ∈ ∅ est vraie. En effet, sa négation
commence par ∃x ∈ ∅ qui est déjà fausse justement parce que l’ensemble vide
ne contient aucun élément !
3.4
Sous-ensembles, parties d’un ensemble
Définition 3.4.1 Soit E et F deux ensembles. On dit que E est inclus dans
F si ∀x ∈ E, x ∈ F . On note alors E ⊂ F . On dit aussi que E est une partie
de F ou bien que F contient E.
Par exemple, pour F n’importe quel ensemble, on a toujours ∅ ⊂ F et
F ⊂ F.
Exercice
1. Créer un ensemble F et une partie E de F .
2. Soit F = {n ∈ N | 3 divise n}. E est-il une partie de F dans les cas
suivants :
– E = {0, 3, 18, 192}
– E = {5, 8}
– E = {n ∈ N | 6 divise n}
8
Exercice Soit E = {1, 5, 7}. Ecrire toutes les parties de E.
Définition 3.4.2 Soit E un ensemble. On note P(E) l’ensemble dont les
éléments sont les parties de E.
Dans l’exercice précédent on obtient
P(E) = {∅, {1}, {5}, {7}, {1, 5}, {1, 7}, {5, 7}, {1, 5, 7}} .
Ainsi, A ⊂ E a la même signification que A ∈ P(E).
Définition 3.4.3 Soit E un ensemble, A ∈ P(E) et B ∈ P(E). On définit
les éléments suivants de P(E) :
– A ∩ B = {x ∈ E | x ∈ A et x ∈ B}
– A ∪ B = {x ∈ E | x ∈ A ou x ∈ B}
– c A = {x ∈ E | x ∈
/ A}
– A \ B = {x ∈ E | x ∈ A et x ∈
/ B}
– A∆B = (A ∪ B) \ (A ∩ B)
Exercice Soit E un ensemble, A et B deux parties de E. Montrer que
A ∩ B ⊂ A, A ∩ B ⊂ B, A ⊂ A ∪ B, B ⊂ A ∪ B.
Proposition 3.4.4 Soit E un ensemble, A ∈ P(E), B ∈ P(E) et C ∈
P(E). On a les égalités ensemblistes suivantes :
(i) A ∩ E = A, A ∪ E = E
(ii) A \ B = A ∩ c B
(iii) A∆B = (A \ B) ∪ (B \ A)
(iv) c (A ∪ B) = c A ∩ c B
(v) c (A ∩ B) = c A ∪ c B
(vi) A∆A = ∅
(vii) A ∩ (B ∪ C) = (A ∩ B) ∪ (A ∩ C)
(viii) A ∪ (B ∩ C) = (A ∪ B) ∩ (A ∪ C)
Exercices
1. Démontrer cette proposition. Pour montrer une égalité entre deux ensembles A et B on montre que A ⊂ B puis que B ⊂ A.
2. Soit E un ensemble et A, B et C trois parties de E. Montrer les équivalences suivantes :
(i) A ⊂ B ⇔ c B ⊂ c A
9
(ii) A ⊂ B ⇔ A ∪ B = B
(iii) A ⊂ B ⇔ A ∩ B = A
(iv) A ⊂ B ⇔ A \ B = ∅
(v) A ⊂ B ⇔ c A ∪ B = E.
(vi)
3.5
A∩B =A∩C
⇐⇒ B = C
A∪B =A∪C
Produit cartésien
Définition 3.5.1 Soit E et F deux ensembles. On appelle produit cartésien
de E et de F , et on note E × F l’ensemble des couples (x, y) tels que x ∈ E
et y ∈ F .
Ainsi, l’expression (x, y) ∈ E ×F signifie simplement que x est un élément
de E et que y est un élément de F . On peut faire le produit cartésien de plus
de deux ensembles : (x, y, z) ∈ E × F × G.
On note souvent E 2 au lieu de E × E. Ainsi, (x, y) ∈ E 2 signifie que x et
y sont deux éléments de E. De même, pour n un entier naturel supérieur à 1,
on note E n = E × E × ... × E où E apparait n fois. Par convention, E 0 = ∅.
4
Applications
4.1
Généralités
Soit E et F deux ensembles. Une application ϕ de E dans F associe à
chaque élément x de E un unique élément de F noté ϕ(x). On appelle E
l’ensemble de départ et F l’ensemble d’arrivée. Si x ∈ E et y = ϕ(x) ∈ F ,
on dit que y est l’image de x par ϕ et que x est un antécédent de y par ϕ.
On la note :
ϕ:E → F
x 7→ ϕ(x)
Donnons quelques exemples d’application :
1. La multpilication par deux :
ϕ:N → N
x 7→ 2x
10
2. Pour E un ensemble quelconque, l’application identité :
idE : E → E
x 7→ x
3. Pour E un ensemble quelconque et a un élément fixé de E, l’application
constante égale à a :
ϕ:E → E
x 7→ a
Définition 4.1.1 Soit E et F deux ensembles, on définit F E comme l’ensemble des applications de E dans F .
Ainsi l’expression "soit f ∈ F E " signifie "soit f une application de E
dans F ".
Définition 4.1.2 Soit E, F , G et H quatre ensembles ; soit f ∈ F E et
g ∈ H G . On dit que f et g sont égales si
(i) E = G et F = H
(ii) ∀x ∈ E, f (x) = g(x).
En d’autres termes, deux applications sont égales si elles ont le même
ensemble de départ, le même ensemble d’arrivée, et si leurs images coïncident
sur tous les éléments de l’ensemble de départ.
Avec cette définition, les applications
f :N → N
x 7→ 2x
et
g : N⋆ → N
x 7→ 2x
ne sont pas égales puisqu’elles n’ont pas le même ensemble de départ.
4.2
Images directes, images réciproques
Définition 4.2.1 Soit E et F deux ensembles et f : E → F une application.
Soit également A une partie de E. On appelle image directe de A par f , et
on note f (A) le sous ensemble de F défini par
f (A) = {y ∈ F | ∃x ∈ A, y = f (x)}.
Autrement dit, f (A) est l’ensemble des éléments de F ayant un antécédent
dans A.
11
Attention, pour x ∈ E, f (x) est un élément de F ; alors que pour A ⊂ E,
f (A) est une partie de F .
f :N → N
Exercice Soit
et A = {0, 1, 2, 5} ⊂ N. Déterminer f (A).
x 7→ 2x
Donner un élément de N qui n’est pas dans f (A) ; donner également un
élément de N qui n’est pas dans f (N).
Définition 4.2.2 Soit E et F deux ensembles et f : E → F une application.
Soit également B une partie de F . On appelle image réciproque de B par f ,
et on note f −1 (B) le sous ensemble de E défini par
f −1 (B) = {x ∈ E | f (x) ∈ B}.
Autrement dit, f −1 (B) est l’ensemble des éléments de E s’envoyant dans B
par f .
Exercice Soit
f −1 (B).
f :N → N
et B = {0, 2, 10, 13} ⊂ N. Déterminer
x 7→ 2x
Proposition 4.2.3 Soit E, F deux ensembles et f : E → F une application.
Soit A et B deux parties de E, on a :
(i) A ⊂ B ⇒ f (A) ⊂ f (B)
(ii) f (A ∪ B) = f (A) ∪ f (B)
(iii) f (A ∩ B) ⊂ f (A) ∩ f (B)
(iv) A ⊂ f −1 (f (A))
Soit A et B deux parties de F , on a :
(i) A ⊂ B ⇒ f −1 (A) ⊂ f −1 (B)
(ii) f −1 (A ∪ B) = f −1 (A) ∪ f −1 (B)
(iii) f −1 (A ∩ B) = f −1 (A) ∩ f −1 (B)
(iv) f −1 (c A) = c (f −1 (A))
(v) f (f −1 (A)) ⊂ A
Exercice Démontrer cette proposition et construire des contre-exemples
où les inclusions f (A ∩ B) ⊂ f (A) ∩ f (B), A ⊂ f −1 (f (A)) et f (f −1 (A)) ⊂ A
sont strictes.
12
4.3
Composition d’applications
Définition 4.3.1 Soit E, F et G trois ensembles. Soit également f : E → F
et g : F → G deux applications. On appelle application composée de f et de
g, et on note g ◦ f , l’application
g◦f :E → G
x 7→ g ◦ f (x) = g(f (x))
Ainsi, g ◦ f est l’application f suivie de l’application g. On peut décomposer g ◦ f pour mieux la visualiser :
f
g
g ◦ f : E −→ F
−→ G
x 7→ f (x) 7→ g(f (x))
Pour composer deux applications, il est important que l’ensemble d’arrivée de l’une soit (inclus dans) l’ensemble de départ de l’autre ; sinon l’expression g(f (x)) peut ne pas avoir de sens.
Exercice Soit E et F deux ensembles et f ∈ F E . Montrer que f ◦idE = f
et idF ◦ f = f .
Exercice Soit E = {5, 10, 15}, et les applications
f :E → N
x 7→ 2x
et
g:N → N
.
x 7→ x2
Déterminer les images de tous les éléments de E par l’application g ◦ f .
g:N → N
f :N → N
.
et
Exercice Soit les deux applications
x 7→ x2
x 7→ 2x
L’application g ◦ f est-elle bien définie ? Expliciter ses ensembles de départ
et d’arrivée. Mêmes questions pour l’application f ◦ g. Calculer g ◦ f (1) et
f ◦ g(1). Ces deux applications sont-elles égales ? On dit que la composition
d’application n’est pas commutative.
4.4
Injectivité, surjectivité, bijectivité
Définition 4.4.1 Une application f : E → F est dite :
(i) injective si pour tout x et y dans E, f (x) = f (y) ⇒ x = y.
(ii) surjective si ∀y ∈ F, ∃x ∈ E, y = f (x).
(iii) bijective si elle est à la fois injective et surjective.
Commentons cette définition :
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(i) Le fait pour f d’être injective signifie que chaque élément de l’ensemble
d’arrivée a au plus un antécédent par f . Il peut aussi ne pas en avoir.
(ii) Le fait pour f d’être surjective signifie que chaque élément de l’ensemble d’arrivée a au moins un antécédent par f . Il peut aussi en avoir
plusieurs.
(iii) Par conséquent, le fait pour f d’être bijective signifie que chaque élément de l’ensemble d’arrivée a exactement un antécédent par f . Dans
ce cas, on peut noter ∀y ∈ F, ∃! x ∈ E, y = f (x).
Exemples
1. Pour tout ensemble E, l’application idE est bijective.
f :N → N
2.
est injective, mais non bijective.
x 7→ 2x
g : N → {0,
1}
0 si x est pair
3.
x 7→
1 si x est impair
4.
est surjective, mais non bijective.
h : N⋆ → N
est bijective.
x 7→ x − 1
k:Z → Z
n’est ni injective, ni surjective.
x 7→ x2 + x
6. Les notions d’injectivité, surjectivité sont étroitement liées aux ensembles de définitions.
R → R
n’est ni injective, ni surjective.
(a)
x 7→ x2
5.
(b)
(c)
(d)
R → R+
est surjective, non injective
x 7→ x2
R+ → R
est injective, non surjective
x 7→ x2
R+ → R+
est bijective.
x 7→ x2
Par définition, la fonction racine carrée est la réciproque de cette
√
dernière application. Par conséquent
: R+ → R+ et, par exemple,
√
9 = 3 et non pas −3 ; même si (−3)2 = 9.
Proposition 4.4.2 Soit f : E → F et g : F → G deux applications. On a :
(i) Si f et g sont injectives, alors g ◦ f est injective.
(ii) Si f et g sont surjectives, alors g ◦ f est surjective.
14
(iii) Si f et g sont bijectives, alors g ◦ f est bijective.
(iv) Si g ◦ f est injective, alors f est injective.
(v) Si g ◦ f est surjective, alors g est surjective.
Exercice Démontrer cette proposition.
Définition 4.4.3 Soit f : E → F une bijection. On construit une application f −1 : F → E de la manière suivante : pour y ∈ F , f −1 (y) est l’unique
élément x de E tel que y = f (x). Cette application f −1 est appelé application
réciproque de f .
Exemples
1. Soit E = {1, 2, 3, 4}, F = {10, 13, 28, 15}. L’application bijective
f :E
1
2
3
4
→
7
→
7
→
7
→
7
→
f −1
F
13
10 a pour réciproque
15
28
:F
10
13
28
15
→
7
→
7
→
7
→
7
→
E
2
1
4
3
2. L’application bijective
h−1 : N → N⋆
h : N⋆ → N
a pour réciproque
y 7→ y + 1
x 7→ x − 1
Proposition 4.4.4 Soit f : E → F une application bijective et f −1 son
application réciproque. On a :
(i) f −1 ◦ f = idE
(ii) f ◦ f −1 = idF
(iii) f −1 est bijective et (f −1 )
−1
= f.
Proposition 4.4.5 Soit f : E → F une application. Pour que f soit bijective, il faut et il suffit qu’il existe une application g : F → E telle que :
(i) g ◦ f = idE
(ii) f ◦ g = idF
Dans ce cas, on a de plus g = f −1 .
Exercices
1. Démontrer ces deux propositions.
15
2. Soit f : E → F et g : F → G deux bijections. Montrer que g ◦ f est
une bijection et que (g ◦ f )−1 = f −1 ◦ g −1 .
3. Soit f : E → F et g : F → E deux applications. On suppose que
f ◦ g ◦ f est bijective. Montrer que f et g sont bijectives.
4. Soit les deux applications :
f :N → N
et
x 7→ 2x
g:N → N
y 7→
y
si
2
y−1
2
y est pair
si y est impair
Etudier l’injectivité et la surjectivité de f et g. Déterminer f ◦g et g ◦f .
5. On se propose de démontrer que, pour un ensemble quelconque E, il
n’existe pas de surjection de E sur P(E). Pour cela on raisonne par
l’absurde en supposant qu’une telle surjection ϕ : E → P(E) existe.
Trouver une contradiction en considérant la partie suivante de E :
F = {x ∈ E | x ∈
/ ϕ(x)}.
6. Soit E un ensembles. On note Bij(E) l’ensemble des bijections de E
dans E. On considère l’application
ϕ : Bij(E) → Bij(E)
f 7→ ϕ(f ) = f −1
Montrer que ϕ est une bijection. Quelle est sa réciproque ?
Les entiers : N et Z
5
5.1
Le principe de récurrence
Par définition, l’ensemble des entiers naturels vérifie la propriété suivante :
Proposition 5.1.1 Toute partie E non-vide de N admet un plus petit élément. Autrement dit :
∃a ∈ E, ∀x ∈ E, a ≤ x.
On en déduit la
Proposition 5.1.2 Soit A une partie de N telle que :
(i) 0 ∈ A
16
(ii) ∀n ∈ N (n ∈ A ⇒ n + 1 ∈ A) .
Alors on a A = N.
Démonstration On raisonne par l’absurde en supposant que A 6= N et
on cherche une contradiction.
L’ensemble N \ A est non-vide, il a donc un plus petit élément que nous
appelons a. On a donc a ∈
/ E et, en particulier, a 6= 0 ; donc a − 1 ∈ N. De
plus a − 1 ∈ E puisque a est le plus petit élément de N qui ne soit pas dans
E. Comme E vérifie (ii), on a alors a = a − 1 + 1 ∈ E ; ce qui contredit le
fait que a ∈
/ E et conclut la démonstration.
Application : Définissons la partie suivante de N :
(
)
n
X
n(n + 1)
A= n∈N|
i=
.
2
i=0
Nous allons vérifier que A vérifie les propriétés (i) et (ii) évoquées dans la
proposition 5.1.2.
P
= 0. On
(i) : vérifions tout d’abord que 0 ∈ A. On a 0i=0 i = 0 et 0(0+1)
2
donc bien 0 ∈ A.
(ii) : prenons n ∈ N et montrons que n ∈ A ⇒ n + 1 ∈ A. Supposons
donc que n ∈ A. On a :
!
n
n+1
X
X
i + (n + 1)
i =
i=0
i=0
n(n + 1)
=
+ (n + 1)
2
n(n + 1) 2(n + 1)
+
=
2
2
(n + 1)(n + 2)
=
2
Cette dernière égalité signifie que n + 1 ∈ A.
Conclusion, puisque A vérifie les hypothèses de la proposition 5.1.2, alors
A = N. Nous venons donc de montrer que :
∀n ∈ N,
n
X
i=
i=0
n(n + 1)
2
Nous venons de justifier l’utilisation du principe de récurrence et d’en
donner un exemple.
Exercices
17
1. Démontrer par récurrence que
∀n ∈ N,
n
X
i2 =
i=0
n(n + 1)(2n + 1)
6
2. Démontrer par récurrence que
∀n ∈ N,
n
X
3
i =
i=0
n(n + 1)
2
2
3. On rappelle que le coefficient binômial est défini pour n ∈ N par :
n!
n
=
si 0 ≤ p ≤ n
p!(n − p)!
p n
=
0
si p < 0 ou p > n.
p
Montrer que pour tout (n, p) ∈ N2 on a :
n+1
n
n
=
+
p+1
p+1
p
Montrer ensuite par récurrence la formule du binôme de Newton :
n X
n
2
n
ak bn−k
∀(a, b) ∈ R , ∀n ∈ N, (a + b) =
k
k=0
Remarque Lors d’un raisonnement par récurrence il se peut que, pour
montrer que la propriété est vraie au rang n + 1 on ait besoin de l’utiliser
non seulement au rang n, mais aussi à des rangs plus petits. Dans ce cas, le
raisonnement est toujours valable et on parle de récurrence forte.
5.2
Un peu d’arithmétique dans Z
5.3
Théorèmes de Bezout et Gauss
Définition 5.3.1 Soit (a, b) ∈ Z2 . On dit que a est un diviseur de b, et on
note a|b, si il existe c ∈ Z tel que b = ac.
Pour b ∈ N on note Div(b) l’ensemble des diviseurs positifs de b.
Exemples
1. On a : 5|20, 2|10, et ∀a ∈ N, a|0 et 1|a.
18
2. Div(6) = {1, 2, 3, 6}, Div(2) = {1, 2}, Div(0) = N.
Définition 5.3.2 Pour (a, b) ∈ Z2 on appelle plus grand commun diviseur
et on note pgcd(a, b) ou a ∧ b le plus grand élément de Div(a) ∩ Div(b).
Exemples 2 ∧ 6 = 2, 20 ∧ 10 = 10, 6 ∧ 35 = 1.
Définition 5.3.3 Deux entiers a et b sont dits premiers entre eux si a∧b = 1.
En d’autres termes, deux nombres a et b sont premiers entre eux si ils
n’ont pas d’autre diviseur commun que 1 (et -1).
Proposition 5.3.4 Soit (a, b) ∈ Z2 et d leur pgcd. Alors a/d et b/d sont
deux entiers premiers entre eux.
Démonstration Le fait que a/d et b/d soient entiers vient du fait que d
est un diviseur commun à a et b. Pour montrer qu’ils sont premiers entre
eux, on va prendre un diviseur commun de a/d et b/d et montrer qu’il vaut
1. Soit α ≥ 1 un tel diviseur commun. Il existe alors deux entiers p et q tels
que
a/d = αp
b/d = αq
Par suite
a = dαp
b = dαq
Par conséquent, dα est un diviseur commun de a et b. Par définition de d on
a dα ≤ d et donc α ≤ 1.
Théoreme 5.3.5 (de Bezout)
Si a et b sont deux entiers premiers entre eux, alors il existe (u, v) ∈ Z2
tels que au + bv = 1 et réciproquement.
On admettra ce théorème ici.
Exemples
1. On a vu que 6 ∧ 35 = 1 et en effet, 6 ∗ 6 − 35 ∗ 1 = 1 ce qui est la
relation de Bezout avec u = 6 et v = −1.
2. On se demande si 49 et 99 sont premiers entre eux. Il facile de voir que
49 ∗ (−2) + 99 ∗ 1 = 1. C’est la relation de Bezout avec u = −2 et v = 1,
on en déduit que 49 ∧ 99 = 1.
3. Pour tout a ∈ N, a et a + 1 sont premiers entre eux car a + 1 − a = 1.
Le théorème de Gauss est une conséquence du théorème de Bezout :
19
Théoreme 5.3.6 (de Gauss)
Soit (a, b, c) ∈ (N⋆ )3 . On suppose que a|bc et que a ∧ b = 1. Alors a|c.
Démonstration Puisque a ∧ b = 1, on peut appliquer Bezout et trouver
u et v vérifiant au + bv = 1. Par conséquent c = cau + cbv. De plus, on a
supposé que a|cb, donc a|cbv. On a clairement a|cau donc a|cbv + cau = c. 5.4
Nombres premiers
Définition 5.4.1 Un nombre entier p est dit premier si il vérifie :
(i) p ≥ 2
(ii) Div(p) = {1, p}
En d’autres termes un entier est premier si il est plus grand que 2 et n’a
pas d’autres diviseurs que 1 et lui-même. Ainsi 2 est premier alors que 1 ne
l’est pas. Par définition, si p est premier et que a|p alors a = 1 ou a = p. L’ensemble P des nombres premiers commence ainsi P = {2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 29, ...}.
Nous montrerons plus loin qu’il est infini.
Un entier a ≤ 2 non premier est dit composé. Dans ce cas il a un diviseur
non-trivial, c’est à dire compris entre 2 et a − 1.
Proposition 5.4.2 Soit p un nombre premier et a un entier quelconque.
Alors on est dans l’un des deux cas suivants (qui s’excluent mutuellement) :
– p|a
– p et a sont premiers entre eux.
Démonstration Supposons que p ne divise pas a et montrons que p ∧ a =
1. Le pgcd p ∧ a divise p. Donc p ∧ a = 1 ou p. Comme p ∧ a divise aussi a
et que l’on a supposé que p ne divise pas a, alors p ∧ a = 1.
La proposition suivante est une reformulation du théorème de Gauss 5.3.6
dans le cas où a est premier. Elle est très souvent utilisée.
Proposition 5.4.3 Soit p un nombre premier et a, b deux entiers. Si p|ab
alors p|a ou p|b.
Démonstration. Supposons donc que p est premier et qu’il divise le produit ab. Supposons que p ne divise pas a. Alors, par la proposition 5.4.2,
p ∧ a = 1. Une application du théorème de Gauss 5.3.6 donne alors p|b.
20
Attention, dans cette proposition le caractère premier de p est indispensable. On a en effet 6|3.4 = 12 sans que 6 divise 3 ni que 6 divise 4.
Donnons une propriété qui va nous amener à démontrer qu’il existe une
infinité de nombres premiers :
Proposition 5.4.4 Soit a ∈ N \ {0, 1}. Alors a possède un diviseur premier.
Démonstration Nous procédons par récurrence forte sur a. L’entier a = 2
possède bien un diviseur premier (2). Supposons que tous les entiers compris
entre 2 et a possèdent un diviseur premier et montrons que a + 1 possède lui
aussi un diviseur premier. Il y a deux cas possibles :
– 1er cas : a + 1 est premier. Alors il possède bien un diviseur premier
(lui même), ce qui conclut la récurrence.
– 2ème cas : a + 1 n’est pas premier. Dans ce cas, a + 1 a un diviseur non
trivial b ; c’est à dire tel que 2 ≤ b ≤ a. Mais par hypothèse, un tel b
possède un diviseur premier p. Puisque p|b et que b|a + 1, il est clair
que p|a + 1, cela conclut la récurrence.
Nous pouvons maintenant démontrer le
Théoreme 5.4.5 L’ensemble P des nombres premiers est infini.
Démonstration Nous raisonnons par l’absurde en supposant que P est
fini et cherchons une contradiction.
Disons que P contient k éléments que nous appelons p1 , p2 , . . . , pk . Considérons l’entier
k
Y
n=
pi + 1.
i=1
Puisque cet entier est plus grand que 2, il possède un diviseur premier. Donc
∃j ∈ {1, . . . , k} tel que pj |n. Mais on a aussi clairement
pj |
Par conséquent pj |
6
Qk
i=1
k
Y
pi
i=1
pi − n = 1. Ceci est une contradiction.
Les nombres rationnels : Q
L’ensemble des nombres rationnels est défini par :
nr
o
Q=
| r ∈ Z, s ∈ N⋆
s
21
En d’autres termes, il contient tous les nombres qui peuvent s’écrire sous
forme d’une fraction de deux nombres entiers. Dans notre définition, nous
avons choisi d’autoriser au numérateur r d’être négatif ; le dénominateur s
quant à lui est strictement positif.
Les nombres 1/2, 2/3, −57/27, 8 sont dans Q. L’ensemble Q contient l’ensemble Z. En effet, si a ∈ Z, alors a = a/1 ∈ Q. Il est également un sousensemble des nombres réels (que l’on ne définit pas ici) ; on peut écrire les
inclusions
N ⊂ Z ⊂ Q ⊂ R.
L’inclusion N ⊂ Z est stricte. En effet, -2 est dans Z, mais pas dans N.
L’inclusion Z ⊂ Q est elle aussi stricte puisque 1/2 ∈ Q mais 1/2 ∈
/ Z. Notre
but ici est de démontrer que l’inclusion Q ⊂ R est elle aussi stricte. Cela
montrera que tous les nombres réels ne peuvent pas s’écrire sous forme de
fractions.
Les rationnels sont stables par toutes les opérations usuelles : addition,
multiplication, soustraction, division par un nombre non-nul. En effet, avec
des notations évidentes :
p r
+
=
q s
p r
−
=
q s
p r
.
=
q s
p
r
/
=
q
s
6.1
ps + qr
∈Q
qs
ps − qr
∈Q
qs
pr
∈Q
qs
ps
∈Q
qr
Forme irréductible des rationnels
Soit r/s un rationnel (on entend par là que r ∈ Z et que s ∈ N⋆ ). Si d est
un diviseur commun de r et s, alors r/d et s/d sont entiers et
r
r/d
= .
s/d
s
Il existe donc plusieurs écritures d’un même nombre rationnel ; comme
par exemple 27/54 = 9/18 = 3/6 = 1/2.
Proposition 6.1.1 Soit α ∈ Q un rationnel strictement positif. Il existe une
unique écriture de α sous la forme r/s où r ∈ N⋆ et s ∈ N⋆ sont tels que
r ∧ s = 1.
22
Démonstration C’est un problème d’existence et d’unicité.
- Existence : α étant rationnel et strictement positif, on peut l’écrire
sous la forme a/b avec a ∈ N⋆ et b ∈ N⋆ . Notons d le pgcd de a et b
et r = a/d, s = b/d. Comme on l’a déjà remarqué, a/b = r/s = α. De
plus, par la proposition 5.3.4, r et s sont premiers entre eux. On a bien
réussi à écrire α sous la forme r/s avec les conditions demandées.
- Unicité : pour montrer l’unicité de l’écriture de α avec les conditions
demandées, on va prendre deux telles écritures et s’efforcer de montrer
que ce sont en fait les mêmes. Soit donc a, b, r, s des élements de N⋆
vérifiant :
α = a/b = r/s
a∧b = 1
r∧s = 1
Maintenant, on utilise le Théorème de Gauss 5.3.6 à bon escient. La
première égalité entraine as = br. Par conséquent, a|br ; de plus, on a
a ∧ b = 1 ce qui entraine que a|r par Gauss. De même, r|as et r ∧ s = 1,
donc r|a.
On a obtenu : a|r et r|a. Cela entraine qu’il existe k et l dans N⋆ avec
a = rk et r = al. Par conséquent a = alk et lk = 1. On déduit que
l = k = 1 du fait que l et k sont entiers et positifs. Du coup, a = r.
Par un raisonnement analogue, partant encore de as = br, on montrerait que b|s et s|b puis que s = b. On a bien montré l’unicité de
l’écriture α = r/s avec r ∧ s = 1.
Définition 6.1.2 Soit α un rationnel strictement positif. On appelle écriture
irréductible de α la seule écriture possible de α sous la forme α = r/s avec
r ∈ N⋆ , s ∈ N⋆ et r ∧ s = 1.
Exemples L’écriture irréductible de 9/27 est 1/3, celle de 18/6 est 3/1.
6.2
Q
R
Comme on l’a vu précedemment, l’application suivante est bijective :
f : R+ → R+
x 7→ x2 .
23
On appelle sa bijection réciproque l’application racine carrée :
√
: R+ → R+
√
x 7→
x.
Le nombre 2 est dans R+ . Il a donc une image par cette dernière application,
√
√ 2
√
2 =
c’est 2. Par définition, 2 est donc l’unique réel positif qui vérifie
2. Nous avons maintenant tous les outils nécessaires pour montrer que ce
nombre n’est pas rationnel.
√
Proposition 6.2.1 Le nombre 2 est réel, mais non rationnel.
√
Démonstration On raisonne par l’absurde en supposant que 2 ∈ Q et
on cherche une
√ contradiction.
Puisque
2 est positif et rationnel, il a une écriture irréductible de la
√
forme 2 = r/s avec r ∈ N⋆ , s ∈ N⋆ et r ∧ s = 1. En élevant cette égalité au
carré, on obtient
r2
2 = 2 , d’où 2s2 = r2 .
s
2
Ainsi, 2|r . Mais 2 est premier, donc par la proposition 5.4.3, on obtient
2|r. Disons que r = 2k où k est entier, de 2s2 = r2 on tire alors 2s2 = 4k 2
puis s2 = 2k 2 .
Comme précédemment on a donc 2|s2 d’où, puisque 2 est toujours premier, 2|s par 5.4.3. On a donc montré que 2√est un diviseur commun à r et s
ce qui contredit le fait que l’on avait écrit 2 sous forme irréductible, c’est
à dire avec r ∧ s = 1.
24