BILIPO_POLICE-MAGAZINE_1938_0408 (10,7
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BILIPO_POLICE-MAGAZINE_1938_0408 (10,7
Choc en retour. Si MUe Augusta L... a fortement contusionné le sieur Constant J..., on ne pourra guère lui en tenir rigueur dès qu'on aura appris les raisons de son subit accès de révolte. Cette jeune femme, assise en face du plaignant, est à la fois haute, large, blonde comme une chope.de bière et charnue comme une déesse de Rubens. Elle est âgée de vingt-sept ans et fait, paraît-il, profession de vendeuse dans un magasin d'antiquités. — Au cours du mois de septembre, explique-telle, j'ai rencontré Monsieur dans les allées du Luxembourg. Les soirées étaient belles, aussi avaisje pris l'habitude de me promener à travers le grand jardin public, mon travail fini. Bientôt je ne pus m'empêcher de dis-. tinguer, en plusieurs occasions, ce promeneur qui me dévisageait le plus souvent avec un drôle de sourire. Au bout d'une semaine, il se décida à m'aborder. — Pour vous dire, observe M. le président, que vous lui aviez plu et qu'il serait heureux de faire quelques pas avec vous, n'est-ce pas ? — C'est ça. Et, ensuite, il m'offrit une consommation, puis à dîner... — Vous avez accepté ? — Je m'ennuie le soir. Et. en plus, cela n'engageait pas à grand'chose... — La preuve !... Vous êtes devenue la maîtresse de J... Et vous l'avez à demi assommé... M1,e Augusta hausse imperceptiblement les épaules. -—N'importe qui en aurait fait autant à ma place. — Hum ! Vous le dites ! — C'est que j'ai de bonnes raisons pour le croire ! — Eh bien I exposez-les. ' — Oh ! je n'y manquerai pas... en affirmant, primo, que j'ai toujours été une honnête fille et qu'il fallait vraiment que je fasse une pareille m'écouta bien tranquillement, et puis, lorsque j'eus terminé, il me répliqua : « — Trois mille francs... Mais bien volontiers, ma toute belle... Tenez, les voici et c'est de grand cœur que je vous les donne. Cependant, vous me ferez la grâce de croire que je suis capable de vous donner en plus quelques joies gratuites. « Oh ! bien sûr, balbutiai-je. Bien sûr, Chaque année, depuis 1931, le docteur Sh... vient en France pour y passer deux mois. Le but de ces voyages ? Étude des nouveaux procédés de la science européenne... Sans nul doute !... Mais, aussi étude des mœurs de notre capitale qui n'est pas encore près de perdre sa réputation de ville où l'on s'amuse, à ce qu'il semble. Le chic, c'est qu'en ayant voulu organiser 1 11 causes rencontre pour venir en correctionnelle... Nous y sommes : l'émoi, la surexcitation, l'anxiété, tout cela vient de faire son œuvre. L'imposante Augusta fond brusquement en larmes. Et c'est un déluge, ponctué de spasmes, de suffocations, de gémissements qui ne s'atténueront qu'après maintes exhortations véhémentes du président dont les minutes sont précieuses... — Hum !... Oui, c'est vrai, j'ai tort de me révolutionner, reprend la brave fille. Puisque j'avais des motifs... hi ! hi ! de bons motifs pour me mettre en colère contre ce monsieur... Et je vais les dire tout de suite... Il faut cependant encore bien cinq minutes pour qu'ils se décident à sortir... ces motifs. Ah ! les transes d'une première comparution en justice... Enfin cette fois... Fichtre ! — Voilà donc, reprend Augusta. Notre dîner fini, le jour de la prise de contact, ce monsieur me proposa comme de juste de devenir sa maîtresse. Je l'avais si bien prévu qu'en mangeant mes haricots à l'étouffée j'avais préparé la réponse que je ferais le cas échéant... « Moi, c'est très simple, je suis encore intacte. Je n'ai pas plus envie de m'abandonner à vous qu'à un autre, bien que vous me soyez sympathique... Si vous y tenez beaucoup, moi je veux bien, mais à la condition que j'en tirerai un bénéfice pécuniaire : car, pour mon plaisir personnel, j'ignore si j'en éprouverai. « Donnez-moi trois mille francs et je suis à vous ».. « Comme vous le pensez bien, monsieur le président, je n'avais dit cela que par manière de plaisanterie, avec la certitude de m'entendre répondre par quelques paroles du même genre; « Eh bien ! pas du tout, monsieur J... 2 que le procès ne semble pas du tout inquiéter. Il a tort, car on en arrive bientôt à son cas personnel, et c'est fini de rire pour lui. En effet, les deux gentilles danseuses viennent de déclarer que, si Roger F... n'avait pas voulu en fin de compte profiter lui aussi de la situation, tout se serait peutêtre arrangé... — Hein ? De quoi ? De quoi ? Voilà bien du nouveau, par exemple \ essaie de gouailler le mis en cause. Mais c'est l'exacte vérité. Lorsque les deux couples eurent achevé de distraire le Nippon, Roger F..., que le spectacle avait pas 1 ■ mal émoustillé, se pencha vers celui-ci et lui demanda de faire avec l'une des deux danseuses, pour son propre compte, une réédition des scènes précédentes. — Allez-y, ajouta-t-il. s Pour cent balles, le môme d'Olga consentira à rentrer chez lui, et je me charge de vous montrer quelque chose dont vous n'avez pas la moindre idée, même à Tokio chez vos mousméset autres geishas. Le docteur, séduit, ne se le fit pas répéter, mais la patience des autres devait toucher à sa fin. Ils émirent la prétention de s'en aller, tous les quatre, et déjà les deux jeunes gens gagnaient la porte avec leurs compagnes lorsque le Japonais, outré d'une telle conduite et probablement soùs l'influence de trop copieuses libations, sortit un revolver en menaçant froidement de tuer tout le monde si on ne se pliait pas à sa dernière fantaisie. Et tout aurait peut-être mal tourné, si l'une des deux jeunes femmes n'avait déniché un bouton de sonnerie. Elle le fit jouer subrepticement, une femme de chambre parut à qui on fit comprendre ce qui se passait, puis, dix minutes plus tard, trois agents venaient désarmer le docteur qui fut emmené au poste avec son organisateur des plaisirs. — Tout cela n'est pas extrêmement grave, dira en fin de compte le défenseur des deux prévenus. Certes, il y a eu des menaces, port d'arme, mais, enfin, les premières excentricités furent obtenues de bon gré... Pour ma part, je juge bien plus répréhensible la conduite de ces quatre jeunesses, capables, pour quelques cents francs, de se livrer à des ébats généralement réservés à la stricte intimité. —- La cause est entendue, réplique M. le président. Deux mois de prison au docteur Sh... et cent francs d'amende. Quatre mois à Roger F..., précédemment condamné pour grivèlerie et vagabondage, en vertu des premier et deuxième paragraphes de l'article 334, les deux filles, Olga M... et Maria B..., amenées par lui à son acolyte, étant âgées de moins de vingt et un ans... monsieur. Mais, dans le fond, je me trouvais horriblement ennuyée avec ces trois billets de mille entre les mains et la nécessité où je me trouvais maintenant de sauter le pas... — Enfin, vous vous résolûtes à payer de votre personne Ne nous faites pas attendre plus longtemps... Et après ? — Après, je... dus convenir que Monsieur ne m'avait rien promis d'exagéré. Si bien que, deux jours plus tard, il revenait chez moi et trouvait non plus une victime résignée, mais une véritable amoureuse. re- De sorte que la discussion qui précéda les coups dont se plaint le demandeur eut pour prétexte un avatar sentimental ?... Chose drôle, on voit, sur la figure de la plantureuse Augusta, paraître à cet instant la plus vilaine des grimaces. — Un avatar sentimental ? répète-t-elle. Ah, bien, ouiche! M. J... ne devait pas longtemps jouer le rôle de l'amoureux passionné et désintéressé... Ce deuxième soir, alors que, pour l'accueillir, j'avais fait les frais de parfums et <ie déshabillés vaporeux... (j'avais même fait brûler dans ma chambre des pastilles du sérail et placé en évidence sur la table un livre illustré de gravures légères...) Au lieu de me « propager » des caresses préliminaires comme il l'avait fait l'avant-veille, il se déshabilla en un tourlemain, et, s'étant précipité sur moi comme une* brute... — Mademoiselle, je vous en prie, ces détails !... — Mais, monsieur le président, ils ont leur utilité. Et la preuve c'est que M. J... profita de l'instant que vous devinez, alors que j'attendais de lui l'extase suprême... — Encore une fois, mademoiselle, de grâce... —... Pour me réclamer les trois mille francs qu'il m'avait donnés, sous prétexte qu'étant passé du rôle d'ami de rencontre à celui d'amant de cœur il ne pouvait plus exister de question d'argent entre nous !... — Hum ! Le procédé est astucieux. Et que répondites-vous ? — Je lui murmurai : « Mon chéri, nous parlerons de cela plus tard. » Mais il me repoussa. Alors, me voyant dédaignée, arrachée brusquement au doux vertige dans lequel je m'abîmais, je me sentis envahie par une brusque colère et jetai dehors ce profiteur, sans aucun ménagement. — Bref, vous reconnaissez lui avoir porté les coups faisant le motif de sa plainte, enchaîne M. le président... C'est parfait... Et, lorsque J... a parlé, pour tenter une vague et filandreuse défense : — Allons, quinze jours de prison avec sursis à la prévenue et 25 francs d'amende. Que cet avertissement vous soit salutaire, mademoiselle ! l^a soirée du médecin japonais. Docteur de la Faculté de Sendaï, l'honorable prévenu (si j'ose dire) se présente sous l'aspect d'un tout petit monsieur brun à lunettes, et si jeune d'apparence qu'on sursaute en apprenant son âge: cinquante-trois ans. des tableaux vivants trop suggestifs le docteur a eu des ennuis avec ses partenaires. Il en est résulté une discussion, puis un petit scandale, lequel finit par mettre en branle Police-Secours... Et c'est la conclusion du tout qui nous est présenté devant le tribunal correctionnel. Flanqué d'un comparse, le sieur Roger F..., notre Japonais, qui parle assez couramment le français, a donné de l'affaire un aperçu plein de réticences : — J'avais demandé à Monsieur (c'est le complice) de me faire connaître deux jolies danseuses de music-hall. Il vint me dire un matin qu'il avait mon affaire... J'invitai ces demoiselles dans une maison où j'avais déjà eu des rencontres similaires... Je les traitai avec soin, bon repas, boissons copieuses, et enfin je leur demandai en guise de remerciement d'exécuter, pour ma délectation personnelle, un petit numéro particulier.., — Évidemment pas une danse classique, ironise M. le président. Mais, avec ces demoiselles, n'aviez-vous pas d'autres invités ? — Si fait, leurs petits amis et Roger F..., mon imprésario. — Imprésario de vos distractions privées ? — Si vous voulez... Maintenant, je tiens à dire que, si cette affaire que je déplore peut s'arranger avec de l'argent... — Pas en France, devant nos tribunaux, monsieur. Veuillez vous asseoir, nous allons entendre les témoignages. Ils sont apportés par deux jolies filles qui, bien que fort à la page, semblent ne pas être encore revenues de leur aventure. Et l'on apprend de leurs charmantes bouches, couleur de cerise mûre, que le docteur Sh..., après s'être montré au cours du repas le plus agréable des amphitryons, exigea, le dessert avalé, de ses convives toutes sortes d'exercices libertins. — Vous n'aviez qu'à refuser, s'exclame M. le président. Piteuse, Olga, la plus blonde des deux girls, avoue qu'elle y pensa bien un moment, mais... — Mais, voilà, assure-t-elle, mon petit ami est chômeur... Alors, quand il a vu le monsieur tirer un grand billet de sa poche, il m'a poussé le coude... . — Ce qui signifiait ? — Ben, que... s'aimer devant le Japonais, c'était une affaire à ne pas laisser échapper... — De sorte que, pour mille francs, vous avez, avec votre amant, exécuté, pour la satisfaction du prévenu, ce qu'il désirait... — D'abord, il a voulu que je commence avec Jules... c'est mon ami... Ensuite, au moment de donner le billet de mille, il a trouvé que cela n'avait pas assez duré... Il a chicané... — Bref, il vous a dit n'en pas avoir pour son argent ? — Il a voulu que ma camarade Maria fasse la même chose avec son compagnon... — Et vous avez obéi également, mademoiselle ? — Oh ! pour rendre service à Olga et à son petit homme. Ils auraient sans cela « travaillé pour rien ». — Cela montre votre bon cœur. — Si encore elle n'avait montré que cela, ricane de sa place l'imprésario LA SEMAINE PROCHAINE Police-Magazine publiera un grand reportage de Jean MORIS Le secret des femmes damnées XVIII (1) Le camp de représailles. |uand les avions du colonel Vuillemin eurent bombardé le centre aéronautique de Friedrichshafen, les Allemands' crièrent au massacre... des innocents. Certes, leurs Gothas, leurs Zeppelins et leur Bertha attaquaient couramment nos villes ouvertes, démolissaient nos églises et assassinaient nos civils, mais que nous allions, de l'autre côté du Rhin, démolir des hangars et des appareils, c'était un crime abominable î Le G. Q. G. allemand annonça donc, dans (1) Voir Police-Magazine, n°« 391 à 407. un communiqué rageur, que, pour éviter à l'avenir de semblables faits, il allait disposer autour de sa grande base aérienne un camp de représailles pour prisonniers français. Ainsi, n'osant pas risquer de tuer des frères d'armes, nos bombardiers, pensait-on à Berlin, s'abstiendraient de visiter Friedrichshafen. Envoyer au devant d'eux, pour un combat loyal, quelques-uns de leurs Fokker paraissait beaucoup trop dangereux ; mieux valait, n'est-ce pas ? commettre un nouvel acte de sauvagerie. Une protestation de notre Gouvernement contre une mesure aussi odieuse fut transmise à Berlin par une ambassade étrangère à qui l'on répondit qu'elle avait été rapportée. Cependant personne n'était exactement fixé ; des aviateurs, survolant le camp, avaient remarqué, disaient-ils, un va-et-vient inaccoutumé, comme si on y faisait des travaux d'installation. Il fallait en avoir le cœur net, et, pour cela, se rendre sur place. Tel fut l'objet de la nouvelle mission qu'on me confia. Comme il était difficile d'aller atterrir en avion dans les environs du camp allemand, nous renonçâmes à la voie aérienne et ce fut simplement par chemin de fer qu'une fois de plus je gagnai la Suisse. On sait, en effet, que la grande station aéronautique allemande se trouve sur la rive du lac de Constance à une quinzaine de kilomètres de la frontière suisse. Dans cette région, régnait une contrebande intense, sévèrement réprimée par la Suisse, mais encouragée par l'Allemagne à qui les vivres faisaient défaut. Les rives du lac de Constance voyaient ainsi débarquer toutes sortes de marchandises sous l'œil bienveillant de la douane teutonne.. ... J'arrive sans difficulté à Romanshorn ville suisse placée sur le lac de Constance exactement en face de Friedrichshafen. Certes, d'autres centres de contrebande sont installés à Arbon et à Constance, mais je n'y ai pas de relations, tandis qu'à Romanshorn, je sais que je vais trouver à qui parler dans la brasserie du Tiergàrten. Voici justement mon ami St... — Vous tombez bien, me dit-il ; nous avons ce soir un transport rapide à effectuer; je compte me servir de mon canot à moteur et, de cette façon, le trajet sera moins pénible qu'avec mon bateau à rames : je dois, du reste, faire IUÏ petit tour près de Langenargen, distant de dix kilomètres de Friedrichshafen. Accompagneznous si cela peut vous être utile. Il y aura sans doute des renseignements intéressants à récolter. J'accepte avec enthousiasme cette proposition qui diminue de moitié les dangers qui m'attendent. Rendez-vous est pris pour 8 heures du soir à la même brasserie d'où nous partirons en voiture pour la petite calanque où nous devons nous embarquer. C'est le soir, il fait froid, un petit . vent aigre soufflant du Nord ; la car| gaison est composée, je m'en japerçois i facilement, de poivre et d'épices qui me font éternuer pendant cinq bonnes minutes. Nous voici en route pour ce 1 voyage d'une demi-heure ; la nuit est | noire et on ne voit pas à quelques centimètres devant soi. Dans de telles conditions, ma mission s'annonce facile. Je devais rapidement déchanter. An-dessus : Certes, leurs Gothas, leurs Zeppelins attaquaient couramment nos villes ouvertes. Deux coups de feu éclatent, en effet, puis toute une salve : les « Grenzwâchter » (gardes-frontière) nous tirent dessus, car, trompés par l'obscurité et déportés par le courant du Rhin, nous sommes loin de l'endroit où les contrebandiers ont accoutumé d'aborder. Et cette fusillade nous en avertit. Il nous faut donc remonter la côte pendant une dizaine de minutes, jusqu'en un lieu sauvage, planté de grands arbres dont les racines trempent dans l'eau. — sC'est là ! me glisse mon ami St... Des ombres viennent à notre rencontre et je reconnais des « Grenzwâchter ». Ils font partie de l'association contrebandière, et la compagne de l'un d'eux tient même un estaminet où l'on entrepose des marchandises. — Si l'on vous a canardés tout à l'heure, nous expliquent-ils, c'est sans doute que l'on vous a pris pour des passeurs de déserteurs. Laissez votre bateau ici et venez vous reposer un peu à l'estaminet pendant que nous le déchargerons. Puis me dévisageant : — Qui est ce monsieur ? demande un garde. — Un de mes associés suisses. — Parfait! En route! Nous marchons un petit quart d'heure dans une nuit si épaisse qu'il me serait impossible de dépeindre les lieux où nous avons passé, puis nous pénétrons dans un jardin attenant à une petite maison aux volets soigneusement clos. Trois personnes qui attendent se lèvent à notre arrivée : ce sont des membres de la bande. — Vous pouvez y aller, leur annonce celui qui nous accompagne. Max va arriver et il restera ici pour mettre tout en place 1 Nous nous installons autour d'une table et le vin chaud qu'on nous sert nous réconforte un peu. J'entends sans beaucoup d'intérêt une importante discussion d'affaires jusqu'au moment où arrive le Max annoncé. C'est un individu qui boite affreusement. Son métier avoué est celui de colporteur, mais, en fait, il ne colporte et même ne vend que des produits de contrebande. Et ce n'est pas la clientèle qui lui manque ; il doublerait et triplerait son chiffre d'affaires si la marchandise était moins rare, du moins l'af firmet-il à mon ami. Et d'ajouter encore, pour le convaincre : — Oui, Herr St..., oui, qu'est-ce que nous ne gagnerions pas si vous veniez un peu plus souvent, d'autant plus que l'on vient d'établir à Friedrichshafen un camp de prisonniers français et que ces gars-là ont besoin de tout... Inutile de poser des questions au boiteux, il est assez bavard pour que l'on n'ait qu'à l'écouter. J'apprends ainsi la vérité et m'aperçois que, comme toujours, il y avait du vrai et du faux dans les renseignements que je possédais : en réalité, on a établi un camp de prisonniers à Friedrichshafen, mais il se trouve à l'autre bout de la ville, bien loin du parc d'aviation où toute la place, du reste, est occupée par des hangars Ces agents doubles travaillent pour deux pays à la fois. et des ateliers. Le bavard, voyant que je m'intéresse à la ville, va même jusqu'à me faire un petit croquis de la nouvelle installation. J'ai donc tout ce qu'il me faut ; béatement, nous tirons sur nos cigarettes, quand, brusquement, la porte s'ouvre et les hommes de tout à l'heure apparaissent effrayés : — Dépêchez-vous d'embarquer, nous disent-ils, nous venons d'être prévenus que des patrouilles, alertées par un poste de garde, vont fouiller dès le petit jour toutes les rives du lac. Or il est maintenant trois heures 1 Il n'y a donc qu'à regagner le bord, à démarrer et à voguer rapidement vers la libre Helvétie. Au retour, nous louvoyons quelque peu afin de ne pas tomber entre les pattes des hommes de la Landsturm qui gardent la frontière suisse. Et puis la suite n'a pas d'histoire. En deux jours et demi, j'ai su ce qu'il fallait, c'est-à-dire que nos aviateurs pouvaient tranquillement bombarder la base de Friedrishshafen sans risquer de tuer leurs compatriotes. Ils ne s'en privèrent du reste pas, puisque la même semaine ils y incendiaient deux hangars et détruisaient plusieurs appareils ennemis. Ainsi s'achevait une expédition qui n'avait coûté que quelques milliers de francs et que nous avions menée à bien sans d'excessives émotions. Bataille d'agents doubles. Mais je ne puis jamais penser au boiteux qui fut un des héros obscurs de cette expédition sans me souvenir d'un autre Max, un espion aux exploits de qui il me fallut faire mettre un terme, mais celui-là ne boitait pas. Combien de fois, dans les récits fantaisistes publiés sur l'espionnage, n'a-t-on pas entendu parler des agents doubles ? Comme leur qualificatif l'indique, ils travaillent pour deux pays à la fois. On a même vu, au cours de la grande guerre, des agents triples, mais ces cas exceptionnels ne se rencontraient que dans de toutes petites affaires où l'enjeu était minime. Dans une organisation d'espionnage du temps de guerre, à côté des agents principaux qui relèvent du Deuxième Bureau de l'état-major, figurent quantité de petits agents d'importance secondaire qui sont surveillés et payés par les agents principaux lorsqu'ils sont en territoire ennemi, et par des bureaux désignés à cet effet s'ils sont dans le pays lui-même. En 1914, les services allemands avaient monté une organisation extrêmement importante à Lôrrach, petite ville située à deux kilomètres de la frontière suisse et à une heure de marche de Bâle, importante ville suisse située sur le Rhin. Ce centre se trouvait placé d'une façon merveilleuse : à quelques pas d'un pays neutre, à travers la frontière duquel il était toujours possible de passer. Il était,en outre, situé à une vingtaine de kilomètres du front fixé alors entre Carspoch, Altkirch et Bâle, et à même de jouer là un rôle fort important. Il est bon de se rappeler que le télégraphe et le téléphone fonctionnent en Suisse avec une régularité parfaite et que, même sur une longue distance, l'attente d'une communication téléphonique n'excède jamais cinq minutes. Un renseignement arrivé à Genève où était l'état- JBojyyfflbL^iià^^ "accordTiyûir piano mécanique ; c'est le _bal qui commence, .Te me glisse dansjme plus qu'à attendre la réaction. encoignure, mais"il"estrîffipossiblc de rien -Le- lendemain, à un nouveau rendezvoir ni entendre, le bruit de la musique vous que je lui ai donné, rappelant à mon couvrant'les conversations. interlocuteur que j'ai accompli récemment à Cologne une mission des^pliK importante, Puis^Jurusquement^a^ tout justê"le lempslle me jeter en arrière ; jerdxirqproniets=itë=3^ un groupe de quatre hommes, parmi lesécrit, ce que j'ai pu apprendre sur les proquels se trouve Max, passe devant moi et jets d'attaque de l'armée allemande. Et il jubile. tourne à droite, conversant maintenant à — A propos,, jne f aitiL_en sqrtant-de sa- yoix basse. La rue est sombre. Quelqu'un n-journal suisseT^votreInïôrmailon soudain fait demi-tour et revient en visecrète sur le torpillage dans les eaux de tesse vers la brasserie, mais il n'a pas fait Suez, elle était connue à Berlin ! vingt pas que claquent deux coups de Et de me montrer dans un journal revolver, puis une rafale. Arrêté net, l'ing jsuisse^ j>ù je_ravaiS-Jiéjà Jkie- q^ques-mi^ dividu riposte en direction de ses ennemis nutes plus tôt, la fausseTSôlïvëTle que je lui Brève bataille. Max bientôt porte ses mains ; avais confiée hier et qui était reproduite à sa poitrine, chancelle et s'abat en pleine ' par toutes les feuilles germanophiles : chaussée. Berlin. — On apprend de bonne source ' qti'nn transpnrf français, portant prïx de voici en route pour un voyage d'une demi-heure. deux mille hommes et un important matériel, | a été coulé en Méditerranée. Des émeutes jj ont éclaté à Marseille dès qu'on a connu la t~nouvelle. Désormais, je^JuViixé,JU-ne~peut y avoirde rdoute- : cette nouvelle, que-^j'avais" inventée de toutes pièces, n'a. pu être connue que de la seule personne à qui je l'avais annoncée. Il importe donc d'agir vite, sans oublier que je suis dans un pays neutre où les autorités ne badinent pas avec certaines choses... surtout les autorités de la Suisse allemande. Tentons tout de même, avant ce soir, un coup qui, s'il réussit, nous fera débarrasser par les Allemands eux-mêmes d'un collaborateur qui est aussi le leur. Après y avoir longuement réfléchi en prenant l'air, je reviens à la Brasserie où une servante des plus accorte s'inquiète de ce que je boirai. — De la bière, mademoiselle î Et, quand la consommation est devant moi, sortant de ma poche un pli fermé : — Pourriez-vous, mademoiselle, faire porter tout de suite cette lettre à son adresse ? L'adresse est celle de M. Obrist, l'un des principaux chefs de l'espionnage allemand en Suisse, à qui, sous un nom imaginaire, j'apprends que M. Max — son agent — est également appointé par le service de renseignements français. Ma bombe ainsi lancée, je n'ai plus qu'à attendre son explosion... Ces messieurs les « indics » vont certainement, comme d'habitude, aller passer la soirée à la Brasserie du Bernerhof. Embusquons-nous donc à deux pas de cet établissement. Max ne tarde pas à y entrer en compagnie d'un homme avec qui il discute vivement. Au bout d'un instant, j'entends les major de l'espionnage allemand pouvait être téléphoné à Bâle et transmis à Lôrraçh en moins d'une heure. C'était précieux, aussi tous les pays alliés avaient-ils à Bâle des yeux attentifs... et des oreilles toujours aux aguets. Mais Bâle est assez loin de Paris et les agents que nous y avions, n'étaient pas contrôlés autant qu'ils auraient dû l'être. Nous apprîmes cependant qu'un de nos agents, prénommé Max, faisait du « double » avec l'Allemagne. Comme, en pareil cas, il importe de se débarrasser rapidement d'individus capables de provoquer les pires catastrophes je profitai d'un voyage en Suisse pour aller enquêter à Bâle sur l'activité de celui-là. Il me fallait plus de prudence que jamais. J'arrivai donc la nuit, afin de ne pas être « respiré » par un de ces nombreux indicateurs qui rôdent autour des trains de jour et me logeai à l'hôtel sous le nom d'emprunt d'un négociant. Il n'est point de profession plus vague, ni plus pratique, pour qui veut avoir ses coudées franches... A peine sorti de mon hôtel, je me rends à la Brasserie du Bernerhof qui sert de grand quartier général à messieurs les « indics ». J'y pénètre prudemment et demande au patron M. Max. — II n'est pas encore arrivé, me répond-on. Qu'à cela ne tienne, je vais tuer le temps en lisant Le Démocrate, un journal francophile publié à Délémont dans le Jura bernois. Ce Max n'est guère pressé. Enfin, le patron me l'amène et je me présente : — Henri Lobert, qui passe son temps à se promener et lui est envoyé par un de ses confrères M.C.., de Genève. C..., à Genève, travaille pour nous ; il ne m'a pas été difficile de le connaître, je l'ai vu un grand nombre de fois et je sais que Max a été en relations avec lui à maintes reprises. Aussitôt, le visage de mon interlocuteur de s'éclairer. Dame quand on fait ce métier, on peut toujours s'attendre à recevoir des visites ou à avoir j des rendez-vous qui n'ont rien de particulièrement agréable. Rassuré, il accepte le déjeuner que je lui offre : un menu excellent et copieux, arrosé d'un « cortaillod » de derrière les fagots. Il n'en faut pas davantage pour faire de nous les meilleurs amis du monde, encore que l'homme, bien que bavard, se montre assez adroit dans ses propos, mais c'est de tout et de rien que nous parlons. Néanmoins, il se plaint des difficultés qu'il rencontre et du peu d'argent qu'il gagne. Depuis trois ans qu'il travaille pour nous, il n'a pas reçu ce à quoi il croit avoir légitimement droit ; il me parle de ses confrères qui touchent des salaires (!) triples et il ne me cache pas qu'il ne veut pas travailler encore longtemps dans ces conditions. En temps ordinaire, il est interprète d'hôtel; toutefois, en ce moment où le tourisme est à peu près mort, il ne trouve plus d'emploi stable. Officiellement, il est représentant, mais on se demande, avec des restrictions telles que doit s'en imposer la Suisse, ce qu'il peut bien vendre. Je sais que, dans le fond, il a raison, la France a toujours beaucoup plus mal payé que les autres pays et cependant elle a toujours été bien servie. N'empêche qu'il faut que je sache s'il est exact que M. Max mange aussi au râtelier des Allemands. Je me mets donc à" lui raconter toutes sortes de choses — fausses bien entendu — sur certaines missions que je prétends savoir que l'on a confiées à quelques-uns de nos agents, puis, dans le creux de l'oreille, je lui glisse une nouvelle sensationnelle : « Un transport de troupes françaises, chargé de plus d'un millier d'hommes, a été coulé à la sortie du canal de Suez. Cet événement a été tenu rigoureusement secret afin ne pas affoler la populatio: qui commence à trouver la guerre sous-marine c beaucoup de dégâts. » Max s'abattit en pleine chaussée. Xes~portes des maisons s'ouvrent, de chiens-hurleBfczides ritoyens^S^mpressent vers la victime, la police, à son tour, va venir... Il est prudent de s'éclipser, Le lendemain matinJe_çjOjnnâissais_Jes_ Max, un troisième homme agonisant à l'hôpital et un quatrième en fuite, sans doute le principal exécuteur... ... Ainsi finissaient généralement les agents doubles... ceux surtout que découvraient les Allemands dont les méthodes étaient toujours aussi brutales que rapides et qui n'hésitaient pas à supprimer un Jiojiime,-dèsJa^8e€onde=m^ "soupçon pesait sur lui. (A suivre.) Louis BRUNET. Louis Brunet vous révélera dans le prochain j^jroé^o^cojiMnenj^^^^ lllllllllimilllllllllllllll IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIMIIIllllllllllllllllllllllllIHUIIIIIIIIHIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIlillllllllllllllillilllllllH On accuse, on plaide, on jnge... Justice de paix du neuvième arrondissement : une concierge, jeune rose et blonde, réclame à une sienne locataire — ni jeune, ni rose, ni blonde — bien au contraire, mille francs de dommages-intérêts : LE JUGE DE PAIX. A quel titre ? LA CONCIERGE. Pour me dédommager. LE JUGE DE PAIX. De quoi ? LA CONCIERGE. D'une gifle que cette dame est venue me doimer dans ma loge. LA LOCATAIRE. La concierge oublie de dire que, si je l'ai giflée, c'est parce que j'ai appris qu'elle était la maîtresse de mon mari. LA CONCIERGE. Dame, c'était forcé! LE JUGE DE PAIX. Qu'est-ce qui était forcé ? LA CONCIERGE. Que je devienne la petite amie de mon locataire. LE JUGE DE PAIX. Pourquoi cela vous semblait-il inéluctable ? LA CONCIERGE, simplement. — Je ne comprends que le français, monsieur le juge de paix. LE JUGE DE PAIX. Inéluctable l'est, madame ; en d'autres termes, pourquoi était-il obligatoire, pour vous, d'avoir des relations avec votre locataire ? LA CONCIERGE. Parce qu'il habite le rez-de-chaussée en face de ma loge et qu'il me voyait, toute nue, le matin, par sa fenêtre. Et puis il y a autre chose. LE JUGE DE PAIX. Quoi donc ? Il m'a offert une perLA CONCIERGE. manente. Cette femme est inLA LOCATAIRE. consciente. Oh! non, mais il y a LA CONCIERGE. encore une autre raison : quand un homme a une légitime qui a une g..., enfin, une figure comme la vôtre, il faut bien qu'il se console ailleurs. LA LOCATAIRE, indiquée. — Vous êtes une gourgandine. LA CONCIERGE. Et vous une •< mochetée » et on comprend que votre mari vous trompe. LA LOCATAIRE. Vous avez bien mérité la gifle que je vous ai donnée ! Cette vengeance lui coûtera deux cents francs qu'elle devra, à titre de dommagesintérêts, verser à la concierge-maîtresse. Ce n'est pas trop cher ! GIFLE, AMOUR ET INDÉFRISABLE — — — — — — — — — — — — — — SYLVIA QUAND L'ÉTAT CIVIL INTERVIENT RISSER. C'est une ^oute un p eu triste, mais qui prouve que l'on doit toujours choisir sa femme avec le plus grand soin... Nulle précaution ne sera superflue... Même si, avant de passer devant M. le maire, on a vécu en concubinage avec sa W future, dans le but de savoir ce qu'elle H donne à l'usage. Le Tribunal civil de la Seine avait à examiner l'autre jour le cas des enfants S... à la naissance plutôt sujette à caution. Voyons les faits qui présidèrent à leur venue au monde. En 1931, un sieur Armand S..., compagnon charpentier, originaire du Nord, rencontrait une de ses payses dans un bal montmartrois, n s'éprenait bien vite de la belle qui, travaillant dans la lingerie, pouvait sans trop de dépense, exhiber des dessous soveux et affriolants à l'heure où 'on a coutume sur la Butte de lever la jambe en jetant son bonnet par-dessus les moulins. De ce duo d'amour rapide, presque furtif, devait naître une longue et heureuse liaison. La jeune femme se nommait Hélène T..., elle avait vingt-trois ans, quelques économies et bon cœur. Elle plut au brave Armand qui possédait lui-même de véritables dispositions pour être père de famille. Neuf mois après leur première entrevue, Hélène accouchait d'une fille que S... reconnut. Et la vie continua. Malheureusement, ce ne fut pas sans accroc pour le faux ménage. Un beau jour, la jeune maman tomba malade, elle se remit, difficilement, donna encore la vie à deux jumeaux, puis s'affaiblit au point d'inspirer les plus vives inquiétudes. — Tuberculose, décréta le docteur. Il faut Lézin ou alors, céans, de la suralimentation, des remèdes, des soins. Armand S... fit pour le mieux. Mais le mal se prolongeant, les fonds manquèrent vite au logis. — Un secours, se dit-iL.. Je l'obtiendrais s'il n'y avait pas un obstacle. Ma situation de... famille irrégulière. Quand on n'est pas marié, les organisations de bienfaisance font la sourde oreille. — Eh bien ! marions-nous ! proposa Hélène dans un sourire mélancolique. -s S... s'empressa d'obéir à ce vœu de la malade. Il écrivit au maire de son pays, un bourg voisin d'Amiens, pour obtenir les pièces nécessaires. Il écrivit également à Tours afin d'avoir l'acte de naissance de sa femme. Les papiers arrivèrent tous ensemble. Il courut les porter à la mairie dans le but de faire publier les bans. L'employé les prit avec cette nonchalance particulière aux bureaucrates désabusés par la monotonie de leurs jours et se mit à les examiner. Or, à mesure qu'il lisait, sa figure changeait. Il fit des gestes d'étonnement, eut des exclamations de surprise... Armand S... qui avait suivi ce manège avec un émoi croissant interrogea avec inquiétude l'employé : — Mais, enfin, qu'y a-t-il ?... Tout cela est en règle, je pense? — Heu... Évidemment. — Je vais pouvoir me marier ? — Ah, j'en doute ! — Et pourquoi ? — Impossibilité majeure, monsieur ! — Que voulez-vous dire 1 — Oh ! c'est bien simple... La personne que vous voulez épouser... c'est votre sœur î On a beau avoir connu pas mal de jours misérables, être prêt à tout entendre, à tout subir, les tuiles de cette grosseur-là, on les reçoit rarement sans broncher. Armand S... sentit ses jambes se dérober sous lui et, lorsque le fonctionnaire lui eut rendu ses pièces avec un sourire ambigu, il ne se sentit plus le courage d'insister Il s'enfuit pour ne pas avoir à dire que, depuis quatre années, il couchait avec sa sœur et lui avait fait trois enfants, en deux fois, il est vrai, mais sans que cette restriction lui parût absolument consolante. Cependant, le préposé de l'état civil, qui, lui-même en proie à un trouble passager, avait laissé partir l'homme bizarr e venu pour obtenir l'autorisation d'épouser sa sœur, ne tarda pas à se reprendre. Il avait eu le temps de voir que la « fiancée » était mère de trois enfants, et que ceux-ci avaient été reconnus par le « soupirant ». Alors... alors, il convenait d'aviser les pouvoirs répressifs de cet état de choses antinaturel et contraire aux lois... Oui, mais allait-il se souvenir du nom et de l'adresse de ces gens-là ? Il avait bien retenu quelques détails. Le reste était un peu flou... N'importe, ne fallait-il pas empêcher à tout prix cette liaison de se poursuivre telle qu'elle était, c'est-à-dire libre et à l'abri de toute poursuite, puisqu'il n'y avait que lui pour en connaître l'existence. Ce fut — on l'apprend au cours de l'audience qui servira à statuer sur le cas de trois gamins nés dans de si exécrables conditions — ce fut pour l'employé de (Suite page 15.) —IftlIfLJL. LA GUERRE DES GITANS — Savons pas. La loi des romanis, la loi du silence... L'AVIS DE MANOEL Sous la vaste tente aux rayures rouges, vertes et jaunes, couleurs qui évoL'enquête commenC'est là que le magistrat instructeur quent cette ancienne Égypte dont les ça. Deux journées en- l'interroge : romanis de tous les pays du monde se prétières de patients — Que savez-vous de l'affaire ? tendent originaires en même temps que interrogatoires à la suite desquels le parE drame se déroula à — Rien. descendants des pharaons, sous la vaste quet de Clermont-Ferrand et la brigade C h a r b o n n i e r-les-Mines, — Vous étiez pourtant présente ? tente, j'ai vu Manoël. mobile parvinrent à établir les responsadans le bassin de Bras— Bien sûr. Manoël, le chef. bilités des belligérants. sac. — Où ? Plus exactement celui qui dirige les Là, depuis quelques tribus de la région parisienne, fait les majours, trois tribus amies riages, défait les unions lorsque c'est nécesde romanichels, les Metsaire, tranche les différends et même édicté bach, les "Winterten et les des lois nouvelles. Zigler, avaient installé Les lois des gitans... différentes baraques, tirs, Il était pensif, Manoël, pensif et triste, balançoires, loteries et comme au lendemain de la tragédie de même un cinéma. Noyon, qui avait mis aux prises les Carlos Dans deux communes voisines, à la et les Demestre et avait, au surplus, placé Combelle et à Saint-Germain-Lembron, une femme — une Carlos — dans une situadeux tribus rivales, les Bauer et les Steis, tion cornélienne : choisir, pour être tué, avaient monté leurs tentes. son frère ou son mari 1 Dangereuse promiscuité ! Donc Manoël était triste, ce soir-là. Car ne voilà-t-il pas qu'une jeune fille, Mais les (apophtegmes de politesse Georgette Metbach, du clan de Charbonchez les romanis sont gravés dans la pierre nier, accepta de se fiancer avec un jeune et le chef de la « région parisienne » n'ouhomme de la tribu des Bauer. blia pas de me dire, aussitôt mon arrivée : Une tribu ennemie... — Une tasse de thé ? — Qu'as-tu fait ? demanda le chef des — Bien volontiers. Bauer au jeune homme. L'immense samovar de cuivre placé sur Celui-ci baissa la tête et répondit : la table centrale nous fournit bientôt un — Je me suis fiancé. délicieux breuvage parfumé à Pécorce — Tu n'en avais pas le droit. d'orange. -— Je le sais, mais je l'aime. Je n'ai pas Manoël restait pensif et triste. à m'occuper de vos querelles, après tout... Je l'interpellai. — Et, là-bas, chez les Metbach, ils ont — Manoël. accepté cela ? Il releva la tête : — Parfaitement. — Oui... — Les misérables ! — Que pensez-vous de la tuerie de — Je veux me marier. Charbonnier ? — Jamais avec une fille de chez eux ! Son visage bronzé se crispa brusquement. Vaincu, le malheureux jouvenceau rega— C'est pour cela que vous êtes venu ? gna sa roulotte. me demanda-t-il. Que se passa-t-il ensuite ? On le verra — Vous auriez dû vous en douter. plus loin. Toujours est-il que, dans l'aprèsLa belle Georgette, cause de la bataille. — Je m'en doutais, mais j'espérais que midi, les romanichels de'Saint-Germain-Lemvous auriez parlé d'autre chose. C'est bron et leurs alliés de la Combelle allèrent tellement pénible pour nous ! Vous devez Il s'ensuivit douze arrestations : six du demander des explications à ceux de Char— Je prévoyais la bagarre et, lorsque d'ailleurs vous en douter. clan « agresseur » et six du clan « agressé »• bonnier-les-Mines. j'ai vu comment les événements tournaient, J'essayai de m'excuser : Les premiers, les « agresseurs », étaient : — Nous n'avons rien à vous dire, réplije me suis tapie au fond d'une roulotte. — D'accord, mais, n'est-ce pas, les Joseph Steis, quarante-quatre ans ; Maquèrent ces derniers. C'est à ce moment-là que les premières nécessités de la profession... rien Steis, trente-quatre ans ; Charles Steis — Pourquoi avez-vous laissé se fiancer balles ont commencé à siffler. Après, j'ai — Je sais. dix-sep t ans ; Jacob Bauer, trente ans ; Georgette Metbach avec un Baiier. entendu des appels et des cris de douleur : Et, l'air moins rébarbatif qu'auparaJoachim Bauer, trente ans ; Louis Grégorio, — Cela ne vous regarde pas. nos hommes tombaient, abattus par les vant, il enchaîna : trente-deux ans ; inculpés d'assassinat, de -— Attention 1 autres. / — En fait, mon avis ne peut avoir tentative d'assassinat, de complicité et — Comme vous voudrez. — Après ? que peu de valeur puisque les tribus vagade port d'arme prohibée. — Nous allons revenir. — Après, je ne sais plus exactement ce bondes, celles qui vont de ville en viDe et -— On vous attend. Les seconds, les « agressés », se nomqui s'est passé ; on est venu me chercher de village en village, échappent à mon maient : François Winterten, cinquante et Ils revinrent, les Bauer et les Steis, le pour panser les blessés dont plusieurs hurcontrôle ; je n'ai donc pas le droit de proun ans ; Henri Winterten, vingt-deux ans ; soir même, à dix-neuf heures. laient. Puis les gendarmes sont venus, qui noncer un jugement au sujet de la tuerie de Jean Metbach, vingt-quatre ans ; Louis Mais, cette fois, ils étaient armés de fusils. nous ont interrogés. Tout ce qu'on a pu Charbonnier. Cependant, je puis vous dire Zigler, trente-trois ans ; Jean Zigler, Ce fut terrible. Les romanichels étaient dire, les miens et moi, c'est que nous nous que tous les romanis de Paris, à l'annonce trente-deux ans ; Alfred Zigler, trente et une quinzaine de chaque côté et, dès qu'ils étions défendus parce que nous étions de cette nouvelle, ont été profondément un ans, inculpés de meurtre, de complicité virent que leurs adversaires avaient des attaqués. émus. et de port d'arme prohibée. armes, les Metbach, les Winterten et les — Vos fiançailles ? ' « Parce que, vous le savez, lorsque la Zigler prirent les leurs. Et la fusillade éclata. On apprit alors, détail navrant, que la — J'ai eu tort, je le sais, mais je ne guerre éclate entre deux clans de gitans, femme Horneck avait été abattue par un Pendant un quart d'heure, ce fut un véripensais pas que cette promesse de mariage elle ne s'arrête pas comme cela du jour au de ses enfants au moment où elle se précitable feu roulant, tandis qu'on entendait faite à un membre d'une tribu ennemie lendemain. Au contraire, elle dure longpitait au devant des assaillants pour empêcrier les femmes et les enfants. Quant aux amènerait un tel drame. Si j'avais su... temps, longtemps... » cher la sanglante mêlée. habitants de Charbonnier-les-Mines, ils Et, d'un ton lamentable, elle répète Il prit une tasse de thé, la but lentement Puis la maréchaussée, afin d'éviter tout s'étaient prudemment réfugiés et barricainlassablement : et poursuivit : dés chez eux. incident, refoulèrent les Metbach, les Win— Si j'avais su... si j'avais su... — Chez nous, la mort appelle la mort. terten et les Zigler au village d'Habet, où Le maire du pays, M. Malfrett, seul, Pauvre Georgette Metbach, que l'amour II y en aura donc, par conséquent. les romanis purent grouper leurs campefut courageux. Il fit appel aux chasseurs : rendit aveugle au point de ne pas com— On ne peut pas éviter cela ? ments à l'abri de leurs ennemis, entourés — Venez, nous allons faire la police prendre que les règles en vigueur chez les — Impossible. Nos lois sont des lois de leurs voitures bariolées. nous-mêmes. siens, les gitans, ne comportent jamais, en qu'il ne faut pas transgresser : Georgette Cependant, on vit, dans la soirée, pluPersonne ne voulut le suivre : aucune façon, la moindre exception. Metbach ne devait pas se fiancer, sans autosieurs romanichels quitter Habet. — On aime mieux ne pas se mêler de risation spéciale, avec un homme d'une cela. Peur ? L'APPEL Les gendarmes recueiltribu ennemie. Espoir de représailles ? — Pourquoi ? A LA HAINE firent des renseignements — Lui aussi, alors, a des torts ? Les gendarmes, malgré toute leur habi— Avec des gens pareils, on ne sait nouveaux malgré les nom— L'un et l'autre en ont. C'est bien ce leté, ne purent savoir de qui il s'agissait jamais. Faut mieux alerter les gendarmes. breuses difficultés qu'offrent toujours des qu'il y a de terrible dans l'affaire. Car les ni quel était le but de cette sortie nocturne. Ce qu'on fit. recherches dans le monde mystérieux des Mais, lorsque les gendarmes arrivèrent, GKO GUASCO. gitans ; et ces renseignements tendent à (Suite page 14.) pour la deuxième fois, le feu avait cessé et L'INTERROGATOIRE Georgette Metprouver que la bataille entre les deux clans les belligérants s'étaient dispersés. Sur le DE GEORGETTE bach, la resne fut pas aussi spontanée qu'on le croyait champ de bataille, il y avait une morte, ponsable invoLes armes du clan « agresseur ». jusqu'à présent. Thérèse Horneck, trente ans, mère de sept lontaire du drame, est à Clermont-Ferrand, Un habitant de Brassac-les-Mines, vilenfants, et une dizaine de blessés. Un de dans un modeste hôtel, allongée sur un lage voisin de Charbonnier, vint en effet ceux-ci, Jean Steis, trente-six ans devait Ut de fer qu'elle ne quitte pas depuis pludéclarer : succomber peu après chez le docteur sieurs jours, ne cessant de pleurer les morts — J'avais remarqué les allées et venues, Echegu, à Brassac, où il avait été transporté. de sa famille. en automobile, d'une femme de la tribu des Steis, mie nommée Pauline Lafleur, qui poussait à la bagarre les membres des Les romanichels arrêtés arrivent à la gare de Clermont-Ferrand. clans amis. « Il faut « démolir » les Metbach », disait-elle. « Et quelle haine dans ses yeux, quelle méchanceté dans sa voix ! — Croyez-vous qu'elle ait pris une part active à l'attaque ? — J'en suis persuadé. Je me demande même si cette jeune femme n'a pas été l'organisatrice de l'expédition punitive. — Sur quoi basez-vous cette affirmation ? — Sur le fait qu'elle avait l'air de commander. Elle doit être parente ou alliée d'un grand chef romanichel. En possession de cette déposition, les gendarmes se lancèrent aussitôt à la recherche de Pauline Lafleur ; mais ce fut en vain, cette dernière ayant disparu de la contrée sans laisser la moindre trace. Quant à ses parents, faisant preuve de la plus évidente mauvaise foi, ils répondirent aux représentants de la maréchaussée qui vinrent les interroger : — Pauline ? Connaissons pas. — Pauline Lafleur. — Connaissons pas non plus. — Elle habitait chez vous. — Peut-être, mais elle n'y habite plus. — Où est-elle partie ? CLERMONT-FERRAND (Do notre envoyé spécial.) ENQUÊTE ET ARRESTATIONS un paisible eafe-dancing de Haut-deCagnes. Elles s'adonnaient, sans se gêner à quelques rumbas et biguines, deux à deux, lorsqu'un jeune homme, fort beau garçon, ignorant ou faisant semblant d'ignorer « la situation », vint inviter à danser leur cadette, une ravissante NordAfricaine de seize à dix-sept ans qui accepta tandis que ses trois compagnes ainsi que les autres clients « initiés «regardèrent en souriant la scène. Ce sourire des^trois femmes ne tarda pas cependant, àyse transformer en une expression inquiète lorsque le même jeune homme revint à plusieurs ipèjjrises inviter la jeune fille qui le suivit toujpurs sur la piste, non seulement sans déplaisir, mais sans la moindre hésitation. — Partons ! proposa alors au bout d'un court instant leur aînée. Je trouve que, ce soir, ce n'est pas du tout amusant !... — Comment ? Vous voulez vous en aller à dix heures et demie ? Restons encore au moins une heure, implora la jeune infidèle. — J'ai sommeil, Myra. Alors à moins que tu ne veuilles rentrer à pied... — Mais je ne demande pas mieux que de raccompagner Mademoiselle dans ma voiture... offrit avec candeur le jeune danseur. ÎÀ'y,éé une figure d'enterrement, ■îles trois femmes restèrent jusqu'à... minuit, jurant sur toutes les saintes de Lesbos et de ses environs de ne plus jamais revenir à Cagnes. du matin. II a dû aller faire un tour en auto avec ses amis. — Pas d'histoire î Vous savez où il est et je veux que vous m'y conduisiez immédiatement ! Sinon, j'appelle la police. RETENDEZ-V OUS Les propriétaires, le personnel, les clients connaître la de cette boîte d'une rue voisine de la plage Côte d'Azur ? que tout Cannois connaît, en ignorant son Certes, vous y genre, un peu spécial, étaient franchement êtes arrivés en désemparés. Il pouvait être quatre heures sleeping-car ou du matin. Un gentleman venait d'arriver, en modeste troidemandant deux jeunes hommes — dont sième, en Hisson fils —- qui avaient, en effet, passé là une pano-Suiza ou partie de la nuit. Il avait l'air d'un imporen 5 CV Citroën; tant industriel ou d'un haut fonctionnaire vous y avez de province, son visage décidé ne laissant passé vos aucun doute sur sa volonté de faire au «congés payés » ou, tout un hiver, fait les besoin un esclandre. Pour comble de excursions traditionnelles à la Turbie et malheur, la voiture de son fils, une petite aux gorges du Loup, perdu quelques jetons torpédo, le siège taché par le contenu de aux casinos et risqué de timides essais de nudisme dans de petites criques isolées. Je " deux bouteilles de whisky cassées, stationnait devant la porte du dancing, témoivois alors votre air supérieur, car, bien gnant que le jeune homme avait fait en ces entendu, vous avez fait aussi de courtes lieux un passage assez chaloupé. apparitions dans les boîtes de nuit de Le barman et le propriétaire essayèrent Cannes et de Juan-les-Pins, et je vous ende calmer le père en lui promettant monts tends même déclarer : « La Riviera, elle et merveilles à condition qu'il rentrât paime connaît ! » siblement chez lui... lorsqu'un client pasMais vous oubliez qu'habiter l'avenue d'Orléans ne veut pas toujours dire con- sablement ivre, mais ayant cependant conservé assez de lucidité pour suivre la naître les catacombes... et que la Côte conversation, s'avança un verre à la main d'Azur a aussi ses catacombes... Vous vous vers le visiteur : en êtes sûrement approchés, vous les avez — Voyons, mon pote... ne fais pas l'idiot, peut-être frôlées, mais, pour y pénétrer réellui dit-il en ricanant ; tout le monde sait lement, il ne suffit pas de donner à l'entrée que ton fils à papa est allé avec Robert... trois francs et, à la sortie, un pourboire au à la villa N... de Vence... guide. Les guides de chez Cook, pas plus — Tu dérailles salaud ! bondit le barque les brochures des Syndicats d'Initiaman furieux en se précipitant sur le tive, n'en soufflent mot. Même si vous êtes bavard. journaliste, habitué à jeter le coup de sonde, Au même instant, le visiteur sortit précià percer les coulisses des vaudevilles et des pitamment de la boîte et sauta dans drames, vous devez faire appel à toutes les sa voiture. ruses pour découvrir ce qui se cache der— Monsieur ! monsieur ! lui crièrent rière la façade dorée, toujours majestueuse propriétaire, barman et autres clients. Ce et souriante du plus beau pays du monde. n'est pas vrai ! Votre fils n'est pas à Vence, C'est alors cet autre visage qui appamais au Lavandou ! Ne partez pas ! Attenraît. Pour le connaître, suivez-moi... dez î GALANTERIE Les statisticiens, L'homme n'hésita pas un quart de sePARTICULIÈRE qu'on pourrait remconde et, au volant de son auto, démarra placer en l'occurpour ne s'arrêter qu'une trentaine de kilorence par « les mauvaises langues », disent mètres plus loin... à Vence. Là, grâce à un qu'entre Toulon et Menton la moitié des passant matinal, il n'eut aucun mal à troutouristes de « moins de quarante ans » ver la villa indiquée, mais, à sa grande vivent de l'amour. surprise, il arriva en même temps qu'une Je les soupçonne d'exagérer, mais je autre voiture, conduite également par un dois, cependant, constater que nombre homme et qui venait de sens inverse. de couples « Côte d'Azur » sont assez bizarLes deux automobilistes s'arrêtèrent, se rement assortis, l'homme ou la femme, la regardèrent un instant avec un mépris mufemme surtout, ayant souvent près d'un tuel, pour ensuite éclater d'une même indidemi-siècle de plus que son partenaire. gnation. Les temps sont durs, n'est-ce pas ? — Où est mon fils ? à vous rendre impossibles les vacances pro— Où est ma femme ? longées sans le secours d'un protecteur ou — Satyre ! d'une protectrice... Mais la jeunesse sait — Goujat ! se consoler derrière le dos de ces barbons. — Votre fils, mais je ne le connais pas. Et parfois aussi s'égarer... — Je n'ai jamais vu votre femme ! — Je vous en supplie, monsieur, pas de — Comment, vous n'êtes pas M... discandale ! sons... Dulong ? — Où est mon fils ? — Comment ? Ce n'est pas vous le triste — Je vous donne ma parole d'honneur sire qui racole dans cette ignoble boîte de qu'il sera rentré chez vous avant neuf heures Cannes... ? Un couple « Cô/(V d'Azur ». — Mais pas du tout î Je m'appelle Gabriel X... — Et moi, Maurice Y... — Je cherche mon fils, qui est tombé dans les mains de ce salaud de Dulong... — Et moi, ma femme qui, après avoir passé -la nuit dans une boîte louche de Saint-Paul... — Comment votre femme ? Mais je croyais que Dulong... enfin comment vous dire... — Mais je m'en f... de Dulong. C'est sa g_ .. de femme qui détruit mon bonheur conjugal ! 0 0 A peine le père écœuré venait-il de ramener son fils « égaré » par le premier train à Lille et le mari outragé d'intenter un procès en divorce contre sa femme trop féminine qu'une nouvelle affaire non moins cocasse survint pour alimenter lachronique scandaleuse. Un soir, quatre amazones de la « colonie de femmes » de Saint-Paul se rendirent à Elles tinrent d'ailleurs parole en se rendant le surlendemain soir, bien loin de là, à Villefranche, pavoisée et en fête à l'occasion de l'escale de quelques unités de la flotte anglaise. A peine eurent-elles pris place dans un des bistrots pittoresques du port où, au son d'un orchestre improvisé, marins, peintres, pêcheurs, filles et riches Américaines se mêlent dans un ensemble très montparnassien, que le jeune homme surgit, enlevant la belle Myra pour la danse... Dès ce jour, le petit jeu des « rencontres inattendues », aujourd'hui à Nice, demain à Sainte-Maxime, après-demain à Monte-Carlo, dura un mois entier. Jusqu'au beau matin où le jeune homme (fils d'un célèbre éditeur belge) reçut dans sa villa de Cros-de-Cagnes la visite des trois « amies » de son adorée. — Monsieur, lui dirent à peu près les trois amazones en furie, nous sommes toutes trois d'excellentes tireuses, pugilistes et même lutteuses, aussi, si vous ne tenez pas à être défiguré, à recevoir une balle dans le dos ou à être victime d'un « accident d'automobile mystérieux », quittez, heureux d'avoir pu obtenir ses œillets convoités, n'insista pas, sachant que rien n'est plus difficile que de persuader les gens de la vérité. Il se contenta sans doute de sourire, comme fit, il y a quelques années sur la même Côte d'Azur, encore un Américain, frère d'un grand artiste comique de l'écran. Celui-ci, également à court d'argent, demanda un jour deux places gratuites à un cinéma de Nice, qui projetait un film de son frère, invoquant sa parenté avec l'illustre acteur. — Ces resquilleurs n'ont vraiment aucune pudeur, riposta furieux le directeur du cinéma ; en voilà un qui ose prétendre être le frère d'un homme qui, comme tout le monde sait, est enfant unique ! Les directeurs de cinéma ne savent pas tout. 0 Une autre aventure amoureuse de... fauché, plus délicate et plus cocasse, arriva, il y a peu de temps, à un jeune prince de Hohenzollern. . Beau garçon et « coureur » réputé, il ne dédaigne pas, au cours de ses fréquentes randonnées en Italie, de « faire un saut » sur la Riviera française, dans l'espoir d'y rencontrer quelques nouvelles âmes sœurs. C'est ce qui lui valut un jour de se faire conduire en voiture à Nice, par une riche et jeune Suédoise, dont il venait de faire la connaissance à MonteCarlo. Là, brûlant les étapes, le couple ne tarda pas à entrer dans un hôtel accueillant de la rue de France, mais; au moment de payer la chambre... à l'avance, le prince s'aperçut qu'il n'avait pas d'argent français sur lui. Il dut courir après la jeune femme qui La romantique fugue se termina en Égypte par un heureux màriage. aujourd'hui même, la Côte d'Azur. — Je répondrai à vos menaces par une autre, riposta le garçon nullement impressionné. Si vous ne laissez pas Myra faire ce qu'il lui plaît, j'écrirai à sa mère, dont j'ai l'adresse, et je lui apprendrai dans quel milieu se trouve sa fille. — Monsieur, nous pouvons vous épargner cette peine. Sa mère est une de nos amies, et, dans la lettre que voici, elle désapprouve complètement le flirt dangereux dans lequel vous avez entraîné Myra. — Quelle plaisanterie ! balbutia-t-il candidement, en lisant la lettre maternelle dont le moins qu'on pût dire est qu'elle était inattendue ! — Alors maintenant, vous êtes prévenu ! Bon voyage, sinon... Suivant le conseil de ses chères visiteuses, il partit le soir même... mais avec Myra. Cependant, dès son arrivée en Belgique, le couple fut appréhendé par la police qui, sur la plainte de la mère, voulait ramener la jeune fille chez les bonnes dames de Saint-Paul. Fort heureusement, les autorités, mises au courant de la véritable situation, refusèrent de se prêter à cèttemanœuvre. Aujourd'hui, Myra, placée dans une pension de la Côte Belge, n'attend que la décision de son tuteur, qui lui fut désigné d'office, pour épouser son fiancé et... sauveur. 0 0 Mais détrompez-vous, les histoires de ce genre se terminent plus souvent par des drames que par de riches mariages. Pour rester dans le domaine des mineures, l'hiver dernier ne vit-on pas, parmi les habitués d'un dancing niçois, dont les spécialités sont justement les attractions de seize, quinze et même quatorze ans, un riche architecte arménien ? Celui-ci s'intéressait surtout à une petite Italienne, qui aurait pu être sa petite-fille et à qui il promit ciel et terre, ou plus exactement une voiture, des bijoux, un engagement au cinéma. Les promesses restant irréalisées, la jeune prodige s'orienta bientôt vers d'autres bienfaiteurs du même âge. Puis,subitement, elle disparut de la côte, partie, disait-on, en croisière. Enfin, elle revint en avril et alla trouver son exbienfaiteur. — Tu me dois assez de promesses, lui dit-elle, pour qu'une fois tu puisses vraiment faire quelque chose pour moi. J'ai trouvé une riche poire, un idiot de fils à papa, fou de moi et prêt à m'épouser. Mais je n'ai que quinze ans et demi et, mon père étant émigré, les Italiens ne me donneront jamais l'autorisation de me marier, il faut donc que tu me procures un faux acte de naissance italien qui prouverait que j'ai au moins dix-neuf ou vingt ans. Une fois de plus, l'Arménien promit tout et, le même soir, eut l'étrange surprise de rencontrer à la terrasse d'un café la petite oie blanche en compagnie de... son propre 0 Un client passablement ivre s'avança, un verre à la main, vers le visiteur. fils, mais qui, naturalisé et ayant fait son service militaire en France, avait échangé aussi son nom arménien contre un autre plus gaulois. — Permettez-moi de vous présenter mon fiancé... M. Y..., un vieil ami de ma famille. Surprise, bredouillement... et, comme vous le devinez sans doute, le mariage n'eut jamais lieu. Transportons-nous de Nice à Cannes. Ce n'était pas un richissime vieillard d'Arménie, mais un authentique infant d'Espagne, qui, quelques semaines avant la guerre actuelle, vivait autour de la Croisette, dans une purée des plus verdâtre. Il n'en était pas moins amoureux d'un fort joli mannequin et ses dettes s'accumulaient chez le fleuriste. Ce qui ne l'empêcha pas d'entrer un soir, non sans hésitation, chez son fournisseur, après s'être rendu compte, de l'extérieur, que seule une vendeuse se trouvait dans la boutique. — Mademoiselle, dit-il à cette charmante enfant, je suis honteux et confus, je vous dois déjà le • prix d'une dizaine de roses, mais, si vous avez du cœur, vous me ferez encore crédit d'un bouquet de vos plus beaux œillets. Je suis invité à dîner ce soir par une jeune fille qui est le plus grand amour de ma vie et j'ai exactement 2 fr. 75 en poche. Voici ma carte et je vous donne ma parole d'infant d'Espagne que ma dette antérieure, ainsi que celle-ci, seront payées après-demain à six heures du soir. La jeune vendeuse, sentimentale comme il seyait à ses dix-neuf ans, jeta en souriant un coup d'oeil machinal sur la carte pour se tourner subitement et quelque peu dépitée vers son c lient : — Naturellement, je veux bien vous faire crédit d'un bouquet d'œillets, monsieur, mais pourquoi voulez-vous vous faire passer à tout prix pour un prince espagnol ? Tout porte à croire que l'infant, trop AMOURS MONDAINES AMOURS ROYALES gravissait déjà les marches le l'escalier et lui emprunter quelque monnaie. Cet incident, au fond banal et innocent, suffit pour éveiller les soupçons de l'hôtelier qui, devant la riche et jeune étrangère naïve et le beau jeune homme qui lui faisait payer la chambre après s'être fait conduire par elle, pensa tout de suite à une affaire de traite de blanches î Raconter ses soupçons par téléphone à un inspecteur de police ne fut l'œuvre que de quelques instants. Arrivé sans retard, le policier eut cependant le tact d'attendre avec patience la sortie du couple et ce ne fut que lorsque celui-ci fut remonté en voiture que, sous un prétexte quelconque, il Celui-ci s'intéressait surtout à une petite Italienne, qui aurait pu être sa petite-fille. lui demanda ses papiers... et tranquillisa l'hôtelier I UNE NUIT D'AMOUR DE 100 000 FRANCS POUR RIEN. Mais, s'il arrive fréquemment aux amoureux de la Côte d'Azur de n'avoir plus de quoi payer leur bouquet de roses ou leur... chambre d'hôtel, la Riviera ne manque pas non plus d'amateurs galants, prêts à donner des sommes respectables, pour une nuit... ou une heure d'amour, Cependant, verser cent mille francs d'avance à une belle pour finir par lui poser un lapin, c'est une aventure qui n'arrive pas tous les jours, même aux bords de la Méditerranée. Cette incroyable prodigalité débuta au bar du Casino de Juan-les-Pins où un riche aristocrate hongrois (qui, ainsi que sa femme, comptait parmi les assidus des salles de jeu) regardait avec une admiration croissante une ravissante jeune femme assez légèrement vêtue. Il lia enfin conversation avec elle, puis, encouragé par le Champagne et les œillades de la belle : — Mademoiselle, s'écria-t-il, vous êtes si belle... que je donnerais... je donnerais... je ne sais ce que je donnerais pour passer une nuit avec vous ! — Eh bien, combien donneriez-vous ? demanda l'ange en question. — Combien î Vous demandez combien ? Mais... tous les jetons que j'ai en poche. Attendez que je les compte... 20, 30, 60, 90... 100 000 francs. Les voici! — Vous plaisantez, monsieur. Mais... ce n'est pas passible ! — Je ne plaisante pas et je vous donne les jetons tout de suite. Où habitez-vous 1 Encore sous le coup de sa première stupeur, elle nomma une petite pension de troisième ordre.. — Ah !... ça ne va pas. On me connaît trop à Juan pour que je puisse aller passer une nuit dans votre pension. Si ma femme n'était pas ici, je vous demanderais de venir chez moi... Mais rien n'est plus simple : vous allez prendre une chambre pour une nuit au palace où j'habite moi-même. Et demain, à minuit et demie, vous en laisserez ouverte la porte... Maintenant au revoir... à demain... Ma femme et mes partenaires m'attendent au « bac ». Il disparut, laissant la jeûne fille fort perplexe et les mains remplies de jetons. Les deux témoins de la scène, deux amis du Hongrois, lui affirmèrent que cette « plaisanterie » était très sérieuse. Elle finit par y croire et emménagea le lendemain dans le palace où, à partir de minuit et demie, elle attendit non sans émotion l'arrivée de son riche amoureux. Elle attendit une heure... deux heures... trois heures... puis s'habilla et, n'osant rien demander au portier, elle retourna au casino, non seulement surprise, mais blessée dans son amour-propre, pour'y apprendre que le Hongrois, en train de livrer une des plus grandes batailles de « 30 et 40 » de la saison..., avait complètement oublié le rendez-vous ! Il y aurait sans doute songé un peu plus tard, si, après avoir gagné une somme considérable, il n'avait reçu un coup de téléphone de Budapest qui le décida à partir sur-le-champ. (Suite page 12.) MONIQUE SERGE. La lamé était légèrement recourbée et adaptée à un manche de bois. RÉSUMÉ DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS. Chargé de trouver qui a tué l'acteur de cinéma Leslie Delmond dans l'appartement de l'artiste londonienne Laureen, l'inspecteur Reynolds va de mystère en mystère. Il soupçonne Laureen et son ami le millionnaire Lansberg; il soupçonne aussi une certaine Valérie Baird qui, sans qu'il le sache, s'est évadée d'un hôpital où elle avait été amenée à la suite d'un accident; il recherche un homme sans pouce et un mystérieux Tony, que sont venus chercher à Paris deux amis de Laureen, le peintre Dick Spencer et Lady Avice. Au moment où il se croit sur le point de découvrir Tony, il s'aperçoit qu'il a été joué par Lady Avice. Et l'affaire se complique, car, à son tour, Lady Avice est partie en avion avec un homme qui, sans doute, est Tony. Déçu, Reynolds rentre à Londres. Mais, pendant son voyage, son frère est arrivé dans cette ville, revenant des colonies; en rentrant du cinéma avec sa belle-sœur, il est grièvement blessé par un inconnu d'un coup de couteau dans le dos. XIX (1). Empreintes digitales» Reynolds était comme un cheval qui sent l'écurie lorsqu'il descendit du train, le mercredi soir, avec Spencer. L 'INSPECTEUR (1) Voir Police-Magazine, n" 391 à 407. — Vous me trouverez à mon atelier ce soir, inspecteur, annonça u le peintre. Ou, si vous préférez, f j'irai vous trouver à Scotland Yard. — Je vous téléphonerai demain matin, répondit le détective distraitement. Il avait d'autres choses plus importantes à faire. « Une voix de fausset ? » C'était peut-être la solution de cet appel téléphonique. Était-ce la voix de Delmond avant quILfût assassiné ? Mrs. Carter avait e^ëntlulies votxrd'hommes par le tube acoustique. Était-ce l'un d'eux qui avait parlé au téléphone ? Reynolds entra dans son bureau d'un pas vif, comme w^n-Kqridervoyagerà: Paris ne lui avait causé aucune fatigue. — Eh bien! Jenkins, vous«vez reçu mes télégrammes ? Quoi de neuf? demanda-t-il. Jenkins se leva, le vJsage_sombre ; ~ii jouait avec un porte-plume; — J'ai de mauvaises nouvelles pour vous, commença-t-il. L'inspecteur le regarda, les sourcils froncés. — Lady Avice Garth n'est pas rentrée chez elle ? demanda-t-il. Jenkins secoua la tête. — C'est votre frère, monsieur. II a reçu un coup de couteau hier soir, vers onze heures et demie, dans votre jardin. Mrs. Reynolds l'a trouvé et a téléphoné. Heureusement, le docteur Tempest a bon espoir : il le sauvera ! — Bill ! s'écria Reynolds, stupéfait, mais il n'a pas un seul ennemi ! Puis une lumière se fit en lui : — On l'a pris pour moi, nous sommes à peu près de la même taille. Reynolds serra les poings; il remuerait ciel et terre, mais ne laisserait pas ce crime impuni. — Je trouverai le scélérat qui a blessé mon frère 'ou je changerai de métier ! Jenkins eut l'air soucieux : — Je suppose que ce n'est pas quelqu'un qui a trempé dans l'autre crime, suggéra-til. Son chef réfléchit une minute. Certainement aucune femme n'aurait pu faire cela. Bill était très fort; quant à Lansberg, c'était in\Taisemblable. Spencer, Tony et l'homme sans pouce étaient à Paris au'moment de l'attentat. — Non, répondit-il lentement, je ne crois pas. D'ailleurs comment connaîtraiton mon adresse ? Il y a des douzaines de Reynolds dans l'annuaire et la situation n'est pas spécifiée. Jenkins regarda son chef. Il se rappelait qu'il avait outrepassé ses instructions et qu'il avait un aveu à faire, car le souvenir lui revenait que, sur le bureau de Lansberg, il avait vu l'adresse particulière de l'inspecteur Reynolds écrite sur une feuille de papier. Le détective regarda le visage égaré de Jenkins avec étonnement. Que diable avait son fidèle collaborateur ? Ce n'était pas son frère à lui qui avait été blessé I — Avez-vous le couteau avec lequel on l'a frappé ? demanda Reynolds. Jenkins ouvrit un tiroir et en sortit une boîte en carton. — Il est là, monsieur. Le docteur a eu soin de ne pas toucher le manche. L'inspecteur souleva le couvercle et regarda l'arme. La lame était légèrement recourbée et adaptée à un manche de bois. — On n'en voit pas beaucoup de ce modèle, grommela Reynolds, en repoussant la boîte avec un frisson. Des empreintes digitales ? Avant de répondre, Jenkins referma la boîte dans le tiroir. — Trois sortes différentes. Elles sont un peu les unes sur les autres, mais cependant très distinctes. La main droite dans chaque cas. Deux de ces empreintes ont été identifiées. Reynolds se leva d'un bond. — Un pouce manque ? demandat-il. Jenkins secoua la tête, et Reynolds ajouta : — Non, c'est vrai, l'homme était à Paris, mais il aurait pu manier le couteau avant. Soudain, il remarqua l'air soucieux de son collaborateur et les gouttes de sueur qui perlaient sur son front. — Qu'avez-vous donc ? Etes-vous malade ? Jenkins poussa un soupir : — Non, monsieur, mais je suis dans de jolis draps ! Quand vous êtes parti pour Paris, j'ai essayé d'être habile et de vous aider. Je crains d'être responsable de l'accident arrivé à votre frère. — Vous, responsable ! répéta le détective. Etes-vous fou ? Asseyez-vous, Jenkins et ditesmoi tout. Jenkins se laissa tomber dans un fauteuil et raconta comment il s'était introduit chez Lansberg, sa ruse pour s'emparer de la clé, ses Pourquoi Néron aurait-il caché cette chemise et ce gilet sous le matelas ? recherches dans l'apparcoffrefort avec sa merveilleuse collection de pierreries. Le détective l'interrompit : ^^'^siu4trange,-remarqua-t-il, les célibataires ne collectionnent pas en géff~ les diadèmes, les colliers et les comme vous en avez vu dans ce coffre —fort, à moins~q"gîls^iie~soieM mnnaisseurs ou voleurs. Lansberg semble trop austère pmir ftntrpr dans la première catégorie et trop riche pour la seconde. Continuez votre histoire, Jenkins. Vous avez refermé le coffre-fort et vous êtes parti sans que personne vous voie ? Jenkins s'épongea le front. — C'est là le malheur, monsieur. Je n'a* pas pu refermer ce maudit coffre-focL' J'avais décidé de partir quand j'ai entendu quelqu'un qui entrait. L'inspecteur Reynolds se leva et arpent la pièce d'un air sombre. Jenkins le suivait des yeux, s'attendant à de violents reproches. A sa grande surprise, il n'en reçut pas. Une main se posa sur son épaule et Reynolds remarqua d'une voix bienveillante : — Vous avez risqué gr^s. ( Le jeune homme prit un paquet, l'ouvrit et montra à l'inspecteur étonné une chemise empesée et un gilet de soie. — J'ai trouvé cela sous le matelas dans la chambre du domestique, monsieur, déclara-t-il. Il montra une balafre dans le plastron empesé et une autre dans le gilet. Reynolds examina les deux vêtements à la loupe. •— La chemise n'a pas été complètement transpercée et sans doute la peau n'a pas été atteinte, annonça-t-il. Jenkins avait encore une révélation à faire. — Sur la dernière étagère du coffre-fort de Mr. Lansberg, monsieur, j'ai vu le couteau qui a frappé votrefrère, dit-il lentement. L'inspecteur Reynolds tressaillit. Il devinait la suite des événements. Le domestique de Lansberg avait trouvé le coffre-fort ouvert et deviné que l'inspecteur avait fouillé l'appartement. Reynolds se rappelait l'hostilité qu'il avait lue dans les yeux de Néron. Son dévouement à Lansberg était évident. Autrement, pourquoi auraitil caché cette chemise et ce gilet sous son matelas ? Quand il s'était aperçu que ces deux pièces à conviction lui avaient été dérobées, saisi d'un désir de vengeance, il avait pris l'arme dans le coffre-fort et avait erré devant la maison de Reynolds, dans l'obscurité. Une autre idée frappa le détective. Comment ce couteau se trouvait-il dans le coffre-fort de Lansberg ? A qui l'avait-il pris et quand ? Il se hâta de demander : — De qui étaient les empreintes digitales qu'on a trouvées sur le manche ? — Celles de Lansberg et celles de Delmond. — Lansberg 5 s'écria le détective. Vous en êtes sûr ? — Nous avons relevé ses empreintes sur un étui à cigarettes laissé dans l'appartement de Laureen, répliqua Jenkins, et de nouvelles aujourd'hui sur le volant de son auto. Reynolds donna un coup de poing sur la table. — Voyez-vous ce que cela signifie, Jenkins ? Ce couteau devait appartenir à Delmond et il a évidemment frappé Lansberg la nuit où il a été assassiné, comme cette chemise trouée le prouve. Ainsi Lansberg était dans l'appartement de Laureen. Il a dû saisir le couteau après avoir chloroformé Delmond et l'a enfermé dans son coffre-fort... Des papillons ! continua-t-il. Dans ce cas le papillon a des cheveux dorés et un joli visage !... Je me demande comment il va expliquer tout cela. — Voudriez-vous les empreintes digitales du domestique de Lansberg ? demanda Jenkins. — Je les aurai, je vous en donne ma parole ! s'écria l'inspecteur. Elles me sont indispensables. Il se calma un peu. Son imagination ne l'entraînait-elle pas trop loin ? Pourquoi un homme dans la situation de Lansberg commettrait-il un assassinat ? Certainement pas pour obtenir la main de Laureen, qui, à moins que Reynolds ne se trompât beaucoup, détestait Delmond et n'avait que de la sympathie pour Lansberg. Et comment expliquer aussi le rôle de "4HëiBSèn£f-'-le II fouilla les tiroirs, les placards, enleva les tableaux de leur cadre et les jeta par terre. Tony, de Spencer, de Lady Avice et de Mrs. de Groot ? Et Valérie Baird ? Et le paquet de lettres ? Et qui était l'homme sans pouce qui, sans aucun doute, avait séjourné dans l'appartement de Laureen comme le prouvaient les empreintes relevées sur la table ? Reynolds décida qu'il n'avait pas encore atteint la vérité. — A-t-on surveiller les ports ? demanda-t-il brusquement. Le visage de Jenkins s'assombrit. — Aucune nouvelle de ce côté-là, monsieur, répondit-il. On n'a vu nulle part un homme sans pouce. Son chef ne montra aucun signe de désappointement. — Je m'y attendais. Téléphonez à Lady Avice Garth, Warnham House, et, si elle est arrivée, dites que je veux lui parler. Jenkins demanda le numéro et tendit le récepteur. — Ici, l'inspecteur Reynolds, de Scotland Yard... Elle a laissé un message. Voulez-vous me le répéter ? Il couvrit le récepteur de sa main et se tourna vers Jenkins. — Prenez cette conversation en sténo, chuchotat-il. « Lady Avice Garth est arrivée à quatre heures et a dit qu'elle se rendrait à Scotland Yard à onze heures du matin demain jeudi, pour voir l'inspecteur Reynolds », répéta-t-il. «Lady Avice Garthétait-elle .seule quand elle est arrivée Oui... Où est-elle allée maintenant ?... Elle ne l'a pas dit. » •' B raccrocha avec colère. — Cette maudite affaire finira par me faire perdre la tête, Jenkins. Il y à trop de femmes là-dedans et les hommes ne veulent pas parler. Ils font tous leur petit Don Quichotte, mais cela complique terriblement ma tâche. A ce moment, on frappa à la porte et il cria : « Entrez y. — Un homme demande à vous voir, monsieur, annonça un agent. Il croit que Delmond a pris pension chez lui. —■ Faites-le monter tout de suite, ordonna Reynolds. Un homme chétif, aux yeux mobiles entra et s'assit sur l'invitation de l'inspecteur. — Vous croyez que l'homme assassiné a pris pension chez vous ? demanda brusquement Reynolds. — J'ai reconnu la photo dans le journal et je crois bien que c'est lui qui a occupé une chambre dans mon hôtel jusqu'à dimanche dernier. L'inspecteur 1 ' e x a m i n a attentivement. — C'est aujourd'hui jeudi, remarqua-t-îl. Les photos ont paru dans le journ^dès lundi matin. Il vous a fallu deux jours pour le .reconnaître ? L'homme s'agita avec inquiétude. — On n'aime pas beaucoup- à être mêlé à une histoire d'assassinat, gémitil. — Où se trouve votre hôtel ? — Près d'Euston Station, répondit l'homme. D'ailleurs, je ne savais pas qu'il s'appelait Delmond. Il avait donné comme nom Leslie Jackson. La porte est fermée à clé et il a emporté la clé. — J'irai vous voir demain, promit l'inspecteur. Combien de temps a-t-il logé chez vous ? — Un mois. Il payait bien et ne donnait aucun ennui ; il était dehors toute la journée. Aussi, comme je n'avais pas à me plaindre de lui, j'ai pensé que j'attendrais son retour. — Et la photographie vous a appris qu'il avait été assassiné, observa le détective. Recevait-il des visiteurs ou des lettres ? — Aucune lettre n'est arrivée pour lui, mais j'ai trouvé une fois, une enveloppe déchirée adressée à L. Delmond, poste restante, Charing Cross. C'est probablement là qu'il faisait adresser son courrier. Quant à ses visiteurs, je ne m'occupe pas des affaires des autres tant qu'on me paie et qu'on ne fait pas de chahut. v — Répondez à ma question, insista l'inspecteur. Avez-vous jamais vu quelqu'un chez lui ? -— Je crois qu'une dame, un jour, est montée à sa chambre, mais je n'en suis pas sûr. — Mince et jeune ? Blonde ou brune ? demanda l'inspecteur. — Ni l'un ni l'autre, affirma l'homme. Elle était d'un certain âge avec des cheveux gris et une toilette élégante. On voyait que c'était quelqu'un de la haute. — Vous êtes sûr qu'elle était d'un certain âge ? questionna l'inspecteur. N'était-ce pas une jeune femme déguisée ? — Sûrement non. D'ailleurs, je la connais, je l'ai revue depuis. — Où ? — Je suis allé voir jouer Laureen lundi soir ; j'étais au parterre. Dans une loge, j'ai reconnu la dame que j'avais vue chez moi et j'ai demandé son nom à l'ouvreuse. Le détective réprima son impatience : — Et qui était-ce? demanda-t-il. —■ La comtesse de Warnham ; sa nièce l'accompagnait, elle s'appelle Lady Avice Garth. XX EiSk troisième clé. La comtesse de "Warnham ! répéta le détective quand l'hôtelier fut parti. Vous avez entendu, Jenkins ? Encore une femme ! Je me demande pourquoi Delmond avait tant de succès. Jenkins haussa les épaules : — D était assez beau, à en juger d'après ses photographies. D'ailleurs, un acteur de cinéma a toujours un certain prestige. — Du prestige ! s'écria Reynolds avec dédain. Une femme de l'âge et du rang de la comtesse de Warnham ne se laisse pas éblouir si facilement. Et cette Américaine, Mrs. de Groot ? Elle a bien trente ans, ce n'est plus une ingénue. Cependant, elle était folle de lui. — N'exerçait-il pas sur elles une sorte de chantage, monsieur ? suggéra Jenkins. — Peut-être ; mais l'amour de Marie de Groot pour Leslie Delmond était sincère. En apprenant sa mort, elle a eu beaucoup de chagrin. Elle a même été jalouse de son amie Lady Avice quand elle a su que celle-ci avait écrit à Delmond récemment. L'inspecteur avait raconté son séjour à Paris à son collaborateur. Il avait grande confiance en Jenkins. — Vous avez fait du bon travail à Paris, monsieur, commenta Jenkins. Vous êtes maintenant sûr que l'homme sans pouce connaît'Mrs. de Groot et Lady Avice . Vous avez découvert le lien qui existe entre Mrs. de Groot et Delmond. Et vous savez que Tony est mêlé à toute l'histoire. Voulez-vous que je consulte la généalogie de Lady Avice ? demanda-t-il. Reynold fit un signe affirmatif. — Dites-moi tout ce que vous pourrez trouver sur elle et sa famille, dit-il. Je sais seulement qu'ils sont presque sans le sou et que le père dé Lady Avice, le comte de Brentshire, est un vieux joueur qui ne quitte guère Monte Carlo. Au bout d'un moment, Jenkins leva les yeux du gros livre rouge qu'il feuilletait. — Lady Avice a trois frères, annonça-t-il, et le plus jeune s'appelle Anthony. — Ah, ah ! s'écria l'inspecteur. Tony est l'abrégé d'Anthony. Il prit le récepteur et demanda un numéro. Après une brève conversation, H raccrocha, l'air très satisfait. — Le frère aîné de Lady Avice est aux Indes avec son régiment. Les deux plus jeunes sont à l'étranger et on ne les a pas vus depuis des années. L'un était dans la diplomatie, mais a donné sa démission. L'autre s'occupait d'art et on suppose qu'il est à Paris dans une banque. C'est notre Tony, j'en mettrais la main au feu. Il jeta un coup d'ceil à sa montre. — Eh bien, j'en ai assez pour ce soir. Si on téléphone, de la clinique, dites qu'on m'appelle chez moi. Bonsoir. La rue était déserte. Quelques secondes auparavant, l'agent de garde avait fait sa ronde en projetant le rayon de sa lampe électrique sur chaque porte. Un homme tourna le coin ; il marcha rapidement jusqu'à ce qu'il eût atteint la maison qu'il cherchait. Et il jeta un regard furtif autour de lui, puis disparut sans bruit à l'intérieur. Il s'arrêta devant la porte de l'appartement, tendit l'oreille et sonna. Son cœur battit en entendant le petit carillon, mais personne ne vint. Après quelques minutes d'attente, il introduisit une clé dans la serrure. Il entra, referma la porte et resta immobile dans le vestibule obscur. Le silence n'était troublé que par le bruit des voitures qui passaient dans la rue. A pas de loup, il fit le tour de l'appartement. Sûr qu'il était seul, il se mit enfin au travail. D'abord il fouilla les tiroirs et les placards lentement et avec méthode. Comme il ne trouvait pas ce qu'il cherchait, des gouttes de sueur parurent sur son front. Il commençait à perdre son sang-froid ; il éventra des coussins et des fauteuils avec un couteau emprunté à la cuisine, enleva les tableaux de leurs cadres et les jeta par terre. Une porte était fermée à clé, mais il l'enfonça facilement d'un coup d'épaule. Dans l'intérieur de la pièce se trouvait un grand fauteuil de cuir. Il s'agenouilla devant, espérant que ce meuble avait pu servir de cachette, mais ce fut en vain. L'inconnu revint dans le vestibule, titubant comme s'il avait bu et sans crainte maintenant d'être vu ou entendu. Il ferma la porte derrière lui et descendit. Il arriva à l'Embankment et s'assit sur un banc, frissonnant bien que la soirée fût chaude. Lorsqu'un agent s'approchait de lui, il se levait, faisait quelques pas et revenait s'asseoir. Vers l'aube, son désespoir parut se calmer. Il traversa un pont et se dirigea vers la chambre qu'il occupait dans une rue sordide, au sud de la Tamise. Le jeudi matin, de bonne heure, l'inspecteur Reynolds téléphona à la clinique et apprit que Bill avait passé une bonne nuit. Un peu rassuré, il se rendit à Euston pour examiner la chambre de Delmond. — Où étiez-vous quand la comtesse de "Warnham est venue ? demanda-t-il à l'hôtelier. Je l'ai croisée dans l'escalier. — Peut-être allait-elle voir quelqu'un au premier ou au second étage, insinua le détective. L'hôtelier le regarda d'un air sceptique. — Alors qu'aurait-elle fait dans l'escalier du troisième ? riposta-t-il. Reynolds hocha la tête. — Qui habite au troisième étage et audessus ? demanda-t-il. — Un homme et sa femme qui ne rentrent que le soir ont la chambre voisine de celle de Mr. Leslie Jackson ou Delmond. A cet étage, il n'y a qu'une autre pièce qui est libre depuis des semaines. Au quatrième, habitent quatre commis de magasins qui sont mes locataires depuis quatre ans. — Vous étiez donc sûr que cette dame allait voir Delmond puisque les autres locataires étaient sortis ? — Je l'ai supposé, c'est tout, dit l'homme maussade. L'inspecteur leva le doigt : — Écoutez-moi bien, mon garçon, ditil. Si vous ne répondez pas volontiers à mes questions, vous y répondrez de force. Conduisez-moi à la chambre de Delmond. — Elle est fermée à clé, monsieur, et le locataire a emporté la clé. — Nous essaierons celle-ci. Je l'ai trouvée dans la poche de Delmond. Sur le palier du troisième étage, l'hôtelier s'arrêta et indiqua une porte. — C'est sa chambre, monsieur, dit-il poliment. Je vous montrerai les autres si cela vous intéresse. Il ouvrit les deux autres portes ; l'une des pièces ne paraissait pas habitée ; l'autre l'était, mais les locataires étaient sortis. Reynolds introduisit dans la serrure la clé qu'il avait trouvée sur le mort et entra dans une chambre assez spacieuse. Il regarda autour de lui : les objets qui couvraient la table de toilette et la cheminée en disaient long sur le caractère de Delmond. L'inspecteur vit une bouteille de parfum, un vaporisateur, une boîte de poudre, un onglier, de la brillantine et des brosses à monture d'argent. Une pile de romans et de vieux journaux occupaient les chaises. Sur la cheminée s'étalaient diverses photographies d'étoiles de cinéma. Il y avait bien aussi une demi-douzaine de portraits du mort dans divers costumes. ^L'armoire et la commode montraient que Delmond était amateur d'une élégance un peu vulgaire. Reynolds fouilla les poches, mais ne trouva que de vieux tickets d'autobus. — Où sont ses ? demanVers l'aube, ilsedirigea bagages vers sa cliambre, dans da-t-il. L'hôtelier une rue sordidemi bord ouvrit un placard de la Tamise. et en tira deux valises. L'une était vide. Dans l'autre, l'inspecteur trouva un petit coffret. Il l'ouvrit avec une des clés trouvées sur Delmond et le referma en voyant qu'il contenait des papiers. — Je vais prendre cela^ annonça-t-il. Cette chambre sera de nouveau fermée à clé. Personne ne doit y entrer sàns ma permission. —- Bien, monsieur, répondit l'hôtelier. — Vous rappelez-vous quel jour la vieille dame est venue voir Delmond ? demanda le détective. — Oui, monsieur, répondit promp tement l'homme. Vendredi dernier, vers trois heures de l'après-midi. C'était le 28 juin, deux jours avant l'assassinat de Mr. Delmond. — Comment se fait-îî que vous en ayez gardé un souvenir si précis ? demanda l'inspecteur d'un ton soupçonneux. — B. avait plu toute la nuit et, le matin, mes locataires qui logent au quatrième m'ont dit que l'eau entrait dans leur chambre. Je suis allé voir l'après-midi, et je me rappelle bien que c'était vendredi. — Vous avez le téléphone ? demanda l'inspecteur. L'homme montra un renfoncement derrière la porte du vestibule. . — Avez-vous jamais entendu Delmond téléphoner à quelqu'un ? ' L'hôtelier secoua la tête : — Il n'a jamais appelé quelqu'un autant que je sache, mais, une ou deux fois, on l'a demandé. Chaque fois c'était une femme qui parlait, assez jeune, je crois. — Vous ne vous rappelez pas quel jour on Ta appelé au téléphone ? L'homme réfléchit une minute : — On a dû l'appeler jeudi ou vendredi dernier. La seconde fois, c'était dimanche dernier vers une heure et demie. J'étais en train de dîner. B indiqua la pièce près du téléphone. Les yeux du détective brillèrent. — Continuez, dit-il. — J'ai appelé Mr. Delmond. Il est descendu tout de suite, mais je n'ai pu entendre la conversation, excepté qu'il disait : * Vous n'avez donc rien à ajouter à votre lettre ? Eh bien ! nous verrons ». « Il a ouvert la porte et m'a remercié et m'a dit : « Votre dîner sent bon ». Je lui ai répondu en riant : « Je vous invite ». Mais il a répliqué qu'il était obligé de sortir. Je ne l'ai plus revu, ajouta l'homme. —■ Une dame l'appelle au téléphone jeudi. La comtesse de Warnham vient le voir vendredi à trois heures et demie et la première dame le rappelle à une heure et demie le dimanche 30 juin, résuma l'inspecteur. C'est cela, monsieur, répondit l'hôtelier. — Qui répond au téléphone quand vous n'êtes pas là ? — Personne. Ma femme est sourde comme un pot, et la vieille bonne ne saurait pas répondre. Dans son bureau, Reynolds ouvrit le coffret et examina avec soin le contenu. Il trouva plusieurs lettres signées Marie. Elles étaient très affectueuses et annonçaient des envois d'argent : elles venaient sans doute de Mrs. de Groot. Il y avait aussi quelques bijoux sans valeur, des boutons de manchette et des épingles de cravate. Trois photographies découpées dans des magazines. Sur l'une d'elles l'adresse de l'appartement de Laureen était écrite au crayon, n y avait aussi (Suite page 15.) ELAINE HAMILTON. (Traduit et adapté de l'anglais par JANE FOURNIER-PARGOIRE.) 9 La EN étais à ma troisième semaine de démarches et à ma huitième ou neuvième « sollicitud » (2) dûment timbrée et taxée au prix fort. Le consulat et l'ambassade de France venus à la rescousse, harcelaient de leurs recommandations officielles le ministère de la Marine, seul qualifié, paraît-il, pour me permettre de débarquer en Terre de Feu argentine et d'y séjourner. Au cours d'un dîner diplomatique, le dernier de la saison, l'ambassadeur de France en personne, voisin de table du ministre, plaida ma cause avec chaleur et crut bien que la partie était gagnée. Et je m'en réjouis, car le mois de janvier à Buenos Ayres, lourd et humide, y est proprement insupportable. Mais le ministre, qui n'aimait pas les journalistes et encore moins lès responsabilités uniques, lui écrivit le lendemain même une lettre courtoise, mais où il déclarait son regret « bien sincère » de ne pouvoir m'accorder aucun visa, sans l'approbation écrite de ses distingués collègues de la Justice et de l'Instruction publique... Tout était à recommencer : entrevues diverses, sollicituds sur papier réglementaire à trois pesos, et les indispensables propinas (3) pour éviter « qu'elles ne s'égarent d'un ministère à.l'autre ». Le thermomètre se maintenant ferme au-dessus de quarante degrés à l'ombre, je vis ainsi quantité de cabaUeros suprêmement élégants dans leurs blancs palm-beaches tropicaux, gominés et manucurés à ravir et tous d'une exquise affabilité, mais dont, par malheur, la réponse était toujours remise à la manana ou lendemain. Naïf et convaincu, je revenais à la manana, exact au rendez-vous à une minute près. Et naturellement le caballero-fonctionnaire se trouvait soit en congé, soit au chevet lointain de sa mère malade. Cosas de Argentina! Je n'avais même pas la ressource de me passer de cette autorisation et de tenter l'aventure à mes risques et périls, car la Terre de Feu argentine et son unique port et ville, Ushuaïa, ne sont desservis, par aucune ligne régulière de navigation. Des vedettes de la marine de guerre assurent seules pendant les trois mois de l'été des communications bi-mensuelles entre Magallanes (ex-Punta Arenas), port d'escale des lignes commerciales Buenos Ayres-Valparaiso; et la « capitale » du Territorio de Tierra de Fuego... EN ROUTE POUR LES « DÉTROITS » AVEC CEUX DE LA CROISIÈRE Et puis, en moins d'une semaine, les choses s'arrangèrent d'elles-mêmes et sans le secours du ministère. La « Hamburg-Sudamerikanische », ne négligeant ni ses affaires en baisse notable faute d'émigrants, ni le prestige du pavillon à croix gammée, organisait une croisière populaire dans les détroits fuégiens. Trois cents pesos (1 200 francs français à l'époque) pour seize jours de mer et de fraîcheur, ce n'était pas cher ; les inscriptions affluèrent. L'itinéraire prévoyant une courte escale à Ushuaïa, ; la mienne ne fut pas la dernière. Bien entendu, les passagers n'étaient pas autorisés à y débarquer pour « raisons politiques », mais je comptais bien me « débrouiller ». Le ministre de la Justice, « sportivement », m'évita cette peine possible. Lorsqu'un beau matin de février le « troisièmes classes uniques » Monte Pascoal leva l'ancre pour la croisière, je possédais un laissez-passer en bonne et due forme pour le directeur du pénitencier de Terre de Feu... De haut en bas : Je possédais un laissez passer en bonne et due forme pour le pénitencier de Terre de Feu. Les derniers descendants de la race fuégienne, sales el repoussants, déguenillés. Débarquement de forçais. Une famille d'Indiens en quête autour du navire. 10 fouille. craquer. Sur les 1 400 passagers de la croisière, les trois quarts n'avaient jamais vu ni la mer, ni de montagnes, ni de neiges, et encore moins de banquises. Leur enthousiasme délirant du départ, savamment entretenu par les airs joyeux de l'orchestre du bord rassemblé sur le pont, suivant la coutume des lignes allemandes, ne devait pas faiblir un seul instant pendant le reste du voyage. L'habituelle corvée d'alerte en devint 'une vraie kermesse et la blonde et charmante photographe du bord réalisa une petite fortune à saisir pour la postérité des vingtaines de groupes fièrement agrémentés de bouées et de ceintures de sauvetage. Cinq jours après notre départ de Buenos Ayres, le Monte Pascoal passa à . quelques encablures de l'île des Pingouins et la moitié des passagers renoncèrent au déjeuner pour mieux jouir du spectacle de cette « Union Communiste Pingouine ». Je dois reconnaître qu'en dépit de multiples difficultés le service à bord était impeccable et placé sous le signe de la plus stricte discipline. La cloche du petit déjeuner sonnait à 6 h. 30, et, passé 6 h. 40, les retardataires trouvaient fermées les portes des salles à manger. Narquois, les stewards de garde les renvoyaient à la manana ! Aucune bousculade aux escales de Patagonie pour descendre à terre dans les chaloupes à moteur du paquebot. Chacun prenait son tour dans l'ordre fixé par le commissaire aux premiers jours de la croisière. Bien des idylles naissantes en furent compromises. En bon Français, indiscipliné et frondeur, j'essayai à l'escale de Coin m odoro Rivadavia, port des pétroles de la Patagonîe argentine, de débarquer au cinquième tour du canot n° 9. Mais j'étais inscrit au premier tour du canot n° 6 : il n'y eut rien à faire, les marins germaniques ne comprennent pas la plaisanterie et sont réfractaires à la propina. Sans la haute intervention du commissaire, je restais à bord. Je débarquai, mais il m'en coûta une forte semonce... EXILÉS VOLONTAIRES Dès le départ, j'avais remarqué leur petit groupe et m'étais étonné de leur, discrétion et de leur apparente tristesse. Sur les ponts, à table, ils s'isolaient des autres, ne descendaient jamais aux escales. Le soir, on ne les rencontrait ni au salon-brasserie ni dans la salle de bal. Leurs compatriotes, du reste, crainte peut-être de la demi-douzaine de mouchards officiels qui étaient aussi du voyage, leur rendaient la pareille, affectaient de ne pas les connaître lorsque je les interrogeais à leur sujet. De toute évidence, volontairement ou non, le groupe se trouvait en quarantaine. Les valses langoureuses succédaient nostalgiques tangos. aux Ils étaient sept, et qui ne paraissaient pas bien dangereux : une très vieille dame aux cheveux blancs et à qui les autres témoignaient d'un grand respect, ses deux filles, charmantes senoritas au teint chaud et aux yeux de velours, deux jeunes garçons d'Une quinzaine d'années chacun et leur mère. Un chief-steiuard, qui n'avait pas les mêmes raisons de redouter les « anges garns », me conta leur touchante hisire. Cinq mois auparavant, un pronunciamento avait éclaté à Buenos Ayres. Ce genre de révolutions est fréquent sous les tropiques. Un parti trop longtemps éloigné du pouvoir et de ses prébendes «achète » un régiment ou deux. Les mitrailleuses entrent en action durant toute une demijournée. A l'heure de la sieste, le pronunciamcnto a généralement réussi. Il ne reste plus aux chefs de l'ancien parti que d'entreprendre un voyage en Europe, d'où ils reviendront à peu près pardonnes. Mais le pronunciamento de septembre n'avait pas réussi. Le nombre des morts ayant même dépassé la cinquantaine, le parti au pouvoir, dérogeant à la tradition, fit emprisonner les leaders rebelles et, après un semblant de jugement, jugea plus prudent de les déporter pour une durée illimitée au pénitencier politique de Terre de Feu... Les suspects du Monte Pascoal, exilés volontaires, s'en allaient rejoindre leur mari ou leur père et les aider à supporter les rigueurs de cet exil inhumain. Et c'est ainsi qu'à l'âge de soixante-quatre ans la senora Julieta M. de Pueyrredon quitta sans regret sa magnifique estancia de Cordoba pour le désert glacé de Terre de Feu... LES DERNIERS DE LA RACE Nous étions entrés dans les canales. De part et d'autre des fjords, entre deux chaînes de montagnes, s'étendaient des glaciers immenses longs de plusieurs dizaines de kilomètres. L'été s'achevait à peine que déjà les glaces se reformaient dans les baies. Des excursions furent organisées. Dans des huttes de boue édifiées au bord des grèves, sales et repoussants, les derniers de la race fuégienne nous accueillaient avec une surprise hébétée, mendiant des cigarettes et de l'alcool. Leur déchéance était définitive... Moins d'un siècle auparavant, leurs anciens, athlétiques et fiers, se baignaient nus dans les eaux glacées des fjords et affrontaient sur de frêles embarcations les baleines et les lames de l'océan Antarctique. Mais les « ombres blanches » n'épargnèrent pas la Terre de Feu : c'était alors l'époque des grands voiliers de la ligne San et leurs maladies d'hom mes d'escales... La « coloni sation» de la Terre de Feu par 1' Argentine et le Chili fut marquée de leurs inutiles massacres. Dans l'île entière, leur nombre, actuellement, ne dépasse pas deux mille. L'alcoolisme et la tuberculose aidant, faute de missions et d'un minimum d'humanité, la race tout entière aura cessé d'exister dans dix ans... LA PI ROQUE DE LA BAIE GARIBALDI Deux jours avant d'arriver à Ushuaïa, le Monte Pascoal relâcha dans un des plus beaux décors de l'île : la baie Garibaldi. A moins de mille mètres d'altitude ceux de la croisière purent fouler aux pieds leurs premières neiges éternelles. Ce soirlà eut lieu la fête du bord. Deux orchestres, l'un germanique, le second argentin, menaient la danse. Les valses langoureuses de Vienne succédaient aux nostalgiques tangos et aux trépidantes rancheras. Dans le salon-brasserie, la bière coulait à flots. Je flânais sur le pont supérieur : la lune était pleine et baignait d'une pure lumière le cirque grandiose des montagnes. Sous ses reflets, les banquises à la dérive s'illuminaient d'une multitude de petites étoiles. Et c'est alors qu'apparut la pirogue. Elle déboucha d'une gorge obscure : une famille entière la montait. Trois hommes pagayant à l'avant, deux femmes et des enfants rassemblés à l'arrière. Dans la journée, la sirène du paquebot, rappelant les touristes retardataires, les avait surpris dans leur retraite et, profitant de la nuit, ils venaient rôder autour du grand navire des blancs. Ils pagayaient silencieusement, se glissant entre les glaces, mais restant au but, mais déjà il n'en subsistait plus que des miettes. Comme des fauves affamés se partageant une maigre proie, les Fuégiens de la pirogue se disputaient ces bribes de nourriture. Dans la lutte, une femme bascula hors de la pirogue. Elle réapparut enfin, se mit à hurler... L'officier de quart n'aimait pas les histoires. Il fit donner trois longs beuglements de sirène. Effrayés, les Fuégiens se précipitèrent sur leurs pagayes et, traînant lafemmeà leur remorque, disparurent en quelques minutes. Le Monte Pascoal levait l'ancre lorsque je pénétrai dans la cour intérieure du pénal d'Ushuaïa. Sur la montagne voisine, la neige tombait à gros flocons et pourtant les gardes-chiourme rassemblaient les forçats par équipes pour les conduire aux « travaux forcés de l'extérieur ». «Leur indiscipline persistante de ces derniers jours exigeait cette sanction, m'expliqua assez piteusement le secrétaire du directeur du pénitencier, plutôt démonté par la soudaine arrivée d'un journaliste étranger. Du reste, Senor periodista, le travail au grand air n'a jamais tué personne. » Au grand air ! J'examinai les forçats de plus près. Si les gardes-chiourme exhibaient de chaudes capotes, des gants et des bottes fourrés, les hommes punis n'avaient que des uniformes de mauvaise laine et leurs souliers étaient dans un triste état. Beaucoup montraient les yeux brillants de fièvre »et les faces décharnées des grands tuberculeux. Ils cheminaient en silence, les épaules courbées^ ruminant leur peine. Le convoi s'ébranla : sur les AU BAGNE DES « HOMMES PUNIS » DE L'ARGENTINE Au travail en forêt. Au-dessus : Les cellul es. Un poêle unique. Groupe de prisonniers politiques devant leur maison. De gauche à droite : DT Mosca, Guermes, de Pueyrredon, A Ivarez de Toledo, Rofas. côtés circulaient des gardes-chiourme en laisse de redoutables molosses, eige maintenant tombait abondamment sur Ushuaïa. Les hommes punis qu'on dirigeait sur les pentes de la montagne s'étaient transformés en autant de spectres blancs. L'ENFER GLACE Départ de forçats pour forestiers. Ne w York e t qui, pour ta plupart, r elâch'aien t au cap Horn pour se réappro visionner en eau douce. Aux primitifs qui, montés sur des pirogues de parade se faisaient une fête de leur offrir l'hospitalité, les marins transnettaient leurs vices les chantiers toujours dans l'ombre du paquebot. Ils en firent ainsi le tour. A bord du Monte Pascoal,les vraies réjouissances commençaient : la colonie allemande, réunie dans un coin du salon, chantait à pleine voix les lieds populaires du Rhin ; à l'autre bout, les Sud-Américains reprenaient au refrain les airs favoris que jouait leur orchestre nacional. Des assiettes remplies de sandwiches traînaient un peu partout et même sur le plancher. J'en dérobai une. Plus bas dans l'ombre, la pirogue glissait toujours le long de la coque. Je lançai quelques sandwiches : certains arrivèrent Les moindres nouvelles circulent vite dans un bagne : profitant de l'absence momentanée de mon « guide », un forçat qui, dans la forêt, abattait des troncs d'arbre se pencha de mon côté et, à voix basse, me souffla : — Dites donc, le compatriote, ouvrez les yeux, ouvrez bien les yeux et racontez-le à Paris. Ici, on nous traite comme des bêtes. Ici, on crève de froid, on crache ses poumons en moins d'un an. Que f... donc le Consulat à BuenosAyres ?... Un garde-chiourme venait 'de notre côté. L'homme reprit sa tâche. Deux pieds de neige recouvraient le sol de la forêt et il y avait cinq ou six degrés audessous de zéro... Sans affectation, je me rapprochai d'un groupe : des Argentins, ceux-là. Et au vol je surpris d'autres confidences. — Je suis malade, j'ai la fièvre, mais le médecin refuse de me faire hospitaliser... — Mon frère est mort il y a quinze jours ; on l'a retrouvé le matin raidi sous sa couverture... » — Pas moyen de s'évader, senor fronces, pas de vivres, pas de canots, et ces chiens du diable... L'un de ces hommes, pour bien montrer qu'il fallait le croire, cracha et la neige rougit de son sang. Un autre en fit autant. Je passai ainsi d'un groupe à l'autre. Les forçats paraissaient s'être donné le mot : ils ne relevaient pas la tête, ne me regardaient pas, semblaient se parler entre eux, mais en réalité, toutes leurs paroles m'étaient adressées. Non, mon compagnon des cabarets de la Bocca ne m'avait pas menti. C'était pire que la Guyane, pire que les bagnes sibériens. Ce pénal servilement copié sur les pénitenciers nord-américains (uniformes, disposition intérieure des cellules, chemins de ronde et tours de guet armées de mitrailleuses) n'était que le bagne de la mort lente... Nous l'avons déjà dit : dans un pays où, pendant les nuits d'hiver, il n'est pas rare d'enregistrer des froids de trente degrés au-dessous de zéro un poêle unique servait à chauffer trois étages de cellules grillagées : simple oubli des ingénieurs argentins chargés de la construction du pénitencier après un court voyage d'études aux Etats-Unis ! J'avais réussi à dépister les habituels espions du gouverneur. C'était méritoire : Ushuaïa n'est pas si grand. En une demiheure, on a vite fait le tour du pénal, des casernes où logent les gardes-chiourme. des villas où résident les « officiels » et des quelques bâtiments appartenant à des AVEC LES DÉPORTÉS POLITIQUES 11 compagnies de pêcheries, mais le quartier « réservé" » m'intéressait, ainsi appelle-t-on ici la ville haute où sont concentrés les déportés politiques, et je ne tenais pas à compromettre mes visiteurs... Au nombre de deux cents et répartis dans de misérables chalets de bois, les victimes du dernier pronunciamento, des fonctionnaires en disgrâce, quelques meneurs communistes vivaient en bonne intelligence, réunis par la même infortune. Dénués de tout, manquant de vivres et de bois, leur sort inspirait la pitié. Ils ét aient sans nouvelles des leurs sept mois de l'année sur douze, privés de livres et de journaux. On m'assura que trois d'entre eux étaient devenus fous au cours de l'hiver précédent et qu'il avait fallu les rapatrier par avion... Je rencontrai une vingtaine de ces exilés politiques : je les trouvai d'abord dans l'abattement, grelottant de froid sous leurs légers punchos, envisageant les plus folles évasions ou évoquant le suicide libérateur. Et puis le naturel reprenait un peu le dessus. Ils se grisaient de discours, s'exaltaient, s'excitaient mutuellement... envoyaient au diable le gouvernement de « scélérats », lui promettaient un pronunciamento impitoyable. Ils se voyaient déjà débarquant en grande pompe à Buenos Ayres paradant dans les somptueux cafés de î'Avenida de Mayo... Mais dehors la tempête soufflait et l'absence de feu dans la cheminée finissait par les ramener à la triste réalité. Un Européen se serait peut-être adapté, aurait au moins recherché un certain confort matériel, coupé du bois dans la forêt voisine, chassé, oublié la souffrance morale dans l'effort physique, oublié la politique cause de tout le mal. Mais il leur aurait fallu pour cela vivre en solitaires, renoncer à leurs interminables discussions, à leurs emballements collectifs. C'était trop demander à ces créoles sensibles et imaginatifs : résignés ils laissaient la nostalgie détraquer leurs nerfs et les ronger lentement... Ce soir1 à j e m'entretins avec M. Alvarez de Toledo, chef moral des déportés politiques d'Ushuaïa. La pauvre maison où il logerait avec ses compagnons d'exil : le docteur Mosca, MM. Guermes et Rojas, ne disposait d'aucun salon, et il me reçut dans sa chambre. DES SALONS DES AMBASSADES AU DÉSERT DE TERRE DE FEU La pièce était sommairement meublée d'un lit de camp, de deux chaises et d'une commode. Glaciale en dépit des quelques bûches qui fumaient dans l'étroite cheminée. A la fenêtre, des carreaux cassés étaient remplacés par des journauxJeune encore, le visage ardent, le leader politique évoqua son aventure sans amer. tume. Tout au plus reprocha-t-il au gouvernement de Buenos Ayres d'avoir exilé en Terre de Feu des vieillards inoffensifs comme Pueyrredon et le docteur Mosca que le climat rigoureux de l'île condamnait à une lente agonie. Leur participation au pronunciamento avait été minime et il espérait du général-président Justo qu'une mesure de clémence interviendrait bientôt en leur faveur pour leur épargner un second hivernage (1) ainsi qu'à leurs familles. Quant à lui, Alvarez de Toledo, il n'était pas disposé à sacrifier ses convictions politiques au prix d'une grâce humiliante. De ce désert où on l'exilait comme un vulgaire condamné de droit commun, il continuait et continuerait la lutteCette entrevue constituait notre seconde rencontre. La première remontait à sept ou huit années. Dans les luxueux salons de l'ambassade argentine à Paris... Avec une bonne grâce parfaite et qui lui avait valu la sympathie du Tout-Paris, Son Excellence M. Alvarez de Toledo, ambassadeur d'Argentine, accueillait ses invités... Et, maintenant, je le retrouvai frissonnant de froid dans une misérable chambre d'une misérable cité dù bout du monde. Craignant de raviver sa peine je me gardais de lui rappeler ce souvenir des temps heureux. Mais il m'en parla le premier, sourit même de ce contraste. La fierté castillane, elle aussi, a émigré en Argentine... En me quittant, une flamme chaleureuse brillant dans son regard, il me dit : — Si les prochaines élections sont favorables à notre parti, je puis vous assurer qu'il n'y aura plus de pénal criminel ou politique en Terre de Feu. Ce pénitencier, vous l'avez vu vous-même, c'est l'Enfer sur la terre, un châtiment disproportionné à la faute commise. Il ne nous appartient pas à nous humains, à nous civilisés, de martyriser ainsi nos semblables... Nos ennemis politiques ? Le monde est vaste, nous les enverrons se faire pendre ailleurs. Nous n'obligerons pas une autre senora de Pueyrredon à souffrir ce calvaire... JEAN ALLOUCHERIE. (1 ) Il fut gracié deux mois plus tard. llllllllllllllllllllllllHIIIIIIIIIIIIIlIllilIlItlIllllllIllllllllllllllllllllllllllllIllilIllllllItltlIIttlIIttllIIIIUIIIIIItlIllllIIfllIllllllIlllIIllIIIIIIIIIIIIII RIVIERA SECRETE Quant à la jeune fille, disparue le jour même de la Côte où elle n'est plus jamais revenue, elle a épousé avec sa « dot », un brave garçon avec qui elle vit parfaitement heureuse dans une ville du Nord... grâce au prix d'une nuit d'amour jamais consommée. DANS LES COULISSES DES CASINOS : LE RACKET Mais sur cette côte où le climat chaud, la nature grisante finissent par énerver les plus calmes, l'amour a une autre rivale : la passion du jeu, qui s'abrite dans les casinos, dans les salles où résonnent les appels éternellement semblables des croupiers. Salles froides... banales, me direz-vous, mais où rôdent pourtant les ombres d'un monde inconnu, au visage toujours masqué : le monde du racket. LA NAISSANCE DU RACKET : L'ENLEVEMENT MYSTERIEUX DE MISS MACBETH Miss Macbeht..,. riche héritière américaine, était en 1926 une habituée delà plupart des salles de jeu publiques et clandestines de la Côte. Elle était arrivée en Europe avec une vieille gouvernante, mais avait fait rapidement la connaissance sur la Riviera d'un jeune Américain, qui était devenu son chevalier inséparable. Une nuit, au cours de laquelle elle aurait perdu au baccarat et au « 30 et 40 » une somme fantastique dans un casino de Nice, elle disparut sans laisser de trace. La police fut priée de la rechercher sans ébruiter la disparition. La presse locale avait accepté de ne pas parler de l'affaire quand, le surlendemain, le correspondant d'un journal américain sur la Côte reçut un coup de téléphone mystérieux lui révélant que Miss Macbeth... après avoir perdu au jeu tout son argent ainsi que ses bijoux, en proie au désespoir et n'osant revoir désormais ses parents, était tombée entre les mains d'une bande faisant le trafic des blanches et s'était déjà embarquée sous un autre nom pour l'Amérique du Sud. Cette nouvelle désastreuse n'allait pas manquer d'être exploitée en Amérique par les concurrents de la Côte d'Azur. On était donc atterré dans tous les milieux niçois quand un homme et une femme, parlant le français avec un fort accent britannique, se présentèrent à l'hôtel que ve- 12 (Suite de la page 7.) le monde ici, ce soir, à vingt et une heures ! C'est en ces termes que, lundi dernier, dans le courant de l'après-midi, M. Badin, le si actif commissaire de la Police judiciaire, chef du service de la voie publique, faisait savoir aux inspecteurs placés sous ses ordres qu'ils seraient mobilisés pour une opération nocturne. Et, comme le commissaire Badin commandait également quatre autocars et trois voitures au garage de la Préfecture, on pouvait en déduire qu'il s'agissait d'un coup de filet important. Ce soir-là, aux approches de vingt et une heures, le quai des Orfèvres, habituellement si calme à cette période de la journée, présentait une grande animation. Les inspecteurs s'interpellaient bruyamment et plaisantaient joyeusement : — Dis, vieux, tu sais ce qu'on fait ? — Non ! Pas plus que toi ! Le patron n'a rien dit ! Le patron, en l'occurrence M. Badin, ne tardait pas à arriver et à donner ses dernières instructions. — Holzer, prenez cette voiture avec dix hommes et vous dirigerez le cortège ! — Vous, Ferroud-Plattet, dans la seconde voiture, avec dix hommes également. Tranquillement, les policiers s'installent aux places indiquées. Quelques passants, amusés, contemplent ce déploiement de forces. Les ultimes consignes données, les rôles distribués, le commissaire me fait monter à ses côtés, et les moteurs ronronnent. Lentement, le cortège se met en route. OUT — Tout le monde ici ce soir. Quelle vaste opération projetait la police ? Allait-elle surveiller et procéder à un nettoyage de Montmartre ou de Montparnasse? A une épuration de la zone lépreuse ou des boulevards extérieurs ? Au dépistage de quelque « cagoulard » ou à la découverte d'un dépôt d'armes ? Quelques minutes plus tard, les voitures stoppaient boulevard Henri-IV. Le but de notre randonnée était maintenant bien apparent. Le coup de main policier allait s'exercer rue de Lappe. Rue de Lappe ! Que de tragiques souvenirs rappelle ce coin tristement célèbre de la capitale. Dans le passé, c'était une dépendance du royaume d'argot et, au siècle dernier, quand Eugène Sue écrivit ses Mystères de Paris, il lui arriva bien souvent d'y venir voir vivre ses personnages. L'aspect de la rue de Lappe a bien changé. Un à un, les bouges sanglants d'autrefois ont disparu, faisant place à des bals musette fréquentés encore par des « durs », mais aussi par des « barbillons » qui n'en sont encore qu'à l'A B C du métier, et surtout par de jeunes ouvriers et de petites midinettes qui ne craignent nait de quitter la jeune fille, ainsi qu'au casino où elle avait joué. Ils se déclarèrent « envoyés spéciaux » de journaux américains, venus de Paris pour enquêter sur la disparition de Miss Macbeth. On devine aisément le reste : la stupeur des intéressés, leur demande polie aux « reporters » d'attendre quelques jours avant de publier « leur papier sensationnel », l'hésitation des « journalistes » à rater une affaire qui devait leur rapporter des bénéfices considérables, enfin l'offre gênée et timide de l'hôtel et du casino de les dédommager, offre qui fut acceptée « uniquement dans l'intérêt de la bonne réputation de la Riviera ». L'enquête piétinant, le lendemain ce fut le tour de deux autres « correspondants », ceux-ci venant de Rome et voulant faire un article illustré retentissant. Par malheur, ils avaient pu se procurer, sans en révéler les sources, quelques photos en déshabillé suggestif, représentant une jeune femme au visage plutôt méconnaissable et qui étaient les premières prises de Miss Macbeth en vue de ses « engagements » pour l'Amérique du Sud. Cette fois, les dédommagements que l'hôtel et le casino durent payer aux deux vaillants reporters furent encore plus importants... Puis un prétendu avocat russe voulut organiser un meeting pour protester contre l'influence néfaste des casinos sur les mœurs de la Côte et un Belge, interdit depuis longtemps de toutes les salles de jeu de la Riviera, menaça d'écrire ses mémoires sur « les dessous mystérieux » de tel ou tel casino. Personne^ ne sait quand se serait arrêtée cette habile campagne de chantage si, au bout de huit jours, une carte postale, envoyée d'Egypte, n'avait appris à la vieille gouvernante que Miss Macbeth était partie de son propre gré, pour Alexandrie, avec le jeune Américain qui, loin de trafiquer des blanches, était lui même l'héritier d'une grande fortune de New-York. Et, dès qu'arriva le consentement des parents, sollicité par câble, la romantique fugue se termina en Egypte par un mariage devant un cpnsul américain. Quant à l'histoire sensationnelle de Buenos Ayres, elle était l'invention d'un escroc américain qui, par hasard, avait été au courant de l'embarquement du couple sur un yacht particulier, yacht qui ne devait s'arrêter dans aucun port avant une semaine. (A suivre.) M. S. De jeunes ouvriers et de petites midinettes qui ne craignent pas de venir en « suer une ^jgsjde venir en « suer iine-^^u-son^gç- zp=z^-C'est malheureux toutr'de-TOême-dé-1 -Taccordéon. Jeunesse Insouciante,rie redoutoujours tarabuster les poules ! tant pas les « terreurs », les mauvais gar— Enfin on épure la capitale ! C'est pas çons qui continuent à se donner rendezdommage ::Tas de s..., a-xerrt coirtre ûn;""y n'ont vous dans la ruelle aux masures crasseuses, tiennes enseignes lumineuses éclairent pas de mal ! les façades brillantes des musettes et les — C'est ridicule d'empoisonner les gens lézardes noires de maisons voisines. de la sorte. Les honnêtes gens sont pourSautant en bas des autocars, les policiers chassés et les crapuIes-^asseiHV-^toujQurs: ^^en^angsrsen&^vancère à-traversT — Halte ! — C'est pas par ici qu'ils dégoteront les Inutile de tenter de fuir, les inspecteurs mecs du C. S. A. R. et de la Cagoule ! occupaient entièrement la rue, interdisant Deux hommes d'opinions opposées discutoutes les issues. taient âprement. rzrr—Mr fiarfm^le^cliàpëWHraelô^^ ~— ils ne vous ont certainement pas vu, enfoncé, avait pénétré dans une salle de sans cela vous seriez déjà dans le panier bal et, d'jun geste énergique, interrompu à salade! une java endiablée. Cette jnjure toute giatuitejlit^étorder. Police ! Que personne ne bouge 1 l'un des antagonistes. — Encore ! grommela une femme éche— Et celui-là, l'as-tu vu ? velée, attablée devant une menthe verte. D'un direct du droit, il fit chanceler son Vingt inspecteurs avaient fait irruption I=gdwjggiig:qi»f-passa aiiCTitrtt~ ^^-japfM&fe-daiKTla salie. ——— —— — Tiens ! Tu la fermeras ta g... ! — Que chacun prenne ses vêtements et — Des gardiens de la paix »"*^'^'"rp"tjwnir: sorfprim~préje^ - ^separer—les pugilistes, mais ceux-ci se Au brouhaha provoqué par l'arrivée trouvèrent d'accord pour tourner leur intempestive des policiers succéda bientôt fureur contre les représentants de l'ordre. le plus profond silence. Un agent reçut un coup de pied dans le Le commissaire Badin permit aux garbas-ventre, un autre un coup de poing à çons d'encaisser le prix des consommations l'œil droit. Alors ces policiers empoignèrent servies et le défilé commença dans le plus solidement les deux énergumènes et les grand calme. emmenèrent au poste de la Goutte-d'Or. — Par ici ! -— C'est le traditionnel intermède, me — Hé ! là-bas, que cherches-tu ? C'est dit en riant le commissaire Badin. devant toi la sortie. Allons vite T Inutile Lentement, les policiers poursuivaient de faire le clown 1 leur route sans s'inquiéter du minime — Tes papiers ? incident dont je venais d'être témoin, — J'en ai pas. ! grapillant de-ci, de-là, une fille, un sidi, — Tant pis pour toi! Allez, ouste en un suspect. voiture. Un client ! Un ! Tous les cafés, les bars interlopes furent D'une main solide, l'homme était emporté visités par le chef de la Voie publique et ses vers un des cars. inspecteurs. A une table, quatre clients : deux Et les cars se remplissaient sans disconhommes et deux femmes n'avaient pas tinuer. bougé. Quand le commissaire s'approcha, Au rond-point de la Villette, trois noules hommes protestèrent assez violemment, velles voitures arrivèrent et le premier arguant de leurs droits de citoyens français. convoi prit le chemin de la Cité. Droits qui, d'après eux, leur permettaient Dans ces quartiers où les rafles sont fréde demeurer dans l'établissement et de n'en quentes, on voit que les passants intersortir qu'à leur gré, sous la seule réserve pellés ou les clients des établissements de justifier de leur identité à la demande de visités ont l'habitude de ces opérations. la police. Les hommes sans se faire prier étendent Toujours aimable, M. Badin écouta les bras en croix et se laissent fouiller sans leurs doléances, mais ne se laissa pas la moindre réaction. Après quoi, ils ramèattendrir : nent les mains à leurs poches et exhibent — Sortez d'abord, vos papiers à la leurs papiers. main ! Vous rentrerez ensuite. Boulevard de la Villette, un homme dort Une cinquantaine d'hommes et de paisiblement sur un banc. Des inspecteurs femmes sortirent ainsi entre une. haie de l'arrachent un peu vigoureusement des bras policiers tandis que le commissaire Badin de Morphée. et ses auxiliaires Holzer et Ferroud-Plattet L'homme, un « sidi », émet une faible examinaient soigneusement les pièces plainte. Un policier palpe ses vêtements d'identité qui leur étaient présentées. pour s'assurer s'il ne possède pas d'arme Au passage, les inspecteurs palpaient les et s'il a des papiers. Vêtements des hommes, faisaient ouvrir Il ne peut réprimer un cri. Ses mains les sacs des femmes pour s'assurer que des sont ensanglantées. Le « dormeur '» a été armes ne s'y trouvaient pas dissimulées. blessé d'un coup de couteau à la poitrine. L'opération terminée, les policiers passèOn l'emmène rapidement à Lariboisière. rent dans un bal voisin, déjà gardé à vue Sans la rafle, il serait probablement mort par une autre équipe d'inspecteurs. sur le banc. Il y eut, cette nuit-là, rue de Lappe, Un peu plus loin, c'est la grosse Thérèse. deux départs de cars... Les premières voiEn apercevant les policiers, elle les salue tures étaient bondées et M. Badin demanda d'un énergique : à ses chauffeurs de revenir, après avoir — Bonsoir, les potes ! déposé leurs voyageurs quai des Orfèvres. C'est une habituée. Elle hisse péniblePlus de deux cents personnes prirent ment ses cent kilogs dans le car et occupe ainsi le chemin de la Police judiciaire — à elle seule la moitié d'une banquette. chemin que certains connaissaient déjà : La rafle touche maintenant à sa fin. jeunes gens à la casquette tirée sur l'oreille et au foulard blanc classique, des soldats, des marins en permission irrégulière, de braves étrangers de passage à Paris et de paisibles bourgeois qui avaient commis, l'impardonnable imprudence de venir rue de Lappe sans les indispensables papiers d'identité. Quai des Orfèvres, hommes et femmes étaient assemblés dans les couloirs, assis sur d'inconfortables banquettes de bois, attendant que les vérifications nécessaires soient opérées. NOUVEL OBJECTIF Dernier rassemblement avant le retour à la Police judiciaire. — En voiture ! -^-4^s-autocai^«vtrIi'.s~aTitniTinhi IPK descendent en trombe le faubourg du Temple. Un court arrêt place de la République et c'est l'arrivée quai des Orfèvres. VÉRIFICAlFiONS^L^és—nouveaux arri vants sont rassemblés dans différents bureaux de la brigade de la Voie publique et le commissaire Badin va étudier la situation des individus appréhendés rue oc Trappe.— Pendant ce temps, ses services alertent les différents organismes de renseigne- ments : sommiers judiciaires, garnis, mandats, pour les vérifications nécessaires. Et le défilé commence dans le bureau du commissaire. Les sonneries des appareils téléphoniques se font entendre sans arrêt. — Exact ! — Bon, remettez-le en liberté ! — Recherché par le parquet de Dijon. — Dépôt ! Dépôt ! — Pas de carte d'identité d'étranger ! — A descendre au centre où il sera — En route ! Inlassable, le commissaire Badin redonnait le signal du départ. Après avoir confié ses premiers clients à la garde de ses secrétaires et d'une dizaine d'inspecteurs, il repartait, avec ses hommes, vers un nouvel objectif. Il était maintenant plus de minuit. La seconde opération prévue consistait à nettoyer le boulevard de la Chapelle; et le boulevard de la Villette. Partis de Barbes, les inspecteurs avançaient en éventail, par groupes de deux. Une douzaine d'agents cyclistes les suivaient à une cinquantaine de mètres et trois autocars venaient ensuite. Personne ne pouvait échapper aux policiers et les cyclistes avaient pour mission de rejoindre les fuyards éventuels et aussi d'alerter des renforts en cas de nécessité. Une, deux, dix, vingt filles attendant le chaland attardé, derrière les piliers du métro, se trouvaient prise dans la rafle, quelques minutes après son début. Deux étrangers ayant omis de faire régler leur situation étaient également embarqués malgré leurs véhémentes protestations en un jargon cocasse. La rafle commençait bien. Des curieux, amusés — on en trouve à toute heure du jour et de la nuit — suivaient les policiers, à distance respectueuse évidemment, tout en échangeant leurs impressions. tant de-ci, de-là, une fille, un ■ idi. un suspect. consigné. Demain matin, le diriger sur le service des étrangers ! — Sans domicile. A garder I Plus de trois cents personnes défilent ainsi devant M. Badin qui accuse maintenant une fatigue compréhensible, mais que n'abandonne jamais son affabilité coutumière. Beaucoup repartent avec l'admonestation d'usage : — Ne sortez jamais sans papiers et abstenez-vous de fréquenter des endroits où vous n'avez rien à faire ! Les recherches entreprises aux archives et au service de l'Identité judiciaire établissent rapidement l'état civil de ceux qui possèdent d'excellentes raisons de vouloir dissimuler leur nom ou leur adresse. — Alors, monsieur Badin, le bilan de la soirée ? —- Pas mauvais ! J'en garde cent-dixsept. Quelques vérifications sont encore nécessaires, je verrai cela tout à l'heure ! Pour le moment, je vais aller me reposer. R était près de cinq heures du matin. — Tout à l'heure, c'est-à-dire ? — A neuf heures I Quand je reviendrai, je procéderai au dernier tri. Ceux dont l'identité et le domicile seront reconnus exacts seront remis en liberté, les étrangers qui ne sont pas en règle seront expulsés, les malfaiteurs recherchés seront mis à la disposition des parquets qui les réclament, et tous ceux contre lesquels un délit de port d'armes ou de violences sera établi prendront le chemin du dépôt. -— Mais ces rafles sont véritablement d'une utilité ?... — Comment donc ! Dans la nasse.il y a évidemment beaucoup de fretin, mais il y a aussi des gens susceptibles de nous renseigner sur certaines affaires en cours. Et puis, il y a aussi le hasard, ce précieux auxiliaire de la police. Tenez, cela me rappelle une histoire curieuse. « Un peu après la fin de la guerre, un forçat évadé, nommé Vendamme,avait fait la rencontre d'une fille et l'avait emmenée dans un hôtel. « Au moment du règlement de comptes, une discussion s'élève ; la femme s'élance sur le bagnard, un couteau à la main. Le forçat s'empare d'un chandelier de cuivre et en frappe la femme qui s'écroule et ne bouge plus. Elle a été tuée sur le coup. « Voilà notre homme bien ennuyé. Que faire ? Se dénoncer ? Personne ne le croira, n'est-il pas un récidiviste du- crime ? «Après réflexion, Vendamme découpe le cadavre en morceaux ; des débris il fait un paquet, l'enveloppe avec une couverture et descend le corps dans la rue. Il s'en débarrasse au coin d'un quai. « On rechercha l'assassin fort longtemps. Un jour, au cours d'une rafle, on arrête le forçat évadé. N'ayant rien à perdre, il dit aux agents qui le gardaient : « — Si vous m'offrez une bonne bouteille de pinard, je vous raconterai quelque chose qui vous intéressera. « Tranquillement, il but la bouteille et se dénonça. Il est probable que la police ne l'aurait jamais soupçonné? » Un secrétaire entra dans le bureau : — Patron, bonne affaire, nous avons le déserteur de Toulon, vous savez, l'assassin de la rentière de Cros-de-Cagnes. — Parfait, mon vieux 1 Vous avertirez la Sûreté nationale chargée de l'affaire et vous mettrez le gars à sa disposition ! Puis le secrétaire se pencha à l'oreille du commissaire et murmura quelques mots. Jugeant ma présence indiscrète et sentant le sommeil m'envahir, je pris congé pour profiter d'un repos réparateur. Comme je sortais, j'entendis le commissaire Badin répondre à son collaborateur : — Bon ! Faites-le monter tout de suite, je vais tirer cela au clair immédiatement. Quelques heures plus tard, les journaux du soir annonçaient l'arrestation des bandits de Fontenay-sous-Bois. J.-C. DAMIENS. 13 L'ARGENT QUI TUE BAPAUME (De notre envoyé spécial.) trois semaines, voici un an, parmi tant d'autres du même ordre, un « avis » était placardé à la mairie de Bapaume. Il annonçait le prochain mariage de Francis Blanchard et de Marie Bucamp. Mariage d'amour ? Union d'innocents tourtereaux ? Le jour dit, l'adjoint au maire vit arriver deux personnes d'âge qui, l'air raisonnable, semblaient se plier à une coutume... notariale plutôt qu'à un rite consacré par le petit Dieu malin Éros. Francis Blanchard avoua, d'ailleurs sa toison d'argent l'aurait trahi en dehors de toute indiscrétion de l'état civil : soixante-quatre ans. Marie Bucamp, sans plus de façon, ce qui écartait même l'espoir qu'elle fût restée coquette, annonça de son côté cinquantehuit ans. Ils convinrent tout aussi bonnement qu'ils étaient veufs tous deux eL qui plus est, pourvus chacun de rejetons ayant déjà atteint plus que l'âge de raison. — Elle va être drôle la nuit de noces 1 pensa par devers lui l'adjoint au maire. Et il n'avait point tort. Ces unions sur le tard répondent en général à tel ou tel mobile : Finir ses vieux jours dans la paix d'une aimable et réciproque tendresse tout à coup née de s'être rencontrés au seuil de la vieillesse avec la même sagesse et le même idéal. Achever la vie la main dans la main, alors qu'un ancien amour insatisfait par les exigences de la vie — parents tyraniques qui se refusèrent au mariage et obligèrent à des unions qui leur plaisaient davantage et arrangeaient mieux leurs intérêts —trouve un regain tout platonique après une séparation qui a tué toute jeunesse. C'est l'occasion, le soir, à la chandelle, de pouvoir rappeler avec un touchant attendrissement les premiers serments... les premiers baisers... les premières souffrances du cœur.. C'est très doux... En ce qui concerne M. et Mme Blanchard nouveau couple, il n'en était point ainsi Personne ne les avait forcés à se marier une première fois contre leur gré ; au surplus, ils ne se connaissaient pas trois mois avant de décider de convoler en justes noces. Enfin, nul sentiment commun ne les avaient jetés l'un vers l'autre, j'entends sentiment élevé, prenant sa source dans le cœur ou l'esprit. Alors ? Alors ? Alors, inconsciemment, ils jouèrént lors de leur union le double rôle des épouseux qui ne s'aiment pas et des parents qui, pour l'« intérêt » des familles, obligent à une union où l'amour importe peu. Plus simplement, sans vénération, sans amour, sans respect l'un pour l'autre, ils décidèrent cependant, et sans pression venant de tiers, de consacrer une- union, avec ce seul et unique but : concilier des intérêts d'argent ! Ils avaient tous deux des rentes ! Elle avait trente-cinq mille francs par an. Lui, quinze mille. Le premier venu dira : — Hé ! Hé ! pas mal, cela fait un total annuel de cinquante mille... A la vérité, au bout d'un an, cela a fait un drame ! UBANT ont hérité de fortes sommes, mais Marie n'a pas à se plaindre. Deux belles maisons en pierres solides, tout fraîchement reconstruites après la guerre, et, pour les menus besoins de la vie quotidienne, 35 000 francs de rentes par an. Marie, la petite bonne, a ses vieux jours assurés... <î> <î> Dans le même temps qu'arrivaient ces événements, un honnête commerçant vendait sacs à main et valises de « pur porc » rué Rochechouart à Paris. Les affaires allaient bien leur petit traintrain. Il était marié et avait un grand fils. Il s'appelait, le maroquinier, Francis Blanchard. Son commerce était modeste, mais vivotait heureusement grâce au rythme de l'habitude. Et lui aussi, le maroquinier, tout comme l'industriel de Grosnay, perdit sa femme. Mais, à rencontre de l'industriel, il n'avait pas à son service d'accorte soubrette et. n'eut point comme lui la discrétion de mourir... sans histoire... Et voici donc un veuf maroquinier à Paris, rue Rochechouart, exactement, répétons-le. Et une veuve d'industriel, ex-camériste aux appas autrefois tentants, qui pleure en sa bonne ville de Bapaume son défunt époux. Évidemment le veuf et la veuve séchèrent assez vite leurs larmes. Cela arrive assez souvent pour qu'on ne leur en tienne pas grief. Mais, par Dieu, grâce à quel malencontreux hasard rejoignirent-ils leurs destinées d'adultes mûris, isolés et esseulés ? Dites-le si vous le savez. De toute façon, ce fut un bien malheureux hasard ! <•> Ils se rencontrèrent donc fortuitement, fortuitement comme finissent par se rencontrer deux collectionneurs de timbres ou deux amateurs de médailles romaines, tous deux à faire le compte de leurs sous et de leurs rentes. Car ils aimaient l'argent... Et ce fut l'alliance... Une alliance basée non pas sur le même idéal, mais sur le même amour du portemonnaie. — Avec ce que j'ai... — Avec ce que j'apporte... — On pourrait vivre... — Confortablement.., Les confidences d'amour, s'en tinrent à ces propos... assez matérialistes. Ainsi naquit le couple Blanchard î — Tu es mon mari ; je te somme de rejoindre le domicile conjugal à Bapaume... Abandonne cette échoppé... Tu y perds ton temps... Elle vaut quatre sous... Donne-la au premier venu et suis-moi... Francis Blanchard eut le tort d'obéir... Il est vrai qu'il pensait aux trente-cinq mille de rentes de son impossible moitié. Et il alla à Bapaume demeurer au reste dans un charmant pavillon de la rue de l'Ermitage. Et il fit trop comprendre aussi que, dans son acceptation, entrait pour une trop grand part l'intérêt qu'il portait aux rentes de son épouvantail d'épouse. Et la vie reprit plus navrante que jamais. Marie Bucamp, non moins perspicace que son ancien boutiquier de mari, ne tarda pas à se convaincre une nouvelle fois que, sur le plan de l'économie financière pure, elle était... le dindon de la farce... — Séparons-nous, décida-t-elle... Pensant à ses commodités, Blanchard refusa. Malgré tout, la séparation de corps, à défaut de divorce, fut prononcée et le 28 août, Blanchard aurait dû quitter Bapaume... et le pavillon... et les trentecinq mille francs de rentes... et la maritorne. Il refusa. L'affaire s'envenimait. — Si tu refuses de partir, je te ferai tuer... — Ah ! ah !... tu plaisantes... — Si... Par mon frère, il est chômeur... Ça me coûtera deux cents billets, mais il acceptera.. Dès ce moment, Blanchard se montra moins sûr de lui. Cependant, l'attrait de l'argent lui faisait dire : — Je ne partirai pas et ton frère n'osera * pas. — Tu verras... Il ne restait qu'une solution à Blanchard pour rester et pour ne pas être « descendu » par le frère de son irascible épouse, prendre les devants. Il la choisit. Il acheta un revolver. ' Il acheta les balles... Et il attendit le moment venu où, assez surexcité, il pourrait tirer sans effort... et sans réfléchir... Cet instant se présenta le 14 août dernier, dans l'après-midi, vers les 17 heures. Une nouvelle querelle s'engagea, alors, terrible, dans le couloir du pavillon. Les mots claquent déjà comme des balles. — Mon frère t'aura. — Pas vrai! Il n'aura pas ma peau... J'aurai la tienne avant... Pan ! Une gifle. C'est elle qui l'a donnée. C'était la seconde voulue... n tire... Elle s'écroule... Elle met une heure à mourir, là, dans le petit corridor. Il reste une heure à la voir mourir..N'est-ce pas, malgré lui, il en éprouve une certaine satisfaction ? Lorsqu'elle n'avait pas cinquante-huit ans, Marie Ducamp, bien longtemps avant... lorsqu'enfin sa petite personne avait quelque attrait, était soubrette. La villa Hortensia, où l'on découvrit le cadavre de Marie Bucamp. (R.) C'était une gentille soubrette ! Et pas bête ! Elle avait oublié alors de baisser les yeux M. et Mme « Denis » étaient beaucoup Au bout d'une heure, le dernier râle sort devant les hommes... et savait ce qu'un plus sympathiques. de ses lèvres, alors lui, tranquillement, la regard coulé, langoureux, persistant, fouiVoyez lune de miel. roule dans une couverture, puis la descend neur, voulait dire de choses. Dès le départ, les conversations du duo à la cave. De choses qu'elle ne détestait pas... sont de cet ordre. Puis~encore il se lave les mains... Ainsi, elle n'avait pas manqué de remar— Faisons les comptes... Puis encore il sort, ferme la clé et prend quer que son patron, pas vilain homme — J'ai plus dépensé que toi. un billet pour Paris... respirer un peu. d'ailleurs, n'était pas insensible à... l'appel — Partageons! Tu me dois. Ouf ! fait l'homme ! de ses charmes... — Puisque c'est moi qui... Dans le train, il jette le revolver... Il Et Marie, avec une certaine désinvolture, — Tais-toi, tu apportes à peine quinze ne reste plus rien du passé. de laisser aimablement parler ses charmes mille, alors que moi... Tant et si bien que le jour où la patronne Avec un peu d'imagination, on peut 0 vint à disparaître à la suite de quelque aisément parvenir à la reconstitution du fâcheuse maladie, elle la remplaça fort tête-à-tête. Oui, mais l'avenir ? gentiment dans la couche conjugale et paEt les paroles acerbes, blessantes de pleuIl est un assassin... et comment jouir de tronale. voir comme à la belle saison... des pluies. sa petite aisance ?... et comment profiter L'affaire était d'autant plus piquante que — Tu m'as volée... Je croyais que tu de la petite maison de Bapaume et des le patron était un riche industriel, industriel possédais autant que moi. rentes de la morte ? à Groslay en Seine-et-Oise, et riche à mil— Mais mes quinze raille... Rien à faire... La police va s'occuper de lions. — Un rien à côté de ce que j'apporte. la chose... La belle affaire I C'est bien simple:Blanchard abandonna Déjà il devine la condamnation se desQuoi qu'il en soit, pour avoir trop vite femme, rentes et le reste pour retourner à siner en ombres chinoises à l'horizon... brûlé sa flamme, peut-être, à son tour, son magasin. Tuer... tuer, c'est très bien, enfin estimel'industriel alla rejoindre ses ancêtres. Cette passagère tranquillité dura trois t-il dans son cas... mais comment en proVoici donc Marie veuve. mois, après quoi l'ex-soubrette fit une fiter même dans son cas ? Deux fils du premier lit de l'industriel incursion dans la boutique. Alors, traqué moins par le remords que 14 Marie Bucamp, qui fut assassinée par son mari. (R.) par l'idée que son temps de liberté est compté devant la justice des hommes, il préfère se tuer... A Rennes où il se rend sur la tombe de sa première femme, dans un dernier sursaut d'honnêteté, il se jette dans la Rance. Mourir... Finis, les ennuis !• Ouat ! On le repêche !... A l'hôpital, npuvel essai tout aussi désastreux dans le sens qu'il espère. Il se tranche les poignets... sans succès !... Retour à Paris... Au fait, une confession lui voudrait peutêtre un bon conseil. Il dit tout à son fils. Le fils ne croit pas : — Ce n'est pas vrai... Tant il lui paraît que la chose est horrible et le mobile mesquin. Et Blanchard en revint au suicide... Seule solution. D'un quai de Charenton, il se jette dans la Marne. On le repêche encore... Rien à faire. A bout de tout, il dit la vérité. Cette vérité dite à un commissaire avec, pour tout horizon, la prison, les Assises, le bagne... peut-être est-elle sincère. —■ Vouli regrettez ? — Oui... Mais, sur la fin, pour les derniers mots à dire, Blanchard ajoute : —- Dites donc, marquez bien que tous les meubles qui sont dans la maison de Bapaume sont à moi... On ne sait jamais 1 L'argent ! L'argent I L'argent ! PHILIPPE ARTOIS. . IIIIIMIIIIIIIIIinillllllllllllllllllllHIIMIIIIIIIIIIIHtlIIIIIIIIIIIIIIIIIHI La guerre des Gitans (Suite de la page 5.) Metbach sont persuadés qu'ils ont été victime d'une véritable agression, alors que les Steis, eux, sont convaincus que leur expédition punitive était justifiée. Par conséquent, chaque clan se croit être le représentant du droit. — Et Pauline Lafleur, la « semeuse de haine », comme un confrère l'a nommée ? — Elle n'a fait que son devoir de femme romanie. — Vous prévoyez donc le pire ? —■ Absolument. Et Manoël de conclure : — La police a tort de se mêler de cette affaire. Je vous le dis et vous le répète : le sang appelle le sang chez nous, les gitans de, partout, qui descendons des pharaons d'Égypte; il y aura peut-être d'autres morts, mais la justice à rendre n'appartient qu'à eux, aux Steis et aux Metbach. Comme elle appartenait aux Demestre et aux Carlos. « Pourquoi vouloir enquêter ? Cela ne servira à rien. — Et, vraiment, vous ne pouvez pas empêcher une nouvelle tuerie, en vous rendant vous-même à Clermont-Ferrand ? Nouvelle hésitation : — A quoi bon, puisque mes pouvoirs sont limités ? — Personne ne peut donc intervenir ? — Si. Mais il est trop loin. — Qui est-ce ? —- Le roi des romanis lui-même. Cette dernière phrase fut prononcée sur un ton de profond respect et, en se levant, Manoël me fit comprendre que notre entretien avait assez duré. La mort appelle la mort, le sang appelle le sang. Telle est la loi des romanis. Attendons... G. G. IIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlIlllIllliiiiiiHHllIliiiiiiiHnilllllllllll | IIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIimilllllllllU 11111111111*: | Peux hommes sont assassinés... Une femme, Marîa-la-Rousse, révèle sa tragique 1 destinée de prostituée, poussée au vice et au | crime par l'abandon de son premier amour. | § s J POURQUOI A-T-ELLE TUÉ? [ | Vous le saurez en lisant le roman que publie aujourd'hui I f 1 " 5™__SF M m fTj PoWce-Roma { | R «■■. On accuse, on plaide, on juge... (Suite de la page 4.) l'état civil un véritable casse-tête chinois que de retrouver, rétablir l'identité de ces deux êtres sur le simple rapport de sa mémoire. Il parvint enfin à obtenir des mairies dont il avait heureusement retenu les noms des pièces concernant Armand S., et Hélène T..., tous deux issus de la même mère, une certaine Marie Martin... Et la police fut priée de rechercher les deux coupables, car leur adresse n'avait pas laissé de trace dans le souvenir du bureaucrate. Pendant ce temps, l'histoire de leur commune origine fut élucidée et la voici : Armand S... avait pu se déclarer le père des enfants de sa maîtresse à deux reprises et il lui avait suffi de deux témoins pour régulariser sans aucune anicroche ces arrivées au monde. Les fonctionnaires n'avaient pas établi de rapprochement entre le nom de la mère du papa et celui de la maman. Or, c'était la même femme. D'abord mariée, puis séparée de son mari, elle avait quitté le village proche d'Amiens en abandonnant son fils âgé de quelques mois pour s'établir à Tours. L'enfant apprit plus tard de l'auteur de ses jours que sa mère était morte, et qu'il valait mieux n'en jamais parler. A Tours, Marie rencontra un ouvrier de filature avec lequel elle vécut en concubinage. Une fille naquit de cette union deux ans plus tard. Et il aurait été impossible de la déclarer à la mairie autrement que fille de Marie, femme de S..., du bourg voisin d'Amiens, si, juste la veille, l'acte définitif de divorce n'était arrivé, autorisant ainsi, tous délais étant expirés, l'amant de la femme volage à reconnaître la fillette. On l'appela Hélène et elle prit le nom de son père lorsque celui-ci régularisa son union avec sa maîtresse. Lorsque les policiers intervinrent dans ce ménage à la suite de cette histoire si péniblement reconstituée, ils trouvèrent deux êtres qui avaient fini par se haïr, mais qui n'avaient pas osé se séparer dans la crainte du scandale. Et, tout cela, parce qu'ils n'avaient jamais eu l'occasion de parler de leur mère respective. Leur procès fut rapidement expédié. Ils s'étaient unis de bonne foi, la justice ne leur enjoignit que de mettre fin à leur existence commune. Et les enfants furent placés dans un patronage jusqu'à ce qu'un tribunal ait pris une décision à leur endroit. Les juges à qui ces détails viennent d'être exposés rendent maintenant leur sentence. Elle est sage : Les trois petits porteront le nom de leur maman et, sur les registres de l'état civil, une main indifférente effacera le nom de leur père qui n'avait qu'un droit: celui d'être leur oncle. J. C. VOIES URINAIRES Cystite, urétrite, écoulements, goutte militaire, hypertrophie de là prostate Pagéol le premier antiseptique urinaire RAJEUNIT LA* PROSTATE CHATELAIN, 2, rue de Valenctennes, Paris- Rens. gratuits. Ec. service 605 PO 50 = le Numéro .^tiiftfiiitlilllllfiiiiiiititttflllllltlliltittfiiiiiillftttrrnttifTftBtiiliiiriiitiiiiftiitifiiiiiaiiiitiiitiiiiiiflitiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiittiiiiiMiii i? Qui a tué Leslie Delmond ? - ■■nm«nmnmm»mm»»MMtM«nmnm, Développement, Raffermissement, Reconstitution des Seins 1 Chaque de nande de changement d'adresse doit êtr<- accom- CC -.-—j. pagnee de la somme de "** VCHI. Flacon avec notice contre remboursement : 2 (r. - J. RATIE. Ph". 45. rue de l'Echiquier. PARIS LES NOUVEAUX ARTICLES D'HYGIÈNE a „ (Suite de la page 9.) quelques autres . lettres et des factures. Trois reconnaissances du mont-de-piété intriguèrent Reynolds et il décida de faire faire une enquête immédiatement. Le coffret ne contenait ni passeport, ni carnet de chèques, ni enveloppes portant des adresses. Le détective en conclut que le mort avait beaucoup à cacher et ne se fiait à personne. De plus, Delmond était sans doute au bout de ses ressources, car il n'avait pas d'autre argent que celui trouvé dans ses poches. Le détective songea de nouveau à la lettre à Valérie que Carter, le concierge, avait mise à la poste. Qu'y avait-il dans cette lettre et où était-elle maintenant ? Laureen ou Lansberg, séparément ou de complicité, avaient-ils pris des papiers dans la poche du mort, et, craignant des fouilles, les avaient-ils glissés dans la boîte à lettres du vestibule ? Enfin, tout au fond du coffret, sous le manuscrit d'un scénario, il trouva un instantané. Il le regarda à la loupe. Il n'avait pas fini cet examen quand Jenkins entra, le visage bouleversé : — Du nouveau ! s'écria-t-il. Les photographes étaient allés voir s'ils pouvaient trouver d'autres empreintes digitales. —- Eh bien ? — Ils téléphonent que l'appartement a été cambriolé. Tout est en désordre. Les tiroirs sont sens dessus dessous, les tapis et les coussins sont déchirés. — La serrure de l'appartement était-elle forcée ou la porte ouverte à leur arrivée ? — La serrure était intacte et la porte fermée. — La troisième clé 1 s'écria le détective. La personne qui a pénétré dans l'appartement la nuit dernière avait la clé qui manquait et l'a prise à Delmond, vivant ou mort. La pendule qui sonnait lui rappela que c'était l'heure de son entretien avec Lady Avice. Il était sûr d'ailleurs qu'elle ne se rendrait pas au rendez-vous. — Une dame vous demande, monsieur dit un agent à la porte. — Faites-la entrer, ordonna Reynolds, un peu surpris. Mais l'agent annonça : — La comtesse de Warnham î (10*1 VIENT DE PARAITRE : " INVISIBLES CEDUCTIOM BLACK CAT ° 1939 *0 Cet almanach est non "seule ment l'ambassadeur du gout et de la SÉDUCTION, tant féminine que masculine*, mais la révélation de la saison pour tout ce qui concerne l'art de plaire et d'être aimé. i EN PUR "LATEX" AMÉRICAIN GARANTIS S ANS sont Qi absolument Indéchirables ! Nos 100 101 Son papier est de grand luxe ; il comporte 104 pages, dont deux horstexte en couleur. Une spirituelle pièce de théâtre inédite. Un jeu amusant : « Le jeu dç^l'oie... blanche! ». 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FRANCE- - Un an prime) ~ ~ 75 Un an («M» prime) ~ _ 60 Six mois (MM prime). 35 Un an. ... — — — — 70 Six mois » ... 40 fr. fr. fr. frfr Se renseigner à la poste pour les pays étrangers n'acceptant pas le tarif réduit pour les journaux. Dans ce cas, le prix de l'abonnement subit un; majoration de 15 fr. pour un an et 7 fr. 50 pour 6 mois, en raison des frais d'affranchissement supplémentaires. Ï874-9-38- ^ IMPRIMERIE SPÉCIALE DE " POLICE-MAGAUNE ". 15 En plein Paris, place de la Bastille, M. Quêtis, directeur commercial d'une importante société, a été attaqué, à neuf heures du matin, par des bandits qui ne purent lui rafler une serviette contenant 230 000 francs. Ci-dessus : Le lieu de l'agression. En médaillon : M. Quêtis. (F. P.) On a arrêté à Paris un nommé Georges Suzanne, technicien du vol des automobiles et aussi de la constitution de faux états civils, déjà dix fois condamné. Dans un hôtel, place de l'Opéra, à Paris, on a mis la main au collet de Fred Gurra, de nationalité tchécoslovaque, rat d'hôtel notoire déjà condamné quatre fois en France. (F. P.) M. Tanfield, banquier londonien, a disparu avec vingt millions de bijoux Kidnapping ? Fugue ? Déconfiture ? On l'ignore. M. Percy Philipps (au centre), solicitor de Mrs. Tanfield, est chargé des intérêts de la famille et des clients. (Safara.) Un nommé Robert Descaires avait été tué rue Saint-Claude, à Paris, par un inconnu. Daniel Moch (ci-dessus), auteur du crime, s'est constitué prisonnier. (F. P.) G. Quentin, à Paris, se faisant passer pour policier, cherchait à faire licencier une jeune femme de sa place. C'était un amant délaissé qui avait trouvé ce mode de vengeance. Arrêté. Dans une prairie à Boussières-sur-Sambre, près Hautmont, un jeune homme, Alphonse ses jours en raison de l'intervention d'un garde champêtre. M. Bruyère. De gauche à droite : S e rLe 9^de Bruyère, qui mit Carlier cn,oue;le cadavre d'Alfreda Douay, et enfin le criminel, mourir ensemble. Carlier étrangla la jeune femme avec un fil d'acier, mais ne put mettre fin â Carlier. (Kap.)