L`EnVers de l`Histoire de France

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L`EnVers de l`Histoire de France
Dom Enrico
L’EnVers de
L’Histoire de France
EXTRAITS
*
L’Histoire de France racontée à mes petitsenfants
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L’EnVers de l’Histoire de France
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L’EnVers de l’Histoire de France
Sommaire
page
9
Prélude
Chapitre I
Les origines
12
Chapitre II
Le temps des croisades
44
Chapitre III
la fin du Moyen Âge
74
Chapitre IV
La Renaissance
109
Chapitre V
Le siècle de Louis XIV
189
Chapitre VI
Le siècle des Lumières
211
Interlude
Louis XVI jusqu'en 1789
235
Chapitre VII
La Révolution
245
Chapitre VIII
265
Chapitre IX
La première république
La république confisquée; le Consulat;
l'empire
Chapitre X
La Restauration
335
Chapitre XI
La deuxième république
355
Chapitre XII
Le second empire
366
Chapitre XIII
La troisième république jusqu'à 1914
394
Chapitre XIV
La troisième république; l'Etat français
430
Chapitre XV
La quatrième et la cinquième républiques
479
294
Postlude
496
Notes
499
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L’EnVers de l’Histoire de France
On peut fonder des empires glorieux sur le crime et
de nobles religions sur l’imposture
Charles Baudelaire
AVERTISSEMENT
Ce récit est un survol de l’Histoire de France.
N’apportant aucune nouveauté historique, il n’est
qu’une mise en forme des faits les plus notoires et les
plus établis.
En ces temps où l’Histoire est passablement passée
de mode auprès des jeunes générations, l’auteur a
voulu la présenter à des jeunes gens (« l’Histoire de
France racontée à mes petits-enfants ») sous une
forme moins austère qu’à l’accoutumée, quoique tout
aussi sérieuse sur le fond. Erudire ridendo ad
Historiam.
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L’EnVers de l’Histoire de France
La chronologie est respectée, les faits sont avérés,
mais derrière les dorures de l’historiographie
traditionnelle, il peut être salutaire de rechercher, ou
tout au moins de mettre au jour, les impostures. De
même que Diderot disait, dans une lettre à Falconet :
« il y a toujours un peu de testicule au fond de nos
sentiments les plus sublimes et de la tendresse la plus
épurée», de même, on pourrait dire que derrière les
plus grands élans patriotiques et les plus belles
aventures idéologiques ou religieuses, il y a toujours
un peu (?) de raisons contingentes et d’intérêts
matérialistes. C’est ce que nous avons voulu faire
apparaître : ce qui constitue l’envers du décor.
Le récit est illustré de quelques images en forme
d’odes ou de ballades. Cette forme d’écriture se prête
à la synthèse et quelques vers peuvent parfois en dire
plus que de longs développements.
L’auteur dénie toute responsabilité personnelle si,
d’aventure, le lecteur venait à trouver, au hasard de
ces pages, quelques passages en forme
d’antiphrases…
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Derrière le Devoir,
Rampe l’avidité ;
Derrière le Pouvoir,
Gît la cupidité ;
Derrière la Grandeur,
Se niche la détresse ;
Et derrière l’Honneur,
Se cache la bassesse :
…C’est l’envers de l’Histoire !
Prélude
Destiné à présenter les protagonistes et à fixer le décor
Dom Enrico del Prato, un érudit franco-italien,
cardinal de son état, enseigne à des jeunes gens
l’Histoire de France. Il conduit cette tâche dans le
cadre d’un projet pédagogique innovant qui s’inscrit
dans la politique d’intégration engagée par le
gouvernement français à la demande du Président.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Les trois élèves qui lui ont été attribués sont assez
disparates, mais représentatifs de différentes
catégories de la jeunesse française : Moussa Traoré,
20 ans, en troisième au collège de Gagny, plus
performant dans le trafic de « shit » et le
proxénétisme qu’en Histoire de France ; Mohamed
bel Abbes, éducateur à mi-temps à Montfermeil (le
reste du temps, il est à Fleury-Mérogis : dans une
cellule), syndiqué à SUD, carte de la LCR, courant
islamo-trotskiste ; Marie-Eudoxie Capet de la
Chênaie, descendante des rois par la branche Capet,
de généraux par la branche Chênaie, et habitant
Versailles.
Dom Enrico, en maître avisé et expérimenté qu’il est,
adopte pour cette tâche une approche innovante :
parler des choses sérieuses sur un ton parfois badin :
docere ridendo Historiam !
Sera-ce suffisant ? Le vieux prélat italien saura-t-il
susciter l’intérêt de ces jeunes Français à la tradition
historique de leur pays ? Comment ces trois postadolescents vivront-ils ce parcours commun ?
Sauront-ils surmonter les diversités de leurs origines
socioculturelles ? De la réponse à ces questions
dépend le succès du cursus conduit par dom Enrico.
Le cours se déroule dans une salle de la Bibliothèque
Nationale de la rue des Archives, à Paris.
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Chapitre I
LES ORIGINES
On enseignait jadis aux petits Français que leurs
ancêtres étaient les Gaulois. Cher Mohammed, cher
Moussa, je pense que vos ancêtres, s’ils étaient
Gaulois, étaient des Gaulois plutôt méridionaux.
Quant à vous, chère Marie-Eudoxie, je vois bien
venir vos ancêtres des plaines septentrionales, de ce
royaume de Thulé, d’où les blondes amazones
vinrent envahir l’Europe, pour notre plus grand
bonheur…vous pratiquez l’équitation, MarieEudoxie ? Non, la couture et l’oraison. C’est très bien
aussi.
Bref, tout ça, ce sont des sornettes. Un pays comme
la France, où il fait si bon vivre, a toujours été une
terre de passage ou d’invasions. Alors, les passagers
ou les envahisseurs n’amènent pas toujours leurs
femmes avec eux. Quand on va à Strasbourg, on
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n’apporte pas ses saucisses…Pardon, Mohammed ?
Vous trouvez que la comparaison n’est pas bien
choisie ? C’est par rapport aux femmes ? Non ? A la
viande de porc qui remplit les saucisses ! Je
comprends mieux. Disons alors que quand on va à
Alger on n’apporte pas ses merguez. Tout ça pour
dire que, si les envahisseurs n’amènent pas de
femmes, ils font appel à la main d’œuvre locale. Et
là, il y a plusieurs écoles : on séduit, on achète ou on
viole. Soyez sûrs que les trois stratégies ont été
largement mises en œuvre au cours des siècles. En
Gaule, il y avait depuis longtemps des Celtes. Puis
vinrent les Romains (qui comprenaient de nombreux
peuples d’Europe, d’Asie ou d’Afrique dans leurs
armées), les Germains, Les Alains, Les Wisigoths,
Les Ostrogoths, Les Vandales, les Alamans, les
Suèves, les Burgondes, les Huns, les Francs et
quelques autres non répertoriés. Et croyez-moi, tout
ça, ça a su mettre en œuvre les trois stratégies que
j’évoquais tout à l’heure. Barbari sollicitant,
comparant aut vim adhibent mulieres sed semper
procreant !
Alors, devant cette abondance de biens, on dut
choisir : ce furent les Francs et vous êtes des
Français ! C’est cette histoire que je vais vous
raconter. J’ornementerai mon cours de certains
poèmes épiques…mais oui, Moussa, vous pourrez les
transcrire en « rap » ; je vous abandonne bien
volontiers mes droits d’auteur. Je vous servirai aussi
quelques sentences, apophtegmes ou aphorismes
dans mon latin plus ou moins classique : c’est mon
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péché mignon ; et puis, dans un « rap », ça fait très
bien aussi. Eh, bien, allons-y !
*
Jusqu’au milieu du cinquième siècle, la Gaule était
dominée par les Romains. Oui, Moussa, nous, les
Italiens, vous avons encore battus en finale de coupe
du monde 2006 ; j’en suis pour ma part fort satisfait
mais c’est un peu hors sujet. En 451, les derniers
envahisseurs barbares, les Huns, sont repoussés par
les Francs et en 481, Clovis accède au trône: c’est le
début de votre Histoire.
Au sujet de ces Huns, je vais vous donner lecture
d’un poème de l’époque traitant de leur chef, Attila.
Ce délicat héros qui fit trembler la terre
Fut, on peut s’en douter, bien sûr un militaire.
Il arrivait de l’Est et sa bande de Huns
Demeurait contenue par l’empire romain.
Ils étaient bien connus pour leurs mœurs délicates
Qu’ils avaient apportées de leurs lointains pénates ;
Ils vivaient à cheval et cuisaient sous leurs fesses
La viande qu’ils mangeaient avec délicatesse.
Ils tuaient leurs vieillards, ils tuaient leurs malades
Pour n’être ralentis au cours de leur balade
Qui, des steppes d’Asie, les conduisait vers l’Ouest
Pour rechercher des prés à l’herbe moins modeste.
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Mais Rome est fatiguée, l’empire se délite
Et Attila comprend qu’il lui faut agir vite,
Tout d’abord il combat l’empire byzantin :
Il obtient des tributs et gagne des butins
Puis, changeant d’horizon, il va vers l’Italie
Et conquiert la Toscane avec la Vénétie,
Arrive devant Rome : on le paie, il s’arrête :
La sœur de l’empereur servira à ses fêtes…
*
…Attila est parti : il reste sa mémoire
Que l’on évoque encor dans les soirées à boire
Et puis qu’on utilise aussi de temps en temps
Quand il faut faire un peu peur aux petits enfants.
Ce qui est dit dans ce très beau poème est
globalement faux. Attila était en effet un personnage
cultivé et raffiné. La cour des Huns, installée sur le
Danube, était en contact régulier avec Rome et Attila
porta même un titre décerné par l’empereur
Valentinien III. Enfin, dans sa jeunesse, il avait
partagé les jeux d’Aetius, le futur général romain, qui
avait été retenu en otage à la cour du roi des Huns.
L’ironie de l’Histoire fait que c’est ce même Aetius
qui le vainquit aux Champs Catalauniques.
Ce général romain qui gouvernait la Gaule
Dans sa jeunesse avait pu répéter son rôle
Quant il avait été otage chez les Huns
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En partageant les jeux du fils du souverain.
Ce compagnon de jeux qu’il connut autrefois,
Le fils du roi des Huns, s’appelait Attila.
Ils étaient compagnons, peut-être amis naguère,
Ils allaient désormais devoir faire la guerre.
Donc, Attila n’était sûrement pas le Barbare assoiffé
de sang qu’il est devenu de nos jours. Mais vous
savez, mes amis, les Barbares, ce sont toujours les
autres…pardon,
Marie-Eudoxie ?
Ceux
qui
n’habitent pas à Versailles ? En quelque sorte, en
quelque sorte…
Clovis, donc le premier roi des Francs, est connu
pour avoir apporté une intéressante contribution à la
législation sur les partages. En ce temps là, lorsqu’il
y avait une bataille, les vainqueurs se partageaient ce
qu’ils prenaient à leurs adversaires…il en irait
toujours ainsi, Moussa ? Oui, bien sûr, il est bien
connu que le 9-3 est une terre de traditions. A
Soissons, l’armée de Clovis (ou sa bande, si vous
préférez, Moussa) avait remporté la victoire. Il devait
donc y avoir partage équitable du butin entre les
chefs des guerriers. Mais, voici que l’évêque du lieu,
un certain Remi, demande à Clovis de lui donner un
vase précieux. En ce temps là, les évêques, chargés
de mission par le pape, avaient du pouvoir. De nos
jours, hélas, il n’en est plus ainsi. Ah bon, MarieEudoxie, Madame votre mère reçoit monseigneur
l’évêque de Versailles à sa table, les jours de fête ?
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L’EnVers de l’Histoire de France
Mais c’est fort bien ! Et vous, Mohammed, votre
maman reçoit l’imam de La Courneuve pour un
couscous le vendredi ? Mais c’est parfait ! Vous
voyez que toutes les traditions ne se perdent pas !
Donc, Clovis juge utile et politique de faire plaisir à
Remi (rendre service à un puissant s’appelle de nos
jours : investir) et il lui donne le vase. Un de ses
soldats, qui était respectueux des traditions du
partage, s’y oppose et brise le vase d’un coup de sa
hache. La suite, ce beau texte de l’époque vous la
relate :
Il est assez obscur, ce célèbre Clovis
Quand il prend le pouvoir au cœur de la Belgique
Et, si l’on connaît mal ses vertus et ses vices,
On se souvient de lui qu’il devint catholique.
*
Mais bien avant ceci il fit mille combats
Contre mille ennemis, pour quelque cause obscure
Mais on sait bien hélas que tel est ici-bas
L’habitude des rois car c’est dans leur nature.
Il vainquit les Romains, les Wisigoths, les Francs,
Les Burgondes aussi qui lui donnèrent femme
(La charmante Clotilde) et puis les Alamans
Et bien d’autres encore au prix de mille drames.
Il était querelleur et un jour, à Soissons,
Pour une sombre histoire de vase sacré
Il subit un refus d’un soldat, sans raison ;
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L’EnVers de l’Histoire de France
Plus tard, il l’a revu et il l’a massacré !
Ce texte nous apprend que Clovis se fit baptiser. En
496, Clovis avait donc épousé une princesse
burgonde du nom de Clotilde. Oui, Moussa ; une
princesse est effectivement une « meuf » qui vient
des beaux quartiers. Un peu comme Marie-Eudoxie ?
Mais oui, tout à fait ! D’autant plus que Clotilde était
elle aussi (comme Marie-Eudoxie) une fervente
catholique. Un jour qu’il combattait une bande rivale,
Clovis, qui était d’un naturel pragmatique, s’écria :
« Dieu de Clotilde, si tu me donnes la victoire, je me
convertirai !» Il emporta la victoire ; il se convertit.
Vous devriez penser à vous convertir aussi, mon cher
Mohammed…Vous attendez de savoir qui emportera
la victoire ? Vous êtes un sage ; vous irez loin, mon
petit.
C’est en relation avec ce baptême de Clovis que fut
formée l’expression « France, fille aînée de
l’Eglise ». Néanmoins, cette phrase n’a jamais été
prononcée avant le dix-neuvième siècle, lorsqu’elle
fût inventée par l’archevêque de Reims, Monseigneur
Benoît Langénieux en 1896, puis reprise par Jean
Paul II, à Paris, en 1980. « Langénieux était
ingénieux » ? Mais bien sûr, mon cher Moussa. Vous
êtes poète autant que perspicace. Oui, mais ce qui
était vraiment ingénieux, c’est cette décision de
Clovis de se faire baptiser car, depuis lors et pour
quatorze siècles, le trône et l’autel, le sabre et le
goupillon, regnum et arae, gladium et aspergilium,
n’ont cessé de s’aider mutuellement pour dominer la
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L’EnVers de l’Histoire de France
France. Si ça va changer avec le minaret et le
cimeterre, Mohammed ? Peut-être, mais attendez
d’en être sûr avant de prendre position. Victoriam
sequi, prudentia est !
En 511, Clovis meurt. Non, Moussa, rien n’indique
qu’il se soit fait « dessouder », ainsi que vous le
suggérez ; il est vrai que rien n’atteste non plus du
contraire... Quoiqu’il en fût, ses quatre enfants se
partagèrent le royaume, selon la tradition. Eh oui,
Mohammed, on traitait le royaume comme un butin !
Mais, je vous ferai observer, à vous qui êtes si
sensible aux questions de solidarité, qu’un royaume
dont les fondations sont posées par des « partageux »
ne peut pas être foncièrement mauvais.
Il y eut alors des affaires bien sombres et bien
confuses. Deux reines, Brunehaut et Frédégonde se
firent une terrible guerre. Comme vous le dites,
Moussa :
quand
les
« meufs »
s’en
mêlent…Pardonnez-nous, Marie-Eudoxie…Ah, vous
ne savez pas ce qu’est une « meuf » ! Tout va bien,
alors.
En 623, le petit-fils de Frédégonde, Dagobert,
accède au trône, à Saint Denis. Dagobert avait un
ministre qui s’appelait Eloi. C’était un orfèvre fort
riche et fort habile. Dagobert le nomma donc
trésorier, c'est-à-dire ministre de ses finances. Il le fit
aussi nommer évêque, en passant. Un évêque, en ce
temps, recevait beaucoup d’argent, ce qui ne pouvait
faire de mal ni à Dagobert, ni à Eloi. L’ami d’Eloi
s’appelait saint Ouen. Oui, Moussa, Saint-Denis,
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Saint-Ouen… Dagobert et Eloi étaient peut-être bien
les fondateurs de votre bande et la France eût pu
s’appeler Neuf-Trois…
De Dagobert, l’Histoire retint une sombre affaire de
culotte mise à l’envers…son pantalon était-il peutêtre trop « baggy » ? Il semblerait plutôt que tout ceci
ne fût qu’une invention de l’époque révolutionnaire
où l’on voulait se moquer du roi : ce texte est sans
nul doute apocryphe.
On sait bien peu sur lui,
Le bon roi Dagobert,
Sinon qu’un jour il mit
Sa culotte à l’envers.
Mais hélas on apprend
Que tout ceci est faux,
Que quelques chenapans
Au pied de l’échafaud
N’inventèrent l’histoire
Que pour mieux se moquer
De tout royal pouvoir !
Ce manque de respect
Pour l’histoire de France,
Par la Révolution,
Mérite une vengeance :
« Oublions la chanson » !
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De son collègue Eloi, on garde aussi une chanson.
Eloi fut en effet canonisé…Non Mohammed !
Canonisé ne veut pas dire qu’on l’a fusillé à coups de
canon ! Ça ne se fait pas plus que d’écraser une
mouche avec un marteau pilon, c’est du gâchis.
Canonisé veut dire qu’on en fit un saint. Ah, vous
avez encore beaucoup à apprendre, mes amis. MarieEudoxie, il faudrait que vous me prêtassiez la main
en cette tâche. C’est donc un saint et le saint patron
des orfèvres, bien naturellement. Eh bien, les
orfèvres ne sont pas des gens ingrats et, depuis
longtemps, pour célébrer la fête du saint, ils
s’adonnent à des jeux aussi émouvants qu’innocents :
Trois orfèvres, à la saint Eloi,
Montèrent sur le toit pour…
Ah, voila que j’ai oublié la suite. Pourriez-vous
m’aider,
Marie-Eudoxie ?
Non ?
C’est
étrange…Virgines cantica ignorant !
Enfin, avec Clovis et Dagobert, la royauté était bien
fondée. Les rois suivants étaient des Pépin. Avec un
nom pareil, il y avait de quoi attirer la poisse ! Vous
imaginez votre Président s’appelant « Accident »,
« Ennui », « Mésaventure » ? Non ? Vous avez
raison, Mohammed. Avec le sens du vocabulaire qui
est le sien, il s’appellerait sûrement tout simplement
« Connerie » ! Mais eux, c’était Pépin ! Oublions-les
et attardons-nous sur le sort du fils de Pépin II :
Charles de Herstal, dit Charles Martel. Mes chers
amis, je réponds par avance à une question que vous
ne manqueriez pas de me poser. Venant de Herstal,
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L’EnVers de l’Histoire de France
patrie des armes à feu, on pourrait imaginer que
Charles était l’inventeur du Browning P35®, du
Beretta M12® ou du merveilleux FN 5,56® qui
équipe les troupes de l’OTAN. Ah, je vois vos yeux
briller, mon cher Moussa ! Eh bien non ! Charles
n’inventa que le marteau ; invention qui, si vous me
permettez, ne vaut pas un clou !
Le problème de Charles, à part l’affaire du marteau,
était qu’il n’était qu’un bâtard du roi. Sa mère était
une concubine de Pépin II, la belle Alphaïde. Il ne
pouvait donc être roi et se fit nommer modestement
« Maire du palais » ; néanmoins, c’était le vrai chef.
Et c’est là que se produisit une affaire si délicate que
j’ai scrupule à l’évoquer devant vous, mon cher
Mohammed. Après qu’en 622, le Prophète Mahomet
eut prêché le Djihad, des troupes de musulmans zélés
avaient conquis l’Espagne et entendaient bien faire
profiter le royaume des Francs des bienfaits de
l’Islam. Ils remontaient tranquillement la Nationale
10 en direction de Poitiers quand Charles, piqué par
on ne sait quelle mouche, vint à leur rencontre le 19
octobre 732. Et là, sans aucune retenue, sans aucun
sens du dialogue interreligieux, des bienfaits du
multiculturalisme, de l’amitié entre les peuples, il
frappa ! Et il gagna la bataille. Il me semble, mon
bon Mohammed, que votre Président n’a pas encore
fait repentance pour cette incongruité. Je ne doute pas
que cela se produise bientôt. Princeps doctus in
penitentias est !
Les Sarrasins, ainsi qu’on les nommait alors,
rebroussèrent chemin et allèrent s’installer au sud de
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L’EnVers de l’Histoire de France
la vallée du Rhône. D’aucuns disent qu’ils y sont
encore.
A la cour de Chilpéric Deux
Il était chef, en quelque sorte,
Du protocole et puis des jeux :
Du palais, il gardait la porte.
Car le roi était fainéant
(C’était alors une habitude)
Et il s’amusait tout le temps
Refusant les tâches plus rudes.
Laissant le roi à sa paresse
Charles alors prit le pouvoir
Puis, avec beaucoup d’allégresse
Il assuma tous ses devoirs ;
C’était bien sûr, on le devine,
Avant tout de faire la guerre
Et de s’enrichir de rapine
(Il n’est rien de nouveau sur terre.)
Hélas, un autre conquérant
Nourrissait ces sombres projets
Abd El Rahman, le Mécréant,
Venait du Sud jusqu’à Poitiers ;
Et aussitôt, Charles accourt ;
Il tue le chef, vainc les guerriers,
En pend quelques uns haut et court,
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L’EnVers de l’Histoire de France
Devient héros en Chrétienté.
Au retour, fier de cette gloire,
Il soumet quelques évêchés :
Quand on a acquis le pouvoir,
Il est juste d’en profiter.
Si je comprends bien, Mohammed, vous acquiescez
avec cette comptine qui met ce combat au compte
d’une lutte économique et non pas d’un conflit de
civilisation. Me voici rassuré. Ainsi, cette brutale
affaire ne trouble pas la conscience que vous avez de
vos origines mais, au contraire, vous renforce dans
votre vision matérialiste de l’Histoire. Parfait ! J’en
toucherai un mot à votre Président ; il est très
marxiste aussi, à ses heures. Interdum Princeps
marxistus est !
Je passe sur le roi qui lui succéda : encore un Pépin,
Pépin III dit Pépin le Bref. S’il est bref, c’est déjà ça
de positif mais je préfère néanmoins m’attarder sur le
roi suivant, un grand, un vrai : Charlemagne. Fils de
Pépin III, Charles n’était pas encore « magne »
puisqu’à la mort de son père, en 768, il n’hérita que
d’une moitié du royaume ; son frère Carloman
gouvernait l’autre. Par bonheur, trois ans plus tard,
Carloman mourut opportunément. Il avait alors vingthuit ans, était en parfaite santé, se trouvait fâché avec
son frère et mourut subitement. Bien entendu, il
serait indécent d’imaginer que Charles eût pu avoir
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L’EnVers de l’Histoire de France
quoi que ce soit à faire avec ceci : la preuve, il a été
canonisé.
Donc Charles héritait de l’empire ; il devenait
Carolus Magnus dans le latin de l’époque,
Charlemagne dans la tradition française ou Karl der
Große, ce qui correspond mieux au Barbare teuton
qu’il était sans nul doute. Tenez, Marie-Eudoxie,
pouvez vous monter sur l’échelle qui est juste
dernière moi pour attraper un livre où l’on traite de
ce grand empereur…voila, montez encore un ou deux
échelons, je vais vous guider…Mais, pourquoi
venez-vous vous placer ainsi sous l’échelle,
Moussa ? Les bibliothèques vous intéressent-elles ?
Non, c’est pour rattraper Marie-Eudoxie si elle venait
à trébucher ? Mais c’est une tâche dont je pourrais
très bien m’acquitter moi-même… Bon, voici le
livre, écoutez :
Pour conter Charlemagne il faudrait plus d’un livre
Car toute son histoire émerveille et enivre
Mais, puisqu’il le faut bien, je vais ici vous dire
En quelques mots qui fut ce fondateur d’empire.
Il naquit à Maastricht, sur les bords de la Meuse,
Au sein d’une famille émérite et pieuse
Et n’eut de cesse alors que de faire agrandir
Son royaume austrasien pour en faire un empire.
Il combattit à l’Ouest, à l’Est, au Sud, au Nord,
Il massacra beaucoup, prit butins et trésors,
Il fédéra les Francs et vainquit les Saxons,
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L’EnVers de l’Histoire de France
Les Lombards, les Gascons et même les Bretons.
Il s’occupa bien sûr aussi de religion
Et grâce à son pouvoir put donner des leçons
Sur ce sujet et il s’en prit à l’hérésie
Quant au « Filioque » (en bref, au Saint-Esprit).
Le Pape Léon III ayant quelques ennuis,
Charles le secourut et lui sauva la vie,
Alors, pour remercier son puissant protecteur,
Léon, c’est bien le moins, le nomma Empereur.
Il était Belge un peu, Français et Allemand,
Il n’était pas barbu mais il était très grand,
Ses femmes sont légions mais l’infidélité
Au protecteur du pape est bien facilitée.
*
A sa mort son empire est aussitôt brisé
Mais, à bâtir l’Europe au fil de son épée,
Il fut le tout premier : Hitler, Napoléon,
De Carolus Magnus retinrent la leçon.
Charlemagne s’intéressait donc aux femmes. Oui,
mais il était sélectif. L’impératrice de Constantinople
lui avait proposé de l’épouser. C’eût été une occasion
de réunir les deux empires. Pourquoi refusa-t-il, la
question demeure. Voyons, Marie-Eudoxie, pouvezvous m’atteindre ce vieux grimoire sur le rayon
supérieur, là-haut, un peu plus à gauche ? Pardon ?
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L’EnVers de l’Histoire de France
La prochaine fois, vous mettrez un pantalon ? Je ne
comprends pas…Virgo insolitas pudores habet !
D’empereur elle fut la femme et puis la mère
Mais comme elle aspirait avant tout à régner,
A peine son enfant eut-il perdu son père
Qu’elle l’assassina pour s’en débarrasser.
La vérité oblige à dire à ce sujet
Qu’avant de le tuer on lui creva les yeux
Ce qui, on le sait bien, rend les gens plus discrets
Sur des spectacles qui pourraient être fâcheux.
Sans fils et sans mari, la voici Basileus* :
Charlemagne, en rival, en conçoit du courroux
Mais Irène a un plan subtil et vertueux
Et qui consiste à lui passer la corde au cou
Et par un émissaire qu’elle envoie jusqu’en France
Elle offre un mariage au prince d’Occident,
Ce qui réunirait cette double puissance
Et l’Empire serait plus fort qu’en aucun temps.
A Charles, elle envoie comme gage un grand voile
Mais Charles n’en veut pas : Cette Irène l’ennuie.
C’est à Charles Le Chauve, ironie, que la toile
Echoit : il n’en veut point couvrir sa calvitie
Et l’offre à l’évêché pour quelque sacristie.
Irène est fort déçue et son pouvoir se meurt ;
On l’exile à Lesbos. (N’en tirez pas parti
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L’EnVers de l’Histoire de France
Pour un doute sur la nature de ses mœurs…)
* Le poète aurait dû dire Basilea mais cela lui aurait
probablement posé des difficultés quant à la rime et
puis, telles étaient la douceur et la délicatesse
d’Irène, qu’un nom masculin n’est pas si mal
approprié.
Moi, mes amis, je tire parti de cette histoire et je
comprends maintenant le refus de Charlemagne : la
Gay Pride, ce n’était pas vraiment le genre de la
Maison !
Au cours de son long règne, Charlemagne fut, nous
l’avons vu, bien ennuyé par les Saxons. Alors, avec
le sens du raccourci qui caractérise l’époque, il édicta
une loi simple et efficace : « Tout Saxon qui refusera
le baptême sera puni de mort (1)». La méthode
n’était sans doute pas si efficace que cela car
Charlemagne, pour effrayer un peu ces Saxons qui
commençaient à l’agacer, dut faire quatre mille cinq
cents prisonniers, à Verden en 782 ; et puis il les
massacra consciencieusement (2). C’est sans doute
pour ça que Charlemagne fut canonisé par Pascal III ;
hélas, ce pape a été depuis lors rétrogradé au rang
d’antipape. Il serait bon que notre Très Saint Père
confirmât cette canonisation. Charlemagne aurait fait
un crime encore plus grave, Moussa ? De quoi s’agitil ? Il a inventé l’école ? Oui mais c’est son lointain
successeur, Monsieur Mitterrand qui a inventé les
ZEP !…demandez donc à votre Président de faire
repentance pour tout ça !
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Après Charlemagne, dont la sainteté est, ainsi que
nous l’avons vu, sujette à caution, vint son fils Louis
le Pieux qui est si cher à mon cœur d’ecclésiastique.
Non, Moussa, il ne s’appelait pas « le Pieux » parce
qu’il était adepte de longues grasses matinées, mais
parce qu’il se confondait en dévotions. Louis avait
d’abord été destiné à être moine. Ayant connu la
grande déception de ne l’être point et de ne devenir
qu’empereur, il se rattrapa en veillant à réorganiser
les ordres monastiques (3).
Il veilla ainsi à ce que les nonnes ne pussent sortir de
leurs monastères et émit, dans le même temps, un
édit interdisant la prostitution publique (4). Y a-t-il
un rapport entre les deux décisions ? Je ne me
prononcerai pas. In dubio, abstino ! Louis finit
d’ailleurs par enfermer sa femme Judith dans un
monastère…Oui, Moussa ; il est possible que votre
ami, le P’tit Louis qui opère rue Saint Denis, soit
finalement d’extraction carolingienne…
Ce saint roi eut hélas à endurer une révolte de son
neveu Bernard d’Italie. Faisant preuve de
mansuétude, il lui laissa la vie sauve et lui fit
seulement crever les deux yeux ; mais, comme le dit
Jean Julg, c’était le châtiment habituel en ce temps
(5). Ce qui n’était pas prévu, en revanche, c’est que
les plaies s’infectèrent et que Bernard mourut deux
jours après. Que dites-vous, Moussa ? Qu’on ne fait
pas d’omelettes sans casser des yeux ? Vous êtes
décidément un poète, mon petit. A propos de poète,
on dit qu’un troubadour contait ces aventures en
chantant les deux petits quatrains que voici.
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29
L’EnVers de l’Histoire de France
Louis était fort pieux.
Il était un dévot et il redoutait Dieu
Mais il était doué, plus pour la liturgie
Que pour la chirurgie.
Il fit crever les yeux
De son neveu Bernard, homme trop ambitieux :
Le scalpel était sale et la plaie s’infecta
Et Bernard succomba.
Louis le Pieux n’avait vraiment pas de chance avec
sa famille : voici qu’il se fâche avec son fils Lothaire
et que celui-ci lui impose une pénitence publique
dans la cathédrale Saint Médard de Soissons et le fait
enfermer dans un monastère. Comme il était pieux, il
obtempéra avec joie et, peu de temps après mourut.
Après la mort de Louis, ses trois fils, Louis le
Germanique, Lothaire et Charles se livrèrent des
combats sans pitié. Des deux premiers, étant fils de
roi, on eût pu penser qu’ils étaient, comme on dit,
« nés coiffés » ; Pour Charles, c’est plus douteux
puisqu’il est passé à la postérité sous le nom de
Charles le Chauve. L’empire fut alors partagé en trois
parties : La Francia orientalis qui correspond à
l’Allemagne actuelle, pour Louis ; La Francia media
ou Lotharingie, allant des Pays-Bas à Rome, pour
Lothaire ; La Francia occidentalis, qui allait devenir
la France, pour Charles. Et voila comment vous êtes
devenu français alors que vous eussiez pu être lorrain
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
ou teuton, mon bon Moussa…Pardon ? Vous seriez
plutôt originaire de la Francia meridionalis ? Oui,
sans doute, mais on ne l’avait pas encore inventée à
l’époque.
Au début du neuvième siècle, vint le temps des
invasions normandes. Les Normands (North Manni)
n’étaient pas commodes. Ils avaient de grandes
moustaches ; naviguaient sur des petits navires ;
avaient de grands sabres ; avaient des petits yeux
mais de grands…non, mes amis ; par respect pour
Marie-Eudoxie, j’arrêterai là ma description. Sachez
seulement que ces rudes conquérants disposaient
d’armes et d’instruments adaptés pour traiter
convenablement les hommes…et les femmes.
Il faut que je vous conte ici une anecdote religieuse
afin de parfaire votre éducation en la matière, mes
chers Mohammed et Moussa. N’oublions pas que
votre distingué Président est Chanoine de Latran !
Donc, en 843, les Normands arrivèrent à Nantes,
chez l’évêque Gohar. Pour quelque obscure raison
que l’on ignore, ils lui coupèrent la tête. L’évêque
ramassa alors sa tête fraîchement coupée ; la prit sous
son bras ; se dirigea vers la Loire ; monta dans un
bateau sans voile ni rame ; navigua jusqu’à Angers ;
les cloches s’y mirent spontanément à sonner ; il se
dirigea vers le cimetière et pria obligeamment les
abbés du lieu que l’on voulût bien l’inhumer. Divers
tableaux et inscriptions attestent de ce haut fait en la
cathédrale de Nantes. Je vous vois impressionnés,
mes amis ; les Normands devaient l’être beaucoup
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31
L’EnVers de l’Histoire de France
moins car ils continuèrent leurs pillages. Il faut dire
que ce genre de miracle était courant à l’époque !
Miraculi consueti quondam erant ; hodie rari sunt !
Après avoir ainsi perturbé la vie des braves évêques
de l’ouest, les Normands, suivant un tropisme bien
connu des visiteurs étrangers, se dirigèrent vers Paris.
Ah ! Paris ! Les p’tites femmes ! Voyons, MarieEudoxie, ne vous formalisez pas ! Vous n’êtes pas
parisienne ; vous êtes versaillaise. C’est un autre
monde. O universi, O mores !
En fait de « p’tites femmes », le Normands allaient
être déçus. Lorsqu’ils furent en vue de la capitale, on
alla en toute hâte chercher sainte Geneviève afin
qu’elle s’opposât à leur intrusion. Mais, les
Normands furent donc déçus, et à double titre :
d’abord, sainte Geneviève n’était plus en chair et en
os, mais réduite, depuis quatre siècles, à l’état de
reliques ; vous conviendrez que cet état était moins à
même d’exciter leurs plus bas instincts. De plus, bien
qu’enfermée dans une châsse (mais non, Moussa,
cette châsse n’est pas de celles que l’on tire quand on
a dû s’isoler un instant), elle n’en fit pas moins un
miracle, et les Normands rebroussèrent chemin.
N’est-ce pas magnifique ? Profitez bien de tous ces
miracles, mes enfants. Vous constaterez en effet que,
malheureusement, plus on avance dans l’Histoire,
moins il y a de miracles…Miraculi cum tempore
evanescent !
En ce temps là, les Normands avaient en face d’eux
des rois un peu handicapés. Charles II, dont nous
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
venons de parler et qui mourut en 877, était donc
nommé Charles le Chauve : il s’était fait raser la tête.
Aujourd’hui, ce type de coiffure est bien porté. Ça
vous va très bien, Moussa. Mais à l’époque, les rois
Francs brillaient par leur noble chevelure. Le fils et
successeur de Charles le Chauve fut Louis le Bègue.
Vous imaginez comme il devait être brillant quand il
prononçait ses discours ! Eh bien, ce qui devait
arriver arriva : les rois perdirent le pouvoir au profit
de leurs « comtes » (mot venant du latin comes,
compagnon, comme vous ne sauriez l’ignorer). L’un
régnait sur l’Auvergne, l’autre sur la Gascogne ou
l’Aquitaine…Comment vous expliquer ? C’est
comme, mon cher Moussa, quand vous concédez
certains territoires à l’un de vos jeunes frères ou
compagnons : à celui-ci, le « shit » dans la rue
Gagarine ; à celui-là la « coke » rue Karl Marx. C’est
comme, mon cher Mohammed, quand vous
répartissez les responsabilités locales entre vos frères
ou camarades : à l’un la prière de la mosquée de la
résidence Saint-Louis ; à l’autre, l’animation de la
cellule de la rue des Frères Pereire. Ou bien vous,
Marie-Eudoxie, quand vous confiez à l’une de vos
paroissiennes la catéchèse des enfants de la crèche
Saint Pie X ou l’action missionnaire auprès des
fidèles de la mosquée de Versailles Sud…Ah non ? Il
ne fallait pas le dire ? Très bien, je n’ai rien dit !
Silentium in aurum est !
Quoiqu’il en soit, quand on concède des territoires ou
des missions, il faut veiller au grain : faire respecter
le pouvoir central… « Relever les compteurs »,
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L’EnVers de l’Histoire de France
Moussa ? La formulation est imagée mais juste. Or,
les rois n’avaient ni le pouvoir, ni le courage, ni
même l’envie de le faire : la France se délitait.
Charles II était chauve
Et bègue était Louis II ;
Il n’était rien qui sauve
La puissance des deux.
Ces rois sont ridicules ;
Les comtes s’accaparent
Leur pouvoir minuscule :
Chacun en a sa part.
La Moyen Âge développa le concept astucieux du
servage. Le serf (de servus : esclave, en latin)
différait de l’esclave antique en ce que son lien à son
maître était parfaitement synallagmatique et
équitable : Il travaillait pour le maître et celui-ci le
protégeait. Oui, Moussa, c’est tout à fait comme le
contrat que vous avez passé avec cette jeune fille que
vous avez installée rue Saint-Denis : elle « travaille »
pour vous et vous la protégez…et, si elle ne gagne
pas assez, vous la frappez un peu ? Que voulez-vous,
il faut bien faire respecter les contrats ! Pacti
venerandi sunt !
Le maître, en son château, était le protecteur
Du serf qui, dans les champs, faisait le laboureur.
Il veille, de nos jours, sur le bout de trottoir
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Où se tient la « gagneuse »…et c’est la même
histoire !
Vous voyez, mon cher Moussa, comment s’est
constituée l’ « aristocratie ». Dois-je vous appeler
comte, duc, marquis ou baron ? Caïd ? Ce n’est pas
mal non plus.
Donc, l’aristocratie, qui prévaudra jusqu’au dixhuitième siècle, se mettait ainsi en place avec
l’ « esprit chevaleresque ». Les « nobles » se livraient
en effet des combats incessants pour se ravir leurs
terres, leurs richesses ou leurs femmes. Ils
chevauchaient des montures qui allaient être de plus
en plus caparaçonnées et ils portaient des armures de
plus en plus lourdes et brillantes. Ah, Moussa !
Quand je vous ai vu tout à l’heure descendre de votre
Harley-Davidson ®, retirer votre casque intégral et
saluer la gracile amazone assise derrière vous, vous
m’êtes apparu tel un preux chevalier médiéval ôtant
son heaume pour présenter ses hommages à sa
damoiselle…c’était votre « pute » ? Eh alors,
Moussa ! Vous êtes un chevalier moderne, voilà
tout !
Les seigneurs allaient devoir protéger leurs serfs, non
seulement contre leurs rivaux, mais aussi contre de
nouveaux envahisseurs cruels et barbares : les
Hongrois. En 926, alors que la question des
Normands, ces barbares qui avaient la mauvaise
habitude de tout brûler, n’était pas encore réglée, les
hordes hongroises se répandirent sur le royaume. Les
Hongrois étaient cruels et brutaux. Ils avaient
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L’EnVers de l’Histoire de France
l’habitude de couper les testicules de leurs chevaux
pour les rendre plus dociles (d’où le nom de hongre) ;
on dit qu’ils réservaient également ce traitement à
leurs ennemis…D’aucuns font remonter l’étymologie
du mot « ogre » au mot « hongrois »…Je ne puis y
croire, mes enfants. Quelles que soient les hautes
qualités de votre Président, rien ne permet de lui
attribuer celle-là ! Franciae princeps non ogrus est !
Certains venaient du nord : on les nomma Normands.
D’autres venaient de l’est : on les nomma Hongrois.
Mais tous étaient cruels, mais tous étaient méchants
Et, rien que d’y penser, dans le dos, j’en ai froid !
On sait que les Normands avaient pour habitude
De tout brûler. Sans doute aimaient-ils bien le feu.
Les Hongrois, dont les mœurs étaient tout aussi rudes
Aimaient la chirurgie : castrer était leur jeu.
Au beau pays de France, il reste des Normands.
Ils font du camembert, du poiré, du calva.
Sur les Champs Elysées, on conte couramment
Qu’il demeure un Hongrois : au sommet de l’Etat !
En 986, meurt le dernier roi carolingien : Louis le
Fainéant. Eh oui, mon cher Moussa, je me
demandais quel titre vous méritiez le plus mais voici
que nous constatons que l’on peut être roi en ne
faisant rien ! Quo non ascendes !....Pardon, vous
faites quelque chose ? Ah oui, vous surveillez et vous
protégez. Vous avez raison de le faire observer car
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L’EnVers de l’Histoire de France
sinon, l’esprit égalitaire de Mohammed vous eût
placé parmi les parasites. Bref, avec le « Fainéant »,
s’éteignait la dynastie. Il fallait nommer un nouveau
roi. Et ce roi, ce fut Hugues Capet, votre ancêtre
dont vous portez si joliment le nom, Marie-Eudoxie.
Ceci dit et sans vouloir vous froisser, selon certains
mathématiciens, tous les Français seraient
aujourd’hui des descendants d’Hugues Capet.
Comment cela ? C’est très simple : prenons comme
hypothèse une descendance de dix enfants par
famille, ce qui était fréquent ; supposons que seuls
quatre puissent se reproduire…oui, Mohammed,
beaucoup mouraient en bas âge ; sous l’effet de
l’exploitation capitaliste ? Peut-être ; oui, MarieEudoxie, en chaque famille, il en était qui étaient
prêtres, mais ceci n’empêche pas d’apporter sa
contribution à la démographie ; oui, Moussa, certains
étaient homosexuels, ce qui est peu propice à la
reproduction…et à votre commerce aussi ? Bien sûr.
Bref, il en reste au moins quatre qui se reproduisent
au rythme de cinq générations durant dix siècles ; au
total, le nombre de leurs descendants s’élève à 4
puissance 50 soit plus de 4 milliards dès la douzième
génération ! Même si l’on élimine, les redondances,
tous ceux qui sont morts au cours de ces siècles, et
que l’on prend en considération les approximations
mathématiques de ce calcul, on voit bien que tous les
Français descendent d’Hugues Capet…même vous,
Moussa ? Probablement. Votre pays d’origine n’a-t-il
pas reçu la visite de missionnaires français ?...
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L’EnVers de l’Histoire de France
Hugues Capet n’était pas très brillant. Il était maire
du Palais et, en 987, le trône étant vide, il s’assit
dessus…un peu comme Monsieur Chirac, maire de
Paris en 95, Mohammed ? Vous savez, je ne suis pas
très au fait de la politique française. Pour accéder au
trône, Capet s’était allié les puissances de l’Eglise :
les abbés et les évêques. Ceci avait deux avantages :
d’une part, les abbayes et les évêchés détenaient
l’argent, et puis la religion donnait un support moral
à son pouvoir. Non, Mohammed, ce n’est pas lui qui
a dit « la religion est l’opium du peuple ! » Mais il le
pensait sûrement.
Charles Martel avait fondé la dynastie
Carolingienne qui dura deux cents onze ans,
Quand celle qu’a fondée Hugues bien malgré lui
A régné sur la France près de huit cents ans.
Il était très obscur et bien insignifiant
Quand, par le fait de multiples péripéties
Il fut proclamé roi, âgé de cinquante ans,
Et connut le pouvoir pour une décennie.
A propos des descendants d’Hugues Capet, le
premier commença une belle carrière en resserrant
tant les liens avec l’Eglise qu’on l’appela Robert le
Pieux. Hélas, il rencontra une certaine Madame
Berthe de Bourgogne, s’en éprit et divorça. Le
charme était rompu ; il fut excommunié par le pape
Grégoire V. Vous pensez, Marie-Eudoxie, qu’il a agi
ainsi sous l’influence du Diable ? Moi, je pencherais
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
plutôt pour celle des hormones. Mais, De diabolis et
hormonis, non disputandum est !
Le fils d’Hugues Capet était bien éduqué
Dans le chant, la musique et la théologie
Et l’œuvre de sa vie peut être résumée
En trois parties (en somme, en une trilogie).
Il guerroya beaucoup, ceci est bien banal
Pour un roi de ce temps et il serait stupide
De lui en faire ici le reproche brutal
Au lieu de célébrer ce beau prince intrépide.
Il avait un grand goût pour la théologie
Et ainsi pourchassa les pauvres malheureux
Qui avaient succombé au chant des hérésies :
Pour ça on lui donna pour nom Robert le Pieux ;
Mais un petit travers allait briser le charme :
Il divorça ! Eh, oui, c’est ainsi quand on aime…
…Le pape s’en émut et en fit tout un drame :
Il fut excommunié et frappé d’anathème.
*
Ce n’était que justice, il faut bien convenir
Que tuer des ennemis ou bien des infidèles
Vous fera sanctifier mais que si le désir
Dévie votre chemin, vous n’irez pas au ciel.
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L’EnVers de l’Histoire de France
A propos de Diable, laissez-moi vous dire ici une
comptine traitant d’un sombre seigneur normand de
l’époque, Robert le Diable :
Un célèbre poème, au cœur du Moyen Age,
Conte la destinée de ce prince maudit
Et qui de sa naissance avait, en héritage
De celui que sa mère avait pris pour mari,
Reçu le nom.
La vérité hélas est bien moins romantique
Et moins troublante aussi, il faut m’en excuser ;
Ce fils de Richard II, quelque peu colérique
Avait tué son frère et puis avait régné,
Grâce au poison.
Alors sa destinée est de celles qu’on aime :
Il part pour la croisade et va se distinguer
Jusqu’à ce qu’un beau jour, près de Jérusalem
En un combat fatal il se fasse tuer
Par trahison.
Mais pendant qu’en Orient il vivait de rapine,
Une jeune princesse accouchait de Guillaume
(Arlette de Falaise était sa concubine)
Et cet évènement assurait à cet homme
Sa succession.
Ainsi ce prince obscur est passé à l’Histoire
Grâce à son fils Guillaume dit « Le Conquérant »
Qui se fit un destin en connaissant la gloire
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L’EnVers de l’Histoire de France
Au pays d’outre Manche appelé maintenant :
Perfide Albion.
En effet, en 1066, un évènement important se
produisit. Guillaume Le Bâtard, duc de Normandie et
fils de Robert le Diable (que l’on appelait aussi, je ne
sais pourquoi, Robert le Magnifique (Vade retro,
Satanas !), avait, au cours des années précédentes,
accru son pouvoir et devenait un rival pour le roi de
France. Pour une sombre histoire d’héritage,
Guillaume en vint un jour à s’intéresser au trône
d’Angleterre. En 1066, donc, il passe à l’action,
traverse la Manche, prend pied sur le sol britannique,
bat le roi Harold et devient roi. Bonne affaire, en
apparence, pour le roi de France ! Vous me disiez
tout à l’heure, Moussa, que quand votre principal
concurrent Djibril avait cessé d’être « dealer » à La
Courneuve pour devenir « trader » à la City
(évolution somme toute naturelle), ça avait élargi le
champ de vos activités. Oui, mais le 15 septembre
2008, c’est la chute de Lehmann Brothers ! Djibril
est à Waterloo Station avec juste de quoi s’acheter un
billet de retour ; et pour vous, mon pauvre Moussa,
les ennuis commencent. Eh bien, ce fut pareil pour le
royaume de France : dix siècles de luttes et de
combats. Mais oui, Mohammed, au foot vous
dominez souvent les Anglais…mais pas les Italiens :
Memoriam tenite poculi mundi !
Il descendait directement
Des Vikings, ces grands ennemis
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L’EnVers de l’Histoire de France
Qui, se faisant aider du vent,
Avaient conquis la Normandie
Par la mer, venant de Norvège ;
Puis sur les fleuves remontant
Sous le vent, la pluie ou la neige,
Avaient massacré tant et tant.
Tout cela était bien ancien
Car il était duc maintenant
Et, à l’occasion, le soutien
Du roi de France, son parent ;
Mais en politique, on le sait,
Les soutiens sont aléatoires,
Et les alliances renversées :
C’est cela le sens de l’Histoire.
Bref, il se fâche avec Henri,
Et défait le comte d’Anjou,
Fait triompher la Normandie
Trahit un peu et tue beaucoup.
Soudain meurt le roi d’Angleterre :
Guillaume a droit à l’héritage
Et aussitôt il prend la mer :
L’envie suscite les voyages…
(Edouard était le roi défunt,
Fils d’Emma, l’arrière grand-tante
De Guillaume à qui le soutien
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L’EnVers de l’Histoire de France
D’Harold, par des lettres patentes,
Deux ans plus tôt était donné
En cas de vacance au royaume,
Ce qui justifiait assez
Toute confiance de Guillaume…
…J’ignore si c’est évident
Dans vos esprit, mais il faut croire
Que ça l’était en ce bon temps
Car cela modifia l’Histoire !)
En septembre il franchit la Manche,
Il sème alentour la terreur
Pour tuer l’esprit de revanche :
De l’Angleterre il est seigneur !
Des français ont fait la conquête
De l’Angleterre un beau dimanche ;
Oh ! Jour de gloire, Oh ! Jour de fête,
La France règne sur la Manche…
…Les choses évoluent souvent
Différemment qu’on l’espérait ;
Parfois même fâcheusement :
Guillaume est devenu Anglais !
*
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L’EnVers de l’Histoire de France
Mes chers enfants, il se fait tard et nous allons arrêter
là notre cours pour aujourd’hui. Je compte, pour ma
part, rendre une visite de courtoisie à mon collègue
Mgr Vingt-Trois, l’archevêque de Paris…oui, ici, on
numérote les évêques ; chez nous, c’est les papes ;
décidément, nous ne jouons pas dans la même
division ! Je pense, par ce beau temps printanier, m’y
rendre à pied en descendant la Rue Saint-Denis. Vous
me disiez, Moussa, que vous y aviez une
connaissance ? Peut-être auriez-vous l’obligeance de
lui
adresser
de
ma
part
un
SMS
d’introduction ?...Enfin, si je puis dire.
Vous, mes amis, profitez de la soirée pour vous
détendre ou réviser votre cours. Mohammed, peutêtre pourriez-vous raccompagner un peu MarieEudoxie ; je me suis laissé dire que dans le métro,
« ça craignait » parfois pour les jeunes filles ? Oui,
bien sûr, vous pouvez la faire bénéficier auparavant
d’une séance à votre cellule ; ça lui sera sûrement
profitable. Quant à vous, Moussa, filez vite au parc
de La Courneuve ! Si, comme vous me le dites, on y
brade la barrette de « shit » à 35 €, vous vous devez
de réagir ! On ne peut laisser mourir le petit
commerce ! Minimus commercium non perire debet !
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Chapitre II
LE TEMPS DES CROISADES
Bonjour, mes amis. Comment s’est passée votre
soirée, Marie-Eudoxie ? Avez-vous, à la cellule
anarcho-trotskiste de Mohammed, découvert les
rudiments du matérialisme dialectique ? Non, vous
avez fait des manipulations chimiques…mais oui,
c’était pour confectionner des pétards pour le
Quatorze Juillet, bien sûr, voyons ! Et vous, Moussa,
comment ce petit litige commercial s’est-il réglé ?
Difficilement ?
Mais
non,
je
ne
crois
malheureusement pas qu’il existe à l’Organisation
Mondiale du Commerce une chambre traitant
particulièrement du commerce du « shit ».
Pour ce qui me concerne, j’ai pris grand plaisir à
descendre la rue Saint-Denis et à faire connaissance
de cette demoiselle Lulu, votre relation, Moussa, qui
a beaucoup de conversation. Je suis arrivé tout
Reitlag.fr
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L’EnVers de l’Histoire de France
guilleret chez Vingt-Trois…assez en retard, mais
vraiment tout guilleret !
*
Mais revenons à notre affaire.
Au tournant du millénaire, s’étaient donc créées deux
dynasties : l’une en France, l’autre en Angleterre. Au
cours des siècles futurs, elles allaient se livrer une
lutte incessante. Néanmoins, elles ont su se trouver à
l’occasion des ennemis communs.
Nous avons quitté le royaume de France avec Robert
II le Pieux. Son fils Henri 1er et son petit-fils
Philippe 1er laissèrent peu de traces dans l’Histoire.
Le fils de Philippe 1er, Louis VI le Gros laissa plus
de souvenirs : d’abord, il était glouton et d’ailleurs, il
en mourut. Et puis, avec son ami l’abbé Suger, il
édicta un premier statut du servage. Oui,
Mohammed, tant qu’à faire d’exploiter le pauvre
peuple, autant le faire dans les règles. Proficemus
secundum legem !
C’est sous le règne de Louis VI que commencèrent
les croisades. Cet épisode à toute sa place dans
l’Histoire de la France pour plusieurs raisons :
d’abord, Urbain II, le pape qui en fut à l’origine,
s’appelait Eudes de Châtillon, était français et prêcha
la croisade à partir de Clermont, en Auvergne ; Pierre
l’Hermite, qui prit la tête de cette première croisade
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L’EnVers de l’Histoire de France
était abbé d’Amiens ; enfin, les rois français
s’illustrèrent tout au long de ces saintes expéditions.
Pourquoi Urbain II lança-t-il cette merveilleuse
opération ? On donne généralement pour causes
premières la « libération » du tombeau du Christ,
tombé aux mains des musulmans turcs seldjoukides;
le libre accès des pèlerins à Jérusalem ; la volonté des
papes de reprendre la main en Orient, alors que
Constantinople s’affaiblissait. Mais, vous le savez
mieux que quiconque, Mohammed, on considère
assez communément de nos jours, dans la ligne de
pensée de ce bon monsieur Marx, que l’idéologie
n’est le plus souvent que la superstructure, quand
l’économie est le fondement du sens de l’Histoire.
Embarquons pour l’Orient
Pour faire triompher
La religion sacrée…
Et puis, pour rapporter
Un peu d’argent !
L’empereur d’Orient, Alexis Comnème, appelait au
secours l’Occident, pape et rois confondus, à venir
l’aider à résister contre les Seldjoukides. Que faitesvous, Moussa, quand votre ami et néanmoins rival
Djibril vous demande votre aide contre la bande des
Congolais du 9-5 qui lorgnent son domaine ? Vous
répondez présent ; vous montez une expédition ; vous
bastonnez les Congolais ; puis, en façon de
remerciement de sa part, vous lui demandez de vous
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L’EnVers de l’Histoire de France
céder la moitié de son territoire. Pensez-vous
qu’Urbain II ait eu d’autres intentions ? Moi pas !
L’empereur d’Orient est dans un mauvais pas.
Allons le secourir, surtout, n’hésitons pas !
Toute peine, dit-on, méritant son salaire,
Nous nous ferons payer sur ses biens et ses terres.
Et puis, une petite guerre, dont l’issue semble
favorable, qui plus est, ça vous ressoude une nation,
une communauté. Alors, Urbain procède à un élégant
et efficace habillage idéologique, distribue des
Indulgences et le 27 novembre 1095, la croisade est
lancée. Je ne vais pas vous détailler cette première
croisade dont les résultats sont bien connus : parmi
les membres de la « croisade populaire », bien peu
sont revenus. Les victimes sont donc au nombre de
plusieurs dizaines de milliers. Les chevaliers qui
suivirent eurent, proportionnellement, moins de
pertes, même si bon nombre d’entre eux ne revinrent
pas non plus. Quant à ceux qu’ils rencontrèrent en
chemin : les habitants de Constantinople, les Turcs,
les Sarrasins, ils durent bien succomber dans des
proportions proches des celles des chevaliers…Ah
oui, j’oubliais. Au passage, les croisés firent nombre
de pogroms dans toutes les villes qu’ils traversèrent :
Metz, Trêves, Cologne, Mayence, Worms,
Ratisbonne et Prague…Ce n’était sans doute qu’une
préparation puisqu’à Jérusalem, Godefroy de
Bouillon fit brûler la synagogue où les juifs s’étaient
réfugiés. Si la croisade était une guerre entre les
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
chrétiens et les musulmans, il fallait bien que les juifs
y apportassent aussi leur contribution…Maximi
victimi sunt, sanctissima expeditio est !
Le pape de ce temps, le bon pape Urbain II
Avait demandé qu’on délivre le tombeau
De Jésus-Christ (c’était sans doute un noble vœu
Bien qu’un peu surprenant, nous le disons bien haut,
Puisque ainsi qu’on le sait, Christ est ressuscité
Et, de ce fait illustre, il découle bien sûr
Que son tombeau ne peut qu’être inutilisé…
…Mais tout ceci hélas échappe aux âmes pures).
Bref, à ce saint appel il fallait réagir
Et les chevaliers francs prirent la décision
De punir l’infidèle et de bientôt partir
Sous la conduite de Godefroi de Bouillon.
Avant eux, cependant, étaient déjà partis
Cent mille paysans, une armée de piétaille
(Mais il est plus prudent pour les princes nantis
De laisser tous ces gueux goûter de la mitraille).
Ils passent le Bosphore et découvrent l’Asie,
Ils massacrent beaucoup, conquièrent quelques villes,
En détruisent pas mal (tout ceci est béni)
Montrant de l’Occident un aspect fort civil.
Voici Jérusalem ! Qu’on détruise la ville !
Elle est peuplée de juifs, de Turcs, de musulmans !
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L’EnVers de l’Histoire de France
Ils sont tous massacrés (on parle de cent mille),
Godefroi de Bouillon règne enfin sur l’Orient.
Cent trente mille au moins de ces croisés sont morts
Sur la route qui mène au tombeau désiré ;
Cent mille mécréants ont eu le même sort
Il est de quoi remplir le tombeau libéré !
Que Louis VI soit béni d’avoir contribué à cette
glorieuse croisade. Des croisades, il y en eut au total
huit, en moins de deux siècles. Je ne voudrais pas
vous lasser en vous les racontant toutes. Qu’il vous
suffise de savoir qu’elles eurent des points
communs : de grands massacres et une faible
réussite. Un petit mot sur la seconde : je vois que
Mohammed en meurt d’envie ; celle que mena le roi
Louis VII avec l’empereur d’Allemagne, Conrad de
Hohenstaufen.
En ce temps on disait au chœur des cathédrales
Que les soldats d’Islam, peut-être par bravade
Ou bien tout simplement, l’affaire est fort banale,
Fâchés d’avoir connu la première croisade,
Agissaient de façon un peu brutale et rude
Envers les Francs restés en terre d’Israël.
Ces braves musulmans selon leur habitude
Les égorgeaient un peu (mais avec tout leur zèle).
Saint Bernard de Clairvaux, en terre d’Allemagne
S’en alla rencontrer le nouvel empereur
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L’EnVers de l’Histoire de France
Conrad III, successeur du très saint Charlemagne,
Afin qu’il fît cesser ces terribles malheurs.
(On s’interroge encor sur comment il put faire
Car il ne parlait pas l’Allemand, mais bien sûr
Quant on est futur saint, un miracle, un mystère
Est toujours bienvenu pour forcer la nature.)
Bref, Conrad est bientôt convaincu de l’urgence
De la situation. Une croisade encore
Semble le seul moyen de rentrer dans la danse
Et d’écraser les Turcs, aux rives du Bosphore.
Conrad rentre en contact avec le roi de France,
Louis VII et lui propose une action concertée,
Alliant à la vigueur une saine prudence
Et faisant triompher le drapeau des Croisés.
Cent mille sont en route et le but est Damas ;
On galope et l’on court battre les Musulmans
Mais bientôt cette armée tombe dans une nasse,
Elle est exterminée en des combats sanglants.
L’année d’après, pourtant, l’affaire recommence
Et se termine aussi de façon fort piteuse
Pour le roi d’Allemagne et pour le roi de France
Mal récompensés de leurs vues aventureuses.
Conrad et Louis alors reprennent leurs navires,
Ils n’ont pas triomphé, ils n’ont pas pris Damas
Et ils rentrent chez eux, oserai-je le dire,
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L’EnVers de l’Histoire de France
Vaincus, déshonorés et, bien sûr, la queue basse.
*
Le héros de cette aventure, Louis VII, contrairement
à son père, était plus ascète que bon vivant. A 17 ans,
il épouse Aliénor d’Aquitaine qui, par nature, était
plutôt d’humeur festive. Ça ne pouvait que poser des
problèmes : « j’ai l’impression d’avoir épousé un
moine », disait la reine. Pour la distraire, le roi
l’emmène en croisade et là, en chemin, elle tombe
dans les bras de son oncle Raymond de Poitiers, dont
les ardeurs correspondaient mieux à son tempérament
que les froides dévotions de son époux. Me fais-je
bien comprendre, Marie-Eudoxie ? Non ? Ce n’est
pas grave, Moussa vous donnera toutes explications
complémentaires après le cours : Pro virgini,
explicationes et usus necessarias sunt !
Louis VII, fâché de l’aventure, fait annuler son
mariage par le pape. Ça vous paraît normal,
Mohammed ? Je vous trouve bien rigoriste. Quoiqu’il
en soit, normal ou pas, ce fut une sottise. Aliénor,
désormais libre, épouse Henri Plantagenêt, le futur
roi d’Angleterre à qui elle apporte l’Aquitaine ; ce
qui, après bien des péripéties, contribuera à la
revendication des Anglais sur le trône de France et à
la Guerre de Cent Ans. Voyez-vous, Moussa, si
d’aventure cette dame, la grande Lulu, qui travaille
pour vous rue Saint Denis, venait à vous quitter pour
un Anglais, conservez au moins vos dix mètres de
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
trottoir : on peut céder une partie de son stock mais
on doit toujours conserver son fonds de commerce…
C’est à n’en pas douter une étrange aventure
Que celle d’Aliénor ; ses conséquences durent
Jusqu’ici et je vais tenter de vous conter
Des péripéties qui sont assez compliquées.
Elle hérite à quinze ans de toute l’Aquitaine ;
Pour cette jeune enfant, c’est une belle aubaine
Et voici qu’aussitôt elle cherche un mari,
Trouve le fils du Roi et dont le nom est Louis.
Mais le roi, Louis le Gros s’empresse de mourir
(L’a-t-on aidé ? Je pense qu’on ne peut le dire)
Et Louis le Jeune alors prend le nom de Louis VII ;
Et Aliénor est reine ; et s’en fait une fête.
Bien vite, par malheur, elle doit déchanter :
Aux affaires du lit, son mari n’est pas doué ;
Pour combler la jeunesse il n’est pas l’homme
idoine :
« Au lieu d’un homme, hélas, j’ai épousé un
moine ! »
Aliénor n’en peut plus et pour tromper l’ennui
Elle part en croisade où vite elle séduit
Un joli cavalier : C’est son oncle Raymond
Qui sait lui enseigner des merveilles et monts…
C’est ainsi qu’aussitôt revenue de voyage
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L’EnVers de l’Histoire de France
Au prétexte douteux d’un lointain cousinage
Elle obtient le divorce et puis se remarie
A un Plantagenêt qui se prénomme Henri.
Cet homme est l’héritier du grand roi d’Angleterre
Et très vite il hérite (encore un grand mystère…)
Mais il la trompe avec la belle Rosemonde
(Et même, nous dit-on, presque avec tout le monde.)
Il faut savoir qu’alors Aliénor à trente ans
(C’est un âge avancé pour l’époque et le temps)
Quand Henri en a vingt, mais, est-ce une raison ?
Chacun à ce sujet se fait sa religion.
Aliénor, en tout cas, n’apprécie pas l’affaire ;
Elle est fâchée ; bientôt, elle engage une guerre
Contre son jeune époux ; c’est un combat à mort :
La France et l’Angleterre en subirent le sort.
Henri II s’en saisit, il la fait prisonnière ;
Il l’enferme au couvent tout près de Winchester
Mais bientôt elle sort de sa triste prison
Libérée par son fils (c’est Richard Cœur de Lion !)
Et l’infidèle Henri, au soir d’une défaite
Meurt, honteux d’avoir tué le grand Thomas Becket,
Puis meurt le jeune Henri qui est son fils aîné
Et Geoffroi, autre fils : cruelle destinée.
Aliénor est bien vieille et elle a survécu
A ceux qu’elle a battus, à ceux qui l’ont vaincue ;
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L’EnVers de l’Histoire de France
L’héritière de France ainsi que d’Angleterre
S’enferme à septante ans au fond d’un monastère.
C’est ainsi qu’en raison des ardeurs utérines
D’une jeune princesse, héritière angevine,
L’Angleterre et la France ont connu les tourments
Qu’on désigne aujourd’hui par « Guerre de Cent
Ans »
Et puis, il faut le dire, il faut le reconnaître
Par simple honnêteté, sans passer pour un traître,
C’est grâce à Aliénor, la bru de Louis le Gros,
Qu’aujourd’hui les Anglais aiment tant le Bordeaux.
Louis VII, pour se consoler du départ d’Aliénor se
remaria deux fois et, avec sa troisième épouse, eut
enfin un garçon qu’il prénomma Philippe et qui
devint premier « roi de France » sous le nom de
Philippe II ou Philippe-Auguste, après qu’il eut été
sacré à Reims par Guillaume de Champagne
(auparavant, les rois étaient « rois des Francs ») :
Guillaume de Champagne (à l’esprit pétillant !)
Eut une carrière qui frise l’indécence
Puisque nommé évêque, à peine à dix-huit ans
Et puis, à vingt-deux ans, archevêque de Sens !
C’est alors qu’il sacra Philippe-Auguste à Reims
(Philippe est son neveu, ça se passe en famille)
Et montra son pouvoir aux comtes et aux princes,
Aux marquis et aux rois, à leurs fils et leurs filles ;
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L’EnVers de l’Histoire de France
Il accède ainsi au faîte de la puissance
Et quand le roi s’en va en croisade en Orient,
Guillaume de Champagne gouverne la France,
Métier où il excelle assez rapidement.
Il est l’ami du pape à qui, bien entendu,
Lorsque Thomas Becket est lâchement tué,
Il adresse aussitôt un grand compte rendu
Afin qu’Henri II soit dûment excommunié :
Il donne maints détails à Alexandre III,
Apporte son avis, émet des opinions
Et compare Henri II à Julien l’Apostat
Et il obtient ainsi l’excommunication
Puis, lassé d’une vie brillante et politique,
Il s’enferme au couvent sous le coup d’un oracle,
Se consacre à l’étude de la scolastique
Et puis, à l’occasion, à faire des miracles.
« Toi qui avais ce don, Guillaume que n’as-tu
Usé de ce moyen dans le but qu’Aliénor
Epousât simplement un bon Français du cru ?
Le royaume eût connu alors un autre sort. »
Pour bien débuter son règne, Philippe-Auguste pensa
que rien ne valait une bonne petite croisade, la
troisième, qui avait été prêchée par l’abbé Foulques
de Neuilly, un bien saint homme :
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L’EnVers de l’Histoire de France
Cet abbé a prêché au nom d’Innocent III
La troisième croisade au destin si tragique
Mais ça n’est pas pour ça, tout au moins je le crois,
Qu’on connaît aujourd’hui ce prêtre catholique ;
C’est qu’il a fait bâtir, au sein de sa cité
Peu avant de mourir, en l’an Douze Cents Un
Une maison où sont groupées les prostituées ;
On le dit Bienheureux : On le serait à moins !
Ah ! Une maison tout entière…ça vous fait rêver,
Moussa !
Cette croisade était destinée à lutter contre le grand
prince sarrasin de l’époque, Al-Malik an-Nâsir Salâh
ad-Dîn Yûsuf[] Al-Ayyûbî dit Saladin ; sûrement
l’un de vos ancêtres, mon bon Mohammed.
Ce fils d’un prince kurde eut beaucoup de mérite
Puisque il a su unir la Syrie et l’Egypte,
Ce qui lui a valu d’être bientôt vizir
De ce qui, en Orient, devenait un empire ;
Puis c’est Jérusalem qu’il voulut libérer
(Ce que, cent ans plus tôt, avaient fait les croisés
Mais il faut penser que, de la libération,
Ils avaient chacun sa propre définition
Et l’on peut observer que de nos jours encore
Les autres et les uns se passent sur le corps
Pour, sur la ville sainte, arborer leur drapeau
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L’EnVers de l’Histoire de France
Et acceptent pour ça de mourir en héros…) ;
Bref, le Moyen-Orient est à feu et a sang :
Il combat Cœur de Lion et Guy de Lusignan
Et Barberousse aussi avant que les Croisés
Ne fissent avec lui finalement la paix.
Il avait réussi l’unité musulmane
Mais son comportement sexuellement insane
A fait que s’effondra bientôt tout l’édifice
Car il fut partagé entre ses dix-sept fils !
Vous voyez, chère Marie-Eudoxie, le danger qu’il y a
à avoir autant d’enfants ; comment allez-vous
partager la propriété que Monsieur votre père vous a
léguée à Brétigny en Argonne ?...Elle est
présentement squattée par un groupe charismatique ?
Alors, tout va bien, le partage est déjà fait.
En 1190, Philippe part donc en croisade avec son
collègue anglais Richard Cœur de Lion (Richard the
Lionheart) qui n’était autre que le fils d’Aliénor, la
première épouse de son père ! Philippe y tombe
malade, perd ses ongles, ses cheveux, un œil et, bien
sûr, de nombreuses batailles. Il décide alors d’arrêter
la croisade et rentre en France alors que Richard vole
de succès en succès. Philippe en est jaloux et,
profitant que Richard a été fait prisonnier, il s’attaque
à son petit frère, Jean Sans Terre, John Lackland.
C’est vrai, Mohammed, s’attaquer à un petit frère, ce
n’est pas loyal ! Mais voici justement que Richard est
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L’EnVers de l’Histoire de France
libéré grâce à la rançon payée par Aliénor, sa mère.
Le grand frère vole au secours du petit et Philippe
essuie des revers…ce que veut dire « essuyer des
revers », Moussa ? Prendre une baston ? Oui, ça me
semble une définition lapidaire mais convenable. Et
qu’est devenu le petit frère, John Lackland ? Ce texte
de l’époque répond à la question.
Vraiment, la vie des grands n’est pas toujours aisée !
Voici l’histoire d’un pauvre roi d’Angleterre
Dernier de huit enfants et un peu délaissé
Que nous connaissons sous le nom de Jean sans
Terre.
C’est le fils d’Aliénor et du roi Henri II,
Le frère de Richard qu’on nomma Cœur de Lion
Et cet enfant cadet était fort ambitieux
Et prêt à sacrifier tout à cette ambition.
D’abord, il se révolte envers le roi son père
Puis envers Cœur de Lion, parti à la croisade ;
Chaque fois il échoue (le sort lui est amer)
Mais se remet toujours après une brimade.
Pour assurer son trône, il fait assassiner
Un jeune enfant, Arthur, son neveu de douze ans
(Quand on est fils de roi et qu’on n’est pas l’aîné
Il vaut mieux se méfier de tous les prétendants…)
Puis voici qu’il enlève Isabel d’Angoulême
Tout simplement parce qu’il veut se marier
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L’EnVers de l’Histoire de France
(On n’est pas raisonnable, hélas, lorsque l’on aime !)
Et il est bien puni de cet acte insensé
Car, Isabel étant fiancée à Lusignan,
Les pairs de France alors lui ôtent le Poitou,
La Bretagne et bien sûr le domaine normand,
Le Maine et la Touraine et puis enfin l’Anjou.
Le voici qui se fâche avec Innocent III,
Au sujet de l’évêque de Canterbury
Et le pape qui se veut plus grand que les rois
Le frappe d’interdit et puis l’excommunie.
Après tous ces échecs, il veut, on le devine,
Redorer son blason ; il traverse la Manche
Combat le roi de France, est vaincu à Bouvines
Et rentre en Angleterre en rêvant de revanche.
Devant de tels exploits, ses barons se soulèvent,
Veulent le destituer ; il accepte une Charte
Et puis il la révoque (ce n’était qu’une trêve)
Et agissant ainsi, joue sa dernière carte
Et encore une fois, Jean sans Terre est vaincu
Car il n’a plus d’atout à mettre sur la table,
Le voici destitué, son honneur est perdu :
Il meurt piteusement pour un excès de table…
Ah ! Quelle triste destinée ! Mourir d’un excès de
table, c’est bien le triste sort des grands de ce monde.
Le petit peuple ne se rendait pas compte du bonheur
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L’EnVers de l’Histoire de France
qu’il avait d’en être prémuni en connaissant la
disette.
Voyez-vous, mes enfants, il est des gens sur cette
terre qui n’ont pas de chance ; dont la destinée est
d’être vaincus : John Lackland en Angleterre, Don
Quichotte en Espagne, Pinocchio en Italie, Poulidor
en France, Monsieur Hitler en Allemagne…
Ce n’est pas le cas de Philippe-Auguste. Il restera
dans l’histoire de votre pays comme un très grand roi
et la belle élégie que voici en atteste :
Il est fils de Louis VII quand, à peine à quinze ans,
Il devient roi de France et voit avec dépit
Que le royal domaine à son avènement
Est, à n’en pas douter, à tout le moins réduit ;
Alors, Philippe aura, durant son existence
Le permanent souci de renforcer l’Etat,
Le désir d’agrandir le royaume de France,
La volonté de faire prévaloir sa loi.
Il se tourne pour ça, d’abord vers l’Angleterre
Il combat Henri II et soutient Cœur de Lion,
Est déçu, se retourne alors vers Jean sans Terre
Qu’il trahit aussi vite et combat sans façon.
Tout ceci lui permet d’agrandir le royaume,
Il prend la Normandie, le Maine et le Poitou
Et, comme un édifice est couronné d’un dôme,
La France obtient enfin la Champagne et l’Anjou.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Il fit une croisade (il fallait bien la faire,
Le pape Innocent III l’avait tant réclamée),
Il la perdit, bien sûr, (hélas il faut s’y faire
C’était une habitude alors bien affirmée).
Ce créateur d’Etat, cet administrateur,
Ce courageux guerrier, le vainqueur de Bouvines
Etait aussi bien sûr un brillant percepteur :
Pour la Croisade il fit la « dîme Saladine » !
Sa vie matrimoniale était tout sauf tranquille ;
Il épouse d’abord Isabeau de Hainaut :
Cette princesse douce, charmante et gracile
Va lui faire un enfant et mourir aussitôt.
Il cherche au Danemark une épouse nouvelle ;
On lui envoie alors la princesse Isambour
Qui a des qualités mais hélas n’est pas belle
Et sera répudiée au bout de quelques jours
(Le roi, que voulez-vous, n’avait aucun émoi
Auprès de cette reine) et il l’a fait cloîtrer ;
Mais ce divorce fâche alors Innocent III
Qui bien sûr se dépêche de l’excommunier.
La chose est arrangée mais il se remarie
Et le pape furieux l’excommunie encore
(C’est grave cette fois, c’est de la bigamie !)
Mais le roi, de nouveau, est sauvé par le sort :
La reine Agnès se meurt ! Philippe Auguste peut
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L’EnVers de l’Histoire de France
Rappeler Isambour et par un simulacre,
Du pape Innocent III combler alors les vœux
Et réconcilier le Sceptre et le Tabernacle.
En 1223, Philippe-Auguste meurt et son fils accède
au trône sous le nom de Louis VIII, dit Le Lion. Eh
oui, Richard en avait le cœur, lui, il fallait qu’il fût
l’animal tout entier ! Il avait obtenu ce sobriquet en
guerroyant vaillamment contre les Anglais.
Néanmoins, enfin arrivé au trône, il se demanda
comment affirmer son pouvoir et sa gloire. Avezvous une petite idée, Marie-Eudoxie ? Par une
croisade ? Mais oui, bonne réponse. Sauf qu’à
l’époque, aucune croisade n’était hélas programmée.
Honorius III, le pape du moment, avait bien hérité
d’une croisade en cours (la cinquième) qui, comme
les autres, se termina par un désastre. Mais il avait
hérité aussi d’une croisade « intérieure » au royaume
de France, une opération de police, en quelque sorte,
à l’encontre de renégats que l’on nommait les
Cathares ou les Albigeois. Il invita donc Louis VIII à
lui prêter la main en cette affaire, comme son père
Philippe II l’avait fait en son temps. Cette opération
présentait de multiples avantages ; on allait moins
loin, on élargissait le domaine royal ; on faisait une
bonne manière au pape, ce qui peut toujours servir.
Certains historiens athées et inspirés par le Malin
font, dit-on, circuler à l’université, ce libelle en forme
de tract.
Il voulait faire au pape une bonne manière,
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L’EnVers de l’Histoire de France
Car le pape en ce temps avait de la puissance,
Et il voulait aussi, au royaume de France,
Apporter un surcroît de sujets et de terres.
Il nous faut un motif, une juste raison !
Faisons une croisade pour la religion !
Pour que les choses pussent se passer au mieux, le
pape envoya son légat personnel, un moine cistercien
du nom d’Arnaud Amaury (ou Amalric), pour
soutenir le roi. Ce moine était caractérisé par une
grande foi et un grand bon sens. Un jour qu’au milieu
d’un consciencieux massacre d’Albigeois, un croisé
était un peu perdu et se demandait qui était Albigeois
et qui ne l’était pas. Le bon moine Amaury lui dit :
« Tuez les tous, Dieu reconnaître les siens ! »
Admirable, n’est-ce pas ? Vous faites pareil lors des
« bastons » entre la bande de la rue Staline et celle de
la résidence Karl Marx, Moussa ? Vous irez loin,
mon petit.
Combien y eut-il de victimes cathares ? On parle
d’un million mais ce chiffre semble un peu exagéré.
Contentons-nous, d’un exemple. Le 22 juillet 1209,
les troupes du pape et du roi de France entrèrent dans
Béziers qui avait eu l’audace de les faire patienter
hors les murs en un siège fastidieux. Les Biterrois
furent punis : dans la journée on en tua sept mille !
Tout ça mérite quand même que Louis VIII passe à la
postérité.
Fils de Philippe Auguste,
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L’EnVers de l’Histoire de France
Il était fort robuste
Puisqu’il eut douze enfants
A moins de quarante ans.
Il avait guerroyé
Contre un seigneur anglais,
Le pauvre Jean sans Terre,
Mais n’eût pas l’Angleterre
Qu’on lui avait promise
(Et, par une traîtrise
Bien commune aux Anglais,
Qu’on lui a retirée.)
Par un sort merveilleux,
Une croisade eut lieu
Juste après ce moment
En terre d’Occitan ;
Quelle occasion bénie
Qu’on parle enfin de lui
En termes élogieux,
Qu’on le prenne au sérieux !
Il crie sus aux Cathares,
Ces gens un peu bizarres
Mais qui ne plaisaient pas
Au pape Honorius III.
Certains se convertissent
(Après quelques délices
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L’EnVers de l’Histoire de France
Qu’on nomme la torture)
Mais, les vraies âmes pures
Restent dans l’hérésie
Et, puisque c’est ainsi
On les mène au bûcher
(C’est pour mieux les sauver).
Puis, en quittant la scène
Et puisque toute peine
Mérite son salaire
Louis s’empare des terres
Des Cathares vaincus
Et met sur son écu
Pour l’honneur de la France
Les fiefs en déshérence.
Vous avez raison, mon cher Mohammed, le dernier
verset de ce cantique démontre là encore que les plus
belles causes métaphysiques cèdent le pas à des
considérations un peu matérielles, voire carrément
matérialistes. Carolus Marxus nihil excogitavit !
En 1200, Louis VIII avait épousé une jeune
espagnole, Blanca de Borgoña ou de Castilla, dite
Blanche de Castille. C’était la petite fille de la
fameuse Aliénor, donc la nièce de Jean sans Terre sur
qui son mari avait tapé si fort. Mais, l’Histoire de
France n’est qu’une longue suite de querelles de
famille. A trente-deux ans, en 1226, Blanche de
Castille se trouve veuve et régente du royaume.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Quand on est encore jeune mais que l’on a perdu son
mari, que fait-on ? Non Moussa ! On ne va pas
nécessairement arpenter la rue Saint-Denis, mais on
recherche néanmoins une compagnie masculine. Elle
se rapproche alors de Thibault, comte de Champagne,
le plus puissant vassal du royaume. Celui-ci lui
écrivait des vers enflammés :
« Dame, quand je fus pour la première fois
Devant vous, quand je vous vis,
Mon cœur si fort a tressailli
Qu'il est resté auprès de vous, quand je partis. »
On dit aussi que Blanche aurait eu des faiblesses pour
le légat du pape. Vous savez, mes enfants, les jeunes
et belles femmes ont parfois des élans pour les
ecclésiastiques. C’est une situation qu’il m’arrive de
connaître. En ce cas, j’agis avec délicatesse et
circonspection : j’invite la jeune femme à se
rapprocher ; j’utilise certains artifices pour lui faire
connaître de la façon la plus précise ce qu’est le
péché ; et au petit matin, cette partie de la mission
remplie, je lui fais observer qu’elle sait maintenant ce
qu’il ne faut pas faire…enfin, pas trop souvent ! Per
exemplo, instituo !
Je ne vais pas ici vous conter les combats,
Les croisades, les guerres, les luttes sans fin
Que la noble régente en ce temps dirigea
Contre les Cathares ou bien les Sarrasins ;
Je suis las, je le dis, de toute la violence
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L’EnVers de l’Histoire de France
Qu’en ces pages je dois citer à contre cœur ;
Non ! Je vous parlerai de la reine de France
Qui laisse en souvenir pureté et douceur.
Elle avait douze ans quand elle fut mariée
A Louis VIII, futur roi, qui n’en avait que treize
Mais, lorsque l’on est jeune, il faut bien s’occuper :
Ils firent douze enfants ; nous en sommes fort aise.
Louis VIII mourra bientôt et Louis IX est trop jeune ;
Elle est régente alors, fait de la politique
Mais pas trop. Comme on sait, puisqu’en amour le
jeûne
Peut nuire à la santé, la reine catholique
Saura se consoler dans les bras des seigneurs
Les plus beaux du royaume et même, à ce qu’on dit,
Dans les bras du légat du pape, quel honneur !
(Le Vatican dit que c’est une calomnie.)
Ces pratiques ne plaisent pas aux gens d’Eglise :
On dit qu’elle est enceinte, alors on la convoque,
Elle est au tribunal, vêtue d’une chemise
Et soudain pour lever vraiment toute équivoque,
En refaisant le geste illustre de Phrynée,
Ote son vêtement et se présente nue,
Montrant que son ventre n’est pas ensemencé,
Aux yeux de ces prélats, stupéfaits et émus.
Oh, Blanca de Burgos, demeure dans nos cœurs !
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L’EnVers de l’Histoire de France
Pour un geste aussi beau, resplendisse ta gloire !
A ces tristes curés, tu offris du bonheur !
Que ton nom soit gravé au marbre de l’Histoire !
Marie-Eudoxie, vous qui êtes la digne descendante
directe de la reine Blanche, ne voudriez-vous pas
répéter pour nous ce geste si beau : je crois que nos
amis Moussa et Mohammed en tireraient profit pour
leur compréhension de la leçon ? Non ? Si vous le
voulez, et pour préserver votre chaste pudeur, nous
pourrons procéder préalablement à une petite
répétition en privé…
Blanche de Castille eut le grand mérite (partagé avec
son époux Louis VIII) de mettre au monde l’un de
vos plus grands rois : Louis IX dit Saint Louis.
Louis IX, dès son plus jeune âge, est épris de religion
et, bien sûr, des délices qui vont avec et qui sont la
pénitence et la mortification. Est-ce grâce à ses
prières qu’il devint roi ? Si oui, c’est qu’elles
réussirent à faire mourir ses trois frères aînés !
Dès qu’il est au pouvoir, Saint Louis prend des
mesures dont l’évidence et la nécessité ne font pas de
doute aujourd’hui :
Il interdit le blasphème, ce qui ne peut que vous
plaire, mon cher Mohammed (bien que je ne sois pas
tout à fait sûr que les blasphèmes contre Allah, Marx
et Mahomet fussent alors inclus dans la liste.) Il fait
adopter des mesures efficaces à l’égard des
blasphémateurs. Ceux-ci se voyaient avoir la langue
Reitlag.fr
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L’EnVers de l’Histoire de France
percée, les lèvres brûlées et le front marqué au fer
rouge (6).
Il prend des mesures discriminatoires contre les juifs.
Le pape Innocent III avait décrété en 1215 par le
concile du Latran le port de signes distinctifs
vestimentaires jaunes (ou rouges, la « rouelle ») par
les juifs. Saint Louis, non content d’avoir suivi les
prescriptions du concile, oblige les juifs à porter la
rouelle non seulement sur la poitrine, mais également
dans le dos. Duplex securitas placet !
Il s’en prend à la fois aux juifs, à la littérature et au
réchauffement climatique en faisant brûler le Talmud
dans toutes les villes du royaume (7).
Il part en croisade, deux fois : deux désastres ! Lors
de la septième croisade, il est fait prisonnier et ne
doit sa liberté qu’au paiement d’une forte rançon ;
lors de la huitième, il meurt au cours d’une escale à
Tunis. On dit que Saint Louis est mort de la peste,
mais il semblerait qu’il ne se fût agi que d’une
manière de dysenterie…la « turista », Moussa ? En
quelque sorte.
Enfin, avant de mourir, il prend une autre décision
dont l’opportunité me semble moins évidente :
l’interdiction de la prostitution. Vous partagez mon
avis, Moussa ? Je m’en serais douté…que vois-je
dans cet opuscule ? Après cet édit de prohibition,
Saint Louis aurait organisé la prostitution dans des
« maisons spécialisées. (8)» Voici qui vous ouvre des
horizons, Moussa.
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
La vie de ce grand roi est reprise dans cette ode que
j’ai extraite pour vous d’un vieux grimoire de la fin
du treizième siècle.
A l’âge de douze ans, il devient roi de France
Et Blanche de Castille assure la régence.
A l’âge de vingt ans on lui donne une femme
Mais qu’il ne peut toucher car c’eût été infâme :
Marguerite a douze ans.
Il attend donc un peu mais il n’est pas déçu
Par l’ardente épousée dès lors qu’il est reçu
Dans son intimité et au creux de son lit ;
Il sut se rattraper puisqu’à ce que l’on dit,
Il lui fit douze enfants.
Comme souvent, après de telles turpitudes,
Le royal étalon cherche une vie plus rude,
Rejetant les honneurs, très simple et en chemise
Il va très humblement se soumettre à l’Eglise
Et à ses sacrements
Et pour payer le prix de cette vocation
Et se consacrer à la sainte religion
Il décide aussitôt, par esprit de bravade,
De tout abandonner pour partir en croisade
Aux rives de l’Orient.
Pour grouper son armée, il construit Aigues-Mortes,
Rempart au bord de l’eau, immense place forte,
D’où il part enthousiaste à l’assaut de l’Egypte
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L’EnVers de l’Histoire de France
Délaissant à Paris la reine Marguerite
Et ses nombreux enfants.
Aussitôt arrivé, le désastre commence,
L’armée est écrasée, la déroute est immense
Et Louis est capturé, on le jette en prison,
Il est déshonoré, on demande rançon
De cent mille talents.
Bien sûr, on le rachète (et pour ça, on emprunte
Et il est libéré grâce aux serfs qu’on éreinte)
Et alors il décide, à la messe, un dimanche
Que, de nouveau croisé, il prendra sa revanche
Contre les Musulmans.
Avec ses chevaliers, il repart sur la mer
Vers un nouveau désastre, vers un nouveau calvaire
Et rend l’âme sur la terre de Tunisie
Victime, nous dit-on, de la dysenterie,
Sinistre châtiment.
Toujours impitoyable envers les infidèles ;
Sacrifiant son armée sur les sacrés autels ;
Deux croisades perdues et des morts par milliers ;
Il était naturel qu’il fût canonisé,
Par le pape du temps.
Après ce roi magnifique, le royaume de France en eut
un moins brillant, de 1270 à 1285 : le fils de Louis
IX, Philippe III le Hardi. Philippe avait
accompagné son père et son frère aîné Jean à la
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
huitième croisade. Son père et son frère étaient morts
sous ses yeux et lui-même, en échappant à la
« turista » fatale, accédait au trône…Non, Moussa !
Pas de plaisanterie facile sur le trône et la
« turista » !
Philippe était plus hardi qu’avisé. Son excédent
hormonal était en effet compensé par un déficit
neuronal. Les croisades n’étaient plus à l’ordre du
jour et il préféra les querelles intestines aux
vicissitudes intestinales.
Philippe offrit, par le traité d’Amiens de 1279,
l’Agenais à l’Angleterre. Il reçut en échange une
promesse d’amitié du roi Edouard 1er : le beau
« deal » que voila ! Il était peut-être hardi mais il
était sûrement naïf !...Vous avez battu l’Angleterre 21 à l’Euro 2004 ? Vous êtes donc vengés, Moussa ;
n’en parlons plus. Ah ! Je lis dans cette brochure, que
Philippe le Hardi aurait aussi cédé aux papes le
Comtat Venaissin. Qu’honneur lui soit rendu pour
cela !
En 1285, Philippe décida qu’il lui fallait quand
même, comme papa, une petite croisade pour
affirmer son nom dans l’Histoire. Comme les papes
n’avaient rien prévu à ce moment, il partit en guerre
en Aragon pour une obscure question de succession,
mais jugea plus élégant d’appeler cette expédition
« Croisade de l’Aragon.» Doit-on voir avec cette
appellation un lien de causalité, mais il eut la
dysenterie et il en mourut…comme papa !
Le roi était hardi
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L’EnVers de l’Histoire de France
Mais peu intelligent
-Comme bien trop de gens –
N’en parlons plus, pardi !
Philippe le Hardi mourut en 1285 et, avec lui, se finit
à peu près le temps des croisades.
*
Mes amis, il se fait tard et je vous propose que,
chacun à sa manière, nous partions à notre tour en
croisade. Mohammed, prenez le RER C et dirigezvous vers Versailles. Votre double tropisme
messianique (islamique et communiste) y trouvera à
se satisfaire. Allez convertir à la vraie foi du
Prophète
Mahomet
(Hamdoullillah !)
les
paroissiennes chenues de l’église Saint-Louis ! Allez
présenter aux notables versaillais, à la sortie du
restaurant « Le Chapeau Gris », les derniers
développements de la stratégie marxiste en face de la
crise financière mondiale ! Moussa ! Allez convertir
les hommes du Marais aux mœurs pour lesquelles
votre amie Lulu pratique si bien le prosélytisme !
Marie-Eudoxie, enfin, allez vous installer à la nuit
tombante sur la dalle d’Argenteuil où, par certaines
prières que vous affectionnez tant, vous attirerez la
jeunesse locale dans les filets de notre sainte Eglise
(Benedictus XVI benedictus esto !)
Vous verrez ainsi, mes enfants, comme la catéchèse
et le prosélytisme sont difficiles ; vous comprendrez
mieux l’immensité de la tâche qu’au cours des deux
74
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
siècles que nous venons de survoler, les Croisés
francs ont accomplie.
Quant à moi, je vais approfondir la mission, engagée
hier, d’évangélisation d’une jeune personne digne
d’intérêt…oui, elle s’appelle Lulu…comment avezvous deviné, Moussa ?
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L’EnVers de l’Histoire de France
Chapitre V
LE SIECLE DE LOUIS XIV
Bonjour mes enfants. Comment votre soirée s’est-elle
passée ? Avez-vous pu approfondir la problématique
que je vous ai exposée hier ? Pas exactement comme
prévu…Marie-Eudoxie vous a quittés pour rejoindre
une veillée scoute ? Que voulez-vous, le prestige de
l’uniforme…Mais vous, Moussa, Mohammed ? Vous
avez remplacé la qualité par la quantité. Vous avez
procédé à un test auprès de toute la « Dream Team »
de Moussa ! Mais alors, il n’y avait plus personne rue
Saint-Denis ! Veillez à votre fonds de commerce,
Moussa ! Et le résultat ? Vous en concluez qu’il est
difficile de faire que les choses se passent comme
pour Louis et Anne, le soir de leurs noces. Je m’en
doutais, mais il est toujours important de procéder à
des vérifications scientifiques. Et dans ce cas, rien ne
vaut une sérieuse reconstitution. Je vous remercie de
votre professionnalisme.
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Et vous, Marie-Eudoxie, cette soirée scoute ? Des
chants, des prières, et tout le monde au lit (chacun de
son côté) à onze heures ! Mais, ma parole, il n’y a
plus que des « Louis XIII », à Versailles ! Chère
Marie-Eudoxie, ce n’est pas comme ça que vous
aurez vos douze enfants ! Un tel labeur mérite d’être
entrepris de bonne heure. Duodecim infantes facere,
non facilis est !
Pour ce qui me concerne, je suis allé me renseigner
sur les cours de rock n’ roll qui sont dispensés par la
célèbre école de l’impasse de Lévis, dans le Dixseptième. Une charmante enseignante m’en a appris
les rudiments. Nous avons pas mal « rocké », puis
nous avons « rollé » par terre et j’en suis arrivé, au
petit matin, à oublier mon projet au sujet de la reine
Carla. Je commence à perdre la mémoire…
*
Reprenons le cours de notre enseignement. Un grand
seigneur italien, Jules Mazarin, régnait sur la France.
Il y avait pourtant un roi officiel, Louis Dieudonné,
désormais Louis XIV, dont nous avons vu qu’il
n’était probablement pas le fils de Louis XIII et
sûrement pas celui de Mazarin. Faute d’être son père,
Mazarin était le parrain de Louis Dieudonné et il
s’occupait de son éducation. Il l’initia à l’art, la
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L’EnVers de l’Histoire de France
peinture, la musique, la littérature…Vous savez, mes
amis, les Italiens sont des gens raffinés et leur place
est auprès des grands de votre pays, pour tenter d’en
affiner un peu les mœurs. On me dit que la reine
Carla s’essaye à cette tâche auprès de votre
Président…Je lui souhaite courage et persévérance :
Ad reginam Carla, perseverancia constanciaque
necessitas sunt !
Le roi était, dit-on, un peu fruste, un peu brut ;
Moins attiré alors par l’art que par la lutte
Ou la chasse, ou l’amour (c’est un peu même chose
Et ne m’en voulez pas si, le dire ici, j’ose.)
Et le bon cardinal l’initia, par bonheur,
Aux arts afin qu’il en devînt le protecteur.
Le prélat, pour sa part, accroissait sa richesse
Et couvrant la reine de mil douces caresses.
Louis Dieudonné était tout enfant à la mort de Louis
XIII et Mazarin veillait à ce qu’il ne s’intéressât pas
trop tôt au pouvoir. Mazarin, qui souhaitait renforcer
les liens avec l’Espagne, organisa le mariage de
Louis avec Marie-Thérèse, la fille (l’« infante ») du
roi d’Espagne, qui avait le même âge que le jeune
roi. Oui, Mohammed, c’est un peu comme ces
« transferts » que l’on fait de nos jours pour les
footballeurs de renom. La différence, c’et que dans
les temps modernes, les transferts vont plutôt de la
France vers l’Espagne : le Real Madrid est plus
78
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
attrayant que le Paris Saint-Germain, si vous me
permettez. Sic transit usus mundi !
Donc, en 1660, alors qu’ils étaient âgés de vingt et un
ans, on les maria à Biarritz, sur la frontière, et on les
mit au lit comme on avait fait pour Louis XIII et
Anne d’Autriche. On dit que les mêmes causes
produisent les mêmes effets dans les mêmes
circonstances. Eh bien, ce fut l’exception qui
confirme la règle. Il semble bien, aux dires des
chroniqueurs de l’époque, que le « congrès » fut
fructueux. On peut penser que les deux époux ne
parlant pas la même langue jugèrent utile de
remplacer les plaisirs de la conversation par d’autres
plus à même, il faut bien le dire, de favoriser la
procréation. Quando loqui non possibilis est, agito !
Elle était espagnole et il était français
Et l’on ne parle, hélas, qu’une langue qu’on sait.
Ils n’ont pas pu parler,
Il faut bien s’occuper
Alors, pris de passion,
Ils jouèrent au jeu de la procréation.
Mazarin avait maintenu le rôle de la France dans la
glorieuse guerre de Trente Ans (une guerre contre le
protestants, vous pensez !) où votre pays avait été
engagé, ainsi que nous l’avons vu, par son
prédécesseur, le cardinal de Richelieu. Pour financer
cette guerre, ainsi que le train de vie auquel il avait
légitimement
droit,
Mazarin
fut
contraint
d’augmenter les impôts. Pardon, Moussa ?...En effet,
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L’EnVers de l’Histoire de France
quand vous devez financer une « baston grave »,
comme vous le dites dans votre langage fleuri, tout
en vous assurant des revenus vous permettant d’aller
au collège en « Béhème », vous êtes contraint de
taxer un peu plus les jeunes personnes dont vous
assurez la protection rue Saint Denis. C’est tout à fait
pareil.
Mais, les seigneurs du royaume ne l’entendaient pas
de cette oreille. Ils se révoltèrent et on appela cette
révolte, la Fronde. De 1648 à 1653, sous la houlette
d’un meneur qui s’appelait le Grand Condé, les
princes s’en prennent au pouvoir royal. Que fait alors
Mazarin ? Il résiste, il contre attaque, il l’emporte et
l’infâme Condé, son frère Conti et son stipendié, le
cardinal de Retz, sont condamnés à l’exil. Comment,
Moussa ? La Grande Lulu aurait pris la tête d’un
mouvement revendicatif à l’encontre des justes
contributions que vous lui réclamez, à elle ainsi qu’à
ses collègues, en contrepartie de votre protection ?
Vous savez ce qu’il vous reste à faire, mon ami et
votre nom brillera au fronton de la porte Saint Denis
comme celui de Mazarin brille au fronton de
l’Institut de France !
Il fallait financer la Guerre de Trente Ans
Et il fallait aussi financer la fortune
De Jules Mazarin car il est évident
Qu’un prince de ce rang mérite quelques thunes.
Cet argent existait au royaume de France,
Il était dans les mains de vassaux, de seigneurs.
80
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L’EnVers de l’Histoire de France
« Qu’en ont-ils donc besoin ? » dit Jules, mes
finances
Et ma guerre, sans doute, ont bien plus de valeur.
Certains de mes collègues prélats reprochent à
Mazarin d’avoir mis au pas le clergé et de l’avoir
appauvri à son profit. Je ne sais si cela est justifié
mais, je me sens tout à fait qualifié, étant cardinal et
italien, pour expérimenter une manière de
reconstitution si votre Président, ou la reine Carla,
voulait m’en confier la mission. Italicus sacerdos ad
fortunam paratus est !
Nous ne reprocherons donc pas ceci au cardinal de
Mazarin et nous porterons à son crédit qu’à sa mort,
le 9 mars 1661, la guerre était terminée et que le
royaume était finalement en paix. Louis XIV pouvait
enfin régner ; mettre fin, pour de longues décennies,
à cet état pacifique ; et, bien sûr, dépenser les
dernières finances royales que Mazarin avait
laissées…Ruinam Galliae quod Cardinal incipevit,
Ludovicus XIV percifevit !
*
Parlons un peu de l’environnement extérieur de la
France. En 1649, alors que Louis XIV, âgé de douze
ans, faisait son entré au Conseil, il se passait des
choses horribles en Angleterre. Le roi de l’époque
qui avait épousé Henriette de France, fille d’Henri IV
et de Marie de Médicis, donc la cousine de Louis
XIV, fut décapité.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Ces bons anglais aussi
Savent couper les cous
Et même de leur roi ;
Et l’on dira ici
Sans se tromper beaucoup
Qu’ils ont montré la voie.
*
C’était un beau seigneur,
Un brillant cavalier
Mais un jour, par malheur,
Il avait épousé
Henriette Marie,
Fille du roi de France ;
Il en était épris
Presque jusques aux transes.
Alors sa politique
Fut trop influencée
Dans le sens catholique
Qu’Henriette imposait.
Elle voulait encore
Que son noble époux fût
Comme en France d’alors
Un monarque absolu.
Aussi le Parlement
Engagea une fronde
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L’EnVers de l’Histoire de France
Assez brutalement,
Au nom des « Têtes Rondes »
Contre la royauté :
La tête du félon,
Qui fut décapité,
A roulé dans le son.
Ceci avait sûrement traumatisé le jeune roi et l’on
comprend qu’il ait fortement soutenu le Cardinal
dans sa lutte contre la Fronde. Mais ce n’était pas
tout. Les Anglais avaient fondé une manière de
république et en avaient confié la direction à un
dictateur fanatique, Oliver Cromwell.
Un jour, au cœur de l’Angleterre,
En combattant les catholiques,
Cromwell en un coup de tonnerre
A fait naître une république.
Le roi, à l’issue d’un procès,
Fut condamné pour trahison
Et sa peine fut décidée :
C’était la décapitation.
Cromwell alors, en ce beau soir,
Décide que le Parlement
Exercera seul le pouvoir,
Avec lui, bien évidemment.
Le Parlement sera formé
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L’EnVers de l’Histoire de France
De « saints », dit-il, et l’Angleterre
Se devra d’être gouvernée
Pour que Dieu règne sur la terre.
Du royaume, il est « Protecteur »,
Et impose sa tyrannie
Sur les bourgeois, sur les seigneurs,
Sur le peuple, bien sûr, aussi.
Ce dictateur vêtu de noir,
Qui massacre au nom de l’Amour,
Va étendre aussi son pouvoir
Sur les royaumes alentour.
Il mène une conquête au Nord
Et écrase les Ecossais
Puis, à l’Ouest, c’est le même sort
Pour plus d’un million d’Irlandais.
Un siècle avant, à notre porte,
Il y a eu en Angleterre
(Est-ce que ça nous réconforte ?)
Un précurseur de Robespierre.
*
Louis XIV, instruit de cette funeste aventure, conçut
alors le principe de son gouvernement : le pouvoir
absolu. C’est pour avoir oublié ce principe que son
descendant Louis XVI, fit connaître à sa royale tête
la même destination que Charles 1er à la sienne : un
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L’EnVers de l’Histoire de France
bac de son. Mais, n’anticipons pas et revenons à
Louis XIV qui, en 1661, reprenait le gouvernement
que Mazarin lui laissait, bien contre son gré.
Charles 1er d’Angleterre avait été abattu par le
parlement. Louis XIV se prémunit contre ce risque en
déclarant : « L’état, c’est moi ! », ce qui laisse
effectivement peu de place à la représentation
parlementaire. Vous pensez, Mohammed, que votre
Président Nicolas 1er aurait fait sienne cette devise ?
C’est possible mais je ne lui connaissais pas autant de
culture historique.
Louis XIV s’illustra en de nombreux domaines. Tout
d’abord, ce fut un grand bâtisseur. Se sentant à
l’étroit dans le palais du Louvre, il fit construire un
magnifique palais à Versailles. Ce château présente
le double avantage d’inciter les touristes japonais à
dépenser leurs devises dans votre pays et de
permettre à Marie-Eudoxie de faire son « jogging »
dans les allées de son parc…Non, Marie-Eudoxie ?
Vous préférez le parcours du pèlerinage de Chartres ?
C’est dommage, les jeunes filles n’y arborent
généralement pas de tenues aussi légères que celles
des jeunes sportives du parc…je me place sur le seul
plan de l’efficacité sportive, bien sûr ! Cette vocation
architecturale fut louée par un grand sociologue de
l’époque.
Lorsque le peuple est mal logé,
L’ouvrier s’ennuie au logis
Et c’est donc un devoir bénit
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L’EnVers de l’Histoire de France
De lui donner à travailler ;
En bâtissant un grand château
Où le roi peut avoir bien chaud.
Louis XIV engagea bien entendu de nombreuses
guerres dans le seul but, mon cher Mohammed,
d’opprimer les masses populaires des peuples
avoisinants. Mazarin avait conclu la paix avec les
Espagnols, Louis XIV leur refait la guerre et, en
s’alliant à Cromwell, qui plus est ! Puis il conquiert
l’Alsace, contrée où ni les habitants ni les cigognes
ne parlaient français ; puis la Franche-Comté dont les
valeureux paysans ne se souciaient pas que leur
cancoillotte allât financer la couronne de France. Il
s’occupe de l’Espagne, de l’Autriche, de l’Italie ;
puis se réconcilie avec le pape. Mais son successeur
actuel, mon patron, sanctus Benedictus XVI, ne lui
en sait aucun gré car Louis avait eu l’audace de
s’occuper aussi des affaires de la Bavière !
En 1689, Il s’occupe aussi tout particulièrement du
Palatinat puisque Louvois s’attelle à y faire un sac en
règle avec : destruction systématique des villes
villages et châteaux ; destruction des ponts ;
massacre ou expulsion des populations ; dévastation
des cultures et du bétail ; à quoi s’ajoute un nombre
de viols sensiblement supérieur à la pratique courante
en la matière. Voltaire écrivit à ce sujet : « C’était
pour la seconde fois que ce beau pays était désolé
sous Louis XIV; mais les flammes dont Turenne
avait brûlé deux villes et vingt villages du Palatinat
n’étaient que des étincelles, en comparaison de ce
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L’EnVers de l’Histoire de France
dernier incendie…(23c) » Un vieux SS m’a dit un
jour que les troupes de la division Das Reich avaient
eu une pensée pour Louis XIV, quand elles passèrent,
en juin 1944, par Oradour-sur-Glane…
Quand il eut investi Barbès,
Le P’tit Louis décida normal
De s’implanter jusqu’à Pigalle,
Puis, à Clichy, bien à son aise :
Il mit son chapeau sur sa tête,
Prit son Browning des jours de fête
Et partit faire ses conquêtes…
…Mais, je m’égare dans le temps !
Nous étions en mille sept cents…
Bah, peu importe : ces manières,
De tous temps, furent ordinaires !
Louis XIV s’occupe de colonisation. Eh oui,
Mohammed, déjà un colonialiste ! Mais, un
colonialiste tardif. La colonisation avait commencé
au seizième siècle quand, grâce à l’invention de la
boussole, les navigateurs génois, espagnols et
portugais avaient entrepris des traversées au long
cours. Oui, Mohammed, c’est la technique qui mène
le monde ; la technique et la lutte des classes, bien
sûr. La France suivit donc avec retard le mouvement
colonisateur. Louis XIV consolida les conquêtes de
Richelieu et Mazarin, qui avaient fait prendre pied à
leurs marins aux Antilles, ainsi que sur les côtes de la
Nouvelle France, c'est-à-dire l’est du Canada. C’est
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L’EnVers de l’Histoire de France
ce qui vous vaut d’avoir là-bas des habitants qui
parlent si bien français que, quand ils s’adressent à
vous, vous êtes pris d’une irrépressible envie de leur
demander de parler anglais !
Louis XIV promulgue en 1685 le « Code Noir » qui
fixe la question de l’esclavage et du « commerce
triangulaire » dans les colonies du royaume. On dit
que ce texte lui aurait été inspiré par la douce et
bonne Madame de Maintenon. Cette chère Madame
de Maintenon y avait mis « sa patte », puisque on en
reconnaît le style dans des articles aussi pieux que
celui-ci : « Tous les esclaves qui seront dans nos îles
seront baptisés et instruits dans la religion
catholique, apostolique et romaine. (Art.2)»
Après avoir conquis Alsace,
Puis Lorraine et Franche-comté,
Louis alla de l’autre côté
De l’Atlantique, y laisser trace.
On y amenait des esclaves
(On dit que ce n’était pas bien)
Mais Louis disait : « Moi, je m’en lave
Les mains, pourvu qu’ils soient chrétiens.»
Louis XIV s’occupe de marine et demande à son
ministre Colbert de voir grand et de préparer
l’avenir. Celui-ci s’exécute et plante des forêts qui
fourniront à la marine royale des arbres à maturité un
ou deux siècles plus tard ! L’utilité en a été bien sûr
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L’EnVers de l’Histoire de France
parfaitement évidente et avérée au cours des guerres
de 14-18 et de 39-45 !
Il planta de vastes forêts
Pour les futurs bateaux de guerre.
En « Quarante », on ne douta guère
De leur parfaite utilité…
Louis XIV, chère Marie-Eudoxie, rendit grâce au
catholicisme en abolissant en 1685 le diabolique édit
de Nantes, par lequel son grand-père, Henri IV avait
laissé la liberté de culte aux protestants. Les saintes
« dragonnades » qui s’ensuivirent permirent à Louis
XIV de rejoindre, dans sa mission purificatrice, son
ancêtre Louis VIII et sa « Croisade des Albigeois".
Ces dragonnades ne firent d’ailleurs pas tant de
victimes que ça puisque on dit que près de trois cent
mille huguenots quittèrent le royaume. Ah, mon
enfant, nous étions de nouveau entre nous.
La paix régnait sur notre France
Entre huguenots et catholiques
Il abolit l’« édit » inique,
Dont le seul nom le met en transes.
Louis XIV (je vous vois trépigner, Moussa, mais
nous y arrivons) porta enfin un grand intérêt aux
femmes. Nous avons déjà traité de sa nuit de noce
avec son épouse Marie-Thérèse mais bien d’autres
femmes ont suivi celle-là ; et une l’a précédée. En
effet, la mère de Louis, Anne d’Autriche, souhaitant
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L’EnVers de l’Histoire de France
savoir si son fils n’avait pas les mêmes
« particularités » que son mari, demanda à l’une de
ses femmes de chambre de s’assurer de la question.
Catherine Bellier était borgne et laide et c’est
pourquoi elle fit en sorte de surprendre le jeune Louis
Dieudonné dans un couloir sombre. Elle l’entraîna
dans une chambre (sombre également) et, peu après,
put assurer à la reine que son fils avait été instruit de
tout ce qu’il fallait pour pouvoir assumer
positivement ses devoirs conjugaux. On dit qu’en
récompense des ses bons services, Catherine reçut
deux mille Livres, ce qui était une forte somme.
Moussa, faites donc en sorte que Madame Lulu
rencontre un grand homme de votre pays ; ou plutôt,
« le » grand homme, puisqu’il n’y en a plus qu’un !
Votre patrimoine s’en trouvera bien renforcé comme
le fut celui de l’époux de cette Madame Catherine.
Quoiqu’il en soit, ces coutumes royales me semblent
fort pertinentes, Marie-Eudoxie. Ne pensez-vous pas
qu’il pourrait être utile que je vous initiasse à ces
techniques qui sont nécessaires à la construction
d’une famille nombreuse ? Non ? Mais pourtant, je
ne suis pas borgne ! Non luscus sum !
Il faut se préparer à son métier de roi
Et la reproduction fait partie du métier.
Le jeune Dieudonné, pour sa première fois
A connu les bras de Catherine Bellier.
Cette jeune personne était borgne et fort laide
Ce qui, aux délicats, pourrait causer du tort.
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Le jeune Dieudonné est bouillant et, sans aide,
Il a su accomplir son devoir sans effort.
Le roi était petit (1,61mètre) et affecté de nombreuses
maladie, dont une blennorragie chronique, ce qui est
assez
handicapant
pour
les
aventures
amoureuses…ce qu’est une blennorragie, MarieEudoxie ? Peu importe, c’est une affection à laquelle
votre comportement vous donne peu de chance d’être
confrontée…Le roi avait aussi une infection dentaire
généralisée qui avait provoqué la perte de son
palais…vous croyez que c’est pour surcompenser la
perte de ce palais buccal qu’il avait fait construire le
palais de Versailles au prix de la sueur du prolétariat,
Mohammed ? Mais, mon cher ami, en plus d’être
marxiste,
vous
voici
freudien !
Marxistus
freudiscusque, Arabs est !
Malgré tous ces handicaps, Louis eut de nombreuses
conquêtes. On dit que le pouvoir et l’argent peuvent
faire oublier à de jeunes personnes les disgrâces de
leurs amants. Moi, je l’ignore. Je ne connais, dans ce
domaine, que les effets de la pourpre cardinalice ;
assez efficaces, il faut le reconnaître.
Il était petit, contrefait,
Il parlait fort, sentait mauvais
Mais il avait beaucoup d’argent :
Il fut donc un brillant amant…
Une de ses maîtresses les plus connues fut Louise de
La Vallière (que la reine jalouse appelait : « esta
Reitlag.fr
91
L’EnVers de l’Histoire de France
donzella con las mascadas de diamante… » (Eh oui,
si vous prenez une maîtresse, offrez au moins les
mêmes bijoux à votre femme : ça arrangera bien des
choses !), dont il reconnut deux des quatre enfants et
qui se retira au couvent quand le roi la délaissa.
Defectus regis domum, Dei domus !
Il y eut Françoise (dite Athénaïs) marquise de
Montespan. Montespan, son mari, n’était pas bien
riche et Françoise « mettait du beurre dans les
épinards » en négociant sa beauté auprès de bien des
riches jeunes gens de la cour. Moussa, si un jour vous
souhaitez franciser votre patronyme, Montespan ne
serait pas mal venu…La Montespan régna longtemps
sur la cour mais, en 1678, alors qu’elle était âgée de
trente-six ans, elle eut l’imprudence de présenter au
roi la jeune Marie-Angélique de Fontanges, qui
l’aussitôt l’éclipsa ! Certes, Marie-Angélique mourut
trois ans plus tard (avec l’aide, dit-on, de la
Montespan…), mais le charme était rompu et le roi
se réfugia dans les bras d’une vieille femme pieuse et
acariâtre de près de cinquante ans, Françoise
d’Aubigné, veuve Scarron, dite Madame de
Maintenon. Quo non descendet ?
Louise, abandonnée, termina au couvent
Quand elle fut remplacée par la Montespan.
La beauté, la jeunesse, en formaient le renom…
Puis Louis épousa la vieille ‘de Maintenon’ !
Louis XIV, comme beaucoup de chefs de petite taille
(attention, j’arrive sur un terrain glissant…) était
92
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
complexé, hargneux et jaloux. Il s’en prit au
surintendant du royaume, Nicolas Foucquet, sous le
double motif que ce dernier était plus riche que lui et
qu’il offrait de l’argent à Mme de La Vallière, pour
qui Louis Dieudonné avait alors une tendre
inclination. Il poursuivit Foucquet de sa hargne et le
fit incarcérer à vie. Le « roi soleil » montrait ainsi sa
hauteur d’âme ! On dit aussi que Foucquet aurait
connu des secrets qui eussent pu compromettre le
roi : que Louis XIV aurait gardé par devers lui des
sommes, provenant de Mazarin, qui eussent dû
revenir à l’« Epargne » (c'est-à-dire au Trésor public.
23d) Au bout du compte, Louis Dieudonné était aussi
grand par l’esprit que par la taille ! Magnus « rexsol » minimus erat !
Le surintendant Nicolas Fouquet
Connaissait, du roi, de nombreux secrets.
Il était fort riche et entreprenant.
Le roi l’arrêta et prit son argent !
Louis XIV ne gouverna pas autant qu’on le dit. Il fut
influencé par ses favorites, la Montespan et Madame
de Maintenon, et les grandes réformes furent faites
par ses ministres, et particulièrement Colbert puis
Louvois. Le roi se réservait d’orienter la politique
générale. Par exemple, en matière immobilière, il fit
construire le château de Versailles et fit détruire
(la« mise à sac du Palatinat ») celui d’Heidelberg. De
minimis, non curat praetor !
Reitlag.fr
93
L’EnVers de l’Histoire de France
Louis XIV, enfin, favorisa les arts et les lettres et,
pour cela, tout le reste lui sera pardonné ! Maximus
latro artis amicus erat : omnia excusandi sunt !
Que pourrait-on en dire
Que l’on ne sût déjà
De Louis, le plus grand Sire,
De Louis, le Roi-Etat ?
On connaît tous par cœur
L’immense majesté,
Le goût de la grandeur
Du roi Louis Dieudonné ;
Son goût pour les réformes,
Son goût pour les batailles
Et son goût pour les formes
Des dames de Versailles ;
Son goût pour les exploits
De la Chevalerie,
Son goût pour les exploits
De la galanterie ;
Son goût pour le pouvoir
(Il fut le Roi Soleil)
Et son goût pour les arts
Qui nous vaut des merveilles ;
Devant ce dernier point,
Tout sera pardonné
94
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Et nous ne voudrons point,
Du reste, discuter.
Aussi, nous oublierons
La mort du Parlement
Et, pour la religion,
L’exil des Protestants ;
Et puis nous oublierons
Le bien sombre message
De ce « code noir » dont
Découla l’esclavage ;
Nous oublierons les guerres
Et toutes les défaites
Dont jadis ou naguère
Son histoire fut faite ;
Nous oublierons aussi
Les terribles famines…
…Et que le plus grand Louis
Laissa la France en ruines.
J’ajouterai, à mon grand regret, cher Mohammed,
que le roi était assez méprisant pour les princes
mahométans de l’époque. La cause en était double : il
ignorait alors l’œcuménisme, qui n’avait pas encore
été inventé ; et il ignorait la « political correctness »,
sans doute parce qu’il ne parlait pas anglais. Voici
l’affaire : le grand sultan du Maroc lui ayant proposé
une alliance familiale, le roi dédaigna de donner
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95
L’EnVers de l’Histoire de France
suite. J’espère que repentance en sera bientôt faite
par les autorités de votre pays.
A l’époque du Roi Soleil,
Au Maroc, prenait le pouvoir,
Le sultan Mulay Isma’Il
Dont voici l’édifiante histoire.
Ce prince à nul autre pareil
A construit un beau jour Mekhnès,
Merveille parmi les merveilles,
Où il savait prendre ses aises.
Il voulait régner sans entrave
Et il avait sa propre armée
De cent cinquante mille esclaves,
Des Noirs, qu’il avait importés.
Il aimait la piraterie
Et, sur la Méditerranée,
Ses bateaux pillaient à l’envi
Tous les navires rencontrés.
Il disposait dans son harem
De cinq cents épouses au moins ;
(On ne compte pas quand on aime
C’était ainsi et c’est très bien).
A Louis XIV, il demanda
Sa fille, afin de l’épouser
Mais le roi la lui refusa
96
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Pensant qu’il en avait assez !
Louis XIV ayant eu le front
De lui provoquer cette peine,
Il se vengea de cet affront
En « razziant » plus de cent chrétiennes.
Et voici qu’après avoir mené à bien sa longue
opération d’assèchement des finances du royaume,
Louis Dieudonné est victime, le 1er septembre 1715,
d’une éclipse aussi fatale que définitive : le Roi
Soleil s’éteint.
*
Nous allons profiter de cette extinction pour faire, si
vous le voulez bien, une pause jusqu’à demain.
Marie-Eudoxie, vous m’aviez bien dit que madame
votre mère donnait ce soir une petite réception en son
hôtel particulier de Versailles. Ne pensez-vous pas
qu’il serait de bon ton que vous y invitassiez vos
nouveaux amis. Il me semble qu’ils sont plus
coutumiers des climats du nord et de l’est de la
capitale que de celui de l’occident versaillais…oui,
Mohammed, c’est bien du 7-8 que je parle.
Pour ma part, mon collègue Vingt-Trois (eh oui, ici,
on numérote les évêques comme les lignes d’autobus
ou les départements…) m’a invité à une cérémonie
au cours de laquelle il doit s’adresser à de jeunes
novices. Le devoir m’appelle ; je pars.
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97
L’EnVers de l’Histoire de France
INTERLUDE
LOUIS XVI JUSQU’EN 1789
Amis, bonjour ! Comment s’est passée cette Love
Parade, Marie-Eudoxie ? Surprenant ? Différent de
vos veillées scoutes habituelles ? Ah, vous m’en
voyez surpris. L’atmosphère était magique ?
Comment cela ? Tous les fourrés du Bois de
Boulogne bruissaient et gémissaient ! C’est sûrement
le fait de quelques fées ou de quelques lutins…mais
non, j’ai dit lutins, Moussa, votre obsession
professionnelle nuit à votre écoute, mon ami !
Quoiqu’il en soit, chère Marie-Eudoxie, il faut avoir
vécu cela une fois dans sa vie…pourquoi une fois ?
Oh, pour rien, si le cœur vous en dit…Virgo
turpitudinem aestimat !
Et moi ?...Eh bien, la reine a voulu s’assurer de mes
talents de « Rocker ». Elle m’a confié une guitare et
m’a fait l’honneur de m’accompagner. Quand elle
sembla convaincue et qu’elle manifesta qu’elle était
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
sous le charme, je lui proposai de faire l’expérience
d’autres talents que je ne lui avais pas encore
dévoilés…et c’est alors que la voiture du Président
s’engagea sous le portail. Votre Président, mes amis,
est aussi rapide que peu partageur…alors je pris
congé ! Ah, mes amis, quelle séparation ! Quel
déchirement ! J’étais Titus et elle Bérénice ; nous
étions en plein Racine et nous nous sommes quittés
contre notre gré ou, comme le disait si concisément
Suétone : « Invitus invitam dimisit… »
Conclusion : Le Président put alors bénéficier de
l’état de pré-extase où se trouvait la reine…et Lulu
bénéficia du mien !
*
Mes amis, nous avions perdu un roi hier ; nous en
retrouvons un nouveau aujourd’hui : Louis XVI.
Louis XV avait vécu si longtemps (64 ans….tiens, ce
n’est pas si vieux…) qu’il n’avait pas laissé à son fils
le temps de régner. Le Dauphin, Louis de France,
était mort entre-temps. Je ne doute pas qu’il se soit
consolé, au paradis, en constatant qu’il fut le père de
trois rois de France. Le premier d’entre eux, LouisAuguste devint donc Louis XVI, à l’âge de dix-neuf
ans, le 10 mai 1774.
Après un roi autocrate puis un roi insouciant, voici
un roi faible.
Dans le domaine de la finance, finance royale qui
avait été mise à mal par Louis XV, il voulut lever un
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99
L’EnVers de l’Histoire de France
impôt égalitaire. Vous vous rendez compte,
Mohammed ? Certes, vous devez être, pour ce qui
vous concerne, favorable à cette nature d’impôt, mais
ce n’est pas au roi de prendre de telles initiatives ;
que reste-t-il alors aux révolutionnaires ? Les corps
constitués, noblesse et clergé et parlements,
s’opposèrent à cette infamie. Alors, le roi s’inclina et
demanda à monsieur Jacques Necker de procéder par
emprunt. Or, comme le dit un mémorialiste de
l’époque (30) : «… Emprunter sans moyens assurés
de rendre, est un vol et un abus de confiance des
peuples… »
Dans le domaine politique, Louis XVI fit preuve
d’une
coupable
instabilité
puisqu’il
eut
successivement cinq Premiers ministres en quinze
ans Turgot, Necker, Calonne, Loménie de Brienne
puis Necker de nouveau. Votre Président, lui ne
change pas de Premier ministre…il est vrai que ce
dernier ne sert à rien !
Dans le domaine politique, il agressa bêtement ses
soutiens de la Noblesse en prenant des décisions bien
douteuses telles que l’affranchissement des serfs du
domaine royal…pardon, Mohammed ? Est-ce que
Louis XVI avait sa carte de la cellule versaillaise de
la LCR ? Possibilis est !
Dans le domaine de la religion, il fit preuve d’un
coupable laisser-aller en signant l’édit de Tolérance
qui rend la liberté de culte aux protestants.
Dans le domaine de la politique étrangère, enfin, il
atteint aux limites de l’absurde en s’alliant aux
Insurgents britanniques du Nouveau Monde ; le
100
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
résultat en fut triple : d’abord l’émergence de
principes mis en valeurs par la Déclaration
d’Indépendance américaine et qui allaient être repris,
quelques années plus tard dans la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen ; et puis, la création
des Etats-Unis d’Amérique, peuple qui depuis un
siècle inonde le monde de sa « culture » ; enfin, le
signal de l’émancipation des colonies. C’est comme
ça, mes amis, que votre pays a perdu l’Afrique,
l’ « Indo », entre autres possessions, mais qu’il a
gagné Mickey ®, McDo ® et le Coca-cola ® !...et
vous trouvez ça bien, Moussa ? J’ai encore du travail
à faire…Dom Enrici officium non finitus est !
Vous rendez-vous compte que la déclaration
d’indépendance affirmait des insanités telles que
celles-ci que je vous lis en français, dans la
traduction qu’en a donnée Thomas Jefferson luimême : « Nous tenons pour évidentes pour ellesmêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont
créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de
certains droits inaliénables ; parmi ces droits se
trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.
Les gouvernements sont établis parmi les hommes
pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane
du consentement des gouvernés. » Et le roi de
France, sacré à Reims et qui détenait directement son
pouvoir de Dieu lui-même, appuyait de telles
inepties…son sort était scellé !
Un jésuite de l’époque qui, comme tous les jésuites
français, était alors en exil, tira la morale de ce début
de règne :
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L’EnVers de l’Histoire de France
Les Grands et les Puissants,
S’ils veulent le rester
Doivent toujours garder
Un fort gouvernement.
Jamais, ne concédez,
C’est aveu de faiblesse,
C’est aveu de paresse
Qui vous feront tomber.
Que soit une leçon
Cette illustre défaite
De ce roi, dont la tête
A roulé dans le son !
Le dernier vers de ce poème prophétique anticipe un
peu sur la seconde partie du règne de Louis XVI.
Avant que nous ne l’abordions, je voudrais m’étendre
un peu, si j’ose dire, sur un sujet qui tient tant à cœur
à notre ami Moussa : les femmes.
A l’âge de seize ans, Louis-Auguste avait été marié
avec un jeune Autrichienne, l’archiduchesse Maria
Antonia de Habsbourg, alias Marie-Antoinette.
Après les festivités du mariage, on conduit les jeunes
époux dans leur chambre et on les laisse accomplir la
relation conjugale qui est désormais leur devoir. Le
lendemain, Louis-Auguste en consigne un compterendu détaillé sur son journal…je vois vos yeux qui
brillent, Moussa ; qui brillent d’impatience de
102
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
connaître le détail de cet évènement. Sur la page du
journal du jeune prince étaient écrites quatre lettres :
RIEN.
On peut en déduire, pour peu que l’on dispose d’un
peu de perspicacité, que la nuit de noce n’avait pas
été un franc succès. Quand on connaît un échec, que
fait-on ? On entreprend une nouvelle tentative. C’est
ce que firent Louis-Auguste et Marie-Antoinette,
sans plus de succès, durant sept années. Ne soyez pas
si surprise, Marie-Eudoxie. Ces choses ne sont pas
aussi simples qu’on pourrait le penser et il faut
parfois…pardon ? Moussa vous aurait fait bénéficier
de certaines manœuvres initiatrices ? N’en dites pas
plus, mon enfant ! J’entendrai la suite en confession.
Delicatas causas secretas manere debent !
Marie-Antoinette était donc la sœur de l’empereur
d’Autriche. Nous verrons que ceci jouera un rôle
dans la suite de l’affaire. Cet empereur avait, lui
aussi, certaines velléités réformatrices ; oui, mais lui,
il sut les mener avec une poigne de fer et il conserva
son trône…et sa tête. Tenez, à votre intention
personnelle, cher Mohammed, vous qui aimez tant
les rois, j’ai composé cette petite ode en l’honneur de
Joseph II :
Encore un empereur dont il nous faut parler,
Encor dire du bien d’un maître, du pouvoir !
Eh bien, je le ferai si vous le demandez,
Dire du bien d’un roi n’est pas toute une histoire.
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103
L’EnVers de l’Histoire de France
Oui, j’en dirai du bien mais je le dirai vite
Pour ne point m’attarder à cette vile affaire ;
A la flagornerie, il est quelques limites
Alors, je vais parler et puis je vais me taire.
Je ne m’attarde pas sur ses désillusions
A la guerre ; il n’importe mais j’affirmerai
Qu’un roi donnant la liberté de religion,
Supprimant le servage n’est pas si mauvais.
Mais, comme la nature est rarement parfaite
(Oui, il en est ainsi, je vous sens dépités)
Il a donné sa sœur (c’est Marie-Antoinette)
Au roi de France et elle fut décapitée.
Mais, revenons à Louis-Auguste et à MarieAntoinette. Après sept ans d’efforts, ils parvinrent
enfin à, comment dirai-je, conclure l’affaire.
N’oublions pas que Louis-Auguste avait une
dilection pour la serrurerie ; il avait sans doute enfin
trouvé la clé !
Le roi, par maladresse,
Du cœur de la princesse
(Du cœur…et d’autre chose
Que, de nommer ici, évidemment je n’ose)
N’avait su, ni le soir, ni au petit matin,
Découvrir le chemin.
Il a fallu sept ans,
(On doit prendre son temps
104
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Pour les plus belles choses :
Recevoir un baiser ou cueillir une rose)
Pour qu’enfin, un beau jour, notre roi serrurier
D’Antonia eût la clé !
Maria-Antonia, quant à elle et à ce que l’on dit, a
souvent pris la clé des champs pour se divertir à
l’écart de son serrurier de mari, avec le bel Axel de
Fersen, entre autres.
Nous voici en 1789. Louis-Auguste a fait montre de
faiblesse, d’indécision et d’impuissance, autant à
l’égard de son peuple qu’à celui de sa femme. Et
puis, s’ajoute à ceci l’une des plus grandes crises
économiques que le royaume eût connues. Le climat
des années 1787 et 1788 fut catastrophique : froid
glacial, pluies diluviennes…eh oui, Mohammed,
l’Economique reprend son rôle dans la conduite de
l’Histoire. Que pouvait faire Louis XVI, ce roi qui
n’était pas même capable d’échauffer sa femme
(pardonnez-moi, Marie-Eudoxie), pour réchauffer
son royaume ? Hélas, la réponse est la même que
celle qu’il inscrivit sur son carnet au matin de sa nuit
de noces : RIEN !
Il eût pu réagir avec sang-froid et vigueur : quelques
petites dragonnades, quelques fusillades bien
ciblées ; une petite guerre extérieure pour ressouder
l’unité nationale…eh bien non ! Ce qu’il fit, je vous
le donne en mille : il convoqua les Etats Généraux ; il
creusa la tombe où il allait être enterré.
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105
L’EnVers de l’Histoire de France
Il était bon, dit-on,
Mais il a tout raté :
Retenons la leçon
Du pauvre serrurier.
Il n’avait pas de goût au métier d’être roi
Et préférait, dit-on, celui de serrurier !
Qu’importe, il était bon, honnête, juste et droit
(C’est peut-être pour ça qu’il fut guillotiné.)
Il offrit son appui un jour aux citoyens
D’Amérique rien que pour fâcher l’Angleterre ;
Mais la déclaration des droits américains
Préparait ceux qui un jour le mettraient à terre.
Son mariage aussi a été une erreur,
La reine a comploté ; lui-même l’a-t-il su ?
Ils ont fui à Varenne quand elle eut pris peur :
On les a rattrapés et ils sont revenus.
*
Après d’autres échecs il fut guillotiné
Après un long séjour à la Conciergerie :
De la Révolution, il n’a pas eu la clé
Malgré tous ses talents pour la serrurerie.
A l’été 1789, le tour de l’Histoire de France évolue
brusquement. Le 14 juillet, la populace s’empare du
fort de la Bastille. Le soir, dans son journal, le roi
écrit : RIEN.
106
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Je déduis ce cette annotation que le roi disposait plus
de l’esprit de concision que de ceux de l’originalité et
de la perspicacité. Non, ce n’était pas rien et nous
allons en parler plus tard, car je vous propose que
nous en restions là pour aujourd’hui.
*
La Bastille ! Pourquoi n’iriez-vous pas, mes chers
enfants, vous préparer pour la suite, en ces lieux
sacrés de votre République. Et puis, à côté de la
place, s’étend Paris-Plage, symbole de la ville qui a
reconquis ses berges ! Passez-y une soirée
républicaine, « citoyenne », comme on dit de nos
jours ; et vous me raconterez tout demain…en
confession, Marie-Eudoxie ? Comment cela ? Savezvous que la préméditation est une circonstance
aggravante, surtout pour cette nature de péchés que
j’imagine…
Et moi ? Oh, mes amis, votre sollicitude me touche.
Moi, je dois rencontrer une âme en peine qui m’a
donné rendez-vous dans un bistrot du huitième
arrondissement : « Le Fouquet’s ». Je ne sais si cet
établissement appartenait au surintendant ; je m’en
enquerrai. Qui est cette âme en peine ? Eh bien, si
mes informations sont exactes, il s’agit d’une
personne de qualité qui a ses habitudes en ces lieux et
qui bénéficiait naguère d’une position importante
dans l’Etat. Elle l’a perdue. Privilegia cum juventus
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L’EnVers de l’Histoire de France
evanescent !...et quel est le nom de cette personne ?
Cécilia.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Chapitre VIII
LA PREMIERE REPUBLIQUE
Bonjour mes amis ! Alors, ce dîner à l’Arpège ?
Comment, Mohammed ? Il ne devrait pas s’appeler
l’Arpège mais l’Arnaque ? Quatre cents Euros par
personne pour un dîner à la carte, c’est effectivement
assez cher…vins compris ? Mais, Mohammed, je
pensais que le prophète avait proscrit l’usage de
l’alcool ? Ah ! Il a dit qu’il fallait savoir s’adapter
aux coutumes de ses hôtes…Ça ne m’étonne pas de
lui, cette courtoisie et cette délicatesse. Pardon ?
Vous êtes rentrés dans vos frais ? Ah oui, bien sûr,
quand Moussa a « braqué » la caissière ! Encore
heureux qu’il ne l’ait pas enrôlée de force dans son
« Dream Team ». Voyez, ma chère Marie-Eudoxie,
comme la vie est plus aventureuse dans le septième
arrondissement qu’à Versailles !
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L’EnVers de l’Histoire de France
Ma soirée à moi a été plus calme. La mère économe
des clarisses, Sœur Claire de Marennes, m’a exposé
le projet qu’avait formé la congrégation de vendre le
monastère de la Villa de Saxe et de se transporter à
Beauvais. Elle souhaitait une évaluation de ce bien
immobilier. Elle me fit visiter en détail le site et,
quand nous fumes dans sa cellule, je lui expliquai
que le rendu de mon expertise pourrait attendre le
lendemain matin…Au réveil, je lui délivrai le résultat
de mon évaluation : un million d’Euros. Ce n’est
qu’en chemin pour revenir vers vous que je
m’aperçus de ma bévue : je m’étais trompé d’un
zéro : ce n’était pas un million, mais dix ! Ce qui est
bête, c’est que je lui avais déjà signé l’acte d’achat et
établi le chèque. Il est trop tard pour réparer l’erreur :
tant pis, sur la plus-value que je dégagerai, je
réserverai une obole pour les bonnes œuvres des
clarisses. Et puis, dévoiler cette étourderie risquerait
de me faire baisser dans son estime… Per
imprudentiam, bonum negotium feci !
*
Menacée par le roi de Prusse et l’empereur
d’Autriche, l’Assemblée décide la mobilisation
générale et, avant de lancer ses troupes au devant de
celles de Brunswick, considère d’éliminer les
« mauvais citoyens », c'est-à-dire ceux qui étaient en
prison, détenus de droit commun ou nobles. Pour la
110
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
première catégorie, la « racaille », je serais assez
d’accord avec la décision de votre république
naissante, mes amis ; pour ce qui est de la seconde,
les nobles étant alliés à l’Eglise, je ne puis plus être
d’accord, maintenant que j’ai rejoint les rangs de
cette institution. On compte au total environ 1.500
morts,
dont
200
ecclésiastiques
et
200
nobles…Pardon, Marie-Eudoxie ? Oui, vous avez
raison, arrondissons au total à 400 victimes…
Les troupes républicaines sont rassemblées et, sous la
conduite du général Dumouriez, vont au devant des
coalisés. La rencontre a lieu le 20 septembre 1792 au
pied du moulin de Valmy. Les Austro-Prussiens de
Brunswick présentent près de 100.000 hommes ; les
Français de Dumouriez : 30.000 ; Le combat fait
rage ; au soir de la bataille, les Français ont
gagné…et on dénombre moins de 500 morts !...
En fait, il n’y eut pas de bataille mais une simple et
longue canonnade. A croire que Brunswick et
Dumouriez avaient des stocks de boulets à liquider !
Pourquoi ? Depuis lors, on se perd en conjectures.
Parmi les nombreuses hypothèses avancées pour
expliquer ce « non combat », j’en citerai trois : la
première qui évoque la commune appartenance de
Dumouriez et Brunswick à la franc-maçonnerie, ce
qui aurait favorisé un arrangement entre « frères ». Et
pourquoi je n’aime pas les francs-maçons,
Moussa ? Parce que je suis jésuite ! Voyons, aimezvous les bandes rivales du 9-3 ? Bon, je vois que
vous avez compris. La seconde hypothèse est que
Reitlag.fr
111
L’EnVers de l’Histoire de France
Brunswick aurait été acheté grâce aux diamants de la
couronne, volés quelques jours plus tôt. Je vois que
cette hypothèse matérialiste et économique a votre
préférence, Mohammed. Economica ratio semper
plus valet ! La troisième hypothèse est assez triviale :
les Austro-prussiens étaient atteint de dysenterie
chronique pour avoir abusé des raisins verts. C’est
pour cela que je ne consomme les raisins qu’en
bouteille de 75 centilitres, après une fermentation
appropriée…
Il n’y eut pas vraiment de combat à Valmy !
On canonna un peu et puis on s’en alla.
Quelle en fut la raison ? On l’ignore, et tant pis !
Ce n’est pas important car le mythe est bien là.
Ainsi que nous l’avons dit tout à l’heure, avant
d’envoyer l’armée de la République combattre les
envahisseurs, l’Assemblée avait un peu fait le
ménage dans les prisons. Pour des raisons sur
lesquelles les historiens discutent encore, la foule,
poussée par le pouvoir ou sous le coup d’une
inclination spontanée, se rendit dans les prisons et
massacra consciencieusement leurs habitants. Le but
était d’éliminer les nobles et les ecclésiastiques. La
Nation était en guerre contre l’Etranger ; des nobles
avaient pris le parti de l’Etranger ; il y avait donc une
guerre civile ; des nobles étaient dans les prisons ;
des ennemis étaient donc dans les prisons ; il fallait
les massacrer ; les ecclésiastiques étaient leurs alliés ;
il fallait les massacrer aussi. Vous voyez comme
112
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
c’est beau, un enchaînement logique. Exhortés par
Jean-Paul Marat, l’éditeur de l’Ami du Peuple, et par
Georges Danton, le ministre de la justice (enfin un
ministre de la justice qui a trouvé un moyen efficace
et rapide de vider les prisons !), la foule des
« septembriseurs », comme on les a nommés alors, se
rue dans les prisons et, en moins de six jours,
extermine donc plus de 1.500 personnes. Et les 1.100
qui n’étaient ni nobles ni ecclésiastiques ? Ce sont
des victimes collatérales : il y en a dans toutes les
batailles…
Michel Foucault aurait qualifié les massacres d’« acte
de guerre contre l’ennemi intérieur, un acte politique
contre les manœuvres des gens au pouvoir et un acte
de vengeance contres les classes oppressives. » Voilà
une virile déclaration qui doit bien vous plaire,
Mohammed.
Nous partons à la guerre
Au doux son du clairon,
Ne laissons pas, mon frère,
De nobles en prison.
Quand nous serions partis
Ils pourraient s’évader
Et prendre le parti
De nous contre attaquer
Purifions
Les prisons
Tuons
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L’EnVers de l’Histoire de France
Et massacrons.
Jean-Paul Marat était donc l’instigateur d’une
violence qui allait culminer avec la politique de la
Terreur. Que devint-il plus tard ? Eh bien, anticipons
un peu : le 11 juillet 1793, alors que Marat rédigeait
son courrier immergé dans sa baignoire (il souffrait
d’une maladie de peau), une jeune fille normande,
Marie-Anne Charlotte de Corday d’Armont,
demanda à le voir. Marat accepta tout de suite.
« A l’instant », dit Marat, « que vienne cette dame.
Je brûle de bonheur, je veux la recevoir.
Qu’est-il de plus heureux que d’avoir une femme
Pour un instant exquis, au creux de sa baignoire… »
Elle a plongé dans l’eau
La lame du couteau :
Marat fut guéri
De sa maladie
De peau !
Et Charlotte Corday ? Elle avait assassiné « l’Ami du
Peuple », elle ne pouvait qu’être condamnée et
exécutée. Ce fut fait le 16 juillet. Le poète André
Chénier écrivit ces vers en son honneur :
Entends, belle héroïne, entends l’auguste voix.
Ô vertu, le poignard, seul espoir de la terre,
Est ton arme sacrée, alors que le tonnerre
Laisse régner le crime, et te vend à ses lois…
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L’EnVers de l’Histoire de France
…Chénier fut également raccourci, un an plus
tard...deux jours avant la chute de Robespierre et la
fin de la Terreur.
*
Le 22 septembre 1792, deux jours après Valmy, votre
Première République est donc fondée. Il n’y a pas, à
l’époque, de chef de l’Etat. Le personnage de plus
haut rang est le président de la Convention, d’abord
un obscur Elie Guadet, né à Saint-émilion et
guillotiné à Bordeaux …Oui, sûrement à la suite
d’une querelle d’ivrognes, Mohammed !
Tu étais bien obscur, mon pauvre Elie Guadet
Et tu aurais mieux fait, je crois, de le rester
Plutôt que de venir présider l’Assemblée :
Tu aurais évité d’être guillotiné.
Puis ce fut l’abbé Henri Grégoire en novembre
1792.
En ce temps où l’Eglise perdait son pouvoir
Tu fus le président, mon cher Henri Grégoire,
De la Convention et tu y connus la gloire
Avec la renommée : ton nom est dans l’Histoire.
Le roi ayant été destitué, on ne savait plus qu’en
faire. Or, le 20 novembre 1792, Jean-Marie Roland,
le ministre de la justice, apporte à la convention des
Reitlag.fr
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L’EnVers de l’Histoire de France
documents (plus de 700) découverts au palais. Ces
documents avaient été trouvés dans une « armoire de
fer » et administraient la preuve de la duplicité du roi
et de ses principaux ministres. Tout ceci était-il
véridique ou l’effet d’une manœuvre, d’une
falsification ? Ça n’avait en fin de compte que peu
d’importance : comme le roi avait été un peu traître à
la patrie, on décida de lui en faire procès ; puis on le
condamna ; et, le 21 janvier 1793, on le décapita.
Pour faire bonne mesure, on décapita aussi un peu
plus tard la reine Marie-Antoinette qui, si elle n’avait
pu trahir - étant autrichienne - n’en avait pas moins
eu, aux yeux des républicains, une influence néfaste
sur son royal époux : ce qui, cette fois était très
probablement vrai.
Ton père était empereur
Et tes deux frères aussi :
Antonia, pour ton malheur,
Tu devins reine à Paris.
Paris, ville de la mode
Avait alors la coutume
(Un peu rude et peu commode)
Qui fit ta gloire posthume,
De raccourcir la Noblesse
Brusquement et tout d’un coup,
Sans trop de délicatesse :
Rien qu’en lui coupant le cou !
116
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Au printemps 1793, les événements se précipitent.
Quand il n’y a pas de chef désigné, il y a beaucoup
de candidats. Comment règle-t-on cela, d’après vous,
Moussa ? A l’AK 47 ? Non, hélas, Monsieur
Kalachnikov n’était pas né à l’époque et n’avait pas
encore pu faire bénéficier l’humanité des fruits de
son esprit inventif. Mais, le bon docteur Guillotin
avait fait profiter la république de son invention
ingénieuse. Joseph Guillotin était un député soucieux
d’équité et d’égalité. Il avait constaté que, selon le
rang social, on était exécuté de différentes façons :
les nobles étaient décapités à l’épée ; les roturiers à la
hache ; les régicides étaient écartelés ; les hérétiques
brûlés ; les voleurs pendus. Monsieur Guillotin
n’était pas un adepte de la diversité : il proposa la
guillotine pour tous et elle fut adoptée. Ce qui est
amusant est que, en 1794, Guillotin fut arrêté par
Robespierre…et ne fut pas guillotiné ! Quand je
pense qu’il avait alors l’occasion d’essayer lui-même
son invention…Guillotin non felix fuit !
Il inventa la guillotine
(Et qu’il soit béni pour cela)
Mais, par une malchance insigne,
Jamais lui-même n’y monta…
Bref, monsieur Guillotin avait fourni à tous les
prétendants chefs, un habile moyen de réduire leur
nombre.
Le 6 avril 1793, le Convention crée un organe de
gouvernement, le Comité de Salut Public, dont
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L’EnVers de l’Histoire de France
Gorges Danton est, dans un premier temps, le
principal animateur et donc une sorte de chef de
gouvernement.
Il était avocat ; il n’était pas très net.
Pour sûr, il parlait bien mais n’était pas honnête.
Il négocia ici, puis il négocia là
(Mais vous savez, bien sûr, les risques de cela).
Petits enfants de France, entendez la leçon :
La tête de Danton a roulé dans le son !
Puis, le 27 juillet 1793, Maximilien de Robespierre
fait son entrée au Comité de Salut Public et, en avril
1794, en prend la direction en éliminant Danton. Il
devient alors le véritable chef du pays. Comme
Oliver Cromwell, 140 ans plus tôt, Robespierre
voulait faire régner la vertu. Et pour cela, il avait
trouvé un moyen infaillible : la terreur. Il disait en
effet le 5 février 1794, à la tribune de la Convention :
«La terreur n'est autre chose que la justice prompte,
sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la
vertu...» Il ajoutait : «… la terreur sans laquelle la
vertu est impuissante… »
Voyez-vous, mes amis, méfiez-vous des personnes
trop vertueuses : elles deviennent vite fanatiques et
adeptes de la terreur : Théodose le Grand,
Savonarole, Isabelle la Catholique, Calvin,
Cromwell, Lénine, Khomeiny, Ben Laden…Je dis
cela pour vous, Marie-Eudoxie et Mohammed ; je
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L’EnVers de l’Histoire de France
sais qu’avec Moussa, il y peu de risque d’excès de
vertu…
La veille, 4 février 1794, la Convention avait aboli
l’esclavage dans toutes les possessions françaises,
sous l’impulsion de l’abbé Grégoire ; l’esclavage sera
rétabli par le Premier consul en 1802 à l’instigation
de Joséphine, avant d’être définitivement aboli par la
loi Schoelcher de 1848.
C’est un abbé du Tiers-état
Qui fit abolir l’esclavage,
Cette pratique d’un autre âge
Qui, alors, ne convenait pas.
Bonaparte, en mil huit cent deux,
S’est emparé de cette affaire,
A rétabli ce droit odieux
Pour des raisons très sucrières.
Robespierre se pliait à employer le rude moyen de la
terreur dans le seul but de libérer les opprimés : «Je
suis inflexible pour les oppresseurs parce que je suis
compatissant pour les opprimés.» Voici qui doit vous
plaire, mon cher Mohammed. N’y a-t-il pas là les
prémices de la dictature du prolétariat ? Et si
Robespierre était musulman ? Non, Mohammed, je
ne crois pas mais, que voulez-vous, personne n’est
parfait…Nemo perfectus est !
Il faut bien voir aussi que, pour qu’un régime se
maintienne, il lui faut un fondement communément
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119
L’EnVers de l’Histoire de France
admis. Jusqu’en 1789, le peuple acceptait le roi parce
qu’il avait l’onction divine et que, contre cela on ne
peut se dresser. La Révolution a supprimé ce
fondement ; elle a d’abord essayé d’instaurer le culte
de la raison mais, tout le monde ne raisonne pas
pareil. Alors, en attendant que son « Etre suprême »
puisse prendre le relais, Robespierre dut avoir
recours à la force.
C’est le Cromwell français :
Il fit mourir un roi
Mais lui n’a pu régner
Hélas que quelques mois.
Après la triste nuit
Pour le peuple français
Que fut la monarchie,
Grâce à lui commençait
Une ère de soleil
Où tous les citoyens
Connaîtraient la merveille
D’un fraternel destin ;
Pour un tel avenir,
Brillant, illuminé,
Il faut savoir souffrir,
Il faut le mériter
Et si l’on veut gagner
Son bonheur sur la terre,
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L’EnVers de l’Histoire de France
On peut se confier
A ce bon Robespierre.
Il a guillotiné
Ultras et Indulgents,
Tous ceux qui s’opposaient
A son gouvernement ;
Tous ceux qui s’opposaient
Au règne de vertu ;
Tous ces mauvais français,
Ces citoyens perdus.
Il était vertueux
(C’est pour ça que je l’aime),
Il lui fallait un Dieu :
Ce fut l’Être Suprême.
Il n’est jamais facile
D’ordonner le bonheur
Et c’est pour cela qu’il
Décréta la Terreur.
Hélas, son aventure
Fut bientôt arrêtée ;
Les temps étaient bien durs :
Il fut guillotiné.
(Il convient d’observer,
C’est affreux, quand j’y pense,
Qu’il n’eut à son procès
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L’EnVers de l’Histoire de France
Pas droit à la défense ;
Eh bien, c’était légal !
Cette loi insensée
Et qui lui fut fatale :
Il l’avait fait voter !)
Ce destin malheureux,
Mirabeau l’a prédit :
« Cet homme est dangereux,
Il croit tout ce qu’il dit… »
Robespierre, en ces temps troublés, savait néanmoins
faire preuve d’un certain bon sens. Alors que nombre
de ses collègues rêvaient d’aller conquérir l’Europe
pour faire bénéficier leurs peuples des bienfaits de la
Révolution, il déclarait le 2 janvier 1792 au club des
Jacobins : «La plus extravagante idée qui puisse
naître dans la tête d'un politique est de croire qu'il
suffise à un peuple d'entrer à main armée chez un
peuple étranger pour lui faire adopter ses lois et sa
Constitution. Personne n'aime les missionnaires
armés. » Vous avez raison, Mohammed, Mr George
W. Bush ne connaît sans doute pas Robespierre.
Puisque nous évoquons les grands hommes de la
période révolutionnaire, il ne faudrait pas oublier
celui qui eut peut-être le plus d’importance et qui
pourtant demeure un peu dans l’obscurité de la
mémoire collective : Bertrand Barrère de Vieuzac, dit
Barrère.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Ce riche gentilhomme gascon avait trente-cinq ans à
la Révolution. Il fut, tour à tour : animateur de la
constituante ; jacobin royaliste ; président de la
Convention lors du procès de Louis XVI (c’est à
cette occasion qu’il déclara cette phrase qu’il avait,
semble-t-il, empruntée à Thomas Jefferson :
« L’arbre de la liberté croît lorsqu’il est arrosé du
sang des tyrans. ») ; membre activiste du Comité de
Salut Public ; principal acteur de la politique
« terroriste » du Comité ; prêcheur de la guerre totale
contre la Vendée ; défenseur des « colonnes
infernales » ; instigateur des condamnations à mort
de ses collègues, Danton, Desmoulins, Robespierre,
Saint Just, entre autres ; arrêté le 9 Thermidor ; puis
amnistié ; membre de la Chambre des Représentants
sous l’empire ; député sous la monarchie de
juillet…Barrère, peut-être le plus gros pourvoyeur de
la guillotine pendant la révolution, mourut dans son
lit et sous les honneurs à l’âge de quatre-vingt cinq
ans ! Si l’on en croit l’historien britannique Macaulay
Thomas Babington: “The filthiest and most spiteful
Yahoo of the fiction was a noble creature when
compared with the Barrère of History.” (31) Occidet
multum, perdiu vixit!
Il a manipulé les hommes de son temps;
Il a tué beaucoup; il a vécu longtemps;
Il est presque sorti, déjà, de nos mémoires
Mais il a façonné largement notre histoire.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Un autre intéressant jeune homme de cette période
révolutionnaire était Louis Antoine de Saint-Just,
brillant porte parole du Comité de Salut Public et
grand pourvoyeur également de la guillotine. Mais,
Saint-Just n’était pas seulement un révolutionnaire ;
il était aussi un poète, et un poète un peu grivois. Il
écrivit ainsi un long poème en vingt chants, l’Organt
(31b), où l’on peut lire ces vers traitant de guerriers
de Charlemagne arrivant dans un monastère de
nonnes :
Et les nonnains pour des anges les prirent,
Suzanne tombe aux serres de Billoi,
Il vous l’étend et, d’une main lubrique,
Trousse en jurant la dévote tunique
Quand elle vit poindre je ne sais quoi
Suzanne crut que c’était pour le prendre
Et le baiser ; sur le fier instrument
Elle appliqua sa bouche saintement…
Vous ne comprenez pas le sens de ces vers, MarieEudoxie ? Quel dommage, moi non plus et j’eusse
tant aimé que vous me l’expliquassiez, fût-ce par le
biais de travaux pratiques…
Saint-Just avait fait paraître sous le manteau ce
poème en 1789, et il avait eu l’audace de le publier
au nom d’un éditeur fictif : « Vatican » ! En préface à
ce livre, il avait écrit : « J’ai vingt ans ; j’ai mal fait ;
je pourrai faire mieux. » Il ne fit pas mieux en
littérature, mais en matière d’approvisionnement de
la guillotine en clients, il sut se distinguer.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Saint-Just, jeune, aristocratique,
Ecrivait de jolis poèmes
Assez galants, un peu lubriques,
En un mot, tout ce que l’on aime.
Hélas il délaissa sa muse
Pour d’autres sortes de travaux :
Quand la poésie, plus n’amuse,
On se consacre à l’échafaud !
Quoiqu’il en soit, Saint Just était un fort élégant
poète et il est bien dommage que l’on ait mis
prématurément fin à ses jours en juillet 1894, en le
guillotinant.
*
Barrère avait, disais-je, prôné la guerre à outrance en
Vendée. Lors de la mobilisation générale, la Vendée
s’était révoltée contre la République et avait engagé
un mouvement qui ne peut avoir que ma sympathie :
les troupes vendéennes marchaient sous l’étendard du
Sacré-Cœur. J’ai d’ailleurs proposé à votre Président
de peindre cet emblème sur les chars blindés qu’il a
obligeamment intégrés à l’armée étasunienne, en
Afghanistan. Expecto responsum !
L’estimation des pertes humaines liées à cette guerre
civile varie, selon les auteurs, de 100.000 à 200.000
personnes, ce qui fait indubitablement beaucoup par
rapport au nombre des autres victimes de la
Révolution.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Cette guerre fut donc assez brutale, à tel point que,
dans les camps de la royauté et de la religion, on
parle de génocide ; pas dans le camp de la
république. Tout est question de point de vue et de
vocabulaire.
Il y eut certaines répressions particulièrement
brutales. Jean-Baptiste Carrier, représentant en
mission du Comité de Salut Public, se fit, à Nantes,
une spécialité des noyades d’ecclésiastiques. Comme
il était d’esprit aussi mutin que cruel, il lui arrivait de
faire enchaîner nus, face à face et l’un contre l’autre,
un curé et une religieuse, avant de les plonger au
fond la Loire. Il appelait cela ses « mariages
républicains ». Marie-Eudoxie, ne serait-il pas utile,
pour une parfaite compréhension de la chose, de
procéder à un simulacre de reconstitution ? Il y a une
baignoire dans l’appartement du conservateur et je
peux me dévouer pour vous servir de
partenaire…vous préférez Moussa ? Oublions ! De
toute façon, il n’y a pas d’urgence !
Jean-Baptiste Carrier était un peu sadique
Lorsqu’il s’en prenait aux religieux catholiques :
Il les attachait nus, face à face, et soudain
Les noyait en un « mariage républicain ».
Robespierre avait compris que, pour que le peuple se
tînt tranquille, il était bon qu’il eût une religion. Ceci
montre que Robespierre n’était pas parfaitement
mauvais. Alors, en opposition avec le culte athée et
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L’EnVers de l’Histoire de France
matérialiste de la Raison, institutionnalisé le 10 août
1793, il fit décréter par la Convention, le 7 mai 1794,
le culte de l’Être Suprême : « le peuple français
reconnaît l’existence de l’Être Suprême et
l’immortalité de l’âme. » Un mois plus tard, le 8 juin
1794 (20 prairial an II), il organise au Champ-deMars une fête immense où il est mis en scène comme
le grand prêtre de la nouvelle religion (n’eût-il été
vêtu d’un habit bleu céleste qu’il eût pu passer pour
un cardinal…)
Les curés sont chassés ou bien guillotinés
Et le peuple s’agite, il faut le maîtriser :
Inventons aussitôt une autre religion
Et le peuple ébloui fera sa soumission.
Cette manifestation d’autocratie de Robespierre
ajoutée à toute la violence de la Grande Terreur finit
par lasser les membres de la Convention, alors que
les frontières se trouvaient de moins en moins mises
en péril.
Le 27 juillet 1794 (9 thermidor, selon le calendrier de
l’époque), La Convention met en accusation
Robespierre et ses principaux acolytes, Saint-Just,
Henriot, Couthon (mais pas Barrère qui, ainsi que
nous l’avons vu plus haut, passa toujours au travers
des mailles du filet) et les condamne à mort ; le
lendemain, ils montent sur l’échafaud.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Au sujet de la fin de Robespierre, il convient que
nous parlions d’une dame. Robespierre, qui avait en
effet si peu d’attirance pour les femmes que certains
pensent qu’il était impuissant, vit sa fin liée à l’action
d’une des femmes les plus légères et brillantes de
l’époque : Teresa Cabarrus, épouse Tallien. Après
avoir multiplié les conquêtes à la cour de Louis XVI,
Teresa épouse Jean-Lambert Tallien, un brillant
septembriseur et chargé de mission en Vendée puis à
Bordeaux, qui l’avait fait libérer de prison ! Ceci lui
vaut le sobriquet de Notre Dame de Septembre. Elle
consacre alors de son temps à soulager les
malheureux condamnés et gagne ainsi le surnom de
Notre-Dame de Bon Secours. A la suite d’une affaire
confuse, elle est ensuite emprisonnée et destinée à la
guillotine. Elle écrit alors à Tallien : « Je meurs
d'appartenir à un lâche. » Pour faire libérer sa femme,
Tallien, qui avait été piqué au vif par cette
interpellation, entre dans le complot contre
Robespierre. Robespierre est guillotiné, Teresa est
libérée et devient Notre-Dame de Thermidor. Après
de nombreuses nouvelles aventures amoureuses, dont
l’inévitable Barras et bien sûr Bonaparte, elle épouse
sur le tard le prince de Chimay et finit paisiblement
sa vie dans le Hainaut. Hélas, Marie-Eudoxie, si
Madame Tallien a été trois fois Notre-Dame, elle
n’est sans doute pas restée vierge très
longtemps…Mais oui, Moussa, mademoiselle Lulu
mérite tout à fait le titre de Notre-Dame du
Réconfort ! Il faut savoir reconnaître les mérites.
Meritum honorandum est !
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L’EnVers de l’Histoire de France
Elle était belle, elle était bonne
Elle avait brillé à la cour,
Ne vivant pas comme une nonne
Et, quand la révolution sonne
Elle multiplie les amours.
Elle épouse un Conventionnel,
Tallien partagera sa chambre,
Connaîtra le septième ciel,
Ce massacreur au cœur cruel,
Chez Notre Dame de Septembre.
Notre Dame de Bon Secours
Un jour a su sceller le sort
Du « Tyran » grâce à son amour
Et elle sera pour toujours
Notre Dame de Thermidor.
Avec la fin de Robespierre, se terminait une phase de
la Révolution, la Terreur. La guillotine allait donc
pouvoir prendre un relatif repos. Mais, au demeurant,
combien de personnes avaient-elles été guillotinées ?
On estime le nombre total à environ 17.000. Si l’on y
ajoute les victimes n’ayant pas eu de procès, on
atteint un chiffre global d’environ 30.000 (hors
guerre civile de Vendée), soit le même ordre de
grandeur que celui de la Saint-Barthélemy à travers
le royaume. J’en tire la conclusion qu’en France, on
affectionne une certaine constance dans les
massacres.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Vous trouvez, Marie-Eudoxie, que 17.000 victimes,
ça fait beaucoup d’aristocrates et d’ecclésiastiques ?
Eh bien, détrompez-vous, mon enfant. Le nombre des
aristocrates guillotinés n’a été que de 1.500 environ ;
les ecclésiastiques : à peine plus de 1.000, alors que
plus de 10.000 ouvriers et paysans se trouvèrent être
raccourcis ! Eh oui, Mohammed, lors de toutes les
révolutions, le peuple sait bien dévorer ses propres
enfants… Populus populum devorat !
Contre les « Aristos », le peuple s’est levé
Il faut exterminer, pour un ordre nouveau,
Cette vieille noblesse. Qu’elle aille à l’échafaud !
On lui coupe la tête et l’on est libéré !
Mais, à la fin du compte, on doit bien constater
Que parmi les clients de la sinistre lame,
Que parmi tous ces hommes et toutes ces femmes
Le plus grand nombre fut de pauvres ouvriers…
*
Au lendemain du 9 thermidor An II (27 juillet 1794),
les pouvoirs du Comité de Salut Public sont réduits :
la noblesse et la bourgeoisie redressent la tête.
L’homme fort du pays est alors Jean-Jacques Régis
de Cambacérès, président de la Convention puis du
Comité de Salut Public. Durant la Révolution,
Cambacérès avait surtout tenu un rôle de juriste et,
dès juin 1793, il travailla sur la constitution d’un
130
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Code Civil qui lui avait été demandé par la
Convention. Ce travail aboutit sous le consulat,
toujours sous sa houlette et, malheureusement, ce qui
avait été rédigé par le Languedocien érudit et raffiné
fut approprié par un Corse inculte et fruste : C’est
pourquoi vous n’avez pas aujourd’hui de Code
Cambacérès mais un Code Napoléon ! Le coucou fait
son nid de la demeure des autres oiseaux, Apud
alterum avem, cuculus nidum fecit !
Avant que vous ne m’interrogiez sur les conquêtes
féminines de Cambacérès, mon cher Moussa, je
préfère vous préciser que Jean-Jacques Régis était
exclusivement homosexuel. D’ailleurs, à titre
d’anecdote, je citerai ce mot que, quelques années
plus tard, l’empereur lui adressa un jour qu’il était en
retard à une audience et qu’il s’en excusait, en disant
avoir été retenu auprès d’une dame : « Quand on est
attendu par l'Empereur, on finit vite ses affaires avec
ces dames et on leur dit : "prends ta canne et ton
chapeau et va-t-en"».
Du temps de l’empire (dont il fut le second
personnage, en sa qualité d’archichancelier),
Cambacérès fut incité par Napoléon à se marier ou,
tout au moins, à s’afficher avec une dame, car cette
situation était plus convenable à l’époque. JeanJacques Régis prit alors comme « maîtresse
officielle » Henriette Cuizot qui, peu de temps après,
fut enceinte. Alors qu’on le félicitait, Cambacérès
répondit que cette paternité concernait un ancien
amant de la dame car lui, disait-il, « ne l’avait
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131
L’EnVers de l’Histoire de France
connue que postérieurement… » Avec ce sens de
l’humour, Cambacérès avait décidément toutes les
qualités pour être jésuite…
Quoiqu’il en soit, le fait que Cambacérès fut le père
du Code Civil (c’est bien sa seule paternité,
d’ailleurs !)
fit que
toute répression
de
l’homosexualité en fut exclue.
Il fut, pour quelques mois, la tête de la France,
Tout au moins président du plus haut comité ;
Il eût pu faire un roi grâce à ses qualités
Mais, aimant les garçons, il fut sans descendance…
La période « thermidorienne » fut marquée par deux
tendances : d’abord, au plan politique, par la volonté
du pouvoir d’empêcher institutionnellement que ne
pût s’établir de nouveau une tyrannie ; et puis, au
plan sociologique, par une forte réaction qui se
traduisit par ce que l’on appela la « terreur blanche.»
Ce fut l’époque des « Muscadins » et des
« Merveilleuses ». Il s’agissait de jeunes gens aisés,
la « jeunesse dorée », dirions-nous de nos jours, qui,
après les tourments des révoltes prolétaires,
récupéraient le haut du pavé. Les Muscadins étaient
ainsi nommés pour leur goût de se parfumer et les
Merveilleuses se promenaient sur les boulevards,
vêtues de mousselines parfaitement transparentes.
Marie-Eudoxie, ne pourriez-vous pas, pour mieux
illustrer le cours, venir demain habillée de la sorte ?
Vous ne vous habillez que chez Magellys®, la
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L’EnVers de l’Histoire de France
boutique spécialisée dans le vêtement traditionnel
chrétien, et vous doutez qu’ils disposent, dans leur
catalogue, de tels vêtements…j’en doute aussi.
Dubito quoque !
Après que la populace
Eut pris le haut du pavé
Il faut reprendre sa place
Et se faire respecter.
Muscadins et Merveilleuses
Vont désormais le front haut
Loin des classes laborieuses
Qu’ils bastonnent s’il le faut.
Nous l’avons dit, la Convention prépara des
institutions de nature à éviter tout risque de tyrannie.
La constitution de l’an I, qui n’avait jamais été
appliquée, fut oubliée et l’on vota, le 25 août 1795, la
constitution de l’an III qui instaurait un
gouvernement
collégial,
indépendant
des
assemblées : le Directoire, composé de cinq
membres. Le principal membre du Directoire, le
« leader », comme nous dirions de nos jours, était
Paul Barras. Paul François Nicolas vicomte de
Barras était un noble provençal né près de Brignoles.
Vous voyez, Marie-Eudoxie, que tous les nobles ne
finirent pas dans le bac de son! Barras fut l’ami de
Mirabeau ; puis élu député du Var ; vota la mort du
roi ; poussa à la mise en accusation de Robespierre ;
fut nommé au Comité de Sûreté Générale. Jusque là,
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L’EnVers de l’Histoire de France
il avait fait un parcours parfait. Hélas, le 5 octobre
1795 (13 vendémiaire an III), il commet l’erreur
fatale : il fait appel pour dégager les rues de Paris qui
étaient aux mains d’agitateurs royalistes, à un
traîneur de sabre corse du nom de Napoleone
Buonaparte, qu’il élève à l’occasion au grade de
général. Ce dernier fait venir ses canons à Paris ; les
installe face à l’église Saint Roch, rue Saint-Honoré
et les utilise avec autant de discernement que de sens
de la retenue : environ 300 opposants tombent sous
les boulets, et sur les marches de l’église. Certes, cela
n’allait pas empêcher Barras d’être nommé au
Directoire où il siégea deux ans et où il fit un petit
coup d’état le 4 septembre 1797 ; mais il avait fait la
renommée de celui qui, plus tard, allait le renverser :
il avait réchauffé le serpent en son sein ! Calefacet
serpentem ad pectum suum !
Barras avait pourtant, en une occasion, bien
manœuvré avec le jeune Corse ambitieux. Ne sachant
comment se défaire d’une maîtresse encombrante, il
la présenta au dit Napoleone qui, étant alors en
manque d’affection, en fit rapidement son ordinaire.
Le nom de cette dame, Marie-Eudoxie ? Joséphine de
Beauharnais.
Lors du coup d’état du 18 brumaire, Barras
démissionne ; puis, Napoléon l’exile à Rome et
l’emprisonne un moment à Montpellier ; ce Napoléon
qui l’appelait aimablement le « roi des pourris ».
Décidément, le Corse n’avait même pas la
reconnaissance du (bas) ventre !
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L’EnVers de l’Histoire de France
Il a traversé la Révolution,
Sans mal et sans heurts
Mais pour son malheur
Il rencontra un jour Napoléon.
Il lui délaissa sa vieille maîtresse
Dont il était las.
Le Consul l’aima
Et lui accorda toutes ses caresses.
Mais, pour Barras, pas de reconnaissance,
Il l’a exilé
Puis emprisonné :
La faute de goût frise l’indécence.
Barras avait donc présenté Joséphine de Beauharnais,
son ancienne maîtresse, à Bonaparte qui l’avait
épousée. Et c’est chez Joséphine que se fomenta le
coup d’état qui allait précipiter la chute de Barras.
Comme vous le dites si bien, Moussa, les « meufs »,
il ne faut pas leur laisser la bride sur le cou…même si
elles ont un beau harnais ! Alors, celle-là, j’espérais
quand même que vous ne la fissiez pas ! Vous me
décevez, mon petit, vous me décevez.
Bref, dans le salon de Joséphine, on retrouve l’abbé
défroqué Emmanuel-Joseph Sieyès que nous avons
rencontré en 1789, lors des Etats-généraux. Sieyès,
qui rêve du pouvoir et cherche un « bras armé » ; on
lui propose le général Moreau, qui manque de
détermination, puis ce Buonaparte ; comme il n’a
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L’EnVers de l’Histoire de France
rien contre les Corses, il accepte ; le coup d’Etat se
fait ; et le Corse prend le pouvoir !
Cet homme est né Français par la grâce d’un roi,
-Louis XV avait acquis la Corse (est-ce un
bonheur ?) Par les armes il a su imposer sa loi
Puis, jeune encore est mort, tué par l’empereur.
Tout jeune, à vingt-quatre ans, il était général
De brigade et un jour, pour sauver la nation,
Il mitraille, à Saint Roch, la rue d’un feu fatal :
On le fit général, alors, de division...
…De division… vraiment, subtil est le symbole
Pour celui qui renverserait le Directoire
Par l’épée, comme il fit jadis au Pont d’Arcole,
Afin de s’arroger alors tous les pouvoirs.
Et c’est ce qui advint lors du Dix-huit Brumaire,
Où quelques conjurés, une sombre mafia,
Tua la République, oui, la chose est amère,
Par un bref coup de main, vulgaire coup d’état.
Il est Premier consul, il est un dictateur ;
Il est nommé à vie, il règne sans partage,
Et ce grand humaniste a voulu le bonheur
De ses sujets : il a rétabli l’esclavage.
Mais ça ne suffit pas à ce nouveau tyran,
Il a tous les pouvoirs et ce n’est pas assez :
136
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
L’empereur a tué Bonaparte et pourtant
Le peuple français n’en fut pas débarrassé.
Ce Buonaparte est en effet un personnage dual. Plus
tard, il changea de nom et, pour mieux affirmer sa
tyrannie et sa mégalomanie, se fit nommer empereur.
Mais, nous n’en sommes pas là. Là où nous en
sommes, c’est à la fin concrète de la République
puisque, par son coup d’état, Buonaparte, qui avait
entre-temps francisé son nom en Bonaparte, mettait
en place un régime dictatorial : le Consulat.
C’est en effet une constante de l’Histoire que les
révolutions se terminent en dictature. Vous devriez y
songer, mon cher Mohammed. Il est vrai que quand,
comme en Iran en 1978, elles se terminent en
dictature islamique, votre double tropisme
révolutionnaire et islamiste peut y trouver
satisfaction : ce que vous perdez là, vous le gagnez
ici. Quod ibi perdes, hic vinces !
*
Arrêtons-nous là pour aujourd’hui, mes amis. Pour
votre édification spirituelle, je vous invite à aller
vous recueillir sur le tombeau de Cambacérès, au
cimetière du Père-Lachaise.
Pour ma part, j’irai prier dans l’église du bon abbé
Sieyès dont le CV me fascine. Il était abbé lorsqu’il
était jeune et ne l’était plus lorsqu’il était vieux : moi,
c’est le contraire !
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137
L’EnVers de l’Histoire de France
Chapitre IX
LA REPUBLIQUE CONFISQUEE
LE CONSULAT – L’EMPIRE
Bonjour, mes amis. Comment s’est passée cette
soirée de recueillement au Père-Lachaise ? Vous
n’avez pas trouvé la tombe de Cambacérès ? Vous
vous êtes rabattus sur celle de MacDonald ? Mais
c’est parfait, vous avez ainsi préparé la leçon sur les
maréchaux d’empire…non ? …et il n’y avait même
pas de Big Macs et vous avez dû rejoindre
l’établissement des Champs Elysées…mais oui, mes
enfants, vous avez bien fait, vous avez parfaitement
bien fait…
Et moi ? Oh, rien qu’une soirée tranquille. J’ai
recherché, près de la place des Vosges, pour m’y
recueillir, l’adresse où vivait ce bon abbé Sieyès en
1798, quand il était Directeur ; mais je me suis un
peu perdu et je suis arrivé à proximité du boulevard
de Strasbourg. Voila c’est tout ; rien de spécial…oui,
138
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
oui, Moussa, rassurez-vous, mademoiselle Lulu va
très bien.
*
Les rois s’étaient consciencieusement employés à
ruiner la France ; la Révolution avait achevé le
travail. Le Directoire décida donc qu’il fallait aller
chercher ailleurs les richesses que votre pays n’avait
plus chez lui. Il suffirait d’appeler cela « une guerre
pour libérer les peuples et combattre la tyrannie ». Ça
marche toujours. Mr Bush ne l’a-t-il pas encore
démontré en 2003 avec la glorieuse guerre de
libération de l’Irak ? Le général Bonaparte, à qui le
Directoire avait confié le commandement de l’armée
d’Italie, ne se gênait d’ailleurs pas pour expliquer à
ses troupes les subtilités de la stratégie : « Soldats,
vous êtes nus, mal nourris…Je veux vous conduire
dans les plus fertiles plaines du monde. De riches
provinces, de grandes villes seront en votre pouvoir;
vous y trouverez honneur, gloire et richesses. » Pour
les richesses, ce n’est pas douteux ; pour la gloire et
l’honneur, je vois mal ce que les hordes de barbares
français menées par ce bandit corse pouvaient en
connaître…Barbari Galli opulentam subtiliamque
Italiam subigent
A l’occasion de la campagne d’Italie, on cite souvent
le rôle de Bonaparte dans le franchissement du pont
d’Arcole. Il est vrai que le général tenta
Reitlag.fr
139
L’EnVers de l’Histoire de France
présomptueusement une attaque de ce pont à la tête
de ses troupes ; mais ce que l’on dit moins, c’est que,
bien vite, le colonel Jean-Baptiste Muiron se jeta au
devant de lui pour le protéger en lui faisant rempart
de son corps : Muiron fut atteint d’un balle en plein
cœur ; il mourut sur le coup ; pas Bonaparte. Je crois
que l’on peut dire que le sacrifice de Muiron fut le
plus stupide et le plus contreproductif que connut
votre longue histoire. Pro tyranno se devovere
morique stupidissimus est !
Bonaparte, intrépide, un jour, au pont d’Arcole
Se lança hardiment au feu de la mitraille.
Muiron, d’une impulsion, aussi hardie que folle
Se fit tuer pour lui : il a une médaille !
L’Italie est pillée ; Bonaparte exige des vaincus des
indemnités astronomiques ; les finances françaises
sont sauvées (les siennes aussi, d’ailleurs…): c’est la
« glorieuse campagne d’Italie »…Oui, Moussa, en
langage diplomatique, on dit Glorieuse campagne ;
en langage courant, on dit racket ! In glossario,
veritas manet !
Si vous vous trouvez démunis
Et que vous voulez des finances
Pour renflouer votre parti
Ou pour le Trésor de la France,
Déclarez la libération
De quelques peuples opprimés
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Et emparez-vous sans façon
Des richesses accumulées.
Extorsion de fonds
Ou libération ?
Oui, tout est affaire
De vocabulaire.
Après l’Italie, les Directeurs avaient envoyé
Bonaparte en Egypte, berceau de la civilisation. Ils
l’avaient envoyé là-bas pour deux raisons. Pour une
qui est indicible officiellement : éloigner un homme
qui commençait à leur faire de l’ombre ; pour une
autre d’ordre diplomatique, aussi banale que
pertinente : ennuyer les Anglais.
Le choc fut rude. Bonaparte expliqua, comme
d’habitude, aux habitants du pays qu’il les
envahissait pour leur bien : « Egyptiens… je viens
vous restituer vos droits, punir les usurpateurs ; je
respecte plus que les Mamlouks, Dieu son prophète
Mahomet et le glorieux Coran. » Je suis d’accord
avec vous, Mohammed, avec le coup du « glorieux
Coran », il en rajoutait peut-être un peu !
Le loup dit à l’agneau
« Que vous me semblez beau !
Je viens
Pour votre bien ! »
Très délicatement, le loup le cajola
Puis, il le dévora.
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141
L’EnVers de l’Histoire de France
En Egypte, tout se passe merveilleusement bien :
d’abord, la flotte française est complètement détruite
par les Anglais ; puis, les troupes de Bonaparte sont
harcelées et décimées par les Turcs. Au passage,
voici une petite anecdote qui vient rehausser la gloire
du vaillant général : A Jaffa, le 9 mars 1799, les
troupes turques qui tenaient la ville se rendent en
l’échange de la promesse qu’elles auront la vie sauve.
Bonaparte entre dans la ville et découvre qu’il y a
3.000 prisonniers. Il s’écrie : « Que veulent-ils que
j’en fasse ? »(32). Il les fait mettre à mort. Des esprits
chagrins pourraient certes mettre au débit de
Bonaparte le fait qu’il n’a pas tenu sa promesse :
c’est qu’ils n’auront rien compris au fait que le
général était un vrai « politique » ; or, un vrai
politique ne tient jamais ses promesses. Moi, je
porterais à son crédit son esprit d’analyse et sa
rapidité de décision. Magni viri velociter decident !
Le petit poème ci-dessous, traduit de l’arabe, montre
que les populations locales étaient définitivement
hermétiques à l’art de la vraie politique.
On fait un jour des prisonniers
Et on leur promet la vie sauve :
On les présente au général
Et lui, pire qu’un animal,
Le nabot rondouillard et chauve
Les fait alors tous fusiller.
En effet, les Egyptiens, qui étaient des fourbes et des
ingrats, ne comprenaient pas les bienfaits que leur
142
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
apportaient Bonaparte et ses troupes : ils les
combattaient. Après la victoire d’Aboukir, le sort des
armes vint à se retourner de nouveau et Bonaparte
jugea qu’il était préférable que l’inévitable déroute
qui se profilait fût subie par un autre que lui…
On est au devant de la scène
On reçoit la gloire et l’éloge
Mais, quand soudain, on vous déloge,
Mieux vaut revenir vers la Seine !
Bonaparte rentra alors en France et c’est là qu’eut
lieu la rencontre dont nous parlions hier avec l’abbé
Sieyès. Après une mise au point un peu longue (on
dut faire un premier petit coup d’état au printemps
pour éliminer trois Directeurs), on décida, le 18
brumaire de l’an VII (9 novembre 1799) de passer à
l’acte. Le lendemain, 19 brumaire, la chambre des
Cinq-cents se rebiffa, voulut mettre Bonaparte en
accusation mais, très opportunément, son président
fit donner la troupe. Comment s’appelait ce
président, Mohammed ? Luciano Buonaparte ! Eh
oui, Mohammed, il n’y a pas que les grands frères
qui soient utiles : les petits frères peuvent l’être
aussi ! Après cette incongruité qu’avait été la
Révolution, la France redevenait enfin ce qu’elle
aurait toujours dû demeurer : une affaire de famille.
Francia principis res est !
C’était un bon politicien !
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143
L’EnVers de l’Histoire de France
Quand il se trouva en péril,
Ce fut une vrai chance qu’il
Pût alors compter sur Lucien.
*
L’épisode révolutionnaire qui avait commencé le 17
juin 1789, par la création de l’Assemblée Nationale ;
qui eût pu se terminer le 14 juillet 1790 par une
monarchie constitutionnelle, si le roi avait été un peu
plus politique et un peu moins borné ; se terminait 10
ans et 5 mois plus tard, le 10 novembre 1799 par
l’instauration d’un pouvoir dictatorial, le Consulat :
tout ça pour ça !
Le Corse était astucieux. Il voulait prendre le pouvoir
absolu mais il souhaitait, dans un premier temps,
préserver les formes. Moussa, quand vous exercez
vos légitimes pouvoirs de management auprès de vos
jeunes disciples de la rue Saint-Denis, vous ne vous
déclarez pas leur « exploiteur ». Vous prenez le noble
titre de « protecteur ». Bonaparte, qui se voulait le
« protecteur » de la France agit avec tout autant de
subtilité. On nomma un gouvernement collégial, le
Consulat, qui regroupait trois consuls : voilà qui est
bien démocratique. Oui, mais seul le Premier consul
détenait le pouvoir…et le Premier consul était
Napoléon Bonaparte. On dit qu’il est un pays
d’Europe de l’Ouest où il existe de nos jours deux
assemblées regroupant près de mille élus, un
gouvernement de quarante ministres et où seul le
144
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Président détient le pouvoir…je ne sais quel serait ce
pays, mais je ne puis y croire…non possibilis est !
On nomme trois consuls, dont Sieyès et Ducos,
Mais ils ne sont là que pour la figuration.
Seul un a du pouvoir, seul un a de l’écho :
C’est celui qui se prénomme Napoléon.
En janvier 1800, l’abbé Sieyès et Roger Ducos
quittent le Consulat et sont remplacés par CharlesFrançois Lebrun et par notre ami Jean-Jacques Régis
de Cambacérès, ce qui ne change rien puisqu’ils
n’ont pas plus de pouvoir que les précédents.
Quels étaient les objectifs du Premier consul ?
L’ordre, à l’intérieur, et la guerre, à l’extérieur.
Pour l’ordre, ce fut assez simple : les assemblées sont
dépourvues de pouvoir ; la contestation politique est
réprimée ; la presse est contrôlée et la censure
rétablie le 17 janvier 1800. Voyez-vous, mes amis,
c’est ainsi que l’on agit toujours quand on ne veut
pas être ennuyé par des raisonneurs de toute nature :
dans votre cellule du parti trotskiste de l’avenue Rosa
Luxemburg, Mohammed, les récalcitrants sont
éliminés séance tenante…oui, pas physiquement,
hélas, ça ne se fait plus. Mais, gardez espoir, ami, la
vie est un éternel recommencement ; dans votre
quartier, Moussa, quand il faut mettre bon ordre à la
concurrence déloyale…votre OMC à vous s’appelle
357 Magnum ? Tout est question d’appellation. Et
chez vous, Marie-Eudoxie, quand les infâmes
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145
L’EnVers de l’Histoire de France
Orléanistes régicides s’en prennent à la Maison de
France, la vraie, celle des Bourbons, ils sont interdits
de parution dans le Lys Rouge, ce qui les prive des
45 lecteurs de cette revue à grande diffusion…oui, je
sais, c’est sévère mais, il faut ce qu’il faut !
Donc, la question intérieure étant réglée, Bonaparte
s’occupa de la guerre, sujet pour lequel il avait une
certaine prédilection. A qui fait-il la guerre ? A toute
l’Europe ! Je ne vais pas vous ennuyer avec cette
question pour trois raisons. D’abord, parce que ces
guerres en font, chez vous, un héros alors qu’elles ont
amené le monde entier à considérer que Bonaparte
(et Napoléon par la suite) est un tyran à côté de qui
Hitler ferait presque figure d’enfant de chœur ; la
seconde raison est que ces récits belliqueux relatifs à
des conquêtes territoriales pourraient donner de
mauvaises idées à notre ami Moussa. La troisième est
que ça fait longtemps que nous n’avons pas parlé de
femmes et que je sens Moussa en ébullition.
Le Corse avait prédilection
Pour la pratique de la guerre
Et, cela ne vous surprend guère,
Il s’y plongea avec passion.
Qu’il fût général ou consul,
Ou même plus tard empereur
Il n’a connu dans sa vie nul
Plus grand moyen à son bonheur.
146
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Eh oui, Moussa, même les femmes ne pouvaient pas
lui apporter plus de satisfactions que la guerre. Nous
avons vu que Barras lui avait concédé une vieille
maîtresse dont il était encombré, Joséphine de
Beauharnais. Bonaparte, comme tous les hommes
n’ayant pas une grande expérience en la matière, en
devint subitement amoureux fou. Joséphine, qui avait
six ans de plus que Bonaparte, était veuve et, depuis,
« femme entretenue ». Qu’est-ce qu’une « femme
entretenue », Moussa ? Eh bien, en quelque sorte,
une femme qui par quelques aspects ressemble à
celles que vous avez harmonieusement disposées sur
le trottoir parisien…sauf que là, c’est plutôt vous qui
êtes entretenu ! Même à la fin de sa vie, à Sainte
Hélène, Napoléon était encore ému en contant au
général
Bertrand,
pardonnez-moi,
MarieEudoxie : « Elle avait le plus joli petit cul qui fût
possible… » (33). Pulchrisimum anum habebat !
Bonaparte était un poète
Il avait le mot délicat.
Parlant de sa belle conquête,
Dont il faisait toujours grand cas
Il s’exclamait avec émoi :
« Elle a le plus beau cul qui soit ! »
Napoléon Bonaparte avait toujours d’aimables
intentions pour son épouse. La Convention, le 4
février 1794, avait inconsidérément aboli l’esclavage
dans les colonies américaines des Antilles. Cette
décision pénalisait les planteurs des îles qui devaient
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147
L’EnVers de l’Histoire de France
payer plus cher leur main d’œuvre. Or, Joséphine
était née à la Martinique et y avait toujours de la
famille et des relations ; et ces relations étaient assez
versées dans l’activité sucrière. Pour apaiser le
chagrin légitime que son épouse avait de voir ses
parents ainsi honteusement exploités par leurs
anciens esclaves, Bonaparte fit rétablir le 20 mai
1802 cette pratique (bien pratique !) de l’esclavage.
Au sujet de l’action de Bonaparte aux Antilles, on
peut rappeler l’aventure du gouverneur Toussaint
Louverture, dans l’île d’Hispaniola (appelée aussi
alors Saint Domingue et Haïti). Trouvant que
Toussaint prenait trop d’autonomie, qu’il s’opposait
au rétablissement de l’esclavage et qu’il avait des
relations trop proches avec les Etats-Unis, Bonaparte
décide de l’éliminer. Il fait appel pour cela à son
beau-frère Leclerc, le mari de Pauline (il vaut mieux
que les mauvais coups restent en famille)
Célébré par la Convention,
Trahi par le Premier consul,
Il fut hélas l’illustration
Que parfois l’Histoire recule.
C’était un esclave affranchi
A l’âge de trente-trois ans
Et qui au cœur de Haïti
Assura le gouvernement
De tous les esclaves « Marrons »
Réfugiés dans les marécages ;
148
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Quand un jour, par la Convention,
L’abolition de l’esclavage
Fut décidée, François Toussaint
Rejoignit le camp des Français
Contre les troupes du maintien,
Les Espagnols et les Anglais.
Vite il est nommé général
Et couvert de tous les honneurs
Et, pour un Noir c’est peu banal,
D’Haïti, il est gouverneur.
Mais à Paris, tout a changé ;
Le Consul règne sans partage
Et Bonaparte a décidé
Que soit rétabli l’esclavage.
(Joséphine de Beauharnais
Avait du côté des Antilles,
A ce qu’on dit, des intérêts
Et des membres de sa famille ;
Le cours du sucre s’effondrait,
L’abolition en était cause :
Il fallait, vous en conviendrez,
Faire à tout le moins quelque chose…)
Toussaint est vaincu, capturé.
On l’amène dans le Jura
Puis à Joux il est enfermé,
Reitlag.fr
149
L’EnVers de l’Histoire de France
Où en peu de temps il mourra.
Bien souvent la Déclaration
Des Droits de l’Homme est oubliée
Au regard de la protection
Des grands principes sucriers.
Leclerc rétablit l’ordre bonapartiste, non sans
quelques états d’âme. Le 2 novembre 1802, il écrit au
Premier consul : « Depuis que je suis ici, je n’ai le
spectacle que d’incendies, d’insurrections et
d’assassinats…, Mon âme est flétrie : aucune idée
riante ne peut me faire oublier ces tableaux hideux.
Je lutte ici contre les Noirs, contre les Blancs, contre
la misère, contre mon armée, et mon âme est
découragée. (33b) » Qu’est-ce que vous voulez faire
avec des « militaires » de cette sorte ? Ce sont des
fillettes ! Il fallait pourtant bien restaurer l’esclavage
pour venir au secours de tous ces pauvres exploitants
sucriers…
…L’année suivante, ses armées étant vaincues par
Dessalines (futur roi Jacques 1er d’Haïti), Bonaparte
abandonnera finalement Saint Domingue. Etant en
guerre contre l’Angleterre, il ne peut certes être
partout à la fois. Néanmoins, le grand Bonaparte
vaincu par la jeune république d’Haïti, voilà qui est
glorieux ! On ne vous a pas appris cela à l’école ?
Etrange…
Bonaparte voulait aussi s’assurer les bonnes grâces
de ses concitoyens (qui n’allaient pas tarder à devenir
150
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
ses sujets) et il institua la Légion d’honneur. Le
conseiller d’Etat Théophile Berlier ayant, légèrement,
contesté cette décision qui rappelait l’Ancien
Régime, Bonaparte rétorqua : « Je vous défie de me
montrer une république ancienne ou moderne, qui
savait se faire sans distinctions. Vous les appelez les
hochets, eh bien c’est avec des hochets que l’on
mène les hommes. » On dit que votre Président
distribuerait encore ce « Hochet des Vanités »…
Crepitaculum vanitatis semper placet !
Louis Ferdinand Céline disait en 1932 de cette
invention bonapartiste : « Autrefois, on pendait les
voleurs aux croix. Aujourd’hui, on pend des croix
aux voleurs ». Croyez-moi, Moussa, n’acceptez
jamais la Légion d’honneur : restez discret !
Ce genre de hochets plaisait tant à Napoléon
Bonaparte que, quelques années plus tard, quand il
fut empereur, il créa trente ducs, quatre cent
cinquante comtes, mille cinq cents barons et mille
trois cents chevaliers !
En 1802, le Premier consul pense qu’il est temps
d’affirmer et d’affermir son pouvoir. Le 2 août, il se
fait nommer consul à vie par un plébiscite (par 99%
des voix : c’est ça, la démocratie !): il a déjà plus de
pouvoir personnel que les rois de France n’en ont
jamais eu depuis des siècles…
Certains esprits aigris, animés par des Nobles
revanchards, envisageaient d’attenter à la vie du
Premier consul. Ils passèrent même à l’action à la fin
de 1803. Il fallait réagir. C’est ce que fit Bonaparte,
Reitlag.fr
151
L’EnVers de l’Histoire de France
sur la suggestion de Talleyrand, dit-on. On décida de
choisir un prince au hasard, de le faire enlever et de
le fusiller: le 15 mars 1804, le duc d’Enghien fut
enlevé alors qu’il était en Allemagne, traduit en
conseil de guerre, jugé dans la journée après un
procès aussi approfondi qu’équitable, et fusillé le 21
mars. Un petit assassinat pour un grand projet, il n’y
a pas à hésiter. Pro magno concilio, minima caedes
placet !
Contrairement à ce que dit ce petit septain de
l’époque, le duc d’Enghien n’était même pas
l’héritier de la couronne : c’était un membre de la
famille royale, pris parmi d’autres et fusillé pour
l’exemple. Pulchra est ars politica !
C’est l’héritier de la couronne
Alors qu’il convient que personne
Ne puisse entraver l’ascension
Du glorieux Napoléon.
Il est enlevé,
Bien vite jugé
Et puis fusillé.
*
Le Premier consul a tous les pouvoirs ; il veut tous
les honneurs : il se fait nommer empereur ! En grand
démocrate qu’il est, il consulte le peuple par
référendum. Il a même l’audace de proclamer que le
but de l’empire est de sauvegarder la république !
152
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
("Le gouvernement de la République est confié à un
empereur qui prend le titre d'empereur des Français"
dit l’article 1er de la Constitution de l’an XII). Le
peuple répond à son attente en approuvant, comme la
fois précédente, par 99% des voix ; « Ruerunt in
servitudinem », faisait dire déjà Tacite à Cicéron…
Le 2 décembre, il convoque le pape Pie VII et
organise un sacre où le bon goût le dispute à la
discrétion : 6.000 invités sont venus se geler à NotreDame de Paris pour être plus près du pouvoir.
Un pape s’était donc résolu, un peu contraint et forcé,
à participer à cette mascarade : Pie VII. Les
méchantes langues (il en existe aussi parmi les
prélats) en rient encore dans les couloirs du Vatican :
Quand il fut nommé pape à cinquante et huit ans
Il fut soucieux, bien sûr, du sort de sa chapelle,
L’Eglise catholique, objet de mil tourments
De par sa « fille aînée » (c’est la France éternelle !)
Avec Napoléon, il négocie sur l’heure
Un contrat compliqué qu’on nomme Concordat
Et, pour être bien vu du nouvel empereur,
Pour son sacre, il se rend à Paris d’un bon pas.
A Notre-dame, hélas, on le fait patienter
Deux heures et demie et, quand l’heure est venue
De sacrer l’empereur et de le couronner,
Ce dernier manifeste un usage inconnu
Et se couronne seul : Pie VII est ridicule ;
Reitlag.fr
153
L’EnVers de l’Histoire de France
Bien vite il rentre à Rome et s’y dit prisonnier
Puis il excommunie l’empereur d’une bulle :
Celui-ci est vexé car il est rancunier !
L’armée de l’empereur entre à Rome un beau jour,
Confisque les états du pape en un instant
Puis le fait prisonnier, sans honte et sans détour,
Et à Fontainebleau l’enferme pour longtemps.
Mais l’Aigle est abattu ; on libère Pie VII ;
Il retourne chez lui, récupère son trône,
Salue ses cardinaux, organise une fête
Et, à la messe enfin, prononce un noble prône.
On l’a vu ridicule, on l’a vu maltraité,
On l’a vu prisonnier d’un sinistre empereur ;
Eh bien, me croirez-vous, de nos jours le clergé
Continue, à Pie VII, de rendre les honneurs.
Par bonheur, nos papes modernes que l’on va
chercher dans la rude campagne bavaroise sont d’une
autre trempe.
*
La fête de la Fédération, 14 juillet, est abolie (on la
remplace par la « Saint-Napoléon » qui n’existe
pas…et que l’on fixe au 15 août, qui est la date de la
naissance de l’empereur ; la date de la fête de la
Sainte Vierge, aussi, d’ailleurs : imperatoris
megalomania magna est !); « La Marseillaise » est
154
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
interdite ; la République française est remplacée par
l’Empire français…Quinze ans après que votre pays
eut été gouverné par un roi grassouillet, d’origine
franco-polono-allemande, monarque absolu sans
grand pouvoir, le voici gouverné par un empereur
grassouillet, d’origine italo-corse, et exerçant le
pouvoir absolu…vous êtes forts, vous les Français !
Quinze ans de révolution pour ça ! Galli ad initium
revertintur !
Après quinze ans d’agitation,
De lutte et de révolution,
Quinze ans de crimes, d’aventure,
On a enfin la dictature.
Bonaparte, désormais Napoléon 1er, avait enfin les
mains libres pour mettre l’Europe à feu et à sang. Ne
doutez pas qu’il s’y employa avec succès.
*
Que fit Napoléon après son sacre ? Ce que font tous
les chefs de clan (« mafiosi », in italiano) à travers le
monde : il chercha à accroître son territoire et à le
partager entre les membres de sa famille et de son
clan.
A Giusseppe, dit Joseph, le frère aîné, il donne le
royaume de Naples, puis celui d’Espagne ; à Luigi,
dit Louis, le royaume de Hollande ; à Girolamo, dit
Jérôme, le royaume de Westphalie ; à Maria Anna,
Reitlag.fr
155
L’EnVers de l’Histoire de France
dite Elisa, le Grand duché de Toscane ; à Paoletta,
dite Pauline, le duché de Guastalla ; à MariaAnnunziata, dite Caroline, et son mari Murat, le
royaume de Naples à la suite de Joseph ; à son beaufils, Eugène de Beauharnais, le royaume d’Italie ; à
Jean-Baptiste Bernadotte, l’un des ses maréchaux
(non, Moussa, un maréchal n’est pas exactement un
« porte flingue »), les royaumes de Suède et de
Norvège.
Il n’y a que son jeune frère, Luciano, dit Lucien,
celui qui le 18 Brumaire lui avait permis d’accéder au
pouvoir, qui n’eut rien puisqu’il se fâcha avec son
empereur de frère…ironie de l’Histoire, s’il eut
quand même le titre modeste de prince de Canino,
c’est le pape Pie VII qui le lui offrit !
Comme vous le voyez, mes amis, Napoléon sut faire
montre d’un niveau de népotisme qu’il est difficile de
dépasser. Combien avez-vous de frères et sœurs,
Moussa ? Quatorze. Eh bien, il y a vingt
arrondissements à Paris. Vous pouvez peut-être
organiser des succursales à vos activités…c’est déjà
fait ? Excusez-moi, mon enfant, je vous sous estime !
Juvenis Africanus aptus est !
Quand il sort du maquis,
Après de durs combats,
A lui, la grande vie !
Il sait bien qu’ici-bas
Il faut savoir donner
Pour être respecté.
156
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Royaumes et duchés
Aux frères et aux sœurs
Sont alors distribués :
Ce n’est que du bonheur !
Comme le disait, avec autant d’élégance que de bon
sens paysan, Maria-Letizia Ramolino, la mère de
Napoléon : « Pourvou qué ça doure ! »
Ça a duré dix ans.
Néanmoins, bien vite, en Espagne, les choses se
gâtèrent. Giuseppe Buonaparte, dit Joseph, prit le
nom de Jose pour essayer d’amadouer les Espagnols
quand son frère le porta sur le trône à Madrid : ça ne
suffit pas. Les Espagnols l’affublèrent du sobriquet
de Pepe Botella, en relation avec ses tendances
éthyliques…
Ce natif de Corte
Avait peu d’envergure
Mais grâce à son puîné,
Il eut des aventures.
Napoléon, d’abord
De Naples le fit Roi ;
Mais s’il aimait les ors
Il s’y vit à l’étroit ;
L’empereur aussitôt
En Espagne le mit
Dans un nouveau château,
Reitlag.fr
157
L’EnVers de l’Histoire de France
Sur le trône, à Madrid.
Son peuple n’en veut pas,
Se révolte et bientôt
Massacre ses soldats :
C’est le « Dos de Mayo » !
Eh bien, cet incapable
S’enfuit, pris de terreur ;
Cet acte lamentable
Sera son déshonneur.
L’empire se délite,
Il n’a plus de soutien,
Sa couronne, bien vite,
Echappe à son destin.
Alors, ce roi sans terre
Part aux Etats-Unis
Et puis en Angleterre,
Enfin, en Italie.
*
Il n’était pas, naguère,
Au pays de Corte,
Que des héros, ma Chère,
Chez les Buonaparte
Luigi, dit Louis, qui prit le nom de Lodewijk, était un
incapable. Il chercha si bien - et en vain - à se
concilier ses sujets hollandais qu’il fâcha l’empereur
et que son royaume fut envahi, au Nord, par les
158
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Anglais et, au Sud, par les troupes impériales ! Il dut
abdiquer en faveur de son fils Napoléon-Louis qui ne
régna que quelques jours sous le nom de Lodewijk II.
Louis réussit tout de même (officiellement…) à faire
un nouvel empereur, puisque Charles-Louis, son
troisième fils, régna sous le nom de Napoléon
III…mais, son épouse, Hortense de Beauharnais,
ayant la « cuisse légère », la paternité de Louis est
très incertaine….ce que veut dire « cuisse légère »,
Moussa ? Eh bien, en raison de la présence de notre
chère Marie-Eudoxie, je me limiterai à expliquer par
analogie en disant que notre amie Lulu à la cuisse
très légère. Vous avez compris, Moussa. Rien ne vaut
une habile périphrase doublée d’une parabole.
Circuitiones parabolasque decent !
Plaignons, plaignons le pauvre Louis :
Il n’a jamais rien réussi
Et l’on doute que Charles-Louis
Soit véritablement de lui.
Girolamo, dit Jérôme, était le plus jeune des frères ; il
en était aussi le plus incapable. On lui confia un petit
royaume en Allemagne, le royaume de Westphalie; il
fut un petit roi, surnommé « König lustik » par ses
sujets; pendant une petite durée ; puis il quitta, par la
petite porte, le château de Willelmshöhe, à Kassel,
qu’il avait si subtilement et délicatement renommé
Napoleonshöhe !
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159
L’EnVers de l’Histoire de France
Napoléon, déçu par sa famille, le fut aussi par l’un de
ses protégés, Bernadotte qui accéda au trône de
Suède sous le nom de Charles XIV et retourna ses
armées contre l’empire. A propos de BernadotteCharles XIV, on conte l’anecdote que le roi de Suède
ne pouvait pas se monter dévêtu devant ses
médecins : en effet, quand il était soldat sous la
révolution, il s’était fait tatouer sur le torse « Mort
aux rois ». Les médecins tuent naturellement
suffisamment de malades : il eût été effectivement
maladroit de les y inciter davantage ! Mais on dit que
la mode des tatouages revient dans la jeunesse.
N’auriez-vous pas un tel tatouage sur la poitrine,
Marie-Eudoxie ? Non ? Et il est inutile de procéder à
une vérification de visu ? Très bien, je vous crois sur
parole. Credere vetus sacerdos debet !
On veut un beau tatouage
Brutal, révolutionnaire.
Mais, bientôt, on prend de l’âge ;
On devient un dignitaire
Et, quand on a sur la peau
Ecrit, bien gras : « Mort aux rois ! »
On est assez peu dispos
A montrer cette apostrophe,
Et c’est une catastrophe
Quand on est soi-même roi !
Napoléon, après avoir doté sa famille, se lance dans
des combats sans fin ; Il projette d’envahir
160
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
l’Angleterre. Pour cela, il constitue une flotte
puissante ; la confie à un amiral avisé, Charles de
Villeneuve ; qui est si bien avisé que la flotte est
envoyée par le fond, à Trafalgar, par l’amiral anglais
Nelson.…
Villeneuve commandait une flotte franco-espagnole,
plus nombreuse, en hommes et en bâtiments, que
celle de Nelson. Les Français avaient déjà réalisé
l’exploit, rappelez-vous, de se faire battre à Crécy, à
Poitiers et à Azincourt, par des Anglais moins
nombreux qu’eux ; il leur restait l’impérieux devoir
de le faire sur mer : ce fut donc fait.
Ce grand marin anglais
Tué par Guillemard
Nous fit, pour s’illustrer
Un coup de Trafalgar.
*
Sa vie fut occupée
A combattre la France
Et c’est, pour un Anglais,
La moindre complaisance.
Dans un premier combat
Il a perdu un œil
Et plus tard, de son bras,
Il dut faire le deuil.
Il était diminué,
On le serait à moins,
Mais il s’est employé
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161
L’EnVers de l’Histoire de France
A couler néanmoins
La marine française
Un soir, à Trafalgar ;
Eh bien, j’en suis fort aise,
Le marin Guillemard
D’un coup de son fusil
Assez bien ajusté
Lui a ôté la vie :
Qu’il en soit glorifié !
*
Depuis ce temps, Nelson,
Surveille les pigeons
Du haut de sa colonne
Sur un square, à London.
Napoléon ne pouvant plus envahir l’Angleterre,
décida de l’asphyxier par un blocus. Il asphyxia tout
autant l’économie continentale et ce, d’autant plus
que les Anglais décrétèrent à leur tour leur blocus de
tous les ports du continent, entre Brest et Hambourg.
Et les Anglais, eux, avaient le moyen de le faire
respecter puisqu’ils avaient conservé leur flotte.
Moussa, si vous désirez interdire à votre concurrent
Djibril
toute
activité
de
ses
assistantes
psychosomatiques sur les trottoirs de la rue SaintDenis, allez-vous d’abord lui livrer les différentes
pièces de votre armurerie, AK 47, Colt 45 et autres
162
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Beretta 6.50 ? Non, bien sûr ! Napoléon, lui, il l’a
fait !
Napoléon Bonaparte fit massacrer plus de deux
millions d’Européens ; ruina et affaiblit pour
longtemps la France ; fut vaincu et exilé : et il a des
rues dans toutes les villes de votre pays. Vous,
Moussa, vous ferez prospérer votre business, mais
vous n’aurez sans doute jamais de rue à votre nom…
tout est question de choix. Omnis electionis quaestio
est !
Puis, Napoléon fit des batailles en tous sens contre
les Anglais, les Espagnols, les Portugais, les
Prussiens, les Autrichiens. Il manquait les Russes ?
Va pour les Russes !
En juin 1812, l’empereur s’engage donc vers la
Russie à la tête d’une armée de près de 700.000
hommes. Cette longue campagne se termine par un
magnifique triomphe : Napoléon atteint Moscou le 15
septembre ; le 16, Moscou est en feu ; le 15 octobre,
l’immense
stratège,
qui
avait
oublié
malencontreusement qu’il neigeait en hiver, bat en
retraite ; le 18 décembre, son escapade terminée, il
revient à Paris. Plus de 500.000 de ses hommes, eux,
ne reviendront jamais : ils sont morts ou prisonniers.
Napoleone maximus strategus erat.
C’est probablement cette campagne désastreuse qui
fut le virage de son règne et qui marqua le
commencement de la fin. Ce qui est amusant, c’est
que
la brillante opération Barbarossa lancée
également en juin (1941) vers Moscou par son émule
Reitlag.fr
163
L’EnVers de l’Histoire de France
Adolf Hitler, se termina également en désastre quand
l’hiver fut venu ; et marqua également le virage de la
seconde guerre mondiale. Encore un point commun
entre ces deux génies des temps modernes : Asinus
asinum fricat !
Moi, j’ai franchi le pont d’Arcole
Et j’ai vaincu à Austerlitz !
Aucune idée n’est assez folle
Pour m’empêcher d’entrer en lice.
Je prends la route de Moscou
Pour un triomphe extraordinaire…
J’avais oublié, tout à coup,
Qu’il se peut qu’il neige en hiver…
Mais tout exploit peut toujours être surpassé. C’est ce
que réalise l’empereur en faisant en sorte qu’au bout
du compte, toutes les puissances étrangères
s’entendissent contre lui et, finalement, envahissent
Paris. Il abdique et, le 3 avril 1814, est exilé à l’île
d’Elbe dont, dans leur grande générosité, ses
vainqueurs lui donnent la souveraineté.
*
Un empereur est parti, un roi arrive dans les fourgons
des coalisés. C’est le frère de Louis XVI, LouisStanislas, qui prend le nom de Louis XVIII. Louis
XVIII défait ses valises, s’installe. Mais, moins d’un
an plus tard, le 1er mars 1815, L’empereur, à qui
164
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
manquaient par trop la gloire, le goût des combats,
l’odeur de la poudre et la pratique des défaites,
revient. Napoléon 1er bis se réinstalle le 20 mars sur
le trône et, tout de suite, reprend la guerre (le 20
mars, premier jour du printemps ! Voilà une date
bien choisie pour faire fleurir la plus stupide et inutile
aventure qui soit !) Louis XVIII, lui, refait ses valises
(il est vrai qu’il avait l’habitude) et part en exil à
Gand. C’est en référence à ce lieu d’exil que les
royalistes qui ne s’étaient pas ralliés à l’empereur
l’appelaient « Notre Père de Gand » et faisaient
circuler dans Paris cette chanson mutine !
Soldats! Vous qui tant de fois vainqueurs
Avez soumis la terre…,
…Quittez et laissez là ce tyran
Qui pour lui fait la guerre.
Rendez nous notre père de Gand;
Rendez nous notre père…
Quelle est la raison profonde du retour de Napoléon ?
On en avance plusieurs. D’abord, il aurait craint que
les Alliés ne l’envoyassent plus loin, à Sainte Hélène.
En ce cas, d’une potentialité, il aura fait une
certitude : encore un effet de son génie ! On dit aussi
que c’était parce qu’il aurait appris l’infidélité de
Marie-Louise ; donc, un scandale de cocu ; pourquoi
pas ? Moi je pense qu’il y a deux raisons majeures :
Napoléon n’avait pas fait encore mourir assez de ses
soldats et il lui manquait une belle défaite pour passer
à la postérité. Le 18 juin 1815, pour couronner le
magnifique épisode des Cent-Jours, 40.000 soldats de
Reitlag.fr
165
L’EnVers de l’Histoire de France
l’empereur moururent pour rien…sinon pour offrir à
Napoléon la sublime défaite qu’un Français doit subir
pour connaître la gloire : croyez-vous que Poulidor
aurait le même niveau de notoriété s’il avait gagné le
Tour de France ?
Napoléon est, une nouvelle fois, contraint à
l’abdication et exilé dans une île plus lointaine :
Sainte Hélène. Et l’Europe est enfin débarrassée d’un
homme qui a directement contribué à enlever la vie à
au moins deux millions et demi de ses
citoyens…mais, rassurez-vous, d’autres firent mieux
par la suite ! Maximum maximorum non semper
aeternus est !
Nous devons dire ici qu’entre le départ pour Sainte
Hélène de Napoléon 1er bis et le retour à Paris de
Louis XVIII bis, un souverain régna brièvement
durant quinze jours sur la France : NapoléonFrançois Bonaparte, fils de l’empereur et de MarieLouise, en faveur de qui Napoléon abdiqua et qui est
donc connu sous le nom de Napoléon II. Cet
empereur éphémère n’en fut, au demeurant, guère
impressionné, et ce pour deux raisons : d’abord, il
n’en fut pas informé et puis, il avait quatre ans ! Les
deux raisons sont peut-être liées, d’ailleurs.
Sa vie fut brève et bien remplie,
Comme on aime en conter ici.
A peine né, le voici roi
De Rome, on tremble de bonheur !
166
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
A quatre ans tout juste, je crois,
Le voilà soudain empereur !
Malheureusement ce ne fut,
Qu’une manière d’illusion :
Le roi Louis XVIII apparut
Pour remplacer Napoléon…
…Il est emmené par sa mère
Et il devient duc de Reichstadt
Au service de son grand père ;
Oublie qu’il est un Bonaparte.
Il est mort à vingt et un ans :
Si son corps gît au cimetière
Du septième arrondissement :
Ce fut sur un ordre d’Hitler !
*
Napoléon, qui avait mis l’Europe à feu et à sang,
provoqua même des réactions qui débordèrent
jusqu’en Amérique. C’est ainsi que le Portugal se
trouva privé de son excroissance américaine, le
Brésil, à la suite d’une affaire de famille compliquée
qui plongea le roi Joao VI Bragance dans une
profonde tristesse :
Si la vie est faite de choix,
Il faut parfois se décider
Et choisir une bonne fois
Reitlag.fr
167
L’EnVers de l’Histoire de France
Après avoir bien hésité.
Joao était portugais
Sa mère était Marie la Folle
Et, en attendant de régner,
Il se poussait un peu du col.
Napoléon est arrivé
Semer le trouble au Portugal ;
Il juge mieux de s’embarquer
De crainte d’une issue fatale.
Au Brésil, il débarque alors
(Il s’agit d’une colonie)
Mais bien vite il pense très fort
En faire un royaume pour lui.
Aussitôt dit, aussitôt fait,
Il est roi ; mais voici qu’arrive,
Du Portugal, un messager
Et son orgueil alors s’avive :
Le Portugal est libéré
Car Napoléon est vaincu !
« Je vais bien vite retourner
Au pays d’où je suis venu ! »
Dit-il « Et ainsi je serai
Deux fois roi ; le voici parti !
Et c’est à son fils préféré,
Le jeune Pierre qu’il confie
168
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Le gouvernement du Brésil.
« Allons, j’ai tout bien préparé,
Je ne suis pas un imbécile ! »
Dit-il, au point de s’embarquer.
Et il arrive au Portugal,
Le voici roi de son pays
Mais survient un avis fatal
Du Brésil : son fils, c’est inouï,
Par une incroyable impudence,
Un abus, une félonie,
A déclaré l’indépendance
Du Brésil à son seul profit.
Plus au Nord, le fait que l’Angleterre fût en guerre
contre Napoléon, amena le président étasunien James
Madison, à commettre une audacieuse imprudence :
déclarer la guerre à son ancienne patrie, l’Angleterre.
La raison officielle était le blocus, par les Anglais,
des côtes américaines. Ce qui motivait surtout Mr
Madison, c’était de profiter de l’affaire pour
s’emparer du Canada. C’est alors ce que les
Etasuniens nomment the Mr Madison’s war.
Si la seule défaite des Etats-Unis
Sur leur sol lui est due, on en parle bien peu ;
Pourtant ce député venant de Virginie
Se croyait appelé à un destin glorieux.
Reitlag.fr
169
L’EnVers de l’Histoire de France
En l’an Mil huit cent neuf, on le fait président
Et voici que bientôt il déclare la guerre
A son ancien pays, à sa patrie d’antan,
Vous avez tous compris, bien sûr, à l’Angleterre !
Car il avait pensé un peu rapidement
Que l’Angleterre en guerre alors avec la France
Ne se défendrait pas et qu’il pourrait gaîment
Prendre le Canada sans grande résistance.
Hélas, l’Anglais est rude ; il se réveille et tonne ;
Il bat l’Américain qui aussitôt s’affole ;
Il vient en Virginie et entre à Washington
Et puis il met le feu enfin au Capitole.
Madison est penaud et il va en Belgique
Avec humilité et accepte un traité
Pour sauver le sort de la jeune république,
Puis il rentre au pays pour se faire oublier.
On peut voir son visage encore en notre temps
Bien que les occasions en soient quelque peu rares ;
Mais on peut expliquer ceci facilement
Car c’est sur le billet de cinq mille dollars !
C’est un peu grâce à Napoléon que les Etats-Unis ont
connu leur seule défaite militaire sur leur sol en deux
siècles d’histoire. C’est étrange, mais on n’en parle
pas beaucoup de l’autre côté de l’Atlantique…
*
170
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Mais, revenons à la France et à Napoléon.
Il est vrai, Moussa, je vous le concède, que nous
avons peu parlé de Napoléon et des femmes.
Joséphine n’ayant pu lui donner d’héritier, Napoléon
qui voulait fonder une dynastie décida de divorcer et
de chercher, en 1909, une nouvelle impératrice.
L’ambassadeur d’Autriche à Paris, Klemenz von
Metternich, voulait apaiser temporairement les
relations entre Vienne et Paris, en attendant que
l’Autriche reprît des forces. Il était l’amant de la
reine de Naples, Caroline (Maria-Annunziata)
Bonaparte, sœur de Napoléon (34). Indirectement et
par l’entregent de Caroline, il fit comprendre à
l’empereur qu’il pourrait être utile d’épouser une
princesse autrichienne. J’imagine, Moussa, que si la
concurrence devenait un peu trop dure avec votre
confrère Djibril et que vous souhaitiez gagner du
temps, vous lui offririez une de vos petites
sœurs …non ? Ce serait mademoiselle Lulu ! Au plan
de l’éthique familiale, c’est préférable, mais il y a un
manque à gagner à la clé…
Bref, Napoléon, le 2 avril 1810, épouse MariaLudovica von Österreich, dite Marie-Louise. Il
accepta ce mariage, avons-nous dit, pour fonder une
dynastie : « J’épouse un ventre », disait-il. Vraiment,
en toute matière, l’empereur savait faire preuve
d’élégance !
Marie-Louise est la fille de l’empereur François 1er
d’Autriche et la petite nièce de la reine MarieAntoinette. Epouser une Autrichienne n’avait pas
réussi à Louis XVI. Metternich, qui avait étudié
Reitlag.fr
171
L’EnVers de l’Histoire de France
l’Histoire, pensait que les mêmes causes produiraient
les mêmes effets : Napoléon perdit le pouvoir dans
les cinq ans, mais Marie-Louise ne fut pas guillotinée
et mourut tranquillement à Parme, trente ans plus
tard.
Il fut étudiant à Strasbourg
Puis il a creusé son sillon
Enfouissant dans son labour
Son ennemi, Napoléon.
D’abord diplomate à Bruxelles,
Il manœuvre contre l’Empire
Par les moyens où il excelle,
Les plus fourbes et même pire.
Ainsi Klemenz Von Metternich
Pour affaiblir Napoléon
Et faire triompher l’Autriche
Par l’aide de la trahison
Fit miroiter à l’empereur
Un mariage de haut prix
Et alors, pour son grand malheur,
Mit Marie-louise dans son lit.
- Reconnaissons qu’il savait faire
Puisque pour gagner la confiance
De l’empereur, à sa manière,
Il avait fait la connaissance
172
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
De la princesse Caroline,
Alors âgée de vingt-quatre ans,
Que l’on disait assez coquine,
Et dont il fut bientôt l’amant !Mais, ne jugeons pas Metternich
Sur ces pratiques interlopes ;
Il a bien gouverné l’Autriche
Et il sut apaiser l’Europe.
Et qu’est devenue la première femme de Napoléon,
Joséphine ? Pour la consoler de son divorce,
Napoléon la fit duchesse de Navarre. Ça ne voulait
pas dire grand-chose mais ça rapportait un peu, et
puis, un titre ronflant, ça fait toujours plaisir. Quand,
après Waterloo, Paris fut envahi par les coalisés, le
tsar Alexandre 1er vint rendre une visite de courtoisie
à la duchesse et ancienne impératrice (ou à sa fille
Hortense dont il aurait été, comme bien d’uatres,
l’amant ?...) dans sa demeure de la Malmaison, où
elle s’était retirée : le lendemain, Joséphine était
morte. Y a-t-il une relation de cause à effet ? Je
l’ignore.
C’est le petit-fils de la Grande Catherine ;
Tout au long de son règne et sans désemparer
Il tenta d’honorer cette noble origine :
Il est assez douteux qu’il y soit arrivé.
Tout jeune, il complota contre son père Paul,
Un tsar assez médiocre, il nous faut bien le dire,
Reitlag.fr
173
L’EnVers de l’Histoire de France
Mais est-ce une raison pour jeter sur le sol
La couronne du tsar, symbole de l’empire ?
-Oui, j’exagère un peu, car c’était ses amis
Qui ont fait le complot et ont assassiné
Paul Premier mais il faut bien reconnaître aussi
Qu’il en a profité puisqu’il fut couronnéAmi de Bonaparte, il s’allie aux Anglais
(La vraie raison, croit-on, de cette trahison
Tient à la jalousie, ce sentiment si laid…
Il aimait Bonaparte et pas Napoléon !)
Et puis aux Autrichiens et aux Prussiens aussi
Et il en est puni car peu de temps après
Leurs armées sont vaincues, un soir à Austerlitz
Et, au bord du Niémen, il doit signer la paix.
Mais il s’est rattrapé et après Waterloo,
Après que fut vaincu enfin Napoléon
Il se rend à Paris et y entre en héros
Et voit Joséphine au château de Malmaison.
*
L’impératrice alors l’emmène promener,
Lui, le petit-fils de la Grande Catherine,
Dans le parc impérial aux allées ombragées…
…et c’est le lendemain que mourut Joséphine !
*
174
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Mais, revenons à notre affaire. Napoléon est vaincu ;
exilé à Sainte Hélène ; Louis XVIII bis était revenu
après l’interrègne (très théorique) de Napoléon II ;
l’épisode napoléonien est définitivement clos, tout au
moins pour ce qui concerne le premier empire.
Tous ces changements ne pouvaient que troubler les
esprits des bons citoyens. Prenons, à titre d’exemple,
le cas des édiles de la bonne ville de Pontivy, en
Bretagne.
Le 9 novembre 1804, le conseil municipal décide de
changer le nom en Napoléonville, pour marquer son
attachement à l’empereur ; lors de la première
abdication de Napoléon, elle reprend le nom de
Pontivy et demande (en vain) à Louis XVIII, le 1er
mai 1814, de prendre celui de Bourbonville, pour
marquer son attachement au roi ; durant les « CentJours », elle redeviendra tout naturellement, le 9 mars
1815, Napoléonville, par attachement charnel à
l’empereur ; puis après Waterloo, Pontivy de
nouveau, pour marquer son amour indéfectible de la
tradition ; après que Napoléon III fut couronné,
Napoléonville, bien naturellement, et en 1870 et
jusqu’à nos jours, Pontivy, comme il se doit. On dit
que le conseil municipal aurait récemment envisagé
de nommer la ville Sarkoville. Je n’ai pu avoir
confirmation…In rerum civilum scientiae, dexteritas
utilis est !
Comme les édiles de la bonne ville de Pontivy, les
courtisans perdaient la tête, ne sachant plus dans
quelle direction la tourner. Ils avaient été
Reitlag.fr
175
L’EnVers de l’Histoire de France
républicains, puis bonapartistes, puis royalistes, puis
bonapartistes de nouveau, puis royalistes encore. Ah,
mes amis, dans ces époques troublées, il faut savoir
être souple : ça aide à mieux courber l’échine.
Le dur métier des courtisans !
Ils doivent être partisans ;
Oui, mais quand le pouvoir varie,
Ils doivent changer de parti.
Et si leur principal usage
Est d’étaler bien le cirage
Sur les chaussures du pouvoir,
C’est bien souvent un dur devoir.
A la cour ainsi qu’à la mine
Il faut savoir courber l’échine.
Cette anecdote de Pontivy-Napoléonville est le
paradigme de ce que sera l’attitude générale de
nombreuses personnes, lorsque les Bourbons
reviennent au pouvoir. C’est ce que nous allons voir
lors de notre prochaine leçon.
*
En attendant, mes amis, nous allons en rester là pour
aujourd’hui. J’ai rendez-vous avec l’ambassadeur de
mon pays à Paris, il signore Giovanni Carraciolo, qui
doit me présenter une jeune protégée de notre prince,
Silvio Berlusconi. Cette jeune personne montrerait
176
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
tous les signes d’une prochaine maternité, après avoir
passé quelques jours en proche compagnie du
Cavaliere. Ce dernier a pensé que si une personne de
ma qualité reconnaissait être à l’origine de cette
situation, cela aurait deux avantages : d’une part,
notre président serait dégagé de cette affaire et,
d’autre part, le renom de notre Eglise serait rehaussé
du fait qu’il apparaîtrait clairement que tous les
prélats ne sont pas automatiquement attirés par les
jeunes séminaristes. Ce monsieur Carraciolo est le
Metternich des temps modernes…
Pendant ce temps, mes amis, prenez contact avec les
édiles de vos communes respectives et proposez-leur
une décision aussi subtile que celle qu’avaient prise,
en leur temps, ceux de Pontivy. Voila une façon fine
et valorisante d’aborder une vie citoyenne. A demain.
Reitlag.fr
177
L’EnVers de l’Histoire de France
Chapitre XI
LA DEUXIEME REPUBLIQUE
Alors mes enfants, cette soirée au restaurant ? Vous
n’y êtes pas allés ? Vous êtes passés voir
mademoiselle Lulu et vous, Moussa et Mohammed,
vous êtes quelque peu attardés auprès d’elle !...Mais,
et Marie-Eudoxie, pendant ce temps… ? Elle vous
attendait, sur le trottoir ! Eh oui, en toutes choses il
faut bien commencer un jour…
Et moi ? Oh, j’ai été reçu par l’assistant du chef de
l’Eglise d’Angleterre, l’archevêque de Canterbury,
qui m’a obtenu un rendez-vous auprès du
« Gouverneur suprême de l’Eglise », une certaine
Elisabeth Windsor. Elle m’a reçu fort courtoisement,
mais je n’ai pas donné suite à sa proposition. Le
cours du Sterling est trop dégradé…quant à être payé
en nature, si vous voyiez la dame, vous comprendriez
178
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
que j’aie sauté dans le premier Eurostar en partance
de St Pancras International !
*
Donc Louis-Philippe est parti en catastrophe à
Londres (sous le nom de Mr Smith : c’est subtil, ça,
on dit que c’est le nom le plus répandu en
Angleterre !). A Paris, l’agitation est à son comble.
La nomination de Louis-Philippe II et de la régence
de la duchesse d’Orléans n’impressionne pas la
« classe politique » qui, comme nous l’avons dit hier,
n’en tient aucun compte et, le 24 février, la 2e
République est proclamée.
Ce même 24 février, un gouvernement est formé, qui
est inspiré par un savant, François Arago, et un poète,
Alphonse de Lamartine. On proclame donc la
République et on confie la présidence du
gouvernement à un jeune homme de quatre-vingt-un
ans, Jacques-Charles Dupont de l’Eure. Dupont de
l’Eure était, selon son collègue Lamartine : « un
vieillard vert d'esprit, droit de sens, inflexible à
l'émotion, intrépide de regard ». Il devait être
effectivement plus « intrépide de regard » que
franchement ingambe car Lamartine ajoute : « on
était obligé de soulever Dupont de l'Eure pour
franchir les cadavres d'hommes et de chevaux, les
Reitlag.fr
179
L’EnVers de l’Histoire de France
tronçons d'armes, les plaques de sang qui jonchaient
les abords de l'Hôtel de Ville. »
Un savant, un poète et un ancêtre ! La belle équipe !
Ils prennent évidemment toutes sortes de décisions
bizarres telles que le suffrage universel, le
rétablissement
des
libertés
individuelles,
l’autorisation des syndicats ouvriers, l’abolition des
châtiments corporels en matière pénale, la fin de
l’esclavage et, tenez-vous bien, la laïcisation de
l’enseignement !…comment
voulez-vous
faire
fonctionner un pays avec de telles folies ?
Quant à Dupont de l’Eure, il réussit le double exploit
de présider le premier gouvernement de la seconde
république durant deux mois et demi et de ne laisser
aucune trace dans l’histoire ! Obscurus senex erat !
La République est née
Et, pour la gouverner
Il nous faut un jeune homme,
Un jouvenceau, en somme.
C’est pourquoi, par bonheur,
Jacques Dupont de l’Eure
En est le président
A quatre-vingt un ans.
En avril 1848, une assemblée constituante est élue
qui réforme le gouvernement en nommant une
Commission Exécutive de cinq membres, présidée
par François Arago. Un député, Louis Blanc, propose
alors à l’Assemblée la constitution d’un Ministère du
180
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Progrès, au service de la classe ouvrière ! Et puis
quoi, encore ? Pourquoi pas des soviets ?
L’Assemblée se ressaisit à temps et refuse bien
évidemment ce projet incongru ; la classe ouvrière en
est fâchée et manifeste ; le 23 juin, des barricades
sont dressées dans Paris ; le 24 juin, l’armée,
conduite par le général Louis Eugène Cavaignac, met
fin, avec doigté et diligence, à cette fâcheuse
agitation : on compte 3.000 morts dans Paris…vous
trouvez cette réaction un peu rude, Mohammed ?
Mais, j’ai oublié de vous dire, ils avaient même tué
Mgr Affre, l’archevêque de Paris ! Quand même !
Demandez à Marie-Eudoxie, elle vous expliquera. Et
puis, mes bons amis, je vous rappelle que, du temps
des rois, les émeutes, c’était environ 1.000 morts. La
République se devait quand même de faire mieux !
Parmi les émeutiers qui ne sont pas morts, on en
envoie plus de 4.000 en Algérie. Voici de nouveaux
compagnons pour vos ancêtres Mohammed. Je suis
sûr qu’ils ont fait bon ménage…pas vous ? Ah bon, il
faudra que j’approfondisse la question.
Vous voyez, mon cher Mohammed, le cycle
révolution-répression s’accélère : le grand soir est
pour bientôt…et où s’était formé ce bon général
Cavaignac qui avait mis fin, avec tant de
discernement, à cette turbulence populaire ? En
Algérie, bien sûr, aux côtés de Bugeaud ! Bonas
scolas bonum discipulum fabricant !
Pour le récompenser de son excursion victorieuse sur
les Grands Boulevards, l’Assemblée conféra, dès le
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L’EnVers de l’Histoire de France
28 juin, le grade de maréchal de France à Cavaignac.
Meritum recognocendum est !
On s’agite à Paris ;
On prend les Boulevards ;
On s’insurge à l’envi ;
On tue, sans crier gare…
Ça ne peut plus durer
Et le gouvernement,
Pour rétablir la paix,
Appelle un régiment.
Cavaignac le conduit
Vite vers la victoire ;
Le héros d’Algérie
Ecrase le Grand Soir.
Ses canons, en effet,
Stoppent l’effervescence.
Aussitôt, il est fait
Maréchal de la France !
Bien entendu, quand on a sous la main un homme de
la trempe de ce général Cavaignac, on ne se contente
pas de l’honorer : on le place à la tête de l’état.
L’Assemblée nomme donc le 28 juin le général
Louis Eugène Cavaignac président du conseil.
Cavaignac prend très vite les mesures essentielles qui
s’imposent et gouverne jusqu’à l’élection d’un
président de la République. Quelles sont ces mesures
182
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L’EnVers de l’Histoire de France
salutaires ? Le rétablissement de la censure, les lois
sur la presse, pour commencer…Non, Mohammed, il
n’a malheureusement pas eu le temps de rétablir
l’esclavage…
« Quarante-huit » est quand même une drôle
d’aventure. Le peuple avait renvoyé un roi qu’il
trouvait trop bourgeois et réactionnaire : il héritait
d’une république encore beaucoup plus bourgeoise et
réactionnaire !
L’élection du président se prépare. Cavaignac fait
naturellement acte de candidature, mais quelques
esprits faibles, socialistes ou radicaux trouvent qu’il a
tapé un peu trop fort. Les socialistes présentent
François-Vincent Raspail et les radicaux, Alexandre
Ledru-Rollin ; les républicains modérés pensent qu’il
faut un poète à la tête de l’état et présentent la
candidature d’Alphonse de Lamartine. Adolphe
Thiers, qui avait tout compris avant l’heure, de la
science de la communication, présente la candidature
d’un inconnu dont il dit : « c’est un crétin que l’on
mènera aisément » et qui ne bénéficie que de son
patronyme : il s’appelle Bonaparte !
Charles-Louis Bonaparte est le fils d’Hortense de
Beauharnais, elle-même fille de Joséphine, et de
Louis Bonaparte (Luigi Buonaparte), le frère aîné de
Napoléon. Ça, c’est pour l’histoire officielle. En fait,
il est fort douteux, ainsi que nous l’avons déjà dit,
qu’il soit le fils de Louis, car celui-ci était trompé par
son épouse, avec une constance et une assiduité qui
ne peuvent que forcer l’admiration.
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183
L’EnVers de l’Histoire de France
On dit que la reine Hortense
Etait agitée des sens,
Qu’elle invitait dans son lit
Bien d’autres que son mari :
Il y eut, à ce qu’on dit,
Le grand tsar de la Russie,
Duroc, Flahaut, Demorny
Et puis bien d’autres aussi.
Le papa de Charles-Louis
Est officiellement Louis
Mais on peut fort bien douter
De cette paternité.
Mais, peu importe, Charles-Louis, qui avait aussi le
sens de la « com’ », comme on dirait de nos jours,
prend le nom de Louis-Napoléon et pose sa
candidature : il est élu avec 74% des voix. Le poète,
pour sa part, recueille le « score » admirable de
0.1% !
Le 10 décembre 1848, Charles-Louis, dit LouisNapoléon Bonaparte est président de la deuxième
République. Des opposants au nouveau président font
alors courir à travers Paris le méchant libelle que
voici. On dit qu’il aurait été écrit par Lamartine luimême, déçu de sa défaite. La médiocrité de sa
rédaction m’amène à en douter :
Cette compétition pour être président
184
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Regroupait un poète et trois grands politiques,
Et un aventurier au nom retentissant :
Ce dernier fut président de la République.
Caligula avait porté au Consulat,
Son cheval, nous dit-on : mais c’était moins insane,
Que ce que fit le peuple français ce jour là,
Quand à la présidence, il a porté un âne !
Le président Bonaparte accentue immédiatement les
saines mesures prises précédemment par Cavaignac :
interdiction des clubs politiques ; épuration de
l’administration ; mainmise de l’Eglise sur
l’enseignement et, last but not least, soutien au pape
Pie IX !
Le peuple était content et le président Bonaparte
aussi…quoique…il avait un souci. La Constitution
interdisait qu’il se représentât en 1852 ce qui
l’empêchait de mener à bien son œuvre de salubrité
publique au profit de son peuple. Qu’eussiez-vous
fait en telle situation Moussa ? Vous eussiez brûlé la
Constitution en place publique ? Eh bien, c’est à peu
près ce que fit le président Bonaparte. Le 2 décembre
1851 (date anniversaire du couronnement du
« tonton » et, accessoirement d’Austerlitz), l’armée
entre à Paris, le président dissout l’Assemblée, fait
arrêter quelques députés et convoque le peuple à un
référendum : le peuple se rend aux urnes et autorise,
à 92% (ruerunt in servitudinem bis) des voix,
Bonaparte à modifier la Constitution. C’est beau, la
démocratie directe ! Pulchrissima est directa civitas !
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185
L’EnVers de l’Histoire de France
Le peuple me supplie ainsi que la nation !
Vais-je être arrêté par une constitution ?
Pour le bien du pays, des femmes et des hommes,
J’organiserai un petit référendum.
« Mais, Président, ce mot, qu’est-ce qu’il signifie ? »
- « C’est un vieux mot latin, et qui veut dire : Oui ! »
Le peuple avait donc répondu à l’attente du Président
mais certains esprits chagrins n’avaient pas suivi
l’enthousiasme général et manifestaient leur
incompréhension dans les rues. Bonaparte demande
que ces « insensés » soient traités de sorte que la fête
ne soit pas gâchée. On applique donc le traitement
habituel, celui que Louis-Philippe avait lâchement
refusé d’appliquer en février 48 : on tire dans la foule
provoquant plusieurs centaines de morts ; on arrête
des dizaines de milliers d’ « insensés » et, comme les
hôpitaux psychiatriques étaient trop exigus, on les
envoie dans les colonies. Oui, Mohammed,
principalement en Algérie. Les bons citoyens
applaudissent et vaquent à leurs occupations ;
quelques médiocres trublions émigrent…mais oui,
Mohammed, Victor Hugo, par exemple.
Le président Bonaparte peut alors prendre les
mesures que tout le monde attendait : il muselle
définitivement la presse ; il se fait attribuer à lui seul
l’initiative des lois ; il fixe la fête nationale, non plus
au 14 juillet, mais au 15 août, anniversaire de la
186
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
naissance de Napoléon (et, incidemment, fête de la
Sainte Vierge, ce qui ne pouvait que faire plaisir aux
curés)…et puis, le 2 décembre (encore !) 1852, il fait
ratifier par un nouveau referendum, le retour à
l’empire. Il n’obtient alors que 97% de votes
favorables, preuve que la France est un pays
particulièrement frondeur et indocile !
…Si l’on n’est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si
même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S’il en demeure dix, je serai le dixième
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !
…disait ce Victor Hugo. Il devait être un peu
paranoïaque, cet individu : il n’était pas seul, ils
étaient 250.000. Deux cent cinquante mille !
Le 2 décembre 1852, votre pays voyait disparaître la
deuxième République de son histoire et apparaître,
après Charlemagne, Napoléon 1er et Napoléon II, son
quatrième empereur.
*
Mes chers enfants, nous devons donc clore ici ce
chapitre, fort bref, de la deuxième République. Pour
célébrer ceci, je vous invite à vous rendre place de la
République, c’est tout près d’ici. Il s’y trouve un
manège et, mes chers Moussa et Mohammed, vous
pourriez peut-être inviter notre amie Marie-Eudoxie à
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L’EnVers de l’Histoire de France
faire un tour sur les chevaux de bois, en souvenir de
la reine Hortense chevauchant avec le général Duroc
à travers la forêt de la Malmaison.
Moi, je vais justement aller sur les terres de la
Malmaison pour y rencontrer la princesse Michèle,
compagne du maire des lieux et, dit-on, dernière
descendante de reine Hortense.
*
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L’EnVers de l’Histoire de France
Chapitre XII
LE SECOND EMPIRE
Bonjour, mes amis. Alors, Marie-Eudoxie, ce
manège a-t-il bien tourné ? Non ? Il était en panne ?
Et vos amis vous ont proposé de le remplacer par une
« tournante » ? Et vous avez préféré rentrer à
Versailles auprès de Madame votre mère ? Certes,
l’idée partait d’un bon sentiment, mais je crois que
vous avez bien fait. Et puis, faute de chevaux de bois,
qui auriez-vous choisi de chevaucher ? Ce que je
veux dire par là ? Mais, rien du tout, voyons, rien du
tout !
Et moi ? Oh, la princesse Michèle de La Malmaison
n’est pas tout à fait telle que je l’imaginais. Elle m’a
dit qu’après avoir élevé des poulets place Beauvau
(je n’ai pas bien compris ce qu’il en était), elle
régentait présentement les armées de votre pays et
moi, je ne me vois pas entrer en compétition avec
tant de beaux militaires qui sentent bon le sable
chaud. J’ai rapidement pris congé et je suis allé, à la
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L’EnVers de l’Histoire de France
nuit tombée, méditer seul dans la forêt de la
Malmaison…seul, je ne le suis pas resté bien
longtemps, mais je m’égare : tout ça nous éloigne de
notre sujet.
*
« …Dictateur, il est bouffon ; qu’il se fasse
empereur, il sera grotesque. (44)» disait ce vilain
Victor Hugo dans son pamphlet Napoléon le Petit.
C’est discutable. Mais il ajoutait « Ça l’achèvera ! ».
Ça, c’est erroné, et c’est ce que nous allons voir.
Or donc, Charles-Louis Bonaparte, fils présumé du
frère de Napoléon 1er, et ancien Président de la
république, devenait le 2 décembre 1852, Napoléon
III, empereur des Français. Et là, mes enfants, nous
abordons un chapitre qui va durer plus longtemps :
dix-neuf ans.
Napoléon III Bonaparte, empereur des Français ne
s’appelait pas Napoléon, n’était probablement pas un
Bonaparte et n’était même pas français ! Il s’appelait
Charles et Napoléon n’était que son troisième
prénom ; il n’était probablement pas un Bonaparte,
n’étant sans doute pas fils de son père officiel ; il
était citoyen suisse, ayant été naturalisé en 1832, lors
de son exil dans le canton de Thurgovie, après avoir
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
servi dans l’armée helvétique (45) ! Et en plus, il
parlait à peine français ayant l’allemand pour langue
maternelle et ayant pratiqué l’anglais en Angleterre et
aux Etats-Unis. Mais il était un vrai aventurier, un
peu rocambolesque, au demeurant. Charles-Louis
Bonaparte avait participé à un complot à Rome ;
avait tenté d’enlever des cardinaux (Oh ! Horreur) ;
avait cherché à subvertir la garnison de Strasbourg ;
avait fui aux Etats-Unis, en Suisse et en Angleterre;
avait tenté un coup d’état en débarquant à Boulognesur-Mer ; avait été emprisonné ; avait été condamné à
la prison à vie, au fort de Ham ; s’était évadé après
six ans de détention sous l’identité de l’ouvrier
Badinguet ; était retourné en exil à Londres ; était
revenu en France à l’occasion de la révolution de
1848 ; avait, ainsi que nous l’avons vu, été élu
Président de la république ; avait fait le coup d’état
du 2 décembre 1851 ; puis celui du 2 décembre 1852.
Et voila comment, au pays de la liberté, de la
rationalité, du droit et de l’intelligence, on devient
empereur ! Galli servorum animam habent !
Le début de la vie de Charles, dit Louis-Napoléon,
nous est conté par ce poème épique de l’époque que
certains attribuent à Victor Hugo : la médiocrité du
texte me permet d’abonder dans ce sens. Id poemam
Hugo escrivit !
Il était le neveu du « Grand Napoléon »,
Il avait du talent et beaucoup d’ambition,
Il s’agita beaucoup et il monta très haut
Avant de rencontrer aussi son « Waterloo ».
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L’EnVers de l’Histoire de France
On dit qu’il était fils de Bonaparte Louis ;
Ceci est incertain et même assez douteux
Car Louis était malade et atteint de folie
Quand Hortense, on le sait, avait des amoureux.
(Elle en avait beaucoup, d’ailleurs et peu après
La naissance de son fils Louis Napoléon
Elle connut Flahaut et tomba dan ses rets
Victime d’un amour contraire à la raison
Car Hortense et Flahaut durent dissimuler
Le fruit de leur passion à la France et à Louis ;
Par un duc complaisant, l’enfant fut adopté ;
On le revit plus tard sous le nom de Morny)
Il vécut, jeune encor, près du lac de Constance
(Ils étaient exilés sous la Restauration
Et le climat alpin plaisait bien à Hortense)
Mais vite il fut atteint du virus de l’action ;
Et sa spécialité, ce fut le coup d’état !
En l’année Trente-six puis en l’année Quarante
Il lança un complot qui chaque fois rata ;
Mais, on ne doit jamais s’arrêter à mi-pente
Et en Cinquante-deux, enfin la réussite
Conclut un coup d’état : le voici empereur
Avec l’aval du peuple après un plébiscite…
Et seul, Victor Hugo criera au déshonneur !
192
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L’EnVers de l’Histoire de France
Napoléon III était donc un aventurier et s’inscrivait
dans la lignée de Napoléon 1er : deux raisons qui le
prédisposaient à une brillante carrière en politique
étrangère. Comme la guerre n’était plus de mode sur
le continent européen (jusqu’en 1870, puisqu’alors, il
se résolut à la remettre au goût du jour), l’empereur
engagea la France sur des terrains plus éloignés.
En 1854, il vole au secours des Turcs et s’attaque à la
Russie en Crimée. S’était-il converti à l’Islam ? Mais
non, Mohammed. La cause en était plus bassement
économique : empêcher la Russie d’entraver le
commerce dans les détroits du Bosphore et des
Dardanelles. Le résultat : 100.000 morts dans l’armée
française et le bénéfice du conflit pour le commerce
britannique ! Louis XV avait travaillé pour le roi de
Prusse, Napoléon III pour le roi d’Angleterre.
Napoléon III était anglophile. Sa prédilection à aider
les Anglais sans en tirer d’avantage pourrait nous
amener à penser qu’il était même franchement
anglomane. Ceci l’amena à soutenir l’Angleterre
dans les campagnes les plus glorieuses que celle-ci
engagea : les guerres de l’opium.
Ainsi que nous l’avons dit précédemment,
l’Angleterre produisait de l’opium aux Indes ; n’en
voulait pas sur son territoire ; se demandait donc où il
serait possible de le vendre. L’idée lumineuse jaillit
naturellement : sur le plus grand marché du monde,
la Chine. Un seul problème : les Chinois ne voulaient
pas d’opium chez eux. Une seule solution : leur faire
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L’EnVers de l’Histoire de France
la guerre. Celle-ci se déroula en trois phases : la
première fut menée par les Anglais seuls ; la seconde,
en 1842, ainsi que nous l’avons vu, eut l’appui de
Louis-Philippe ; en 1857, Napoléon III s’associe à la
troisième. Il envoie le général Cousin-Montauban
soutenir les troupes de Lord Elgin et les deux
brillants représentants de notre belle civilisation
occidentale font route vers Pékin et mettent
consciencieusement à sac le Palais d’Eté de
l’empereur. Le succès est éclatant : les richesses du
Palais sont transférées dans les musées européens (où
les Chinois ont même le droit de venir les
contempler…) ; le palais est incendié ; et surtout, la
route de l’opium est ouverte ! Voici enfin, qu’à ses
titres d’aventurier, de président de la république,
d’empereur, Charles-Louis Bonaparte peut ajouter
celui de prince narcotrafiquant ! Pro gloriae, quod
non fecit ?
Il est réconfortant d’avoir encore ici
Un brillant militaire honorant sa patrie.
Ce Monsieur Montauban était une ganache
Qui avait su manier le sabre et la cravache
Si bien en Algérie qu’il avait pu gravir
Les différents degrés de l’armée de l’empire.
Son aboutissement, couronnement génial,
Couronne de lauriers, bâton de maréchal,
Il l’eut quand l’empereur en Chine l’envoya
Pour punir les Chinois avec un grand éclat.
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
- Les Chinois, voyez-vous, s’étaient un peu fâchés
Que les soldats anglais, appuyés des Français,
Les eussent obligés à consommer l’opium
(Les chinois n’allaient pas citer les droits de
l’Homme… !)
Que Victoria faisait cultiver sur ses terres
De l’Inde et qui bien sûr justifiait une guerre ;
A celle-ci d’ailleurs étaient deux avantages :
Si le premier était d’envoyer en « voyage »
Les malheureux chinois qui fumaient cette drogue
Et de les affaiblir, ce triste catalogue
En présentait un autre assez fort attrayant :
Celui d’un débouché procurant de l’argent.
Mais, étrangement, ces nobles motivations
N’avaient pas, des Chinois, reçu l’approbation
Et l’Angleterre alors, appuyée par la France
Décida qu’il fallait punir cette insolence ;
Une expédition est montée à cet effet,
Dont la direction est à Montauban confiée.
Il ameute sa troupe, il piaffe et il trépigne
Et bientôt il s’en va vers l’empire de Chine.
Passons, si vous voulez, sur les péripéties
Du voyage et de quelques batailles aussi,
Mais voici qu’à Pékin, la troupe est arrivée :
Au bord du lac Kumming est le Palais d’Eté ;
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L’EnVers de l’Histoire de France
Alors nos bons soldats ainsi que les Anglais,
Dans le souci bien sûr de les civiliser,
Vont montrer aux Chinois comment on met à sac
L’illustre construction reflétée dans son lac.
Aussi, pendant trois jours, on pille et puis l’on vole ;
Les anciens manuscrits sont détruits ou s’envolent,
Et c’est avec méthode, et c’est avec passion
Que l’on montre aux Chinois la « Civilisation. »
Un fait d’arme aussi grand mérite récompense
Et l’on n’est pas ingrat dans le pays de France ;
Montauban a reçu des mains de l’empereur
L’insigne de Grand Croix de la Légion d’honneur !
Non seulement l’empereur remit à CousinMontauban la décoration qu’il avait si bien méritée,
mais il lui attribua le titre, assez ridicule, de comte de
Palikao, en mémoire du nom d’une bataille où le
général avait massacré bon nombre de ces Chinois
bêtement rétifs aux bienfaits de l’opium. Charles
Cousin-Montauban fut même trois semaines directeur
du cabinet, c’est-à-dire chef du gouvernement, à la
suite d’Emile Ollivier et durant la régence de
l’impératrice Eugénie en 1870.
Mais, imaginez-vous qu’au sein même de la
population française, il y eut des esprits
suffisamment bornés et mesquins pour ne pas voir ce
qu’il y avait de magnifique et de grandiose dans cette
196
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
affaire: « Un jour, deux bandits sont entrés dans le
Palais d’Eté. L’un a pillé, l’autre a incendié. La
victoire peut être une voleuse, à ce qu’il paraît. Une
dévastation en grand du Palais d’Eté s’est faite de
compte à demi entre les deux vainqueurs…Devant
l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France,
l’autre s’appellera l’Angleterre.( ) » De qui est ce
texte ? Eh bien, de Victor Hugo, bien sûr ! Il n’y a
que lui pour faire ainsi assaut d’autant de bassesse
que de mesquinerie.
Vous me dites, Mohammed, que vous tiendriez d’un
Chinois, membre de votre cellule, que ses
compatriotes ne garderaient toujours pas un très bon
souvenir de cette expédition ? Les Chinois, mes amis,
non contents d’être des fourbes, sont donc des
ingrats !
Après ces brillantes expéditions à l’est, Napoléon III
en engage une vers l’ouest. Le Mexique, ce pays un
peu exotique, était en période de turbulence. C’était
habituel et ça n’avait pas beaucoup d’importance
sinon, qu’à cette époque, le puissant voisin - les
Etats-Unis - était en guerre civile.
Parlons un peu de cette guerre qu’en France, on
appelle Guerre de Sécession et qu’aux Etats-Unis on
appelle Civil War. Les Etats-Unis étaient très
divisés : Le Nord était en voie d’industrialisation et
souhaitait protéger son marché intérieur ; Il
considérait également que le statut de l’esclavage
était une entrave au développement du marché
intérieur et partant, un frein aux débouchés de son
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L’EnVers de l’Histoire de France
industrie. Le Sud avait une exploitation de type
colonial, fondée sur le coton et le tabac, et avait
besoin d’exporter vers l’Europe ; il ne développait
pas d’industrie et s’approvisionnait en produits
européens. Il y avait donc des contradictions
économiques fondamentales. Devant l’impossibilité
où ils étaient de s’entendre, six états du Sud
décidèrent de quitter l’Union, de faire sécession. Au
début, le Nord ne s’y opposa pas puis, à la suite
d’une querelle un peu rude, quoique subalterne, pour
le contrôle du Fort Sumter, en Caroline du Sud (donc
au Sud), il décréta que le Sud n’avait pas droit de
faire sécession ; six autres états et la tribu Cherokee
rejoignirent alors les sécessionnistes (d’où les treize
étoiles du drapeau sudiste) ; et la guerre se déchaîna.
Le droit à la sécession existait-il ? On n’a pas fini
d’en débattre, mais il faut observer que rien dans la
constitution des Etats-Unis ne l’empêche et que, dès
lors que l’on parle de Fédération ou de Confédération
(comme c’était souvent le cas alors), ceci comprend
implicitement le droit de se séparer. Quod manifestus
est, non designandum est !
Le Nord, fort de plus de vingt millions d’habitants,
construisit alors un habillage plus honorable à son
refus qu’une simple raison douanière et se prononça
contre l’esclavage, sur quoi était fondée l’économie
du Sud, qui comptait environ 6 millions de citoyens.
Abraham Lincoln décréta très vite, dans un geste de
grande générosité, l’affranchissement des esclaves du
Sud…mais pas celui des esclaves du Nord ! Le motif
officiel étant trouvé, vous comprendrez qu’aux Etats-
198
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L’EnVers de l’Histoire de France
Unis on n’appelle pas cette guerre « Guerre de
Sécession » mais « Civil War ». Inutile de soulever
des raisons pieusement enterrées. Ideologicum
argumentum bonius est quam oeconomicum
argumentum !
Quand on se soucie peu d’exposer les raisons
Réelles qui nous font prendre des décisions,
On sort les grands principes, les belles idées :
Voici que nos projets se trouvent habillés.
La guerre civile étasunienne fut terrible et provoqua
la mort de plus de 600.000 citoyens (et esclaves), soit
plus que la somme de toutes les victimes que
comptèrent les Etats-Unis au cours de toutes les
guerres suivantes cumulées, jusqu’à ce jour (la
deuxième guerre mondiale ne fit « que » 300.000
victimes étasuniennes.) Ce fut la première guerre
moderne et elle influença les états-majors des
puissances européennes…sauf celui de l’Empire
français qui n’en tira pas de leçon et voulut mener la
guerre de 70, cinq ans plus tard, comme l’avaient été
les guerres antérieures ; avec le résultat que l’on
verra !
Mais, revenons aux Etats-Unis. J’ai traduit pour vous
cette ode qu’un troubadour étasunien écrivit en
l’honneur d’Abraham Lincoln.
Il avait tout raté, il était triste et sombre
Et soudain, le destin le fit sortir de l’ombre ;
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L’EnVers de l’Histoire de France
A plus de cinquante ans (investi par hasard
Ou grâce aux divisions des Démocrates car
Il était effacé et terne à un tel point
Qu’il inquiétait même chez les Républicains),
Le voici président et la Guerre Civile,
Six jours plus tard, éclate et au travers des villes,
Des campagnes, des champs, des routes et des bois
Par ses affreux combats partout sème l’effroi.
- Le Sud, comme on le sait est aristocratique ;
Le Nord industriel est plus démocratique,
Il lui faut des clients pour vendre ses produits
Et des ouvriers pour que vive l’industrie ;
Il veut se protéger, il lui faut une douane,
Face aux importations, offrir un front idoine
Quand le Sud cotonnier a besoin d’horizons
Pour servir de marchés à ses exportations.Mais, pour faire la guerre au sein de son pays,
Il faut, on le comprend, de l’idéologie
Et le triste Lincoln aux mines de pasteur
En trouve une et puis s’en saisit avec bonheur.
« Il faut, s’emporte-t-il, abolir l’esclavage,
Horrible tradition qui nous vient d’un autre âge ! »
Les Yankees s’en moquent mais ont ainsi trouvé
Une idéologie masquant leurs intérêts.
Un an plus tard, Lincoln dit l’émancipation
200
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L’EnVers de l’Histoire de France
Des esclaves (dans les Etats en sécession !)
Puis il poursuit la guerre, augmente ses efforts,
Triomphe enfin après plus de six cent mil morts.
Cet homme insignifiant est devenu alors
Le plus grand des héros d’Amérique du Nord !
Les esclaves sont tous, nous dit-on, libérés…
Mais continuent toujours d’être autant exploités.
Vous imaginez bien qu’une telle guerre occupait
toutes les forces des Etats-Unis (qui étaient plutôt
alors des ‘états désunis’…) et affaiblissait le pays.
C’est ce qui incita notre grand stratège de Napoléon
III à engager, au Mexique, une campagne visant à
créer un vaste ensemble « latin » pouvant faire
contrepoids aux Etats-Unis et destiné à montrer qu’ils
n’étaient pas l’Amérique à eux seuls. Il n’y réussit
point puisque, de nos jours et en toutes les langues,
les gens se laissent aller à dire assez couramment
« américain » pour étasunien ! La sémantique éclaire
bien des réalités politiques.
En 1863, profitant donc de cette guerre civile
étasunienne, Napoléon III proclame l’empire du
Mexique et en fait confier la couronne à l’archiduc
Maximilien de Habsbourg. Tout va bien jusqu’à ce
qu’en 1865, se termine enfin la Civil War. Le
président Andrew Jackson exige alors le retrait des
troupes françaises ; Napoléon III s’exécute
piteusement ; au printemps 1867, le dernier navire
français appareille ; l’empereur Maximilien est
abandonné sur place ; il est arrêté, jugé, et fusillé ; la
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L’EnVers de l’Histoire de France
Légion Etrangère s’est fait massacrer pour rien à
Camerone (ce que les légionnaires ne manquent pas,
néanmoins, de célébrer chaque année ; c’est un
tropisme assez français que de célébrer les
défaites…Gallorum
spiritum
comprehendere
difficilis est !)
La troisième guerre de Napoléon III se terminait,
comme les deux premières, par un triomphe. Il en
fallait donc une quatrième ; elle eut lieu ; elle fut tout
aussi grandiose ; hélas, ce fut la dernière. Mais nous
verrons cela un peu plus tard. Dans l’immédiat,
écoutez cette belle prière que l’on disait dans les
cours d’Europe, pour le salut de l’âme de Maximilien
de Habsbourg.
C’était un roi poète,
Un souverain rêveur
Qui, par un soir de fête
Voulut être empereur.
Il avait épousé
Charlotte, une princesse
Qui lui fit renoncer,
Folie de la jeunesse,
A ses droits autrichiens
Pour pouvoir accéder
Au trône mexicain
Qui lui fut proposé.
Et le voici parti
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L’EnVers de l’Histoire de France
A l’autre bout des mers :
« Mexicains, me voici ! »
La suite fut amère.
D’abord, les Mexicains
Ne voulaient pas pour Roi
D’un ami Autrichien
De Napoléon Trois
Et les Etats-Unis,
Ayant fini leur guerre
Ne voulaient pas de lui,
Régnant à leur frontière ;
Donc, on organisa
Une révolution
Qui bientôt triompha
Malgré Napoléon.
Quand le pauvre empereur
Fut alors fusillé ;
Charlotte, de malheur,
Devint folle à lier !
Ah ! S’il était resté
Sur la terre autrichienne,
Il eût pu composer
Des chansons, des antiennes.
Sur les chemins boisés,
Avec sa Belge épouse,
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203
L’EnVers de l’Histoire de France
Il eût pu célébrer
La perdrix et la grouse…
…Pour poète qu’il fût,
Il était ambitieux ;
Hélas, ça l’a perdu,
Confions son âme à Dieu !
*
Laissons provisoirement les triomphes de l’empereur
en politique étrangère et intéressons-nous à la
politique intérieure.
La politique de l’empire était assise sur deux
fondements sacrés : l’ordre moral et les affaires
financières ; ça va d’ailleurs souvent ensemble. Pour
instaurer un ordre moral bourgeois propre au
développement des affaires, l’empereur s’en prend
aux « artistes décadents » que sont les peintres qui
s’éloignent de l’académisme (46), aux romanciers
comme Flaubert et aux poètes mal-pensants tels que
Baudelaire dont il fit interdire Les fleurs du Mal.
Baudelaire était en effet une sorte de « rappeur » de
l’époque et les Impressionnistes des manières de
« taggeurs », oui Moussa, on peut dire les choses
ainsi. Pour les affaires, l’empereur s’appuyait
beaucoup sur ses amis industriels et banquiers (ça
vous rappelle quelque chose, Mohammed, je ne vois
pas…) et en particulier sur son demi-frère, Charles
Demorny, dit comte de Morny, puis duc de Morny.
204
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L’EnVers de l’Histoire de France
Morny était comme Napoléon III un fils de la reine
Hortense mais, pas plus que lui, il n’était le fils de
l’époux de sa mère, Louis Bonaparte. Avec Hortense
de Beauharnais, il y avait le mari…et les géniteurs.
Morny n’était ni le fils de Louis Bonaparte, ni celui
de son père adoptif Demorny mais celui du général
Charles de Flahaut, et le petit-fils de Charles de
Talleyrand-Périgord. Son véritable grand-père,
Talleyrand, avait été un instigateur du coup d’état du
18 brumaire, lui-même fut un acteur décisif du coup
d’état du 2 décembre 1851. Il faut croire qu’on avait
ça dans le sang, dans la famille. Il n’est d’ailleurs pas
impossible que Flahaut eût été le père véritable de
Napoléon III ; auquel cas lui et Morny seraient de
vrais frères.
On ne voit pas pourquoi, enfin, Charles n’eut pas le
droit de s’appeler Bonaparte puisque, à sa naissance,
Hortense était toujours mariée à Louis Bonaparte
quoiqu’elle en vécût séparée. Se fût-il appelé
Bonaparte que ce serait peut-être lui qui eût été
empereur. Mais, ne vous inquiétez pas, mes enfants,
la face du monde n’en eût pas été changée tant les
deux
demi-frères
étaient
semblables
et
interchangeables. Asinus asinum fricat, comme
disaient nos anciens.
En effet, durant l’empire et jusqu’à sa mort en 1865,
Morny consacra sa vie à ses deux passions : aider son
frère à faire des coups tordus (dont la brillante
expédition du Mexique) et faire lui-même fortune. Il
réussit dans l’une et l’autre entreprise !
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205
L’EnVers de l’Histoire de France
Morny eut beaucoup d’aventures féminines parmi
lesquelles on compte la mère de Sarah Bernhardt.
Fut-il le père de cette dernière ? Le doute demeure.
Dubium manet ! On dit aussi qu’il serait le père de
Georges Feydeau (à moins que ce ne soit Napoléon
III !) Dans cet empire boulevardier et d’opérette, rien
n’est impossible. Nihil impossibilis erat !
Il n’était pas fils de son père
Ni petit-fils de son grand-père,
De même que son demi-frère.
Hortense avait cuisse légère :
C’était sa mère.
Il était un aventurier,
Spécialisé en coups d’états,
Et il était un financier
(…Pour le plus grand bien de l’Etat,
N’en doutez pas !)
Deux demi-frères, deux bandits
Ont alors gouverné la France
Près de vingt ans, à ce qu’on dit,
Pour le plus grand bien, je le pense,
De leurs finances.
« Deux bandits ont gouverné la France… », nous dit
ce méchant poème écrit sans doute en 1870, sous la
Commune. Ces gens n’ont rien compris à ce qu’est
l’Histoire : je vais vous l’expliquer par le biais d’un
exemple.
206
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L’EnVers de l’Histoire de France
Marie-Eudoxie, racontez à madame votre mère, lors
d’un de ces thés de dames qu’elle affectionne de
donner chez elle par les belles après-midi d’automne,
l’une de ces histoires sordides qu’on peut lire dans le
Parisien Libéré, à la page des faits divers. Par
exemple : « Charlie, un chef de bande corse, à
l’instigation de sa femme, Nini l’Espagnole, a mis la
main sur le territoire d’un « Chicano » mexicain, rien
que pour ennuyer Aby le Yankee qui était alors en
pleine baston avec la bande du sud, pour se partager
le trafic du tabac. Charlie est allé chercher son
homme de main, Max l’Autrichien et sa meuf, la
Grande Lolote, à qui il a confié la taule, charge à eux
de lui verser quelques ‘rétrocommissions’ sur leur
business. » J’imagine les hauts cris que pousseront
madame votre mère et ses invitées : « Mon Dieu !
Ces gens de la roture, cette populace, sont d’un
vulgaire ! Comment cela est-il possible ? » Mais,
dites alors que Charlie s’appelle Charles-Louis
Napoléon et est empereur des Français ; que Nini
s’appelle Eugénie ; que le patronyme d’Aby le
Yankee est Abraham Lincoln ; que Max est
Maximilien de Habsbourg et que Lolote est
Charlotte, princesse de Saxe-Cobourg Gotha…et tout
de suite, on s’enthousiasmera pour les glorieuses
aventures de l’empereur et l’on priera pour le repos
de l’âme de Maximilien et de Charlotte ! Voyezvous, mes amis, tout est question de décor…In
ornato, veritas manet !
Les pires mauvais coups,
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207
L’EnVers de l’Histoire de France
Pour la gloriole ou la finance,
Deviennent tout à coup
Des actes beaux et droits
Quand ils sont commis par des rois…
…Tout est question de circonstances !
Napoléon III eut d’autres éminents conseillers. JeanGilbert Fialin, dit Persigny, succéda aux affaires à
Morny en 1852. Il avait commencé son admirable
carrière en prenant d’assaut le Palais Bourbon le 2
décembre 1851. C’est subtil, comme manœuvre.
Tellement plus simple que de se faire élire. C’est
ainsi que vous faites pour être inscrit aux conseils de
classe, Moussa ? Vous avez raison, mon petit. Quand
on pose négligemment un Browning P35® à côté de
soi lors des réunions de classe, ça aide certainement à
se faire excuser ses absences du collège…Africanus
princeps aptus est ! Vous vous seriez bien entendu
avec Persigny, mon petit.
Il avait fomenté le coup du deux décembre,
En s’emparant alors vivement de la Chambre.
Il fut récompensé bientôt par l’empereur
Qui en fit son ministre de l’Intérieur.
Que voulez-vous, mes amis, les plus grands bandits
font les meilleurs policiers. Il faut bien récompenser
les talents et puis, avec un titre de duc, les plus
sombres casiers judiciaires sont effacés…
L’avant dernier chef du cabinet de Napoléon III fut
Emile Ollivier, nommé le 2 janvier 1870 à l’âge de
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
quarante-cinq ans. Ollivier ne gouverna que six mois,
avant d’être remplacé par Cousin-Montauban, le
narcotrafiquant pillard et massacreur dont nous avons
déjà parlé. Ollivier était opposé à la guerre… et il la
déclara, dit-il, d’un cœur léger. Six mois plus tard, il
était exilé. Mais oui, Mohammed, dans le
gouvernement comme dans la Révolution, tout est
question de timing. Le pauvre Ollivier ne devait pas
en avoir le sens.
Et les femmes de l’empereur ? Je vois que vous
trépignez, Moussa. On lui prête plus de neuf
maîtresses avérées…Non, Moussa ! Quand je dis
« on lui prête », j’emploie ce que l’on appelle une
figure de style. Ceci n’implique rien de désobligeant
pour votre activité commerciale où les « maîtresses
d’un instant » seraient plutôt en location ! Je m’en
voudrais, mon cher ami, de prétendre tuer le petit
commerce.
Et puis, il y eut l’impératrice Eugenia Maria,
comtesse de Montijo, dite Eugénie de Montijo qui,
surtout sur la fin du règne de l’empereur, prit une
dimension politique. Napoléon III l’épousa en 1853
quand elle avait vingt-sept ans et lui quarante-cinq.
L’impératrice était une séductrice au sujet de qui
Victor Hugo dira « L’Aigle épouse une cocotte ! »
Mais on sait que ce monsieur Hugo était médisant.
On cite même un petit libelle incertain qui aurait
circulé dans Paris lors du mariage impérial, et dont
certains susurrent, sans qu’aucune preuve n’en soit
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209
L’EnVers de l’Histoire de France
apportée, que c’est ce monsieur Hugo lui-même qui
l’aurait rédigé :
« Montijo, plus belle que sage,
De l’empereur comble les vœux :
Ce soir, s’il trouve un pucelage
C’est que la belle en avait deux… »
Vous ne comprenez pas, Marie-Eudoxie ? Me voici
rassuré.
Eugénie et Napoléon III n’eurent qu’un fils qui fut
tué en Afrique par les Zoulous en 1879. C’est plus
original, vous en conviendrez, que d’être tué par des
Anglais, des Allemands, voire des Italiens. C’est la
marque de la modernité et du mondialisme
naissant…
Eugénie se mêla de politique en ceci qu’elle était
fortement ultramontaine (c'est-à-dire, Marie-Eudoxie,
qu’elle soutenait le pape en toute circonstance…vous
le saviez ! Mais bien sûr, où ai-je la tête ?). Elle
poussa à l’invasion du Mexique, dont nous avons
déjà traité ; elle incita à une attitude mercantile (« la
politique des pourboires ») dans le conflit Austroprussien qui aboutit à Sadowa (juillet 1866), ce qui
favorisa Bismarck ; elle poussa bien sûr à la fatale
guerre de 1870, durant laquelle elle fut régente de
l’empire ; bref, elle fit tout ce qu’il fallait pour
favoriser le désastre : en cette matière, elle réussit
pleinement. Auctoritas Basileae nefasta erat !
Une mauvaise épigramme de l’époque, dont on dirait
aujourd’hui qu’elle est un peu « machiste », résume
l’affaire :
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L’EnVers de l’Histoire de France
Au lieu de rester en cuisine,
Elle eut des idées assassines,
Des mauvaises ou même pire :
Ce fut la chute de l’empire.
En effet, en 1870, le génie de la guerre qu’était
Napoléon III décide, après l’Italie, l’Algérie, la
Chine, la Russie, le Mexique, de s’en prendre à la
Prusse. Poussé par l’impératrice et dupé par
Bismarck, par l’affaire de la « dépêche d’Ems », il se
lance à la tête de ses troupes dans une campagne très
hasardeuse contre la Prusse de Guillaume 1er
Voice l’affaire : à l’occasion d’une sombre question
de succession au trône d’Espagne, l’empereur fit une
demande au roi de Prusse qui lui répondit sèchement.
Le chancelier Bismarck s’emparant de l’affaire,
transmit une réponse assez méprisante, dans le but,
dit-il, d’ « exciter le taureau gaulois.» Napoléon III,
était un vieux taureau malade et fatigué mais, quand
on lui agitait un chiffon rouge devant les yeux, il
réagissait encore. Pour faire bonne mesure, Bismarck
fait recevoir l’ambassadeur de France par le prince
Radziwill, l’adjutant de Guillaume 1er, c'est-à-dire
par son aide de camp. L’agence de presse Havas,
dont les traducteurs ne devaient pas être d’un bien
haut niveau, communique que l’ambassadeur a été
reçu par « l’adjudant de service. » Napoléon III,
comme prévu, voit rouge : c’est la guerre et, bien
vite, la déroute.
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211
L’EnVers de l’Histoire de France
Otto von Bismarck, le chancelier prussien, avait
atteint son objectif : par le moyen de la guerre contre
la France, faire l’unité de l’Allemagne.
Napoléon III avait aussi atteint le sien : terminer sa
carrière par une belle déroute, comme son (présumé)
oncle.
Il est des gens suivant toujours
La même idée, le même amour,
Bismarck en est : Ce hobereau,
De l’Allemagne, est le héros.
Il voulut toujours l’unité
De l’Allemagne, en vérité,
Et pour arriver à ses fins
Il connut mille et un chemins
Qui tous convergeaient vers deux voies
Pour cet homme sans foi ni loi :
Celle de la diplomatie
Et celle de la force, aussi.
Avec la France il s’allia
Contre l’Autriche et rejeta
Alors son allié de naguère,
Le trompa et lui fit la guerre.
En Mil huit cent soixante et onze,
Bismarck, le Chancelier de bronze
Avait fait l’union des Germains
(Avec les Alsaciens-Lorrains).
212
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L’EnVers de l’Histoire de France
Il règne encor pendant vingt ans,
Maître de tous les Allemands
Puis, fâché avec l’empereur
Il se retire en sa demeure.
Il a servi trois empereurs
Dont lui seul a fait la grandeur
Car, mille ans après Charlemagne
Il sut réunir l’Allemagne.
Le résultat de cette brillante campagne : le 2
septembre, encerclé à Sedan, Napoléon III rend les
armes ; le 3 septembre il est emprisonné ; le 4
septembre, l’impératrice s’enfuit en Angleterre et la
République est proclamée ; le 18 janvier 1871,
Guillaume 1er est institué empereur, à Versailles,
dans la galerie des glaces du château…
Si même les plus grands succombent aux mirages
Qui nous font embarquer pour de lointains voyages
Et nous mènent alors vers d’enivrants rivages,
Il se peut que ces rêves ne soient pas très sages.
Guillaume avait rêvé de visiter Versailles
Depuis son plus jeune âge, il ne voulait que ça ;
Ce désir le brûlait jusqu’au fond des entrailles
Il fallait qu’il le fît, qu’enfin il y allât.
Pour de longues années, il fit d’autres voyages ;
Quand la Révolution, à Londres le chassa
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213
L’EnVers de l’Histoire de France
Où quand contre l’Autriche, ignorant ses messages,
Il dut livrer bataille, un jour, à Sadowa.
Connaître la Tchéquie, connaître l’Angleterre,
Ce n’était pas si mal mais ne suffisait pas ;
Il voulait découvrir, du Roi Soleil, la terre
Et, puisqu’il le fallait, il franchirait le pas.
Eh bien, il l’a franchi, un beau soir à Sedan
Lorsque Monsieur Bismarck, écrasant les Français,
Lui permit d’avancer alors tranquillement
Vers l’Ile de France et son palais versaillais.
Son rêve était réel, Guillaume était sur place,
Et là, émerveillé et tout à son bonheur,
Il réserva pour lui la Galerie des Glaces
Et, simplement, s’y fit couronner empereur.
Tenez, un détail amusant : Napoléon III est embarqué
le 3 septembre dans un train pour être détenu à
Kassel, dans le château de Willelmshöhe. Ça ne vous
rappelle rien, ce château ? C’est celui que son oncle
Girolamo Buonaparte, dit Jérôme Bonaparte, dit
König Lustik avait débaptisé pour l’appeler :
Napoleonshöhe ! Les prussiens avaient le sens de
l’humour ! Germanici faceti sunt !
Que peut-on dire, pour finir, de Napoléon III ? Que,
sous son régime, la France s’est modernisée ; a
construit des routes, des chemins de fer, des usines ?
Oui, mais pas plus que l’Allemagne, que l’Angleterre
214
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
et moins que les Etats-Unis (après que ceux-ci se
furent débarrassés de leur guerre civile). Et tous ces
pays ne bénéficiaient pas d’un empereur aventurier.
Non, ce qu’on peut en dire de positif, au-delà du fait
qu’il a toujours soutenu l’Eglise et les jésuites, c’est
qu’il est arrivé à se hisser au niveau des grands rois
qui, comme lui, avaient si bien su perdre des guerres
et laisser leur pays en ruines : Saint Louis, François
1er, Louis XIII, Louis XV, Napoléon 1er et bien
d’autres…
Je vous avais donné lecture, tout à l’heure, d’une ode
en l’honneur de Charles-Louis Bonaparte, président
de la République. En voici la suite et la fin, en
l’honneur de l’empereur Napoléon III:
Bon, il faut gouverner, Napoléon gouverne
Pas si mal, il faut dire ; le développement
De notre économie est loin d’être aussi terne
Qu’elle fut sous la loi d’autres gouvernements.
Avec son demi-frère (oui, revoici Morny)
Il combat en Crimée, on ne sait trop pourquoi
Et puis combat pour l’unité de l’Italie
Et reçoit en partage Nice et la Savoie.
Mais l’empereur se tourne alors vers l’Amérique
Car les Etats-Unis sont en guerre civile ;
Il place un empereur au trône du Mexique
Ignorant que le peuple a un regard hostile ;
Et l’empereur fantoche alors est fusillé ;
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215
L’EnVers de l’Histoire de France
Pour Louis-Napoléon, c’est le commencement
De la fin et un jour, il est fait prisonnier
Par Bismarck après le désastre de Sedan.
Voila ! Il est déchu et l’Empire est à terre ;
Il est emprisonné puis bientôt exilé
Vers un pays qu’il connaît bien : C’est l’Angleterre
Et la République est de nouveau proclamée.
Que dire en conclusion sur ce Napoléon ?
C’est un agitateur et c’est un arriviste…
… Si l’on veut, avec l’Autre, une comparaison :
Au décompte des morts, son histoire est moins triste.
*
Voici,
mes
amis,
l’épisode
napoléonien
définitivement clos. Je vous propose que nous en
restions là pour aujourd’hui. Demain, nous
aborderons la troisième République qui nous
accompagnera sur soixante-dix ans d’Histoire de
France.
Je vous aurais bien envoyés en mission avenue
Napoléon III mais, curieusement, il n’y a d’avenue à
ce nom dans aucune ville de France, à l’exception de
celles qui sont bâties en Corse ! Alors, je vous
propose que vous alliez dîner Brasserie Napoléon III,
place Armand Carrel, dans le dix-neuvième
arrondissement et près de ce parc des ButtesChaumont que l’empereur a fait implanter. La
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L’EnVers de l’Histoire de France
choucroute est délicieuse en cet établissement et la
promenade dans le parc est très romantique.
Pour ma part, je dois me rendre à l’épiscopat où Sa
Sainteté m’a demandé de remplir une mission de
médiation entre le Mouvement Français des Prêtres
Ouvriers, représenté par l’ « abbé Jacky » et la
congrégation des sœurs de la Fraternité Saint Pie X,
conduite par sœur Bernadette de Fatima. Encore une
occasion de mettre en œuvre toutes mes facultés
diplomatiques. Je ne dois en aucun cas décevoir Sa
Sainteté. Papa non frutrarendum est !
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217
L’EnVers de l’Histoire de France
Chapitre XIII
LA TROISIEME REPUBLIQUE
JUSQU’ A 1914
Alors, mes chers enfants, comment s’est passée cette
soirée ? Marie-Eudoxie, cette promenade au bord du
lac des Buttes-Chaumont, pour digérer la
choucroute…Non ? Vous êtes allés au Karaoké de
Gagny ? Est-ce que Napoléon III l’a fréquenté en son
temps ? Mais sûrement, voyons ! Moussa a chanté
des chansons de Luis Mariano ? Parfait !
Mohammed, celles d’Elvis Presley ? Plus surprenant,
un pur produit de la ploutocratie étasunienne…mais,
on peut avoir un moment d’égarement. Et vous,
Marie-Eudoxie ? Tout le catalogue des chansons de
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
corps de garde ?!!! En l’honneur de la garde de
l’empereur ? En ce cas…
Et moi ? J’ai tenu un discours assez jésuitique à mes
deux interlocuteurs et le résultat est, ma foi, assez
intéressant. L’« abbé Jacky », convaincu par ma
sainte théologie a décidé de devenir Frère Jacques et
d’entrer au plus vite à la Trappe…oui, il va se
convertir, en même temps. Et Sœur Bernadette ? Eh
bien, après que je lui eus fait apparaître les avantages
d’une vie active, elle pense quitter la Fraternité et
entrer dans la vie professionnelle…vous ne seriez pas
en phase de recrutement, Moussa ?
*
Napoléon avait été fait prisonnier à Sedan par
Bismarck, dont les troupes marchaient sur Paris. Le 4
septembre 1870, à l’Hôtel de Ville de Paris, Léon
Gambetta proclame la République et un
Gouvernement provisoire est constitué, dont le
président est Louis Trochu, qui devient de facto chef
de l’Etat.
Louis Trochu était un général qui avait fait les
guerres de Crimée, d’Algérie et d’Italie. Il avait donc
toutes les qualités pour présider un gouvernement qui
allait, sans nul doute, devoir avoir une attitude de
fermeté, dans les conditions troublées qui suivaient la
défaite. Trochu avait reçu mission de résister à la
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219
L’EnVers de l’Histoire de France
percée des Prussiens. Le 18 janvier 1871, Bismarck
proclame l’empire allemand, dans la galerie des
glaces de Versailles ; le 19, alors que Paris était
assiégé, le brillant général et chef de l’Etat lance une
sortie hardie, et qui devait être décisive, sur les
hauteurs de Buzenval : c’est un cinglant revers et
plus de cinq mille de ses hommes y perdent la vie.
C’est sous le gouvernement de Trochu qu’est pris le
décret Crémieux qui attribue la pleine nationalité
française à tous les Israélites (c'est-à-dire les Juifs)
d’Algérie mais pas aux Arabes ni aux Berbères.
D’aucuns pensent que la majeure partie de la
population indigène vit là une mesure discriminatoire
et que c’est d’alors que datent les tensions en
Algérie ; il en est d’autres qui les datent tout
simplement de juillet 1830, quand les troupes de
Louis-Philippe y débarquèrent pour la première
fois…
Le 22 janvier, Trochu doit démissionner. Victor
Hugo, qui aimait à manier l’humour, avait défini
ainsi le général-président Trochu : « Trochu :
participe passé du verbe Trop Choir ! » Ce bon mot
fut repris dans une petite comptine que l’on chantait
sur les barricades.
Il n’était pas malin, il n’était pas habile,
Et il sut malgré tout devenir général.
Mais, pour ce métier là, doit-on être subtil ?
Quand on l’est, on risque d’être un original.
Il avait combattu dans nombres de batailles
220
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
C’est sans doute pour ça qu’on le mit au pouvoir.
Hugo a dit alors de la pauvre canaille :
« Ce Trochu est le passé du verbe Trop Choir ! »
Trochu fut alors remplacé à la tête du pouvoir
exécutif par un jeune homme de 74 ans, Adolphe
Thiers. Monsieur Thiers avait pour titre officiel :
Chef du pouvoir exécutif de la République Française.
Comme le titre ne lui plaisait pas, il se fit appeler
Président de la république ; et comme il avait de
l’influence, il fit confirmer la chose par l’Assemblée
six mois plus tard. Adolphe Thiers avait navigué tout
au long de la Monarchie de Juillet et du Second
empire, d’un parti à l’autre, d’un soutien à l’autre
et…mon cher Moussa, il avait toute sa vie oscillé
d’une femme à l’autre : il avait, en particulier, épousé
la fille de sa maîtresse avant de prendre pour
maîtresse la sœur de son épouse. Cet homme avait le
sens de la famille, ainsi que le conte ce petit
pamphlet de l’époque :
L’histoire que je vais conter :
« Monsieur Thiers et ses trois moitiés. »
*
Je ne veux vous importuner
En vous contant la vie publique
De celui qui fut le premier
Président de la République
Car bien sûr, vous savez tous bien
Qu’il a été un journaliste
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221
L’EnVers de l’Histoire de France
Ainsi qu’un brillant historien ;
Que d’abord il fut royaliste
Et puis, plus tard, républicain,
Qu’il a changé souvent (c’est vrai
Mais il faut bien gagner son pain),
Non ! Parlons de sa vie privée !
Quand il a eu trente-six ans
Il résolut à se marier
Avec la fille, évidemment,
De sa maîtresse préférée ;
Sa maîtresse était Eurydice
Dans la splendeur des quarante ans ;
Son épouse avait nom Elise,
Elle était fraîche, avait vingt ans ;
Il avait une belle-sœur :
Félicie était son prénom.
Et Thiers aimait avec ardeur
La mère et la fille, à passion…
…Et Félicie
Aussi.
Et oui, Moussa ! Si tout le monde pratiquait ainsi,
c’en serait fini de ces braves assistantes qui se
dévouent pour les malheureux qui doivent chercher le
réconfort en dehors de la famille…
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L’EnVers de l’Histoire de France
Ainsi qu’il est dit plus haut, ce tropisme familial
faisait que, sous le manteau, on se moquait de
« Monsieur Thiers et de ses trois moitiés… » Vous
ne riez pas, Moussa ? Il est vrai que les
mathématiques ne sont pas votre fort.
Monsieur Thiers, qui recevra des « Communards »
l’élégant surnom de « Foutriquet », eut beaucoup à
faire. Le 18 mars 1871, la Ville de Paris se constitue
en « Commune » et refuse l’autorité du
gouvernement, qui s’était replié à Versailles. Après
deux mois d’une agitation populaire, qui donne
encore des cauchemars aux bons habitants de
Versailles (n’est-ce pas, Marie-Eudoxie ?), et qui
soulève toujours un enthousiasme nostalgique dans
les cellules trosko-anarchistes (n’est-ce pas,
Mohammed ?), les « Versaillais », c’est-à-dire les
troupes gouvernementales, reprennent Paris. Enfin,
l’ordre reigne : ordo lege revertit !
C’est la « semaine sanglante.» Du 21 au 28 mai, les
« Communards » et les « Versaillais » font alors
assaut de modération… les « Communards » brûlent
l’Hôtel de Ville, le Palais de Justice et le Palais des
Tuileries ; fusillent une cinquantaine d’otages dont
l’archevêque de Paris, Mgr Darboy et, plus grave
encore, s’en prennent aux jésuites dont ils massacrent
un certain nombre. Les « Versaillais », pour leur part,
agissent de façon plus simple : ils tuent un maximum
de ceux qui semblent faire partie des Fédérés, et
même au-delà, puisqu’il y eut pas mal de massacres
de vieillards et d’enfants ; ils fusillent par centaines
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223
L’EnVers de l’Histoire de France
ceux qui ont échappé à la mort dans les combats (y
compris les enfants (47)). Vous trouvez sévère de
fusiller des enfants, Marie-Eudoxie ? Mais vous êtes
trop sensible. Ils eussent fait, n’en doutez pas,
d’affreux voyous à l’âge adulte. Ce n’est pas parce
que, par faiblesse, on ne pratique plus de la sorte de
nos jours, qu’il faut le reprocher à nos anciens. Et
puis, n’oubliez pas, ils avaient fusillé un archevêque !
Les Versaillais déportent ceux qui n’ont pas été
fusillés (y compris les enfants ; le journal La Patrie
du 2 juin écrit : « …il y a pour les dompter
d’excellentes colonies toutes prêtes à les
accueillir. (48)») On compte, pour cette semaine,
environ 20.000 morts et, par la suite, 10.000
déportations. Où se faisaient ces déportations,
Mohammed ? En Nouvelle-Calédonie, qu’il fallait
bien peupler ; et puis aussi en Algérie. Vous voyez
bien qu’on ne vous oubliait pas !
Qu’avait fait la Commune, pour mériter ce châtiment,
sévère mais juste ? Elle avait édictée des lois
insensées :
Elle instaure un moratoire pour les loyers impayés,
Elle reconnaît l’union libre,
Elle réaffirme la liberté de la presse,
Elle donne des droits aux suspects,
Elle laïcise l’enseignement,
Vous voyez bien qu’il fallait mettre un terme à ces
folies ! Et sur le sujet du « commerce des charmes »,
qui vous est naturellement si cher, Moussa ? Voyons
mes notes…Eh bien, l’Union des Femmes,
224
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L’EnVers de l’Histoire de France
nouvellement constituée, demanda que la prostitution
fût interdite. Encore une bonne raison pour que les
« Versaillais » intervinssent ! Pour en finir, Monsieur
Thiers fit fusiller 147 Communards contre le « Mur
des Fédérés », puis accepta, le 31 août 1871, le titre
officiel de Président de la République, que lui
conféra l’Assemblée en remerciements de ses
brillants états de service.
Il fit périr plus de vingt mille Fédérés,
C’était une action de salubrité publique.
Monsieur Thiers fut alors dûment récompensé :
On le fit président de notre République.
Comme d’habitude après une révolution, comme en
1794, comme en 1815, comme en 1848, une
assemblée très conservatrice arrive au pouvoir.
Monsieur Thiers souhaite le rétablissement de la
monarchie (ce qui semble bien naturel pour un
président de la république…) et incite le comte de
Chambord, petit fils de Charles X, à accepter le
drapeau tricolore, condition symbolique de son retour
sur le trône. Le comte fait une réponse où la finesse
le dispute au sens politique proclama : « Français,
Henri V ne peut abandonner le drapeau blanc
d’Henri IV ! »…Il ne revint jamais sur le trône.
Monsieur Thiers, lui, ne revint jamais au pouvoir
mais bénéficie d’un nombre incalculable de rues,
d’avenues et de boulevards à travers la France.
En effet, en mai 1873, Monsieur Thiers avait
démissionné et l’Assemblée, espérant toujours un
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225
L’EnVers de l’Histoire de France
retour du roi, avait nommé à la présidence un homme
qui avait toutes les qualités pour occuper cette
fonction : il était royaliste, il avait participé
activement à l’éradication de la Commune et il ne
brillait pas particulièrement par son esprit de finesse :
le maréchal Patrice de Mac Mahon !
Il avait fait la guerre, en Europe, en Afrique ;
Il avait massacré vingt mille Fédérés ;
Il était royaliste et fervent catholique ;
Son esprit était lent et quelque peu borné :
Il avait, on le voit, toutes les qualités
Pour être président de notre République.
L’Assemblée demande de nouveau au comte de
Chambord de revenir sur le trône, et d’accepter le
drapeau tricolore. Chambord, qui était têtu, refuse de
nouveau le 23 octobre 1873. Il fallait donc attendre
que la place fût libre pour un nouveau prétendant au
trône. Que faire en ce cas, Moussa ? Vous, vous
l’auriez « buté ». C’est en effet une méthode qui est
efficace mais qui était de moins en moins pratiquée.
Certes, Mac Mahon avait bien fait mourir plus de
20.000 Fédérés. Mais de là à appliquer cette
technique à l’égard d’une personne de sang royal,
vous comprendrez qu’il y a une marge. Rex non
occidendum est, sed populus, vero !
C’est ce que résume cette déclaration que Monsieur
de Mac Mahon eût dit en confession à Mgr Darboy si
celui-ci n’avait été fusillé par les Rouges le 24 mai
1871.
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L’EnVers de l’Histoire de France
La Politique, hélas, peut obliger parfois
A trancher dans le vif et à faire des choix,
A tuer, s’il le faut, mais, si l’on a le droit
De massacrer le peuple : on ne tue pas un roi.
Alors, constatant que ce bon Henri d’Artois, dit
comte de Chambord, commençait à se faire vieux (il
avait 53 ans…), l’Assemblée pensa que la nature
pouvait arranger les choses et décida, pour gagner du
temps, de nommer le président pour sept ans,
instaurant ainsi le septennat qui fut récemment aboli
par le référendum de septembre 2000.
Le président Mac Mahon nomme alors un royaliste et
catholique convaincu comme Premier ministre :
Albert de Broglie. L’un et l’autre s’attellent alors à
la lourde tâche de restaurer l’Ordre Moral en France :
il y avait beaucoup à faire. « Avec l'aide de Dieu, le
dévouement de notre armée, qui sera toujours
l'esclave de la loi, avec l'appui de tous les honnêtes
gens, nous continuerons l'œuvre de la libération de
notre territoire, et le rétablissement de l'ordre moral
de notre pays » avait déclaré le président le 28 avril
1873. Ce gouvernement qui s’appuyait sur
l’épiscopat pour mener à bien sa politique d’ordre
moral ne put hélas aller jusqu’au bout de son œuvre
salvatrice. Les Républicains s’opposaient de plus en
plus à ce président royaliste et, à compter de 1876, il
dut partager le pouvoir avec des gouvernements
républicains. En octobre 1877, le député Léon
Gambetta a l’insolence de dire au président avant une
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227
L’EnVers de l’Histoire de France
élection qu’il allait perdre : « Il faudra se soumettre
ou se démettre ! » Mac Mahon perd l’élection…et se
soumet !
Mac Mahon, avant l’élection,
Fit de grandes déclarations.
Gambetta lui a répondu :
« On se soumet,
Ou se démet ! »
Il a perdu ;
Il s’est soumis et il s’est tu !
Deux ans plus tard, la Gauche ayant la majorité à
l’Assemblée, Mac Mahon démissionne le 30 janvier
1879. Monsieur de Mac Mahon était connu pour ses
réflexions où la subtilité le disputait au bon goût. Le
texte suivant, écrit par un mémorialiste de l’époque,
en met en relief quelques exemples :
Si l’on a bien souvent élu des incapables,
Dans ce cas bien précis, ceci est admirable,
On a choisi l’élu avec sagacité
Pour l’immensité de son incapacité.
La République alors est jeune et vulnérable ;
La poussée royaliste est forte et redoutable
Mais ne peut s’affirmer devant les réticences
Du Comte de Chambord à gouverner la France ;
Certes, il voudrait bien mais il est exigeant :
Il veut les fleurs de lys, il veut le Drapeau Blanc
228
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L’EnVers de l’Histoire de France
Et pas le Tricolore, et il est compliqué
Au peuple de Paris de le faire accepter ;
Alors on se décide pour un Président ;
Pas trop malin, bien sûr, surtout pas trop ardent
Envers la République et puis, on attendra
Que Chambord passe un jour de la vie au trépas
Et que son successeur, un peu moins obstiné
Garde les trois couleurs pour être couronné.
Et voilà ! Mac Mahon est élu pour sept ans
Où son alacrité s’exerce constamment.
Un jour qu’un soldat Noir lui était présenté,
Il dit : « C’est vous le Nègre ? Eh bien, continuez ! »
A Nîmes, un beau jour, recouverte de flots
Le président, saisi, cria « Que d’eau, que d’eau ! »
« La typhoïde est le pire de tous les maux »
Dit-il, « On en meurt ou on en demeure idiot !
Ce mal », ajouta-t-il « ne m’est pas inconnu ;
Si j’en parle si bien, c’est parce que je l’eus ! »
De telles déclarations eussent dû lui valoir d’être élu
à l’Académie Française, mais l’ingratitude des
hommes est telle qu’il n’en fut rien. Notons toutefois
le sort de l’une de ces saillies, celle qui s’adressait à
Camille Mortenol, le Noir guadeloupéen qui était
l’un des élèves les plus brillants alors de l’école
Polytechnique (« C’est vous, le Nègre ? Eh bien, mon
ami, continuez… ») a sans doute été prononcée alors
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229
L’EnVers de l’Histoire de France
que Mortenol était à l’Ecole Navale et pas encore à
Polytechnique, puisqu’il n’intégra cette école qu’en
1881, alors que Mac Mahon n’était plus Président
(49). Quelle importance ce détail a-t-il, Moussa ? Eh
bien, vous en saisirez l’importance quand vous serez
à Polytechnique…un peu de patience.
Pendant que ce bon monsieur de Mac Mahon essayait
en vain - à la suite de Monsieur Thiers - de rétablir la
royauté dans votre pays, des idées nouvelles autant
que malfaisantes, et qui avaient pris corps lors du
sinistre épisode de la Commune, s’épanouissaient et
prospéraient. Leurs noms étaient Socialisme et
Anarchie. L’anarchie, que vous semblez priser à vos
heures, Mohammed, avait un Prophète : Mikhaïl
Alexandrovitch Bakounine. Nous verrons que son
influence s’étendra bientôt dans votre république.
Il régenta longtemps un pays sans frontières,
Il chassa l’ennemi
Rôdant à sa lisière
Et ce pays,
C’est l’Anarchie.
*
De petite noblesse, il est né en Russie,
Il devint officier du tsar mais, par ennui
Il étudia alors Feuerbach et Hegel
Et voyagea à Berne, à Paris, à Bruxelles.
Il rencontra alors Karl Marx et puis Proudhon,
230
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Mena quelque révolte et finit en prison
Et, de la Sibérie, fit le tour de la terre
Par les Etats-Unis jusques à l’Angleterre.
Lorsqu’en Soixante-dix la ville de Paris
Constitue la Commune, il s’exclame, il s’écrie :
« Il faut que Versailles à l’aide des Prussiens
Extermine au moins la moitié des Parisiens ! »
Car cette proportion lui semblait justifier
Que de l’évènement, la juste renommée
Parvînt profondément à l’oreille des masses
Qui, parfois, ont le sait, ont l’ouïe quelque peu
basse !
Hélas, ceci n’est point : On oublie la Commune.
Bakounine, aussitôt, avec Marx engage une
Querelle fratricide, vous m’en voyez bien triste,
Et il décide alors qu’il est un anarchiste.
Il dit : « Le temps n’est plus aux idées mais aux
actes !
Que tous les opprimés passent ainsi un pacte ! »
Il traverse l’Europe et s’exprime en prophète…
Et puis, à soixante ans, il prendra sa retraite.
*
Un soir, à Lugano, le roi de l’Anarchisme,
Tranquille, au bord d’un lac, est mort de rhumatismes
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231
L’EnVers de l’Histoire de France
Oui, je le concède, la chute est bien triste, mais
l’embourgeoisement est à la révolution ce que la
révolution est à l’ordre établi : le mal absolu.
Ainsi que nous l’avons vu, le 30 janvier 1879, Patrice
de Mac Mahon démissionne ; le jour même,
l’Assemblée nomme son successeur : Jules Grévy,
un avocat jurassien de soixante-douze ans.
Jules Grévy cumulait les défauts : il n’était pas
« revanchard », c'est-à-dire qu’il ne poussait pas à
une nouvelle guerre contre l’Allemagne ; il n’était
pas favorable à l’expansion de la colonisation ; il
était un peu anticlérical. Après le guerrier royaliste et
clérical qu’avait été Mac Mahon, quel changement,
quelle déchéance ! L’un de ses principaux présidents
du Conseil sera Jules Ferry, un vosgien franchement
anticlérical. Ces deux canailles franc-comtoises
s’allièrent pour retirer les jeunes âmes françaises à
l’autorité des ecclésiastiques. Ferry n’hésitait pas à
écrire aux instituteurs en 1883 : « L'instruction
religieuse appartient aux familles et à l'Eglise,
l'instruction morale à l'école. » N’est-ce pas là une
déclaration aussi révolutionnaire que diabolique,
après quinze siècles de bonne théocratie chrétienne ?
Mon cher Moussa, si vous avez tout le sens civique et
moral que je me plais à vous reconnaître, c’est là le
produit de l’école de Monsieur Ferry ! Est-ce qu’il a
aussi encouragé le deal du shit et la protection des
jeunes femmes des rues ? Je n’en suis pas sûr… mais
je ne suis pas sûr du contraire ! Cum Ferry mores
considebunt !
232
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Contrairement à Grévy, Ferry était franchement
colonialiste. Il déclarait, le 28 juillet 1885, à
l’Assemblée Nationale : «Il faut dire ouvertement
que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des
races inférieures. Je répète qu'il y a pour les races
supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour
elles. Elles ont le devoir de civiliser les races
inférieures». Précisons que le terme de « race »
n’avait pas alors le sens qu’il a pris par la suite ; son
acception se rapprochait plus de « civilisation ».
Quoiqu’il en soit, il est amusant de voir que ce point
de vue était alors celui de la Gauche, et non de la
Droite. Lisons cet extrait du Journal Officiel de ce
même jour : « M. Jules Ferry : Je répète qu'il y a
pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un
devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les
races inférieures... (Marque d'approbation sur les
mêmes bancs à gauche – Nouvelles interruptions à
l'extrême gauche et à droite.) » Plus loin : « (que la
France) doit répandre cette influence sur le monde,
et porter partout où elle le peut sa langue, ses
mœurs, son drapeau, ses armes, son génie.
(Applaudissements au centre et à gauche.) »
Victor Hugo, qui passe pour un progressiste, était
tout aussi favorable à la colonisation. Ne disait-il pas
le 18 mai 1879 : « Dieu offre l’Afrique à l’Europe.
Prenez-la. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la
charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ;
non pour la bataille, mais pour l’industrie ; non pour
la conquête, mais pour la fraternité. Versez votre
trop-plein dans cette Afrique, et, du même coup,
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233
L’EnVers de l’Histoire de France
résolvez vos questions sociales, changez vos
prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! Faites des
routes, faites des ports, faites des villes ; croissez,
cultivez, colonisez, multipliez (50). »
La Gauche approuvait l’expansion coloniale ; pas la
Droite qui, suivant la ligne tracée par Monsieur
Thiers, ne pensait qu’à conserver ses forces pour la
« Revanche » contre l’Allemagne.
Un peu plus tard, le 17 mai 1896, Jean Jaurès
déclarait encore à La Petite République : « Nous
aurons beau dénoncer toutes les vilenies, toutes les
corruptions, toutes les cruautés du mouvement
colonial, nous ne l'arrêterons pas (51)»
Vous voyez, mes amis, la Gauche avait poussé à la
colonisation et, 80 ans plus tard luttera pour son
abolition ; la Droite s’était opposé à son avènement
et, 80 ans plus tard, combattra pour son maintien : la
France est bien la patrie de la constance et de la
rationalité ! Gallia vere patria rationis est !
C’est la Gauche qui fit la colonisation
Alors que la Droite n’en voulait rien entendre !
Puis la Gauche fit la décolonisation
Contre la Droite : Eh oui, c’est à n’y rien
comprendre…
Il faut dire ici que la colonisation était sûrement
d’inspiration divine car elle a réussi le miracle de
rassembler plusieurs classes de la société : Les
humanistes qui, dans la ligne de Jules Ferry voulaient
civiliser les « races inférieures » ; les militaires, qui
234
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
trouvaient là un moyen d’en découdre à bon compte,
de faire sonner les clairons et hisser les drapeaux
contre un ennemi pas trop redoutable ; les
commerçants qui avaient un débouché pour les
pacotilles qu’ils échangeaient contre de bonnes
matières premières ; et enfin les missionnaires,
heureux de quitter une France en voie de
déchristianisation et de se rattraper sur ce nouveau
marché.
Je vous livre à ce sujet ce petit texte commis par un
ardent défenseur de la colonisation.
Bien sûr la colonisation
Apporta nombre de bienfaits :
Parmi ceux-ci, la médecine
Par quoi la surpopulation
Provoqua d’évidents effets
Dont le premier fut la famine.
On ne dira jamais assez
Combien il fut intelligent
De permettre sans réfléchir
Aux gens de se multiplier
Sans leur donner, évidemment,
Les moyens d’au moins se nourrir.
Mais on leur donna cependant
A tout le moins, le superflu,
Le cinéma et la télé,
Le goût du luxe, évidemment,
La politique et la vertu
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235
L’EnVers de l’Histoire de France
Afin qu’ils soient civilisés.
Ainsi que vous le savez, le mouvement colonial
français en Afrique subéquatoriale a duré un peu
moins d’un siècle. En 1958, le colonisateur se retirait
avec le sentiment légitime du devoir accompli.
Sa tâche accomplie, le colon
Abandonna ce continent
Qui lui rapportait peu de choses.
Mais de la colonisation
Il reste de beaux éléments
Que l’on peut citer, si l’on ose :
Il reste de fausses frontières
Il reste des politiciens,
Des rois grimés en présidents,
Il est de plus en plus de guerres
Et l’Afrique n’a pour destin
Que de courir après le temps.
*
« Continent d’ancienne coutume,
Où sont tes danses et tes chants ?
Où sont tes princesses, tes rois ?
Tu n’es qu’une gloire posthume,
Un cimetière désolant
Et le royaume du Sida. »
236
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Le 31 janvier 1886, le mandat de Jules Grévy arrive à
son terme ; la Chambre le réélit. Malheureusement,
les choses tournent moins bien et le Président est
victime de son gendre, Daniel Wilson, qui vendait
des décorations de la Légion d’honneur. Quand j’ai
étudié cette période afin de vous dispenser mon
enseignement, j’ai été fort surpris d’apprendre ceci :
je pensais que la vente des décorations avait toujours
été la règle : au Vatican, on vendait bien les
Indulgences…
Le 2 décembre 1887, Jules Grévy doit démissionner
et l’Assemblée nomme, pour lui succéder, monsieur
Sadi Carnot. Monsieur Carnot tenait ce prénom
assez inusité au fait que son grand-père, le grand
Lazare Carnot, était un admirateur du poète persan
Saadi. Ce poète avait vécu au 13e siècle et avait
merveilleusement et délicatement bien chanté les
plaisirs de la vie et, entre autres, les femmes et le vin.
Que voulez-vous, Mohammed, il était en ce temps du
moyen-âge, des musulmans qui n’avaient pas encore
bénéficié des bienfaits du fanatisme. Sadi Carnot
était le fils d’Hyppolite Carnot, ministre de
l’Instruction de la deuxième république. Il fut donc
président de la troisième République.
Le président Carnot connut bien des vicissitudes
durant sa présidence. Tout d’abord, il fut ennuyé par
la « crise boulangiste », qui n’avait rien à voir ni avec
le pain ni avec la brioche, mais avec le général
Georges Boulanger, dont l’action ébranla la troisième
République.
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237
L’EnVers de l’Histoire de France
Ministre de la Guerre en 1886, le général Boulanger
symbolisait la « revanche » et fédérait le parti
belliciste contre l’Allemagne, qui regroupait des
bonapartistes, des royalistes et des républicains. Le
27 janvier 1889, Boulanger est élu triomphalement.
On le presse de s’emparer de l’Elysée ; il hésite ; il
s’enfuit à Bruxelles avec sa maîtresse, madame
Marguerite de Bonnemains…Pardon, Moussa ? La
grande Lulu aurait aussi de bonnes mains ? Je n’en ai
jamais douté, voyons ! Mais c’est hors sujet.
Boulanger et Marguerite s’installent à Bruxelles,
après qu’il eut été condamné par contumace ;
Marguerite meurt le 16 juillet 1891 ; Boulanger se
suicide sur sa tombe le 30 septembre. Cette mort lui
vaudra
une
chaleureuse
épitaphe
de
Clemenceau : « Il est mort comme il a vécu : en souslieutenant. »
Puis, Monsieur Carnot connut le « scandale de
Panama. » La société qui était en charge de percer ce
canal avait fait faillite et des financiers corrompirent
les députés pour obtenir le vote de fonds
supplémentaires. Oui, Moussa, si on appelle ça un
scandale, c’est parce que ces sommes étaient très
supérieures aux modestes subsides que vous versez
bien naturellement, à l’occasion, à ces messieurs de
la brigade des mœurs : tout est question de
proportion…
Monsieur Carnot eut enfin à faire aux anarchistes,
vos amis, mon cher Mohammed. L’anarchie dont le
238
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
grand prêtre était Bakounine, ainsi que nous l’avons
dit plus haut, se développait à grande allure et se
traduisait par un nombre très important d’attentats
terroristes. Entre 1880 et 1914, des dizaines
d’attentats anarchistes eurent lieu à Paris ; le 9
décembre 1893, une bombe explosa même au milieu
de la Chambre, au cours d’une séance ! Eh oui,
Mohammed, on agissait, en ce temps là. On ne se
contentait pas de rêver dans les cellules…dans les
cellules anarchistes, je veux dire, pas dans celles de
Fleury-Mérogis.
Le 11 décembre 1893, alors que les débris de
l’explosion du 9 avaient à peine été balayés, le
président du conseil, Jean Casimir-Perier soumet au
vote un ensemble de lois répressives que les
anarchistes appelleront « lois scélérates ».
Sadi Carnot avait refusé la grâce d’Auguste Vaillant,
l’anarchiste qui avait lancé la bombe à l’Assemblée
Nationale. Un des collègues anarchistes de celui-ci,
Sante Caserio, en conçut une certaine rancœur et, le
24 juin 1894, transperça de son couteau le cœur du
président.
Lors de son procès, Caserio s’écria : « … nous
répondons aux gouvernements avec la dynamite, la
bombe, le stylet, le poignard. En un mot, nous devons
faire notre possible pour détruire la bourgeoisie et les
gouvernements. Vous qui êtes les représentants de la
société bourgeoise, si vous voulez ma tête, prenezla ! »…Ils la prirent.
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L’EnVers de l’Histoire de France
Après la mort du président Carnot, l’Assemblée élut,
pour lui succéder, le président du Conseil, Jean
Casimir-Perier qui était âgé de quarante-six ans.
Jean Casimir-Perier était le petit-fils de Casimir
Perier, le banquier qui avait été Premier ministre de
Louis-Philippe. En plus d’être très riche, monsieur
Casimir-Perier était très subtil. Il disait : « Un ami,
c'est quelqu'un sur qui nous pouvons toujours
compter pour compter sur nous. » Cette citation fait
clairement apparaître son sens de la concision et de la
simplicité. Il eût pu dire, en effet, « Un ami, c'est
quelqu'un sur qui nous pouvons toujours compter
pour compter sur nous afin que nous comptions sur
lui pour qu’il compte sur nous… » Non ! Il en restait
à un énoncé simple. Mais, ami ou pas, monsieur
Casimir-Perier savait compter : n’était-ce pas un
banquier ?
Casimir-Perier avait ratifié en 1894 l’alliance secrète
Franco-russe avec le tsar Alexandre III, un bon tsar
bien réactionnaire qui avait mis fin à la politique
libérale de son père Alexandre II, qui avait payé le
juste prix de ce laisser-aller en étant assassiné par un
anarchiste.
Lorsque le balancier
Incline d’un côté,
Il faut le redresser.
Son père fut, dit-on, le tsar libérateur !
Il était libéral ! Allons, à la bonne heure! ;
Lui, Alexandrovich aura la fermeté
240
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Qu’un tsar doit apporter pour faire son métier.
Ses oukases, ses lois et ses déclarations
Sont alors frappées du coin de la réaction.
Il régit son pays d’une poigne de fer,
Son gouvernement est toujours autoritaire.
Si le tsar libéral est tombé sous les coups
D’un anarchiste fou et brûlant d’utopie,
Le tsar autoritaire, eh bien, me croirez-vous ?
A connu la douceur de mourir dans son lit.
Si je fais ce petit détour par la Russie, mes amis, c’est
que monsieur Casimir-Perier, grand admirateur
d’Alexandre III, fut tout de suite appelé « Le
président de la réaction ». En référence à son
immense richesse et à ses actions dans les mines de
charbon du Nord, on l’appelait aussi Casimir
d’Anzin. Casimir-Perier, qui était un homme
sensible, souffre alors de ces attaques et développe
rapidement un syndrome dépressif. Triste et abattu, il
démissionne après six mois de présidence et se
consacre à la gestion de ses mines. Ce traitement était
efficace car sa santé s’améliora très vite. Cinq ans
plus tard, quand, en pleine crise politique, le
président Loubet lui propose de revenir aux affaires
et d’accepter le poste de président du Conseil, il
refuse. Cet homme était décidément un modeste ; un
peu comme moi, d’ailleurs. Quand, la semaine
dernière, Sa Sainteté m’a proposé d’être le prieur
principal du Latran, je lui ai répondu que je préférais
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241
L’EnVers de l’Histoire de France
modestement rester dans mes fonctions de Chief
Executive Manager et trésorier de l’Indulgencies
Management Group. Il faut savoir rester à sa place !
Semper in tuo loco manito !
Monsieur Perier est fortuné
Et plein d’esprit de modestie.
« C’est bien joli de gouverner,
Mais on se fait des ennemis,
Des jaloux, des fous, des aigris ;
On peut même être assassiné.
Je renonce à la présidence
Et au service de la France,
Pour mieux servir, avec passion
Mon conseil d’administration. »
Monsieur Casimir-Perier s’étant donc subrepticement
éclipsé, il fallut nommer un nouveau président : ce
fut monsieur Félix Faure, un ancien négociant en
cuir franc-maçon (l’Histoire ne dit pas s’il fournissait
les loges en tabliers de cuirs maçonniques…) de
cinquante-cinq ans.
Félix Faure poursuivit le rapprochement Franco-russe
engagé par son prédécesseur. Il traita avec le fils
d’Alexandre, Nicolas II, qui n’avait pas l’envergure
de son père et qui fut le dernier tsar de Russie avant
Vladimir Poutine (tsar qui exerce aussi sous le
pseudonyme de Dmitri Medvedev !)
242
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
La Russie a produit des tsars extraordinaires,
C’était Pierre le Grand, la Grande Catherine :
Après la gloire immense, arrive la débine,
Quand on a eu l’endroit, il faut avoir l’envers…
…Et voici Nicolas qui aura tout raté ;
Il est triste, il est mou, il n’a pas d’envergure,
Il semble destiné pour les mésaventures
Et, ainsi qu’on le sait, tout lui est arrivé.
Il avait épousé une jeune Allemande,
Alexandra ; Bientôt, voici que la Tsarine
Se prend d’une passion pour Monsieur Raspoutine ;
Ce qu’ils font tous les deux, si l’on se le demande,
On en a une idée lorsque l’on a appris
Que Raspoutine prêche qu’il faut se confesser
Mais que la rédemption s’obtient par le péché !
Le tsar, pendant ce temps, multiplie les ennuis :
Il prêche pour la paix, mais toujours fait la guerre,
Dans les Balkans d’abord puis contre le Japon
Qui lui donne, on le sait, comme une punition !
Nicolas est marri mais ne s’en soucie guère,
*
Tout du moins, pas assez, puisque neuf ans plus tard
Il guerroie de nouveau (contre les Allemands),
Est vaincu, est ruiné, abdique évidemment
Pour son frère Michel avec trop de retard
Reitlag.fr
243
L’EnVers de l’Histoire de France
J’ai évoqué la relation de monsieur Faure avec le tsar
Nicolas II, à cause de ce monsieur Raspoutine dont
on parle dans cette élégie. Monsieur Raspoutine
professait donc que l’on se rachetait du péché…par le
péché ; et du plus grave de tous les péchés, le péché
de chair, par beaucoup de ces péchés. Monsieur
Raspoutine était un éminent ecclésiastique et la
tsarine Alexandra s’empressa de suivre ses saints
préceptes. Puis-je espérer être un jour votre
Raspoutine, chère Marie-Eudoxie ? Non ? Vous
n’êtes pas tsarine ! Vous pensez que je devrais
m’adresser à une certaine madame Carla ? Je ne
comprends pas…
Quoiqu’il en soit, ce bon monsieur Faure avait le
même penchant pour le péché de chair que
Raspoutine. Le 16 février 1899 en fin d’après midi, il
attendait sa tendre maîtresse, madame Marguerite
Steinheil, avec qui il escomptait une réconfortante et
intime conversation. On lui annonce une visite ;
aussitôt, il prend une petite pilule de celles qui
avaient le don de renforcer son tempérament, vous
voyez ce que je veux dire, Moussa ? Oui, c’est du
dopage. Mais, pour cette nature d’exercice, c’est
autorisé : tous les grands dirigeants du Comité
International Olympique me l’ont confirmé. La porte
s’ouvre et entre… l’archevêque de Paris ! Le
Président, qui n’avait pas plus d’attirance pour les
messieurs que les clients de mademoiselle Lulu,
réprime ses pulsions et accorde l’entretien attendu.
Le prélat parti, on sonne à la porte. En toute hâte, le
244
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
président recourt de nouveau à l’artifice des petites
pilules. L’entretien, avec Marguerite cette fois, se
déroule d’une façon différente du précédent, mais
façon sur laquelle je ne m’étendrai pas par respect
pour les chastes oreilles de Marie-Eudoxie…et puis,
soudain, le Président pousse un cri et meurt ! D’une
overdose, Moussa ? Oui, d’une certaine façon.
On appelle aussitôt un médecin et un curé. Ce
dernier, en arrivant au palais de l’Elysée, demande à
un garde : « Le Président a-t-il toujours sa
connaissance ? » « Non, répond le garde qui se
méprend sur la question, on l’a fait sortir par la porte
de derrière… »
Clemenceau, qui n’était jamais à court de bons mots,
prononça, en manière d’épitaphe à ce président que
l’on disait très prétentieux : « Il voulait être César, il
ne fut que Pompée… » Vous ne comprenez pas,
Marie-Eudoxie ? Je pensais que vous aviez pourtant
une grande culture de l’Antiquité. Clemenceau,
décidément en verve, dit aussi : « En entrant dans le
néant, il a du se sentir chez lui.» Que voulez-vous,
mes amis, la vie du président Faure fut peut-être
insignifiante, mais il n’a pas raté sa mort ! Plus quam
vitae, mortem succedet !
L’éloge funèbre dont je vais vous donner lecture, et
que le curé de Notre-Dame refusa de prononcer en
chaire, porte la signature d’un certain Georges Cl. !
J’aimerais bien savoir qui se cache derrière ce
pseudonyme…
Oui, il est bien ardu, parfois de rédiger
Reitlag.fr
245
L’EnVers de l’Histoire de France
La chronique de gens aussi insignifiants,
De ces gens prétentieux, se croyant arrivés
Et dont la vie est vide autant que le néant ;
Alors, faute de choix, il nous faudra chercher
Quelques vagues rumeurs et quelques anecdotes
Qui seront à même d’un peu nous amuser
Et qui d’un noir ennui seront les antidotes.
Pour pouvoir sourire du pauvre Félix Faure,
Il ne faut pas compter sur sa vie ennuyeuse
Mais il faut le récit de ce que fut sa mort
Qui fut une mort amoureuse !
En cette fin de siècle, il attendait un soir
Sa maîtresse du nom charmant de Marguerite
Et, comme chaque fois, afin de mieux asseoir
Sa virilité décrépite
Il prit une pilule à ceci adaptée
Dès lors qu’il entendit, dans le couloir, un bruit :
Hélas, ce n’est pas elle qui fit son entrée
Mais l’archevêque de Paris !
Alors le président ravale sa pulsion
(Car si le prélat est revêtu d’une robe
Il convient malgré tout de conserver raison)
Et tout son désir se dérobe!
L’entretien se finit, le prélat se retire
Et un doux bruissement lui vient du vestibule :
246
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Il faut qu’il se transforme aussitôt en satyre,
Il avale une autre pilule !
Mais, en toute matière, on le sait bien, l’excès
Peut être malfaisant et attrister l’histoire
Et c’est ce qu’il advint à sa faible santé
Ainsi, hélas, qu’on va le voir !
A peine est-il entré dans ses tendres ébats
Que son cœur fatigué ne tient plus la cadence ;
Et bientôt, il le lâche, Oh sinistre coup bas
Qui rend orpheline la France !
On se presse, on demande : « A-t-il sa
connaissance ? »
« Non ! » répond un gendarme à l’allure altière
« Car on l’a fait sortir par souci de décence
Et par la porte de derrière ! »
Et Georges Clemenceau, qui parlait galamment
Et qui, en épitaphes, était fort avisé
S’écria : « Monsieur Faure avait voulu vivre en
César mais il est mort Pompée ! »
Il ajouta encor, tout aussi finement
(On le voit, en ce temps, on avait de l’esprit)
« Félix Faure est enfin retourné au néant
Et il doit se sentir chez lui ! »
Quant à Marguerite, elle fut accusée neuf ans plus
tard de l’assassinat de son mari et de sa mère ; puis
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247
L’EnVers de l’Histoire de France
elle fut acquittée. On ne l’avait pas non plus
inquiétée alors qu’elle avait « tué » le Président: cette
femme avait décidément bien du talent. Ah ! J’ai
oublié de vous dire : Marguerite Steinheil fut
surnommée la pompe funèbre ! Mais oui, MarieEudoxie, il y décidément des surnoms bien
mystérieux et incompréhensibles…de certae
nominibus, mysteria manet !
Félix Faure était donc mort dans les circonstances
que l’on sait, il fallait lui donner un successeur : ce
fut Emile Loubet, ancien président du Conseil, âgé
de 62 ans et soutenu par Clemenceau. Le septennat
du président Loubet fut marqué par deux infamies :
d’abord, la grâce d’Alfred Dreyfus qui ne pouvait pas
être innocent, puisqu’il avait contre lui ces deux
magnifiques corps constitués que sont l’armée et
l’Eglise ; puis la loi scélérate de séparation des
Eglises et de l’Etat, préparée sous la présidence du
Conseil d’Emile Combes et votée sous la présidence
de Maurice Rouvier et à l’instigation d’Aristide
Briand. Le « Petit Père Combes » était fortement
anticlérical et, arrivé au pouvoir en 1902, il fit voter
la loi du 9 décembre 1905 qui déclare, en son article
II : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne
subventionne aucun culte. » Par bonheur et par
l’action inspirée de votre Président, les choses sont
en train de changer dans votre beau pays de France.
Cette séparation ne fut finalement pas une si
mauvaise affaire pour l’Eglise : le concordat était
aboli et, par là, le contrôle que l’Etat avait sur
248
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
l’Eglise ; les lieux de culte étaient nationalisés et mis
gracieusement à la disposition des religions, ce qui
n’était pas une mauvaise affaire financière. Les
autorités ecclésiastiques de l’époque en étaient sans
doute conscientes mais, par principe, elles firent un
certain vacarme envers une loi qui scellait la laïcité.
Le pape Pie X avait réagi comme il se doit à cette
trahison de la « fille aînée de l’Eglise » par
l’encyclique Vehementer : « …Qu'il faille séparer
l'Etat de l'Eglise, c'est une thèse absolument fausse,
une très pernicieuse erreur… elle est tout d'abord très
gravement injurieuse pour Dieu. » L’action du
gouvernement français était injurieuse pour Dieu !
Vous vous rendez compte ? C’est que Dieu, quand on
l’injurie, il se venge. Et la France n’allait pas tarder à
en connaître les conséquences.
Le pape Pie X, un géant du Vatican, fut plus tard
canonisé et je ne résiste pas à vous donner lecture
d’un cantique que j’ai eu l’audace d’écrire en son
honneur :
Au cours de l’élection papale.
- Rampolla était favori
Mais de Vienne vint un signal
Pour empêcher que celui-ci
Fût élu. D’abord expliquons
Que François-Joseph, l’empereur
Ne voulait pas d’un Franc-maçon
A Rome ! Oh, mon Dieu, quelle horreur ;
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249
L’EnVers de l’Histoire de France
Figurez-vous que Rampolla
Désirait que le Catholique
De France se réconciliât
Avec l’horrible République ! Rampolla fut éliminé,
Giuseppe Sarto fut élu
Après qu’il eut bien supplié
Afin de n’être retenu
Mais les voix de la Providence
Voulaient qu’il montât sur le trône ;
Il leur devait obéissance,
Il accepta et dit un prône
Puis vite il s’en prit à la France,
Coupable d’abomination
De blasphème et d’intolérance,
Par sa « Loi de Séparation ».
Le prince du catholicisme
Ne s’arrêta pas en chemin,
Il s’attaqua au modernisme,
Dégradation de l’être humain.
En Quatorze, il fallut mourir,
Il s’y résigna mais avant,
Il demanda de quoi écrire
Et rédigea son testament.
Il demanda que l’on donnât
250
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L’EnVers de l’Histoire de France
A son valet soixante Lires
(A sa famille il en légua
Cent mille, cela va sans dire),
Je crois qu’on trouve le motif
Dans cette générosité
De cet élan impératif
Qui lui valut la sainteté.
C’est très beau, n’est-ce pas ? Ce saint pape avait tout
compris. La générosité est un devoir sacré, mais qui
n’empêche pas le discernement.
A cette sainte réaction papale, les politiques français
répondaient avec une insolence confondante.
Monsieur René Viviani déclarait : « Ensemble, et
d'un geste magnifique, nous avons éteint dans le ciel
des lumières qu'on ne rallumera plus ! (52) » La
punition était pour bientôt ; ce monsieur Viviani
serait président du Conseil en 1914 ; la France subira
une terrible guerre : Dieu se vengera ! Deus vindex
feriet !
Je vais devoir vous décevoir, Moussa, mais le
président Loubet mourut à l’âge de 90 ans et, semblet-il, sans l’appui d’une jeune assistante
sentimentale…En 1906, à l’issue de son septennat, il
laissa la place à monsieur Armand Fallières, un
jeune avocat de 65 ans, assez terne, il faut bien le
dire.
Reitlag.fr
251
L’EnVers de l’Histoire de France
Que se passa-t-il sous la présidence de monsieur
Fallières ? Eh bien, ce furent les prémices de la
grande guerre : la crise d’Agadir avec l’Allemagne,
en 1911 ; le rapprochement avec l’Angleterre et la
Russie : le calme qui précède la tempête.
En Angleterre, à l’époque, le roi était Edouard VII,
fils de la reine Victoria et le Premier ministre, lord
Balfour, qui s’illustrera plus tard dans l’affaire de la
Palestine. La reine Victoria avait réussi le double
exploit de régner 56 ans et de ne pas alimenter les
gazettes à scandale : vous m’en voyez navré,
Moussa.
Il est, dans ce recueil, des gens éblouissants
Mais la petite fille d’Alexandre II
Qui a vécu et puis qui a régné longtemps
Offre hélas un récit assez fort ennuyeux
Car si son règne fut de soixante-quatre ans,
Si elle eut neuf enfants puis s’habilla de noir,
Il semblerait qu’elle n’ait eu aucun amant
Et que sur son compte il ne coure aucune histoire…
Le tsar de Russie était Nicolas II, dont nous avons
déjà parlé, et qui gérera plus tard la Révolution
d’Octobre avec autant de finesse, de doigté et de sens
stratégique que Louis XVI en mit à gérer la
Révolution française…
Au terme de son septennat, monsieur Fallières choisit
de ne pas se représenter, justifiant sa décision par cet
252
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
aphorisme : « la place n'est pas mauvaise, mais il n'y
a pas d'avancement ». Monsieur Fallières n’était pas
ambitieux ; on ne lui connaît pas d’aventures
féminines ; il ne fut éclaboussé par aucun scandale :
je suis d’accord avec vous, Moussa, nous avons déjà
consacré trop de temps à son cas. Oublions-le.
Le 18 février 1913, il est remplacé par Raimond
Poincaré. Avec l’élection de Raimond Poincaré,
nous approchons de la fin du dix-neuvième siècle,
siècle que l’on fait communément s’achever en 1914,
avec le début de la Grande Guerre, plutôt qu’en 1900.
Du 13 au 23 juillet 1914, Poincaré et le président du
Conseil Viviani, sont en visite en Russie pour traiter
de la situation politique tendue en Europe. En effet,
deux semaines plus tôt, un nationaliste serbe, Gravilo
Princip, avait eu la fâcheuse idée de lancer, à
Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, une bombe sur
l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie. L’AutricheHongrie avait mal pris la chose et voulait punir la
Serbie. L’Allemagne, amie de l’Autriche-Hongrie
partageait ce courroux et cette intention ; la Russie,
orthodoxe comme la Serbie ne voulait pas que l’on fît
de mal aux Serbes ; La Turquie, pour se prémunir
contre
la
Russie,
soutenait
l’Allemagne ;
L’Angleterre, qui ne voulait pas que l’Allemagne prît
trop de poids sur le continent, s’allia à la France ;
L’Italie, comme d’habitude, hésitait avant de prendre
position ; les Etats-Unis, comme d’habitude,
attendaient que les choses se décantassent pour
ramasser la mise ; la France, enfin, alliée de la Serbie
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253
L’EnVers de l’Histoire de France
rien que pour ennuyer l’Allemagne, faisait les gros
yeux et pensait voir là une occasion de récupérer
l’Alsace-Lorraine…tout ça est bien compliqué, mes
amis. Eh bien, vous allez voir qu’à un problème
compliqué, la sagacité des hommes peut trouver une
solution très simple : une guerre mondiale de quatre
ans.
Voyez-vous, mes enfants, on assassine un prince (pas
même un roi !) et il en découle près de vingt millions
de morts. Quelle efficacité ! Ah Mohammed, ça vous
impressionne. Quand vous lancerez votre bombe, il
faudra bien choisir votre cible, si vous voulez faire
mieux !
*
Nous allons en rester là pour aujourd’hui afin de
reprendre des forces avant d’aborder cette dure
épreuve de la guerre. Mes enfants, vous devriez aller
vous recueillir à l’église serbo-orthodoxe de la rue du
Simplon, dans le dix-huitième arrondissement. Vous
pourrez, j’en suis sûr, y ressentir mieux l’atmosphère
qui amena monsieur Princip à commettre son geste
fatal.
Moi, je vais me rendre avenue Pierre 1er de Serbie où
j’ai rendez-vous avec une princesse russe qui hésite
entre poursuivre sa voie dans la religion orthodoxe,
ou se convertir au catholicisme. Une rude tâche
m’attend. Expecto difficilem laborem !
254
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Chapitre XIV
LA TROISIEME REPUBLIQUE –
L’ETAT FRANÇAIS
Alors, mes enfants, cette visite à l’église serboorthodoxe de la rue du Simplon ? Non ? Vous vous
êtes arrêtés en cours de route à la station Halles ? Et
vous, Moussa, vous avez fait un tour dans le Forum
pour prendre la tendance du marché… « shit »,
« héro » « coke »…les volumes sont stables ? Les
prix à la hausse ?…Eh bien, mon ami, c’est la
reprise ! Réjouissons-nous ! Et vous, Mohammed ?
Quelques conversations avec vos correspondants
afghans. Des Kalachnikov contre des Corans ?
Pourquoi pas du troc, en effet ? A voir comment file
le dollar…
Et Marie-Eudoxie, pendant ce temps ? Vous l’avez
invitée à parcourir la rue Saint-Denis ? Ma foi, il
n’est jamais mauvais de faire une reconnaissance
avant de passer à l’action…ante actionem, quaestio !
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255
L’EnVers de l’Histoire de France
Et moi ? Oh, de la rue Pierre 1er de Serbie, nous nous
sommes rendus, ma pénitente et moi-même, au
cabaret « Raspoutine » de la rue de Bassano. Puis, en
une leçon particulière, je l’ai initiée plus
particulièrement à la forme de religion que professait
ce saint homme : « la rédemption par le péché ». Au
début, elle ne comprenait pas très bien ; après : si !
Elle demeurera orthodoxe…tendance Raspoutine.
*
Nous voici en juillet 1914. Messieurs Poincaré et
Viviani étaient donc à peine descendus du bateau les
ramenant de Russie que l’empereur d’Allemagne,
Guillaume II, donne ultimatum à la France de ne pas
soutenir la Russie au cas où celle-ci viendrait au
secours de la Serbie. En France, seul Jaurès s’oppose
au courant belliciste qui est majoritaire. Le 31 juillet
il est assassiné. C’est vilain, dites-vous,
Mohammed ? Oui, c’est même Villain, Raoul
Villain, qui se charge de cette élimination. Alors, la
voie est libre à l’entrée en guerre de la France. La
mobilisation générale est déclarée. Echauffés par
quarante-cinq ans de discours sur la « revanche », les
Français sont enthousiastes : la guerre sera courte,
disent-ils ! Ils ne seront pas déçus : elle durera quatre
ans !
Pourquoi les Français voulaient-ils faire la guerre ?
Pour la « revanche » ! Nous avons vu qu’en 1870, ce
génial stratège qu’était Napoléon III entraîna votre
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
pays dans une guerre calamiteuse contre la Prusse. La
France y perdit l’Alsace et la Lorraine
germanophone, c’est-à-dire à peu près la moitié du
département de la Moselle. Dans la France « de
l’intérieur », tout le monde voulait récupérer ce
territoire qui, de temps immémoriaux, faisait partie
de la nation (en fait, depuis 1681, soit deux siècles
seulement avant la guerre de 70). On disait aussi que
dans les territoires d’Alsace - « Elsàß » - il en était de
même et que tous les Alsaciens ne pensaient qu’au
retour vers la mère-patrie : en tous cas, c’est ce qu’on
disait…
Quoiqu’il en soit, dès août 14, les Allemands
traversent la Belgique et envahissent le Nord-est de
la France. Les troupes franco-anglaises se replient.
Le chef des troupes anglaises s’appelle le général
French. Par souci de réciprocité, les français eussent
pu prendre pour chef un général qui se fût appelé
« Anglais ». Ils en ont choisi un dont le nom eût plus
naturellement dû être « Allemand », tant sa stratégie
stupide d’« offensive à outrance » avantagea
l’ennemi…Joffre, puisque c’est de lui qu’il s’agit,
envoya à l’assaut par centaines de vagues successives
ses soldats, dont il s’était assuré préalablement que
leur pantalon rouge en faisaient une parfaite cible
pour les tirs ennemis !
Voici le texte que certains voulaient lire pour l’entrée
du maréchal Joffre à l’Académie Française : il ne fut
point lu.
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257
L’EnVers de l’Histoire de France
Les combattants, dans les tranchées,
A leur façon
Etaient des lions
Mais un âne les commandait.
Son père était un tonnelier,
Mais Joseph sera plus connu
Pour ce qui est du contenu
Que pour l’amour de ce métier.
Du contenu, il a besoin
Pour lancer toujours à l’assaut
Ses Poilus ! Pour être un héros
Il faut parfois beaucoup de vin…
L’offensive est sa stratégie,
Attaquer ! Toujours attaquer :
Les hommes tombent par milliers
Inefficace tragédie.
En trois semaines de combat
Les morts sont plus de trois cent mille !
Cette stratégie imbécile
Lui vaudra la gloire ici-bas !
Avec Foch et avec Nivelles,
Sa politique de l’autruche
Ne dégonfle pas sa baudruche
Ni sa stratégie criminelle.
Devant ce résultat fatal
258
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Un beau jour le gouvernement
Lui ôte son commandement…
…Et puis le nomme maréchal !
(En ce temps il n’était pas rare
D’agir avec délicatesse ;
Même envers la scélératesse
Il fallait garder des égards.)
Il a failli perdre la guerre,
Il a massacré ses soldats
En mille inutiles combats :
Bien sûr, on ne s’en soucie guère
De nos jours et son nom fleurit
Sur les murs de nos avenues,
De nos boulevards, de nos rues
Et même en plein cœur de Paris.
Que devint-il ? N’ayez pas peur !
Car il entra, j’en suis bien aise,
Dans notre Académie Française ;
Ceci nous réchauffe le cœur
Comme le coeur glacé et nu
De tous ses hommes massacrés
Parmi lesquels est consacré
Celui du Soldat Inconnu !
C’est un bonheur, dans notre France,
On sait glorifier l’aventure,
Reitlag.fr
259
L’EnVers de l’Histoire de France
On sait étouffer l’imposture
Et sanctifier l’incompétence
« …Mais un âne les commandait. » Il paraît que la
Ligue de Défense des Ânes se plaint de cette
assimilation. Princeps Gallorum asinus erat !
Quand Joseph Joffre fut écarté du commandement,
on lui substitua Ferdinand Foch, qui avait été son
élève et son subordonné, et qui réussit l’exploit
d’atteindre au même niveau que son maître.
Oh le bel attelage !
Joffre, Foch et Nivelles !
Pour mener au naufrage
Ils tiraient les ficelles.
Ferdinand Foch était élève des jésuites
Quand il était petit mais cette éducation
Assez propre à mêler l’esprit et l’eau bénite
N’a pas probablement inspiré son action.
Sous les ordres de Joffre, en Quatorze, il commande
Une armée et bien sûr applique la tactique
Qu’il avait enseignée, et l’armée allemande
Massacre les Français de façon dramatique.
Car la tactique était de toujours attaquer !
« Si mon centre a cédé je ne puis me mouvoir »
Disait-il, « Aussitôt, j’attaque les côtés ;
Si cèdent les côtés, il est de mon devoir
260
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
De trouver un endroit où je puisse attaquer ! »
Sur la Somme il combat et finit en déroute ;
On considère alors qu’il vaut mieux l’écarter
Et c’est de l’Italie qu’il doit prendre la route.
Mais vite on le regrette, on l’appelle, il revient,
Il fait quelques combats, il gagne des médailles,
Est chef d’état major du général Pétain ;
Enfin il négocie au congrès de Versailles ;
Il y est, parait-il, plus dur que Clemenceau
Envers les Allemands et, quand on sait la suite,
On peut bien regretter que le roi de l’assaut,
De Versailles alors n’ait pu prendre la fuite.
Il savait bien parler, le brillant Ferdinand
Citons-le, que ceci ne soit pas méconnu :
« Un combat est gagné » disait-il « pour autant
Que l’on ne reconnaît jamais qu’on l’a perdu ! »
Il est fait maréchal de France, évidemment,
Mais de Pologne aussi et même d’Angleterre ;
Il eût pu l’être aussi fait par les Allemands
Pour les Français qu’il a bêtement mis sous terre…
La guerre de tranchés se continue vaillamment tout
au long de 1915 et 1916, sans qu’aucune partie ne
prenne d’avantage décisif. En 1917, il se passe des
choses nouvelles : le général Robert Georges Nivelle
est nommé commandant en chef des armées. Il
Reitlag.fr
261
L’EnVers de l’Histoire de France
prévoit un plan très élaboré pour une attaque
décisive. Hélas, il parlait beaucoup et son plan
parvient, semble-t-il, entre les mains des Allemands.
Quoiqu’il en soit, il lance le 16 avril 1917 l’offensive
du Chemin des Dames : un désastre qui coûte la vie
de 400.000 hommes pour rien (environ 200.000
Français et au moins autant d’Allemands). Voilà qui
mérite d’être inscrit au Guinness book des déroutes
militaires !
En avril toujours, à la suite de la découverte, par le
président Woodrow Wilson, d’un projet de
rapprochement entre le Mexique et l’Allemagne, les
Etats-Unis entrent en guerre. On dit parfois que ce
motif, le « télégramme Zimmermann », ne fut qu’un
prétexte sur lequel s’appuya Wilson : il voulait entrer
en guerre et son peuple ne le voulait pas : le
« télégramme » fut un excellent prétexte (en 1941,
quand le président Roosevelt voulait entrer en guerre
contre l’avis de son peuple, il y eut Pearl Harbor ; en
2001, avant l’invasion de l’Irak, le « 11 septembre » :
le « télégramme » a coûté moins cher !)
En mai, le gouvernement français remplace Foch par
le général Pétain, comme général en chef. Pétain
change de stratégie et renonce à l’ «offensive à
outrance ». On voit qu’après trois ans de désastres et
de massacres inutiles, l’état-major français avait su
modifier sa stratégie : saluons cette manifestation de
réactivité ! Milites galli rapidi sunt !
A cette même époque, les puissances de l’Axe
chargent le prince Sixte de Bourbon Parme d’une
262
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
mission de bons offices auprès de la France pour
définir les conditions d’une paix honorable pour les
deux parties. Le gouvernement d’Aristide Briand qui
eût pu être favorable à une telle solution venait de
tomber ; un gouvernement belliciste était au pouvoir :
celui de Georges Clemenceau qui ne voulait pas en
entendre parler ; on était reparti pour presque deux
ans de carnage.
Trois ans de combats sans vainqueur,
Trois ans de sang, trois ans de pleurs,
N’et-il pas temps de s’arrêter ?
N’est-il pas temps de négocier ?
Non ! A dit monsieur Clemenceau ;
Le triomphe sera plus beau
Quand nous l’aurons payé du prix
D’encor quelques millions de vies.
Le 27 mai 1917, le pape Benoît XV promulgue le
nouveau code de droit canonique…ça n’a aucun
intérêt, Mohammed ? J’en suis bien d’accord avec
vous, mais en tant que cardinal, il s’impose à moi
d’affirmer ainsi qu’en pleine guerre mondiale, le
pape ne se désintéressait pas des questions
essentielles. Je précise à tout hasard pour notre ami
Moussa que le droit canonique n’a rien à voir avec
l’artillerie…
On se massacre par le monde.
Tout autour de la terre ronde
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263
L’EnVers de l’Histoire de France
Résonne le son du canon…
Au Vatican
Pendant ce temps
On étudie le droit canon !
Le 26 octobre 1917, en Russie, Vladimir Oulianov,
dit Lénine renverse le gouvernement Kerenski,
impose le pouvoir bolchevique et cesse les hostilités
avec l’Allemagne. Tenez, mon bon Mohammed, je
ne puis résister à vous donner lecture de cette ode à
ce monsieur Lénine que vous admirez tant.
Quand la médiocrité
Epouse le pouvoir
Il en naît trop souvent bien des calamités,
Ainsi qu’on va le voir.
Vladimir Oulianov n’avait pas de métier
Mais il avait compris comment gagner sa vie,
Il en avait chargé Nadedja, sa moitié,
Elle s’y employait, il en était ravi.
Il s’agita un peu contre Nicolas II
(Ce tsar, nous l’avons vu, était peu libéral)
Et il fut exilé bientôt sous d’autres cieux,
Au bord de la Lena, romantique canal.
Et puis il part en Suisse, en Pologne, à Paris
Où il vit aux crochets, toujours, de Nadedja,
Et toujours il complote et toujours il écrit,
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Attend le jour où la Révolution viendra.
La voici ! Elle est là, au début de Dix-sept,
Il lui faut revenir ! Alors les Allemands
Lui offrent le voyage et bien sûr il accepte,
Il monte dans le train et part vers le levant.
(L’empereur allemand avait bien sûr compris
Que tout ce qui pouvait importuner le tsar
Que tout ce qui pouvait affaiblir la Russie
Etait bon ; Vladimir est parti sans retard !)
Mais la Révolution éternue et s’enroue,
Notre héros juge alors qu’il est bon de s’enfuir
En Finlande et d’attendre un automne plus doux ;
La dialectique doit parfois pouvoir servir.
Il revient en octobre et il prend le pouvoir,
Il fait alors la paix avec les Allemands,
Renverse le régime et fait périr le tsar
Et mène le combat contre les paysans.
De Vladimir alors surgit la vraie nature,
Il terrorise assez et déporte beaucoup
Il installe en Russie une autre dictature
Mais, lors d’un attentat, prend une balle au cou.
On dit qu’il en est mort quelques années plus tard ;
C’est douteux, même si ce glorieux sacrifice
Eût doré son blason, eût servi à sa gloire :
En fait, il est mort d’un accès de syphilis.
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265
L’EnVers de l’Histoire de France
Vous voyez comme les politiciens français avaient
été inspirés de refuser de discuter de la paix au début
de 17 : à la fin de la même année, la Russie s’était
retirée du combat et l’Allemagne pouvait se
concentrer sur son front ouest ! La tâche pour les
Français devenait ainsi plus difficile ? Et alors ? La
victoire n’en serait que plus belle ! « …A vaincre
sans péril… »
Le 2 novembre 1917, dans une lettre au banquier juif
étasunien Lionel Rothschild, Lord Balfour, ministre
anglais des affaires étrangères, promet la création en
Palestine d’un Foyer Juif. Il espère ainsi s’attirer les
bonnes grâces des banquiers juifs de New York, qui
étaient partagés entre l’Angleterre et l’Allemagne.
Comme l’Angleterre avait fait également des
promesses aux Arabes, toutes les conditions d’un
long conflit régional étaient en place. Il eut lieu, il
dure toujours et il durera encore longtemps.
Britanicorum mala fides magnissima est !
Monsieur Balfour était anglais.
Il voulait s’assurer l’appui
Des plus grands banquiers juifs et puis
Des Cheikhs arabes : s’il vous plait !
Alors il fit un deal parfait
Et à chacun il a promis
De donner le même pays…
…Monsieur Balfour était anglais !
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L’EnVers de l’Histoire de France
Le 17 novembre 1917, Georges Clemenceau, qui
avait déjà fait avorter la tentative de médiation du
prince de Bourbon Parme, forme un gouvernement
sur un projet très simple : « La guerre. Rien que la
guerre »…et quelques millions de morts de plus, au
passage.
Voilà pour 1917, année où à « l’arrière »,
l’« espionite » faisait rage. Mata Hari, une
malheureuse danseuse qui, pour arrondir ses fin de
mois, pratiquait à l’occasion le même métier que
mademoiselle Lulu, en fit les frais jusqu’à en perdre
la vie.
« Voici », me direz-vous, « une affaire troublante,
Obscure et mystérieuse, en un mot, excitante… »
Hélas il n’en est rien, c’est une triste histoire,
Celle de Geertruida et de tous ses déboires.
Elle était très jolie, elle avait mille amants
Et elle dansait nue provoquant des tourments
Aux âmes torturées des bourgeois patriotes
A qui se dérobait la belle polyglotte ;
Elle parlait français, allemand et anglais
Et russe un petit peu, bien sûr néerlandais
Mais elle ne s’offrait qu’à de beaux militaires,
Leur nationalité n’étant pas son affaire !
Entre autres elle aima Vadim, un jeune Russe
Puis Kalle, un espion qui venait de la Prusse ;
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L’EnVers de l’Histoire de France
Avec quelques Français, elle eut des aventures ;
Et puis des Anglais pour faire bonne mesure.
Une telle conduite est assez sympathique
A mes yeux, mais l’Europe est alors fanatique ;
Le temps n’est pas au flirt mais au nationalisme
Qui se nourrit, hélas, souvent de mysticisme.
Mata Hari devient un dangereux symbole,
Il convient au plus tôt d’abattre cette idole,
On invente une affaire, on lui monte un procès,
Au nom de la patrie et du peuple français.
Par un triste matin, près du fort de Vincennes,
Un noble peloton procède au rite obscène :
On la fusillera, à genoux et de dos
(Ainsi, de l’infamie, se porte le fardeau).
Le lendemain matin, un sinistre humoriste (53)
Racontant en détail cette histoire bien triste
Dit qu’« elle a succombé » (que les hommes sont
bêtes…)
« Comme elle avait vécu, c'est-à-dire en levrette ! »
Clemenceau gouverna jusqu’à la fin de la guerre,
jusqu’à la « victoire » alliée du 11 novembre 1918,
qui laissa l’Europe exsangue et consacra la
suprématie des Etats-Unis ; l’installation du
communisme bolchevique en Russie pour soixantedix ans ; et qui prépara le terreau sur lequel le
nazisme allait pouvoir se développer : quel succès !
268
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Georges Clemenceau avait beaucoup d’esprit et de
sens politique ; Avait-il également un réel sens
stratégique quand il poussa à l’humiliation de
l’Allemagne au congrès de Versailles ? Avait-il eu
également du bon sens en avril 1917 quand il torpilla
la tentative de médiation ? On peut en douter. Mais,
ce qui est certain, c’est que nul n’a plus de rues et
d’avenues que lui dans votre pays…
Voici un monument
Qui a connu l’argent
Le pouvoir, les affaires,
La passion et la guerre.
Il était médecin, il était journaliste,
Le « premier flic de France », antimilitariste :
« Trop grave, assurément », disait-il, « est la guerre
Pour qu’elle soit jamais confiée aux militaires ! »
Et pourtant en Dix-sept, on le vit belliciste,
Comme en Huit, il avait tiré sur les grévistes,
« L’honneur est tout pareil », s’écriait-il parfois,
« A la virginité : ça ne sert qu’une fois ! ».
Si en Mil neuf cent vingt, il quitta le pouvoir,
C’est que le parlement ne voulait pas le voir
A l’Elysée, par peur de son autorité,
De sa brutalité, de sa causticité.
Alors il entra à l’Académie Française
(Parmi les écrivains, il se sentait à l’aise)
Reitlag.fr
269
L’EnVers de l’Histoire de France
Il avait toujours eu l’amour du beau langage
Qu’il ne perdit jamais, jusque dans son grand âge.
Un jour à l’Assemblée on vit un député
Le questionner avec quelque agressivité :
« Ce problème, allez-vous donc le solutionner ? »
Clemenceau dit « Je vais m’en ‘occupationner’ ! »
Nous voici donc le 11 novembre 1918. Nous avons
traversé aussi vite que possible ces cinq années qui
ont détruit l’ancien monde pour en construire un
nouveau ; ni pire ni meilleur, malheureusement.
Le 28 juin 1919, fut signé en France le Traité de
Versailles, qui fixait les conditions de l’après guerre.
La France y était représentée par Clemenceau ;
L’Italie par Orlando ; les Etats-Unis par Wilson et
l’Angleterre par Lloyd George. Wilson voulait une
solution apaisée, à même de favoriser le commerce
mondial si utile aux Etasuniens ; Clemenceau voulait
une solution vengeresse tenant en deux mots :
L’Allemagne paiera ! Lloyd George résuma l’affaire,
tel qu’il est dit à la fin du petit texte que voici :
Il se fâche avec Clemenceau
Après la guerre quand il faut
Fixer le sort des Allemands.
Il aurait jugé plus prudent
D’être moins dur et nous savons
Aujourd’hui qu’il avait raison ;
Racontant ce débat, plus tard,
270
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Auquel Wilson avait pris part
Il a dit : « Je m’en suis tiré
Pas si mal car j’étais placé
Entre, vous l’avez bien compris,
Napoléon et Jésus-Christ ! ».
Est-ce cette mansuétude politique qu’il avait envers
l’Allemagne qui explique l’inclination que Lloyd
George eut plus tard envers le chancelier Hitler ? Je
ne me prononce jamais sur la psychologie des
Anglais. De Britannicis animam comprehendi non
potest !
La 1ère guerre mondiale instaura la suprématie des
Etats-Unis sur le monde. On estime à 20 millions, le
nombre total des morts de cette guerre : le nombre
des victimes étasuniennes s’élève à 100.000 : 0.5%
du total ! Et c’est à ce prix là que monsieur Wilson a
ramassé la mise ! Tiré les marrons du feu ? Non,
vous employez dans un sens courant mais erroné
cette métaphore. Ceux qui ont tiré les marrons du feu
– ce qui veut dire qu’ils se sont brulés les doigts –
c’est les Français, les Anglais et les autres : les
Etasuniens, eux, ils ont dégusté les marrons ...et ils
les digèrent encore.
L’Europe était en 1914 beaucoup plus puissante que
les Etats-Unis ; en 1918, elle ne l’était plus ; et elle
n’est pas près de le redevenir !
Monsieur Wilson avait donc bien fait d’engager dans
la guerre un pays qui ne voulait pas y aller. Il y a des
Reitlag.fr
271
L’EnVers de l’Histoire de France
visionnaires, dans ce pays ; monsieur George W.
Bush en est un autre exemple. Mais voyons qui est ce
monsieur Thomas Woodrow Wilson :
Quel bonheur car voici
Que nous vient d’Amérique
L’homme qui réunit
Morale et Politique
Thomas en son jeune âge était, à ce qu’on dit,
Aussi gai que le sont les dignes croque-morts ;
Il garda ce maintien tout au long de sa vie
Et même dirons-nous jusqu’au jour de sa mort.
Mais pour lui la morale était son guide unique
Et il voulut bien sûr en faire profiter
Tous les peuples vivant dans la grande Amérique
Et ceux habitant de plus lointaines contrées.
Ainsi, par deux fois, il envahit le Mexique,
Pour lui « enseigner la sainte démocratie » ;
Cette mission l’entraîne aussi en Dominique
Et puis, puisqu’il le faut, jusques en Haïti.
C’est la guerre en Europe ! Et les Américains
Veulent s’en préserver mais, grâce à Zimmermann
Et le message qu’il adresse aux Mexicains,
Wilson peut décemment, dans cette guerre insane,
Engager son armée, engager son pays
Pour faire triompher la bannière étoilée
272
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Dans les plis de laquelle une démocratie
Morale autant que vraie peut leur être apportée !
A Versailles alors, quand la guerre est finie,
Que se termine enfin cet épisode affreux,
Wilson mène le jeu de la démocratie
Et peut bien sûr tirer tous les marrons du feu *.
Sa vie privée était sainte comme un dimanche !
On sait qu’à Washington, Edith, sa digne épouse,
Pendant la guerre avait mis à la Maison Blanche
Un troupeau de moutons pour tondre la pelouse ;
Et la laine vendue par la Première dame
Avait été versée aux fonds de la Croix Rouge…
…Pendant ce temps, Thomas, comportement infâme
Rencontrait sa maîtresse en quelque secret bouge !
*
Car c’est souvent ainsi pour les grands de ce monde ;
Ils prêchent la morale, en ornent leurs affiches
Et mènent en cachette une conduite immonde…
…Mais comme vous bien sûr, pour ma part, je m’en
fiche !
Revenons en France au lendemain de la guerre.
En janvier 1920, le mandat du président Raymond
Poincaré arrivait à son terme. On s’attendait à ce que
le président fût Clemenceau, le « Père la victoire »,
mais il avait trop d’ennemis et ce fut Paul
Deschanel, un fin lettré et pur républicain qui fut élu.
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273
L’EnVers de l’Histoire de France
Monsieur Deschanel avait une forte élévation, mais
malheureusement aussi une certaine fragilité,
d’esprit. Un jour, il tomba du train et fut récupéré
tout ensanglanté par un garde barrière qui ne le
reconnut pas (en ce temps, les images ne circulaient
pas comme de nos jours). « Je suis le Président de la
république,» lui dit Deschanel. « Et moi la reine
d’Angleterre », lui aurait répondu le garde barrière.
Le garde barrière, confus a posteriori de cette non
reconnaissance, jugea bon de préciser malgré tout un
peu plus tard : « J'avais bien vu que c'était un
‘monsieur’ : il avait les pieds propres ! »
On dit aussi qu’un jour, voulant nourrir les canards
du bassin du château de Rambouillet, Deschanel
manqua s’y noyer. On décida alors que monsieur
Deschanel était fou et on envisagea de le destituer.
Attristé par tout ceci, Deschanel démissionna le 21
septembre 1920, après huit mois de présidence.
Clemenceau, son adversaire de toujours, dit :
« Monsieur Deschanel a un bel avenir derrière lui ! »
Je vais vous donner lecture de la notice nécrologique
de monsieur Deschanel, telle qu’elle est parue dans la
presse le 29 avril 1922.
D’un homme d’état, on n’exige pas
D’être intelligent
Au-delà de tout
Mais tout simplement,
Il ne vaut mieux pas
Qu’il soit au grand jour complètement fou
274
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
C’est un soir d’hiver que Paul Deschanel
Est né à Schaerbeek, tout près de Bruxelles
Et après une vie de politique
Il est président de la République.
Mais sitôt élu, son comportement
Est un peu étrange : En se promenant
Au bord d’un bassin, vite il s’y engage :
On l’en sort à temps, avant le naufrage...
Puis il prend le train, tombe sur la voie,
Erre un long moment dans son pyjama ;
Un homme le voit dans les héliotropes
Et le reconnaît : « Ses pieds étaient propres »
Après avoir eu huit mois de mandat,
Il renonce et n’est plus chef de l’état,
C’est bien malheureux car c’est rarement
Que l’on en connaît d’aussi amusants.
Les plus fous, je crois, de toute l’histoire,
(C’est vrai et pourtant c’est à n’y pas croire)
Plus que Deschanel, sont ses électeurs
Qui l’année d’après l’ont fait sénateur !
Il faut donc un nouveau président : c’est le président
du Conseil, Alexandre Millerand, qui est élu.
Monsieur Millerand, ancien socialiste radical, était
devenu très conservateur (c’est assez fréquent,
Mohammed). Sitôt élu, Millerand fait appel à
l’ancien président de la République, Raymond
Reitlag.fr
275
L’EnVers de l’Histoire de France
Poincaré, pour prendre la présidence du Conseil et se
fâche bien vite avec lui sur la question des pouvoirs
respectifs du président de la République et du
président du Conseil (c’est assez fréquent aussi…)
Chacun voulait voir ses pouvoirs renforcés ?
Comment avez-vous deviné, Mohammed ?
En juin 1924, Millerand se voit opposer une motion
de défiance, quand le « cartel des Gauches » fut
majoritairement élu. Le président Millerand nomme
le 8 juin un gouvernement minoritaire, celui de
monsieur François Frédéric-Marsal. Le 10, le
gouvernement est renversé et monsieur Millerand
démissionne.
Encore un président démissionnaire ! L’Assemblée
élit alors, le 13 juin 1924, un ancien président du
Conseil de 1914, Gaston Doumergue. Au cours de
son septennat, Doumergue allait avoir onze
présidents du Conseil, dont les inévitables Aristide
Briand et Raymond Poincaré, l’ancien président de la
république.
C’est sous la présidence de Doumergue que furent
engagés les travaux de la « Ligne Maginot », qui
allait si bien protéger votre pays, dix ans plus tard.
L’hypothèse sur laquelle travaillait l’état major
français était simple. La Belgique serait neutre ; les
Allemands, comme en 1870, n’oseraient pas la
traverser. Mais, disaient certains : « en 1914, ils ont
osé ». « Oui, leur répondait-on, mais ce Kaiser
Guillaume II était un frustre et un mal élevé ; les
276
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Allemands d’aujourd’hui, touchés par la grâce de la
démocratie, ne sont pas ainsi. »
Certains disent que le gouvernement était moins naïf
et qu’il voulait obliger les Allemands à passer par la
Belgique et à écraser ce petit pays, ce qui entraînerait
automatiquement l’entrée en guerre de l’Angleterre.
Génial, n’est-ce pas ? Je ne suis pas sûr que ce soit
l’avis des Belges…
Qu’a fait de marquant monsieur Doumergue durant
son septennat ? Voici, Mohammed, j’ai trouvé : il a
inauguré, le 15 juillet 1926, la Grande Mosquée de
Paris.
Et les femmes, Moussa ? Eh bien, monsieur
Doumergue, « Gastounet », comme on l’appelait
alors, fut le premier président de la République
(avant votre Président actuel) à se marier durant son
mandat. A l’âge de soixante-huit ans, il épousa une
jeune femme d’une cinquantaine d’années qui était,
disait-il, son amour d’enfance. Compte tenu de la
différence d’âge, monsieur Doumergue devait avoir
dans sa jeunesse des tendances pédophiles…
A l’issue du mandat de Gaston Doumergue,
l’Assemblée porta aux fonctions de président de la
République Paul Doumer, un ancien gouverneur de
l’Indochine qui était président du sénat. Que fit-il,
durant son mandat ? Pas grand-chose…on ne lui en
laissa pas le temps : le 7 mai 1932, il était assassiné à
coups de revolver par un Russe, Paul Gorguloff, qui
fut guillotiné l’année suivante.
Pardon,
Mohammed ?
« Voilà
un
communiste
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277
L’EnVers de l’Histoire de France
internationaliste du pays du prolétariat qui éliminait
un suppôt de la ploutocratie bourgeoise et qui est à
son tour victime de la répression réactionnaire… » ?
C’est très beau, ce que vous dites là,
malheureusement, Mohammed, Gorguloff était
membre du parti fasciste russe en exil…On a bien
fait de le guillotiner ? Vous voyez bien qu’il vous
arrive d’approuver la politique de votre pays !
Bon, exit Paul Doumer, si j’ose dire ; il fallait un
nouveau président. Ce fut Albert Lebrun, le
président du sénat, qui en huit ans de mandat fit
mieux que son prédécesseur Doumergue en ayant
seize présidents du Conseil successifs, dont entre
autres, Doumergue lui-même.
Lebrun accéda à la présidence à peu près en même
temps qu’Hitler accédait au pouvoir (30 janvier
1933) et il quittera ses fonctions à peu près au
moment où Hitler entrera dans Paris à la tête de ses
troupes.
En Allemagne, le président de la République était le
maréchal Paul von Hindenburg. En 1925,
Hindenburg avait été élu contre son compère de la
guerre, le général Erich Ludendorff, qui s’était
présenté sous l’étiquette du NSDAP, le
Nationalsozialistische deutsche Arbeiterpartei, futur
parti Nazi. Ludendorff n’avait obtenu que 1.1% des
suffrages ! En 1932, Paul von Hindenburg avait été
réélu contre Adolf Hitler (qui cette fois avait obtenu
30% des votes.)
278
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Quand dans notre récit survient soudainement
Un homme pétri des qualités de noblesse
Bien rares aujourd’hui, sur notre continent,
Ne lui demandons pas, en plus, de la finesse.
Il était un « Junker » (c’est un Noble prussien)
Et il en était fier, on le serait à moins.
Mais sa mère étant Suisse et d’aucune noblesse
Le petit Paul en eut une grande tristesse
Si bien que, de sa vie, jamais il ne cita
Le nom de cette mère arrivée de si bas.
Il était royaliste aussi, de tout son cœur
Et ne vivait jamais que pour le Kaiser.
Pendant la grande guerre, il s’offrit les lauriers
Que Ludendorff avait si durement gagnés ;
Et quand le kaiser fit son abdication
Il devint président (avec sa permission).
Pour ce noble prussien aimant tant le pouvoir
C’est « ErsatzKaiser » qu’on disait à Weimar
Quand on parlait de lui, doucement, à voix basse
(Car bien évidemment, il n’eût aimé « Ersatz ».)
Quelques années plus tard, la poussée populiste
Amena le pouvoir National-socialiste
Le président trouva un nouveau Kaiser,
Il le fit Chancelier : son nom était Hitler.
Reitlag.fr
279
L’EnVers de l’Histoire de France
Ainsi donc, à la suite des élections de 1932, le
président Hindenburg appela Hitler aux fonctions de
chancelier, ce qui inquiéta les gouvernements
européens et, en particulier, le gouvernement
français. Ce monsieur Hitler ayant exercé
indirectement le pouvoir sur votre pays durant cinq
ans, il convient que nous fassions avec lui plus ample
connaissance
Un jour, un jeune artiste
Devint un militaire ;
La suite fut bien triste :
Il s’appelait Hitler.
Il quitta ses pinceaux, son chevalet, ses toiles
Pour quatre ans de combat dans les tranchées
immondes ;
Dans la boue, dans le froid, veillé par les étoiles,
En une guerre qui embraserait le monde.
Peut-être est-ce l’effet du brutal traumatisme
De la guerre vécue mais Hitler de retour,
Plonge dans la violence et dans le fanatisme
Et bien vite répands le malheur alentour.
Que puis-je raconter qu’on ne sache déjà ?
Les tombes par millions sont là pour témoigner
Des crimes, des folies de ce dictateur là
(Sans compter ceux qui n’ont pas pu être enterrés.)
Mais en Hitler il reste des zones obscures,
280
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Ses origines sont douteuses, incertaines ;
De qui fut son vrai père, on n’est pas vraiment sûr :
On dit que du sang juif a coulé en ses veines !
En 1935, pour se prémunir contre l'Allemagne en
voie de nazification, le Président Lebrun et le
président du Conseil Barthou signent le traité francosoviétique d’assistance mutuelle avec Staline. Le
maréchal faisant partie de vos « icônes »,
Mohammed, mérite bien cette petite élégie :
Bénie
Soit la Russie
Qui au cours de l’Histoire
Nous offre des héros
Fins, raffinés et beaux
Qui nous rendent l’espoir !
*
Joseph était séminariste,
Voici un bon commencement !
Toujours les meilleurs communistes
Sont élevés dans les couvents.
Son père était fort oppressif ;
Voila qui est intéressant
Car si Joseph fut agressif,
Ceci provient évidemment
De cette enfance tourmentée ;
Il est mille psychanalystes
Reitlag.fr
281
L’EnVers de l’Histoire de France
Aujourd’hui pour en attester
(Je puis vous en donner la liste).
Il évolue, devient Marxiste,
Il entre au parti bolchevik
Et puis au Parti communiste
Dont il devient un fanatique.
Lénine est mort, Trotski chassé
Staline alors prend le pouvoir,
Fait table rase du passé :
« On va voir ce que l’on va voir ! »
Et l’on a vu : Pendant trente ans
Les purges, les assassinats,
Les déportations et les camps…
Tout ce qu’ici on admira !
Car il eut droit à tous honneurs,
Staline, ici, pendant ce temps
Car c’était bien pour leur bonheur,
Pour l’avenir de leurs enfants
Que Staline, le « Petit Père »,
Devait punir, de temps en temps,
Ses concitoyens de misère :
« Demain, on vivra en chantant !»
Il est mort et il fut pleuré
Par ceux qu’il avait fait souffrir :
C’est un trait de l’Humanité
282
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
D’honorer ceux qu’on voit partir…
Et aujourd’hui que reste-t-il
Dans nos mémoires oublieuses,
Dans nos mémoires volatiles,
De cette épopée merveilleuse ?
On déboulonna ses statues,
On a débaptisé ses places,
On a débaptisé ses rues…
…Cette ingratitude me glace !
En mars 1936, en réaction à ce traité, Hitler réoccupe
la Rhénanie. C’était de la part du chancelier un
véritable « coup de poker » car l’armée allemande
n’était pas prête. Alors qu’une simple « opération de
police », dit-on, eût pu alors mettre fin à cette
infraction aux accords de Locarno de 1925. A Paris,
le gouvernement Sarraut ne réagit pas. La dernière
chance d’empêcher la guerre avait sans doute été
perdue.
En juillet 1936, la guerre civile espagnole
commence ; elle durera trois ans et sera gagné par un
autre géant de l’époque, le général Francisco Franco.
Ce n’est pas parce qu’il choisit de se tenir à l’écart du
conflit mondial, que nous n’allons pas lui rendre
hommage :
Grâce à sa perspicacité
Et un peu d’opiniâtreté
Sa carrière a toujours été
Reitlag.fr
283
L’EnVers de l’Histoire de France
Menée dans la continuité.
Le petit Franco (« Paquito »)
Etait né dans une famille
Qui lui avait appris bientôt
L’union du sabre à la mantille,
Le sabre qu’on porte au combat
Contre toutes les républiques
Et la mantille que l’on voit
Aux saintes fêtes catholiques.
Le voici bien vite soldat
En Afrique où il est connu
Pour son ardeur dans les combats
Et sa cruauté bienvenue
Envers l’ennemi indigène
A l’égard de qui il applique
Sans état d’âme ni sans gêne
Et d’une façon mécanique
Les mêmes manières que lui :
Ainsi ses soldats violent, pillent,
Mais seulement chez l’ennemi ;
Ils ont le sens de la famille.
Puis Franco devient responsable
De l’Académie militaire ;
Ses décisions sont admirables,
On ne doit pas ici les taire :
284
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Pour éviter que ses soldats
Ne forment des « couples » coupables
Qui pourraient se livrer parfois
A des actes abominables
Il décide que les chambrées
Comporteront toujours trois lits…
…Certains pourraient imaginer
Qu’aux soldats, il offrait ainsi
Les plaisirs des amours de groupe
Qui sont, dit-on, si envoûtants
Et qu’on aime tant dans la troupe…
…Mais je n’y crois pas un instant,
Il a trop de moralité
Ce si rigoureux Espagnol
Pour qu’en lui, puissent s’abriter
Des pensées troubles et frivoles.
Et puis voici la République
Par Satan, régime inspiré ;
Et pour l’Espagne catholique
Franco se doit de se lever !
Il se lève et lève une armée,
Fait la guerre et prend le pouvoir ;
La dictature est instaurée :
C’est son droit car c’est son devoir.
Reitlag.fr
285
L’EnVers de l’Histoire de France
Pour ça, il est un peu aidé
Par Mussolini, par Hitler ;
Quand on doit trouver des alliés,
A tous, ils peuvent ne pas plaire.
Et voici la guerre mondiale,
Il reste neutre et réservé
Car il eût pu être fatal
A l’Espagne de s’engager ;
Mais quand on a de vieux amis
Et que l’on sait ce qu’on leur doit,
L’aide qu’un jour ils ont fournie,
Il faut bien sûr, comme il se doit,
Un peu renvoyer l’ascenseur,
Leur rembourser ce qui est dû ;
Ce n’est qu’une question d’honneur,
C’est un prêté pour un rendu.
Alors il doit aider un peu
Les Italiens, les Allemands
Et, à l’armistice ne peut
Eviter le ressentiment
Des Alliés, vainqueurs de la guerre ;
Mais la Guerre Froide survient
Et ce courroux ne dure guère
Puis bientôt les Américains
De Franco se font un ami ;
286
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Et lui, il continue sa route,
Trente-cinq ans sans grand souci,
Sans regret et sans même un doute.
Isabelle la Catholique
Fernando Trois, Torquemada
Les plus grands héros ibériques
Seraient fiers de cet homme là.
En octobre 1936, le duce Benito Mussolini, fâché que
la France et l’Angleterre ne le laissent pas mener sa
politique coloniale (alors que ces deux pays ne se
gênaient pas pour conduire la leur et que Mussolini
s’était pourtant engagé à ne pas marcher sur leurs
plates-bandes…), se rapproche d’Hitler. Je vous ai
présenté MM Staline, Hitler, Franco ; je manquerais
à mes devoirs si j’omettais de vous conter qui était
Benito Mussolini.
Il est parfois ardu de bien tenir la route,
De suivre son chemin d’une façon adroite ;
On commence gaiement, on finit en déroute,
On entreprend à gauche et l’on termine à droite.
Dans un petit village, en Romagne, il naquit
Et vite, en politique, il devint socialiste
Avant que d’être exclu du sein de son parti,
Et savez-vous pourquoi ? Pour actes de gauchisme !
Benito en ce temps est fervent pacifiste ;
Et il s’oppose à la conquête de Libye
Reitlag.fr
287
L’EnVers de l’Histoire de France
Mais la guerre survient : Il devient belliciste ;
Ca change son histoire et le cours de sa vie.
Il a de l’ambition, il aime le pouvoir
Ses escouades attaquent tout ce qui résiste ;
Il marche alors sur Rome et ses « chemises noires »
Offrent à leur « Duce » un triomphe fasciste.
Il n’aime pas Hitler : « C’est un polichinelle ! »
Dit-il quand il le voit pour la première fois
« C’est un fou et, en plus, un obsédé sexuel ».
Son avis était sain, à tout le moins, parfois.
Mais quand il fait la guerre en Afrique, en Libye,
La France et l’Angleterre aussitôt lui reprochent
Son besoin impérieux d’avoir des colonies
(On ne sait trop pourquoi car ces amis si proches
S’étaient bien peu gênés dans un passé récent
Pour découper l’Afrique et se la partager
Mais, ce que l’on s’accorde, il faut évidemment
Le refuser à l’Autre : ainsi va l’équité !)
Alors il est fâché et tombe dans les bras
D’Hitler et des Nazis et se laisse entraîner
Dans une guerre affreuse où il ne brille pas,
Où son pauvre pays finit par succomber.
Il n’était pas Nazi quoique totalitaire ;
Il n’était pas raciste et des Juifs par milliers,
De France en Italie ont fui pendant la guerre
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Et grâce à Benito ont pu être sauvés.
Et puis, l’allié d’Hitler a connu deux maîtresses,
D’abord Angelica et puis Margherita,
Et ces femmes pour qui il eut tant de tendresse
Etaient Juives… La vie, c’est parfois comme ça !
Et voilà : les acteurs et les ingrédients d’une belle
guerre mondiale étaient réunis ; il ne manquait plus
que l’étincelle. Heureusement, votre pays avait sa
ligne Maginot.
*
En mars 1938, Hitler décide du rattachement de
l’Autriche à l’Allemagne, l’anschluss, approuvé
après coup par un plébiscite largement favorable. En
septembre, c’est la Tchécoslovaquie et la conférence
de Munich. Les alliés concèdent à Hitler le droit de
s’emparer d’une partie de la Tchécoslovaquie, la
région germanophone des Sudètes. Il le fait et, dans
la foulée, installe un pouvoir favorable à Prague
(Contrairement à ce qui est trop souvent dit, l’accord
de Munich ne portait que sur les Sudètes et par sur
l’ensemble de la Tchécoslovaquie.) Le ministre
français qui participait à la délégation était Edouard
Daladier.
Un mot parfois suffit
A votre renommée ;
Je vais vous dire ici
Reitlag.fr
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L’EnVers de l’Histoire de France
Celui de Daladier
Un beau jour de Trente-huit, il avait pris le train
Pour Munich, pour y voir le chancelier Hitler ;
Il y accompagnait Neville Chamberlain :
Le but de ce voyage est d’empêcher la guerre.
On connaît l’aventure, on en connaît l’issue.
On parle, on négocie, on tente et on s’incline ;
On a le déshonneur et son mouchoir dessus
Et l’on rentre au pays triste et d’humeur chagrine.
C’est une foule en liesse à l’arrivée du train
Qui l’attend à Paris, chantant à l’unisson
Son grand soulagement en mille et un refrains…
…Daladier doucement a murmuré : « Les cons … !»
*
En 1939, la guerre qui devait arriver, arrive.
L’Allemagne s’empare, directement ou au travers de
gouvernements favorables, de nombreux territoires
en Europe centrale, ne soulevant que des
protestations ; puis, le 1er septembre, des soldats
allemands déguisés en Polonais, sabotent un poste
frontière allemand. C’est une ruse d’une Kolossale
finesse qui ne trompe pas grand monde mais qui
justifie que l’Allemagne envahisse la Pologne.
290
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Mes amis, je ne vais pas vous raconter la guerre de
39-45. Pourquoi ? Parce que c’est trop long et trop
compliqué. Allons à l’essentiel : il y a les Bons et les
Méchants ; the good guys and the bad guys.
-
-
-
-
Les Méchants, c’est l’Allemagne et le
Japon,
Les Bons, c’est L’Angleterre (!)
Les Méchants devenus Bons : c’est les
Soviétiques, devenus Bons à partir de juin
1941, date où ils sont attaqués par
l’Allemagne (avant, ils étaient Méchants, en
raison du pacte germano-soviétique) : c’est
l’Italie, chez les Bons à partir d’avril 1944
(il était temps…) et chez les Méchants
auparavant.
Les Neutres devenus Bons : c’est les EtatsUnis, à partir du 7 décembre 1941, quand le
Japon les attaque à Pearl Harbor ; et du 8
décembre, quand l’Allemagne leur déclare
la guerre.
Les Neutres Méchants : c’est l’Espagne,
amie de l’Allemagne et de l’Italie mais qui
ne prit pas part aux combats (avec trois ans
de guerre civile, elle avait déjà largement
donné…)
Les Neutres Neutres : c’est la Suisse, coffrefort du monde, qui gardait aussi bien les
avoirs des Juifs que ceux des Nazis...et qui
dispose aujourd’hui des avoirs que ni les uns
ni les autres ne sont venus réclamer !
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291
L’EnVers de l’Histoire de France
-
-
-
Les Neutres Bons : c’est le Vatican, qui
préservait un havre de paix pour la sainteté
et la méditation, et qui est un état auquel j’ai
l’honneur d’appartenir aujourd’hui.
Les Petits Malins : c’est ceux qui entrèrent
en guerre quand la victoire ne faisait plus de
doute, tels que l’Argentine qui déclare la
guerre à l’Allemagne le 27 mars 1945, soit
34 jours exactement avant le suicide
d’Hitler !
Les Pas Clair : c’est la France, mes pauvres
amis, qui était à la fois chez les Méchants
avec le gouvernement de collaboration de
Vichy et chez les Bons avec le
gouvernement en exil à Londres.
Au bout du compte, les Bons ont gagné (c’est
toujours les « bons » qui gagnent puisque ce sont les
vainqueurs qui distribuent les bons points…) ;
certains Méchants sont devenus définitivement
Bons : L’Allemagne, l’Italie, la France, le Japon ;
d’autres Méchants, devenus provisoirement Bons,
sont redevenus Méchants pour un certain temps :
l’URSS, jusqu’à sa chute en 1991.
Aujourd’hui, tout le monde est Bon et il n’y a plus de
guerre. Pardon, Mohammed, il y en aurait encore ?
Que voulez-vous, au Vatican, comme Pie XII durant
le conflit, nous sommes toujours plongés en oraison ;
nous n’avons pas le temps de regarder les Actualités.
292
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L’EnVers de l’Histoire de France
Je vais quand même vous parler de la politique
française pendant la guerre, puisque c’est notre sujet.
L’armée française était commandée en 1940 par un
général aussi génial que bien de ceux qui l’ont
précédé : le général Maurice Gamelin. Ce brillant
élément de l’école de guerre française, mérite que
l’on s’intéresse un instant à son cas.
Quand le vent du printemps
Souffle par rafales
Il lui faut peu de temps
Pour emporter, sans gène
Les feuilles de chêne.
Ça lui fut fatal !
*
C’était le plus intelligent,
Le plus fin, le plus cultivé
Et quand il s’adressait aux gens,
Il se montrait bien élevé.
Il fut brillant dans ses études
Puis fut un bon exécutant
En Quatorze (époque si rude)
Et ses chefs en étaient contents.
Alors grâce à l’ancienneté
(La grande vertu militaire
Qui cache l’incapacité),
On lui confia l’Armée de Terre
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293
L’EnVers de l’Histoire de France
En Trente Neuf et sans façon
Il fit preuve des qualités :
L’hésitation, l’indécision,
Qui le rendaient si distingué.
Puis en Quarante, le dix mai,
Le conflit soudain se déchaîne :
Pendant neuf jours, il est terré
Au cœur du château de Vincennes !
L’armée française est écrasée
Et Gamelin propose encore
Les réflexions sophistiquées
Que son beau cerveau élabore.
Le dix-neuf, il est dégradé
Et il perd son commandement
Que Paul Reynaud a attribué
La veille au général Weygand.
Il commanda moins de dix jours,
C’est vraiment une performance ;
C’est un record qui tient toujours
Au tableau de l’incompétence.
Le 10 mai 1940, l’Allemagne attaque en effet la
France ; le 23 juin, Hitler est à Paris. Entre-temps,
près de 70.000 soldats français sont morts ;
courageusement, et pour rien.
Le 16 juin, le colonel de Gaulle, qui avait été nommé
le 5 du même mois sous-secrétaire d’Etat à la guerre
294
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
dans le gouvernement de Paul Reynaud, téléphone
de Londres au président du Conseil le texte de la note
de Jean Monet sur le projet de fusion anglo-français
dans une seule nation : The Anglo-French Unity (54).
Vous imaginez, mes amis ? Avoir fait la guerre à
l’Angleterre pendant plus de dix siècles pour
fusionner ainsi ? Par bonheur, monsieur Reynaud ne
donne pas suite à cette folie : il démissionne ! Le
président Lebrun charge alors le maréchal Philippe
Pétain des fonctions de président du Conseil.
Le 18 juin, Charles de Gaulle lance son célèbre
appel. Charles de Gaulle est sûrement un magicien ;
en effet, presque personne n’a entendu son appel ce
jour là (personne n’écoutait encore la radio anglaise
dont les conditions de réception en France étaient, au
demeurant, très mauvaises), mais presque toute la
France s’est souvenue, au lendemain de la guerre,
l’avoir entendu ! Si ce n’est pas de la magie, ça ?
Le 10 juillet, l’Assemblée Nationale, réunie à Vichy,
attribue par 569 voix sur 649 présents (170 sont
absents) au président Pétain et à son gouvernement
« tout pouvoir…à l’effet de promulguer par un ou
plusieurs actes une nouvelle constitution de l’État
français. Cette constitution devra garantir les droits
du Travail, de la Famille et de la Patrie. »
L’Assemblée Nationale avait donc décidé très
majoritairement de mettre fin, plus ou moins
légalement (55), à la Constitution de la Troisième
République : ce fut la naissance de l’Etat Français.
Philippe Pétain était aussi un magicien…mais, à
l’envers. En 1940, toute la France, à très peu
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295
L’EnVers de l’Histoire de France
d’exceptions près, était derrière lui ; à la fin de la
guerre, plus personne ne se souvenait l’avoir
soutenu… Magic, isn’t it ?
Parfois la vie est bien cruelle
De permettre au pauvre mortel
De faire un peu plus que son temps
Et de vivre un peu trop longtemps.
*
D’abord un brillant militaire,
On lui confie, pendant la guerre,
Après Joffre, Foch et Nivelle
(Dont les actions exceptionnelles
Avaient valu à nos armées
D’être enfermées dans leurs tranchées
Malgré l’offensive à outrance,
Qui faisait l’honneur de la France
Mais jetait sans utilité
Au sol, les soldats par milliers)
Le commandement des armées ;
Et il s’en est fort bien tiré.
Il a regagné la confiance
Des Poilus, soldats de la France
Et, en Dix-huit, c’était fatal,
Le voici nommé maréchal !
L’académie française alors
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
L’accueille bien sûr en son corps
Et puis enfin, ce vieux garçon,
Epousera madame Hardon.
(Il avait soixante cinq ans
Mais attendait depuis vingt ans
Qu’elle dît « oui » ; quelle constance !...
…Mais il n’eut pas de descendance !)
Après une vie de labeur
Couronnée par tous les honneurs
Il aurait pu se reposer
Sous sa couronne de laurier…
…Bientôt, hélas, voici Quarante
Et le retour de la tourmente
Et, pour surmonter la défaite,
Il faut une nouvelle tête.
Pour signifier le renouveau,
Vite, nommez un jouvenceau
Au gouvernement, au pouvoir,
Pour triompher des heures noires !
Il n’a que quatre-vingt quatre ans !
Alors c’est lui, évidemment
Que l’on rappelle et que l’on met
Au sommet de l’Etat Français.
Je ne vous dirai pas la suite,
Les quatre années avant la fuite,
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297
L’EnVers de l’Histoire de France
Sigmaringen et les adieux
Et puis l’exil sur l’île d’Yeu.
*
On respecte trop le grand âge
Car la vieillesse est un naufrage ;
Mais fallait-il qu’il entraînât
La France en ce naufrage là ?
L’Histoire de France, entre 1940 et 1945, se déroula
entre La France Libre, à Londres ou en Afrique, la
zone occupée et la zone non occupée (jusqu’au 11
novembre 1942), contrôlée par le gouvernement de
Vichy.
Tout d’abord, Pétain (qui avait été nommé chef de
l’Etat Français) confie le gouvernement à Pierre
Laval, un riche homme politique qui avait déjà été
président du Conseil et qui est favorable à une
franche collaboration avec l’Allemagne : il déclare le
22 juin 1942 : « Je souhaite la victoire de
l’Allemagne, parce que sans elle le bolchevisme,
demain, s’installerait partout. » Il mit donc en œuvre
cette collaboration loyale et prêta la main aux
Allemands dans leur politique d’antisémitisme
systématique.
Aux courses, à Vichy,
On choisit son cheval
Et si l’on s’est mépris
Le sort devient fatal.
298
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
L’épicier auvergnat gagna beaucoup d’argent
Et de la presse il fut le maître incontesté ;
Pétain le nomma chef de son gouvernement
En Quarante alors que le pays fut tombé
Aux mains des Allemands.
Il a choisi son camp, c’est celui des vainqueurs
Et lorsqu’il est chassé, Hitler veut son retour
Et Pétain le rappelle alors à contre cœur :
La collaboration s’établit sans détour
Selon son sentiment.
Le pari est risqué, le pari est perdu,
Les armées des Alliés ont repris le terrain,
Le sort s’est renversé, l’Allemagne est vaincue,
Laval sera alors, par un petit matin
Fusillé, simplement.
Le chef de l’état s’était, en effet, séparé de Laval en
décembre 1940 et avait appelé alors brièvement au
gouvernement Pierre-Etienne Flandin, puis
François Darlan. Darlan était un pragmatique qui
cherchait à savoir dans quelle direction soufflait le
vent. C’est Laval, lui-même qui disait de lui le 22
juin 1942 : « Darlan lisait les communiqués tous les
matins afin de savoir quel camp choisir dans la
journée, pour ou contre l’Allemagne. Je ne m’occupe
pas des communiqués : je mène une politique dont
rien ne me fera changer ». Darlan, avait été remplacé
par Laval en avril 1942 à la demande des
Allemands ; il tenta, en décembre 1942, de se rallier
Reitlag.fr
299
L’EnVers de l’Histoire de France
aux Etasuniens qui avaient débarqué en Afrique du
Nord, mais fut alors assassiné.
Si trop tourne le vent
S’affole la girouette
Qui malheureusement
Perd la tête.
C’est un républicain, un brillant patriote,
Un marin avisé, amiral de la flotte,
Mais la guerre survient, alors François Darlan
Au soir de la défaite entre au gouvernement.
Il n’a pas d’idéal, il n’a pas de passion
Mais prend le parti de la collaboration
Car il lui semble qu’il faut suivre les vainqueurs
Si l’on veut du pays limiter le malheur
Et puis, également, il aime le pouvoir
Et il se dit bien sûr qu’il sera temps de voir
Comment tourne le vent, avant de décider
Définitivement en quel sens s’engager.
Comme il veut ménager les autres et les uns,
Auprès des Allemands il se rend importun
Et sur ordre d’Hitler, le voici renvoyé
Et par Pierre Laval il sera remplacé.
Le hasard est étrange et le voici parti
Pour voir son fils malade, alors en Algérie,
Et c’est à ce moment que le débarquement
300
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Par les Américains a lieu soudainement.
Darlan est arrêté puis vite relâché
Par les Américains qui ne sont pas fâchés
De trouver en ce lieu un interlocuteur
Qui, d’un renversement, pourrait être l’acteur ;
Il l’est et il s’engage au côté des alliés,
Il ordonne à la Flotte alors d’appareiller,
De rejoindre l’Afrique (or l’amiral Laborde
A ce même moment fait qu’elle se saborde !)
Et en Quarante deux, la veille de Noël,
Un jeune résistant, Bonnier de la Chapelle
D’un coup de revolver porté en pleine tête
Mit fin aux mouvements de Darlan la Girouette.
Au sujet des états demeurés neutres un certain temps
(les Neutres devenus des Bons), il convient de noter
que l’URSS conserva des liens diplomatiques avec le
gouvernement de Vichy jusqu’en avril 1941, les
Etats-Unis,
jusqu’en
novembre
1942 ;
le
Vatican…jusqu’au bout !
Fin août 1944, alors que les alliés avaient débarqué
en Normandie, Pétain et ses proches sont emmenés
par les Allemands à Sigmaringen. Charles de Gaulle
entre à Paris et prend la tête du gouvernement. Nous
traiterons de ce personnage dans le prochain chapitre,
celui des quatrième et cinquième Républiques.
Reitlag.fr
301
L’EnVers de l’Histoire de France
*
Bien que notre sujet soit l’Histoire de France, mes
enfants,
intéressons-nous
un
instant
aux
conséquences globales de ce conflit. Nous avions vu
les exploits de Napoléon ; ceux des armées de la
Grande Guerre ; et bien, mes amis, tout cela est
dépassé, surpassé.
Au total, la guerre fit à travers le monde, civils et
militaires confondus, près de 60 millions de morts :
300.000 Etasuniens ; 400.000 Anglais ; 500.000
Français ; 2 millions de Polonais ; 2 millions de
Japonais ; 4.5 millions d’Allemands ; 9 millions de
Chinois ; 20 millions de Soviétiques etc…(56) ; les
Nazis exterminèrent 6 millions de juifs ; les
bombardements alliés obtinrent, en 24 heures, des
résultats étonnants : par exemple, entre 35.000 et
100.000 victimes à Dresde (où il n’y avait pas de
troupes allemandes ni de sites stratégiques (57)) ; et
puis, au Japon, respectivement plus de 100.000 et
60.000 victimes pour les bombardements de
Hiroshima et Nagasaki. Difficile de faire mieux,
Mohammed ? N’oubliez pas la mâle sentence de
Charles le Téméraire : « Nul n’est besoin d’espérer
pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Ne
désespérez pas : Omnis possibilis est !
Nous parlions d’Hiroshima et Nagasaki. En effet,
pour mettre fin à la guerre sur le front d’Orient, les
Etasuniens mirent en œuvre de nouvelles techniques
à même de surpasser un jour les « scores » de 39-45 :
302
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
les bombes atomiques. Un poète inspiré et rayonnant
( !) a célébré cette innovation, en une ode à la
première bombe de cette nature, qui avait été
joliment baptisée Little Boy et qui fut lâchée au
dessus d’Hiroshima le 6 août 1945 :
Tu étais jeune encor, tu étais bien menu
Mais on fondait sur toi les plus brillants espoirs ;
Il faut bien dire ici qu’on ne fut pas déçu
Quand en un bref instant, tu plongeas dans le noir
De la mort, cent vingt mil japonais inconnus.
*
Deux jours après ceci, Staline entrait en guerre
Contre les Japonais (ceci fut décidé
A Yalta mais bien sûr, tu ne t’en soucies guère,
Seule comptait pour toi ton efficacité).
Ainsi monsieur Truman, décidé d’en finir
Au plus vite et surtout de ne rien partager
Avec monsieur Staline déclencha le délire
Atomique afin de mieux exploiter la paix.
Et tu ne fus pas seul, on te donna un frère,
« Fat Man » était son nom, un nom vraiment exquis ;
Deux jours après toi il entra dans la carrière
En illuminant le ciel de Nagasaki.
Tu as beaucoup d’enfants (on dit plus de vingt
mille…),
Ceci est rassurant, cette longue lignée
Reitlag.fr
303
L’EnVers de l’Histoire de France
Permettra de traiter au moins vingt mille villes
Le jour où l’on aura renoncé à la paix.
*
Mes enfants, après cette éprouvante étude de la
seconde guerre mondiale, je vous invite à aller vous
recueillir sur la tombe du soldat inconnu, place
Charles de Gaulle, au pied de l’Arc de Triomphe
qu’entreprit Napoléon et que termina Louis-Philippe.
Tous les soirs à 18 heures, il y un lever des couleurs
très émouvant. Le soldat inconnu est juste en haut de
l’avenue de la Grande Armée. C’est judicieux, avec
les 500.000 morts de Napoléon lors de la campagne
de Russie : directement du producteur au
consommateur, si l’on peut dire.
304
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Chapitre XV
LA QUATRIEME ET LA
CINQUIEME REPUBLIQUES
Alors, mes amis, cette tombe du soldat inconnu ? Ce
lever des couleurs ? Vous n’avez pas pu voir ? Il y
avait trop de Japonais qui se pressaient autour…et
qui avaient laissé tous leurs sacs à main et sacs de
voyage dans le bus ; et le chauffeur était parti boire
un verre ; et est-ce que les sacs Vuitton ® se
revendent bien aux puces ? Je ne sais pas, mon
pauvre ami, je n’y ai jamais vendu que des
chandeliers, des bénitiers et des prie-dieu !
Et moi ? Oh, j’aime beaucoup les arcs de triomphe
mais, vous connaissez ma modestie. Je me contente
de modèles plus petits comme celui que je suis allé
admirer à la Porte Saint-Denis…oui, oui, juste en
face de la rue Saint-Denis. Pourquoi me demandezvous cela, Moussa ?
Reitlag.fr
305
L’EnVers de l’Histoire de France
*
Mais, revenons à notre affaire. Paris est libéré et
commence l’ « épuration ». L’épuration, c’est un peu
comme l’Inquisition, sauf que les gens n’étaient pas
brûlés : ils étaient fusillés. Et qui fusillait-on ? Eh
bien, les méchants, d’abord. Ceux qui avaient
collaboré et commis des crimes : dénoncé des
patriotes, livré des Juifs, spolié les prisonniers etc….
Et puis, il y avait aussi tout ceux qu’il pouvait être
utile d’éliminer : pour leur prendre leur maison, leur
femme, leur argent. Une petite dénonciation arrange
souvent bien les choses. C’est comme cela que vous
avez mis hors circuit Amadou qui avait des visées sur
mademoiselle Lulu, Moussa ? Et vous n’avez pas
signé la lettre anonyme de dénonciation ; vous êtes
vraiment très habile.
Environ 40.000 personnes furent ainsi fusillées, après
jugement ou pas
Il y avait aussi une spécialité, lors de l’épuration, qui
était de raser la tête des femmes qui avaient eu des
relations charnelles avec des Allemands, que ces
relations fussent amoureuses ou vénales. Ah, vous
trouvez que dans le second cas c’est fâcheux,
Moussa ? Vous êtes un grand sentimental.
306
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Après l’épisode de l’épuration, il fallut gouverner et
reconstruire. Le chef du Gouvernement Provisoire de
la République Française est Charles de Gaulle qui
organise en octobre 1945 l’élection d’une assemblée
constituante. Cette élection est largement gagnée par
le Parti Communiste et, en janvier 1946, de Gaulle,
mis en minorité, démissionne et est remplacé par
Léon Blum.
En janvier 1947, la constitution de la Quatrième
République a été adoptée et Vincent Auriol est élu
président. Sous sa présidence de sept ans, Auriol aura
quatorze présidents du Conseil soit, en moyenne,
deux par an !
A l’issue du mandat de Vincent Auriol, en janvier
1954, René Coty fut brillamment élu au treizième
tour de scrutin ; il est parfois encore plus difficile
d’élire un Président à Paris qu’un pape à Rome !
Coty ne présida que cinq ans mais eut quand même
huit présidents du Conseil. Parmi ceux-ci, Pierre
Mendès-France se fit remarquer en réglant au
moins mal la sortie de l’Indochine ; sur l’Algérie, son
avis était plus tranché. Il disait le 12 novembre
1954 : « Jamais la France, aucun gouvernement,
aucun Parlement français, quelles qu'en soient
d'ailleurs les tendances particulières, ne cédera sur
ce principe fondamental. [...] ici c'est la France. »
C’était aussi l’avis de son ministre de l’Intérieur,
François Mitterrand qui s’était écrié sept jours plus
tôt à l’Assemblée : « L’Algérie, c’est la France !»
Verba volent !
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307
L’EnVers de l’Histoire de France
En 1958, ça « bastonnait grave », pour reprendre
votre vocabulaire, mon cher Mohammed, en Algérie.
Vos ancêtres ne comprenaient pas pourquoi ils
étaient français sans l’être tout en l’étant. Sans doute
les bons pères qu’on leur avait envoyés n’étaient-ils
pas assez jésuites. Bref, après de nombreux heurts, ils
décidèrent qu’ils ne voulaient plus être ce qu’ils
n’étaient pas tout en l’étant quand même et ils
demandèrent l’indépendance. En France, certains
étaient pour, d’autres contre.
Le 13 mai 1958, le général Massu, qui se prenait
pour Robespierre et qui exerçait par délégation du
gouvernement les pleins pouvoirs en Algérie, prend
la tête d’un « Comité de Salut Public » à Alger. Le
général Salan, qui commandait l’armée d’Algérie se
rallie et la République est sous la menace d’un
« putsch ». Alors, pour calmer le jeu, monsieur Coty
appelle monsieur de Gaulle et le nomme président du
Conseil. A ce sujet, je me demande bien pourquoi on
parle toujours du « général » de Gaulle (on dit même
Le Général, en parlant de lui) alors qu’il n’était que
colonel au moment de la guerre (58), que sa
nomination à titre provisoire au grade de général a
été annulée après 22 jours seulement et que, dans ses
fonctions de président du Conseil ou de Président de
la république, il agissait en tant que civil et non en
tant que militaire…mais, ça n’a que peu
d’importance ; on appelle bien notre président il
Cavaliere, alors qu’il monte moins sur des chevaux
308
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
que sur des natures particulières de juments…Oh !
Excusez-moi, Marie-Eudoxie !
En janvier 1959, de Gaulle est élu Président de la
république et il prend comme Premier ministre
(nouvelle appellation du chef du gouvernement)
Michel Debré.
Le 22 avril 1961, un groupe de généraux prend le
pouvoir en Algérie et menace de le prendre à Paris.
De Gaulle, qui avait le sens du théâtre, ressort de la
naphtaline son vieil uniforme et vient, ainsi accoutré
(la réglementation très stricte sur l’uniforme et son
port ne prévoyait pourtant pas explicitement qu’il pût
être ainsi revêtu par un Président de la république à la
télévision…), faire un discours sur les chaînes de la
Télévision Nationale. Le Premier ministre, qui ne
voulait pas être en reste sur le terrain de l’emphase,
prononce un discours radiotélévisé où il invite ses
concitoyens, « dès que les sirènes retentiront » à «
se rendre à pied ou en voiture » aux aéroports pour
« convaincre les soldats trompés de leur lourde
erreur… ». Les sirènes n’ont pas retenti. Si ça avait
été le cas, la France eût peut-être été sauvée par ce
grandiose élan populaire…mais les records
d’embouteillage eussent sans nul doute explosé !
« A pied, à cheval, en voiture
Arrêtez les soldats trompés !
Dans vos autos, sur vos chaussures,
Interrompez cette aventure ! »
S’est écrié monsieur Debré.
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309
L’EnVers de l’Histoire de France
Terrorisés par cette menace, les généraux félons
renoncent à débarquer à Paris : la République est
sauvée !
La guerre d’Algérie dure jusqu’en 1962 ; vos
ancêtres étaient coriaces, Mohammed. Il faut dire
qu’ils
étaient
soutenus
financièrement
et
militairement par les régimes marxistes, ce qui doit
vous faire plaisir, mais peu par les mouvements
islamistes, qui n’étaient hélas pas encore à la mode à
l’époque. Le 18 mars 1962, les « accords d’Evian »
scellent l’indépendance de l’Algérie, indépendance
qui sera effective en septembre après une guerre qui
aura fait, au total, plusieurs centaines de milliers de
victimes. Depuis lors, la France n’est plus
directement en guerre contre quiconque, si ce n’est
au travers d’alliances. Près de 50 ans sans guerre,
mes amis ! Cela n’avait jamais existé. Comment la
belle jeunesse de votre pays peut-elle encore se
défouler ? Oui, Moussa, il y a le football…
On les avait conquis, mais c’était pour leur bien ;
Et puis, cent ans plus tard, on leur a expliqué
Qu’ils étaient tous, bien sûr, complètement français
A quelques détails près, juste des petits riens.
Ils n’étaient pas contents
Et ils se sont fâchés
Alors, on a signé
Des accords à Evian.
310
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L’EnVers de l’Histoire de France
En octobre 1962, de Gaulle propose la modification
du mode d’élection du Président de la république,
question d’ordre constitutionnel. L’Assemblée s’y
oppose et renverse le gouvernement. De Gaulle
décide alors de faire adopter cette disposition par la
voie référendaire prévue à l’article 11 de la
Constitution. Or, le referendum ne pouvait
s’appliquer qu’à des lois ordinaires et non à des lois
constitutionnelles. Le président du sénat, Gaston
Monnerville, parle de « forfaiture » et saisit le
Conseil Constitutionnel. Celui-ci, dans une décision
où le jésuitisme le dispute à la prudence, se déclare
incompétent, disant que la décision du peuple justifie
a posteriori la procédure employée quand bien même
celle-ci eût été illégale a priori…c’est beau, la
dialectique ! Pulchra est dialectica !
Et comment était constitué alors le Conseil
Constitutionnel, Mohammed ? Eh bien, sur les dix
membres siégeant, sept avaient été nommés par de
Gaulle ou par son parti. Je ne vois pas le sens de
votre question, mon petit…
Si la loi m’empêche ceci,
Je ne m’arrête pas pour ça
Et je vais transformer, ici
Et maintenant, cette loi là !
Je commets une forfaiture
Mais quand soixante millions d’hommes
Sont avec moi dans l’aventure
Reitlag.fr
311
L’EnVers de l’Histoire de France
Ça s’appelle un referendum !
Aujourd’hui et depuis ce jour, les présidents sont élus
directement par le peuple. Ce fut le cas de MM De
Gaulle (pour son second mandat), Pompidou, Giscard
d’Estaing, Mitterrand, Chirac et Sarkozy. C’est un
immense progrès qui a permis à la société médiatique
de s’imposer, au « show » télévisuel de remplacer le
débat d’idées et à l’émotion de remplacer la raison.
Rien que pour ça, de Gaulle doit être béni !
Les amours
Sont plurielles,
L’Amour
Est éternel ;
Tout au long de sa vie, ce fut un amoureux ;
Il eut plusieurs amours et il fut infidèle ;
Même si à certains cela semble curieux,
Ses amours pour la France ont été les plus belles.
Ne parlons pas d’Yvonne ; fut-elle d’importance ?
Hélas, vous le savez, mon éthique m’impose
De ne m’attacher à aucune contingence
Privée ; à ce sujet, jamais parler je n’ose !
Sa première passion fut pour l’Action Française ;
Ce lieu était d’ailleurs fort couru en ce temps
Et même un peu plus tard puisqu’on y vit à l’aise
Un de ses successeurs du nom de Mitterrand.
312
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
Et son amour suivant est Philippe Pétain,
Ils ont collaboré et ils se sont aimés
Puis ils se sont brouillés au sujet d’un bouquin
En mil neuf cent trente huit ; la suite, on la connaît...
Puis, pour aimer la France, il aime l’Angleterre !
Il y vivra quatre ans, assez obscurément ;
Churchill ne l’aimait pas, c’est honteux ; ça m’atterre
Mais il se vengera en vivant plus longtemps.
C’est la paix et il aime alors la politique ;
Il redevient civil, il devient président
Et comme il aime aussi, bien sûr, la République
Il la violente un peu pour être son amant
Mais elle n’en veut pas ; il ne fait pas l’affaire !
Alors, à Colombey, il s’en va en exil
Pour y connaître sa traversée du désert ;
Être un grand amoureux n’est pas toujours facile.
Mais des troubles, soudain, secouent les colonies.
On l’appelle, il se lève, il revient, il est là,
La République alors cède et se donne à lui,
Ah vraiment comme sont belles ces choses là !
Hélas, le vieil amant se fatigue et se lasse,
Fait un referendum, on ne sait trop pourquoi ;
Le peuple n’en veut pas, c’est ainsi, le temps passe…
De Gaulle s’en étonne et en demeure coi
Et puis, désabusé par sa vieille maîtresse,
Reitlag.fr
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L’EnVers de l’Histoire de France
Il prend le bras d’Yvonne et s’en va en Irlande,
Loin de son vieil amour, de la France traîtresse,
Et là-bas lentement il marche sur la lande.
*
Si ce grand amoureux aimait comme un soudard,
S’il se laissait parfois aller à rudoyer
Sa maîtresse la France, à la prendre en hussard,
Pour l’avoir tant aimée, il sera pardonné
En avril 1962, Debré est remplacé par Georges
Pompidou. Pompidou avait un point commun et un
point de divergence avec votre Président actuel : il
aimait bien les banquiers, qu’il avait fréquentés au
cours d’une carrière à la banque Rothschild ; et il
était un fin lettré, Premier prix de version grecque au
Concours Général. Quel est le point commun et quel
est le point de divergence avec votre actuel Président
? Je ne sais plus ; j’ai oublié.
C’était un fin lettré,
Un ami des banquiers,
C’était un héritier
De Casimir-Perier.
En avril 1969, de Gaulle propose un referendum qui
échoue et il démissionne. Ce qu’est un referendum,
Mohammed ? Eh bien, c’est un mot latin qui veut
dire Oui. Malheureusement, les Français, qui n’ont
plus beaucoup de culture latine ne le savaient pas et
ils ont voté Non. En application de la Constitution, le
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L’EnVers de l’Histoire de France
poste de président de la République est confié par
intérim au président du sénat, monsieur Alain Poher.
Quand, contraint et forcé,
Il a dû présider
Il prit goût au travail,
Aux ors et aux médailles
Et il se crut habile
Assez pour s’installer enfin à l’Elysée
Mais il n’est pas facile
De sortir de l’obscurité.
Ce que vous ignorez sans doute, Moussa, c’est que si
de Gaulle avait démissionné six mois plus tôt, le
président de la République par intérim eût été
monsieur Gaston Monnerville, président du sénat,
ancien député de Guyane et adversaire décidé de de
Gaulle. Monsieur Monnerville était ce que les
Etasuniens nommeraient un Afro-européen et il était
petit-fils d’esclave (c’est une différence avec l’Afroaméricain Obama : celui-ci descend d’Africains
libres, par son père et d’esclavagistes, par sa mère !)
et vous eussiez eu un président Noir, quarante ans
avant les Etats-Unis !...Quoique…et ci ça avait été
effectivement le cas ? Le 29 mai 1968, le Président
de la république disparut soudain ; tel Louis XVI en
91, de Gaulle avait fui à l’étranger ; à Baden-Baden,
en Allemagne. Certains considèrent que pendant ce
bref laps de temps, il y eut vacance du pouvoir et
que, en ce cas, le président du sénat, monsieur
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315
L’EnVers de l’Histoire de France
Gaston Monnerville en l’occurrence, a assuré
l’intérim de la présidence de la république. Le
problème, c’est que monsieur Monnerville l’aurait
alors fait sans le savoir !
Monsieur Poher avait pris goût au pouvoir, au cours
de cet intérim, et il se présente alors à l’élection
présidentielle (désormais au suffrage universel).
Georges Pompidou se présente aussi, est élu et prend
comme Premier ministre Jacques Delmas (dit
Chaban-Delmas), qui l’avait bien aidé dans cette
élection. Hélas, il meurt cinq ans plus tard et
monsieur Poher (bis) assure de nouveau l’intérim. Il
fut alors surnommé subtilement Manpoher, en tant
que spécialiste de l’intérim sur un créneau qui, il est
vrai, est assez peu fourni en emplois.
Le parti majoritaire avait désigné naturellement pour
l’élection l’ancien Premier ministre Chaban-Delmas.
Un élément un peu activiste du parti majoritaire,
monsieur Jacques Chirac, passe alors alliance avec
le leader du parti centriste, monsieur Valery Giscard
d’Estaing : c’est Valery Giscard d’Estaing qui est
élu…et monsieur Chirac qui est nommé Premier
ministre…Pretium defectionis altus est !
Jacques Delmas, alias Chaban,
Avait bien aidé Pompidou
A être élu à l’Elysée
Et il en fut récompensé :
Premier ministre pour un temps
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L’EnVers de l’Histoire de France
Où son sort fut heureux et doux.
Lorsqu’il a fallu revoter
Il se voyait, évidemment
A l’Elysée, et pour sept ans,
Et, joyeux, il s’est présenté.
Mais, comme Brutus pour César
Chirac s’affairait dans la nuit,
Chirac complotait dans le noir :
On est trahi par ses amis.
Monsieur Giscard d’Estaing était un spécialiste de la
chasse en Afrique, des dîners en ville, des escapades
nocturnes et des impostures à ses dépens.
En Afrique, il allait chasser chez son ami Bokassa
1er, empereur de Centrafrique, qui s’était organisé un
couronnement dont l’élégance et la classe n’avait rien
à envier à celui de Napoléon. Recentes imperatores
ridiculi sunt !
Pour les dîners en ville, monsieur Giscard d’Estaing
affectionnait de se rendre chez le « menu peuple »,
comme on eût dit chez ses ancêtres de la vieille
noblesse, ses titres de noblesses n’eussent-ils pas été
achetés récemment par son papa…
Monsieur Giscard d’Estaing était d’ailleurs très
simple et naturel : il affectait de jouer de l’accordéon
et alla jusqu’à s’engager une fois dans les couloirs du
métropolitain, dûment escorté de ce qu’il faut de
journalistes de télévision. Monsieur Giscard
d’Estaing recevait aussi chez lui, à l’Elysée, en toute
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317
L’EnVers de l’Histoire de France
simplicité. C’est ainsi qu’un beau matin, il convia les
éboueurs de la rue Saint-Honoré à partager son petit
déjeuner dans la vaisselle d’argent de la marquise de
Pompadour ; ce partage se fit seul à seul, bien sûr :
les éboueurs et lui…et ce qu’il faut quand même de
photographes et de télévision.
Monsieur Giscard d’Estaing s’adonnait, dit-on, à des
escapades nocturnes qui lui valurent, au petit jour, un
accident d’automobile avec un camion de laitier.
Mais là, je n’en dirai pas plus, il s’agit de la vie
privée ! Monsieur Giscard d’Estaing n’avait qu’un
défaut : il n’était pas moderne. Eût-il gouverné de
nos jours qu’il eût convoqué toute la presse pour le
suivre dans ses aventures nocturnes. Il y en a, paraîtil, qui la convoque même à Eurodisney…
Pour ce qui est des impostures dont il fut la victime,
on peut citer l’affaire des « avions renifleurs ». Cette
escroquerie, montée par le comte belge Alain de
Villegas, consista à faire croire au gouvernement
français que l’on pouvait trouver du pétrole en
survolant l’Afrique dans des avions équipés à cet
effet. L’affaire coûta plus d’un milliard de Francs aux
finances publiques et ridiculisa un peu plus le
Président…qui est toujours vivant, confirmant ainsi
l’adage qui veut que le ridicule ne tue pas. Derisus
non occidet !
Monsieur Giscard d’Estaing est en effet toujours
vivant à l’heure où nous parlons et il se réjouit de
narrer à son peuple, en des livres vendus dans des
bibliothèques de gare, les aventures fantasmatiques
qu’il aurait eues avec une princesse ! Ah, Moussa,
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L’EnVers de l’Histoire de France
méfiez-vous de la vieillesse : après le temps de
l’action vient celui des fantasmes…
Monsieur Giscard d’Estaing s’est vu reconnaître ses
grands talents littéraires en étant élu à l’Académie
Française. En ces temps de communication, il fallait
bien que la littérature de gare y fût représentée.
Monsieur Giscard d’Estaing se représenta à l’élection
présidentielle de 2001 : il ne fut pas élu.
On fait le beau, on se croit grand
On pense qu’on a de l’allure…
Quand un médiocre sort du rang,
Ce n’est hélas que de l’enflure.
Ce fut monsieur François Mitterrand qui fut élu en
mai 1981…et c’est là que nous allons arrêter notre
cours, mes amis. 1981, c’est il y a moins de trente
ans et, dans ce laps de temps, nous ne sommes plus
dans le champ de l’Histoire mais dans celui de la
politique ; et dom Enrico n’est pas homme à faire de
la politique…
*
Mes amis, vous pouvez être fiers de votre pays.
D’abord, il n’a pratiquement jamais été occupé par
une puissance étrangère, si l’on excepte l’Angleterre
au Moyen-âge (mais, sainte Brigitte de Suède ne
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L’EnVers de l’Histoire de France
tenait-elle pas directement de la Sainte Vierge que :
« le roi d’Angleterre avait plus de titres pour régner
sur la France que Philippe VI. » ?) et l’Allemagne
entre 1940 et 1945 (mais n’aviez-vous pas alors un
gouvernement national à Vichy ?). En revanche, il
s’est livré à de nombreuses conquêtes et brillantes
aventures à l’extérieur. Vos glorieuses troupes, mes
amis, ont mis à sac Constantinople et Jérusalem ; ont
massacré les juifs d’Europe centrale sur leur route
glorieuse vers l’Orient ; ont détruit, pour leur bien,
les structures sociales des peuples d’Amérique du
nord, d’Afrique et d’Extrême Orient ; ont ravagé et
pillé l’Italie au cours des siècles ; ont saccagé le
Palatinat ; ont placé des potiches sur les trônes
d’Espagne, d’Italie, de Hollande, de Westphalie… ;
sont allées en Egypte voler une obélisque
multimillénaire à Louxor et massacrer des otages à
Jaffa ; en Russie vérifier que l’hiver y était bien
aussi froid qu’on le dit ; sont allées se battre en
Crimée pour le roi d’Angleterre ; en Autriche et aux
Pays-Bas pour le roi de Prusse ; au Mexique, pour le
bien des Etats-Unis ; à Sedan (tiens, ça c’est en
France !) pour que soit fondé le Deuxième Reich ; en
Indochine pour expliquer aux Etasuniens comment
on pouvait être vaincu ; et jusqu’en Chine pour
mettre à sac le palais d’été de l’empereur et imposer
l’opium que voulait vendre l’Angleterre…Tous ça,
mes amis, peu de peuples l’ont fait. Sursum corda !
Mes enfants, nous avons parcouru quatorze siècles de
votre histoire ; nous avons vu que tous ces bons
320
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
princes, ces bons rois, ces bons présidents,
n’agissaient toujours que dans l’intérêt de leur
peuple ; que ce peuple ingrat ne voulait parfois pas
s’en rendre compte ; qu’il s’agitait un peu ; qu’il se
révoltait beaucoup ; et que les princes, les rois, les
présidents se trouvaient confrontés à l’obligation de
leur taper un peu dessus pour que tout rentre dans
l’ordre. Qui aime bien châtie bien, Qui bene amat
bene castigat !
Eh bien, mes enfants, quand ils devaient le faire, les
rois, les princes, les présidents, s’y sont résignés, à
contre cœur peut-être, mais avec résolution
sûrement : ils ont tapé! Et ne doutez pas qu’ils
n’hésiteront pas à le faire encore… Alors, en
trempant la plume dans le sang du peuple, on écrira,
comme toujours : Nation, Devoir, Gloire, Grandeur
de la France !
*
Mes jeunes amis, ce fut un plaisir pour moi de passer
ces quelques jours avec vous. Adieu ! Vivez votre
jeunesse. Dom Enrico, lui, reprend la voie dont il ne
s’est jamais écarté : celle du devoir ! Amen.
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321
L’EnVers de l’Histoire de France
- POSTLUDE -
Dom Enrico était seul dans la Salle Mazarin de la
Bibliothèque Nationale, rue des Archives. Il rangeait
les notes et documents qui lui avaient servi à
dispenser son enseignement. Il allait bientôt se rendre
à Roissy pour y prendre son avion pour Rome.
Soudain la porte s’ouvrit lentement et Moussa
s’inscrivit dans l’entrebâillure.
Entrez, mon bon ami ! lui lança Dom Enrico, que
puis-je pour vous ?
- Eh bien voilà, Dom Enrico, je voulais prendre
congé de vous, vous remercier de votre enseignement
et vous demander un service.
- Demandez, Moussa, demandez !
- Il ne saurait avoir échappé à votre vive sagacité,
dom Enrico, dit Moussa dont l’élocution avait pris un
tour plus élaboré au contact du prélat, que MarieEudoxie et moi…
- Non, mon petit, ça ne m’a pas échappé.
- Eh bien voici, j’avais certains projets à son égard…
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L’EnVers de l’Histoire de France
Des
projets
d’ordre
plus
sentimental
que…commercial, j’espère, le coupa dom Enrico.
- Bien sûr, je ne mélange pas le business et les grands
sentiments ! Mais voilà, tel Henri III, brûlant
d’amour pour Marie de Clèves mais devant la quitter
pour monter sur le trône de Pologne ; tel Titus devant
renoncer avec déchirement à Bérénice pour accéder
au trône romain, nous devons, malgré la douleur que
cela nous cause, renoncer à nos doux projets.
- « …Je sens bien que sans vous je ne saurais plus
vivre », lui avez-vous sûrement déclaré, tel Titus
dans l’acte IV, scène V ?
- Oui, évidemment, et comme le dit si bien Suétone,
avec sa concision habituelle : « invitus invitam
dimisit ! »
Moussa,
votre
érudition
m’éblouit
et
m’enchante !...Oui, mais pourquoi cette décision ?
- Voyez-vous, dom Enrico, l’autre jour avec
Mohammed, nous sommes allés nous promener le
soir dans ce quartier du Marais, près de la rue des
Archives ; nous avons un peu flâné ; nous avons bu
un verre ; fumé un « joint » ; et je l’ai trouvé…
- Mignon !
- Oui, dom Enrico, nous étions un peu comme le
prince Jean-Jacques Régis de Cambacérès et le jeune
Friquet, comme la reine Marie-Joséphine de Savoie
et Marguerite de Gourbillon...
- Mais, mon enfant, on ne peut pas, on ne doit pas
lutter contre les inclinations de la nature. C’est très
bien, c’est très bien…mais, quel est le vœu que vous
souhaitiez me présenter ?
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323
L’EnVers de l’Histoire de France
- Marie-Eudoxie, dom Enrico, cette fleur chez qui la
fragilité le dispute à la pureté, peut-être pourriezvous vous pencher sur son sort ? Avec votre
expérience et votre sainteté, elle aurait plus de chance
d’éviter de tomber en de mauvaises mains et de
sombrer en je ne sais quelle perdition. Accepteriezvous de faire ceci pour moi, dom Enrico ?
- Mon enfant, vous savez que le sens du devoir, du
sacrifice et de l’abnégation a toujours guidé mes pas
et dirigé mon âme. J’accepte, mon ami ; pour vous, je
le ferai ! Pro tuo, fili, id facebo !
- Ah Monseigneur, vous me ravissez !... quoique je
n’en attendisse pas moins de vous ! Dominus,
gratias !
Décembre 2009
324
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
NOTES
1- Histoire de Charlemagne. Par Gabriel Henri
Gaillard, Dreux du Radier (Jean-François), Jean
François Dreux de Radier. Publié par Foucault, 1819.
p.340
2- L'Univers: histoire et description de tous les
peuples ...Publié par F. Didot frères, 1834 p.529
3-Faits et gestes de Louis le Pieux: poème ; [suivi
des] Annales de Saint-Bertin ; et [des Annales] de
Metz .Par Ermoldus. Publié par J.-L.-J. Brière, 1824.
p51
4-La femme au Moyen âge. Par Jean Verdon .Publié
par Editions Jean-paul Gisserot, 1999. p.111
5-Les évêques dans l'histoire de la France: des
origines à nos jours. Par Jean Julg, Jean-Pierre
Cattenoz. Publié par Editions Pierre Téqui, 2004.
p.55
6 Folklore et curiosités du vieux Paris. Par Paul-Yves
Sébillot. Publié par Maisonneuve & Larose, 2002.
p.282
7- Résumé de l'histoire des juifs modernes. Par Léon
Halévy. Publié par Lecoin te, 1828. p.59
8- De la prostitution dans la ville de Paris. Par A. I.
B. Parent-Duchatelet, Alexandre Jean B. ParentDuchâtelet. Publié par Baillière, 1836. p.443
Reitlag.fr
325
L’EnVers de l’Histoire de France
8b- Les Templiers: Gardiens de la Terre Sainte et de
la tombe du Christ. Par Daniel Minard. PublibookParis.2001. p.215
9- Chronique: troisième tiers du XIIe siècle. Par
Guillaume, Monique Zerner. Publié par J.L.J. Brière,
1825. p.302
9b-« Saint Jacques de Compostelle » : Brigitte de
Suède. Révélations célestes de sainte Brigitte VI. 36
10-Oeuvres
complètes.
Par
François-René
Chateaubriand .Publié par Lefèvre, 1831. p.295-299
11- Société politique, noblesse et couronne sous Jean
le Bon et Charles V. Par Raymond Cazelles. Publié
par Librairie Droz. P.380
12- Mémoires historiques, critiques et anecdotes des
reines et régentes de France
Par Jean Francois Dreux de Radier. Publié par
Michel Rey, 1776. p.349
13- Histoire de la république de Venise par PierreAntoine-Noël-Bruno Daru
Édition: 2. Publié par F. Didot, père et fils, 1821.
p.296
14- Missel.free :sainte Jeanne de France
15- SCIENCE ET CONSCIENCE. Histoire de
l’éthique médicale. Bruno Halioua. Préface.
16- Rulers and their times. Elizabeth and Tudor
England. Myriam Greenblatt. P.24
17-Supplément à l'Histoire de la rivalité de la France
et de l'Angleterre
Par Gabriel-Henri Gaillard. P.136
17b- Léon X est connu pour avoir prononcé la phrase
suivante : « Quantum nobis notrisque ea de Christo
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
fabula profuerit, satis est omnibus seculis notum »,
« On sait combien cette fable du Christ nous a été
profitable au cours des siècles ! » Vie et pontificat de
Leon X – William Roscoe Tome IV – Mame Frères –
1810
18-1572, la Saint-Barthélemy. Par Janine Garrisson.
Editions Complexe. 2000. p.170
18b- Les crimes des papes, depuis S. Pierre jusqu'a
Pie VI; Par Louis de La Vicomterie de SaintSamson,Louis Marie Prudhomme ; Bureau des
Révolutions de Paris ; 1792
19-Henri III et son temps. Par Robert Sauzet,
Jacqueline Boucher, Centre d'études supérieures de la
Renaissance. P.91
20- Histoire de Touraine- JL Chalmel. Tome
II.Fournier-Paris. 1828 . p.425
21- Faire voir, Faire croire. Hélène Duccini. Epoque
Champ Vallon. 2003. p.80
22- Dictionnaire universel, historique, critique, et
bibliographique Par Louis Mayeul Chaudon. Mame
Frères- Paris- 1810. P.272
23-Lettre sur le Testament politique du cardinal de
Richelieu,. Par Étienne Lauréault de Foncemagne.
Lebreton Editeur. Paris. 1764. p.66
23b- Les rois qui ont fait la France- Louis XIII
George Bordonove. France Loisirs .Oct. 1982. p.126
23c ; Le Siècles de Louis XIV- XVI-. Voltaire.
23d- Les rois qui ont fait la France- Louis XIV
George Bordonove. France Loisirs .août 1983 p.112
24 Vie privée du cardinal Dubois, premier ministre,
archevêque de Cambrai, &c
Reitlag.fr
327
L’EnVers de l’Histoire de France
Par Mongez. Londres. 1789. p 121
25- Le Régent, l'abbé Dubois et les Anglais. D'après
les sources britannique Par Louis Wiesener. Elibron
Classiques. P 466
26-Madame de Pompadour. Par Christine Pevitt,
Christine Pevitt Algrant-2002- p.26
27- Biographie nouvelle des contemporains, ou
dictionnaire historique et ...
Par A. Jay, E. Jouy, Antoine-Vincent Arnault. Tome
17. Librairie historique. P.370
28- Correspondance générale d'Helvétius. Par
Helvétius, David Smith, Alan Dainard, Peter Allan.
1998 p.368.
29-Pièces originales et procédures du procès fait à
Robert-François Damiens, 1757. in « Surveiller et
punir ». Michel Foucault
30- Mémoires historiques et politiques du règne de
Louis XVI
Par Jean Louis Giraud Soulavie. Treuttel & WurtzParis. Tome IV. 1801. p.114
30b- Manifeste de Brunswick : La ville de Paris et
tous ses habitants sans distinction sont tenus de se
soumettre sur le champ et sans délai au roi, de mettre
ce prince en pleine et entière liberté, et de lui assurer,
ainsi qu'à toutes les personnes royales, l'inviolabilité
et le respect auxquels le droit de la nature et des gens
oblige les sujets envers les souverains...
Leurs Majestés impériale et royale rendant
personnellement responsables de tous les événements
sur leurs têtes, pour être jugés militairement, sans
espoir de pardon, tous les membres de l'Assemblée
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Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
nationale, du département, du district, de la
municipalité, et de la Garde nationale de Paris...
déclarent ... que si le château des Tuileries est forcé
ou insulté, que s'il est fait la moindre violence, le
moindre outrage à leurs Majestés, le roi, la reine et la
famille royale, elles en tireront une vengeance
exemplaire et à jamais mémorable, en livrant la ville
de Paris à une exécution militaire et à une subversion
totale, et les révoltés coupables d'attentats aux
supplices qu'ils auront mérités.
31- Macaulay Thomas Babington : Biographical
essays: Frederic the Great, Bunyan, Goldsmith,
Johnson, Barère. Bernard Tauchnitz. Leipzig 1857.
p.296
31b- Organt. Poème en vingt chants par Saint Just.
1789 « Vatican » (sic) p.10
32- The Life of Napoleon Bonaparte Par John
Abbott. Ward , Lock and Co.2005. p101
33-Jean-Claude Lorblanchès. Conférence du 29
novembre 2007.Section Côte Basque de la Société
d'Entraide des Membres de la Légion d'Honneur.
33b- J. Tulard : Dictionnaire de Napoléon. Paris.
Fayard. 1987.
34- Murat et Caroline. par Jean Prieur. Editions
Fernand Lanore.1, rue Palatine 75006.Paris. 1985.
p.38
35- The Court of France 1789-1830Par Philip
Mansel. Cambridge University Press 1988. P.43
36- Galerie historique des contemporains, ou
Nouvelle biographie, Volume 1. Par Gerrit Van
Lennep, Pierre Louis Pascal Jullian, Philippe
Reitlag.fr
329
L’EnVers de l’Histoire de France
Lesbroussart. Aug.Walen &Compagnie. Bruxelles
1818 p.263
37- Leçon d'histoire de France: Saint-Germain-enLaye : des antiquités ... Par François Boulet. Les
presses franciliennes. Paris 2006.p. 144
38-La vie et l'œuvre de J.J. Grandville par Annie
Renonciat. ACR Editions Vilot. 1985. Courbevoie
p.67
38b- Le monde de demain vu par les prophètes
d’aujourd’hui. Albert Marty. Nouvelles éditions
latines. 1962. p.55
39- Ozanam: une jeunesse romantique, 1813-1833
par Marcel Vincent. Mediaspaul. 1994. p.209
40- Victor Hugo: un combat pour les opprimés :
étude de son évolution politique. Par Pascal Melka.
La compagnie littéraire. 2008. p.227
41. Hérodote.
42- De l'émir Abdelkader à l'imam Chamyl: le héros
des Tchétchènes et du Caucase Par
43 Le sac du palais d’Eté. Bernard Brizay. Le Rocher
Boualem Bessaïh. Editions Dahlab. 1997.p.177
44- Napoléon le Petit- Victor Hugo- Londres W.
Jeffs 1862. p.233
45-L'Europe des Suisses. par Gérard Valbert. 1997
L’âge d’homme. Lausanne. P. 253
45b- Lettre de Victor Hugo au capitaine Butler ; 25
novembre 1861
46- l’empereur fit néanmoins se tenir un « Salon des
Refusés .»
47- La violence politique des enfants. Par Louis-Jean
Duclos. L’Harmattan. 1995. p30
330
Reitlag.fr
L’EnVers de l’Histoire de France
48- La violence politique des enfants. Par Louis-Jean
Duclos. L’Harmattan. 1995. p32
49- Mortenol ou les infortunes de la servitude par
Oruno D. Lara. L’Harmattan 2001. p.579
50- Victor Hugo: un combat pour les opprimés :
étude de son évolution politique Par Pascal Melka.
La compagnie littéraire. 2008. p.492
51- L'universel et le particulier dans la pensée de
Jean Jaurès: fondements .par Ulrike Brummert.
Günther narr Verlag Tübingen. 1990. p.92
52- René Viviani. Chambre des députés :8 novembre
1906.
53- L’humoriste s’appelait Forain. Arletty,
confidences à son secrétaire. Par Michel Souvais.
Publibook. Paris. 2006. p.50
54- « The indispensable condition of any hope of
victory for the two is the real, complete, immediate
and enduring unity of the two countries…” Jean
Monet. The supranational politics of Jean Monnet:
ideas and origins of the European Community. Par
Frederic J. Fransen . Greenwood Press 2001. p.40
55- l'article 8 de la loi du 25 février 1875 précise :
Les délibérations portant révision des lois
constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être
prises à la majorité absolue des membres composant
l'Assemblée nationale. La révision n’a été votée qu’à
la majorité absolue des présents. Les circonstances
exceptionnelles ayant empêché que tous les députés
et sénateurs eussent pu rejoindre Vichy.
56- La deuxième guerre mondiale. Général Peter
Young. Bison Book Ltd /France Loisir. 1980. p.244
Reitlag.fr
331
L’EnVers de l’Histoire de France
57- Les sources, suivant l’orientation politique de
celui qui les présente, citent des chiffres qui vont de
25.000 à 300.000 !
58- Le 1er juin 1940, de Gaulle est nommé général à
titre provisoire en même temps qu’il est appelé au
gouvernement. Cette nomination est annulée le 22
juin pour « abandon de poste » (de Gaulle était à
Londres) par le gouvernement légal. Au lendemain
de la guerre, de Gaulle a exercé ses activités
politiques dans la vie civile.
332
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L’EnVers de l’Histoire de France
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