L`EnVers de l`Histoire de France
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L`EnVers de l`Histoire de France
Dom Enrico L’EnVers de L’Histoire de France EXTRAITS * L’Histoire de France racontée à mes petitsenfants Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France 2 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Sommaire page 9 Prélude Chapitre I Les origines 12 Chapitre II Le temps des croisades 44 Chapitre III la fin du Moyen Âge 74 Chapitre IV La Renaissance 109 Chapitre V Le siècle de Louis XIV 189 Chapitre VI Le siècle des Lumières 211 Interlude Louis XVI jusqu'en 1789 235 Chapitre VII La Révolution 245 Chapitre VIII 265 Chapitre IX La première république La république confisquée; le Consulat; l'empire Chapitre X La Restauration 335 Chapitre XI La deuxième république 355 Chapitre XII Le second empire 366 Chapitre XIII La troisième république jusqu'à 1914 394 Chapitre XIV La troisième république; l'Etat français 430 Chapitre XV La quatrième et la cinquième républiques 479 294 Postlude 496 Notes 499 Reitlag.fr 3 L’EnVers de l’Histoire de France 4 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France On peut fonder des empires glorieux sur le crime et de nobles religions sur l’imposture Charles Baudelaire AVERTISSEMENT Ce récit est un survol de l’Histoire de France. N’apportant aucune nouveauté historique, il n’est qu’une mise en forme des faits les plus notoires et les plus établis. En ces temps où l’Histoire est passablement passée de mode auprès des jeunes générations, l’auteur a voulu la présenter à des jeunes gens (« l’Histoire de France racontée à mes petits-enfants ») sous une forme moins austère qu’à l’accoutumée, quoique tout aussi sérieuse sur le fond. Erudire ridendo ad Historiam. Reitlag.fr 5 L’EnVers de l’Histoire de France La chronologie est respectée, les faits sont avérés, mais derrière les dorures de l’historiographie traditionnelle, il peut être salutaire de rechercher, ou tout au moins de mettre au jour, les impostures. De même que Diderot disait, dans une lettre à Falconet : « il y a toujours un peu de testicule au fond de nos sentiments les plus sublimes et de la tendresse la plus épurée», de même, on pourrait dire que derrière les plus grands élans patriotiques et les plus belles aventures idéologiques ou religieuses, il y a toujours un peu (?) de raisons contingentes et d’intérêts matérialistes. C’est ce que nous avons voulu faire apparaître : ce qui constitue l’envers du décor. Le récit est illustré de quelques images en forme d’odes ou de ballades. Cette forme d’écriture se prête à la synthèse et quelques vers peuvent parfois en dire plus que de longs développements. L’auteur dénie toute responsabilité personnelle si, d’aventure, le lecteur venait à trouver, au hasard de ces pages, quelques passages en forme d’antiphrases… 6 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Reitlag.fr 7 L’EnVers de l’Histoire de France 8 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Derrière le Devoir, Rampe l’avidité ; Derrière le Pouvoir, Gît la cupidité ; Derrière la Grandeur, Se niche la détresse ; Et derrière l’Honneur, Se cache la bassesse : …C’est l’envers de l’Histoire ! Prélude Destiné à présenter les protagonistes et à fixer le décor Dom Enrico del Prato, un érudit franco-italien, cardinal de son état, enseigne à des jeunes gens l’Histoire de France. Il conduit cette tâche dans le cadre d’un projet pédagogique innovant qui s’inscrit dans la politique d’intégration engagée par le gouvernement français à la demande du Président. Reitlag.fr 9 L’EnVers de l’Histoire de France Les trois élèves qui lui ont été attribués sont assez disparates, mais représentatifs de différentes catégories de la jeunesse française : Moussa Traoré, 20 ans, en troisième au collège de Gagny, plus performant dans le trafic de « shit » et le proxénétisme qu’en Histoire de France ; Mohamed bel Abbes, éducateur à mi-temps à Montfermeil (le reste du temps, il est à Fleury-Mérogis : dans une cellule), syndiqué à SUD, carte de la LCR, courant islamo-trotskiste ; Marie-Eudoxie Capet de la Chênaie, descendante des rois par la branche Capet, de généraux par la branche Chênaie, et habitant Versailles. Dom Enrico, en maître avisé et expérimenté qu’il est, adopte pour cette tâche une approche innovante : parler des choses sérieuses sur un ton parfois badin : docere ridendo Historiam ! Sera-ce suffisant ? Le vieux prélat italien saura-t-il susciter l’intérêt de ces jeunes Français à la tradition historique de leur pays ? Comment ces trois postadolescents vivront-ils ce parcours commun ? Sauront-ils surmonter les diversités de leurs origines socioculturelles ? De la réponse à ces questions dépend le succès du cursus conduit par dom Enrico. Le cours se déroule dans une salle de la Bibliothèque Nationale de la rue des Archives, à Paris. 10 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Reitlag.fr 11 L’EnVers de l’Histoire de France Chapitre I LES ORIGINES On enseignait jadis aux petits Français que leurs ancêtres étaient les Gaulois. Cher Mohammed, cher Moussa, je pense que vos ancêtres, s’ils étaient Gaulois, étaient des Gaulois plutôt méridionaux. Quant à vous, chère Marie-Eudoxie, je vois bien venir vos ancêtres des plaines septentrionales, de ce royaume de Thulé, d’où les blondes amazones vinrent envahir l’Europe, pour notre plus grand bonheur…vous pratiquez l’équitation, MarieEudoxie ? Non, la couture et l’oraison. C’est très bien aussi. Bref, tout ça, ce sont des sornettes. Un pays comme la France, où il fait si bon vivre, a toujours été une terre de passage ou d’invasions. Alors, les passagers ou les envahisseurs n’amènent pas toujours leurs femmes avec eux. Quand on va à Strasbourg, on 12 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France n’apporte pas ses saucisses…Pardon, Mohammed ? Vous trouvez que la comparaison n’est pas bien choisie ? C’est par rapport aux femmes ? Non ? A la viande de porc qui remplit les saucisses ! Je comprends mieux. Disons alors que quand on va à Alger on n’apporte pas ses merguez. Tout ça pour dire que, si les envahisseurs n’amènent pas de femmes, ils font appel à la main d’œuvre locale. Et là, il y a plusieurs écoles : on séduit, on achète ou on viole. Soyez sûrs que les trois stratégies ont été largement mises en œuvre au cours des siècles. En Gaule, il y avait depuis longtemps des Celtes. Puis vinrent les Romains (qui comprenaient de nombreux peuples d’Europe, d’Asie ou d’Afrique dans leurs armées), les Germains, Les Alains, Les Wisigoths, Les Ostrogoths, Les Vandales, les Alamans, les Suèves, les Burgondes, les Huns, les Francs et quelques autres non répertoriés. Et croyez-moi, tout ça, ça a su mettre en œuvre les trois stratégies que j’évoquais tout à l’heure. Barbari sollicitant, comparant aut vim adhibent mulieres sed semper procreant ! Alors, devant cette abondance de biens, on dut choisir : ce furent les Francs et vous êtes des Français ! C’est cette histoire que je vais vous raconter. J’ornementerai mon cours de certains poèmes épiques…mais oui, Moussa, vous pourrez les transcrire en « rap » ; je vous abandonne bien volontiers mes droits d’auteur. Je vous servirai aussi quelques sentences, apophtegmes ou aphorismes dans mon latin plus ou moins classique : c’est mon Reitlag.fr 13 L’EnVers de l’Histoire de France péché mignon ; et puis, dans un « rap », ça fait très bien aussi. Eh, bien, allons-y ! * Jusqu’au milieu du cinquième siècle, la Gaule était dominée par les Romains. Oui, Moussa, nous, les Italiens, vous avons encore battus en finale de coupe du monde 2006 ; j’en suis pour ma part fort satisfait mais c’est un peu hors sujet. En 451, les derniers envahisseurs barbares, les Huns, sont repoussés par les Francs et en 481, Clovis accède au trône: c’est le début de votre Histoire. Au sujet de ces Huns, je vais vous donner lecture d’un poème de l’époque traitant de leur chef, Attila. Ce délicat héros qui fit trembler la terre Fut, on peut s’en douter, bien sûr un militaire. Il arrivait de l’Est et sa bande de Huns Demeurait contenue par l’empire romain. Ils étaient bien connus pour leurs mœurs délicates Qu’ils avaient apportées de leurs lointains pénates ; Ils vivaient à cheval et cuisaient sous leurs fesses La viande qu’ils mangeaient avec délicatesse. Ils tuaient leurs vieillards, ils tuaient leurs malades Pour n’être ralentis au cours de leur balade Qui, des steppes d’Asie, les conduisait vers l’Ouest Pour rechercher des prés à l’herbe moins modeste. 14 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Mais Rome est fatiguée, l’empire se délite Et Attila comprend qu’il lui faut agir vite, Tout d’abord il combat l’empire byzantin : Il obtient des tributs et gagne des butins Puis, changeant d’horizon, il va vers l’Italie Et conquiert la Toscane avec la Vénétie, Arrive devant Rome : on le paie, il s’arrête : La sœur de l’empereur servira à ses fêtes… * …Attila est parti : il reste sa mémoire Que l’on évoque encor dans les soirées à boire Et puis qu’on utilise aussi de temps en temps Quand il faut faire un peu peur aux petits enfants. Ce qui est dit dans ce très beau poème est globalement faux. Attila était en effet un personnage cultivé et raffiné. La cour des Huns, installée sur le Danube, était en contact régulier avec Rome et Attila porta même un titre décerné par l’empereur Valentinien III. Enfin, dans sa jeunesse, il avait partagé les jeux d’Aetius, le futur général romain, qui avait été retenu en otage à la cour du roi des Huns. L’ironie de l’Histoire fait que c’est ce même Aetius qui le vainquit aux Champs Catalauniques. Ce général romain qui gouvernait la Gaule Dans sa jeunesse avait pu répéter son rôle Quant il avait été otage chez les Huns Reitlag.fr 15 L’EnVers de l’Histoire de France En partageant les jeux du fils du souverain. Ce compagnon de jeux qu’il connut autrefois, Le fils du roi des Huns, s’appelait Attila. Ils étaient compagnons, peut-être amis naguère, Ils allaient désormais devoir faire la guerre. Donc, Attila n’était sûrement pas le Barbare assoiffé de sang qu’il est devenu de nos jours. Mais vous savez, mes amis, les Barbares, ce sont toujours les autres…pardon, Marie-Eudoxie ? Ceux qui n’habitent pas à Versailles ? En quelque sorte, en quelque sorte… Clovis, donc le premier roi des Francs, est connu pour avoir apporté une intéressante contribution à la législation sur les partages. En ce temps là, lorsqu’il y avait une bataille, les vainqueurs se partageaient ce qu’ils prenaient à leurs adversaires…il en irait toujours ainsi, Moussa ? Oui, bien sûr, il est bien connu que le 9-3 est une terre de traditions. A Soissons, l’armée de Clovis (ou sa bande, si vous préférez, Moussa) avait remporté la victoire. Il devait donc y avoir partage équitable du butin entre les chefs des guerriers. Mais, voici que l’évêque du lieu, un certain Remi, demande à Clovis de lui donner un vase précieux. En ce temps là, les évêques, chargés de mission par le pape, avaient du pouvoir. De nos jours, hélas, il n’en est plus ainsi. Ah bon, MarieEudoxie, Madame votre mère reçoit monseigneur l’évêque de Versailles à sa table, les jours de fête ? 16 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Mais c’est fort bien ! Et vous, Mohammed, votre maman reçoit l’imam de La Courneuve pour un couscous le vendredi ? Mais c’est parfait ! Vous voyez que toutes les traditions ne se perdent pas ! Donc, Clovis juge utile et politique de faire plaisir à Remi (rendre service à un puissant s’appelle de nos jours : investir) et il lui donne le vase. Un de ses soldats, qui était respectueux des traditions du partage, s’y oppose et brise le vase d’un coup de sa hache. La suite, ce beau texte de l’époque vous la relate : Il est assez obscur, ce célèbre Clovis Quand il prend le pouvoir au cœur de la Belgique Et, si l’on connaît mal ses vertus et ses vices, On se souvient de lui qu’il devint catholique. * Mais bien avant ceci il fit mille combats Contre mille ennemis, pour quelque cause obscure Mais on sait bien hélas que tel est ici-bas L’habitude des rois car c’est dans leur nature. Il vainquit les Romains, les Wisigoths, les Francs, Les Burgondes aussi qui lui donnèrent femme (La charmante Clotilde) et puis les Alamans Et bien d’autres encore au prix de mille drames. Il était querelleur et un jour, à Soissons, Pour une sombre histoire de vase sacré Il subit un refus d’un soldat, sans raison ; Reitlag.fr 17 L’EnVers de l’Histoire de France Plus tard, il l’a revu et il l’a massacré ! Ce texte nous apprend que Clovis se fit baptiser. En 496, Clovis avait donc épousé une princesse burgonde du nom de Clotilde. Oui, Moussa ; une princesse est effectivement une « meuf » qui vient des beaux quartiers. Un peu comme Marie-Eudoxie ? Mais oui, tout à fait ! D’autant plus que Clotilde était elle aussi (comme Marie-Eudoxie) une fervente catholique. Un jour qu’il combattait une bande rivale, Clovis, qui était d’un naturel pragmatique, s’écria : « Dieu de Clotilde, si tu me donnes la victoire, je me convertirai !» Il emporta la victoire ; il se convertit. Vous devriez penser à vous convertir aussi, mon cher Mohammed…Vous attendez de savoir qui emportera la victoire ? Vous êtes un sage ; vous irez loin, mon petit. C’est en relation avec ce baptême de Clovis que fut formée l’expression « France, fille aînée de l’Eglise ». Néanmoins, cette phrase n’a jamais été prononcée avant le dix-neuvième siècle, lorsqu’elle fût inventée par l’archevêque de Reims, Monseigneur Benoît Langénieux en 1896, puis reprise par Jean Paul II, à Paris, en 1980. « Langénieux était ingénieux » ? Mais bien sûr, mon cher Moussa. Vous êtes poète autant que perspicace. Oui, mais ce qui était vraiment ingénieux, c’est cette décision de Clovis de se faire baptiser car, depuis lors et pour quatorze siècles, le trône et l’autel, le sabre et le goupillon, regnum et arae, gladium et aspergilium, n’ont cessé de s’aider mutuellement pour dominer la 18 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France France. Si ça va changer avec le minaret et le cimeterre, Mohammed ? Peut-être, mais attendez d’en être sûr avant de prendre position. Victoriam sequi, prudentia est ! En 511, Clovis meurt. Non, Moussa, rien n’indique qu’il se soit fait « dessouder », ainsi que vous le suggérez ; il est vrai que rien n’atteste non plus du contraire... Quoiqu’il en fût, ses quatre enfants se partagèrent le royaume, selon la tradition. Eh oui, Mohammed, on traitait le royaume comme un butin ! Mais, je vous ferai observer, à vous qui êtes si sensible aux questions de solidarité, qu’un royaume dont les fondations sont posées par des « partageux » ne peut pas être foncièrement mauvais. Il y eut alors des affaires bien sombres et bien confuses. Deux reines, Brunehaut et Frédégonde se firent une terrible guerre. Comme vous le dites, Moussa : quand les « meufs » s’en mêlent…Pardonnez-nous, Marie-Eudoxie…Ah, vous ne savez pas ce qu’est une « meuf » ! Tout va bien, alors. En 623, le petit-fils de Frédégonde, Dagobert, accède au trône, à Saint Denis. Dagobert avait un ministre qui s’appelait Eloi. C’était un orfèvre fort riche et fort habile. Dagobert le nomma donc trésorier, c'est-à-dire ministre de ses finances. Il le fit aussi nommer évêque, en passant. Un évêque, en ce temps, recevait beaucoup d’argent, ce qui ne pouvait faire de mal ni à Dagobert, ni à Eloi. L’ami d’Eloi s’appelait saint Ouen. Oui, Moussa, Saint-Denis, Reitlag.fr 19 L’EnVers de l’Histoire de France Saint-Ouen… Dagobert et Eloi étaient peut-être bien les fondateurs de votre bande et la France eût pu s’appeler Neuf-Trois… De Dagobert, l’Histoire retint une sombre affaire de culotte mise à l’envers…son pantalon était-il peutêtre trop « baggy » ? Il semblerait plutôt que tout ceci ne fût qu’une invention de l’époque révolutionnaire où l’on voulait se moquer du roi : ce texte est sans nul doute apocryphe. On sait bien peu sur lui, Le bon roi Dagobert, Sinon qu’un jour il mit Sa culotte à l’envers. Mais hélas on apprend Que tout ceci est faux, Que quelques chenapans Au pied de l’échafaud N’inventèrent l’histoire Que pour mieux se moquer De tout royal pouvoir ! Ce manque de respect Pour l’histoire de France, Par la Révolution, Mérite une vengeance : « Oublions la chanson » ! 20 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France De son collègue Eloi, on garde aussi une chanson. Eloi fut en effet canonisé…Non Mohammed ! Canonisé ne veut pas dire qu’on l’a fusillé à coups de canon ! Ça ne se fait pas plus que d’écraser une mouche avec un marteau pilon, c’est du gâchis. Canonisé veut dire qu’on en fit un saint. Ah, vous avez encore beaucoup à apprendre, mes amis. MarieEudoxie, il faudrait que vous me prêtassiez la main en cette tâche. C’est donc un saint et le saint patron des orfèvres, bien naturellement. Eh bien, les orfèvres ne sont pas des gens ingrats et, depuis longtemps, pour célébrer la fête du saint, ils s’adonnent à des jeux aussi émouvants qu’innocents : Trois orfèvres, à la saint Eloi, Montèrent sur le toit pour… Ah, voila que j’ai oublié la suite. Pourriez-vous m’aider, Marie-Eudoxie ? Non ? C’est étrange…Virgines cantica ignorant ! Enfin, avec Clovis et Dagobert, la royauté était bien fondée. Les rois suivants étaient des Pépin. Avec un nom pareil, il y avait de quoi attirer la poisse ! Vous imaginez votre Président s’appelant « Accident », « Ennui », « Mésaventure » ? Non ? Vous avez raison, Mohammed. Avec le sens du vocabulaire qui est le sien, il s’appellerait sûrement tout simplement « Connerie » ! Mais eux, c’était Pépin ! Oublions-les et attardons-nous sur le sort du fils de Pépin II : Charles de Herstal, dit Charles Martel. Mes chers amis, je réponds par avance à une question que vous ne manqueriez pas de me poser. Venant de Herstal, Reitlag.fr 21 L’EnVers de l’Histoire de France patrie des armes à feu, on pourrait imaginer que Charles était l’inventeur du Browning P35®, du Beretta M12® ou du merveilleux FN 5,56® qui équipe les troupes de l’OTAN. Ah, je vois vos yeux briller, mon cher Moussa ! Eh bien non ! Charles n’inventa que le marteau ; invention qui, si vous me permettez, ne vaut pas un clou ! Le problème de Charles, à part l’affaire du marteau, était qu’il n’était qu’un bâtard du roi. Sa mère était une concubine de Pépin II, la belle Alphaïde. Il ne pouvait donc être roi et se fit nommer modestement « Maire du palais » ; néanmoins, c’était le vrai chef. Et c’est là que se produisit une affaire si délicate que j’ai scrupule à l’évoquer devant vous, mon cher Mohammed. Après qu’en 622, le Prophète Mahomet eut prêché le Djihad, des troupes de musulmans zélés avaient conquis l’Espagne et entendaient bien faire profiter le royaume des Francs des bienfaits de l’Islam. Ils remontaient tranquillement la Nationale 10 en direction de Poitiers quand Charles, piqué par on ne sait quelle mouche, vint à leur rencontre le 19 octobre 732. Et là, sans aucune retenue, sans aucun sens du dialogue interreligieux, des bienfaits du multiculturalisme, de l’amitié entre les peuples, il frappa ! Et il gagna la bataille. Il me semble, mon bon Mohammed, que votre Président n’a pas encore fait repentance pour cette incongruité. Je ne doute pas que cela se produise bientôt. Princeps doctus in penitentias est ! Les Sarrasins, ainsi qu’on les nommait alors, rebroussèrent chemin et allèrent s’installer au sud de 22 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France la vallée du Rhône. D’aucuns disent qu’ils y sont encore. A la cour de Chilpéric Deux Il était chef, en quelque sorte, Du protocole et puis des jeux : Du palais, il gardait la porte. Car le roi était fainéant (C’était alors une habitude) Et il s’amusait tout le temps Refusant les tâches plus rudes. Laissant le roi à sa paresse Charles alors prit le pouvoir Puis, avec beaucoup d’allégresse Il assuma tous ses devoirs ; C’était bien sûr, on le devine, Avant tout de faire la guerre Et de s’enrichir de rapine (Il n’est rien de nouveau sur terre.) Hélas, un autre conquérant Nourrissait ces sombres projets Abd El Rahman, le Mécréant, Venait du Sud jusqu’à Poitiers ; Et aussitôt, Charles accourt ; Il tue le chef, vainc les guerriers, En pend quelques uns haut et court, Reitlag.fr 23 L’EnVers de l’Histoire de France Devient héros en Chrétienté. Au retour, fier de cette gloire, Il soumet quelques évêchés : Quand on a acquis le pouvoir, Il est juste d’en profiter. Si je comprends bien, Mohammed, vous acquiescez avec cette comptine qui met ce combat au compte d’une lutte économique et non pas d’un conflit de civilisation. Me voici rassuré. Ainsi, cette brutale affaire ne trouble pas la conscience que vous avez de vos origines mais, au contraire, vous renforce dans votre vision matérialiste de l’Histoire. Parfait ! J’en toucherai un mot à votre Président ; il est très marxiste aussi, à ses heures. Interdum Princeps marxistus est ! Je passe sur le roi qui lui succéda : encore un Pépin, Pépin III dit Pépin le Bref. S’il est bref, c’est déjà ça de positif mais je préfère néanmoins m’attarder sur le roi suivant, un grand, un vrai : Charlemagne. Fils de Pépin III, Charles n’était pas encore « magne » puisqu’à la mort de son père, en 768, il n’hérita que d’une moitié du royaume ; son frère Carloman gouvernait l’autre. Par bonheur, trois ans plus tard, Carloman mourut opportunément. Il avait alors vingthuit ans, était en parfaite santé, se trouvait fâché avec son frère et mourut subitement. Bien entendu, il serait indécent d’imaginer que Charles eût pu avoir 24 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France quoi que ce soit à faire avec ceci : la preuve, il a été canonisé. Donc Charles héritait de l’empire ; il devenait Carolus Magnus dans le latin de l’époque, Charlemagne dans la tradition française ou Karl der Große, ce qui correspond mieux au Barbare teuton qu’il était sans nul doute. Tenez, Marie-Eudoxie, pouvez vous monter sur l’échelle qui est juste dernière moi pour attraper un livre où l’on traite de ce grand empereur…voila, montez encore un ou deux échelons, je vais vous guider…Mais, pourquoi venez-vous vous placer ainsi sous l’échelle, Moussa ? Les bibliothèques vous intéressent-elles ? Non, c’est pour rattraper Marie-Eudoxie si elle venait à trébucher ? Mais c’est une tâche dont je pourrais très bien m’acquitter moi-même… Bon, voici le livre, écoutez : Pour conter Charlemagne il faudrait plus d’un livre Car toute son histoire émerveille et enivre Mais, puisqu’il le faut bien, je vais ici vous dire En quelques mots qui fut ce fondateur d’empire. Il naquit à Maastricht, sur les bords de la Meuse, Au sein d’une famille émérite et pieuse Et n’eut de cesse alors que de faire agrandir Son royaume austrasien pour en faire un empire. Il combattit à l’Ouest, à l’Est, au Sud, au Nord, Il massacra beaucoup, prit butins et trésors, Il fédéra les Francs et vainquit les Saxons, Reitlag.fr 25 L’EnVers de l’Histoire de France Les Lombards, les Gascons et même les Bretons. Il s’occupa bien sûr aussi de religion Et grâce à son pouvoir put donner des leçons Sur ce sujet et il s’en prit à l’hérésie Quant au « Filioque » (en bref, au Saint-Esprit). Le Pape Léon III ayant quelques ennuis, Charles le secourut et lui sauva la vie, Alors, pour remercier son puissant protecteur, Léon, c’est bien le moins, le nomma Empereur. Il était Belge un peu, Français et Allemand, Il n’était pas barbu mais il était très grand, Ses femmes sont légions mais l’infidélité Au protecteur du pape est bien facilitée. * A sa mort son empire est aussitôt brisé Mais, à bâtir l’Europe au fil de son épée, Il fut le tout premier : Hitler, Napoléon, De Carolus Magnus retinrent la leçon. Charlemagne s’intéressait donc aux femmes. Oui, mais il était sélectif. L’impératrice de Constantinople lui avait proposé de l’épouser. C’eût été une occasion de réunir les deux empires. Pourquoi refusa-t-il, la question demeure. Voyons, Marie-Eudoxie, pouvezvous m’atteindre ce vieux grimoire sur le rayon supérieur, là-haut, un peu plus à gauche ? Pardon ? 26 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France La prochaine fois, vous mettrez un pantalon ? Je ne comprends pas…Virgo insolitas pudores habet ! D’empereur elle fut la femme et puis la mère Mais comme elle aspirait avant tout à régner, A peine son enfant eut-il perdu son père Qu’elle l’assassina pour s’en débarrasser. La vérité oblige à dire à ce sujet Qu’avant de le tuer on lui creva les yeux Ce qui, on le sait bien, rend les gens plus discrets Sur des spectacles qui pourraient être fâcheux. Sans fils et sans mari, la voici Basileus* : Charlemagne, en rival, en conçoit du courroux Mais Irène a un plan subtil et vertueux Et qui consiste à lui passer la corde au cou Et par un émissaire qu’elle envoie jusqu’en France Elle offre un mariage au prince d’Occident, Ce qui réunirait cette double puissance Et l’Empire serait plus fort qu’en aucun temps. A Charles, elle envoie comme gage un grand voile Mais Charles n’en veut pas : Cette Irène l’ennuie. C’est à Charles Le Chauve, ironie, que la toile Echoit : il n’en veut point couvrir sa calvitie Et l’offre à l’évêché pour quelque sacristie. Irène est fort déçue et son pouvoir se meurt ; On l’exile à Lesbos. (N’en tirez pas parti Reitlag.fr 27 L’EnVers de l’Histoire de France Pour un doute sur la nature de ses mœurs…) * Le poète aurait dû dire Basilea mais cela lui aurait probablement posé des difficultés quant à la rime et puis, telles étaient la douceur et la délicatesse d’Irène, qu’un nom masculin n’est pas si mal approprié. Moi, mes amis, je tire parti de cette histoire et je comprends maintenant le refus de Charlemagne : la Gay Pride, ce n’était pas vraiment le genre de la Maison ! Au cours de son long règne, Charlemagne fut, nous l’avons vu, bien ennuyé par les Saxons. Alors, avec le sens du raccourci qui caractérise l’époque, il édicta une loi simple et efficace : « Tout Saxon qui refusera le baptême sera puni de mort (1)». La méthode n’était sans doute pas si efficace que cela car Charlemagne, pour effrayer un peu ces Saxons qui commençaient à l’agacer, dut faire quatre mille cinq cents prisonniers, à Verden en 782 ; et puis il les massacra consciencieusement (2). C’est sans doute pour ça que Charlemagne fut canonisé par Pascal III ; hélas, ce pape a été depuis lors rétrogradé au rang d’antipape. Il serait bon que notre Très Saint Père confirmât cette canonisation. Charlemagne aurait fait un crime encore plus grave, Moussa ? De quoi s’agitil ? Il a inventé l’école ? Oui mais c’est son lointain successeur, Monsieur Mitterrand qui a inventé les ZEP !…demandez donc à votre Président de faire repentance pour tout ça ! 28 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Après Charlemagne, dont la sainteté est, ainsi que nous l’avons vu, sujette à caution, vint son fils Louis le Pieux qui est si cher à mon cœur d’ecclésiastique. Non, Moussa, il ne s’appelait pas « le Pieux » parce qu’il était adepte de longues grasses matinées, mais parce qu’il se confondait en dévotions. Louis avait d’abord été destiné à être moine. Ayant connu la grande déception de ne l’être point et de ne devenir qu’empereur, il se rattrapa en veillant à réorganiser les ordres monastiques (3). Il veilla ainsi à ce que les nonnes ne pussent sortir de leurs monastères et émit, dans le même temps, un édit interdisant la prostitution publique (4). Y a-t-il un rapport entre les deux décisions ? Je ne me prononcerai pas. In dubio, abstino ! Louis finit d’ailleurs par enfermer sa femme Judith dans un monastère…Oui, Moussa ; il est possible que votre ami, le P’tit Louis qui opère rue Saint Denis, soit finalement d’extraction carolingienne… Ce saint roi eut hélas à endurer une révolte de son neveu Bernard d’Italie. Faisant preuve de mansuétude, il lui laissa la vie sauve et lui fit seulement crever les deux yeux ; mais, comme le dit Jean Julg, c’était le châtiment habituel en ce temps (5). Ce qui n’était pas prévu, en revanche, c’est que les plaies s’infectèrent et que Bernard mourut deux jours après. Que dites-vous, Moussa ? Qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des yeux ? Vous êtes décidément un poète, mon petit. A propos de poète, on dit qu’un troubadour contait ces aventures en chantant les deux petits quatrains que voici. Reitlag.fr 29 L’EnVers de l’Histoire de France Louis était fort pieux. Il était un dévot et il redoutait Dieu Mais il était doué, plus pour la liturgie Que pour la chirurgie. Il fit crever les yeux De son neveu Bernard, homme trop ambitieux : Le scalpel était sale et la plaie s’infecta Et Bernard succomba. Louis le Pieux n’avait vraiment pas de chance avec sa famille : voici qu’il se fâche avec son fils Lothaire et que celui-ci lui impose une pénitence publique dans la cathédrale Saint Médard de Soissons et le fait enfermer dans un monastère. Comme il était pieux, il obtempéra avec joie et, peu de temps après mourut. Après la mort de Louis, ses trois fils, Louis le Germanique, Lothaire et Charles se livrèrent des combats sans pitié. Des deux premiers, étant fils de roi, on eût pu penser qu’ils étaient, comme on dit, « nés coiffés » ; Pour Charles, c’est plus douteux puisqu’il est passé à la postérité sous le nom de Charles le Chauve. L’empire fut alors partagé en trois parties : La Francia orientalis qui correspond à l’Allemagne actuelle, pour Louis ; La Francia media ou Lotharingie, allant des Pays-Bas à Rome, pour Lothaire ; La Francia occidentalis, qui allait devenir la France, pour Charles. Et voila comment vous êtes devenu français alors que vous eussiez pu être lorrain 30 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France ou teuton, mon bon Moussa…Pardon ? Vous seriez plutôt originaire de la Francia meridionalis ? Oui, sans doute, mais on ne l’avait pas encore inventée à l’époque. Au début du neuvième siècle, vint le temps des invasions normandes. Les Normands (North Manni) n’étaient pas commodes. Ils avaient de grandes moustaches ; naviguaient sur des petits navires ; avaient de grands sabres ; avaient des petits yeux mais de grands…non, mes amis ; par respect pour Marie-Eudoxie, j’arrêterai là ma description. Sachez seulement que ces rudes conquérants disposaient d’armes et d’instruments adaptés pour traiter convenablement les hommes…et les femmes. Il faut que je vous conte ici une anecdote religieuse afin de parfaire votre éducation en la matière, mes chers Mohammed et Moussa. N’oublions pas que votre distingué Président est Chanoine de Latran ! Donc, en 843, les Normands arrivèrent à Nantes, chez l’évêque Gohar. Pour quelque obscure raison que l’on ignore, ils lui coupèrent la tête. L’évêque ramassa alors sa tête fraîchement coupée ; la prit sous son bras ; se dirigea vers la Loire ; monta dans un bateau sans voile ni rame ; navigua jusqu’à Angers ; les cloches s’y mirent spontanément à sonner ; il se dirigea vers le cimetière et pria obligeamment les abbés du lieu que l’on voulût bien l’inhumer. Divers tableaux et inscriptions attestent de ce haut fait en la cathédrale de Nantes. Je vous vois impressionnés, mes amis ; les Normands devaient l’être beaucoup Reitlag.fr 31 L’EnVers de l’Histoire de France moins car ils continuèrent leurs pillages. Il faut dire que ce genre de miracle était courant à l’époque ! Miraculi consueti quondam erant ; hodie rari sunt ! Après avoir ainsi perturbé la vie des braves évêques de l’ouest, les Normands, suivant un tropisme bien connu des visiteurs étrangers, se dirigèrent vers Paris. Ah ! Paris ! Les p’tites femmes ! Voyons, MarieEudoxie, ne vous formalisez pas ! Vous n’êtes pas parisienne ; vous êtes versaillaise. C’est un autre monde. O universi, O mores ! En fait de « p’tites femmes », le Normands allaient être déçus. Lorsqu’ils furent en vue de la capitale, on alla en toute hâte chercher sainte Geneviève afin qu’elle s’opposât à leur intrusion. Mais, les Normands furent donc déçus, et à double titre : d’abord, sainte Geneviève n’était plus en chair et en os, mais réduite, depuis quatre siècles, à l’état de reliques ; vous conviendrez que cet état était moins à même d’exciter leurs plus bas instincts. De plus, bien qu’enfermée dans une châsse (mais non, Moussa, cette châsse n’est pas de celles que l’on tire quand on a dû s’isoler un instant), elle n’en fit pas moins un miracle, et les Normands rebroussèrent chemin. N’est-ce pas magnifique ? Profitez bien de tous ces miracles, mes enfants. Vous constaterez en effet que, malheureusement, plus on avance dans l’Histoire, moins il y a de miracles…Miraculi cum tempore evanescent ! En ce temps là, les Normands avaient en face d’eux des rois un peu handicapés. Charles II, dont nous 32 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France venons de parler et qui mourut en 877, était donc nommé Charles le Chauve : il s’était fait raser la tête. Aujourd’hui, ce type de coiffure est bien porté. Ça vous va très bien, Moussa. Mais à l’époque, les rois Francs brillaient par leur noble chevelure. Le fils et successeur de Charles le Chauve fut Louis le Bègue. Vous imaginez comme il devait être brillant quand il prononçait ses discours ! Eh bien, ce qui devait arriver arriva : les rois perdirent le pouvoir au profit de leurs « comtes » (mot venant du latin comes, compagnon, comme vous ne sauriez l’ignorer). L’un régnait sur l’Auvergne, l’autre sur la Gascogne ou l’Aquitaine…Comment vous expliquer ? C’est comme, mon cher Moussa, quand vous concédez certains territoires à l’un de vos jeunes frères ou compagnons : à celui-ci, le « shit » dans la rue Gagarine ; à celui-là la « coke » rue Karl Marx. C’est comme, mon cher Mohammed, quand vous répartissez les responsabilités locales entre vos frères ou camarades : à l’un la prière de la mosquée de la résidence Saint-Louis ; à l’autre, l’animation de la cellule de la rue des Frères Pereire. Ou bien vous, Marie-Eudoxie, quand vous confiez à l’une de vos paroissiennes la catéchèse des enfants de la crèche Saint Pie X ou l’action missionnaire auprès des fidèles de la mosquée de Versailles Sud…Ah non ? Il ne fallait pas le dire ? Très bien, je n’ai rien dit ! Silentium in aurum est ! Quoiqu’il en soit, quand on concède des territoires ou des missions, il faut veiller au grain : faire respecter le pouvoir central… « Relever les compteurs », Reitlag.fr 33 L’EnVers de l’Histoire de France Moussa ? La formulation est imagée mais juste. Or, les rois n’avaient ni le pouvoir, ni le courage, ni même l’envie de le faire : la France se délitait. Charles II était chauve Et bègue était Louis II ; Il n’était rien qui sauve La puissance des deux. Ces rois sont ridicules ; Les comtes s’accaparent Leur pouvoir minuscule : Chacun en a sa part. La Moyen Âge développa le concept astucieux du servage. Le serf (de servus : esclave, en latin) différait de l’esclave antique en ce que son lien à son maître était parfaitement synallagmatique et équitable : Il travaillait pour le maître et celui-ci le protégeait. Oui, Moussa, c’est tout à fait comme le contrat que vous avez passé avec cette jeune fille que vous avez installée rue Saint-Denis : elle « travaille » pour vous et vous la protégez…et, si elle ne gagne pas assez, vous la frappez un peu ? Que voulez-vous, il faut bien faire respecter les contrats ! Pacti venerandi sunt ! Le maître, en son château, était le protecteur Du serf qui, dans les champs, faisait le laboureur. Il veille, de nos jours, sur le bout de trottoir 34 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Où se tient la « gagneuse »…et c’est la même histoire ! Vous voyez, mon cher Moussa, comment s’est constituée l’ « aristocratie ». Dois-je vous appeler comte, duc, marquis ou baron ? Caïd ? Ce n’est pas mal non plus. Donc, l’aristocratie, qui prévaudra jusqu’au dixhuitième siècle, se mettait ainsi en place avec l’ « esprit chevaleresque ». Les « nobles » se livraient en effet des combats incessants pour se ravir leurs terres, leurs richesses ou leurs femmes. Ils chevauchaient des montures qui allaient être de plus en plus caparaçonnées et ils portaient des armures de plus en plus lourdes et brillantes. Ah, Moussa ! Quand je vous ai vu tout à l’heure descendre de votre Harley-Davidson ®, retirer votre casque intégral et saluer la gracile amazone assise derrière vous, vous m’êtes apparu tel un preux chevalier médiéval ôtant son heaume pour présenter ses hommages à sa damoiselle…c’était votre « pute » ? Eh alors, Moussa ! Vous êtes un chevalier moderne, voilà tout ! Les seigneurs allaient devoir protéger leurs serfs, non seulement contre leurs rivaux, mais aussi contre de nouveaux envahisseurs cruels et barbares : les Hongrois. En 926, alors que la question des Normands, ces barbares qui avaient la mauvaise habitude de tout brûler, n’était pas encore réglée, les hordes hongroises se répandirent sur le royaume. Les Hongrois étaient cruels et brutaux. Ils avaient Reitlag.fr 35 L’EnVers de l’Histoire de France l’habitude de couper les testicules de leurs chevaux pour les rendre plus dociles (d’où le nom de hongre) ; on dit qu’ils réservaient également ce traitement à leurs ennemis…D’aucuns font remonter l’étymologie du mot « ogre » au mot « hongrois »…Je ne puis y croire, mes enfants. Quelles que soient les hautes qualités de votre Président, rien ne permet de lui attribuer celle-là ! Franciae princeps non ogrus est ! Certains venaient du nord : on les nomma Normands. D’autres venaient de l’est : on les nomma Hongrois. Mais tous étaient cruels, mais tous étaient méchants Et, rien que d’y penser, dans le dos, j’en ai froid ! On sait que les Normands avaient pour habitude De tout brûler. Sans doute aimaient-ils bien le feu. Les Hongrois, dont les mœurs étaient tout aussi rudes Aimaient la chirurgie : castrer était leur jeu. Au beau pays de France, il reste des Normands. Ils font du camembert, du poiré, du calva. Sur les Champs Elysées, on conte couramment Qu’il demeure un Hongrois : au sommet de l’Etat ! En 986, meurt le dernier roi carolingien : Louis le Fainéant. Eh oui, mon cher Moussa, je me demandais quel titre vous méritiez le plus mais voici que nous constatons que l’on peut être roi en ne faisant rien ! Quo non ascendes !....Pardon, vous faites quelque chose ? Ah oui, vous surveillez et vous protégez. Vous avez raison de le faire observer car 36 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France sinon, l’esprit égalitaire de Mohammed vous eût placé parmi les parasites. Bref, avec le « Fainéant », s’éteignait la dynastie. Il fallait nommer un nouveau roi. Et ce roi, ce fut Hugues Capet, votre ancêtre dont vous portez si joliment le nom, Marie-Eudoxie. Ceci dit et sans vouloir vous froisser, selon certains mathématiciens, tous les Français seraient aujourd’hui des descendants d’Hugues Capet. Comment cela ? C’est très simple : prenons comme hypothèse une descendance de dix enfants par famille, ce qui était fréquent ; supposons que seuls quatre puissent se reproduire…oui, Mohammed, beaucoup mouraient en bas âge ; sous l’effet de l’exploitation capitaliste ? Peut-être ; oui, MarieEudoxie, en chaque famille, il en était qui étaient prêtres, mais ceci n’empêche pas d’apporter sa contribution à la démographie ; oui, Moussa, certains étaient homosexuels, ce qui est peu propice à la reproduction…et à votre commerce aussi ? Bien sûr. Bref, il en reste au moins quatre qui se reproduisent au rythme de cinq générations durant dix siècles ; au total, le nombre de leurs descendants s’élève à 4 puissance 50 soit plus de 4 milliards dès la douzième génération ! Même si l’on élimine, les redondances, tous ceux qui sont morts au cours de ces siècles, et que l’on prend en considération les approximations mathématiques de ce calcul, on voit bien que tous les Français descendent d’Hugues Capet…même vous, Moussa ? Probablement. Votre pays d’origine n’a-t-il pas reçu la visite de missionnaires français ?... Reitlag.fr 37 L’EnVers de l’Histoire de France Hugues Capet n’était pas très brillant. Il était maire du Palais et, en 987, le trône étant vide, il s’assit dessus…un peu comme Monsieur Chirac, maire de Paris en 95, Mohammed ? Vous savez, je ne suis pas très au fait de la politique française. Pour accéder au trône, Capet s’était allié les puissances de l’Eglise : les abbés et les évêques. Ceci avait deux avantages : d’une part, les abbayes et les évêchés détenaient l’argent, et puis la religion donnait un support moral à son pouvoir. Non, Mohammed, ce n’est pas lui qui a dit « la religion est l’opium du peuple ! » Mais il le pensait sûrement. Charles Martel avait fondé la dynastie Carolingienne qui dura deux cents onze ans, Quand celle qu’a fondée Hugues bien malgré lui A régné sur la France près de huit cents ans. Il était très obscur et bien insignifiant Quand, par le fait de multiples péripéties Il fut proclamé roi, âgé de cinquante ans, Et connut le pouvoir pour une décennie. A propos des descendants d’Hugues Capet, le premier commença une belle carrière en resserrant tant les liens avec l’Eglise qu’on l’appela Robert le Pieux. Hélas, il rencontra une certaine Madame Berthe de Bourgogne, s’en éprit et divorça. Le charme était rompu ; il fut excommunié par le pape Grégoire V. Vous pensez, Marie-Eudoxie, qu’il a agi ainsi sous l’influence du Diable ? Moi, je pencherais 38 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France plutôt pour celle des hormones. Mais, De diabolis et hormonis, non disputandum est ! Le fils d’Hugues Capet était bien éduqué Dans le chant, la musique et la théologie Et l’œuvre de sa vie peut être résumée En trois parties (en somme, en une trilogie). Il guerroya beaucoup, ceci est bien banal Pour un roi de ce temps et il serait stupide De lui en faire ici le reproche brutal Au lieu de célébrer ce beau prince intrépide. Il avait un grand goût pour la théologie Et ainsi pourchassa les pauvres malheureux Qui avaient succombé au chant des hérésies : Pour ça on lui donna pour nom Robert le Pieux ; Mais un petit travers allait briser le charme : Il divorça ! Eh, oui, c’est ainsi quand on aime… …Le pape s’en émut et en fit tout un drame : Il fut excommunié et frappé d’anathème. * Ce n’était que justice, il faut bien convenir Que tuer des ennemis ou bien des infidèles Vous fera sanctifier mais que si le désir Dévie votre chemin, vous n’irez pas au ciel. Reitlag.fr 39 L’EnVers de l’Histoire de France A propos de Diable, laissez-moi vous dire ici une comptine traitant d’un sombre seigneur normand de l’époque, Robert le Diable : Un célèbre poème, au cœur du Moyen Age, Conte la destinée de ce prince maudit Et qui de sa naissance avait, en héritage De celui que sa mère avait pris pour mari, Reçu le nom. La vérité hélas est bien moins romantique Et moins troublante aussi, il faut m’en excuser ; Ce fils de Richard II, quelque peu colérique Avait tué son frère et puis avait régné, Grâce au poison. Alors sa destinée est de celles qu’on aime : Il part pour la croisade et va se distinguer Jusqu’à ce qu’un beau jour, près de Jérusalem En un combat fatal il se fasse tuer Par trahison. Mais pendant qu’en Orient il vivait de rapine, Une jeune princesse accouchait de Guillaume (Arlette de Falaise était sa concubine) Et cet évènement assurait à cet homme Sa succession. Ainsi ce prince obscur est passé à l’Histoire Grâce à son fils Guillaume dit « Le Conquérant » Qui se fit un destin en connaissant la gloire 40 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Au pays d’outre Manche appelé maintenant : Perfide Albion. En effet, en 1066, un évènement important se produisit. Guillaume Le Bâtard, duc de Normandie et fils de Robert le Diable (que l’on appelait aussi, je ne sais pourquoi, Robert le Magnifique (Vade retro, Satanas !), avait, au cours des années précédentes, accru son pouvoir et devenait un rival pour le roi de France. Pour une sombre histoire d’héritage, Guillaume en vint un jour à s’intéresser au trône d’Angleterre. En 1066, donc, il passe à l’action, traverse la Manche, prend pied sur le sol britannique, bat le roi Harold et devient roi. Bonne affaire, en apparence, pour le roi de France ! Vous me disiez tout à l’heure, Moussa, que quand votre principal concurrent Djibril avait cessé d’être « dealer » à La Courneuve pour devenir « trader » à la City (évolution somme toute naturelle), ça avait élargi le champ de vos activités. Oui, mais le 15 septembre 2008, c’est la chute de Lehmann Brothers ! Djibril est à Waterloo Station avec juste de quoi s’acheter un billet de retour ; et pour vous, mon pauvre Moussa, les ennuis commencent. Eh bien, ce fut pareil pour le royaume de France : dix siècles de luttes et de combats. Mais oui, Mohammed, au foot vous dominez souvent les Anglais…mais pas les Italiens : Memoriam tenite poculi mundi ! Il descendait directement Des Vikings, ces grands ennemis Reitlag.fr 41 L’EnVers de l’Histoire de France Qui, se faisant aider du vent, Avaient conquis la Normandie Par la mer, venant de Norvège ; Puis sur les fleuves remontant Sous le vent, la pluie ou la neige, Avaient massacré tant et tant. Tout cela était bien ancien Car il était duc maintenant Et, à l’occasion, le soutien Du roi de France, son parent ; Mais en politique, on le sait, Les soutiens sont aléatoires, Et les alliances renversées : C’est cela le sens de l’Histoire. Bref, il se fâche avec Henri, Et défait le comte d’Anjou, Fait triompher la Normandie Trahit un peu et tue beaucoup. Soudain meurt le roi d’Angleterre : Guillaume a droit à l’héritage Et aussitôt il prend la mer : L’envie suscite les voyages… (Edouard était le roi défunt, Fils d’Emma, l’arrière grand-tante De Guillaume à qui le soutien 42 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France D’Harold, par des lettres patentes, Deux ans plus tôt était donné En cas de vacance au royaume, Ce qui justifiait assez Toute confiance de Guillaume… …J’ignore si c’est évident Dans vos esprit, mais il faut croire Que ça l’était en ce bon temps Car cela modifia l’Histoire !) En septembre il franchit la Manche, Il sème alentour la terreur Pour tuer l’esprit de revanche : De l’Angleterre il est seigneur ! Des français ont fait la conquête De l’Angleterre un beau dimanche ; Oh ! Jour de gloire, Oh ! Jour de fête, La France règne sur la Manche… …Les choses évoluent souvent Différemment qu’on l’espérait ; Parfois même fâcheusement : Guillaume est devenu Anglais ! * Reitlag.fr 43 L’EnVers de l’Histoire de France Mes chers enfants, il se fait tard et nous allons arrêter là notre cours pour aujourd’hui. Je compte, pour ma part, rendre une visite de courtoisie à mon collègue Mgr Vingt-Trois, l’archevêque de Paris…oui, ici, on numérote les évêques ; chez nous, c’est les papes ; décidément, nous ne jouons pas dans la même division ! Je pense, par ce beau temps printanier, m’y rendre à pied en descendant la Rue Saint-Denis. Vous me disiez, Moussa, que vous y aviez une connaissance ? Peut-être auriez-vous l’obligeance de lui adresser de ma part un SMS d’introduction ?...Enfin, si je puis dire. Vous, mes amis, profitez de la soirée pour vous détendre ou réviser votre cours. Mohammed, peutêtre pourriez-vous raccompagner un peu MarieEudoxie ; je me suis laissé dire que dans le métro, « ça craignait » parfois pour les jeunes filles ? Oui, bien sûr, vous pouvez la faire bénéficier auparavant d’une séance à votre cellule ; ça lui sera sûrement profitable. Quant à vous, Moussa, filez vite au parc de La Courneuve ! Si, comme vous me le dites, on y brade la barrette de « shit » à 35 €, vous vous devez de réagir ! On ne peut laisser mourir le petit commerce ! Minimus commercium non perire debet ! 44 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Chapitre II LE TEMPS DES CROISADES Bonjour, mes amis. Comment s’est passée votre soirée, Marie-Eudoxie ? Avez-vous, à la cellule anarcho-trotskiste de Mohammed, découvert les rudiments du matérialisme dialectique ? Non, vous avez fait des manipulations chimiques…mais oui, c’était pour confectionner des pétards pour le Quatorze Juillet, bien sûr, voyons ! Et vous, Moussa, comment ce petit litige commercial s’est-il réglé ? Difficilement ? Mais non, je ne crois malheureusement pas qu’il existe à l’Organisation Mondiale du Commerce une chambre traitant particulièrement du commerce du « shit ». Pour ce qui me concerne, j’ai pris grand plaisir à descendre la rue Saint-Denis et à faire connaissance de cette demoiselle Lulu, votre relation, Moussa, qui a beaucoup de conversation. Je suis arrivé tout Reitlag.fr 45 L’EnVers de l’Histoire de France guilleret chez Vingt-Trois…assez en retard, mais vraiment tout guilleret ! * Mais revenons à notre affaire. Au tournant du millénaire, s’étaient donc créées deux dynasties : l’une en France, l’autre en Angleterre. Au cours des siècles futurs, elles allaient se livrer une lutte incessante. Néanmoins, elles ont su se trouver à l’occasion des ennemis communs. Nous avons quitté le royaume de France avec Robert II le Pieux. Son fils Henri 1er et son petit-fils Philippe 1er laissèrent peu de traces dans l’Histoire. Le fils de Philippe 1er, Louis VI le Gros laissa plus de souvenirs : d’abord, il était glouton et d’ailleurs, il en mourut. Et puis, avec son ami l’abbé Suger, il édicta un premier statut du servage. Oui, Mohammed, tant qu’à faire d’exploiter le pauvre peuple, autant le faire dans les règles. Proficemus secundum legem ! C’est sous le règne de Louis VI que commencèrent les croisades. Cet épisode à toute sa place dans l’Histoire de la France pour plusieurs raisons : d’abord, Urbain II, le pape qui en fut à l’origine, s’appelait Eudes de Châtillon, était français et prêcha la croisade à partir de Clermont, en Auvergne ; Pierre l’Hermite, qui prit la tête de cette première croisade 46 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France était abbé d’Amiens ; enfin, les rois français s’illustrèrent tout au long de ces saintes expéditions. Pourquoi Urbain II lança-t-il cette merveilleuse opération ? On donne généralement pour causes premières la « libération » du tombeau du Christ, tombé aux mains des musulmans turcs seldjoukides; le libre accès des pèlerins à Jérusalem ; la volonté des papes de reprendre la main en Orient, alors que Constantinople s’affaiblissait. Mais, vous le savez mieux que quiconque, Mohammed, on considère assez communément de nos jours, dans la ligne de pensée de ce bon monsieur Marx, que l’idéologie n’est le plus souvent que la superstructure, quand l’économie est le fondement du sens de l’Histoire. Embarquons pour l’Orient Pour faire triompher La religion sacrée… Et puis, pour rapporter Un peu d’argent ! L’empereur d’Orient, Alexis Comnème, appelait au secours l’Occident, pape et rois confondus, à venir l’aider à résister contre les Seldjoukides. Que faitesvous, Moussa, quand votre ami et néanmoins rival Djibril vous demande votre aide contre la bande des Congolais du 9-5 qui lorgnent son domaine ? Vous répondez présent ; vous montez une expédition ; vous bastonnez les Congolais ; puis, en façon de remerciement de sa part, vous lui demandez de vous Reitlag.fr 47 L’EnVers de l’Histoire de France céder la moitié de son territoire. Pensez-vous qu’Urbain II ait eu d’autres intentions ? Moi pas ! L’empereur d’Orient est dans un mauvais pas. Allons le secourir, surtout, n’hésitons pas ! Toute peine, dit-on, méritant son salaire, Nous nous ferons payer sur ses biens et ses terres. Et puis, une petite guerre, dont l’issue semble favorable, qui plus est, ça vous ressoude une nation, une communauté. Alors, Urbain procède à un élégant et efficace habillage idéologique, distribue des Indulgences et le 27 novembre 1095, la croisade est lancée. Je ne vais pas vous détailler cette première croisade dont les résultats sont bien connus : parmi les membres de la « croisade populaire », bien peu sont revenus. Les victimes sont donc au nombre de plusieurs dizaines de milliers. Les chevaliers qui suivirent eurent, proportionnellement, moins de pertes, même si bon nombre d’entre eux ne revinrent pas non plus. Quant à ceux qu’ils rencontrèrent en chemin : les habitants de Constantinople, les Turcs, les Sarrasins, ils durent bien succomber dans des proportions proches des celles des chevaliers…Ah oui, j’oubliais. Au passage, les croisés firent nombre de pogroms dans toutes les villes qu’ils traversèrent : Metz, Trêves, Cologne, Mayence, Worms, Ratisbonne et Prague…Ce n’était sans doute qu’une préparation puisqu’à Jérusalem, Godefroy de Bouillon fit brûler la synagogue où les juifs s’étaient réfugiés. Si la croisade était une guerre entre les 48 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France chrétiens et les musulmans, il fallait bien que les juifs y apportassent aussi leur contribution…Maximi victimi sunt, sanctissima expeditio est ! Le pape de ce temps, le bon pape Urbain II Avait demandé qu’on délivre le tombeau De Jésus-Christ (c’était sans doute un noble vœu Bien qu’un peu surprenant, nous le disons bien haut, Puisque ainsi qu’on le sait, Christ est ressuscité Et, de ce fait illustre, il découle bien sûr Que son tombeau ne peut qu’être inutilisé… …Mais tout ceci hélas échappe aux âmes pures). Bref, à ce saint appel il fallait réagir Et les chevaliers francs prirent la décision De punir l’infidèle et de bientôt partir Sous la conduite de Godefroi de Bouillon. Avant eux, cependant, étaient déjà partis Cent mille paysans, une armée de piétaille (Mais il est plus prudent pour les princes nantis De laisser tous ces gueux goûter de la mitraille). Ils passent le Bosphore et découvrent l’Asie, Ils massacrent beaucoup, conquièrent quelques villes, En détruisent pas mal (tout ceci est béni) Montrant de l’Occident un aspect fort civil. Voici Jérusalem ! Qu’on détruise la ville ! Elle est peuplée de juifs, de Turcs, de musulmans ! Reitlag.fr 49 L’EnVers de l’Histoire de France Ils sont tous massacrés (on parle de cent mille), Godefroi de Bouillon règne enfin sur l’Orient. Cent trente mille au moins de ces croisés sont morts Sur la route qui mène au tombeau désiré ; Cent mille mécréants ont eu le même sort Il est de quoi remplir le tombeau libéré ! Que Louis VI soit béni d’avoir contribué à cette glorieuse croisade. Des croisades, il y en eut au total huit, en moins de deux siècles. Je ne voudrais pas vous lasser en vous les racontant toutes. Qu’il vous suffise de savoir qu’elles eurent des points communs : de grands massacres et une faible réussite. Un petit mot sur la seconde : je vois que Mohammed en meurt d’envie ; celle que mena le roi Louis VII avec l’empereur d’Allemagne, Conrad de Hohenstaufen. En ce temps on disait au chœur des cathédrales Que les soldats d’Islam, peut-être par bravade Ou bien tout simplement, l’affaire est fort banale, Fâchés d’avoir connu la première croisade, Agissaient de façon un peu brutale et rude Envers les Francs restés en terre d’Israël. Ces braves musulmans selon leur habitude Les égorgeaient un peu (mais avec tout leur zèle). Saint Bernard de Clairvaux, en terre d’Allemagne S’en alla rencontrer le nouvel empereur 50 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Conrad III, successeur du très saint Charlemagne, Afin qu’il fît cesser ces terribles malheurs. (On s’interroge encor sur comment il put faire Car il ne parlait pas l’Allemand, mais bien sûr Quant on est futur saint, un miracle, un mystère Est toujours bienvenu pour forcer la nature.) Bref, Conrad est bientôt convaincu de l’urgence De la situation. Une croisade encore Semble le seul moyen de rentrer dans la danse Et d’écraser les Turcs, aux rives du Bosphore. Conrad rentre en contact avec le roi de France, Louis VII et lui propose une action concertée, Alliant à la vigueur une saine prudence Et faisant triompher le drapeau des Croisés. Cent mille sont en route et le but est Damas ; On galope et l’on court battre les Musulmans Mais bientôt cette armée tombe dans une nasse, Elle est exterminée en des combats sanglants. L’année d’après, pourtant, l’affaire recommence Et se termine aussi de façon fort piteuse Pour le roi d’Allemagne et pour le roi de France Mal récompensés de leurs vues aventureuses. Conrad et Louis alors reprennent leurs navires, Ils n’ont pas triomphé, ils n’ont pas pris Damas Et ils rentrent chez eux, oserai-je le dire, Reitlag.fr 51 L’EnVers de l’Histoire de France Vaincus, déshonorés et, bien sûr, la queue basse. * Le héros de cette aventure, Louis VII, contrairement à son père, était plus ascète que bon vivant. A 17 ans, il épouse Aliénor d’Aquitaine qui, par nature, était plutôt d’humeur festive. Ça ne pouvait que poser des problèmes : « j’ai l’impression d’avoir épousé un moine », disait la reine. Pour la distraire, le roi l’emmène en croisade et là, en chemin, elle tombe dans les bras de son oncle Raymond de Poitiers, dont les ardeurs correspondaient mieux à son tempérament que les froides dévotions de son époux. Me fais-je bien comprendre, Marie-Eudoxie ? Non ? Ce n’est pas grave, Moussa vous donnera toutes explications complémentaires après le cours : Pro virgini, explicationes et usus necessarias sunt ! Louis VII, fâché de l’aventure, fait annuler son mariage par le pape. Ça vous paraît normal, Mohammed ? Je vous trouve bien rigoriste. Quoiqu’il en soit, normal ou pas, ce fut une sottise. Aliénor, désormais libre, épouse Henri Plantagenêt, le futur roi d’Angleterre à qui elle apporte l’Aquitaine ; ce qui, après bien des péripéties, contribuera à la revendication des Anglais sur le trône de France et à la Guerre de Cent Ans. Voyez-vous, Moussa, si d’aventure cette dame, la grande Lulu, qui travaille pour vous rue Saint Denis, venait à vous quitter pour un Anglais, conservez au moins vos dix mètres de 52 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France trottoir : on peut céder une partie de son stock mais on doit toujours conserver son fonds de commerce… C’est à n’en pas douter une étrange aventure Que celle d’Aliénor ; ses conséquences durent Jusqu’ici et je vais tenter de vous conter Des péripéties qui sont assez compliquées. Elle hérite à quinze ans de toute l’Aquitaine ; Pour cette jeune enfant, c’est une belle aubaine Et voici qu’aussitôt elle cherche un mari, Trouve le fils du Roi et dont le nom est Louis. Mais le roi, Louis le Gros s’empresse de mourir (L’a-t-on aidé ? Je pense qu’on ne peut le dire) Et Louis le Jeune alors prend le nom de Louis VII ; Et Aliénor est reine ; et s’en fait une fête. Bien vite, par malheur, elle doit déchanter : Aux affaires du lit, son mari n’est pas doué ; Pour combler la jeunesse il n’est pas l’homme idoine : « Au lieu d’un homme, hélas, j’ai épousé un moine ! » Aliénor n’en peut plus et pour tromper l’ennui Elle part en croisade où vite elle séduit Un joli cavalier : C’est son oncle Raymond Qui sait lui enseigner des merveilles et monts… C’est ainsi qu’aussitôt revenue de voyage Reitlag.fr 53 L’EnVers de l’Histoire de France Au prétexte douteux d’un lointain cousinage Elle obtient le divorce et puis se remarie A un Plantagenêt qui se prénomme Henri. Cet homme est l’héritier du grand roi d’Angleterre Et très vite il hérite (encore un grand mystère…) Mais il la trompe avec la belle Rosemonde (Et même, nous dit-on, presque avec tout le monde.) Il faut savoir qu’alors Aliénor à trente ans (C’est un âge avancé pour l’époque et le temps) Quand Henri en a vingt, mais, est-ce une raison ? Chacun à ce sujet se fait sa religion. Aliénor, en tout cas, n’apprécie pas l’affaire ; Elle est fâchée ; bientôt, elle engage une guerre Contre son jeune époux ; c’est un combat à mort : La France et l’Angleterre en subirent le sort. Henri II s’en saisit, il la fait prisonnière ; Il l’enferme au couvent tout près de Winchester Mais bientôt elle sort de sa triste prison Libérée par son fils (c’est Richard Cœur de Lion !) Et l’infidèle Henri, au soir d’une défaite Meurt, honteux d’avoir tué le grand Thomas Becket, Puis meurt le jeune Henri qui est son fils aîné Et Geoffroi, autre fils : cruelle destinée. Aliénor est bien vieille et elle a survécu A ceux qu’elle a battus, à ceux qui l’ont vaincue ; 54 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France L’héritière de France ainsi que d’Angleterre S’enferme à septante ans au fond d’un monastère. C’est ainsi qu’en raison des ardeurs utérines D’une jeune princesse, héritière angevine, L’Angleterre et la France ont connu les tourments Qu’on désigne aujourd’hui par « Guerre de Cent Ans » Et puis, il faut le dire, il faut le reconnaître Par simple honnêteté, sans passer pour un traître, C’est grâce à Aliénor, la bru de Louis le Gros, Qu’aujourd’hui les Anglais aiment tant le Bordeaux. Louis VII, pour se consoler du départ d’Aliénor se remaria deux fois et, avec sa troisième épouse, eut enfin un garçon qu’il prénomma Philippe et qui devint premier « roi de France » sous le nom de Philippe II ou Philippe-Auguste, après qu’il eut été sacré à Reims par Guillaume de Champagne (auparavant, les rois étaient « rois des Francs ») : Guillaume de Champagne (à l’esprit pétillant !) Eut une carrière qui frise l’indécence Puisque nommé évêque, à peine à dix-huit ans Et puis, à vingt-deux ans, archevêque de Sens ! C’est alors qu’il sacra Philippe-Auguste à Reims (Philippe est son neveu, ça se passe en famille) Et montra son pouvoir aux comtes et aux princes, Aux marquis et aux rois, à leurs fils et leurs filles ; Reitlag.fr 55 L’EnVers de l’Histoire de France Il accède ainsi au faîte de la puissance Et quand le roi s’en va en croisade en Orient, Guillaume de Champagne gouverne la France, Métier où il excelle assez rapidement. Il est l’ami du pape à qui, bien entendu, Lorsque Thomas Becket est lâchement tué, Il adresse aussitôt un grand compte rendu Afin qu’Henri II soit dûment excommunié : Il donne maints détails à Alexandre III, Apporte son avis, émet des opinions Et compare Henri II à Julien l’Apostat Et il obtient ainsi l’excommunication Puis, lassé d’une vie brillante et politique, Il s’enferme au couvent sous le coup d’un oracle, Se consacre à l’étude de la scolastique Et puis, à l’occasion, à faire des miracles. « Toi qui avais ce don, Guillaume que n’as-tu Usé de ce moyen dans le but qu’Aliénor Epousât simplement un bon Français du cru ? Le royaume eût connu alors un autre sort. » Pour bien débuter son règne, Philippe-Auguste pensa que rien ne valait une bonne petite croisade, la troisième, qui avait été prêchée par l’abbé Foulques de Neuilly, un bien saint homme : 56 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Cet abbé a prêché au nom d’Innocent III La troisième croisade au destin si tragique Mais ça n’est pas pour ça, tout au moins je le crois, Qu’on connaît aujourd’hui ce prêtre catholique ; C’est qu’il a fait bâtir, au sein de sa cité Peu avant de mourir, en l’an Douze Cents Un Une maison où sont groupées les prostituées ; On le dit Bienheureux : On le serait à moins ! Ah ! Une maison tout entière…ça vous fait rêver, Moussa ! Cette croisade était destinée à lutter contre le grand prince sarrasin de l’époque, Al-Malik an-Nâsir Salâh ad-Dîn Yûsuf[] Al-Ayyûbî dit Saladin ; sûrement l’un de vos ancêtres, mon bon Mohammed. Ce fils d’un prince kurde eut beaucoup de mérite Puisque il a su unir la Syrie et l’Egypte, Ce qui lui a valu d’être bientôt vizir De ce qui, en Orient, devenait un empire ; Puis c’est Jérusalem qu’il voulut libérer (Ce que, cent ans plus tôt, avaient fait les croisés Mais il faut penser que, de la libération, Ils avaient chacun sa propre définition Et l’on peut observer que de nos jours encore Les autres et les uns se passent sur le corps Pour, sur la ville sainte, arborer leur drapeau Reitlag.fr 57 L’EnVers de l’Histoire de France Et acceptent pour ça de mourir en héros…) ; Bref, le Moyen-Orient est à feu et a sang : Il combat Cœur de Lion et Guy de Lusignan Et Barberousse aussi avant que les Croisés Ne fissent avec lui finalement la paix. Il avait réussi l’unité musulmane Mais son comportement sexuellement insane A fait que s’effondra bientôt tout l’édifice Car il fut partagé entre ses dix-sept fils ! Vous voyez, chère Marie-Eudoxie, le danger qu’il y a à avoir autant d’enfants ; comment allez-vous partager la propriété que Monsieur votre père vous a léguée à Brétigny en Argonne ?...Elle est présentement squattée par un groupe charismatique ? Alors, tout va bien, le partage est déjà fait. En 1190, Philippe part donc en croisade avec son collègue anglais Richard Cœur de Lion (Richard the Lionheart) qui n’était autre que le fils d’Aliénor, la première épouse de son père ! Philippe y tombe malade, perd ses ongles, ses cheveux, un œil et, bien sûr, de nombreuses batailles. Il décide alors d’arrêter la croisade et rentre en France alors que Richard vole de succès en succès. Philippe en est jaloux et, profitant que Richard a été fait prisonnier, il s’attaque à son petit frère, Jean Sans Terre, John Lackland. C’est vrai, Mohammed, s’attaquer à un petit frère, ce n’est pas loyal ! Mais voici justement que Richard est 58 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France libéré grâce à la rançon payée par Aliénor, sa mère. Le grand frère vole au secours du petit et Philippe essuie des revers…ce que veut dire « essuyer des revers », Moussa ? Prendre une baston ? Oui, ça me semble une définition lapidaire mais convenable. Et qu’est devenu le petit frère, John Lackland ? Ce texte de l’époque répond à la question. Vraiment, la vie des grands n’est pas toujours aisée ! Voici l’histoire d’un pauvre roi d’Angleterre Dernier de huit enfants et un peu délaissé Que nous connaissons sous le nom de Jean sans Terre. C’est le fils d’Aliénor et du roi Henri II, Le frère de Richard qu’on nomma Cœur de Lion Et cet enfant cadet était fort ambitieux Et prêt à sacrifier tout à cette ambition. D’abord, il se révolte envers le roi son père Puis envers Cœur de Lion, parti à la croisade ; Chaque fois il échoue (le sort lui est amer) Mais se remet toujours après une brimade. Pour assurer son trône, il fait assassiner Un jeune enfant, Arthur, son neveu de douze ans (Quand on est fils de roi et qu’on n’est pas l’aîné Il vaut mieux se méfier de tous les prétendants…) Puis voici qu’il enlève Isabel d’Angoulême Tout simplement parce qu’il veut se marier Reitlag.fr 59 L’EnVers de l’Histoire de France (On n’est pas raisonnable, hélas, lorsque l’on aime !) Et il est bien puni de cet acte insensé Car, Isabel étant fiancée à Lusignan, Les pairs de France alors lui ôtent le Poitou, La Bretagne et bien sûr le domaine normand, Le Maine et la Touraine et puis enfin l’Anjou. Le voici qui se fâche avec Innocent III, Au sujet de l’évêque de Canterbury Et le pape qui se veut plus grand que les rois Le frappe d’interdit et puis l’excommunie. Après tous ces échecs, il veut, on le devine, Redorer son blason ; il traverse la Manche Combat le roi de France, est vaincu à Bouvines Et rentre en Angleterre en rêvant de revanche. Devant de tels exploits, ses barons se soulèvent, Veulent le destituer ; il accepte une Charte Et puis il la révoque (ce n’était qu’une trêve) Et agissant ainsi, joue sa dernière carte Et encore une fois, Jean sans Terre est vaincu Car il n’a plus d’atout à mettre sur la table, Le voici destitué, son honneur est perdu : Il meurt piteusement pour un excès de table… Ah ! Quelle triste destinée ! Mourir d’un excès de table, c’est bien le triste sort des grands de ce monde. Le petit peuple ne se rendait pas compte du bonheur 60 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France qu’il avait d’en être prémuni en connaissant la disette. Voyez-vous, mes enfants, il est des gens sur cette terre qui n’ont pas de chance ; dont la destinée est d’être vaincus : John Lackland en Angleterre, Don Quichotte en Espagne, Pinocchio en Italie, Poulidor en France, Monsieur Hitler en Allemagne… Ce n’est pas le cas de Philippe-Auguste. Il restera dans l’histoire de votre pays comme un très grand roi et la belle élégie que voici en atteste : Il est fils de Louis VII quand, à peine à quinze ans, Il devient roi de France et voit avec dépit Que le royal domaine à son avènement Est, à n’en pas douter, à tout le moins réduit ; Alors, Philippe aura, durant son existence Le permanent souci de renforcer l’Etat, Le désir d’agrandir le royaume de France, La volonté de faire prévaloir sa loi. Il se tourne pour ça, d’abord vers l’Angleterre Il combat Henri II et soutient Cœur de Lion, Est déçu, se retourne alors vers Jean sans Terre Qu’il trahit aussi vite et combat sans façon. Tout ceci lui permet d’agrandir le royaume, Il prend la Normandie, le Maine et le Poitou Et, comme un édifice est couronné d’un dôme, La France obtient enfin la Champagne et l’Anjou. Reitlag.fr 61 L’EnVers de l’Histoire de France Il fit une croisade (il fallait bien la faire, Le pape Innocent III l’avait tant réclamée), Il la perdit, bien sûr, (hélas il faut s’y faire C’était une habitude alors bien affirmée). Ce créateur d’Etat, cet administrateur, Ce courageux guerrier, le vainqueur de Bouvines Etait aussi bien sûr un brillant percepteur : Pour la Croisade il fit la « dîme Saladine » ! Sa vie matrimoniale était tout sauf tranquille ; Il épouse d’abord Isabeau de Hainaut : Cette princesse douce, charmante et gracile Va lui faire un enfant et mourir aussitôt. Il cherche au Danemark une épouse nouvelle ; On lui envoie alors la princesse Isambour Qui a des qualités mais hélas n’est pas belle Et sera répudiée au bout de quelques jours (Le roi, que voulez-vous, n’avait aucun émoi Auprès de cette reine) et il l’a fait cloîtrer ; Mais ce divorce fâche alors Innocent III Qui bien sûr se dépêche de l’excommunier. La chose est arrangée mais il se remarie Et le pape furieux l’excommunie encore (C’est grave cette fois, c’est de la bigamie !) Mais le roi, de nouveau, est sauvé par le sort : La reine Agnès se meurt ! Philippe Auguste peut 62 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Rappeler Isambour et par un simulacre, Du pape Innocent III combler alors les vœux Et réconcilier le Sceptre et le Tabernacle. En 1223, Philippe-Auguste meurt et son fils accède au trône sous le nom de Louis VIII, dit Le Lion. Eh oui, Richard en avait le cœur, lui, il fallait qu’il fût l’animal tout entier ! Il avait obtenu ce sobriquet en guerroyant vaillamment contre les Anglais. Néanmoins, enfin arrivé au trône, il se demanda comment affirmer son pouvoir et sa gloire. Avezvous une petite idée, Marie-Eudoxie ? Par une croisade ? Mais oui, bonne réponse. Sauf qu’à l’époque, aucune croisade n’était hélas programmée. Honorius III, le pape du moment, avait bien hérité d’une croisade en cours (la cinquième) qui, comme les autres, se termina par un désastre. Mais il avait hérité aussi d’une croisade « intérieure » au royaume de France, une opération de police, en quelque sorte, à l’encontre de renégats que l’on nommait les Cathares ou les Albigeois. Il invita donc Louis VIII à lui prêter la main en cette affaire, comme son père Philippe II l’avait fait en son temps. Cette opération présentait de multiples avantages ; on allait moins loin, on élargissait le domaine royal ; on faisait une bonne manière au pape, ce qui peut toujours servir. Certains historiens athées et inspirés par le Malin font, dit-on, circuler à l’université, ce libelle en forme de tract. Il voulait faire au pape une bonne manière, Reitlag.fr 63 L’EnVers de l’Histoire de France Car le pape en ce temps avait de la puissance, Et il voulait aussi, au royaume de France, Apporter un surcroît de sujets et de terres. Il nous faut un motif, une juste raison ! Faisons une croisade pour la religion ! Pour que les choses pussent se passer au mieux, le pape envoya son légat personnel, un moine cistercien du nom d’Arnaud Amaury (ou Amalric), pour soutenir le roi. Ce moine était caractérisé par une grande foi et un grand bon sens. Un jour qu’au milieu d’un consciencieux massacre d’Albigeois, un croisé était un peu perdu et se demandait qui était Albigeois et qui ne l’était pas. Le bon moine Amaury lui dit : « Tuez les tous, Dieu reconnaître les siens ! » Admirable, n’est-ce pas ? Vous faites pareil lors des « bastons » entre la bande de la rue Staline et celle de la résidence Karl Marx, Moussa ? Vous irez loin, mon petit. Combien y eut-il de victimes cathares ? On parle d’un million mais ce chiffre semble un peu exagéré. Contentons-nous, d’un exemple. Le 22 juillet 1209, les troupes du pape et du roi de France entrèrent dans Béziers qui avait eu l’audace de les faire patienter hors les murs en un siège fastidieux. Les Biterrois furent punis : dans la journée on en tua sept mille ! Tout ça mérite quand même que Louis VIII passe à la postérité. Fils de Philippe Auguste, 64 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Il était fort robuste Puisqu’il eut douze enfants A moins de quarante ans. Il avait guerroyé Contre un seigneur anglais, Le pauvre Jean sans Terre, Mais n’eût pas l’Angleterre Qu’on lui avait promise (Et, par une traîtrise Bien commune aux Anglais, Qu’on lui a retirée.) Par un sort merveilleux, Une croisade eut lieu Juste après ce moment En terre d’Occitan ; Quelle occasion bénie Qu’on parle enfin de lui En termes élogieux, Qu’on le prenne au sérieux ! Il crie sus aux Cathares, Ces gens un peu bizarres Mais qui ne plaisaient pas Au pape Honorius III. Certains se convertissent (Après quelques délices Reitlag.fr 65 L’EnVers de l’Histoire de France Qu’on nomme la torture) Mais, les vraies âmes pures Restent dans l’hérésie Et, puisque c’est ainsi On les mène au bûcher (C’est pour mieux les sauver). Puis, en quittant la scène Et puisque toute peine Mérite son salaire Louis s’empare des terres Des Cathares vaincus Et met sur son écu Pour l’honneur de la France Les fiefs en déshérence. Vous avez raison, mon cher Mohammed, le dernier verset de ce cantique démontre là encore que les plus belles causes métaphysiques cèdent le pas à des considérations un peu matérielles, voire carrément matérialistes. Carolus Marxus nihil excogitavit ! En 1200, Louis VIII avait épousé une jeune espagnole, Blanca de Borgoña ou de Castilla, dite Blanche de Castille. C’était la petite fille de la fameuse Aliénor, donc la nièce de Jean sans Terre sur qui son mari avait tapé si fort. Mais, l’Histoire de France n’est qu’une longue suite de querelles de famille. A trente-deux ans, en 1226, Blanche de Castille se trouve veuve et régente du royaume. 66 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Quand on est encore jeune mais que l’on a perdu son mari, que fait-on ? Non Moussa ! On ne va pas nécessairement arpenter la rue Saint-Denis, mais on recherche néanmoins une compagnie masculine. Elle se rapproche alors de Thibault, comte de Champagne, le plus puissant vassal du royaume. Celui-ci lui écrivait des vers enflammés : « Dame, quand je fus pour la première fois Devant vous, quand je vous vis, Mon cœur si fort a tressailli Qu'il est resté auprès de vous, quand je partis. » On dit aussi que Blanche aurait eu des faiblesses pour le légat du pape. Vous savez, mes enfants, les jeunes et belles femmes ont parfois des élans pour les ecclésiastiques. C’est une situation qu’il m’arrive de connaître. En ce cas, j’agis avec délicatesse et circonspection : j’invite la jeune femme à se rapprocher ; j’utilise certains artifices pour lui faire connaître de la façon la plus précise ce qu’est le péché ; et au petit matin, cette partie de la mission remplie, je lui fais observer qu’elle sait maintenant ce qu’il ne faut pas faire…enfin, pas trop souvent ! Per exemplo, instituo ! Je ne vais pas ici vous conter les combats, Les croisades, les guerres, les luttes sans fin Que la noble régente en ce temps dirigea Contre les Cathares ou bien les Sarrasins ; Je suis las, je le dis, de toute la violence Reitlag.fr 67 L’EnVers de l’Histoire de France Qu’en ces pages je dois citer à contre cœur ; Non ! Je vous parlerai de la reine de France Qui laisse en souvenir pureté et douceur. Elle avait douze ans quand elle fut mariée A Louis VIII, futur roi, qui n’en avait que treize Mais, lorsque l’on est jeune, il faut bien s’occuper : Ils firent douze enfants ; nous en sommes fort aise. Louis VIII mourra bientôt et Louis IX est trop jeune ; Elle est régente alors, fait de la politique Mais pas trop. Comme on sait, puisqu’en amour le jeûne Peut nuire à la santé, la reine catholique Saura se consoler dans les bras des seigneurs Les plus beaux du royaume et même, à ce qu’on dit, Dans les bras du légat du pape, quel honneur ! (Le Vatican dit que c’est une calomnie.) Ces pratiques ne plaisent pas aux gens d’Eglise : On dit qu’elle est enceinte, alors on la convoque, Elle est au tribunal, vêtue d’une chemise Et soudain pour lever vraiment toute équivoque, En refaisant le geste illustre de Phrynée, Ote son vêtement et se présente nue, Montrant que son ventre n’est pas ensemencé, Aux yeux de ces prélats, stupéfaits et émus. Oh, Blanca de Burgos, demeure dans nos cœurs ! 68 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Pour un geste aussi beau, resplendisse ta gloire ! A ces tristes curés, tu offris du bonheur ! Que ton nom soit gravé au marbre de l’Histoire ! Marie-Eudoxie, vous qui êtes la digne descendante directe de la reine Blanche, ne voudriez-vous pas répéter pour nous ce geste si beau : je crois que nos amis Moussa et Mohammed en tireraient profit pour leur compréhension de la leçon ? Non ? Si vous le voulez, et pour préserver votre chaste pudeur, nous pourrons procéder préalablement à une petite répétition en privé… Blanche de Castille eut le grand mérite (partagé avec son époux Louis VIII) de mettre au monde l’un de vos plus grands rois : Louis IX dit Saint Louis. Louis IX, dès son plus jeune âge, est épris de religion et, bien sûr, des délices qui vont avec et qui sont la pénitence et la mortification. Est-ce grâce à ses prières qu’il devint roi ? Si oui, c’est qu’elles réussirent à faire mourir ses trois frères aînés ! Dès qu’il est au pouvoir, Saint Louis prend des mesures dont l’évidence et la nécessité ne font pas de doute aujourd’hui : Il interdit le blasphème, ce qui ne peut que vous plaire, mon cher Mohammed (bien que je ne sois pas tout à fait sûr que les blasphèmes contre Allah, Marx et Mahomet fussent alors inclus dans la liste.) Il fait adopter des mesures efficaces à l’égard des blasphémateurs. Ceux-ci se voyaient avoir la langue Reitlag.fr 69 L’EnVers de l’Histoire de France percée, les lèvres brûlées et le front marqué au fer rouge (6). Il prend des mesures discriminatoires contre les juifs. Le pape Innocent III avait décrété en 1215 par le concile du Latran le port de signes distinctifs vestimentaires jaunes (ou rouges, la « rouelle ») par les juifs. Saint Louis, non content d’avoir suivi les prescriptions du concile, oblige les juifs à porter la rouelle non seulement sur la poitrine, mais également dans le dos. Duplex securitas placet ! Il s’en prend à la fois aux juifs, à la littérature et au réchauffement climatique en faisant brûler le Talmud dans toutes les villes du royaume (7). Il part en croisade, deux fois : deux désastres ! Lors de la septième croisade, il est fait prisonnier et ne doit sa liberté qu’au paiement d’une forte rançon ; lors de la huitième, il meurt au cours d’une escale à Tunis. On dit que Saint Louis est mort de la peste, mais il semblerait qu’il ne se fût agi que d’une manière de dysenterie…la « turista », Moussa ? En quelque sorte. Enfin, avant de mourir, il prend une autre décision dont l’opportunité me semble moins évidente : l’interdiction de la prostitution. Vous partagez mon avis, Moussa ? Je m’en serais douté…que vois-je dans cet opuscule ? Après cet édit de prohibition, Saint Louis aurait organisé la prostitution dans des « maisons spécialisées. (8)» Voici qui vous ouvre des horizons, Moussa. 70 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France La vie de ce grand roi est reprise dans cette ode que j’ai extraite pour vous d’un vieux grimoire de la fin du treizième siècle. A l’âge de douze ans, il devient roi de France Et Blanche de Castille assure la régence. A l’âge de vingt ans on lui donne une femme Mais qu’il ne peut toucher car c’eût été infâme : Marguerite a douze ans. Il attend donc un peu mais il n’est pas déçu Par l’ardente épousée dès lors qu’il est reçu Dans son intimité et au creux de son lit ; Il sut se rattraper puisqu’à ce que l’on dit, Il lui fit douze enfants. Comme souvent, après de telles turpitudes, Le royal étalon cherche une vie plus rude, Rejetant les honneurs, très simple et en chemise Il va très humblement se soumettre à l’Eglise Et à ses sacrements Et pour payer le prix de cette vocation Et se consacrer à la sainte religion Il décide aussitôt, par esprit de bravade, De tout abandonner pour partir en croisade Aux rives de l’Orient. Pour grouper son armée, il construit Aigues-Mortes, Rempart au bord de l’eau, immense place forte, D’où il part enthousiaste à l’assaut de l’Egypte Reitlag.fr 71 L’EnVers de l’Histoire de France Délaissant à Paris la reine Marguerite Et ses nombreux enfants. Aussitôt arrivé, le désastre commence, L’armée est écrasée, la déroute est immense Et Louis est capturé, on le jette en prison, Il est déshonoré, on demande rançon De cent mille talents. Bien sûr, on le rachète (et pour ça, on emprunte Et il est libéré grâce aux serfs qu’on éreinte) Et alors il décide, à la messe, un dimanche Que, de nouveau croisé, il prendra sa revanche Contre les Musulmans. Avec ses chevaliers, il repart sur la mer Vers un nouveau désastre, vers un nouveau calvaire Et rend l’âme sur la terre de Tunisie Victime, nous dit-on, de la dysenterie, Sinistre châtiment. Toujours impitoyable envers les infidèles ; Sacrifiant son armée sur les sacrés autels ; Deux croisades perdues et des morts par milliers ; Il était naturel qu’il fût canonisé, Par le pape du temps. Après ce roi magnifique, le royaume de France en eut un moins brillant, de 1270 à 1285 : le fils de Louis IX, Philippe III le Hardi. Philippe avait accompagné son père et son frère aîné Jean à la 72 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France huitième croisade. Son père et son frère étaient morts sous ses yeux et lui-même, en échappant à la « turista » fatale, accédait au trône…Non, Moussa ! Pas de plaisanterie facile sur le trône et la « turista » ! Philippe était plus hardi qu’avisé. Son excédent hormonal était en effet compensé par un déficit neuronal. Les croisades n’étaient plus à l’ordre du jour et il préféra les querelles intestines aux vicissitudes intestinales. Philippe offrit, par le traité d’Amiens de 1279, l’Agenais à l’Angleterre. Il reçut en échange une promesse d’amitié du roi Edouard 1er : le beau « deal » que voila ! Il était peut-être hardi mais il était sûrement naïf !...Vous avez battu l’Angleterre 21 à l’Euro 2004 ? Vous êtes donc vengés, Moussa ; n’en parlons plus. Ah ! Je lis dans cette brochure, que Philippe le Hardi aurait aussi cédé aux papes le Comtat Venaissin. Qu’honneur lui soit rendu pour cela ! En 1285, Philippe décida qu’il lui fallait quand même, comme papa, une petite croisade pour affirmer son nom dans l’Histoire. Comme les papes n’avaient rien prévu à ce moment, il partit en guerre en Aragon pour une obscure question de succession, mais jugea plus élégant d’appeler cette expédition « Croisade de l’Aragon.» Doit-on voir avec cette appellation un lien de causalité, mais il eut la dysenterie et il en mourut…comme papa ! Le roi était hardi Reitlag.fr 73 L’EnVers de l’Histoire de France Mais peu intelligent -Comme bien trop de gens – N’en parlons plus, pardi ! Philippe le Hardi mourut en 1285 et, avec lui, se finit à peu près le temps des croisades. * Mes amis, il se fait tard et je vous propose que, chacun à sa manière, nous partions à notre tour en croisade. Mohammed, prenez le RER C et dirigezvous vers Versailles. Votre double tropisme messianique (islamique et communiste) y trouvera à se satisfaire. Allez convertir à la vraie foi du Prophète Mahomet (Hamdoullillah !) les paroissiennes chenues de l’église Saint-Louis ! Allez présenter aux notables versaillais, à la sortie du restaurant « Le Chapeau Gris », les derniers développements de la stratégie marxiste en face de la crise financière mondiale ! Moussa ! Allez convertir les hommes du Marais aux mœurs pour lesquelles votre amie Lulu pratique si bien le prosélytisme ! Marie-Eudoxie, enfin, allez vous installer à la nuit tombante sur la dalle d’Argenteuil où, par certaines prières que vous affectionnez tant, vous attirerez la jeunesse locale dans les filets de notre sainte Eglise (Benedictus XVI benedictus esto !) Vous verrez ainsi, mes enfants, comme la catéchèse et le prosélytisme sont difficiles ; vous comprendrez mieux l’immensité de la tâche qu’au cours des deux 74 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France siècles que nous venons de survoler, les Croisés francs ont accomplie. Quant à moi, je vais approfondir la mission, engagée hier, d’évangélisation d’une jeune personne digne d’intérêt…oui, elle s’appelle Lulu…comment avezvous deviné, Moussa ? Reitlag.fr 75 L’EnVers de l’Histoire de France Chapitre V LE SIECLE DE LOUIS XIV Bonjour mes enfants. Comment votre soirée s’est-elle passée ? Avez-vous pu approfondir la problématique que je vous ai exposée hier ? Pas exactement comme prévu…Marie-Eudoxie vous a quittés pour rejoindre une veillée scoute ? Que voulez-vous, le prestige de l’uniforme…Mais vous, Moussa, Mohammed ? Vous avez remplacé la qualité par la quantité. Vous avez procédé à un test auprès de toute la « Dream Team » de Moussa ! Mais alors, il n’y avait plus personne rue Saint-Denis ! Veillez à votre fonds de commerce, Moussa ! Et le résultat ? Vous en concluez qu’il est difficile de faire que les choses se passent comme pour Louis et Anne, le soir de leurs noces. Je m’en doutais, mais il est toujours important de procéder à des vérifications scientifiques. Et dans ce cas, rien ne vaut une sérieuse reconstitution. Je vous remercie de votre professionnalisme. 76 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Et vous, Marie-Eudoxie, cette soirée scoute ? Des chants, des prières, et tout le monde au lit (chacun de son côté) à onze heures ! Mais, ma parole, il n’y a plus que des « Louis XIII », à Versailles ! Chère Marie-Eudoxie, ce n’est pas comme ça que vous aurez vos douze enfants ! Un tel labeur mérite d’être entrepris de bonne heure. Duodecim infantes facere, non facilis est ! Pour ce qui me concerne, je suis allé me renseigner sur les cours de rock n’ roll qui sont dispensés par la célèbre école de l’impasse de Lévis, dans le Dixseptième. Une charmante enseignante m’en a appris les rudiments. Nous avons pas mal « rocké », puis nous avons « rollé » par terre et j’en suis arrivé, au petit matin, à oublier mon projet au sujet de la reine Carla. Je commence à perdre la mémoire… * Reprenons le cours de notre enseignement. Un grand seigneur italien, Jules Mazarin, régnait sur la France. Il y avait pourtant un roi officiel, Louis Dieudonné, désormais Louis XIV, dont nous avons vu qu’il n’était probablement pas le fils de Louis XIII et sûrement pas celui de Mazarin. Faute d’être son père, Mazarin était le parrain de Louis Dieudonné et il s’occupait de son éducation. Il l’initia à l’art, la Reitlag.fr 77 L’EnVers de l’Histoire de France peinture, la musique, la littérature…Vous savez, mes amis, les Italiens sont des gens raffinés et leur place est auprès des grands de votre pays, pour tenter d’en affiner un peu les mœurs. On me dit que la reine Carla s’essaye à cette tâche auprès de votre Président…Je lui souhaite courage et persévérance : Ad reginam Carla, perseverancia constanciaque necessitas sunt ! Le roi était, dit-on, un peu fruste, un peu brut ; Moins attiré alors par l’art que par la lutte Ou la chasse, ou l’amour (c’est un peu même chose Et ne m’en voulez pas si, le dire ici, j’ose.) Et le bon cardinal l’initia, par bonheur, Aux arts afin qu’il en devînt le protecteur. Le prélat, pour sa part, accroissait sa richesse Et couvrant la reine de mil douces caresses. Louis Dieudonné était tout enfant à la mort de Louis XIII et Mazarin veillait à ce qu’il ne s’intéressât pas trop tôt au pouvoir. Mazarin, qui souhaitait renforcer les liens avec l’Espagne, organisa le mariage de Louis avec Marie-Thérèse, la fille (l’« infante ») du roi d’Espagne, qui avait le même âge que le jeune roi. Oui, Mohammed, c’est un peu comme ces « transferts » que l’on fait de nos jours pour les footballeurs de renom. La différence, c’et que dans les temps modernes, les transferts vont plutôt de la France vers l’Espagne : le Real Madrid est plus 78 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France attrayant que le Paris Saint-Germain, si vous me permettez. Sic transit usus mundi ! Donc, en 1660, alors qu’ils étaient âgés de vingt et un ans, on les maria à Biarritz, sur la frontière, et on les mit au lit comme on avait fait pour Louis XIII et Anne d’Autriche. On dit que les mêmes causes produisent les mêmes effets dans les mêmes circonstances. Eh bien, ce fut l’exception qui confirme la règle. Il semble bien, aux dires des chroniqueurs de l’époque, que le « congrès » fut fructueux. On peut penser que les deux époux ne parlant pas la même langue jugèrent utile de remplacer les plaisirs de la conversation par d’autres plus à même, il faut bien le dire, de favoriser la procréation. Quando loqui non possibilis est, agito ! Elle était espagnole et il était français Et l’on ne parle, hélas, qu’une langue qu’on sait. Ils n’ont pas pu parler, Il faut bien s’occuper Alors, pris de passion, Ils jouèrent au jeu de la procréation. Mazarin avait maintenu le rôle de la France dans la glorieuse guerre de Trente Ans (une guerre contre le protestants, vous pensez !) où votre pays avait été engagé, ainsi que nous l’avons vu, par son prédécesseur, le cardinal de Richelieu. Pour financer cette guerre, ainsi que le train de vie auquel il avait légitimement droit, Mazarin fut contraint d’augmenter les impôts. Pardon, Moussa ?...En effet, Reitlag.fr 79 L’EnVers de l’Histoire de France quand vous devez financer une « baston grave », comme vous le dites dans votre langage fleuri, tout en vous assurant des revenus vous permettant d’aller au collège en « Béhème », vous êtes contraint de taxer un peu plus les jeunes personnes dont vous assurez la protection rue Saint Denis. C’est tout à fait pareil. Mais, les seigneurs du royaume ne l’entendaient pas de cette oreille. Ils se révoltèrent et on appela cette révolte, la Fronde. De 1648 à 1653, sous la houlette d’un meneur qui s’appelait le Grand Condé, les princes s’en prennent au pouvoir royal. Que fait alors Mazarin ? Il résiste, il contre attaque, il l’emporte et l’infâme Condé, son frère Conti et son stipendié, le cardinal de Retz, sont condamnés à l’exil. Comment, Moussa ? La Grande Lulu aurait pris la tête d’un mouvement revendicatif à l’encontre des justes contributions que vous lui réclamez, à elle ainsi qu’à ses collègues, en contrepartie de votre protection ? Vous savez ce qu’il vous reste à faire, mon ami et votre nom brillera au fronton de la porte Saint Denis comme celui de Mazarin brille au fronton de l’Institut de France ! Il fallait financer la Guerre de Trente Ans Et il fallait aussi financer la fortune De Jules Mazarin car il est évident Qu’un prince de ce rang mérite quelques thunes. Cet argent existait au royaume de France, Il était dans les mains de vassaux, de seigneurs. 80 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France « Qu’en ont-ils donc besoin ? » dit Jules, mes finances Et ma guerre, sans doute, ont bien plus de valeur. Certains de mes collègues prélats reprochent à Mazarin d’avoir mis au pas le clergé et de l’avoir appauvri à son profit. Je ne sais si cela est justifié mais, je me sens tout à fait qualifié, étant cardinal et italien, pour expérimenter une manière de reconstitution si votre Président, ou la reine Carla, voulait m’en confier la mission. Italicus sacerdos ad fortunam paratus est ! Nous ne reprocherons donc pas ceci au cardinal de Mazarin et nous porterons à son crédit qu’à sa mort, le 9 mars 1661, la guerre était terminée et que le royaume était finalement en paix. Louis XIV pouvait enfin régner ; mettre fin, pour de longues décennies, à cet état pacifique ; et, bien sûr, dépenser les dernières finances royales que Mazarin avait laissées…Ruinam Galliae quod Cardinal incipevit, Ludovicus XIV percifevit ! * Parlons un peu de l’environnement extérieur de la France. En 1649, alors que Louis XIV, âgé de douze ans, faisait son entré au Conseil, il se passait des choses horribles en Angleterre. Le roi de l’époque qui avait épousé Henriette de France, fille d’Henri IV et de Marie de Médicis, donc la cousine de Louis XIV, fut décapité. Reitlag.fr 81 L’EnVers de l’Histoire de France Ces bons anglais aussi Savent couper les cous Et même de leur roi ; Et l’on dira ici Sans se tromper beaucoup Qu’ils ont montré la voie. * C’était un beau seigneur, Un brillant cavalier Mais un jour, par malheur, Il avait épousé Henriette Marie, Fille du roi de France ; Il en était épris Presque jusques aux transes. Alors sa politique Fut trop influencée Dans le sens catholique Qu’Henriette imposait. Elle voulait encore Que son noble époux fût Comme en France d’alors Un monarque absolu. Aussi le Parlement Engagea une fronde 82 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Assez brutalement, Au nom des « Têtes Rondes » Contre la royauté : La tête du félon, Qui fut décapité, A roulé dans le son. Ceci avait sûrement traumatisé le jeune roi et l’on comprend qu’il ait fortement soutenu le Cardinal dans sa lutte contre la Fronde. Mais ce n’était pas tout. Les Anglais avaient fondé une manière de république et en avaient confié la direction à un dictateur fanatique, Oliver Cromwell. Un jour, au cœur de l’Angleterre, En combattant les catholiques, Cromwell en un coup de tonnerre A fait naître une république. Le roi, à l’issue d’un procès, Fut condamné pour trahison Et sa peine fut décidée : C’était la décapitation. Cromwell alors, en ce beau soir, Décide que le Parlement Exercera seul le pouvoir, Avec lui, bien évidemment. Le Parlement sera formé Reitlag.fr 83 L’EnVers de l’Histoire de France De « saints », dit-il, et l’Angleterre Se devra d’être gouvernée Pour que Dieu règne sur la terre. Du royaume, il est « Protecteur », Et impose sa tyrannie Sur les bourgeois, sur les seigneurs, Sur le peuple, bien sûr, aussi. Ce dictateur vêtu de noir, Qui massacre au nom de l’Amour, Va étendre aussi son pouvoir Sur les royaumes alentour. Il mène une conquête au Nord Et écrase les Ecossais Puis, à l’Ouest, c’est le même sort Pour plus d’un million d’Irlandais. Un siècle avant, à notre porte, Il y a eu en Angleterre (Est-ce que ça nous réconforte ?) Un précurseur de Robespierre. * Louis XIV, instruit de cette funeste aventure, conçut alors le principe de son gouvernement : le pouvoir absolu. C’est pour avoir oublié ce principe que son descendant Louis XVI, fit connaître à sa royale tête la même destination que Charles 1er à la sienne : un 84 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France bac de son. Mais, n’anticipons pas et revenons à Louis XIV qui, en 1661, reprenait le gouvernement que Mazarin lui laissait, bien contre son gré. Charles 1er d’Angleterre avait été abattu par le parlement. Louis XIV se prémunit contre ce risque en déclarant : « L’état, c’est moi ! », ce qui laisse effectivement peu de place à la représentation parlementaire. Vous pensez, Mohammed, que votre Président Nicolas 1er aurait fait sienne cette devise ? C’est possible mais je ne lui connaissais pas autant de culture historique. Louis XIV s’illustra en de nombreux domaines. Tout d’abord, ce fut un grand bâtisseur. Se sentant à l’étroit dans le palais du Louvre, il fit construire un magnifique palais à Versailles. Ce château présente le double avantage d’inciter les touristes japonais à dépenser leurs devises dans votre pays et de permettre à Marie-Eudoxie de faire son « jogging » dans les allées de son parc…Non, Marie-Eudoxie ? Vous préférez le parcours du pèlerinage de Chartres ? C’est dommage, les jeunes filles n’y arborent généralement pas de tenues aussi légères que celles des jeunes sportives du parc…je me place sur le seul plan de l’efficacité sportive, bien sûr ! Cette vocation architecturale fut louée par un grand sociologue de l’époque. Lorsque le peuple est mal logé, L’ouvrier s’ennuie au logis Et c’est donc un devoir bénit Reitlag.fr 85 L’EnVers de l’Histoire de France De lui donner à travailler ; En bâtissant un grand château Où le roi peut avoir bien chaud. Louis XIV engagea bien entendu de nombreuses guerres dans le seul but, mon cher Mohammed, d’opprimer les masses populaires des peuples avoisinants. Mazarin avait conclu la paix avec les Espagnols, Louis XIV leur refait la guerre et, en s’alliant à Cromwell, qui plus est ! Puis il conquiert l’Alsace, contrée où ni les habitants ni les cigognes ne parlaient français ; puis la Franche-Comté dont les valeureux paysans ne se souciaient pas que leur cancoillotte allât financer la couronne de France. Il s’occupe de l’Espagne, de l’Autriche, de l’Italie ; puis se réconcilie avec le pape. Mais son successeur actuel, mon patron, sanctus Benedictus XVI, ne lui en sait aucun gré car Louis avait eu l’audace de s’occuper aussi des affaires de la Bavière ! En 1689, Il s’occupe aussi tout particulièrement du Palatinat puisque Louvois s’attelle à y faire un sac en règle avec : destruction systématique des villes villages et châteaux ; destruction des ponts ; massacre ou expulsion des populations ; dévastation des cultures et du bétail ; à quoi s’ajoute un nombre de viols sensiblement supérieur à la pratique courante en la matière. Voltaire écrivit à ce sujet : « C’était pour la seconde fois que ce beau pays était désolé sous Louis XIV; mais les flammes dont Turenne avait brûlé deux villes et vingt villages du Palatinat n’étaient que des étincelles, en comparaison de ce 86 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France dernier incendie…(23c) » Un vieux SS m’a dit un jour que les troupes de la division Das Reich avaient eu une pensée pour Louis XIV, quand elles passèrent, en juin 1944, par Oradour-sur-Glane… Quand il eut investi Barbès, Le P’tit Louis décida normal De s’implanter jusqu’à Pigalle, Puis, à Clichy, bien à son aise : Il mit son chapeau sur sa tête, Prit son Browning des jours de fête Et partit faire ses conquêtes… …Mais, je m’égare dans le temps ! Nous étions en mille sept cents… Bah, peu importe : ces manières, De tous temps, furent ordinaires ! Louis XIV s’occupe de colonisation. Eh oui, Mohammed, déjà un colonialiste ! Mais, un colonialiste tardif. La colonisation avait commencé au seizième siècle quand, grâce à l’invention de la boussole, les navigateurs génois, espagnols et portugais avaient entrepris des traversées au long cours. Oui, Mohammed, c’est la technique qui mène le monde ; la technique et la lutte des classes, bien sûr. La France suivit donc avec retard le mouvement colonisateur. Louis XIV consolida les conquêtes de Richelieu et Mazarin, qui avaient fait prendre pied à leurs marins aux Antilles, ainsi que sur les côtes de la Nouvelle France, c'est-à-dire l’est du Canada. C’est Reitlag.fr 87 L’EnVers de l’Histoire de France ce qui vous vaut d’avoir là-bas des habitants qui parlent si bien français que, quand ils s’adressent à vous, vous êtes pris d’une irrépressible envie de leur demander de parler anglais ! Louis XIV promulgue en 1685 le « Code Noir » qui fixe la question de l’esclavage et du « commerce triangulaire » dans les colonies du royaume. On dit que ce texte lui aurait été inspiré par la douce et bonne Madame de Maintenon. Cette chère Madame de Maintenon y avait mis « sa patte », puisque on en reconnaît le style dans des articles aussi pieux que celui-ci : « Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine. (Art.2)» Après avoir conquis Alsace, Puis Lorraine et Franche-comté, Louis alla de l’autre côté De l’Atlantique, y laisser trace. On y amenait des esclaves (On dit que ce n’était pas bien) Mais Louis disait : « Moi, je m’en lave Les mains, pourvu qu’ils soient chrétiens.» Louis XIV s’occupe de marine et demande à son ministre Colbert de voir grand et de préparer l’avenir. Celui-ci s’exécute et plante des forêts qui fourniront à la marine royale des arbres à maturité un ou deux siècles plus tard ! L’utilité en a été bien sûr 88 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France parfaitement évidente et avérée au cours des guerres de 14-18 et de 39-45 ! Il planta de vastes forêts Pour les futurs bateaux de guerre. En « Quarante », on ne douta guère De leur parfaite utilité… Louis XIV, chère Marie-Eudoxie, rendit grâce au catholicisme en abolissant en 1685 le diabolique édit de Nantes, par lequel son grand-père, Henri IV avait laissé la liberté de culte aux protestants. Les saintes « dragonnades » qui s’ensuivirent permirent à Louis XIV de rejoindre, dans sa mission purificatrice, son ancêtre Louis VIII et sa « Croisade des Albigeois". Ces dragonnades ne firent d’ailleurs pas tant de victimes que ça puisque on dit que près de trois cent mille huguenots quittèrent le royaume. Ah, mon enfant, nous étions de nouveau entre nous. La paix régnait sur notre France Entre huguenots et catholiques Il abolit l’« édit » inique, Dont le seul nom le met en transes. Louis XIV (je vous vois trépigner, Moussa, mais nous y arrivons) porta enfin un grand intérêt aux femmes. Nous avons déjà traité de sa nuit de noce avec son épouse Marie-Thérèse mais bien d’autres femmes ont suivi celle-là ; et une l’a précédée. En effet, la mère de Louis, Anne d’Autriche, souhaitant Reitlag.fr 89 L’EnVers de l’Histoire de France savoir si son fils n’avait pas les mêmes « particularités » que son mari, demanda à l’une de ses femmes de chambre de s’assurer de la question. Catherine Bellier était borgne et laide et c’est pourquoi elle fit en sorte de surprendre le jeune Louis Dieudonné dans un couloir sombre. Elle l’entraîna dans une chambre (sombre également) et, peu après, put assurer à la reine que son fils avait été instruit de tout ce qu’il fallait pour pouvoir assumer positivement ses devoirs conjugaux. On dit qu’en récompense des ses bons services, Catherine reçut deux mille Livres, ce qui était une forte somme. Moussa, faites donc en sorte que Madame Lulu rencontre un grand homme de votre pays ; ou plutôt, « le » grand homme, puisqu’il n’y en a plus qu’un ! Votre patrimoine s’en trouvera bien renforcé comme le fut celui de l’époux de cette Madame Catherine. Quoiqu’il en soit, ces coutumes royales me semblent fort pertinentes, Marie-Eudoxie. Ne pensez-vous pas qu’il pourrait être utile que je vous initiasse à ces techniques qui sont nécessaires à la construction d’une famille nombreuse ? Non ? Mais pourtant, je ne suis pas borgne ! Non luscus sum ! Il faut se préparer à son métier de roi Et la reproduction fait partie du métier. Le jeune Dieudonné, pour sa première fois A connu les bras de Catherine Bellier. Cette jeune personne était borgne et fort laide Ce qui, aux délicats, pourrait causer du tort. 90 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Le jeune Dieudonné est bouillant et, sans aide, Il a su accomplir son devoir sans effort. Le roi était petit (1,61mètre) et affecté de nombreuses maladie, dont une blennorragie chronique, ce qui est assez handicapant pour les aventures amoureuses…ce qu’est une blennorragie, MarieEudoxie ? Peu importe, c’est une affection à laquelle votre comportement vous donne peu de chance d’être confrontée…Le roi avait aussi une infection dentaire généralisée qui avait provoqué la perte de son palais…vous croyez que c’est pour surcompenser la perte de ce palais buccal qu’il avait fait construire le palais de Versailles au prix de la sueur du prolétariat, Mohammed ? Mais, mon cher ami, en plus d’être marxiste, vous voici freudien ! Marxistus freudiscusque, Arabs est ! Malgré tous ces handicaps, Louis eut de nombreuses conquêtes. On dit que le pouvoir et l’argent peuvent faire oublier à de jeunes personnes les disgrâces de leurs amants. Moi, je l’ignore. Je ne connais, dans ce domaine, que les effets de la pourpre cardinalice ; assez efficaces, il faut le reconnaître. Il était petit, contrefait, Il parlait fort, sentait mauvais Mais il avait beaucoup d’argent : Il fut donc un brillant amant… Une de ses maîtresses les plus connues fut Louise de La Vallière (que la reine jalouse appelait : « esta Reitlag.fr 91 L’EnVers de l’Histoire de France donzella con las mascadas de diamante… » (Eh oui, si vous prenez une maîtresse, offrez au moins les mêmes bijoux à votre femme : ça arrangera bien des choses !), dont il reconnut deux des quatre enfants et qui se retira au couvent quand le roi la délaissa. Defectus regis domum, Dei domus ! Il y eut Françoise (dite Athénaïs) marquise de Montespan. Montespan, son mari, n’était pas bien riche et Françoise « mettait du beurre dans les épinards » en négociant sa beauté auprès de bien des riches jeunes gens de la cour. Moussa, si un jour vous souhaitez franciser votre patronyme, Montespan ne serait pas mal venu…La Montespan régna longtemps sur la cour mais, en 1678, alors qu’elle était âgée de trente-six ans, elle eut l’imprudence de présenter au roi la jeune Marie-Angélique de Fontanges, qui l’aussitôt l’éclipsa ! Certes, Marie-Angélique mourut trois ans plus tard (avec l’aide, dit-on, de la Montespan…), mais le charme était rompu et le roi se réfugia dans les bras d’une vieille femme pieuse et acariâtre de près de cinquante ans, Françoise d’Aubigné, veuve Scarron, dite Madame de Maintenon. Quo non descendet ? Louise, abandonnée, termina au couvent Quand elle fut remplacée par la Montespan. La beauté, la jeunesse, en formaient le renom… Puis Louis épousa la vieille ‘de Maintenon’ ! Louis XIV, comme beaucoup de chefs de petite taille (attention, j’arrive sur un terrain glissant…) était 92 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France complexé, hargneux et jaloux. Il s’en prit au surintendant du royaume, Nicolas Foucquet, sous le double motif que ce dernier était plus riche que lui et qu’il offrait de l’argent à Mme de La Vallière, pour qui Louis Dieudonné avait alors une tendre inclination. Il poursuivit Foucquet de sa hargne et le fit incarcérer à vie. Le « roi soleil » montrait ainsi sa hauteur d’âme ! On dit aussi que Foucquet aurait connu des secrets qui eussent pu compromettre le roi : que Louis XIV aurait gardé par devers lui des sommes, provenant de Mazarin, qui eussent dû revenir à l’« Epargne » (c'est-à-dire au Trésor public. 23d) Au bout du compte, Louis Dieudonné était aussi grand par l’esprit que par la taille ! Magnus « rexsol » minimus erat ! Le surintendant Nicolas Fouquet Connaissait, du roi, de nombreux secrets. Il était fort riche et entreprenant. Le roi l’arrêta et prit son argent ! Louis XIV ne gouverna pas autant qu’on le dit. Il fut influencé par ses favorites, la Montespan et Madame de Maintenon, et les grandes réformes furent faites par ses ministres, et particulièrement Colbert puis Louvois. Le roi se réservait d’orienter la politique générale. Par exemple, en matière immobilière, il fit construire le château de Versailles et fit détruire (la« mise à sac du Palatinat ») celui d’Heidelberg. De minimis, non curat praetor ! Reitlag.fr 93 L’EnVers de l’Histoire de France Louis XIV, enfin, favorisa les arts et les lettres et, pour cela, tout le reste lui sera pardonné ! Maximus latro artis amicus erat : omnia excusandi sunt ! Que pourrait-on en dire Que l’on ne sût déjà De Louis, le plus grand Sire, De Louis, le Roi-Etat ? On connaît tous par cœur L’immense majesté, Le goût de la grandeur Du roi Louis Dieudonné ; Son goût pour les réformes, Son goût pour les batailles Et son goût pour les formes Des dames de Versailles ; Son goût pour les exploits De la Chevalerie, Son goût pour les exploits De la galanterie ; Son goût pour le pouvoir (Il fut le Roi Soleil) Et son goût pour les arts Qui nous vaut des merveilles ; Devant ce dernier point, Tout sera pardonné 94 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Et nous ne voudrons point, Du reste, discuter. Aussi, nous oublierons La mort du Parlement Et, pour la religion, L’exil des Protestants ; Et puis nous oublierons Le bien sombre message De ce « code noir » dont Découla l’esclavage ; Nous oublierons les guerres Et toutes les défaites Dont jadis ou naguère Son histoire fut faite ; Nous oublierons aussi Les terribles famines… …Et que le plus grand Louis Laissa la France en ruines. J’ajouterai, à mon grand regret, cher Mohammed, que le roi était assez méprisant pour les princes mahométans de l’époque. La cause en était double : il ignorait alors l’œcuménisme, qui n’avait pas encore été inventé ; et il ignorait la « political correctness », sans doute parce qu’il ne parlait pas anglais. Voici l’affaire : le grand sultan du Maroc lui ayant proposé une alliance familiale, le roi dédaigna de donner Reitlag.fr 95 L’EnVers de l’Histoire de France suite. J’espère que repentance en sera bientôt faite par les autorités de votre pays. A l’époque du Roi Soleil, Au Maroc, prenait le pouvoir, Le sultan Mulay Isma’Il Dont voici l’édifiante histoire. Ce prince à nul autre pareil A construit un beau jour Mekhnès, Merveille parmi les merveilles, Où il savait prendre ses aises. Il voulait régner sans entrave Et il avait sa propre armée De cent cinquante mille esclaves, Des Noirs, qu’il avait importés. Il aimait la piraterie Et, sur la Méditerranée, Ses bateaux pillaient à l’envi Tous les navires rencontrés. Il disposait dans son harem De cinq cents épouses au moins ; (On ne compte pas quand on aime C’était ainsi et c’est très bien). A Louis XIV, il demanda Sa fille, afin de l’épouser Mais le roi la lui refusa 96 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Pensant qu’il en avait assez ! Louis XIV ayant eu le front De lui provoquer cette peine, Il se vengea de cet affront En « razziant » plus de cent chrétiennes. Et voici qu’après avoir mené à bien sa longue opération d’assèchement des finances du royaume, Louis Dieudonné est victime, le 1er septembre 1715, d’une éclipse aussi fatale que définitive : le Roi Soleil s’éteint. * Nous allons profiter de cette extinction pour faire, si vous le voulez bien, une pause jusqu’à demain. Marie-Eudoxie, vous m’aviez bien dit que madame votre mère donnait ce soir une petite réception en son hôtel particulier de Versailles. Ne pensez-vous pas qu’il serait de bon ton que vous y invitassiez vos nouveaux amis. Il me semble qu’ils sont plus coutumiers des climats du nord et de l’est de la capitale que de celui de l’occident versaillais…oui, Mohammed, c’est bien du 7-8 que je parle. Pour ma part, mon collègue Vingt-Trois (eh oui, ici, on numérote les évêques comme les lignes d’autobus ou les départements…) m’a invité à une cérémonie au cours de laquelle il doit s’adresser à de jeunes novices. Le devoir m’appelle ; je pars. Reitlag.fr 97 L’EnVers de l’Histoire de France INTERLUDE LOUIS XVI JUSQU’EN 1789 Amis, bonjour ! Comment s’est passée cette Love Parade, Marie-Eudoxie ? Surprenant ? Différent de vos veillées scoutes habituelles ? Ah, vous m’en voyez surpris. L’atmosphère était magique ? Comment cela ? Tous les fourrés du Bois de Boulogne bruissaient et gémissaient ! C’est sûrement le fait de quelques fées ou de quelques lutins…mais non, j’ai dit lutins, Moussa, votre obsession professionnelle nuit à votre écoute, mon ami ! Quoiqu’il en soit, chère Marie-Eudoxie, il faut avoir vécu cela une fois dans sa vie…pourquoi une fois ? Oh, pour rien, si le cœur vous en dit…Virgo turpitudinem aestimat ! Et moi ?...Eh bien, la reine a voulu s’assurer de mes talents de « Rocker ». Elle m’a confié une guitare et m’a fait l’honneur de m’accompagner. Quand elle sembla convaincue et qu’elle manifesta qu’elle était 98 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France sous le charme, je lui proposai de faire l’expérience d’autres talents que je ne lui avais pas encore dévoilés…et c’est alors que la voiture du Président s’engagea sous le portail. Votre Président, mes amis, est aussi rapide que peu partageur…alors je pris congé ! Ah, mes amis, quelle séparation ! Quel déchirement ! J’étais Titus et elle Bérénice ; nous étions en plein Racine et nous nous sommes quittés contre notre gré ou, comme le disait si concisément Suétone : « Invitus invitam dimisit… » Conclusion : Le Président put alors bénéficier de l’état de pré-extase où se trouvait la reine…et Lulu bénéficia du mien ! * Mes amis, nous avions perdu un roi hier ; nous en retrouvons un nouveau aujourd’hui : Louis XVI. Louis XV avait vécu si longtemps (64 ans….tiens, ce n’est pas si vieux…) qu’il n’avait pas laissé à son fils le temps de régner. Le Dauphin, Louis de France, était mort entre-temps. Je ne doute pas qu’il se soit consolé, au paradis, en constatant qu’il fut le père de trois rois de France. Le premier d’entre eux, LouisAuguste devint donc Louis XVI, à l’âge de dix-neuf ans, le 10 mai 1774. Après un roi autocrate puis un roi insouciant, voici un roi faible. Dans le domaine de la finance, finance royale qui avait été mise à mal par Louis XV, il voulut lever un Reitlag.fr 99 L’EnVers de l’Histoire de France impôt égalitaire. Vous vous rendez compte, Mohammed ? Certes, vous devez être, pour ce qui vous concerne, favorable à cette nature d’impôt, mais ce n’est pas au roi de prendre de telles initiatives ; que reste-t-il alors aux révolutionnaires ? Les corps constitués, noblesse et clergé et parlements, s’opposèrent à cette infamie. Alors, le roi s’inclina et demanda à monsieur Jacques Necker de procéder par emprunt. Or, comme le dit un mémorialiste de l’époque (30) : «… Emprunter sans moyens assurés de rendre, est un vol et un abus de confiance des peuples… » Dans le domaine politique, Louis XVI fit preuve d’une coupable instabilité puisqu’il eut successivement cinq Premiers ministres en quinze ans Turgot, Necker, Calonne, Loménie de Brienne puis Necker de nouveau. Votre Président, lui ne change pas de Premier ministre…il est vrai que ce dernier ne sert à rien ! Dans le domaine politique, il agressa bêtement ses soutiens de la Noblesse en prenant des décisions bien douteuses telles que l’affranchissement des serfs du domaine royal…pardon, Mohammed ? Est-ce que Louis XVI avait sa carte de la cellule versaillaise de la LCR ? Possibilis est ! Dans le domaine de la religion, il fit preuve d’un coupable laisser-aller en signant l’édit de Tolérance qui rend la liberté de culte aux protestants. Dans le domaine de la politique étrangère, enfin, il atteint aux limites de l’absurde en s’alliant aux Insurgents britanniques du Nouveau Monde ; le 100 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France résultat en fut triple : d’abord l’émergence de principes mis en valeurs par la Déclaration d’Indépendance américaine et qui allaient être repris, quelques années plus tard dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ; et puis, la création des Etats-Unis d’Amérique, peuple qui depuis un siècle inonde le monde de sa « culture » ; enfin, le signal de l’émancipation des colonies. C’est comme ça, mes amis, que votre pays a perdu l’Afrique, l’ « Indo », entre autres possessions, mais qu’il a gagné Mickey ®, McDo ® et le Coca-cola ® !...et vous trouvez ça bien, Moussa ? J’ai encore du travail à faire…Dom Enrici officium non finitus est ! Vous rendez-vous compte que la déclaration d’indépendance affirmait des insanités telles que celles-ci que je vous lis en français, dans la traduction qu’en a donnée Thomas Jefferson luimême : « Nous tenons pour évidentes pour ellesmêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. » Et le roi de France, sacré à Reims et qui détenait directement son pouvoir de Dieu lui-même, appuyait de telles inepties…son sort était scellé ! Un jésuite de l’époque qui, comme tous les jésuites français, était alors en exil, tira la morale de ce début de règne : Reitlag.fr 101 L’EnVers de l’Histoire de France Les Grands et les Puissants, S’ils veulent le rester Doivent toujours garder Un fort gouvernement. Jamais, ne concédez, C’est aveu de faiblesse, C’est aveu de paresse Qui vous feront tomber. Que soit une leçon Cette illustre défaite De ce roi, dont la tête A roulé dans le son ! Le dernier vers de ce poème prophétique anticipe un peu sur la seconde partie du règne de Louis XVI. Avant que nous ne l’abordions, je voudrais m’étendre un peu, si j’ose dire, sur un sujet qui tient tant à cœur à notre ami Moussa : les femmes. A l’âge de seize ans, Louis-Auguste avait été marié avec un jeune Autrichienne, l’archiduchesse Maria Antonia de Habsbourg, alias Marie-Antoinette. Après les festivités du mariage, on conduit les jeunes époux dans leur chambre et on les laisse accomplir la relation conjugale qui est désormais leur devoir. Le lendemain, Louis-Auguste en consigne un compterendu détaillé sur son journal…je vois vos yeux qui brillent, Moussa ; qui brillent d’impatience de 102 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France connaître le détail de cet évènement. Sur la page du journal du jeune prince étaient écrites quatre lettres : RIEN. On peut en déduire, pour peu que l’on dispose d’un peu de perspicacité, que la nuit de noce n’avait pas été un franc succès. Quand on connaît un échec, que fait-on ? On entreprend une nouvelle tentative. C’est ce que firent Louis-Auguste et Marie-Antoinette, sans plus de succès, durant sept années. Ne soyez pas si surprise, Marie-Eudoxie. Ces choses ne sont pas aussi simples qu’on pourrait le penser et il faut parfois…pardon ? Moussa vous aurait fait bénéficier de certaines manœuvres initiatrices ? N’en dites pas plus, mon enfant ! J’entendrai la suite en confession. Delicatas causas secretas manere debent ! Marie-Antoinette était donc la sœur de l’empereur d’Autriche. Nous verrons que ceci jouera un rôle dans la suite de l’affaire. Cet empereur avait, lui aussi, certaines velléités réformatrices ; oui, mais lui, il sut les mener avec une poigne de fer et il conserva son trône…et sa tête. Tenez, à votre intention personnelle, cher Mohammed, vous qui aimez tant les rois, j’ai composé cette petite ode en l’honneur de Joseph II : Encore un empereur dont il nous faut parler, Encor dire du bien d’un maître, du pouvoir ! Eh bien, je le ferai si vous le demandez, Dire du bien d’un roi n’est pas toute une histoire. Reitlag.fr 103 L’EnVers de l’Histoire de France Oui, j’en dirai du bien mais je le dirai vite Pour ne point m’attarder à cette vile affaire ; A la flagornerie, il est quelques limites Alors, je vais parler et puis je vais me taire. Je ne m’attarde pas sur ses désillusions A la guerre ; il n’importe mais j’affirmerai Qu’un roi donnant la liberté de religion, Supprimant le servage n’est pas si mauvais. Mais, comme la nature est rarement parfaite (Oui, il en est ainsi, je vous sens dépités) Il a donné sa sœur (c’est Marie-Antoinette) Au roi de France et elle fut décapitée. Mais, revenons à Louis-Auguste et à MarieAntoinette. Après sept ans d’efforts, ils parvinrent enfin à, comment dirai-je, conclure l’affaire. N’oublions pas que Louis-Auguste avait une dilection pour la serrurerie ; il avait sans doute enfin trouvé la clé ! Le roi, par maladresse, Du cœur de la princesse (Du cœur…et d’autre chose Que, de nommer ici, évidemment je n’ose) N’avait su, ni le soir, ni au petit matin, Découvrir le chemin. Il a fallu sept ans, (On doit prendre son temps 104 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Pour les plus belles choses : Recevoir un baiser ou cueillir une rose) Pour qu’enfin, un beau jour, notre roi serrurier D’Antonia eût la clé ! Maria-Antonia, quant à elle et à ce que l’on dit, a souvent pris la clé des champs pour se divertir à l’écart de son serrurier de mari, avec le bel Axel de Fersen, entre autres. Nous voici en 1789. Louis-Auguste a fait montre de faiblesse, d’indécision et d’impuissance, autant à l’égard de son peuple qu’à celui de sa femme. Et puis, s’ajoute à ceci l’une des plus grandes crises économiques que le royaume eût connues. Le climat des années 1787 et 1788 fut catastrophique : froid glacial, pluies diluviennes…eh oui, Mohammed, l’Economique reprend son rôle dans la conduite de l’Histoire. Que pouvait faire Louis XVI, ce roi qui n’était pas même capable d’échauffer sa femme (pardonnez-moi, Marie-Eudoxie), pour réchauffer son royaume ? Hélas, la réponse est la même que celle qu’il inscrivit sur son carnet au matin de sa nuit de noces : RIEN ! Il eût pu réagir avec sang-froid et vigueur : quelques petites dragonnades, quelques fusillades bien ciblées ; une petite guerre extérieure pour ressouder l’unité nationale…eh bien non ! Ce qu’il fit, je vous le donne en mille : il convoqua les Etats Généraux ; il creusa la tombe où il allait être enterré. Reitlag.fr 105 L’EnVers de l’Histoire de France Il était bon, dit-on, Mais il a tout raté : Retenons la leçon Du pauvre serrurier. Il n’avait pas de goût au métier d’être roi Et préférait, dit-on, celui de serrurier ! Qu’importe, il était bon, honnête, juste et droit (C’est peut-être pour ça qu’il fut guillotiné.) Il offrit son appui un jour aux citoyens D’Amérique rien que pour fâcher l’Angleterre ; Mais la déclaration des droits américains Préparait ceux qui un jour le mettraient à terre. Son mariage aussi a été une erreur, La reine a comploté ; lui-même l’a-t-il su ? Ils ont fui à Varenne quand elle eut pris peur : On les a rattrapés et ils sont revenus. * Après d’autres échecs il fut guillotiné Après un long séjour à la Conciergerie : De la Révolution, il n’a pas eu la clé Malgré tous ses talents pour la serrurerie. A l’été 1789, le tour de l’Histoire de France évolue brusquement. Le 14 juillet, la populace s’empare du fort de la Bastille. Le soir, dans son journal, le roi écrit : RIEN. 106 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Je déduis ce cette annotation que le roi disposait plus de l’esprit de concision que de ceux de l’originalité et de la perspicacité. Non, ce n’était pas rien et nous allons en parler plus tard, car je vous propose que nous en restions là pour aujourd’hui. * La Bastille ! Pourquoi n’iriez-vous pas, mes chers enfants, vous préparer pour la suite, en ces lieux sacrés de votre République. Et puis, à côté de la place, s’étend Paris-Plage, symbole de la ville qui a reconquis ses berges ! Passez-y une soirée républicaine, « citoyenne », comme on dit de nos jours ; et vous me raconterez tout demain…en confession, Marie-Eudoxie ? Comment cela ? Savezvous que la préméditation est une circonstance aggravante, surtout pour cette nature de péchés que j’imagine… Et moi ? Oh, mes amis, votre sollicitude me touche. Moi, je dois rencontrer une âme en peine qui m’a donné rendez-vous dans un bistrot du huitième arrondissement : « Le Fouquet’s ». Je ne sais si cet établissement appartenait au surintendant ; je m’en enquerrai. Qui est cette âme en peine ? Eh bien, si mes informations sont exactes, il s’agit d’une personne de qualité qui a ses habitudes en ces lieux et qui bénéficiait naguère d’une position importante dans l’Etat. Elle l’a perdue. Privilegia cum juventus Reitlag.fr 107 L’EnVers de l’Histoire de France evanescent !...et quel est le nom de cette personne ? Cécilia. 108 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Chapitre VIII LA PREMIERE REPUBLIQUE Bonjour mes amis ! Alors, ce dîner à l’Arpège ? Comment, Mohammed ? Il ne devrait pas s’appeler l’Arpège mais l’Arnaque ? Quatre cents Euros par personne pour un dîner à la carte, c’est effectivement assez cher…vins compris ? Mais, Mohammed, je pensais que le prophète avait proscrit l’usage de l’alcool ? Ah ! Il a dit qu’il fallait savoir s’adapter aux coutumes de ses hôtes…Ça ne m’étonne pas de lui, cette courtoisie et cette délicatesse. Pardon ? Vous êtes rentrés dans vos frais ? Ah oui, bien sûr, quand Moussa a « braqué » la caissière ! Encore heureux qu’il ne l’ait pas enrôlée de force dans son « Dream Team ». Voyez, ma chère Marie-Eudoxie, comme la vie est plus aventureuse dans le septième arrondissement qu’à Versailles ! Reitlag.fr 109 L’EnVers de l’Histoire de France Ma soirée à moi a été plus calme. La mère économe des clarisses, Sœur Claire de Marennes, m’a exposé le projet qu’avait formé la congrégation de vendre le monastère de la Villa de Saxe et de se transporter à Beauvais. Elle souhaitait une évaluation de ce bien immobilier. Elle me fit visiter en détail le site et, quand nous fumes dans sa cellule, je lui expliquai que le rendu de mon expertise pourrait attendre le lendemain matin…Au réveil, je lui délivrai le résultat de mon évaluation : un million d’Euros. Ce n’est qu’en chemin pour revenir vers vous que je m’aperçus de ma bévue : je m’étais trompé d’un zéro : ce n’était pas un million, mais dix ! Ce qui est bête, c’est que je lui avais déjà signé l’acte d’achat et établi le chèque. Il est trop tard pour réparer l’erreur : tant pis, sur la plus-value que je dégagerai, je réserverai une obole pour les bonnes œuvres des clarisses. Et puis, dévoiler cette étourderie risquerait de me faire baisser dans son estime… Per imprudentiam, bonum negotium feci ! * Menacée par le roi de Prusse et l’empereur d’Autriche, l’Assemblée décide la mobilisation générale et, avant de lancer ses troupes au devant de celles de Brunswick, considère d’éliminer les « mauvais citoyens », c'est-à-dire ceux qui étaient en prison, détenus de droit commun ou nobles. Pour la 110 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France première catégorie, la « racaille », je serais assez d’accord avec la décision de votre république naissante, mes amis ; pour ce qui est de la seconde, les nobles étant alliés à l’Eglise, je ne puis plus être d’accord, maintenant que j’ai rejoint les rangs de cette institution. On compte au total environ 1.500 morts, dont 200 ecclésiastiques et 200 nobles…Pardon, Marie-Eudoxie ? Oui, vous avez raison, arrondissons au total à 400 victimes… Les troupes républicaines sont rassemblées et, sous la conduite du général Dumouriez, vont au devant des coalisés. La rencontre a lieu le 20 septembre 1792 au pied du moulin de Valmy. Les Austro-Prussiens de Brunswick présentent près de 100.000 hommes ; les Français de Dumouriez : 30.000 ; Le combat fait rage ; au soir de la bataille, les Français ont gagné…et on dénombre moins de 500 morts !... En fait, il n’y eut pas de bataille mais une simple et longue canonnade. A croire que Brunswick et Dumouriez avaient des stocks de boulets à liquider ! Pourquoi ? Depuis lors, on se perd en conjectures. Parmi les nombreuses hypothèses avancées pour expliquer ce « non combat », j’en citerai trois : la première qui évoque la commune appartenance de Dumouriez et Brunswick à la franc-maçonnerie, ce qui aurait favorisé un arrangement entre « frères ». Et pourquoi je n’aime pas les francs-maçons, Moussa ? Parce que je suis jésuite ! Voyons, aimezvous les bandes rivales du 9-3 ? Bon, je vois que vous avez compris. La seconde hypothèse est que Reitlag.fr 111 L’EnVers de l’Histoire de France Brunswick aurait été acheté grâce aux diamants de la couronne, volés quelques jours plus tôt. Je vois que cette hypothèse matérialiste et économique a votre préférence, Mohammed. Economica ratio semper plus valet ! La troisième hypothèse est assez triviale : les Austro-prussiens étaient atteint de dysenterie chronique pour avoir abusé des raisins verts. C’est pour cela que je ne consomme les raisins qu’en bouteille de 75 centilitres, après une fermentation appropriée… Il n’y eut pas vraiment de combat à Valmy ! On canonna un peu et puis on s’en alla. Quelle en fut la raison ? On l’ignore, et tant pis ! Ce n’est pas important car le mythe est bien là. Ainsi que nous l’avons dit tout à l’heure, avant d’envoyer l’armée de la République combattre les envahisseurs, l’Assemblée avait un peu fait le ménage dans les prisons. Pour des raisons sur lesquelles les historiens discutent encore, la foule, poussée par le pouvoir ou sous le coup d’une inclination spontanée, se rendit dans les prisons et massacra consciencieusement leurs habitants. Le but était d’éliminer les nobles et les ecclésiastiques. La Nation était en guerre contre l’Etranger ; des nobles avaient pris le parti de l’Etranger ; il y avait donc une guerre civile ; des nobles étaient dans les prisons ; des ennemis étaient donc dans les prisons ; il fallait les massacrer ; les ecclésiastiques étaient leurs alliés ; il fallait les massacrer aussi. Vous voyez comme 112 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France c’est beau, un enchaînement logique. Exhortés par Jean-Paul Marat, l’éditeur de l’Ami du Peuple, et par Georges Danton, le ministre de la justice (enfin un ministre de la justice qui a trouvé un moyen efficace et rapide de vider les prisons !), la foule des « septembriseurs », comme on les a nommés alors, se rue dans les prisons et, en moins de six jours, extermine donc plus de 1.500 personnes. Et les 1.100 qui n’étaient ni nobles ni ecclésiastiques ? Ce sont des victimes collatérales : il y en a dans toutes les batailles… Michel Foucault aurait qualifié les massacres d’« acte de guerre contre l’ennemi intérieur, un acte politique contre les manœuvres des gens au pouvoir et un acte de vengeance contres les classes oppressives. » Voilà une virile déclaration qui doit bien vous plaire, Mohammed. Nous partons à la guerre Au doux son du clairon, Ne laissons pas, mon frère, De nobles en prison. Quand nous serions partis Ils pourraient s’évader Et prendre le parti De nous contre attaquer Purifions Les prisons Tuons Reitlag.fr 113 L’EnVers de l’Histoire de France Et massacrons. Jean-Paul Marat était donc l’instigateur d’une violence qui allait culminer avec la politique de la Terreur. Que devint-il plus tard ? Eh bien, anticipons un peu : le 11 juillet 1793, alors que Marat rédigeait son courrier immergé dans sa baignoire (il souffrait d’une maladie de peau), une jeune fille normande, Marie-Anne Charlotte de Corday d’Armont, demanda à le voir. Marat accepta tout de suite. « A l’instant », dit Marat, « que vienne cette dame. Je brûle de bonheur, je veux la recevoir. Qu’est-il de plus heureux que d’avoir une femme Pour un instant exquis, au creux de sa baignoire… » Elle a plongé dans l’eau La lame du couteau : Marat fut guéri De sa maladie De peau ! Et Charlotte Corday ? Elle avait assassiné « l’Ami du Peuple », elle ne pouvait qu’être condamnée et exécutée. Ce fut fait le 16 juillet. Le poète André Chénier écrivit ces vers en son honneur : Entends, belle héroïne, entends l’auguste voix. Ô vertu, le poignard, seul espoir de la terre, Est ton arme sacrée, alors que le tonnerre Laisse régner le crime, et te vend à ses lois… 114 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France …Chénier fut également raccourci, un an plus tard...deux jours avant la chute de Robespierre et la fin de la Terreur. * Le 22 septembre 1792, deux jours après Valmy, votre Première République est donc fondée. Il n’y a pas, à l’époque, de chef de l’Etat. Le personnage de plus haut rang est le président de la Convention, d’abord un obscur Elie Guadet, né à Saint-émilion et guillotiné à Bordeaux …Oui, sûrement à la suite d’une querelle d’ivrognes, Mohammed ! Tu étais bien obscur, mon pauvre Elie Guadet Et tu aurais mieux fait, je crois, de le rester Plutôt que de venir présider l’Assemblée : Tu aurais évité d’être guillotiné. Puis ce fut l’abbé Henri Grégoire en novembre 1792. En ce temps où l’Eglise perdait son pouvoir Tu fus le président, mon cher Henri Grégoire, De la Convention et tu y connus la gloire Avec la renommée : ton nom est dans l’Histoire. Le roi ayant été destitué, on ne savait plus qu’en faire. Or, le 20 novembre 1792, Jean-Marie Roland, le ministre de la justice, apporte à la convention des Reitlag.fr 115 L’EnVers de l’Histoire de France documents (plus de 700) découverts au palais. Ces documents avaient été trouvés dans une « armoire de fer » et administraient la preuve de la duplicité du roi et de ses principaux ministres. Tout ceci était-il véridique ou l’effet d’une manœuvre, d’une falsification ? Ça n’avait en fin de compte que peu d’importance : comme le roi avait été un peu traître à la patrie, on décida de lui en faire procès ; puis on le condamna ; et, le 21 janvier 1793, on le décapita. Pour faire bonne mesure, on décapita aussi un peu plus tard la reine Marie-Antoinette qui, si elle n’avait pu trahir - étant autrichienne - n’en avait pas moins eu, aux yeux des républicains, une influence néfaste sur son royal époux : ce qui, cette fois était très probablement vrai. Ton père était empereur Et tes deux frères aussi : Antonia, pour ton malheur, Tu devins reine à Paris. Paris, ville de la mode Avait alors la coutume (Un peu rude et peu commode) Qui fit ta gloire posthume, De raccourcir la Noblesse Brusquement et tout d’un coup, Sans trop de délicatesse : Rien qu’en lui coupant le cou ! 116 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Au printemps 1793, les événements se précipitent. Quand il n’y a pas de chef désigné, il y a beaucoup de candidats. Comment règle-t-on cela, d’après vous, Moussa ? A l’AK 47 ? Non, hélas, Monsieur Kalachnikov n’était pas né à l’époque et n’avait pas encore pu faire bénéficier l’humanité des fruits de son esprit inventif. Mais, le bon docteur Guillotin avait fait profiter la république de son invention ingénieuse. Joseph Guillotin était un député soucieux d’équité et d’égalité. Il avait constaté que, selon le rang social, on était exécuté de différentes façons : les nobles étaient décapités à l’épée ; les roturiers à la hache ; les régicides étaient écartelés ; les hérétiques brûlés ; les voleurs pendus. Monsieur Guillotin n’était pas un adepte de la diversité : il proposa la guillotine pour tous et elle fut adoptée. Ce qui est amusant est que, en 1794, Guillotin fut arrêté par Robespierre…et ne fut pas guillotiné ! Quand je pense qu’il avait alors l’occasion d’essayer lui-même son invention…Guillotin non felix fuit ! Il inventa la guillotine (Et qu’il soit béni pour cela) Mais, par une malchance insigne, Jamais lui-même n’y monta… Bref, monsieur Guillotin avait fourni à tous les prétendants chefs, un habile moyen de réduire leur nombre. Le 6 avril 1793, le Convention crée un organe de gouvernement, le Comité de Salut Public, dont Reitlag.fr 117 L’EnVers de l’Histoire de France Gorges Danton est, dans un premier temps, le principal animateur et donc une sorte de chef de gouvernement. Il était avocat ; il n’était pas très net. Pour sûr, il parlait bien mais n’était pas honnête. Il négocia ici, puis il négocia là (Mais vous savez, bien sûr, les risques de cela). Petits enfants de France, entendez la leçon : La tête de Danton a roulé dans le son ! Puis, le 27 juillet 1793, Maximilien de Robespierre fait son entrée au Comité de Salut Public et, en avril 1794, en prend la direction en éliminant Danton. Il devient alors le véritable chef du pays. Comme Oliver Cromwell, 140 ans plus tôt, Robespierre voulait faire régner la vertu. Et pour cela, il avait trouvé un moyen infaillible : la terreur. Il disait en effet le 5 février 1794, à la tribune de la Convention : «La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu...» Il ajoutait : «… la terreur sans laquelle la vertu est impuissante… » Voyez-vous, mes amis, méfiez-vous des personnes trop vertueuses : elles deviennent vite fanatiques et adeptes de la terreur : Théodose le Grand, Savonarole, Isabelle la Catholique, Calvin, Cromwell, Lénine, Khomeiny, Ben Laden…Je dis cela pour vous, Marie-Eudoxie et Mohammed ; je 118 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France sais qu’avec Moussa, il y peu de risque d’excès de vertu… La veille, 4 février 1794, la Convention avait aboli l’esclavage dans toutes les possessions françaises, sous l’impulsion de l’abbé Grégoire ; l’esclavage sera rétabli par le Premier consul en 1802 à l’instigation de Joséphine, avant d’être définitivement aboli par la loi Schoelcher de 1848. C’est un abbé du Tiers-état Qui fit abolir l’esclavage, Cette pratique d’un autre âge Qui, alors, ne convenait pas. Bonaparte, en mil huit cent deux, S’est emparé de cette affaire, A rétabli ce droit odieux Pour des raisons très sucrières. Robespierre se pliait à employer le rude moyen de la terreur dans le seul but de libérer les opprimés : «Je suis inflexible pour les oppresseurs parce que je suis compatissant pour les opprimés.» Voici qui doit vous plaire, mon cher Mohammed. N’y a-t-il pas là les prémices de la dictature du prolétariat ? Et si Robespierre était musulman ? Non, Mohammed, je ne crois pas mais, que voulez-vous, personne n’est parfait…Nemo perfectus est ! Il faut bien voir aussi que, pour qu’un régime se maintienne, il lui faut un fondement communément Reitlag.fr 119 L’EnVers de l’Histoire de France admis. Jusqu’en 1789, le peuple acceptait le roi parce qu’il avait l’onction divine et que, contre cela on ne peut se dresser. La Révolution a supprimé ce fondement ; elle a d’abord essayé d’instaurer le culte de la raison mais, tout le monde ne raisonne pas pareil. Alors, en attendant que son « Etre suprême » puisse prendre le relais, Robespierre dut avoir recours à la force. C’est le Cromwell français : Il fit mourir un roi Mais lui n’a pu régner Hélas que quelques mois. Après la triste nuit Pour le peuple français Que fut la monarchie, Grâce à lui commençait Une ère de soleil Où tous les citoyens Connaîtraient la merveille D’un fraternel destin ; Pour un tel avenir, Brillant, illuminé, Il faut savoir souffrir, Il faut le mériter Et si l’on veut gagner Son bonheur sur la terre, 120 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France On peut se confier A ce bon Robespierre. Il a guillotiné Ultras et Indulgents, Tous ceux qui s’opposaient A son gouvernement ; Tous ceux qui s’opposaient Au règne de vertu ; Tous ces mauvais français, Ces citoyens perdus. Il était vertueux (C’est pour ça que je l’aime), Il lui fallait un Dieu : Ce fut l’Être Suprême. Il n’est jamais facile D’ordonner le bonheur Et c’est pour cela qu’il Décréta la Terreur. Hélas, son aventure Fut bientôt arrêtée ; Les temps étaient bien durs : Il fut guillotiné. (Il convient d’observer, C’est affreux, quand j’y pense, Qu’il n’eut à son procès Reitlag.fr 121 L’EnVers de l’Histoire de France Pas droit à la défense ; Eh bien, c’était légal ! Cette loi insensée Et qui lui fut fatale : Il l’avait fait voter !) Ce destin malheureux, Mirabeau l’a prédit : « Cet homme est dangereux, Il croit tout ce qu’il dit… » Robespierre, en ces temps troublés, savait néanmoins faire preuve d’un certain bon sens. Alors que nombre de ses collègues rêvaient d’aller conquérir l’Europe pour faire bénéficier leurs peuples des bienfaits de la Révolution, il déclarait le 2 janvier 1792 au club des Jacobins : «La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d'un politique est de croire qu'il suffise à un peuple d'entrer à main armée chez un peuple étranger pour lui faire adopter ses lois et sa Constitution. Personne n'aime les missionnaires armés. » Vous avez raison, Mohammed, Mr George W. Bush ne connaît sans doute pas Robespierre. Puisque nous évoquons les grands hommes de la période révolutionnaire, il ne faudrait pas oublier celui qui eut peut-être le plus d’importance et qui pourtant demeure un peu dans l’obscurité de la mémoire collective : Bertrand Barrère de Vieuzac, dit Barrère. 122 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Ce riche gentilhomme gascon avait trente-cinq ans à la Révolution. Il fut, tour à tour : animateur de la constituante ; jacobin royaliste ; président de la Convention lors du procès de Louis XVI (c’est à cette occasion qu’il déclara cette phrase qu’il avait, semble-t-il, empruntée à Thomas Jefferson : « L’arbre de la liberté croît lorsqu’il est arrosé du sang des tyrans. ») ; membre activiste du Comité de Salut Public ; principal acteur de la politique « terroriste » du Comité ; prêcheur de la guerre totale contre la Vendée ; défenseur des « colonnes infernales » ; instigateur des condamnations à mort de ses collègues, Danton, Desmoulins, Robespierre, Saint Just, entre autres ; arrêté le 9 Thermidor ; puis amnistié ; membre de la Chambre des Représentants sous l’empire ; député sous la monarchie de juillet…Barrère, peut-être le plus gros pourvoyeur de la guillotine pendant la révolution, mourut dans son lit et sous les honneurs à l’âge de quatre-vingt cinq ans ! Si l’on en croit l’historien britannique Macaulay Thomas Babington: “The filthiest and most spiteful Yahoo of the fiction was a noble creature when compared with the Barrère of History.” (31) Occidet multum, perdiu vixit! Il a manipulé les hommes de son temps; Il a tué beaucoup; il a vécu longtemps; Il est presque sorti, déjà, de nos mémoires Mais il a façonné largement notre histoire. Reitlag.fr 123 L’EnVers de l’Histoire de France Un autre intéressant jeune homme de cette période révolutionnaire était Louis Antoine de Saint-Just, brillant porte parole du Comité de Salut Public et grand pourvoyeur également de la guillotine. Mais, Saint-Just n’était pas seulement un révolutionnaire ; il était aussi un poète, et un poète un peu grivois. Il écrivit ainsi un long poème en vingt chants, l’Organt (31b), où l’on peut lire ces vers traitant de guerriers de Charlemagne arrivant dans un monastère de nonnes : Et les nonnains pour des anges les prirent, Suzanne tombe aux serres de Billoi, Il vous l’étend et, d’une main lubrique, Trousse en jurant la dévote tunique Quand elle vit poindre je ne sais quoi Suzanne crut que c’était pour le prendre Et le baiser ; sur le fier instrument Elle appliqua sa bouche saintement… Vous ne comprenez pas le sens de ces vers, MarieEudoxie ? Quel dommage, moi non plus et j’eusse tant aimé que vous me l’expliquassiez, fût-ce par le biais de travaux pratiques… Saint-Just avait fait paraître sous le manteau ce poème en 1789, et il avait eu l’audace de le publier au nom d’un éditeur fictif : « Vatican » ! En préface à ce livre, il avait écrit : « J’ai vingt ans ; j’ai mal fait ; je pourrai faire mieux. » Il ne fit pas mieux en littérature, mais en matière d’approvisionnement de la guillotine en clients, il sut se distinguer. 124 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Saint-Just, jeune, aristocratique, Ecrivait de jolis poèmes Assez galants, un peu lubriques, En un mot, tout ce que l’on aime. Hélas il délaissa sa muse Pour d’autres sortes de travaux : Quand la poésie, plus n’amuse, On se consacre à l’échafaud ! Quoiqu’il en soit, Saint Just était un fort élégant poète et il est bien dommage que l’on ait mis prématurément fin à ses jours en juillet 1894, en le guillotinant. * Barrère avait, disais-je, prôné la guerre à outrance en Vendée. Lors de la mobilisation générale, la Vendée s’était révoltée contre la République et avait engagé un mouvement qui ne peut avoir que ma sympathie : les troupes vendéennes marchaient sous l’étendard du Sacré-Cœur. J’ai d’ailleurs proposé à votre Président de peindre cet emblème sur les chars blindés qu’il a obligeamment intégrés à l’armée étasunienne, en Afghanistan. Expecto responsum ! L’estimation des pertes humaines liées à cette guerre civile varie, selon les auteurs, de 100.000 à 200.000 personnes, ce qui fait indubitablement beaucoup par rapport au nombre des autres victimes de la Révolution. Reitlag.fr 125 L’EnVers de l’Histoire de France Cette guerre fut donc assez brutale, à tel point que, dans les camps de la royauté et de la religion, on parle de génocide ; pas dans le camp de la république. Tout est question de point de vue et de vocabulaire. Il y eut certaines répressions particulièrement brutales. Jean-Baptiste Carrier, représentant en mission du Comité de Salut Public, se fit, à Nantes, une spécialité des noyades d’ecclésiastiques. Comme il était d’esprit aussi mutin que cruel, il lui arrivait de faire enchaîner nus, face à face et l’un contre l’autre, un curé et une religieuse, avant de les plonger au fond la Loire. Il appelait cela ses « mariages républicains ». Marie-Eudoxie, ne serait-il pas utile, pour une parfaite compréhension de la chose, de procéder à un simulacre de reconstitution ? Il y a une baignoire dans l’appartement du conservateur et je peux me dévouer pour vous servir de partenaire…vous préférez Moussa ? Oublions ! De toute façon, il n’y a pas d’urgence ! Jean-Baptiste Carrier était un peu sadique Lorsqu’il s’en prenait aux religieux catholiques : Il les attachait nus, face à face, et soudain Les noyait en un « mariage républicain ». Robespierre avait compris que, pour que le peuple se tînt tranquille, il était bon qu’il eût une religion. Ceci montre que Robespierre n’était pas parfaitement mauvais. Alors, en opposition avec le culte athée et 126 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France matérialiste de la Raison, institutionnalisé le 10 août 1793, il fit décréter par la Convention, le 7 mai 1794, le culte de l’Être Suprême : « le peuple français reconnaît l’existence de l’Être Suprême et l’immortalité de l’âme. » Un mois plus tard, le 8 juin 1794 (20 prairial an II), il organise au Champ-deMars une fête immense où il est mis en scène comme le grand prêtre de la nouvelle religion (n’eût-il été vêtu d’un habit bleu céleste qu’il eût pu passer pour un cardinal…) Les curés sont chassés ou bien guillotinés Et le peuple s’agite, il faut le maîtriser : Inventons aussitôt une autre religion Et le peuple ébloui fera sa soumission. Cette manifestation d’autocratie de Robespierre ajoutée à toute la violence de la Grande Terreur finit par lasser les membres de la Convention, alors que les frontières se trouvaient de moins en moins mises en péril. Le 27 juillet 1794 (9 thermidor, selon le calendrier de l’époque), La Convention met en accusation Robespierre et ses principaux acolytes, Saint-Just, Henriot, Couthon (mais pas Barrère qui, ainsi que nous l’avons vu plus haut, passa toujours au travers des mailles du filet) et les condamne à mort ; le lendemain, ils montent sur l’échafaud. Reitlag.fr 127 L’EnVers de l’Histoire de France Au sujet de la fin de Robespierre, il convient que nous parlions d’une dame. Robespierre, qui avait en effet si peu d’attirance pour les femmes que certains pensent qu’il était impuissant, vit sa fin liée à l’action d’une des femmes les plus légères et brillantes de l’époque : Teresa Cabarrus, épouse Tallien. Après avoir multiplié les conquêtes à la cour de Louis XVI, Teresa épouse Jean-Lambert Tallien, un brillant septembriseur et chargé de mission en Vendée puis à Bordeaux, qui l’avait fait libérer de prison ! Ceci lui vaut le sobriquet de Notre Dame de Septembre. Elle consacre alors de son temps à soulager les malheureux condamnés et gagne ainsi le surnom de Notre-Dame de Bon Secours. A la suite d’une affaire confuse, elle est ensuite emprisonnée et destinée à la guillotine. Elle écrit alors à Tallien : « Je meurs d'appartenir à un lâche. » Pour faire libérer sa femme, Tallien, qui avait été piqué au vif par cette interpellation, entre dans le complot contre Robespierre. Robespierre est guillotiné, Teresa est libérée et devient Notre-Dame de Thermidor. Après de nombreuses nouvelles aventures amoureuses, dont l’inévitable Barras et bien sûr Bonaparte, elle épouse sur le tard le prince de Chimay et finit paisiblement sa vie dans le Hainaut. Hélas, Marie-Eudoxie, si Madame Tallien a été trois fois Notre-Dame, elle n’est sans doute pas restée vierge très longtemps…Mais oui, Moussa, mademoiselle Lulu mérite tout à fait le titre de Notre-Dame du Réconfort ! Il faut savoir reconnaître les mérites. Meritum honorandum est ! 128 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Elle était belle, elle était bonne Elle avait brillé à la cour, Ne vivant pas comme une nonne Et, quand la révolution sonne Elle multiplie les amours. Elle épouse un Conventionnel, Tallien partagera sa chambre, Connaîtra le septième ciel, Ce massacreur au cœur cruel, Chez Notre Dame de Septembre. Notre Dame de Bon Secours Un jour a su sceller le sort Du « Tyran » grâce à son amour Et elle sera pour toujours Notre Dame de Thermidor. Avec la fin de Robespierre, se terminait une phase de la Révolution, la Terreur. La guillotine allait donc pouvoir prendre un relatif repos. Mais, au demeurant, combien de personnes avaient-elles été guillotinées ? On estime le nombre total à environ 17.000. Si l’on y ajoute les victimes n’ayant pas eu de procès, on atteint un chiffre global d’environ 30.000 (hors guerre civile de Vendée), soit le même ordre de grandeur que celui de la Saint-Barthélemy à travers le royaume. J’en tire la conclusion qu’en France, on affectionne une certaine constance dans les massacres. Reitlag.fr 129 L’EnVers de l’Histoire de France Vous trouvez, Marie-Eudoxie, que 17.000 victimes, ça fait beaucoup d’aristocrates et d’ecclésiastiques ? Eh bien, détrompez-vous, mon enfant. Le nombre des aristocrates guillotinés n’a été que de 1.500 environ ; les ecclésiastiques : à peine plus de 1.000, alors que plus de 10.000 ouvriers et paysans se trouvèrent être raccourcis ! Eh oui, Mohammed, lors de toutes les révolutions, le peuple sait bien dévorer ses propres enfants… Populus populum devorat ! Contre les « Aristos », le peuple s’est levé Il faut exterminer, pour un ordre nouveau, Cette vieille noblesse. Qu’elle aille à l’échafaud ! On lui coupe la tête et l’on est libéré ! Mais, à la fin du compte, on doit bien constater Que parmi les clients de la sinistre lame, Que parmi tous ces hommes et toutes ces femmes Le plus grand nombre fut de pauvres ouvriers… * Au lendemain du 9 thermidor An II (27 juillet 1794), les pouvoirs du Comité de Salut Public sont réduits : la noblesse et la bourgeoisie redressent la tête. L’homme fort du pays est alors Jean-Jacques Régis de Cambacérès, président de la Convention puis du Comité de Salut Public. Durant la Révolution, Cambacérès avait surtout tenu un rôle de juriste et, dès juin 1793, il travailla sur la constitution d’un 130 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Code Civil qui lui avait été demandé par la Convention. Ce travail aboutit sous le consulat, toujours sous sa houlette et, malheureusement, ce qui avait été rédigé par le Languedocien érudit et raffiné fut approprié par un Corse inculte et fruste : C’est pourquoi vous n’avez pas aujourd’hui de Code Cambacérès mais un Code Napoléon ! Le coucou fait son nid de la demeure des autres oiseaux, Apud alterum avem, cuculus nidum fecit ! Avant que vous ne m’interrogiez sur les conquêtes féminines de Cambacérès, mon cher Moussa, je préfère vous préciser que Jean-Jacques Régis était exclusivement homosexuel. D’ailleurs, à titre d’anecdote, je citerai ce mot que, quelques années plus tard, l’empereur lui adressa un jour qu’il était en retard à une audience et qu’il s’en excusait, en disant avoir été retenu auprès d’une dame : « Quand on est attendu par l'Empereur, on finit vite ses affaires avec ces dames et on leur dit : "prends ta canne et ton chapeau et va-t-en"». Du temps de l’empire (dont il fut le second personnage, en sa qualité d’archichancelier), Cambacérès fut incité par Napoléon à se marier ou, tout au moins, à s’afficher avec une dame, car cette situation était plus convenable à l’époque. JeanJacques Régis prit alors comme « maîtresse officielle » Henriette Cuizot qui, peu de temps après, fut enceinte. Alors qu’on le félicitait, Cambacérès répondit que cette paternité concernait un ancien amant de la dame car lui, disait-il, « ne l’avait Reitlag.fr 131 L’EnVers de l’Histoire de France connue que postérieurement… » Avec ce sens de l’humour, Cambacérès avait décidément toutes les qualités pour être jésuite… Quoiqu’il en soit, le fait que Cambacérès fut le père du Code Civil (c’est bien sa seule paternité, d’ailleurs !) fit que toute répression de l’homosexualité en fut exclue. Il fut, pour quelques mois, la tête de la France, Tout au moins président du plus haut comité ; Il eût pu faire un roi grâce à ses qualités Mais, aimant les garçons, il fut sans descendance… La période « thermidorienne » fut marquée par deux tendances : d’abord, au plan politique, par la volonté du pouvoir d’empêcher institutionnellement que ne pût s’établir de nouveau une tyrannie ; et puis, au plan sociologique, par une forte réaction qui se traduisit par ce que l’on appela la « terreur blanche.» Ce fut l’époque des « Muscadins » et des « Merveilleuses ». Il s’agissait de jeunes gens aisés, la « jeunesse dorée », dirions-nous de nos jours, qui, après les tourments des révoltes prolétaires, récupéraient le haut du pavé. Les Muscadins étaient ainsi nommés pour leur goût de se parfumer et les Merveilleuses se promenaient sur les boulevards, vêtues de mousselines parfaitement transparentes. Marie-Eudoxie, ne pourriez-vous pas, pour mieux illustrer le cours, venir demain habillée de la sorte ? Vous ne vous habillez que chez Magellys®, la 132 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France boutique spécialisée dans le vêtement traditionnel chrétien, et vous doutez qu’ils disposent, dans leur catalogue, de tels vêtements…j’en doute aussi. Dubito quoque ! Après que la populace Eut pris le haut du pavé Il faut reprendre sa place Et se faire respecter. Muscadins et Merveilleuses Vont désormais le front haut Loin des classes laborieuses Qu’ils bastonnent s’il le faut. Nous l’avons dit, la Convention prépara des institutions de nature à éviter tout risque de tyrannie. La constitution de l’an I, qui n’avait jamais été appliquée, fut oubliée et l’on vota, le 25 août 1795, la constitution de l’an III qui instaurait un gouvernement collégial, indépendant des assemblées : le Directoire, composé de cinq membres. Le principal membre du Directoire, le « leader », comme nous dirions de nos jours, était Paul Barras. Paul François Nicolas vicomte de Barras était un noble provençal né près de Brignoles. Vous voyez, Marie-Eudoxie, que tous les nobles ne finirent pas dans le bac de son! Barras fut l’ami de Mirabeau ; puis élu député du Var ; vota la mort du roi ; poussa à la mise en accusation de Robespierre ; fut nommé au Comité de Sûreté Générale. Jusque là, Reitlag.fr 133 L’EnVers de l’Histoire de France il avait fait un parcours parfait. Hélas, le 5 octobre 1795 (13 vendémiaire an III), il commet l’erreur fatale : il fait appel pour dégager les rues de Paris qui étaient aux mains d’agitateurs royalistes, à un traîneur de sabre corse du nom de Napoleone Buonaparte, qu’il élève à l’occasion au grade de général. Ce dernier fait venir ses canons à Paris ; les installe face à l’église Saint Roch, rue Saint-Honoré et les utilise avec autant de discernement que de sens de la retenue : environ 300 opposants tombent sous les boulets, et sur les marches de l’église. Certes, cela n’allait pas empêcher Barras d’être nommé au Directoire où il siégea deux ans et où il fit un petit coup d’état le 4 septembre 1797 ; mais il avait fait la renommée de celui qui, plus tard, allait le renverser : il avait réchauffé le serpent en son sein ! Calefacet serpentem ad pectum suum ! Barras avait pourtant, en une occasion, bien manœuvré avec le jeune Corse ambitieux. Ne sachant comment se défaire d’une maîtresse encombrante, il la présenta au dit Napoleone qui, étant alors en manque d’affection, en fit rapidement son ordinaire. Le nom de cette dame, Marie-Eudoxie ? Joséphine de Beauharnais. Lors du coup d’état du 18 brumaire, Barras démissionne ; puis, Napoléon l’exile à Rome et l’emprisonne un moment à Montpellier ; ce Napoléon qui l’appelait aimablement le « roi des pourris ». Décidément, le Corse n’avait même pas la reconnaissance du (bas) ventre ! 134 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Il a traversé la Révolution, Sans mal et sans heurts Mais pour son malheur Il rencontra un jour Napoléon. Il lui délaissa sa vieille maîtresse Dont il était las. Le Consul l’aima Et lui accorda toutes ses caresses. Mais, pour Barras, pas de reconnaissance, Il l’a exilé Puis emprisonné : La faute de goût frise l’indécence. Barras avait donc présenté Joséphine de Beauharnais, son ancienne maîtresse, à Bonaparte qui l’avait épousée. Et c’est chez Joséphine que se fomenta le coup d’état qui allait précipiter la chute de Barras. Comme vous le dites si bien, Moussa, les « meufs », il ne faut pas leur laisser la bride sur le cou…même si elles ont un beau harnais ! Alors, celle-là, j’espérais quand même que vous ne la fissiez pas ! Vous me décevez, mon petit, vous me décevez. Bref, dans le salon de Joséphine, on retrouve l’abbé défroqué Emmanuel-Joseph Sieyès que nous avons rencontré en 1789, lors des Etats-généraux. Sieyès, qui rêve du pouvoir et cherche un « bras armé » ; on lui propose le général Moreau, qui manque de détermination, puis ce Buonaparte ; comme il n’a Reitlag.fr 135 L’EnVers de l’Histoire de France rien contre les Corses, il accepte ; le coup d’Etat se fait ; et le Corse prend le pouvoir ! Cet homme est né Français par la grâce d’un roi, -Louis XV avait acquis la Corse (est-ce un bonheur ?) Par les armes il a su imposer sa loi Puis, jeune encore est mort, tué par l’empereur. Tout jeune, à vingt-quatre ans, il était général De brigade et un jour, pour sauver la nation, Il mitraille, à Saint Roch, la rue d’un feu fatal : On le fit général, alors, de division... …De division… vraiment, subtil est le symbole Pour celui qui renverserait le Directoire Par l’épée, comme il fit jadis au Pont d’Arcole, Afin de s’arroger alors tous les pouvoirs. Et c’est ce qui advint lors du Dix-huit Brumaire, Où quelques conjurés, une sombre mafia, Tua la République, oui, la chose est amère, Par un bref coup de main, vulgaire coup d’état. Il est Premier consul, il est un dictateur ; Il est nommé à vie, il règne sans partage, Et ce grand humaniste a voulu le bonheur De ses sujets : il a rétabli l’esclavage. Mais ça ne suffit pas à ce nouveau tyran, Il a tous les pouvoirs et ce n’est pas assez : 136 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France L’empereur a tué Bonaparte et pourtant Le peuple français n’en fut pas débarrassé. Ce Buonaparte est en effet un personnage dual. Plus tard, il changea de nom et, pour mieux affirmer sa tyrannie et sa mégalomanie, se fit nommer empereur. Mais, nous n’en sommes pas là. Là où nous en sommes, c’est à la fin concrète de la République puisque, par son coup d’état, Buonaparte, qui avait entre-temps francisé son nom en Bonaparte, mettait en place un régime dictatorial : le Consulat. C’est en effet une constante de l’Histoire que les révolutions se terminent en dictature. Vous devriez y songer, mon cher Mohammed. Il est vrai que quand, comme en Iran en 1978, elles se terminent en dictature islamique, votre double tropisme révolutionnaire et islamiste peut y trouver satisfaction : ce que vous perdez là, vous le gagnez ici. Quod ibi perdes, hic vinces ! * Arrêtons-nous là pour aujourd’hui, mes amis. Pour votre édification spirituelle, je vous invite à aller vous recueillir sur le tombeau de Cambacérès, au cimetière du Père-Lachaise. Pour ma part, j’irai prier dans l’église du bon abbé Sieyès dont le CV me fascine. Il était abbé lorsqu’il était jeune et ne l’était plus lorsqu’il était vieux : moi, c’est le contraire ! Reitlag.fr 137 L’EnVers de l’Histoire de France Chapitre IX LA REPUBLIQUE CONFISQUEE LE CONSULAT – L’EMPIRE Bonjour, mes amis. Comment s’est passée cette soirée de recueillement au Père-Lachaise ? Vous n’avez pas trouvé la tombe de Cambacérès ? Vous vous êtes rabattus sur celle de MacDonald ? Mais c’est parfait, vous avez ainsi préparé la leçon sur les maréchaux d’empire…non ? …et il n’y avait même pas de Big Macs et vous avez dû rejoindre l’établissement des Champs Elysées…mais oui, mes enfants, vous avez bien fait, vous avez parfaitement bien fait… Et moi ? Oh, rien qu’une soirée tranquille. J’ai recherché, près de la place des Vosges, pour m’y recueillir, l’adresse où vivait ce bon abbé Sieyès en 1798, quand il était Directeur ; mais je me suis un peu perdu et je suis arrivé à proximité du boulevard de Strasbourg. Voila c’est tout ; rien de spécial…oui, 138 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France oui, Moussa, rassurez-vous, mademoiselle Lulu va très bien. * Les rois s’étaient consciencieusement employés à ruiner la France ; la Révolution avait achevé le travail. Le Directoire décida donc qu’il fallait aller chercher ailleurs les richesses que votre pays n’avait plus chez lui. Il suffirait d’appeler cela « une guerre pour libérer les peuples et combattre la tyrannie ». Ça marche toujours. Mr Bush ne l’a-t-il pas encore démontré en 2003 avec la glorieuse guerre de libération de l’Irak ? Le général Bonaparte, à qui le Directoire avait confié le commandement de l’armée d’Italie, ne se gênait d’ailleurs pas pour expliquer à ses troupes les subtilités de la stratégie : « Soldats, vous êtes nus, mal nourris…Je veux vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde. De riches provinces, de grandes villes seront en votre pouvoir; vous y trouverez honneur, gloire et richesses. » Pour les richesses, ce n’est pas douteux ; pour la gloire et l’honneur, je vois mal ce que les hordes de barbares français menées par ce bandit corse pouvaient en connaître…Barbari Galli opulentam subtiliamque Italiam subigent A l’occasion de la campagne d’Italie, on cite souvent le rôle de Bonaparte dans le franchissement du pont d’Arcole. Il est vrai que le général tenta Reitlag.fr 139 L’EnVers de l’Histoire de France présomptueusement une attaque de ce pont à la tête de ses troupes ; mais ce que l’on dit moins, c’est que, bien vite, le colonel Jean-Baptiste Muiron se jeta au devant de lui pour le protéger en lui faisant rempart de son corps : Muiron fut atteint d’un balle en plein cœur ; il mourut sur le coup ; pas Bonaparte. Je crois que l’on peut dire que le sacrifice de Muiron fut le plus stupide et le plus contreproductif que connut votre longue histoire. Pro tyranno se devovere morique stupidissimus est ! Bonaparte, intrépide, un jour, au pont d’Arcole Se lança hardiment au feu de la mitraille. Muiron, d’une impulsion, aussi hardie que folle Se fit tuer pour lui : il a une médaille ! L’Italie est pillée ; Bonaparte exige des vaincus des indemnités astronomiques ; les finances françaises sont sauvées (les siennes aussi, d’ailleurs…): c’est la « glorieuse campagne d’Italie »…Oui, Moussa, en langage diplomatique, on dit Glorieuse campagne ; en langage courant, on dit racket ! In glossario, veritas manet ! Si vous vous trouvez démunis Et que vous voulez des finances Pour renflouer votre parti Ou pour le Trésor de la France, Déclarez la libération De quelques peuples opprimés 140 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Et emparez-vous sans façon Des richesses accumulées. Extorsion de fonds Ou libération ? Oui, tout est affaire De vocabulaire. Après l’Italie, les Directeurs avaient envoyé Bonaparte en Egypte, berceau de la civilisation. Ils l’avaient envoyé là-bas pour deux raisons. Pour une qui est indicible officiellement : éloigner un homme qui commençait à leur faire de l’ombre ; pour une autre d’ordre diplomatique, aussi banale que pertinente : ennuyer les Anglais. Le choc fut rude. Bonaparte expliqua, comme d’habitude, aux habitants du pays qu’il les envahissait pour leur bien : « Egyptiens… je viens vous restituer vos droits, punir les usurpateurs ; je respecte plus que les Mamlouks, Dieu son prophète Mahomet et le glorieux Coran. » Je suis d’accord avec vous, Mohammed, avec le coup du « glorieux Coran », il en rajoutait peut-être un peu ! Le loup dit à l’agneau « Que vous me semblez beau ! Je viens Pour votre bien ! » Très délicatement, le loup le cajola Puis, il le dévora. Reitlag.fr 141 L’EnVers de l’Histoire de France En Egypte, tout se passe merveilleusement bien : d’abord, la flotte française est complètement détruite par les Anglais ; puis, les troupes de Bonaparte sont harcelées et décimées par les Turcs. Au passage, voici une petite anecdote qui vient rehausser la gloire du vaillant général : A Jaffa, le 9 mars 1799, les troupes turques qui tenaient la ville se rendent en l’échange de la promesse qu’elles auront la vie sauve. Bonaparte entre dans la ville et découvre qu’il y a 3.000 prisonniers. Il s’écrie : « Que veulent-ils que j’en fasse ? »(32). Il les fait mettre à mort. Des esprits chagrins pourraient certes mettre au débit de Bonaparte le fait qu’il n’a pas tenu sa promesse : c’est qu’ils n’auront rien compris au fait que le général était un vrai « politique » ; or, un vrai politique ne tient jamais ses promesses. Moi, je porterais à son crédit son esprit d’analyse et sa rapidité de décision. Magni viri velociter decident ! Le petit poème ci-dessous, traduit de l’arabe, montre que les populations locales étaient définitivement hermétiques à l’art de la vraie politique. On fait un jour des prisonniers Et on leur promet la vie sauve : On les présente au général Et lui, pire qu’un animal, Le nabot rondouillard et chauve Les fait alors tous fusiller. En effet, les Egyptiens, qui étaient des fourbes et des ingrats, ne comprenaient pas les bienfaits que leur 142 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France apportaient Bonaparte et ses troupes : ils les combattaient. Après la victoire d’Aboukir, le sort des armes vint à se retourner de nouveau et Bonaparte jugea qu’il était préférable que l’inévitable déroute qui se profilait fût subie par un autre que lui… On est au devant de la scène On reçoit la gloire et l’éloge Mais, quand soudain, on vous déloge, Mieux vaut revenir vers la Seine ! Bonaparte rentra alors en France et c’est là qu’eut lieu la rencontre dont nous parlions hier avec l’abbé Sieyès. Après une mise au point un peu longue (on dut faire un premier petit coup d’état au printemps pour éliminer trois Directeurs), on décida, le 18 brumaire de l’an VII (9 novembre 1799) de passer à l’acte. Le lendemain, 19 brumaire, la chambre des Cinq-cents se rebiffa, voulut mettre Bonaparte en accusation mais, très opportunément, son président fit donner la troupe. Comment s’appelait ce président, Mohammed ? Luciano Buonaparte ! Eh oui, Mohammed, il n’y a pas que les grands frères qui soient utiles : les petits frères peuvent l’être aussi ! Après cette incongruité qu’avait été la Révolution, la France redevenait enfin ce qu’elle aurait toujours dû demeurer : une affaire de famille. Francia principis res est ! C’était un bon politicien ! Reitlag.fr 143 L’EnVers de l’Histoire de France Quand il se trouva en péril, Ce fut une vrai chance qu’il Pût alors compter sur Lucien. * L’épisode révolutionnaire qui avait commencé le 17 juin 1789, par la création de l’Assemblée Nationale ; qui eût pu se terminer le 14 juillet 1790 par une monarchie constitutionnelle, si le roi avait été un peu plus politique et un peu moins borné ; se terminait 10 ans et 5 mois plus tard, le 10 novembre 1799 par l’instauration d’un pouvoir dictatorial, le Consulat : tout ça pour ça ! Le Corse était astucieux. Il voulait prendre le pouvoir absolu mais il souhaitait, dans un premier temps, préserver les formes. Moussa, quand vous exercez vos légitimes pouvoirs de management auprès de vos jeunes disciples de la rue Saint-Denis, vous ne vous déclarez pas leur « exploiteur ». Vous prenez le noble titre de « protecteur ». Bonaparte, qui se voulait le « protecteur » de la France agit avec tout autant de subtilité. On nomma un gouvernement collégial, le Consulat, qui regroupait trois consuls : voilà qui est bien démocratique. Oui, mais seul le Premier consul détenait le pouvoir…et le Premier consul était Napoléon Bonaparte. On dit qu’il est un pays d’Europe de l’Ouest où il existe de nos jours deux assemblées regroupant près de mille élus, un gouvernement de quarante ministres et où seul le 144 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Président détient le pouvoir…je ne sais quel serait ce pays, mais je ne puis y croire…non possibilis est ! On nomme trois consuls, dont Sieyès et Ducos, Mais ils ne sont là que pour la figuration. Seul un a du pouvoir, seul un a de l’écho : C’est celui qui se prénomme Napoléon. En janvier 1800, l’abbé Sieyès et Roger Ducos quittent le Consulat et sont remplacés par CharlesFrançois Lebrun et par notre ami Jean-Jacques Régis de Cambacérès, ce qui ne change rien puisqu’ils n’ont pas plus de pouvoir que les précédents. Quels étaient les objectifs du Premier consul ? L’ordre, à l’intérieur, et la guerre, à l’extérieur. Pour l’ordre, ce fut assez simple : les assemblées sont dépourvues de pouvoir ; la contestation politique est réprimée ; la presse est contrôlée et la censure rétablie le 17 janvier 1800. Voyez-vous, mes amis, c’est ainsi que l’on agit toujours quand on ne veut pas être ennuyé par des raisonneurs de toute nature : dans votre cellule du parti trotskiste de l’avenue Rosa Luxemburg, Mohammed, les récalcitrants sont éliminés séance tenante…oui, pas physiquement, hélas, ça ne se fait plus. Mais, gardez espoir, ami, la vie est un éternel recommencement ; dans votre quartier, Moussa, quand il faut mettre bon ordre à la concurrence déloyale…votre OMC à vous s’appelle 357 Magnum ? Tout est question d’appellation. Et chez vous, Marie-Eudoxie, quand les infâmes Reitlag.fr 145 L’EnVers de l’Histoire de France Orléanistes régicides s’en prennent à la Maison de France, la vraie, celle des Bourbons, ils sont interdits de parution dans le Lys Rouge, ce qui les prive des 45 lecteurs de cette revue à grande diffusion…oui, je sais, c’est sévère mais, il faut ce qu’il faut ! Donc, la question intérieure étant réglée, Bonaparte s’occupa de la guerre, sujet pour lequel il avait une certaine prédilection. A qui fait-il la guerre ? A toute l’Europe ! Je ne vais pas vous ennuyer avec cette question pour trois raisons. D’abord, parce que ces guerres en font, chez vous, un héros alors qu’elles ont amené le monde entier à considérer que Bonaparte (et Napoléon par la suite) est un tyran à côté de qui Hitler ferait presque figure d’enfant de chœur ; la seconde raison est que ces récits belliqueux relatifs à des conquêtes territoriales pourraient donner de mauvaises idées à notre ami Moussa. La troisième est que ça fait longtemps que nous n’avons pas parlé de femmes et que je sens Moussa en ébullition. Le Corse avait prédilection Pour la pratique de la guerre Et, cela ne vous surprend guère, Il s’y plongea avec passion. Qu’il fût général ou consul, Ou même plus tard empereur Il n’a connu dans sa vie nul Plus grand moyen à son bonheur. 146 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Eh oui, Moussa, même les femmes ne pouvaient pas lui apporter plus de satisfactions que la guerre. Nous avons vu que Barras lui avait concédé une vieille maîtresse dont il était encombré, Joséphine de Beauharnais. Bonaparte, comme tous les hommes n’ayant pas une grande expérience en la matière, en devint subitement amoureux fou. Joséphine, qui avait six ans de plus que Bonaparte, était veuve et, depuis, « femme entretenue ». Qu’est-ce qu’une « femme entretenue », Moussa ? Eh bien, en quelque sorte, une femme qui par quelques aspects ressemble à celles que vous avez harmonieusement disposées sur le trottoir parisien…sauf que là, c’est plutôt vous qui êtes entretenu ! Même à la fin de sa vie, à Sainte Hélène, Napoléon était encore ému en contant au général Bertrand, pardonnez-moi, MarieEudoxie : « Elle avait le plus joli petit cul qui fût possible… » (33). Pulchrisimum anum habebat ! Bonaparte était un poète Il avait le mot délicat. Parlant de sa belle conquête, Dont il faisait toujours grand cas Il s’exclamait avec émoi : « Elle a le plus beau cul qui soit ! » Napoléon Bonaparte avait toujours d’aimables intentions pour son épouse. La Convention, le 4 février 1794, avait inconsidérément aboli l’esclavage dans les colonies américaines des Antilles. Cette décision pénalisait les planteurs des îles qui devaient Reitlag.fr 147 L’EnVers de l’Histoire de France payer plus cher leur main d’œuvre. Or, Joséphine était née à la Martinique et y avait toujours de la famille et des relations ; et ces relations étaient assez versées dans l’activité sucrière. Pour apaiser le chagrin légitime que son épouse avait de voir ses parents ainsi honteusement exploités par leurs anciens esclaves, Bonaparte fit rétablir le 20 mai 1802 cette pratique (bien pratique !) de l’esclavage. Au sujet de l’action de Bonaparte aux Antilles, on peut rappeler l’aventure du gouverneur Toussaint Louverture, dans l’île d’Hispaniola (appelée aussi alors Saint Domingue et Haïti). Trouvant que Toussaint prenait trop d’autonomie, qu’il s’opposait au rétablissement de l’esclavage et qu’il avait des relations trop proches avec les Etats-Unis, Bonaparte décide de l’éliminer. Il fait appel pour cela à son beau-frère Leclerc, le mari de Pauline (il vaut mieux que les mauvais coups restent en famille) Célébré par la Convention, Trahi par le Premier consul, Il fut hélas l’illustration Que parfois l’Histoire recule. C’était un esclave affranchi A l’âge de trente-trois ans Et qui au cœur de Haïti Assura le gouvernement De tous les esclaves « Marrons » Réfugiés dans les marécages ; 148 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Quand un jour, par la Convention, L’abolition de l’esclavage Fut décidée, François Toussaint Rejoignit le camp des Français Contre les troupes du maintien, Les Espagnols et les Anglais. Vite il est nommé général Et couvert de tous les honneurs Et, pour un Noir c’est peu banal, D’Haïti, il est gouverneur. Mais à Paris, tout a changé ; Le Consul règne sans partage Et Bonaparte a décidé Que soit rétabli l’esclavage. (Joséphine de Beauharnais Avait du côté des Antilles, A ce qu’on dit, des intérêts Et des membres de sa famille ; Le cours du sucre s’effondrait, L’abolition en était cause : Il fallait, vous en conviendrez, Faire à tout le moins quelque chose…) Toussaint est vaincu, capturé. On l’amène dans le Jura Puis à Joux il est enfermé, Reitlag.fr 149 L’EnVers de l’Histoire de France Où en peu de temps il mourra. Bien souvent la Déclaration Des Droits de l’Homme est oubliée Au regard de la protection Des grands principes sucriers. Leclerc rétablit l’ordre bonapartiste, non sans quelques états d’âme. Le 2 novembre 1802, il écrit au Premier consul : « Depuis que je suis ici, je n’ai le spectacle que d’incendies, d’insurrections et d’assassinats…, Mon âme est flétrie : aucune idée riante ne peut me faire oublier ces tableaux hideux. Je lutte ici contre les Noirs, contre les Blancs, contre la misère, contre mon armée, et mon âme est découragée. (33b) » Qu’est-ce que vous voulez faire avec des « militaires » de cette sorte ? Ce sont des fillettes ! Il fallait pourtant bien restaurer l’esclavage pour venir au secours de tous ces pauvres exploitants sucriers… …L’année suivante, ses armées étant vaincues par Dessalines (futur roi Jacques 1er d’Haïti), Bonaparte abandonnera finalement Saint Domingue. Etant en guerre contre l’Angleterre, il ne peut certes être partout à la fois. Néanmoins, le grand Bonaparte vaincu par la jeune république d’Haïti, voilà qui est glorieux ! On ne vous a pas appris cela à l’école ? Etrange… Bonaparte voulait aussi s’assurer les bonnes grâces de ses concitoyens (qui n’allaient pas tarder à devenir 150 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France ses sujets) et il institua la Légion d’honneur. Le conseiller d’Etat Théophile Berlier ayant, légèrement, contesté cette décision qui rappelait l’Ancien Régime, Bonaparte rétorqua : « Je vous défie de me montrer une république ancienne ou moderne, qui savait se faire sans distinctions. Vous les appelez les hochets, eh bien c’est avec des hochets que l’on mène les hommes. » On dit que votre Président distribuerait encore ce « Hochet des Vanités »… Crepitaculum vanitatis semper placet ! Louis Ferdinand Céline disait en 1932 de cette invention bonapartiste : « Autrefois, on pendait les voleurs aux croix. Aujourd’hui, on pend des croix aux voleurs ». Croyez-moi, Moussa, n’acceptez jamais la Légion d’honneur : restez discret ! Ce genre de hochets plaisait tant à Napoléon Bonaparte que, quelques années plus tard, quand il fut empereur, il créa trente ducs, quatre cent cinquante comtes, mille cinq cents barons et mille trois cents chevaliers ! En 1802, le Premier consul pense qu’il est temps d’affirmer et d’affermir son pouvoir. Le 2 août, il se fait nommer consul à vie par un plébiscite (par 99% des voix : c’est ça, la démocratie !): il a déjà plus de pouvoir personnel que les rois de France n’en ont jamais eu depuis des siècles… Certains esprits aigris, animés par des Nobles revanchards, envisageaient d’attenter à la vie du Premier consul. Ils passèrent même à l’action à la fin de 1803. Il fallait réagir. C’est ce que fit Bonaparte, Reitlag.fr 151 L’EnVers de l’Histoire de France sur la suggestion de Talleyrand, dit-on. On décida de choisir un prince au hasard, de le faire enlever et de le fusiller: le 15 mars 1804, le duc d’Enghien fut enlevé alors qu’il était en Allemagne, traduit en conseil de guerre, jugé dans la journée après un procès aussi approfondi qu’équitable, et fusillé le 21 mars. Un petit assassinat pour un grand projet, il n’y a pas à hésiter. Pro magno concilio, minima caedes placet ! Contrairement à ce que dit ce petit septain de l’époque, le duc d’Enghien n’était même pas l’héritier de la couronne : c’était un membre de la famille royale, pris parmi d’autres et fusillé pour l’exemple. Pulchra est ars politica ! C’est l’héritier de la couronne Alors qu’il convient que personne Ne puisse entraver l’ascension Du glorieux Napoléon. Il est enlevé, Bien vite jugé Et puis fusillé. * Le Premier consul a tous les pouvoirs ; il veut tous les honneurs : il se fait nommer empereur ! En grand démocrate qu’il est, il consulte le peuple par référendum. Il a même l’audace de proclamer que le but de l’empire est de sauvegarder la république ! 152 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France ("Le gouvernement de la République est confié à un empereur qui prend le titre d'empereur des Français" dit l’article 1er de la Constitution de l’an XII). Le peuple répond à son attente en approuvant, comme la fois précédente, par 99% des voix ; « Ruerunt in servitudinem », faisait dire déjà Tacite à Cicéron… Le 2 décembre, il convoque le pape Pie VII et organise un sacre où le bon goût le dispute à la discrétion : 6.000 invités sont venus se geler à NotreDame de Paris pour être plus près du pouvoir. Un pape s’était donc résolu, un peu contraint et forcé, à participer à cette mascarade : Pie VII. Les méchantes langues (il en existe aussi parmi les prélats) en rient encore dans les couloirs du Vatican : Quand il fut nommé pape à cinquante et huit ans Il fut soucieux, bien sûr, du sort de sa chapelle, L’Eglise catholique, objet de mil tourments De par sa « fille aînée » (c’est la France éternelle !) Avec Napoléon, il négocie sur l’heure Un contrat compliqué qu’on nomme Concordat Et, pour être bien vu du nouvel empereur, Pour son sacre, il se rend à Paris d’un bon pas. A Notre-dame, hélas, on le fait patienter Deux heures et demie et, quand l’heure est venue De sacrer l’empereur et de le couronner, Ce dernier manifeste un usage inconnu Et se couronne seul : Pie VII est ridicule ; Reitlag.fr 153 L’EnVers de l’Histoire de France Bien vite il rentre à Rome et s’y dit prisonnier Puis il excommunie l’empereur d’une bulle : Celui-ci est vexé car il est rancunier ! L’armée de l’empereur entre à Rome un beau jour, Confisque les états du pape en un instant Puis le fait prisonnier, sans honte et sans détour, Et à Fontainebleau l’enferme pour longtemps. Mais l’Aigle est abattu ; on libère Pie VII ; Il retourne chez lui, récupère son trône, Salue ses cardinaux, organise une fête Et, à la messe enfin, prononce un noble prône. On l’a vu ridicule, on l’a vu maltraité, On l’a vu prisonnier d’un sinistre empereur ; Eh bien, me croirez-vous, de nos jours le clergé Continue, à Pie VII, de rendre les honneurs. Par bonheur, nos papes modernes que l’on va chercher dans la rude campagne bavaroise sont d’une autre trempe. * La fête de la Fédération, 14 juillet, est abolie (on la remplace par la « Saint-Napoléon » qui n’existe pas…et que l’on fixe au 15 août, qui est la date de la naissance de l’empereur ; la date de la fête de la Sainte Vierge, aussi, d’ailleurs : imperatoris megalomania magna est !); « La Marseillaise » est 154 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France interdite ; la République française est remplacée par l’Empire français…Quinze ans après que votre pays eut été gouverné par un roi grassouillet, d’origine franco-polono-allemande, monarque absolu sans grand pouvoir, le voici gouverné par un empereur grassouillet, d’origine italo-corse, et exerçant le pouvoir absolu…vous êtes forts, vous les Français ! Quinze ans de révolution pour ça ! Galli ad initium revertintur ! Après quinze ans d’agitation, De lutte et de révolution, Quinze ans de crimes, d’aventure, On a enfin la dictature. Bonaparte, désormais Napoléon 1er, avait enfin les mains libres pour mettre l’Europe à feu et à sang. Ne doutez pas qu’il s’y employa avec succès. * Que fit Napoléon après son sacre ? Ce que font tous les chefs de clan (« mafiosi », in italiano) à travers le monde : il chercha à accroître son territoire et à le partager entre les membres de sa famille et de son clan. A Giusseppe, dit Joseph, le frère aîné, il donne le royaume de Naples, puis celui d’Espagne ; à Luigi, dit Louis, le royaume de Hollande ; à Girolamo, dit Jérôme, le royaume de Westphalie ; à Maria Anna, Reitlag.fr 155 L’EnVers de l’Histoire de France dite Elisa, le Grand duché de Toscane ; à Paoletta, dite Pauline, le duché de Guastalla ; à MariaAnnunziata, dite Caroline, et son mari Murat, le royaume de Naples à la suite de Joseph ; à son beaufils, Eugène de Beauharnais, le royaume d’Italie ; à Jean-Baptiste Bernadotte, l’un des ses maréchaux (non, Moussa, un maréchal n’est pas exactement un « porte flingue »), les royaumes de Suède et de Norvège. Il n’y a que son jeune frère, Luciano, dit Lucien, celui qui le 18 Brumaire lui avait permis d’accéder au pouvoir, qui n’eut rien puisqu’il se fâcha avec son empereur de frère…ironie de l’Histoire, s’il eut quand même le titre modeste de prince de Canino, c’est le pape Pie VII qui le lui offrit ! Comme vous le voyez, mes amis, Napoléon sut faire montre d’un niveau de népotisme qu’il est difficile de dépasser. Combien avez-vous de frères et sœurs, Moussa ? Quatorze. Eh bien, il y a vingt arrondissements à Paris. Vous pouvez peut-être organiser des succursales à vos activités…c’est déjà fait ? Excusez-moi, mon enfant, je vous sous estime ! Juvenis Africanus aptus est ! Quand il sort du maquis, Après de durs combats, A lui, la grande vie ! Il sait bien qu’ici-bas Il faut savoir donner Pour être respecté. 156 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Royaumes et duchés Aux frères et aux sœurs Sont alors distribués : Ce n’est que du bonheur ! Comme le disait, avec autant d’élégance que de bon sens paysan, Maria-Letizia Ramolino, la mère de Napoléon : « Pourvou qué ça doure ! » Ça a duré dix ans. Néanmoins, bien vite, en Espagne, les choses se gâtèrent. Giuseppe Buonaparte, dit Joseph, prit le nom de Jose pour essayer d’amadouer les Espagnols quand son frère le porta sur le trône à Madrid : ça ne suffit pas. Les Espagnols l’affublèrent du sobriquet de Pepe Botella, en relation avec ses tendances éthyliques… Ce natif de Corte Avait peu d’envergure Mais grâce à son puîné, Il eut des aventures. Napoléon, d’abord De Naples le fit Roi ; Mais s’il aimait les ors Il s’y vit à l’étroit ; L’empereur aussitôt En Espagne le mit Dans un nouveau château, Reitlag.fr 157 L’EnVers de l’Histoire de France Sur le trône, à Madrid. Son peuple n’en veut pas, Se révolte et bientôt Massacre ses soldats : C’est le « Dos de Mayo » ! Eh bien, cet incapable S’enfuit, pris de terreur ; Cet acte lamentable Sera son déshonneur. L’empire se délite, Il n’a plus de soutien, Sa couronne, bien vite, Echappe à son destin. Alors, ce roi sans terre Part aux Etats-Unis Et puis en Angleterre, Enfin, en Italie. * Il n’était pas, naguère, Au pays de Corte, Que des héros, ma Chère, Chez les Buonaparte Luigi, dit Louis, qui prit le nom de Lodewijk, était un incapable. Il chercha si bien - et en vain - à se concilier ses sujets hollandais qu’il fâcha l’empereur et que son royaume fut envahi, au Nord, par les 158 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Anglais et, au Sud, par les troupes impériales ! Il dut abdiquer en faveur de son fils Napoléon-Louis qui ne régna que quelques jours sous le nom de Lodewijk II. Louis réussit tout de même (officiellement…) à faire un nouvel empereur, puisque Charles-Louis, son troisième fils, régna sous le nom de Napoléon III…mais, son épouse, Hortense de Beauharnais, ayant la « cuisse légère », la paternité de Louis est très incertaine….ce que veut dire « cuisse légère », Moussa ? Eh bien, en raison de la présence de notre chère Marie-Eudoxie, je me limiterai à expliquer par analogie en disant que notre amie Lulu à la cuisse très légère. Vous avez compris, Moussa. Rien ne vaut une habile périphrase doublée d’une parabole. Circuitiones parabolasque decent ! Plaignons, plaignons le pauvre Louis : Il n’a jamais rien réussi Et l’on doute que Charles-Louis Soit véritablement de lui. Girolamo, dit Jérôme, était le plus jeune des frères ; il en était aussi le plus incapable. On lui confia un petit royaume en Allemagne, le royaume de Westphalie; il fut un petit roi, surnommé « König lustik » par ses sujets; pendant une petite durée ; puis il quitta, par la petite porte, le château de Willelmshöhe, à Kassel, qu’il avait si subtilement et délicatement renommé Napoleonshöhe ! Reitlag.fr 159 L’EnVers de l’Histoire de France Napoléon, déçu par sa famille, le fut aussi par l’un de ses protégés, Bernadotte qui accéda au trône de Suède sous le nom de Charles XIV et retourna ses armées contre l’empire. A propos de BernadotteCharles XIV, on conte l’anecdote que le roi de Suède ne pouvait pas se monter dévêtu devant ses médecins : en effet, quand il était soldat sous la révolution, il s’était fait tatouer sur le torse « Mort aux rois ». Les médecins tuent naturellement suffisamment de malades : il eût été effectivement maladroit de les y inciter davantage ! Mais on dit que la mode des tatouages revient dans la jeunesse. N’auriez-vous pas un tel tatouage sur la poitrine, Marie-Eudoxie ? Non ? Et il est inutile de procéder à une vérification de visu ? Très bien, je vous crois sur parole. Credere vetus sacerdos debet ! On veut un beau tatouage Brutal, révolutionnaire. Mais, bientôt, on prend de l’âge ; On devient un dignitaire Et, quand on a sur la peau Ecrit, bien gras : « Mort aux rois ! » On est assez peu dispos A montrer cette apostrophe, Et c’est une catastrophe Quand on est soi-même roi ! Napoléon, après avoir doté sa famille, se lance dans des combats sans fin ; Il projette d’envahir 160 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France l’Angleterre. Pour cela, il constitue une flotte puissante ; la confie à un amiral avisé, Charles de Villeneuve ; qui est si bien avisé que la flotte est envoyée par le fond, à Trafalgar, par l’amiral anglais Nelson.… Villeneuve commandait une flotte franco-espagnole, plus nombreuse, en hommes et en bâtiments, que celle de Nelson. Les Français avaient déjà réalisé l’exploit, rappelez-vous, de se faire battre à Crécy, à Poitiers et à Azincourt, par des Anglais moins nombreux qu’eux ; il leur restait l’impérieux devoir de le faire sur mer : ce fut donc fait. Ce grand marin anglais Tué par Guillemard Nous fit, pour s’illustrer Un coup de Trafalgar. * Sa vie fut occupée A combattre la France Et c’est, pour un Anglais, La moindre complaisance. Dans un premier combat Il a perdu un œil Et plus tard, de son bras, Il dut faire le deuil. Il était diminué, On le serait à moins, Mais il s’est employé Reitlag.fr 161 L’EnVers de l’Histoire de France A couler néanmoins La marine française Un soir, à Trafalgar ; Eh bien, j’en suis fort aise, Le marin Guillemard D’un coup de son fusil Assez bien ajusté Lui a ôté la vie : Qu’il en soit glorifié ! * Depuis ce temps, Nelson, Surveille les pigeons Du haut de sa colonne Sur un square, à London. Napoléon ne pouvant plus envahir l’Angleterre, décida de l’asphyxier par un blocus. Il asphyxia tout autant l’économie continentale et ce, d’autant plus que les Anglais décrétèrent à leur tour leur blocus de tous les ports du continent, entre Brest et Hambourg. Et les Anglais, eux, avaient le moyen de le faire respecter puisqu’ils avaient conservé leur flotte. Moussa, si vous désirez interdire à votre concurrent Djibril toute activité de ses assistantes psychosomatiques sur les trottoirs de la rue SaintDenis, allez-vous d’abord lui livrer les différentes pièces de votre armurerie, AK 47, Colt 45 et autres 162 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Beretta 6.50 ? Non, bien sûr ! Napoléon, lui, il l’a fait ! Napoléon Bonaparte fit massacrer plus de deux millions d’Européens ; ruina et affaiblit pour longtemps la France ; fut vaincu et exilé : et il a des rues dans toutes les villes de votre pays. Vous, Moussa, vous ferez prospérer votre business, mais vous n’aurez sans doute jamais de rue à votre nom… tout est question de choix. Omnis electionis quaestio est ! Puis, Napoléon fit des batailles en tous sens contre les Anglais, les Espagnols, les Portugais, les Prussiens, les Autrichiens. Il manquait les Russes ? Va pour les Russes ! En juin 1812, l’empereur s’engage donc vers la Russie à la tête d’une armée de près de 700.000 hommes. Cette longue campagne se termine par un magnifique triomphe : Napoléon atteint Moscou le 15 septembre ; le 16, Moscou est en feu ; le 15 octobre, l’immense stratège, qui avait oublié malencontreusement qu’il neigeait en hiver, bat en retraite ; le 18 décembre, son escapade terminée, il revient à Paris. Plus de 500.000 de ses hommes, eux, ne reviendront jamais : ils sont morts ou prisonniers. Napoleone maximus strategus erat. C’est probablement cette campagne désastreuse qui fut le virage de son règne et qui marqua le commencement de la fin. Ce qui est amusant, c’est que la brillante opération Barbarossa lancée également en juin (1941) vers Moscou par son émule Reitlag.fr 163 L’EnVers de l’Histoire de France Adolf Hitler, se termina également en désastre quand l’hiver fut venu ; et marqua également le virage de la seconde guerre mondiale. Encore un point commun entre ces deux génies des temps modernes : Asinus asinum fricat ! Moi, j’ai franchi le pont d’Arcole Et j’ai vaincu à Austerlitz ! Aucune idée n’est assez folle Pour m’empêcher d’entrer en lice. Je prends la route de Moscou Pour un triomphe extraordinaire… J’avais oublié, tout à coup, Qu’il se peut qu’il neige en hiver… Mais tout exploit peut toujours être surpassé. C’est ce que réalise l’empereur en faisant en sorte qu’au bout du compte, toutes les puissances étrangères s’entendissent contre lui et, finalement, envahissent Paris. Il abdique et, le 3 avril 1814, est exilé à l’île d’Elbe dont, dans leur grande générosité, ses vainqueurs lui donnent la souveraineté. * Un empereur est parti, un roi arrive dans les fourgons des coalisés. C’est le frère de Louis XVI, LouisStanislas, qui prend le nom de Louis XVIII. Louis XVIII défait ses valises, s’installe. Mais, moins d’un an plus tard, le 1er mars 1815, L’empereur, à qui 164 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France manquaient par trop la gloire, le goût des combats, l’odeur de la poudre et la pratique des défaites, revient. Napoléon 1er bis se réinstalle le 20 mars sur le trône et, tout de suite, reprend la guerre (le 20 mars, premier jour du printemps ! Voilà une date bien choisie pour faire fleurir la plus stupide et inutile aventure qui soit !) Louis XVIII, lui, refait ses valises (il est vrai qu’il avait l’habitude) et part en exil à Gand. C’est en référence à ce lieu d’exil que les royalistes qui ne s’étaient pas ralliés à l’empereur l’appelaient « Notre Père de Gand » et faisaient circuler dans Paris cette chanson mutine ! Soldats! Vous qui tant de fois vainqueurs Avez soumis la terre…, …Quittez et laissez là ce tyran Qui pour lui fait la guerre. Rendez nous notre père de Gand; Rendez nous notre père… Quelle est la raison profonde du retour de Napoléon ? On en avance plusieurs. D’abord, il aurait craint que les Alliés ne l’envoyassent plus loin, à Sainte Hélène. En ce cas, d’une potentialité, il aura fait une certitude : encore un effet de son génie ! On dit aussi que c’était parce qu’il aurait appris l’infidélité de Marie-Louise ; donc, un scandale de cocu ; pourquoi pas ? Moi je pense qu’il y a deux raisons majeures : Napoléon n’avait pas fait encore mourir assez de ses soldats et il lui manquait une belle défaite pour passer à la postérité. Le 18 juin 1815, pour couronner le magnifique épisode des Cent-Jours, 40.000 soldats de Reitlag.fr 165 L’EnVers de l’Histoire de France l’empereur moururent pour rien…sinon pour offrir à Napoléon la sublime défaite qu’un Français doit subir pour connaître la gloire : croyez-vous que Poulidor aurait le même niveau de notoriété s’il avait gagné le Tour de France ? Napoléon est, une nouvelle fois, contraint à l’abdication et exilé dans une île plus lointaine : Sainte Hélène. Et l’Europe est enfin débarrassée d’un homme qui a directement contribué à enlever la vie à au moins deux millions et demi de ses citoyens…mais, rassurez-vous, d’autres firent mieux par la suite ! Maximum maximorum non semper aeternus est ! Nous devons dire ici qu’entre le départ pour Sainte Hélène de Napoléon 1er bis et le retour à Paris de Louis XVIII bis, un souverain régna brièvement durant quinze jours sur la France : NapoléonFrançois Bonaparte, fils de l’empereur et de MarieLouise, en faveur de qui Napoléon abdiqua et qui est donc connu sous le nom de Napoléon II. Cet empereur éphémère n’en fut, au demeurant, guère impressionné, et ce pour deux raisons : d’abord, il n’en fut pas informé et puis, il avait quatre ans ! Les deux raisons sont peut-être liées, d’ailleurs. Sa vie fut brève et bien remplie, Comme on aime en conter ici. A peine né, le voici roi De Rome, on tremble de bonheur ! 166 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France A quatre ans tout juste, je crois, Le voilà soudain empereur ! Malheureusement ce ne fut, Qu’une manière d’illusion : Le roi Louis XVIII apparut Pour remplacer Napoléon… …Il est emmené par sa mère Et il devient duc de Reichstadt Au service de son grand père ; Oublie qu’il est un Bonaparte. Il est mort à vingt et un ans : Si son corps gît au cimetière Du septième arrondissement : Ce fut sur un ordre d’Hitler ! * Napoléon, qui avait mis l’Europe à feu et à sang, provoqua même des réactions qui débordèrent jusqu’en Amérique. C’est ainsi que le Portugal se trouva privé de son excroissance américaine, le Brésil, à la suite d’une affaire de famille compliquée qui plongea le roi Joao VI Bragance dans une profonde tristesse : Si la vie est faite de choix, Il faut parfois se décider Et choisir une bonne fois Reitlag.fr 167 L’EnVers de l’Histoire de France Après avoir bien hésité. Joao était portugais Sa mère était Marie la Folle Et, en attendant de régner, Il se poussait un peu du col. Napoléon est arrivé Semer le trouble au Portugal ; Il juge mieux de s’embarquer De crainte d’une issue fatale. Au Brésil, il débarque alors (Il s’agit d’une colonie) Mais bien vite il pense très fort En faire un royaume pour lui. Aussitôt dit, aussitôt fait, Il est roi ; mais voici qu’arrive, Du Portugal, un messager Et son orgueil alors s’avive : Le Portugal est libéré Car Napoléon est vaincu ! « Je vais bien vite retourner Au pays d’où je suis venu ! » Dit-il « Et ainsi je serai Deux fois roi ; le voici parti ! Et c’est à son fils préféré, Le jeune Pierre qu’il confie 168 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Le gouvernement du Brésil. « Allons, j’ai tout bien préparé, Je ne suis pas un imbécile ! » Dit-il, au point de s’embarquer. Et il arrive au Portugal, Le voici roi de son pays Mais survient un avis fatal Du Brésil : son fils, c’est inouï, Par une incroyable impudence, Un abus, une félonie, A déclaré l’indépendance Du Brésil à son seul profit. Plus au Nord, le fait que l’Angleterre fût en guerre contre Napoléon, amena le président étasunien James Madison, à commettre une audacieuse imprudence : déclarer la guerre à son ancienne patrie, l’Angleterre. La raison officielle était le blocus, par les Anglais, des côtes américaines. Ce qui motivait surtout Mr Madison, c’était de profiter de l’affaire pour s’emparer du Canada. C’est alors ce que les Etasuniens nomment the Mr Madison’s war. Si la seule défaite des Etats-Unis Sur leur sol lui est due, on en parle bien peu ; Pourtant ce député venant de Virginie Se croyait appelé à un destin glorieux. Reitlag.fr 169 L’EnVers de l’Histoire de France En l’an Mil huit cent neuf, on le fait président Et voici que bientôt il déclare la guerre A son ancien pays, à sa patrie d’antan, Vous avez tous compris, bien sûr, à l’Angleterre ! Car il avait pensé un peu rapidement Que l’Angleterre en guerre alors avec la France Ne se défendrait pas et qu’il pourrait gaîment Prendre le Canada sans grande résistance. Hélas, l’Anglais est rude ; il se réveille et tonne ; Il bat l’Américain qui aussitôt s’affole ; Il vient en Virginie et entre à Washington Et puis il met le feu enfin au Capitole. Madison est penaud et il va en Belgique Avec humilité et accepte un traité Pour sauver le sort de la jeune république, Puis il rentre au pays pour se faire oublier. On peut voir son visage encore en notre temps Bien que les occasions en soient quelque peu rares ; Mais on peut expliquer ceci facilement Car c’est sur le billet de cinq mille dollars ! C’est un peu grâce à Napoléon que les Etats-Unis ont connu leur seule défaite militaire sur leur sol en deux siècles d’histoire. C’est étrange, mais on n’en parle pas beaucoup de l’autre côté de l’Atlantique… * 170 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Mais, revenons à la France et à Napoléon. Il est vrai, Moussa, je vous le concède, que nous avons peu parlé de Napoléon et des femmes. Joséphine n’ayant pu lui donner d’héritier, Napoléon qui voulait fonder une dynastie décida de divorcer et de chercher, en 1909, une nouvelle impératrice. L’ambassadeur d’Autriche à Paris, Klemenz von Metternich, voulait apaiser temporairement les relations entre Vienne et Paris, en attendant que l’Autriche reprît des forces. Il était l’amant de la reine de Naples, Caroline (Maria-Annunziata) Bonaparte, sœur de Napoléon (34). Indirectement et par l’entregent de Caroline, il fit comprendre à l’empereur qu’il pourrait être utile d’épouser une princesse autrichienne. J’imagine, Moussa, que si la concurrence devenait un peu trop dure avec votre confrère Djibril et que vous souhaitiez gagner du temps, vous lui offririez une de vos petites sœurs …non ? Ce serait mademoiselle Lulu ! Au plan de l’éthique familiale, c’est préférable, mais il y a un manque à gagner à la clé… Bref, Napoléon, le 2 avril 1810, épouse MariaLudovica von Österreich, dite Marie-Louise. Il accepta ce mariage, avons-nous dit, pour fonder une dynastie : « J’épouse un ventre », disait-il. Vraiment, en toute matière, l’empereur savait faire preuve d’élégance ! Marie-Louise est la fille de l’empereur François 1er d’Autriche et la petite nièce de la reine MarieAntoinette. Epouser une Autrichienne n’avait pas réussi à Louis XVI. Metternich, qui avait étudié Reitlag.fr 171 L’EnVers de l’Histoire de France l’Histoire, pensait que les mêmes causes produiraient les mêmes effets : Napoléon perdit le pouvoir dans les cinq ans, mais Marie-Louise ne fut pas guillotinée et mourut tranquillement à Parme, trente ans plus tard. Il fut étudiant à Strasbourg Puis il a creusé son sillon Enfouissant dans son labour Son ennemi, Napoléon. D’abord diplomate à Bruxelles, Il manœuvre contre l’Empire Par les moyens où il excelle, Les plus fourbes et même pire. Ainsi Klemenz Von Metternich Pour affaiblir Napoléon Et faire triompher l’Autriche Par l’aide de la trahison Fit miroiter à l’empereur Un mariage de haut prix Et alors, pour son grand malheur, Mit Marie-louise dans son lit. - Reconnaissons qu’il savait faire Puisque pour gagner la confiance De l’empereur, à sa manière, Il avait fait la connaissance 172 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France De la princesse Caroline, Alors âgée de vingt-quatre ans, Que l’on disait assez coquine, Et dont il fut bientôt l’amant !Mais, ne jugeons pas Metternich Sur ces pratiques interlopes ; Il a bien gouverné l’Autriche Et il sut apaiser l’Europe. Et qu’est devenue la première femme de Napoléon, Joséphine ? Pour la consoler de son divorce, Napoléon la fit duchesse de Navarre. Ça ne voulait pas dire grand-chose mais ça rapportait un peu, et puis, un titre ronflant, ça fait toujours plaisir. Quand, après Waterloo, Paris fut envahi par les coalisés, le tsar Alexandre 1er vint rendre une visite de courtoisie à la duchesse et ancienne impératrice (ou à sa fille Hortense dont il aurait été, comme bien d’uatres, l’amant ?...) dans sa demeure de la Malmaison, où elle s’était retirée : le lendemain, Joséphine était morte. Y a-t-il une relation de cause à effet ? Je l’ignore. C’est le petit-fils de la Grande Catherine ; Tout au long de son règne et sans désemparer Il tenta d’honorer cette noble origine : Il est assez douteux qu’il y soit arrivé. Tout jeune, il complota contre son père Paul, Un tsar assez médiocre, il nous faut bien le dire, Reitlag.fr 173 L’EnVers de l’Histoire de France Mais est-ce une raison pour jeter sur le sol La couronne du tsar, symbole de l’empire ? -Oui, j’exagère un peu, car c’était ses amis Qui ont fait le complot et ont assassiné Paul Premier mais il faut bien reconnaître aussi Qu’il en a profité puisqu’il fut couronnéAmi de Bonaparte, il s’allie aux Anglais (La vraie raison, croit-on, de cette trahison Tient à la jalousie, ce sentiment si laid… Il aimait Bonaparte et pas Napoléon !) Et puis aux Autrichiens et aux Prussiens aussi Et il en est puni car peu de temps après Leurs armées sont vaincues, un soir à Austerlitz Et, au bord du Niémen, il doit signer la paix. Mais il s’est rattrapé et après Waterloo, Après que fut vaincu enfin Napoléon Il se rend à Paris et y entre en héros Et voit Joséphine au château de Malmaison. * L’impératrice alors l’emmène promener, Lui, le petit-fils de la Grande Catherine, Dans le parc impérial aux allées ombragées… …et c’est le lendemain que mourut Joséphine ! * 174 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Mais, revenons à notre affaire. Napoléon est vaincu ; exilé à Sainte Hélène ; Louis XVIII bis était revenu après l’interrègne (très théorique) de Napoléon II ; l’épisode napoléonien est définitivement clos, tout au moins pour ce qui concerne le premier empire. Tous ces changements ne pouvaient que troubler les esprits des bons citoyens. Prenons, à titre d’exemple, le cas des édiles de la bonne ville de Pontivy, en Bretagne. Le 9 novembre 1804, le conseil municipal décide de changer le nom en Napoléonville, pour marquer son attachement à l’empereur ; lors de la première abdication de Napoléon, elle reprend le nom de Pontivy et demande (en vain) à Louis XVIII, le 1er mai 1814, de prendre celui de Bourbonville, pour marquer son attachement au roi ; durant les « CentJours », elle redeviendra tout naturellement, le 9 mars 1815, Napoléonville, par attachement charnel à l’empereur ; puis après Waterloo, Pontivy de nouveau, pour marquer son amour indéfectible de la tradition ; après que Napoléon III fut couronné, Napoléonville, bien naturellement, et en 1870 et jusqu’à nos jours, Pontivy, comme il se doit. On dit que le conseil municipal aurait récemment envisagé de nommer la ville Sarkoville. Je n’ai pu avoir confirmation…In rerum civilum scientiae, dexteritas utilis est ! Comme les édiles de la bonne ville de Pontivy, les courtisans perdaient la tête, ne sachant plus dans quelle direction la tourner. Ils avaient été Reitlag.fr 175 L’EnVers de l’Histoire de France républicains, puis bonapartistes, puis royalistes, puis bonapartistes de nouveau, puis royalistes encore. Ah, mes amis, dans ces époques troublées, il faut savoir être souple : ça aide à mieux courber l’échine. Le dur métier des courtisans ! Ils doivent être partisans ; Oui, mais quand le pouvoir varie, Ils doivent changer de parti. Et si leur principal usage Est d’étaler bien le cirage Sur les chaussures du pouvoir, C’est bien souvent un dur devoir. A la cour ainsi qu’à la mine Il faut savoir courber l’échine. Cette anecdote de Pontivy-Napoléonville est le paradigme de ce que sera l’attitude générale de nombreuses personnes, lorsque les Bourbons reviennent au pouvoir. C’est ce que nous allons voir lors de notre prochaine leçon. * En attendant, mes amis, nous allons en rester là pour aujourd’hui. J’ai rendez-vous avec l’ambassadeur de mon pays à Paris, il signore Giovanni Carraciolo, qui doit me présenter une jeune protégée de notre prince, Silvio Berlusconi. Cette jeune personne montrerait 176 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France tous les signes d’une prochaine maternité, après avoir passé quelques jours en proche compagnie du Cavaliere. Ce dernier a pensé que si une personne de ma qualité reconnaissait être à l’origine de cette situation, cela aurait deux avantages : d’une part, notre président serait dégagé de cette affaire et, d’autre part, le renom de notre Eglise serait rehaussé du fait qu’il apparaîtrait clairement que tous les prélats ne sont pas automatiquement attirés par les jeunes séminaristes. Ce monsieur Carraciolo est le Metternich des temps modernes… Pendant ce temps, mes amis, prenez contact avec les édiles de vos communes respectives et proposez-leur une décision aussi subtile que celle qu’avaient prise, en leur temps, ceux de Pontivy. Voila une façon fine et valorisante d’aborder une vie citoyenne. A demain. Reitlag.fr 177 L’EnVers de l’Histoire de France Chapitre XI LA DEUXIEME REPUBLIQUE Alors mes enfants, cette soirée au restaurant ? Vous n’y êtes pas allés ? Vous êtes passés voir mademoiselle Lulu et vous, Moussa et Mohammed, vous êtes quelque peu attardés auprès d’elle !...Mais, et Marie-Eudoxie, pendant ce temps… ? Elle vous attendait, sur le trottoir ! Eh oui, en toutes choses il faut bien commencer un jour… Et moi ? Oh, j’ai été reçu par l’assistant du chef de l’Eglise d’Angleterre, l’archevêque de Canterbury, qui m’a obtenu un rendez-vous auprès du « Gouverneur suprême de l’Eglise », une certaine Elisabeth Windsor. Elle m’a reçu fort courtoisement, mais je n’ai pas donné suite à sa proposition. Le cours du Sterling est trop dégradé…quant à être payé en nature, si vous voyiez la dame, vous comprendriez 178 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France que j’aie sauté dans le premier Eurostar en partance de St Pancras International ! * Donc Louis-Philippe est parti en catastrophe à Londres (sous le nom de Mr Smith : c’est subtil, ça, on dit que c’est le nom le plus répandu en Angleterre !). A Paris, l’agitation est à son comble. La nomination de Louis-Philippe II et de la régence de la duchesse d’Orléans n’impressionne pas la « classe politique » qui, comme nous l’avons dit hier, n’en tient aucun compte et, le 24 février, la 2e République est proclamée. Ce même 24 février, un gouvernement est formé, qui est inspiré par un savant, François Arago, et un poète, Alphonse de Lamartine. On proclame donc la République et on confie la présidence du gouvernement à un jeune homme de quatre-vingt-un ans, Jacques-Charles Dupont de l’Eure. Dupont de l’Eure était, selon son collègue Lamartine : « un vieillard vert d'esprit, droit de sens, inflexible à l'émotion, intrépide de regard ». Il devait être effectivement plus « intrépide de regard » que franchement ingambe car Lamartine ajoute : « on était obligé de soulever Dupont de l'Eure pour franchir les cadavres d'hommes et de chevaux, les Reitlag.fr 179 L’EnVers de l’Histoire de France tronçons d'armes, les plaques de sang qui jonchaient les abords de l'Hôtel de Ville. » Un savant, un poète et un ancêtre ! La belle équipe ! Ils prennent évidemment toutes sortes de décisions bizarres telles que le suffrage universel, le rétablissement des libertés individuelles, l’autorisation des syndicats ouvriers, l’abolition des châtiments corporels en matière pénale, la fin de l’esclavage et, tenez-vous bien, la laïcisation de l’enseignement !…comment voulez-vous faire fonctionner un pays avec de telles folies ? Quant à Dupont de l’Eure, il réussit le double exploit de présider le premier gouvernement de la seconde république durant deux mois et demi et de ne laisser aucune trace dans l’histoire ! Obscurus senex erat ! La République est née Et, pour la gouverner Il nous faut un jeune homme, Un jouvenceau, en somme. C’est pourquoi, par bonheur, Jacques Dupont de l’Eure En est le président A quatre-vingt un ans. En avril 1848, une assemblée constituante est élue qui réforme le gouvernement en nommant une Commission Exécutive de cinq membres, présidée par François Arago. Un député, Louis Blanc, propose alors à l’Assemblée la constitution d’un Ministère du 180 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Progrès, au service de la classe ouvrière ! Et puis quoi, encore ? Pourquoi pas des soviets ? L’Assemblée se ressaisit à temps et refuse bien évidemment ce projet incongru ; la classe ouvrière en est fâchée et manifeste ; le 23 juin, des barricades sont dressées dans Paris ; le 24 juin, l’armée, conduite par le général Louis Eugène Cavaignac, met fin, avec doigté et diligence, à cette fâcheuse agitation : on compte 3.000 morts dans Paris…vous trouvez cette réaction un peu rude, Mohammed ? Mais, j’ai oublié de vous dire, ils avaient même tué Mgr Affre, l’archevêque de Paris ! Quand même ! Demandez à Marie-Eudoxie, elle vous expliquera. Et puis, mes bons amis, je vous rappelle que, du temps des rois, les émeutes, c’était environ 1.000 morts. La République se devait quand même de faire mieux ! Parmi les émeutiers qui ne sont pas morts, on en envoie plus de 4.000 en Algérie. Voici de nouveaux compagnons pour vos ancêtres Mohammed. Je suis sûr qu’ils ont fait bon ménage…pas vous ? Ah bon, il faudra que j’approfondisse la question. Vous voyez, mon cher Mohammed, le cycle révolution-répression s’accélère : le grand soir est pour bientôt…et où s’était formé ce bon général Cavaignac qui avait mis fin, avec tant de discernement, à cette turbulence populaire ? En Algérie, bien sûr, aux côtés de Bugeaud ! Bonas scolas bonum discipulum fabricant ! Pour le récompenser de son excursion victorieuse sur les Grands Boulevards, l’Assemblée conféra, dès le Reitlag.fr 181 L’EnVers de l’Histoire de France 28 juin, le grade de maréchal de France à Cavaignac. Meritum recognocendum est ! On s’agite à Paris ; On prend les Boulevards ; On s’insurge à l’envi ; On tue, sans crier gare… Ça ne peut plus durer Et le gouvernement, Pour rétablir la paix, Appelle un régiment. Cavaignac le conduit Vite vers la victoire ; Le héros d’Algérie Ecrase le Grand Soir. Ses canons, en effet, Stoppent l’effervescence. Aussitôt, il est fait Maréchal de la France ! Bien entendu, quand on a sous la main un homme de la trempe de ce général Cavaignac, on ne se contente pas de l’honorer : on le place à la tête de l’état. L’Assemblée nomme donc le 28 juin le général Louis Eugène Cavaignac président du conseil. Cavaignac prend très vite les mesures essentielles qui s’imposent et gouverne jusqu’à l’élection d’un président de la République. Quelles sont ces mesures 182 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France salutaires ? Le rétablissement de la censure, les lois sur la presse, pour commencer…Non, Mohammed, il n’a malheureusement pas eu le temps de rétablir l’esclavage… « Quarante-huit » est quand même une drôle d’aventure. Le peuple avait renvoyé un roi qu’il trouvait trop bourgeois et réactionnaire : il héritait d’une république encore beaucoup plus bourgeoise et réactionnaire ! L’élection du président se prépare. Cavaignac fait naturellement acte de candidature, mais quelques esprits faibles, socialistes ou radicaux trouvent qu’il a tapé un peu trop fort. Les socialistes présentent François-Vincent Raspail et les radicaux, Alexandre Ledru-Rollin ; les républicains modérés pensent qu’il faut un poète à la tête de l’état et présentent la candidature d’Alphonse de Lamartine. Adolphe Thiers, qui avait tout compris avant l’heure, de la science de la communication, présente la candidature d’un inconnu dont il dit : « c’est un crétin que l’on mènera aisément » et qui ne bénéficie que de son patronyme : il s’appelle Bonaparte ! Charles-Louis Bonaparte est le fils d’Hortense de Beauharnais, elle-même fille de Joséphine, et de Louis Bonaparte (Luigi Buonaparte), le frère aîné de Napoléon. Ça, c’est pour l’histoire officielle. En fait, il est fort douteux, ainsi que nous l’avons déjà dit, qu’il soit le fils de Louis, car celui-ci était trompé par son épouse, avec une constance et une assiduité qui ne peuvent que forcer l’admiration. Reitlag.fr 183 L’EnVers de l’Histoire de France On dit que la reine Hortense Etait agitée des sens, Qu’elle invitait dans son lit Bien d’autres que son mari : Il y eut, à ce qu’on dit, Le grand tsar de la Russie, Duroc, Flahaut, Demorny Et puis bien d’autres aussi. Le papa de Charles-Louis Est officiellement Louis Mais on peut fort bien douter De cette paternité. Mais, peu importe, Charles-Louis, qui avait aussi le sens de la « com’ », comme on dirait de nos jours, prend le nom de Louis-Napoléon et pose sa candidature : il est élu avec 74% des voix. Le poète, pour sa part, recueille le « score » admirable de 0.1% ! Le 10 décembre 1848, Charles-Louis, dit LouisNapoléon Bonaparte est président de la deuxième République. Des opposants au nouveau président font alors courir à travers Paris le méchant libelle que voici. On dit qu’il aurait été écrit par Lamartine luimême, déçu de sa défaite. La médiocrité de sa rédaction m’amène à en douter : Cette compétition pour être président 184 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Regroupait un poète et trois grands politiques, Et un aventurier au nom retentissant : Ce dernier fut président de la République. Caligula avait porté au Consulat, Son cheval, nous dit-on : mais c’était moins insane, Que ce que fit le peuple français ce jour là, Quand à la présidence, il a porté un âne ! Le président Bonaparte accentue immédiatement les saines mesures prises précédemment par Cavaignac : interdiction des clubs politiques ; épuration de l’administration ; mainmise de l’Eglise sur l’enseignement et, last but not least, soutien au pape Pie IX ! Le peuple était content et le président Bonaparte aussi…quoique…il avait un souci. La Constitution interdisait qu’il se représentât en 1852 ce qui l’empêchait de mener à bien son œuvre de salubrité publique au profit de son peuple. Qu’eussiez-vous fait en telle situation Moussa ? Vous eussiez brûlé la Constitution en place publique ? Eh bien, c’est à peu près ce que fit le président Bonaparte. Le 2 décembre 1851 (date anniversaire du couronnement du « tonton » et, accessoirement d’Austerlitz), l’armée entre à Paris, le président dissout l’Assemblée, fait arrêter quelques députés et convoque le peuple à un référendum : le peuple se rend aux urnes et autorise, à 92% (ruerunt in servitudinem bis) des voix, Bonaparte à modifier la Constitution. C’est beau, la démocratie directe ! Pulchrissima est directa civitas ! Reitlag.fr 185 L’EnVers de l’Histoire de France Le peuple me supplie ainsi que la nation ! Vais-je être arrêté par une constitution ? Pour le bien du pays, des femmes et des hommes, J’organiserai un petit référendum. « Mais, Président, ce mot, qu’est-ce qu’il signifie ? » - « C’est un vieux mot latin, et qui veut dire : Oui ! » Le peuple avait donc répondu à l’attente du Président mais certains esprits chagrins n’avaient pas suivi l’enthousiasme général et manifestaient leur incompréhension dans les rues. Bonaparte demande que ces « insensés » soient traités de sorte que la fête ne soit pas gâchée. On applique donc le traitement habituel, celui que Louis-Philippe avait lâchement refusé d’appliquer en février 48 : on tire dans la foule provoquant plusieurs centaines de morts ; on arrête des dizaines de milliers d’ « insensés » et, comme les hôpitaux psychiatriques étaient trop exigus, on les envoie dans les colonies. Oui, Mohammed, principalement en Algérie. Les bons citoyens applaudissent et vaquent à leurs occupations ; quelques médiocres trublions émigrent…mais oui, Mohammed, Victor Hugo, par exemple. Le président Bonaparte peut alors prendre les mesures que tout le monde attendait : il muselle définitivement la presse ; il se fait attribuer à lui seul l’initiative des lois ; il fixe la fête nationale, non plus au 14 juillet, mais au 15 août, anniversaire de la 186 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France naissance de Napoléon (et, incidemment, fête de la Sainte Vierge, ce qui ne pouvait que faire plaisir aux curés)…et puis, le 2 décembre (encore !) 1852, il fait ratifier par un nouveau referendum, le retour à l’empire. Il n’obtient alors que 97% de votes favorables, preuve que la France est un pays particulièrement frondeur et indocile ! …Si l’on n’est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si même Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ; S’il en demeure dix, je serai le dixième Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! …disait ce Victor Hugo. Il devait être un peu paranoïaque, cet individu : il n’était pas seul, ils étaient 250.000. Deux cent cinquante mille ! Le 2 décembre 1852, votre pays voyait disparaître la deuxième République de son histoire et apparaître, après Charlemagne, Napoléon 1er et Napoléon II, son quatrième empereur. * Mes chers enfants, nous devons donc clore ici ce chapitre, fort bref, de la deuxième République. Pour célébrer ceci, je vous invite à vous rendre place de la République, c’est tout près d’ici. Il s’y trouve un manège et, mes chers Moussa et Mohammed, vous pourriez peut-être inviter notre amie Marie-Eudoxie à Reitlag.fr 187 L’EnVers de l’Histoire de France faire un tour sur les chevaux de bois, en souvenir de la reine Hortense chevauchant avec le général Duroc à travers la forêt de la Malmaison. Moi, je vais justement aller sur les terres de la Malmaison pour y rencontrer la princesse Michèle, compagne du maire des lieux et, dit-on, dernière descendante de reine Hortense. * 188 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Chapitre XII LE SECOND EMPIRE Bonjour, mes amis. Alors, Marie-Eudoxie, ce manège a-t-il bien tourné ? Non ? Il était en panne ? Et vos amis vous ont proposé de le remplacer par une « tournante » ? Et vous avez préféré rentrer à Versailles auprès de Madame votre mère ? Certes, l’idée partait d’un bon sentiment, mais je crois que vous avez bien fait. Et puis, faute de chevaux de bois, qui auriez-vous choisi de chevaucher ? Ce que je veux dire par là ? Mais, rien du tout, voyons, rien du tout ! Et moi ? Oh, la princesse Michèle de La Malmaison n’est pas tout à fait telle que je l’imaginais. Elle m’a dit qu’après avoir élevé des poulets place Beauvau (je n’ai pas bien compris ce qu’il en était), elle régentait présentement les armées de votre pays et moi, je ne me vois pas entrer en compétition avec tant de beaux militaires qui sentent bon le sable chaud. J’ai rapidement pris congé et je suis allé, à la Reitlag.fr 189 L’EnVers de l’Histoire de France nuit tombée, méditer seul dans la forêt de la Malmaison…seul, je ne le suis pas resté bien longtemps, mais je m’égare : tout ça nous éloigne de notre sujet. * « …Dictateur, il est bouffon ; qu’il se fasse empereur, il sera grotesque. (44)» disait ce vilain Victor Hugo dans son pamphlet Napoléon le Petit. C’est discutable. Mais il ajoutait « Ça l’achèvera ! ». Ça, c’est erroné, et c’est ce que nous allons voir. Or donc, Charles-Louis Bonaparte, fils présumé du frère de Napoléon 1er, et ancien Président de la république, devenait le 2 décembre 1852, Napoléon III, empereur des Français. Et là, mes enfants, nous abordons un chapitre qui va durer plus longtemps : dix-neuf ans. Napoléon III Bonaparte, empereur des Français ne s’appelait pas Napoléon, n’était probablement pas un Bonaparte et n’était même pas français ! Il s’appelait Charles et Napoléon n’était que son troisième prénom ; il n’était probablement pas un Bonaparte, n’étant sans doute pas fils de son père officiel ; il était citoyen suisse, ayant été naturalisé en 1832, lors de son exil dans le canton de Thurgovie, après avoir 190 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France servi dans l’armée helvétique (45) ! Et en plus, il parlait à peine français ayant l’allemand pour langue maternelle et ayant pratiqué l’anglais en Angleterre et aux Etats-Unis. Mais il était un vrai aventurier, un peu rocambolesque, au demeurant. Charles-Louis Bonaparte avait participé à un complot à Rome ; avait tenté d’enlever des cardinaux (Oh ! Horreur) ; avait cherché à subvertir la garnison de Strasbourg ; avait fui aux Etats-Unis, en Suisse et en Angleterre; avait tenté un coup d’état en débarquant à Boulognesur-Mer ; avait été emprisonné ; avait été condamné à la prison à vie, au fort de Ham ; s’était évadé après six ans de détention sous l’identité de l’ouvrier Badinguet ; était retourné en exil à Londres ; était revenu en France à l’occasion de la révolution de 1848 ; avait, ainsi que nous l’avons vu, été élu Président de la république ; avait fait le coup d’état du 2 décembre 1851 ; puis celui du 2 décembre 1852. Et voila comment, au pays de la liberté, de la rationalité, du droit et de l’intelligence, on devient empereur ! Galli servorum animam habent ! Le début de la vie de Charles, dit Louis-Napoléon, nous est conté par ce poème épique de l’époque que certains attribuent à Victor Hugo : la médiocrité du texte me permet d’abonder dans ce sens. Id poemam Hugo escrivit ! Il était le neveu du « Grand Napoléon », Il avait du talent et beaucoup d’ambition, Il s’agita beaucoup et il monta très haut Avant de rencontrer aussi son « Waterloo ». Reitlag.fr 191 L’EnVers de l’Histoire de France On dit qu’il était fils de Bonaparte Louis ; Ceci est incertain et même assez douteux Car Louis était malade et atteint de folie Quand Hortense, on le sait, avait des amoureux. (Elle en avait beaucoup, d’ailleurs et peu après La naissance de son fils Louis Napoléon Elle connut Flahaut et tomba dan ses rets Victime d’un amour contraire à la raison Car Hortense et Flahaut durent dissimuler Le fruit de leur passion à la France et à Louis ; Par un duc complaisant, l’enfant fut adopté ; On le revit plus tard sous le nom de Morny) Il vécut, jeune encor, près du lac de Constance (Ils étaient exilés sous la Restauration Et le climat alpin plaisait bien à Hortense) Mais vite il fut atteint du virus de l’action ; Et sa spécialité, ce fut le coup d’état ! En l’année Trente-six puis en l’année Quarante Il lança un complot qui chaque fois rata ; Mais, on ne doit jamais s’arrêter à mi-pente Et en Cinquante-deux, enfin la réussite Conclut un coup d’état : le voici empereur Avec l’aval du peuple après un plébiscite… Et seul, Victor Hugo criera au déshonneur ! 192 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Napoléon III était donc un aventurier et s’inscrivait dans la lignée de Napoléon 1er : deux raisons qui le prédisposaient à une brillante carrière en politique étrangère. Comme la guerre n’était plus de mode sur le continent européen (jusqu’en 1870, puisqu’alors, il se résolut à la remettre au goût du jour), l’empereur engagea la France sur des terrains plus éloignés. En 1854, il vole au secours des Turcs et s’attaque à la Russie en Crimée. S’était-il converti à l’Islam ? Mais non, Mohammed. La cause en était plus bassement économique : empêcher la Russie d’entraver le commerce dans les détroits du Bosphore et des Dardanelles. Le résultat : 100.000 morts dans l’armée française et le bénéfice du conflit pour le commerce britannique ! Louis XV avait travaillé pour le roi de Prusse, Napoléon III pour le roi d’Angleterre. Napoléon III était anglophile. Sa prédilection à aider les Anglais sans en tirer d’avantage pourrait nous amener à penser qu’il était même franchement anglomane. Ceci l’amena à soutenir l’Angleterre dans les campagnes les plus glorieuses que celle-ci engagea : les guerres de l’opium. Ainsi que nous l’avons dit précédemment, l’Angleterre produisait de l’opium aux Indes ; n’en voulait pas sur son territoire ; se demandait donc où il serait possible de le vendre. L’idée lumineuse jaillit naturellement : sur le plus grand marché du monde, la Chine. Un seul problème : les Chinois ne voulaient pas d’opium chez eux. Une seule solution : leur faire Reitlag.fr 193 L’EnVers de l’Histoire de France la guerre. Celle-ci se déroula en trois phases : la première fut menée par les Anglais seuls ; la seconde, en 1842, ainsi que nous l’avons vu, eut l’appui de Louis-Philippe ; en 1857, Napoléon III s’associe à la troisième. Il envoie le général Cousin-Montauban soutenir les troupes de Lord Elgin et les deux brillants représentants de notre belle civilisation occidentale font route vers Pékin et mettent consciencieusement à sac le Palais d’Eté de l’empereur. Le succès est éclatant : les richesses du Palais sont transférées dans les musées européens (où les Chinois ont même le droit de venir les contempler…) ; le palais est incendié ; et surtout, la route de l’opium est ouverte ! Voici enfin, qu’à ses titres d’aventurier, de président de la république, d’empereur, Charles-Louis Bonaparte peut ajouter celui de prince narcotrafiquant ! Pro gloriae, quod non fecit ? Il est réconfortant d’avoir encore ici Un brillant militaire honorant sa patrie. Ce Monsieur Montauban était une ganache Qui avait su manier le sabre et la cravache Si bien en Algérie qu’il avait pu gravir Les différents degrés de l’armée de l’empire. Son aboutissement, couronnement génial, Couronne de lauriers, bâton de maréchal, Il l’eut quand l’empereur en Chine l’envoya Pour punir les Chinois avec un grand éclat. 194 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France - Les Chinois, voyez-vous, s’étaient un peu fâchés Que les soldats anglais, appuyés des Français, Les eussent obligés à consommer l’opium (Les chinois n’allaient pas citer les droits de l’Homme… !) Que Victoria faisait cultiver sur ses terres De l’Inde et qui bien sûr justifiait une guerre ; A celle-ci d’ailleurs étaient deux avantages : Si le premier était d’envoyer en « voyage » Les malheureux chinois qui fumaient cette drogue Et de les affaiblir, ce triste catalogue En présentait un autre assez fort attrayant : Celui d’un débouché procurant de l’argent. Mais, étrangement, ces nobles motivations N’avaient pas, des Chinois, reçu l’approbation Et l’Angleterre alors, appuyée par la France Décida qu’il fallait punir cette insolence ; Une expédition est montée à cet effet, Dont la direction est à Montauban confiée. Il ameute sa troupe, il piaffe et il trépigne Et bientôt il s’en va vers l’empire de Chine. Passons, si vous voulez, sur les péripéties Du voyage et de quelques batailles aussi, Mais voici qu’à Pékin, la troupe est arrivée : Au bord du lac Kumming est le Palais d’Eté ; Reitlag.fr 195 L’EnVers de l’Histoire de France Alors nos bons soldats ainsi que les Anglais, Dans le souci bien sûr de les civiliser, Vont montrer aux Chinois comment on met à sac L’illustre construction reflétée dans son lac. Aussi, pendant trois jours, on pille et puis l’on vole ; Les anciens manuscrits sont détruits ou s’envolent, Et c’est avec méthode, et c’est avec passion Que l’on montre aux Chinois la « Civilisation. » Un fait d’arme aussi grand mérite récompense Et l’on n’est pas ingrat dans le pays de France ; Montauban a reçu des mains de l’empereur L’insigne de Grand Croix de la Légion d’honneur ! Non seulement l’empereur remit à CousinMontauban la décoration qu’il avait si bien méritée, mais il lui attribua le titre, assez ridicule, de comte de Palikao, en mémoire du nom d’une bataille où le général avait massacré bon nombre de ces Chinois bêtement rétifs aux bienfaits de l’opium. Charles Cousin-Montauban fut même trois semaines directeur du cabinet, c’est-à-dire chef du gouvernement, à la suite d’Emile Ollivier et durant la régence de l’impératrice Eugénie en 1870. Mais, imaginez-vous qu’au sein même de la population française, il y eut des esprits suffisamment bornés et mesquins pour ne pas voir ce qu’il y avait de magnifique et de grandiose dans cette 196 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France affaire: « Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’Eté. L’un a pillé, l’autre a incendié. La victoire peut être une voleuse, à ce qu’il paraît. Une dévastation en grand du Palais d’Eté s’est faite de compte à demi entre les deux vainqueurs…Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre.( ) » De qui est ce texte ? Eh bien, de Victor Hugo, bien sûr ! Il n’y a que lui pour faire ainsi assaut d’autant de bassesse que de mesquinerie. Vous me dites, Mohammed, que vous tiendriez d’un Chinois, membre de votre cellule, que ses compatriotes ne garderaient toujours pas un très bon souvenir de cette expédition ? Les Chinois, mes amis, non contents d’être des fourbes, sont donc des ingrats ! Après ces brillantes expéditions à l’est, Napoléon III en engage une vers l’ouest. Le Mexique, ce pays un peu exotique, était en période de turbulence. C’était habituel et ça n’avait pas beaucoup d’importance sinon, qu’à cette époque, le puissant voisin - les Etats-Unis - était en guerre civile. Parlons un peu de cette guerre qu’en France, on appelle Guerre de Sécession et qu’aux Etats-Unis on appelle Civil War. Les Etats-Unis étaient très divisés : Le Nord était en voie d’industrialisation et souhaitait protéger son marché intérieur ; Il considérait également que le statut de l’esclavage était une entrave au développement du marché intérieur et partant, un frein aux débouchés de son Reitlag.fr 197 L’EnVers de l’Histoire de France industrie. Le Sud avait une exploitation de type colonial, fondée sur le coton et le tabac, et avait besoin d’exporter vers l’Europe ; il ne développait pas d’industrie et s’approvisionnait en produits européens. Il y avait donc des contradictions économiques fondamentales. Devant l’impossibilité où ils étaient de s’entendre, six états du Sud décidèrent de quitter l’Union, de faire sécession. Au début, le Nord ne s’y opposa pas puis, à la suite d’une querelle un peu rude, quoique subalterne, pour le contrôle du Fort Sumter, en Caroline du Sud (donc au Sud), il décréta que le Sud n’avait pas droit de faire sécession ; six autres états et la tribu Cherokee rejoignirent alors les sécessionnistes (d’où les treize étoiles du drapeau sudiste) ; et la guerre se déchaîna. Le droit à la sécession existait-il ? On n’a pas fini d’en débattre, mais il faut observer que rien dans la constitution des Etats-Unis ne l’empêche et que, dès lors que l’on parle de Fédération ou de Confédération (comme c’était souvent le cas alors), ceci comprend implicitement le droit de se séparer. Quod manifestus est, non designandum est ! Le Nord, fort de plus de vingt millions d’habitants, construisit alors un habillage plus honorable à son refus qu’une simple raison douanière et se prononça contre l’esclavage, sur quoi était fondée l’économie du Sud, qui comptait environ 6 millions de citoyens. Abraham Lincoln décréta très vite, dans un geste de grande générosité, l’affranchissement des esclaves du Sud…mais pas celui des esclaves du Nord ! Le motif officiel étant trouvé, vous comprendrez qu’aux Etats- 198 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Unis on n’appelle pas cette guerre « Guerre de Sécession » mais « Civil War ». Inutile de soulever des raisons pieusement enterrées. Ideologicum argumentum bonius est quam oeconomicum argumentum ! Quand on se soucie peu d’exposer les raisons Réelles qui nous font prendre des décisions, On sort les grands principes, les belles idées : Voici que nos projets se trouvent habillés. La guerre civile étasunienne fut terrible et provoqua la mort de plus de 600.000 citoyens (et esclaves), soit plus que la somme de toutes les victimes que comptèrent les Etats-Unis au cours de toutes les guerres suivantes cumulées, jusqu’à ce jour (la deuxième guerre mondiale ne fit « que » 300.000 victimes étasuniennes.) Ce fut la première guerre moderne et elle influença les états-majors des puissances européennes…sauf celui de l’Empire français qui n’en tira pas de leçon et voulut mener la guerre de 70, cinq ans plus tard, comme l’avaient été les guerres antérieures ; avec le résultat que l’on verra ! Mais, revenons aux Etats-Unis. J’ai traduit pour vous cette ode qu’un troubadour étasunien écrivit en l’honneur d’Abraham Lincoln. Il avait tout raté, il était triste et sombre Et soudain, le destin le fit sortir de l’ombre ; Reitlag.fr 199 L’EnVers de l’Histoire de France A plus de cinquante ans (investi par hasard Ou grâce aux divisions des Démocrates car Il était effacé et terne à un tel point Qu’il inquiétait même chez les Républicains), Le voici président et la Guerre Civile, Six jours plus tard, éclate et au travers des villes, Des campagnes, des champs, des routes et des bois Par ses affreux combats partout sème l’effroi. - Le Sud, comme on le sait est aristocratique ; Le Nord industriel est plus démocratique, Il lui faut des clients pour vendre ses produits Et des ouvriers pour que vive l’industrie ; Il veut se protéger, il lui faut une douane, Face aux importations, offrir un front idoine Quand le Sud cotonnier a besoin d’horizons Pour servir de marchés à ses exportations.Mais, pour faire la guerre au sein de son pays, Il faut, on le comprend, de l’idéologie Et le triste Lincoln aux mines de pasteur En trouve une et puis s’en saisit avec bonheur. « Il faut, s’emporte-t-il, abolir l’esclavage, Horrible tradition qui nous vient d’un autre âge ! » Les Yankees s’en moquent mais ont ainsi trouvé Une idéologie masquant leurs intérêts. Un an plus tard, Lincoln dit l’émancipation 200 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Des esclaves (dans les Etats en sécession !) Puis il poursuit la guerre, augmente ses efforts, Triomphe enfin après plus de six cent mil morts. Cet homme insignifiant est devenu alors Le plus grand des héros d’Amérique du Nord ! Les esclaves sont tous, nous dit-on, libérés… Mais continuent toujours d’être autant exploités. Vous imaginez bien qu’une telle guerre occupait toutes les forces des Etats-Unis (qui étaient plutôt alors des ‘états désunis’…) et affaiblissait le pays. C’est ce qui incita notre grand stratège de Napoléon III à engager, au Mexique, une campagne visant à créer un vaste ensemble « latin » pouvant faire contrepoids aux Etats-Unis et destiné à montrer qu’ils n’étaient pas l’Amérique à eux seuls. Il n’y réussit point puisque, de nos jours et en toutes les langues, les gens se laissent aller à dire assez couramment « américain » pour étasunien ! La sémantique éclaire bien des réalités politiques. En 1863, profitant donc de cette guerre civile étasunienne, Napoléon III proclame l’empire du Mexique et en fait confier la couronne à l’archiduc Maximilien de Habsbourg. Tout va bien jusqu’à ce qu’en 1865, se termine enfin la Civil War. Le président Andrew Jackson exige alors le retrait des troupes françaises ; Napoléon III s’exécute piteusement ; au printemps 1867, le dernier navire français appareille ; l’empereur Maximilien est abandonné sur place ; il est arrêté, jugé, et fusillé ; la Reitlag.fr 201 L’EnVers de l’Histoire de France Légion Etrangère s’est fait massacrer pour rien à Camerone (ce que les légionnaires ne manquent pas, néanmoins, de célébrer chaque année ; c’est un tropisme assez français que de célébrer les défaites…Gallorum spiritum comprehendere difficilis est !) La troisième guerre de Napoléon III se terminait, comme les deux premières, par un triomphe. Il en fallait donc une quatrième ; elle eut lieu ; elle fut tout aussi grandiose ; hélas, ce fut la dernière. Mais nous verrons cela un peu plus tard. Dans l’immédiat, écoutez cette belle prière que l’on disait dans les cours d’Europe, pour le salut de l’âme de Maximilien de Habsbourg. C’était un roi poète, Un souverain rêveur Qui, par un soir de fête Voulut être empereur. Il avait épousé Charlotte, une princesse Qui lui fit renoncer, Folie de la jeunesse, A ses droits autrichiens Pour pouvoir accéder Au trône mexicain Qui lui fut proposé. Et le voici parti 202 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France A l’autre bout des mers : « Mexicains, me voici ! » La suite fut amère. D’abord, les Mexicains Ne voulaient pas pour Roi D’un ami Autrichien De Napoléon Trois Et les Etats-Unis, Ayant fini leur guerre Ne voulaient pas de lui, Régnant à leur frontière ; Donc, on organisa Une révolution Qui bientôt triompha Malgré Napoléon. Quand le pauvre empereur Fut alors fusillé ; Charlotte, de malheur, Devint folle à lier ! Ah ! S’il était resté Sur la terre autrichienne, Il eût pu composer Des chansons, des antiennes. Sur les chemins boisés, Avec sa Belge épouse, Reitlag.fr 203 L’EnVers de l’Histoire de France Il eût pu célébrer La perdrix et la grouse… …Pour poète qu’il fût, Il était ambitieux ; Hélas, ça l’a perdu, Confions son âme à Dieu ! * Laissons provisoirement les triomphes de l’empereur en politique étrangère et intéressons-nous à la politique intérieure. La politique de l’empire était assise sur deux fondements sacrés : l’ordre moral et les affaires financières ; ça va d’ailleurs souvent ensemble. Pour instaurer un ordre moral bourgeois propre au développement des affaires, l’empereur s’en prend aux « artistes décadents » que sont les peintres qui s’éloignent de l’académisme (46), aux romanciers comme Flaubert et aux poètes mal-pensants tels que Baudelaire dont il fit interdire Les fleurs du Mal. Baudelaire était en effet une sorte de « rappeur » de l’époque et les Impressionnistes des manières de « taggeurs », oui Moussa, on peut dire les choses ainsi. Pour les affaires, l’empereur s’appuyait beaucoup sur ses amis industriels et banquiers (ça vous rappelle quelque chose, Mohammed, je ne vois pas…) et en particulier sur son demi-frère, Charles Demorny, dit comte de Morny, puis duc de Morny. 204 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Morny était comme Napoléon III un fils de la reine Hortense mais, pas plus que lui, il n’était le fils de l’époux de sa mère, Louis Bonaparte. Avec Hortense de Beauharnais, il y avait le mari…et les géniteurs. Morny n’était ni le fils de Louis Bonaparte, ni celui de son père adoptif Demorny mais celui du général Charles de Flahaut, et le petit-fils de Charles de Talleyrand-Périgord. Son véritable grand-père, Talleyrand, avait été un instigateur du coup d’état du 18 brumaire, lui-même fut un acteur décisif du coup d’état du 2 décembre 1851. Il faut croire qu’on avait ça dans le sang, dans la famille. Il n’est d’ailleurs pas impossible que Flahaut eût été le père véritable de Napoléon III ; auquel cas lui et Morny seraient de vrais frères. On ne voit pas pourquoi, enfin, Charles n’eut pas le droit de s’appeler Bonaparte puisque, à sa naissance, Hortense était toujours mariée à Louis Bonaparte quoiqu’elle en vécût séparée. Se fût-il appelé Bonaparte que ce serait peut-être lui qui eût été empereur. Mais, ne vous inquiétez pas, mes enfants, la face du monde n’en eût pas été changée tant les deux demi-frères étaient semblables et interchangeables. Asinus asinum fricat, comme disaient nos anciens. En effet, durant l’empire et jusqu’à sa mort en 1865, Morny consacra sa vie à ses deux passions : aider son frère à faire des coups tordus (dont la brillante expédition du Mexique) et faire lui-même fortune. Il réussit dans l’une et l’autre entreprise ! Reitlag.fr 205 L’EnVers de l’Histoire de France Morny eut beaucoup d’aventures féminines parmi lesquelles on compte la mère de Sarah Bernhardt. Fut-il le père de cette dernière ? Le doute demeure. Dubium manet ! On dit aussi qu’il serait le père de Georges Feydeau (à moins que ce ne soit Napoléon III !) Dans cet empire boulevardier et d’opérette, rien n’est impossible. Nihil impossibilis erat ! Il n’était pas fils de son père Ni petit-fils de son grand-père, De même que son demi-frère. Hortense avait cuisse légère : C’était sa mère. Il était un aventurier, Spécialisé en coups d’états, Et il était un financier (…Pour le plus grand bien de l’Etat, N’en doutez pas !) Deux demi-frères, deux bandits Ont alors gouverné la France Près de vingt ans, à ce qu’on dit, Pour le plus grand bien, je le pense, De leurs finances. « Deux bandits ont gouverné la France… », nous dit ce méchant poème écrit sans doute en 1870, sous la Commune. Ces gens n’ont rien compris à ce qu’est l’Histoire : je vais vous l’expliquer par le biais d’un exemple. 206 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Marie-Eudoxie, racontez à madame votre mère, lors d’un de ces thés de dames qu’elle affectionne de donner chez elle par les belles après-midi d’automne, l’une de ces histoires sordides qu’on peut lire dans le Parisien Libéré, à la page des faits divers. Par exemple : « Charlie, un chef de bande corse, à l’instigation de sa femme, Nini l’Espagnole, a mis la main sur le territoire d’un « Chicano » mexicain, rien que pour ennuyer Aby le Yankee qui était alors en pleine baston avec la bande du sud, pour se partager le trafic du tabac. Charlie est allé chercher son homme de main, Max l’Autrichien et sa meuf, la Grande Lolote, à qui il a confié la taule, charge à eux de lui verser quelques ‘rétrocommissions’ sur leur business. » J’imagine les hauts cris que pousseront madame votre mère et ses invitées : « Mon Dieu ! Ces gens de la roture, cette populace, sont d’un vulgaire ! Comment cela est-il possible ? » Mais, dites alors que Charlie s’appelle Charles-Louis Napoléon et est empereur des Français ; que Nini s’appelle Eugénie ; que le patronyme d’Aby le Yankee est Abraham Lincoln ; que Max est Maximilien de Habsbourg et que Lolote est Charlotte, princesse de Saxe-Cobourg Gotha…et tout de suite, on s’enthousiasmera pour les glorieuses aventures de l’empereur et l’on priera pour le repos de l’âme de Maximilien et de Charlotte ! Voyezvous, mes amis, tout est question de décor…In ornato, veritas manet ! Les pires mauvais coups, Reitlag.fr 207 L’EnVers de l’Histoire de France Pour la gloriole ou la finance, Deviennent tout à coup Des actes beaux et droits Quand ils sont commis par des rois… …Tout est question de circonstances ! Napoléon III eut d’autres éminents conseillers. JeanGilbert Fialin, dit Persigny, succéda aux affaires à Morny en 1852. Il avait commencé son admirable carrière en prenant d’assaut le Palais Bourbon le 2 décembre 1851. C’est subtil, comme manœuvre. Tellement plus simple que de se faire élire. C’est ainsi que vous faites pour être inscrit aux conseils de classe, Moussa ? Vous avez raison, mon petit. Quand on pose négligemment un Browning P35® à côté de soi lors des réunions de classe, ça aide certainement à se faire excuser ses absences du collège…Africanus princeps aptus est ! Vous vous seriez bien entendu avec Persigny, mon petit. Il avait fomenté le coup du deux décembre, En s’emparant alors vivement de la Chambre. Il fut récompensé bientôt par l’empereur Qui en fit son ministre de l’Intérieur. Que voulez-vous, mes amis, les plus grands bandits font les meilleurs policiers. Il faut bien récompenser les talents et puis, avec un titre de duc, les plus sombres casiers judiciaires sont effacés… L’avant dernier chef du cabinet de Napoléon III fut Emile Ollivier, nommé le 2 janvier 1870 à l’âge de 208 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France quarante-cinq ans. Ollivier ne gouverna que six mois, avant d’être remplacé par Cousin-Montauban, le narcotrafiquant pillard et massacreur dont nous avons déjà parlé. Ollivier était opposé à la guerre… et il la déclara, dit-il, d’un cœur léger. Six mois plus tard, il était exilé. Mais oui, Mohammed, dans le gouvernement comme dans la Révolution, tout est question de timing. Le pauvre Ollivier ne devait pas en avoir le sens. Et les femmes de l’empereur ? Je vois que vous trépignez, Moussa. On lui prête plus de neuf maîtresses avérées…Non, Moussa ! Quand je dis « on lui prête », j’emploie ce que l’on appelle une figure de style. Ceci n’implique rien de désobligeant pour votre activité commerciale où les « maîtresses d’un instant » seraient plutôt en location ! Je m’en voudrais, mon cher ami, de prétendre tuer le petit commerce. Et puis, il y eut l’impératrice Eugenia Maria, comtesse de Montijo, dite Eugénie de Montijo qui, surtout sur la fin du règne de l’empereur, prit une dimension politique. Napoléon III l’épousa en 1853 quand elle avait vingt-sept ans et lui quarante-cinq. L’impératrice était une séductrice au sujet de qui Victor Hugo dira « L’Aigle épouse une cocotte ! » Mais on sait que ce monsieur Hugo était médisant. On cite même un petit libelle incertain qui aurait circulé dans Paris lors du mariage impérial, et dont certains susurrent, sans qu’aucune preuve n’en soit Reitlag.fr 209 L’EnVers de l’Histoire de France apportée, que c’est ce monsieur Hugo lui-même qui l’aurait rédigé : « Montijo, plus belle que sage, De l’empereur comble les vœux : Ce soir, s’il trouve un pucelage C’est que la belle en avait deux… » Vous ne comprenez pas, Marie-Eudoxie ? Me voici rassuré. Eugénie et Napoléon III n’eurent qu’un fils qui fut tué en Afrique par les Zoulous en 1879. C’est plus original, vous en conviendrez, que d’être tué par des Anglais, des Allemands, voire des Italiens. C’est la marque de la modernité et du mondialisme naissant… Eugénie se mêla de politique en ceci qu’elle était fortement ultramontaine (c'est-à-dire, Marie-Eudoxie, qu’elle soutenait le pape en toute circonstance…vous le saviez ! Mais bien sûr, où ai-je la tête ?). Elle poussa à l’invasion du Mexique, dont nous avons déjà traité ; elle incita à une attitude mercantile (« la politique des pourboires ») dans le conflit Austroprussien qui aboutit à Sadowa (juillet 1866), ce qui favorisa Bismarck ; elle poussa bien sûr à la fatale guerre de 1870, durant laquelle elle fut régente de l’empire ; bref, elle fit tout ce qu’il fallait pour favoriser le désastre : en cette matière, elle réussit pleinement. Auctoritas Basileae nefasta erat ! Une mauvaise épigramme de l’époque, dont on dirait aujourd’hui qu’elle est un peu « machiste », résume l’affaire : 210 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Au lieu de rester en cuisine, Elle eut des idées assassines, Des mauvaises ou même pire : Ce fut la chute de l’empire. En effet, en 1870, le génie de la guerre qu’était Napoléon III décide, après l’Italie, l’Algérie, la Chine, la Russie, le Mexique, de s’en prendre à la Prusse. Poussé par l’impératrice et dupé par Bismarck, par l’affaire de la « dépêche d’Ems », il se lance à la tête de ses troupes dans une campagne très hasardeuse contre la Prusse de Guillaume 1er Voice l’affaire : à l’occasion d’une sombre question de succession au trône d’Espagne, l’empereur fit une demande au roi de Prusse qui lui répondit sèchement. Le chancelier Bismarck s’emparant de l’affaire, transmit une réponse assez méprisante, dans le but, dit-il, d’ « exciter le taureau gaulois.» Napoléon III, était un vieux taureau malade et fatigué mais, quand on lui agitait un chiffon rouge devant les yeux, il réagissait encore. Pour faire bonne mesure, Bismarck fait recevoir l’ambassadeur de France par le prince Radziwill, l’adjutant de Guillaume 1er, c'est-à-dire par son aide de camp. L’agence de presse Havas, dont les traducteurs ne devaient pas être d’un bien haut niveau, communique que l’ambassadeur a été reçu par « l’adjudant de service. » Napoléon III, comme prévu, voit rouge : c’est la guerre et, bien vite, la déroute. Reitlag.fr 211 L’EnVers de l’Histoire de France Otto von Bismarck, le chancelier prussien, avait atteint son objectif : par le moyen de la guerre contre la France, faire l’unité de l’Allemagne. Napoléon III avait aussi atteint le sien : terminer sa carrière par une belle déroute, comme son (présumé) oncle. Il est des gens suivant toujours La même idée, le même amour, Bismarck en est : Ce hobereau, De l’Allemagne, est le héros. Il voulut toujours l’unité De l’Allemagne, en vérité, Et pour arriver à ses fins Il connut mille et un chemins Qui tous convergeaient vers deux voies Pour cet homme sans foi ni loi : Celle de la diplomatie Et celle de la force, aussi. Avec la France il s’allia Contre l’Autriche et rejeta Alors son allié de naguère, Le trompa et lui fit la guerre. En Mil huit cent soixante et onze, Bismarck, le Chancelier de bronze Avait fait l’union des Germains (Avec les Alsaciens-Lorrains). 212 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Il règne encor pendant vingt ans, Maître de tous les Allemands Puis, fâché avec l’empereur Il se retire en sa demeure. Il a servi trois empereurs Dont lui seul a fait la grandeur Car, mille ans après Charlemagne Il sut réunir l’Allemagne. Le résultat de cette brillante campagne : le 2 septembre, encerclé à Sedan, Napoléon III rend les armes ; le 3 septembre il est emprisonné ; le 4 septembre, l’impératrice s’enfuit en Angleterre et la République est proclamée ; le 18 janvier 1871, Guillaume 1er est institué empereur, à Versailles, dans la galerie des glaces du château… Si même les plus grands succombent aux mirages Qui nous font embarquer pour de lointains voyages Et nous mènent alors vers d’enivrants rivages, Il se peut que ces rêves ne soient pas très sages. Guillaume avait rêvé de visiter Versailles Depuis son plus jeune âge, il ne voulait que ça ; Ce désir le brûlait jusqu’au fond des entrailles Il fallait qu’il le fît, qu’enfin il y allât. Pour de longues années, il fit d’autres voyages ; Quand la Révolution, à Londres le chassa Reitlag.fr 213 L’EnVers de l’Histoire de France Où quand contre l’Autriche, ignorant ses messages, Il dut livrer bataille, un jour, à Sadowa. Connaître la Tchéquie, connaître l’Angleterre, Ce n’était pas si mal mais ne suffisait pas ; Il voulait découvrir, du Roi Soleil, la terre Et, puisqu’il le fallait, il franchirait le pas. Eh bien, il l’a franchi, un beau soir à Sedan Lorsque Monsieur Bismarck, écrasant les Français, Lui permit d’avancer alors tranquillement Vers l’Ile de France et son palais versaillais. Son rêve était réel, Guillaume était sur place, Et là, émerveillé et tout à son bonheur, Il réserva pour lui la Galerie des Glaces Et, simplement, s’y fit couronner empereur. Tenez, un détail amusant : Napoléon III est embarqué le 3 septembre dans un train pour être détenu à Kassel, dans le château de Willelmshöhe. Ça ne vous rappelle rien, ce château ? C’est celui que son oncle Girolamo Buonaparte, dit Jérôme Bonaparte, dit König Lustik avait débaptisé pour l’appeler : Napoleonshöhe ! Les prussiens avaient le sens de l’humour ! Germanici faceti sunt ! Que peut-on dire, pour finir, de Napoléon III ? Que, sous son régime, la France s’est modernisée ; a construit des routes, des chemins de fer, des usines ? Oui, mais pas plus que l’Allemagne, que l’Angleterre 214 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France et moins que les Etats-Unis (après que ceux-ci se furent débarrassés de leur guerre civile). Et tous ces pays ne bénéficiaient pas d’un empereur aventurier. Non, ce qu’on peut en dire de positif, au-delà du fait qu’il a toujours soutenu l’Eglise et les jésuites, c’est qu’il est arrivé à se hisser au niveau des grands rois qui, comme lui, avaient si bien su perdre des guerres et laisser leur pays en ruines : Saint Louis, François 1er, Louis XIII, Louis XV, Napoléon 1er et bien d’autres… Je vous avais donné lecture, tout à l’heure, d’une ode en l’honneur de Charles-Louis Bonaparte, président de la République. En voici la suite et la fin, en l’honneur de l’empereur Napoléon III: Bon, il faut gouverner, Napoléon gouverne Pas si mal, il faut dire ; le développement De notre économie est loin d’être aussi terne Qu’elle fut sous la loi d’autres gouvernements. Avec son demi-frère (oui, revoici Morny) Il combat en Crimée, on ne sait trop pourquoi Et puis combat pour l’unité de l’Italie Et reçoit en partage Nice et la Savoie. Mais l’empereur se tourne alors vers l’Amérique Car les Etats-Unis sont en guerre civile ; Il place un empereur au trône du Mexique Ignorant que le peuple a un regard hostile ; Et l’empereur fantoche alors est fusillé ; Reitlag.fr 215 L’EnVers de l’Histoire de France Pour Louis-Napoléon, c’est le commencement De la fin et un jour, il est fait prisonnier Par Bismarck après le désastre de Sedan. Voila ! Il est déchu et l’Empire est à terre ; Il est emprisonné puis bientôt exilé Vers un pays qu’il connaît bien : C’est l’Angleterre Et la République est de nouveau proclamée. Que dire en conclusion sur ce Napoléon ? C’est un agitateur et c’est un arriviste… … Si l’on veut, avec l’Autre, une comparaison : Au décompte des morts, son histoire est moins triste. * Voici, mes amis, l’épisode napoléonien définitivement clos. Je vous propose que nous en restions là pour aujourd’hui. Demain, nous aborderons la troisième République qui nous accompagnera sur soixante-dix ans d’Histoire de France. Je vous aurais bien envoyés en mission avenue Napoléon III mais, curieusement, il n’y a d’avenue à ce nom dans aucune ville de France, à l’exception de celles qui sont bâties en Corse ! Alors, je vous propose que vous alliez dîner Brasserie Napoléon III, place Armand Carrel, dans le dix-neuvième arrondissement et près de ce parc des ButtesChaumont que l’empereur a fait implanter. La 216 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France choucroute est délicieuse en cet établissement et la promenade dans le parc est très romantique. Pour ma part, je dois me rendre à l’épiscopat où Sa Sainteté m’a demandé de remplir une mission de médiation entre le Mouvement Français des Prêtres Ouvriers, représenté par l’ « abbé Jacky » et la congrégation des sœurs de la Fraternité Saint Pie X, conduite par sœur Bernadette de Fatima. Encore une occasion de mettre en œuvre toutes mes facultés diplomatiques. Je ne dois en aucun cas décevoir Sa Sainteté. Papa non frutrarendum est ! Reitlag.fr 217 L’EnVers de l’Histoire de France Chapitre XIII LA TROISIEME REPUBLIQUE JUSQU’ A 1914 Alors, mes chers enfants, comment s’est passée cette soirée ? Marie-Eudoxie, cette promenade au bord du lac des Buttes-Chaumont, pour digérer la choucroute…Non ? Vous êtes allés au Karaoké de Gagny ? Est-ce que Napoléon III l’a fréquenté en son temps ? Mais sûrement, voyons ! Moussa a chanté des chansons de Luis Mariano ? Parfait ! Mohammed, celles d’Elvis Presley ? Plus surprenant, un pur produit de la ploutocratie étasunienne…mais, on peut avoir un moment d’égarement. Et vous, Marie-Eudoxie ? Tout le catalogue des chansons de 218 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France corps de garde ?!!! En l’honneur de la garde de l’empereur ? En ce cas… Et moi ? J’ai tenu un discours assez jésuitique à mes deux interlocuteurs et le résultat est, ma foi, assez intéressant. L’« abbé Jacky », convaincu par ma sainte théologie a décidé de devenir Frère Jacques et d’entrer au plus vite à la Trappe…oui, il va se convertir, en même temps. Et Sœur Bernadette ? Eh bien, après que je lui eus fait apparaître les avantages d’une vie active, elle pense quitter la Fraternité et entrer dans la vie professionnelle…vous ne seriez pas en phase de recrutement, Moussa ? * Napoléon avait été fait prisonnier à Sedan par Bismarck, dont les troupes marchaient sur Paris. Le 4 septembre 1870, à l’Hôtel de Ville de Paris, Léon Gambetta proclame la République et un Gouvernement provisoire est constitué, dont le président est Louis Trochu, qui devient de facto chef de l’Etat. Louis Trochu était un général qui avait fait les guerres de Crimée, d’Algérie et d’Italie. Il avait donc toutes les qualités pour présider un gouvernement qui allait, sans nul doute, devoir avoir une attitude de fermeté, dans les conditions troublées qui suivaient la défaite. Trochu avait reçu mission de résister à la Reitlag.fr 219 L’EnVers de l’Histoire de France percée des Prussiens. Le 18 janvier 1871, Bismarck proclame l’empire allemand, dans la galerie des glaces de Versailles ; le 19, alors que Paris était assiégé, le brillant général et chef de l’Etat lance une sortie hardie, et qui devait être décisive, sur les hauteurs de Buzenval : c’est un cinglant revers et plus de cinq mille de ses hommes y perdent la vie. C’est sous le gouvernement de Trochu qu’est pris le décret Crémieux qui attribue la pleine nationalité française à tous les Israélites (c'est-à-dire les Juifs) d’Algérie mais pas aux Arabes ni aux Berbères. D’aucuns pensent que la majeure partie de la population indigène vit là une mesure discriminatoire et que c’est d’alors que datent les tensions en Algérie ; il en est d’autres qui les datent tout simplement de juillet 1830, quand les troupes de Louis-Philippe y débarquèrent pour la première fois… Le 22 janvier, Trochu doit démissionner. Victor Hugo, qui aimait à manier l’humour, avait défini ainsi le général-président Trochu : « Trochu : participe passé du verbe Trop Choir ! » Ce bon mot fut repris dans une petite comptine que l’on chantait sur les barricades. Il n’était pas malin, il n’était pas habile, Et il sut malgré tout devenir général. Mais, pour ce métier là, doit-on être subtil ? Quand on l’est, on risque d’être un original. Il avait combattu dans nombres de batailles 220 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France C’est sans doute pour ça qu’on le mit au pouvoir. Hugo a dit alors de la pauvre canaille : « Ce Trochu est le passé du verbe Trop Choir ! » Trochu fut alors remplacé à la tête du pouvoir exécutif par un jeune homme de 74 ans, Adolphe Thiers. Monsieur Thiers avait pour titre officiel : Chef du pouvoir exécutif de la République Française. Comme le titre ne lui plaisait pas, il se fit appeler Président de la république ; et comme il avait de l’influence, il fit confirmer la chose par l’Assemblée six mois plus tard. Adolphe Thiers avait navigué tout au long de la Monarchie de Juillet et du Second empire, d’un parti à l’autre, d’un soutien à l’autre et…mon cher Moussa, il avait toute sa vie oscillé d’une femme à l’autre : il avait, en particulier, épousé la fille de sa maîtresse avant de prendre pour maîtresse la sœur de son épouse. Cet homme avait le sens de la famille, ainsi que le conte ce petit pamphlet de l’époque : L’histoire que je vais conter : « Monsieur Thiers et ses trois moitiés. » * Je ne veux vous importuner En vous contant la vie publique De celui qui fut le premier Président de la République Car bien sûr, vous savez tous bien Qu’il a été un journaliste Reitlag.fr 221 L’EnVers de l’Histoire de France Ainsi qu’un brillant historien ; Que d’abord il fut royaliste Et puis, plus tard, républicain, Qu’il a changé souvent (c’est vrai Mais il faut bien gagner son pain), Non ! Parlons de sa vie privée ! Quand il a eu trente-six ans Il résolut à se marier Avec la fille, évidemment, De sa maîtresse préférée ; Sa maîtresse était Eurydice Dans la splendeur des quarante ans ; Son épouse avait nom Elise, Elle était fraîche, avait vingt ans ; Il avait une belle-sœur : Félicie était son prénom. Et Thiers aimait avec ardeur La mère et la fille, à passion… …Et Félicie Aussi. Et oui, Moussa ! Si tout le monde pratiquait ainsi, c’en serait fini de ces braves assistantes qui se dévouent pour les malheureux qui doivent chercher le réconfort en dehors de la famille… 222 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Ainsi qu’il est dit plus haut, ce tropisme familial faisait que, sous le manteau, on se moquait de « Monsieur Thiers et de ses trois moitiés… » Vous ne riez pas, Moussa ? Il est vrai que les mathématiques ne sont pas votre fort. Monsieur Thiers, qui recevra des « Communards » l’élégant surnom de « Foutriquet », eut beaucoup à faire. Le 18 mars 1871, la Ville de Paris se constitue en « Commune » et refuse l’autorité du gouvernement, qui s’était replié à Versailles. Après deux mois d’une agitation populaire, qui donne encore des cauchemars aux bons habitants de Versailles (n’est-ce pas, Marie-Eudoxie ?), et qui soulève toujours un enthousiasme nostalgique dans les cellules trosko-anarchistes (n’est-ce pas, Mohammed ?), les « Versaillais », c’est-à-dire les troupes gouvernementales, reprennent Paris. Enfin, l’ordre reigne : ordo lege revertit ! C’est la « semaine sanglante.» Du 21 au 28 mai, les « Communards » et les « Versaillais » font alors assaut de modération… les « Communards » brûlent l’Hôtel de Ville, le Palais de Justice et le Palais des Tuileries ; fusillent une cinquantaine d’otages dont l’archevêque de Paris, Mgr Darboy et, plus grave encore, s’en prennent aux jésuites dont ils massacrent un certain nombre. Les « Versaillais », pour leur part, agissent de façon plus simple : ils tuent un maximum de ceux qui semblent faire partie des Fédérés, et même au-delà, puisqu’il y eut pas mal de massacres de vieillards et d’enfants ; ils fusillent par centaines Reitlag.fr 223 L’EnVers de l’Histoire de France ceux qui ont échappé à la mort dans les combats (y compris les enfants (47)). Vous trouvez sévère de fusiller des enfants, Marie-Eudoxie ? Mais vous êtes trop sensible. Ils eussent fait, n’en doutez pas, d’affreux voyous à l’âge adulte. Ce n’est pas parce que, par faiblesse, on ne pratique plus de la sorte de nos jours, qu’il faut le reprocher à nos anciens. Et puis, n’oubliez pas, ils avaient fusillé un archevêque ! Les Versaillais déportent ceux qui n’ont pas été fusillés (y compris les enfants ; le journal La Patrie du 2 juin écrit : « …il y a pour les dompter d’excellentes colonies toutes prêtes à les accueillir. (48)») On compte, pour cette semaine, environ 20.000 morts et, par la suite, 10.000 déportations. Où se faisaient ces déportations, Mohammed ? En Nouvelle-Calédonie, qu’il fallait bien peupler ; et puis aussi en Algérie. Vous voyez bien qu’on ne vous oubliait pas ! Qu’avait fait la Commune, pour mériter ce châtiment, sévère mais juste ? Elle avait édictée des lois insensées : Elle instaure un moratoire pour les loyers impayés, Elle reconnaît l’union libre, Elle réaffirme la liberté de la presse, Elle donne des droits aux suspects, Elle laïcise l’enseignement, Vous voyez bien qu’il fallait mettre un terme à ces folies ! Et sur le sujet du « commerce des charmes », qui vous est naturellement si cher, Moussa ? Voyons mes notes…Eh bien, l’Union des Femmes, 224 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France nouvellement constituée, demanda que la prostitution fût interdite. Encore une bonne raison pour que les « Versaillais » intervinssent ! Pour en finir, Monsieur Thiers fit fusiller 147 Communards contre le « Mur des Fédérés », puis accepta, le 31 août 1871, le titre officiel de Président de la République, que lui conféra l’Assemblée en remerciements de ses brillants états de service. Il fit périr plus de vingt mille Fédérés, C’était une action de salubrité publique. Monsieur Thiers fut alors dûment récompensé : On le fit président de notre République. Comme d’habitude après une révolution, comme en 1794, comme en 1815, comme en 1848, une assemblée très conservatrice arrive au pouvoir. Monsieur Thiers souhaite le rétablissement de la monarchie (ce qui semble bien naturel pour un président de la république…) et incite le comte de Chambord, petit fils de Charles X, à accepter le drapeau tricolore, condition symbolique de son retour sur le trône. Le comte fait une réponse où la finesse le dispute au sens politique proclama : « Français, Henri V ne peut abandonner le drapeau blanc d’Henri IV ! »…Il ne revint jamais sur le trône. Monsieur Thiers, lui, ne revint jamais au pouvoir mais bénéficie d’un nombre incalculable de rues, d’avenues et de boulevards à travers la France. En effet, en mai 1873, Monsieur Thiers avait démissionné et l’Assemblée, espérant toujours un Reitlag.fr 225 L’EnVers de l’Histoire de France retour du roi, avait nommé à la présidence un homme qui avait toutes les qualités pour occuper cette fonction : il était royaliste, il avait participé activement à l’éradication de la Commune et il ne brillait pas particulièrement par son esprit de finesse : le maréchal Patrice de Mac Mahon ! Il avait fait la guerre, en Europe, en Afrique ; Il avait massacré vingt mille Fédérés ; Il était royaliste et fervent catholique ; Son esprit était lent et quelque peu borné : Il avait, on le voit, toutes les qualités Pour être président de notre République. L’Assemblée demande de nouveau au comte de Chambord de revenir sur le trône, et d’accepter le drapeau tricolore. Chambord, qui était têtu, refuse de nouveau le 23 octobre 1873. Il fallait donc attendre que la place fût libre pour un nouveau prétendant au trône. Que faire en ce cas, Moussa ? Vous, vous l’auriez « buté ». C’est en effet une méthode qui est efficace mais qui était de moins en moins pratiquée. Certes, Mac Mahon avait bien fait mourir plus de 20.000 Fédérés. Mais de là à appliquer cette technique à l’égard d’une personne de sang royal, vous comprendrez qu’il y a une marge. Rex non occidendum est, sed populus, vero ! C’est ce que résume cette déclaration que Monsieur de Mac Mahon eût dit en confession à Mgr Darboy si celui-ci n’avait été fusillé par les Rouges le 24 mai 1871. 226 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France La Politique, hélas, peut obliger parfois A trancher dans le vif et à faire des choix, A tuer, s’il le faut, mais, si l’on a le droit De massacrer le peuple : on ne tue pas un roi. Alors, constatant que ce bon Henri d’Artois, dit comte de Chambord, commençait à se faire vieux (il avait 53 ans…), l’Assemblée pensa que la nature pouvait arranger les choses et décida, pour gagner du temps, de nommer le président pour sept ans, instaurant ainsi le septennat qui fut récemment aboli par le référendum de septembre 2000. Le président Mac Mahon nomme alors un royaliste et catholique convaincu comme Premier ministre : Albert de Broglie. L’un et l’autre s’attellent alors à la lourde tâche de restaurer l’Ordre Moral en France : il y avait beaucoup à faire. « Avec l'aide de Dieu, le dévouement de notre armée, qui sera toujours l'esclave de la loi, avec l'appui de tous les honnêtes gens, nous continuerons l'œuvre de la libération de notre territoire, et le rétablissement de l'ordre moral de notre pays » avait déclaré le président le 28 avril 1873. Ce gouvernement qui s’appuyait sur l’épiscopat pour mener à bien sa politique d’ordre moral ne put hélas aller jusqu’au bout de son œuvre salvatrice. Les Républicains s’opposaient de plus en plus à ce président royaliste et, à compter de 1876, il dut partager le pouvoir avec des gouvernements républicains. En octobre 1877, le député Léon Gambetta a l’insolence de dire au président avant une Reitlag.fr 227 L’EnVers de l’Histoire de France élection qu’il allait perdre : « Il faudra se soumettre ou se démettre ! » Mac Mahon perd l’élection…et se soumet ! Mac Mahon, avant l’élection, Fit de grandes déclarations. Gambetta lui a répondu : « On se soumet, Ou se démet ! » Il a perdu ; Il s’est soumis et il s’est tu ! Deux ans plus tard, la Gauche ayant la majorité à l’Assemblée, Mac Mahon démissionne le 30 janvier 1879. Monsieur de Mac Mahon était connu pour ses réflexions où la subtilité le disputait au bon goût. Le texte suivant, écrit par un mémorialiste de l’époque, en met en relief quelques exemples : Si l’on a bien souvent élu des incapables, Dans ce cas bien précis, ceci est admirable, On a choisi l’élu avec sagacité Pour l’immensité de son incapacité. La République alors est jeune et vulnérable ; La poussée royaliste est forte et redoutable Mais ne peut s’affirmer devant les réticences Du Comte de Chambord à gouverner la France ; Certes, il voudrait bien mais il est exigeant : Il veut les fleurs de lys, il veut le Drapeau Blanc 228 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Et pas le Tricolore, et il est compliqué Au peuple de Paris de le faire accepter ; Alors on se décide pour un Président ; Pas trop malin, bien sûr, surtout pas trop ardent Envers la République et puis, on attendra Que Chambord passe un jour de la vie au trépas Et que son successeur, un peu moins obstiné Garde les trois couleurs pour être couronné. Et voilà ! Mac Mahon est élu pour sept ans Où son alacrité s’exerce constamment. Un jour qu’un soldat Noir lui était présenté, Il dit : « C’est vous le Nègre ? Eh bien, continuez ! » A Nîmes, un beau jour, recouverte de flots Le président, saisi, cria « Que d’eau, que d’eau ! » « La typhoïde est le pire de tous les maux » Dit-il, « On en meurt ou on en demeure idiot ! Ce mal », ajouta-t-il « ne m’est pas inconnu ; Si j’en parle si bien, c’est parce que je l’eus ! » De telles déclarations eussent dû lui valoir d’être élu à l’Académie Française, mais l’ingratitude des hommes est telle qu’il n’en fut rien. Notons toutefois le sort de l’une de ces saillies, celle qui s’adressait à Camille Mortenol, le Noir guadeloupéen qui était l’un des élèves les plus brillants alors de l’école Polytechnique (« C’est vous, le Nègre ? Eh bien, mon ami, continuez… ») a sans doute été prononcée alors Reitlag.fr 229 L’EnVers de l’Histoire de France que Mortenol était à l’Ecole Navale et pas encore à Polytechnique, puisqu’il n’intégra cette école qu’en 1881, alors que Mac Mahon n’était plus Président (49). Quelle importance ce détail a-t-il, Moussa ? Eh bien, vous en saisirez l’importance quand vous serez à Polytechnique…un peu de patience. Pendant que ce bon monsieur de Mac Mahon essayait en vain - à la suite de Monsieur Thiers - de rétablir la royauté dans votre pays, des idées nouvelles autant que malfaisantes, et qui avaient pris corps lors du sinistre épisode de la Commune, s’épanouissaient et prospéraient. Leurs noms étaient Socialisme et Anarchie. L’anarchie, que vous semblez priser à vos heures, Mohammed, avait un Prophète : Mikhaïl Alexandrovitch Bakounine. Nous verrons que son influence s’étendra bientôt dans votre république. Il régenta longtemps un pays sans frontières, Il chassa l’ennemi Rôdant à sa lisière Et ce pays, C’est l’Anarchie. * De petite noblesse, il est né en Russie, Il devint officier du tsar mais, par ennui Il étudia alors Feuerbach et Hegel Et voyagea à Berne, à Paris, à Bruxelles. Il rencontra alors Karl Marx et puis Proudhon, 230 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Mena quelque révolte et finit en prison Et, de la Sibérie, fit le tour de la terre Par les Etats-Unis jusques à l’Angleterre. Lorsqu’en Soixante-dix la ville de Paris Constitue la Commune, il s’exclame, il s’écrie : « Il faut que Versailles à l’aide des Prussiens Extermine au moins la moitié des Parisiens ! » Car cette proportion lui semblait justifier Que de l’évènement, la juste renommée Parvînt profondément à l’oreille des masses Qui, parfois, ont le sait, ont l’ouïe quelque peu basse ! Hélas, ceci n’est point : On oublie la Commune. Bakounine, aussitôt, avec Marx engage une Querelle fratricide, vous m’en voyez bien triste, Et il décide alors qu’il est un anarchiste. Il dit : « Le temps n’est plus aux idées mais aux actes ! Que tous les opprimés passent ainsi un pacte ! » Il traverse l’Europe et s’exprime en prophète… Et puis, à soixante ans, il prendra sa retraite. * Un soir, à Lugano, le roi de l’Anarchisme, Tranquille, au bord d’un lac, est mort de rhumatismes Reitlag.fr 231 L’EnVers de l’Histoire de France Oui, je le concède, la chute est bien triste, mais l’embourgeoisement est à la révolution ce que la révolution est à l’ordre établi : le mal absolu. Ainsi que nous l’avons vu, le 30 janvier 1879, Patrice de Mac Mahon démissionne ; le jour même, l’Assemblée nomme son successeur : Jules Grévy, un avocat jurassien de soixante-douze ans. Jules Grévy cumulait les défauts : il n’était pas « revanchard », c'est-à-dire qu’il ne poussait pas à une nouvelle guerre contre l’Allemagne ; il n’était pas favorable à l’expansion de la colonisation ; il était un peu anticlérical. Après le guerrier royaliste et clérical qu’avait été Mac Mahon, quel changement, quelle déchéance ! L’un de ses principaux présidents du Conseil sera Jules Ferry, un vosgien franchement anticlérical. Ces deux canailles franc-comtoises s’allièrent pour retirer les jeunes âmes françaises à l’autorité des ecclésiastiques. Ferry n’hésitait pas à écrire aux instituteurs en 1883 : « L'instruction religieuse appartient aux familles et à l'Eglise, l'instruction morale à l'école. » N’est-ce pas là une déclaration aussi révolutionnaire que diabolique, après quinze siècles de bonne théocratie chrétienne ? Mon cher Moussa, si vous avez tout le sens civique et moral que je me plais à vous reconnaître, c’est là le produit de l’école de Monsieur Ferry ! Est-ce qu’il a aussi encouragé le deal du shit et la protection des jeunes femmes des rues ? Je n’en suis pas sûr… mais je ne suis pas sûr du contraire ! Cum Ferry mores considebunt ! 232 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Contrairement à Grévy, Ferry était franchement colonialiste. Il déclarait, le 28 juillet 1885, à l’Assemblée Nationale : «Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures». Précisons que le terme de « race » n’avait pas alors le sens qu’il a pris par la suite ; son acception se rapprochait plus de « civilisation ». Quoiqu’il en soit, il est amusant de voir que ce point de vue était alors celui de la Gauche, et non de la Droite. Lisons cet extrait du Journal Officiel de ce même jour : « M. Jules Ferry : Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... (Marque d'approbation sur les mêmes bancs à gauche – Nouvelles interruptions à l'extrême gauche et à droite.) » Plus loin : « (que la France) doit répandre cette influence sur le monde, et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie. (Applaudissements au centre et à gauche.) » Victor Hugo, qui passe pour un progressiste, était tout aussi favorable à la colonisation. Ne disait-il pas le 18 mai 1879 : « Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille, mais pour l’industrie ; non pour la conquête, mais pour la fraternité. Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et, du même coup, Reitlag.fr 233 L’EnVers de l’Histoire de France résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes ; croissez, cultivez, colonisez, multipliez (50). » La Gauche approuvait l’expansion coloniale ; pas la Droite qui, suivant la ligne tracée par Monsieur Thiers, ne pensait qu’à conserver ses forces pour la « Revanche » contre l’Allemagne. Un peu plus tard, le 17 mai 1896, Jean Jaurès déclarait encore à La Petite République : « Nous aurons beau dénoncer toutes les vilenies, toutes les corruptions, toutes les cruautés du mouvement colonial, nous ne l'arrêterons pas (51)» Vous voyez, mes amis, la Gauche avait poussé à la colonisation et, 80 ans plus tard luttera pour son abolition ; la Droite s’était opposé à son avènement et, 80 ans plus tard, combattra pour son maintien : la France est bien la patrie de la constance et de la rationalité ! Gallia vere patria rationis est ! C’est la Gauche qui fit la colonisation Alors que la Droite n’en voulait rien entendre ! Puis la Gauche fit la décolonisation Contre la Droite : Eh oui, c’est à n’y rien comprendre… Il faut dire ici que la colonisation était sûrement d’inspiration divine car elle a réussi le miracle de rassembler plusieurs classes de la société : Les humanistes qui, dans la ligne de Jules Ferry voulaient civiliser les « races inférieures » ; les militaires, qui 234 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France trouvaient là un moyen d’en découdre à bon compte, de faire sonner les clairons et hisser les drapeaux contre un ennemi pas trop redoutable ; les commerçants qui avaient un débouché pour les pacotilles qu’ils échangeaient contre de bonnes matières premières ; et enfin les missionnaires, heureux de quitter une France en voie de déchristianisation et de se rattraper sur ce nouveau marché. Je vous livre à ce sujet ce petit texte commis par un ardent défenseur de la colonisation. Bien sûr la colonisation Apporta nombre de bienfaits : Parmi ceux-ci, la médecine Par quoi la surpopulation Provoqua d’évidents effets Dont le premier fut la famine. On ne dira jamais assez Combien il fut intelligent De permettre sans réfléchir Aux gens de se multiplier Sans leur donner, évidemment, Les moyens d’au moins se nourrir. Mais on leur donna cependant A tout le moins, le superflu, Le cinéma et la télé, Le goût du luxe, évidemment, La politique et la vertu Reitlag.fr 235 L’EnVers de l’Histoire de France Afin qu’ils soient civilisés. Ainsi que vous le savez, le mouvement colonial français en Afrique subéquatoriale a duré un peu moins d’un siècle. En 1958, le colonisateur se retirait avec le sentiment légitime du devoir accompli. Sa tâche accomplie, le colon Abandonna ce continent Qui lui rapportait peu de choses. Mais de la colonisation Il reste de beaux éléments Que l’on peut citer, si l’on ose : Il reste de fausses frontières Il reste des politiciens, Des rois grimés en présidents, Il est de plus en plus de guerres Et l’Afrique n’a pour destin Que de courir après le temps. * « Continent d’ancienne coutume, Où sont tes danses et tes chants ? Où sont tes princesses, tes rois ? Tu n’es qu’une gloire posthume, Un cimetière désolant Et le royaume du Sida. » 236 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Le 31 janvier 1886, le mandat de Jules Grévy arrive à son terme ; la Chambre le réélit. Malheureusement, les choses tournent moins bien et le Président est victime de son gendre, Daniel Wilson, qui vendait des décorations de la Légion d’honneur. Quand j’ai étudié cette période afin de vous dispenser mon enseignement, j’ai été fort surpris d’apprendre ceci : je pensais que la vente des décorations avait toujours été la règle : au Vatican, on vendait bien les Indulgences… Le 2 décembre 1887, Jules Grévy doit démissionner et l’Assemblée nomme, pour lui succéder, monsieur Sadi Carnot. Monsieur Carnot tenait ce prénom assez inusité au fait que son grand-père, le grand Lazare Carnot, était un admirateur du poète persan Saadi. Ce poète avait vécu au 13e siècle et avait merveilleusement et délicatement bien chanté les plaisirs de la vie et, entre autres, les femmes et le vin. Que voulez-vous, Mohammed, il était en ce temps du moyen-âge, des musulmans qui n’avaient pas encore bénéficié des bienfaits du fanatisme. Sadi Carnot était le fils d’Hyppolite Carnot, ministre de l’Instruction de la deuxième république. Il fut donc président de la troisième République. Le président Carnot connut bien des vicissitudes durant sa présidence. Tout d’abord, il fut ennuyé par la « crise boulangiste », qui n’avait rien à voir ni avec le pain ni avec la brioche, mais avec le général Georges Boulanger, dont l’action ébranla la troisième République. Reitlag.fr 237 L’EnVers de l’Histoire de France Ministre de la Guerre en 1886, le général Boulanger symbolisait la « revanche » et fédérait le parti belliciste contre l’Allemagne, qui regroupait des bonapartistes, des royalistes et des républicains. Le 27 janvier 1889, Boulanger est élu triomphalement. On le presse de s’emparer de l’Elysée ; il hésite ; il s’enfuit à Bruxelles avec sa maîtresse, madame Marguerite de Bonnemains…Pardon, Moussa ? La grande Lulu aurait aussi de bonnes mains ? Je n’en ai jamais douté, voyons ! Mais c’est hors sujet. Boulanger et Marguerite s’installent à Bruxelles, après qu’il eut été condamné par contumace ; Marguerite meurt le 16 juillet 1891 ; Boulanger se suicide sur sa tombe le 30 septembre. Cette mort lui vaudra une chaleureuse épitaphe de Clemenceau : « Il est mort comme il a vécu : en souslieutenant. » Puis, Monsieur Carnot connut le « scandale de Panama. » La société qui était en charge de percer ce canal avait fait faillite et des financiers corrompirent les députés pour obtenir le vote de fonds supplémentaires. Oui, Moussa, si on appelle ça un scandale, c’est parce que ces sommes étaient très supérieures aux modestes subsides que vous versez bien naturellement, à l’occasion, à ces messieurs de la brigade des mœurs : tout est question de proportion… Monsieur Carnot eut enfin à faire aux anarchistes, vos amis, mon cher Mohammed. L’anarchie dont le 238 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France grand prêtre était Bakounine, ainsi que nous l’avons dit plus haut, se développait à grande allure et se traduisait par un nombre très important d’attentats terroristes. Entre 1880 et 1914, des dizaines d’attentats anarchistes eurent lieu à Paris ; le 9 décembre 1893, une bombe explosa même au milieu de la Chambre, au cours d’une séance ! Eh oui, Mohammed, on agissait, en ce temps là. On ne se contentait pas de rêver dans les cellules…dans les cellules anarchistes, je veux dire, pas dans celles de Fleury-Mérogis. Le 11 décembre 1893, alors que les débris de l’explosion du 9 avaient à peine été balayés, le président du conseil, Jean Casimir-Perier soumet au vote un ensemble de lois répressives que les anarchistes appelleront « lois scélérates ». Sadi Carnot avait refusé la grâce d’Auguste Vaillant, l’anarchiste qui avait lancé la bombe à l’Assemblée Nationale. Un des collègues anarchistes de celui-ci, Sante Caserio, en conçut une certaine rancœur et, le 24 juin 1894, transperça de son couteau le cœur du président. Lors de son procès, Caserio s’écria : « … nous répondons aux gouvernements avec la dynamite, la bombe, le stylet, le poignard. En un mot, nous devons faire notre possible pour détruire la bourgeoisie et les gouvernements. Vous qui êtes les représentants de la société bourgeoise, si vous voulez ma tête, prenezla ! »…Ils la prirent. Reitlag.fr 239 L’EnVers de l’Histoire de France Après la mort du président Carnot, l’Assemblée élut, pour lui succéder, le président du Conseil, Jean Casimir-Perier qui était âgé de quarante-six ans. Jean Casimir-Perier était le petit-fils de Casimir Perier, le banquier qui avait été Premier ministre de Louis-Philippe. En plus d’être très riche, monsieur Casimir-Perier était très subtil. Il disait : « Un ami, c'est quelqu'un sur qui nous pouvons toujours compter pour compter sur nous. » Cette citation fait clairement apparaître son sens de la concision et de la simplicité. Il eût pu dire, en effet, « Un ami, c'est quelqu'un sur qui nous pouvons toujours compter pour compter sur nous afin que nous comptions sur lui pour qu’il compte sur nous… » Non ! Il en restait à un énoncé simple. Mais, ami ou pas, monsieur Casimir-Perier savait compter : n’était-ce pas un banquier ? Casimir-Perier avait ratifié en 1894 l’alliance secrète Franco-russe avec le tsar Alexandre III, un bon tsar bien réactionnaire qui avait mis fin à la politique libérale de son père Alexandre II, qui avait payé le juste prix de ce laisser-aller en étant assassiné par un anarchiste. Lorsque le balancier Incline d’un côté, Il faut le redresser. Son père fut, dit-on, le tsar libérateur ! Il était libéral ! Allons, à la bonne heure! ; Lui, Alexandrovich aura la fermeté 240 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Qu’un tsar doit apporter pour faire son métier. Ses oukases, ses lois et ses déclarations Sont alors frappées du coin de la réaction. Il régit son pays d’une poigne de fer, Son gouvernement est toujours autoritaire. Si le tsar libéral est tombé sous les coups D’un anarchiste fou et brûlant d’utopie, Le tsar autoritaire, eh bien, me croirez-vous ? A connu la douceur de mourir dans son lit. Si je fais ce petit détour par la Russie, mes amis, c’est que monsieur Casimir-Perier, grand admirateur d’Alexandre III, fut tout de suite appelé « Le président de la réaction ». En référence à son immense richesse et à ses actions dans les mines de charbon du Nord, on l’appelait aussi Casimir d’Anzin. Casimir-Perier, qui était un homme sensible, souffre alors de ces attaques et développe rapidement un syndrome dépressif. Triste et abattu, il démissionne après six mois de présidence et se consacre à la gestion de ses mines. Ce traitement était efficace car sa santé s’améliora très vite. Cinq ans plus tard, quand, en pleine crise politique, le président Loubet lui propose de revenir aux affaires et d’accepter le poste de président du Conseil, il refuse. Cet homme était décidément un modeste ; un peu comme moi, d’ailleurs. Quand, la semaine dernière, Sa Sainteté m’a proposé d’être le prieur principal du Latran, je lui ai répondu que je préférais Reitlag.fr 241 L’EnVers de l’Histoire de France modestement rester dans mes fonctions de Chief Executive Manager et trésorier de l’Indulgencies Management Group. Il faut savoir rester à sa place ! Semper in tuo loco manito ! Monsieur Perier est fortuné Et plein d’esprit de modestie. « C’est bien joli de gouverner, Mais on se fait des ennemis, Des jaloux, des fous, des aigris ; On peut même être assassiné. Je renonce à la présidence Et au service de la France, Pour mieux servir, avec passion Mon conseil d’administration. » Monsieur Casimir-Perier s’étant donc subrepticement éclipsé, il fallut nommer un nouveau président : ce fut monsieur Félix Faure, un ancien négociant en cuir franc-maçon (l’Histoire ne dit pas s’il fournissait les loges en tabliers de cuirs maçonniques…) de cinquante-cinq ans. Félix Faure poursuivit le rapprochement Franco-russe engagé par son prédécesseur. Il traita avec le fils d’Alexandre, Nicolas II, qui n’avait pas l’envergure de son père et qui fut le dernier tsar de Russie avant Vladimir Poutine (tsar qui exerce aussi sous le pseudonyme de Dmitri Medvedev !) 242 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France La Russie a produit des tsars extraordinaires, C’était Pierre le Grand, la Grande Catherine : Après la gloire immense, arrive la débine, Quand on a eu l’endroit, il faut avoir l’envers… …Et voici Nicolas qui aura tout raté ; Il est triste, il est mou, il n’a pas d’envergure, Il semble destiné pour les mésaventures Et, ainsi qu’on le sait, tout lui est arrivé. Il avait épousé une jeune Allemande, Alexandra ; Bientôt, voici que la Tsarine Se prend d’une passion pour Monsieur Raspoutine ; Ce qu’ils font tous les deux, si l’on se le demande, On en a une idée lorsque l’on a appris Que Raspoutine prêche qu’il faut se confesser Mais que la rédemption s’obtient par le péché ! Le tsar, pendant ce temps, multiplie les ennuis : Il prêche pour la paix, mais toujours fait la guerre, Dans les Balkans d’abord puis contre le Japon Qui lui donne, on le sait, comme une punition ! Nicolas est marri mais ne s’en soucie guère, * Tout du moins, pas assez, puisque neuf ans plus tard Il guerroie de nouveau (contre les Allemands), Est vaincu, est ruiné, abdique évidemment Pour son frère Michel avec trop de retard Reitlag.fr 243 L’EnVers de l’Histoire de France J’ai évoqué la relation de monsieur Faure avec le tsar Nicolas II, à cause de ce monsieur Raspoutine dont on parle dans cette élégie. Monsieur Raspoutine professait donc que l’on se rachetait du péché…par le péché ; et du plus grave de tous les péchés, le péché de chair, par beaucoup de ces péchés. Monsieur Raspoutine était un éminent ecclésiastique et la tsarine Alexandra s’empressa de suivre ses saints préceptes. Puis-je espérer être un jour votre Raspoutine, chère Marie-Eudoxie ? Non ? Vous n’êtes pas tsarine ! Vous pensez que je devrais m’adresser à une certaine madame Carla ? Je ne comprends pas… Quoiqu’il en soit, ce bon monsieur Faure avait le même penchant pour le péché de chair que Raspoutine. Le 16 février 1899 en fin d’après midi, il attendait sa tendre maîtresse, madame Marguerite Steinheil, avec qui il escomptait une réconfortante et intime conversation. On lui annonce une visite ; aussitôt, il prend une petite pilule de celles qui avaient le don de renforcer son tempérament, vous voyez ce que je veux dire, Moussa ? Oui, c’est du dopage. Mais, pour cette nature d’exercice, c’est autorisé : tous les grands dirigeants du Comité International Olympique me l’ont confirmé. La porte s’ouvre et entre… l’archevêque de Paris ! Le Président, qui n’avait pas plus d’attirance pour les messieurs que les clients de mademoiselle Lulu, réprime ses pulsions et accorde l’entretien attendu. Le prélat parti, on sonne à la porte. En toute hâte, le 244 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France président recourt de nouveau à l’artifice des petites pilules. L’entretien, avec Marguerite cette fois, se déroule d’une façon différente du précédent, mais façon sur laquelle je ne m’étendrai pas par respect pour les chastes oreilles de Marie-Eudoxie…et puis, soudain, le Président pousse un cri et meurt ! D’une overdose, Moussa ? Oui, d’une certaine façon. On appelle aussitôt un médecin et un curé. Ce dernier, en arrivant au palais de l’Elysée, demande à un garde : « Le Président a-t-il toujours sa connaissance ? » « Non, répond le garde qui se méprend sur la question, on l’a fait sortir par la porte de derrière… » Clemenceau, qui n’était jamais à court de bons mots, prononça, en manière d’épitaphe à ce président que l’on disait très prétentieux : « Il voulait être César, il ne fut que Pompée… » Vous ne comprenez pas, Marie-Eudoxie ? Je pensais que vous aviez pourtant une grande culture de l’Antiquité. Clemenceau, décidément en verve, dit aussi : « En entrant dans le néant, il a du se sentir chez lui.» Que voulez-vous, mes amis, la vie du président Faure fut peut-être insignifiante, mais il n’a pas raté sa mort ! Plus quam vitae, mortem succedet ! L’éloge funèbre dont je vais vous donner lecture, et que le curé de Notre-Dame refusa de prononcer en chaire, porte la signature d’un certain Georges Cl. ! J’aimerais bien savoir qui se cache derrière ce pseudonyme… Oui, il est bien ardu, parfois de rédiger Reitlag.fr 245 L’EnVers de l’Histoire de France La chronique de gens aussi insignifiants, De ces gens prétentieux, se croyant arrivés Et dont la vie est vide autant que le néant ; Alors, faute de choix, il nous faudra chercher Quelques vagues rumeurs et quelques anecdotes Qui seront à même d’un peu nous amuser Et qui d’un noir ennui seront les antidotes. Pour pouvoir sourire du pauvre Félix Faure, Il ne faut pas compter sur sa vie ennuyeuse Mais il faut le récit de ce que fut sa mort Qui fut une mort amoureuse ! En cette fin de siècle, il attendait un soir Sa maîtresse du nom charmant de Marguerite Et, comme chaque fois, afin de mieux asseoir Sa virilité décrépite Il prit une pilule à ceci adaptée Dès lors qu’il entendit, dans le couloir, un bruit : Hélas, ce n’est pas elle qui fit son entrée Mais l’archevêque de Paris ! Alors le président ravale sa pulsion (Car si le prélat est revêtu d’une robe Il convient malgré tout de conserver raison) Et tout son désir se dérobe! L’entretien se finit, le prélat se retire Et un doux bruissement lui vient du vestibule : 246 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Il faut qu’il se transforme aussitôt en satyre, Il avale une autre pilule ! Mais, en toute matière, on le sait bien, l’excès Peut être malfaisant et attrister l’histoire Et c’est ce qu’il advint à sa faible santé Ainsi, hélas, qu’on va le voir ! A peine est-il entré dans ses tendres ébats Que son cœur fatigué ne tient plus la cadence ; Et bientôt, il le lâche, Oh sinistre coup bas Qui rend orpheline la France ! On se presse, on demande : « A-t-il sa connaissance ? » « Non ! » répond un gendarme à l’allure altière « Car on l’a fait sortir par souci de décence Et par la porte de derrière ! » Et Georges Clemenceau, qui parlait galamment Et qui, en épitaphes, était fort avisé S’écria : « Monsieur Faure avait voulu vivre en César mais il est mort Pompée ! » Il ajouta encor, tout aussi finement (On le voit, en ce temps, on avait de l’esprit) « Félix Faure est enfin retourné au néant Et il doit se sentir chez lui ! » Quant à Marguerite, elle fut accusée neuf ans plus tard de l’assassinat de son mari et de sa mère ; puis Reitlag.fr 247 L’EnVers de l’Histoire de France elle fut acquittée. On ne l’avait pas non plus inquiétée alors qu’elle avait « tué » le Président: cette femme avait décidément bien du talent. Ah ! J’ai oublié de vous dire : Marguerite Steinheil fut surnommée la pompe funèbre ! Mais oui, MarieEudoxie, il y décidément des surnoms bien mystérieux et incompréhensibles…de certae nominibus, mysteria manet ! Félix Faure était donc mort dans les circonstances que l’on sait, il fallait lui donner un successeur : ce fut Emile Loubet, ancien président du Conseil, âgé de 62 ans et soutenu par Clemenceau. Le septennat du président Loubet fut marqué par deux infamies : d’abord, la grâce d’Alfred Dreyfus qui ne pouvait pas être innocent, puisqu’il avait contre lui ces deux magnifiques corps constitués que sont l’armée et l’Eglise ; puis la loi scélérate de séparation des Eglises et de l’Etat, préparée sous la présidence du Conseil d’Emile Combes et votée sous la présidence de Maurice Rouvier et à l’instigation d’Aristide Briand. Le « Petit Père Combes » était fortement anticlérical et, arrivé au pouvoir en 1902, il fit voter la loi du 9 décembre 1905 qui déclare, en son article II : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Par bonheur et par l’action inspirée de votre Président, les choses sont en train de changer dans votre beau pays de France. Cette séparation ne fut finalement pas une si mauvaise affaire pour l’Eglise : le concordat était aboli et, par là, le contrôle que l’Etat avait sur 248 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France l’Eglise ; les lieux de culte étaient nationalisés et mis gracieusement à la disposition des religions, ce qui n’était pas une mauvaise affaire financière. Les autorités ecclésiastiques de l’époque en étaient sans doute conscientes mais, par principe, elles firent un certain vacarme envers une loi qui scellait la laïcité. Le pape Pie X avait réagi comme il se doit à cette trahison de la « fille aînée de l’Eglise » par l’encyclique Vehementer : « …Qu'il faille séparer l'Etat de l'Eglise, c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur… elle est tout d'abord très gravement injurieuse pour Dieu. » L’action du gouvernement français était injurieuse pour Dieu ! Vous vous rendez compte ? C’est que Dieu, quand on l’injurie, il se venge. Et la France n’allait pas tarder à en connaître les conséquences. Le pape Pie X, un géant du Vatican, fut plus tard canonisé et je ne résiste pas à vous donner lecture d’un cantique que j’ai eu l’audace d’écrire en son honneur : Au cours de l’élection papale. - Rampolla était favori Mais de Vienne vint un signal Pour empêcher que celui-ci Fût élu. D’abord expliquons Que François-Joseph, l’empereur Ne voulait pas d’un Franc-maçon A Rome ! Oh, mon Dieu, quelle horreur ; Reitlag.fr 249 L’EnVers de l’Histoire de France Figurez-vous que Rampolla Désirait que le Catholique De France se réconciliât Avec l’horrible République ! Rampolla fut éliminé, Giuseppe Sarto fut élu Après qu’il eut bien supplié Afin de n’être retenu Mais les voix de la Providence Voulaient qu’il montât sur le trône ; Il leur devait obéissance, Il accepta et dit un prône Puis vite il s’en prit à la France, Coupable d’abomination De blasphème et d’intolérance, Par sa « Loi de Séparation ». Le prince du catholicisme Ne s’arrêta pas en chemin, Il s’attaqua au modernisme, Dégradation de l’être humain. En Quatorze, il fallut mourir, Il s’y résigna mais avant, Il demanda de quoi écrire Et rédigea son testament. Il demanda que l’on donnât 250 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France A son valet soixante Lires (A sa famille il en légua Cent mille, cela va sans dire), Je crois qu’on trouve le motif Dans cette générosité De cet élan impératif Qui lui valut la sainteté. C’est très beau, n’est-ce pas ? Ce saint pape avait tout compris. La générosité est un devoir sacré, mais qui n’empêche pas le discernement. A cette sainte réaction papale, les politiques français répondaient avec une insolence confondante. Monsieur René Viviani déclarait : « Ensemble, et d'un geste magnifique, nous avons éteint dans le ciel des lumières qu'on ne rallumera plus ! (52) » La punition était pour bientôt ; ce monsieur Viviani serait président du Conseil en 1914 ; la France subira une terrible guerre : Dieu se vengera ! Deus vindex feriet ! Je vais devoir vous décevoir, Moussa, mais le président Loubet mourut à l’âge de 90 ans et, semblet-il, sans l’appui d’une jeune assistante sentimentale…En 1906, à l’issue de son septennat, il laissa la place à monsieur Armand Fallières, un jeune avocat de 65 ans, assez terne, il faut bien le dire. Reitlag.fr 251 L’EnVers de l’Histoire de France Que se passa-t-il sous la présidence de monsieur Fallières ? Eh bien, ce furent les prémices de la grande guerre : la crise d’Agadir avec l’Allemagne, en 1911 ; le rapprochement avec l’Angleterre et la Russie : le calme qui précède la tempête. En Angleterre, à l’époque, le roi était Edouard VII, fils de la reine Victoria et le Premier ministre, lord Balfour, qui s’illustrera plus tard dans l’affaire de la Palestine. La reine Victoria avait réussi le double exploit de régner 56 ans et de ne pas alimenter les gazettes à scandale : vous m’en voyez navré, Moussa. Il est, dans ce recueil, des gens éblouissants Mais la petite fille d’Alexandre II Qui a vécu et puis qui a régné longtemps Offre hélas un récit assez fort ennuyeux Car si son règne fut de soixante-quatre ans, Si elle eut neuf enfants puis s’habilla de noir, Il semblerait qu’elle n’ait eu aucun amant Et que sur son compte il ne coure aucune histoire… Le tsar de Russie était Nicolas II, dont nous avons déjà parlé, et qui gérera plus tard la Révolution d’Octobre avec autant de finesse, de doigté et de sens stratégique que Louis XVI en mit à gérer la Révolution française… Au terme de son septennat, monsieur Fallières choisit de ne pas se représenter, justifiant sa décision par cet 252 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France aphorisme : « la place n'est pas mauvaise, mais il n'y a pas d'avancement ». Monsieur Fallières n’était pas ambitieux ; on ne lui connaît pas d’aventures féminines ; il ne fut éclaboussé par aucun scandale : je suis d’accord avec vous, Moussa, nous avons déjà consacré trop de temps à son cas. Oublions-le. Le 18 février 1913, il est remplacé par Raimond Poincaré. Avec l’élection de Raimond Poincaré, nous approchons de la fin du dix-neuvième siècle, siècle que l’on fait communément s’achever en 1914, avec le début de la Grande Guerre, plutôt qu’en 1900. Du 13 au 23 juillet 1914, Poincaré et le président du Conseil Viviani, sont en visite en Russie pour traiter de la situation politique tendue en Europe. En effet, deux semaines plus tôt, un nationaliste serbe, Gravilo Princip, avait eu la fâcheuse idée de lancer, à Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, une bombe sur l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie. L’AutricheHongrie avait mal pris la chose et voulait punir la Serbie. L’Allemagne, amie de l’Autriche-Hongrie partageait ce courroux et cette intention ; la Russie, orthodoxe comme la Serbie ne voulait pas que l’on fît de mal aux Serbes ; La Turquie, pour se prémunir contre la Russie, soutenait l’Allemagne ; L’Angleterre, qui ne voulait pas que l’Allemagne prît trop de poids sur le continent, s’allia à la France ; L’Italie, comme d’habitude, hésitait avant de prendre position ; les Etats-Unis, comme d’habitude, attendaient que les choses se décantassent pour ramasser la mise ; la France, enfin, alliée de la Serbie Reitlag.fr 253 L’EnVers de l’Histoire de France rien que pour ennuyer l’Allemagne, faisait les gros yeux et pensait voir là une occasion de récupérer l’Alsace-Lorraine…tout ça est bien compliqué, mes amis. Eh bien, vous allez voir qu’à un problème compliqué, la sagacité des hommes peut trouver une solution très simple : une guerre mondiale de quatre ans. Voyez-vous, mes enfants, on assassine un prince (pas même un roi !) et il en découle près de vingt millions de morts. Quelle efficacité ! Ah Mohammed, ça vous impressionne. Quand vous lancerez votre bombe, il faudra bien choisir votre cible, si vous voulez faire mieux ! * Nous allons en rester là pour aujourd’hui afin de reprendre des forces avant d’aborder cette dure épreuve de la guerre. Mes enfants, vous devriez aller vous recueillir à l’église serbo-orthodoxe de la rue du Simplon, dans le dix-huitième arrondissement. Vous pourrez, j’en suis sûr, y ressentir mieux l’atmosphère qui amena monsieur Princip à commettre son geste fatal. Moi, je vais me rendre avenue Pierre 1er de Serbie où j’ai rendez-vous avec une princesse russe qui hésite entre poursuivre sa voie dans la religion orthodoxe, ou se convertir au catholicisme. Une rude tâche m’attend. Expecto difficilem laborem ! 254 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Chapitre XIV LA TROISIEME REPUBLIQUE – L’ETAT FRANÇAIS Alors, mes enfants, cette visite à l’église serboorthodoxe de la rue du Simplon ? Non ? Vous vous êtes arrêtés en cours de route à la station Halles ? Et vous, Moussa, vous avez fait un tour dans le Forum pour prendre la tendance du marché… « shit », « héro » « coke »…les volumes sont stables ? Les prix à la hausse ?…Eh bien, mon ami, c’est la reprise ! Réjouissons-nous ! Et vous, Mohammed ? Quelques conversations avec vos correspondants afghans. Des Kalachnikov contre des Corans ? Pourquoi pas du troc, en effet ? A voir comment file le dollar… Et Marie-Eudoxie, pendant ce temps ? Vous l’avez invitée à parcourir la rue Saint-Denis ? Ma foi, il n’est jamais mauvais de faire une reconnaissance avant de passer à l’action…ante actionem, quaestio ! Reitlag.fr 255 L’EnVers de l’Histoire de France Et moi ? Oh, de la rue Pierre 1er de Serbie, nous nous sommes rendus, ma pénitente et moi-même, au cabaret « Raspoutine » de la rue de Bassano. Puis, en une leçon particulière, je l’ai initiée plus particulièrement à la forme de religion que professait ce saint homme : « la rédemption par le péché ». Au début, elle ne comprenait pas très bien ; après : si ! Elle demeurera orthodoxe…tendance Raspoutine. * Nous voici en juillet 1914. Messieurs Poincaré et Viviani étaient donc à peine descendus du bateau les ramenant de Russie que l’empereur d’Allemagne, Guillaume II, donne ultimatum à la France de ne pas soutenir la Russie au cas où celle-ci viendrait au secours de la Serbie. En France, seul Jaurès s’oppose au courant belliciste qui est majoritaire. Le 31 juillet il est assassiné. C’est vilain, dites-vous, Mohammed ? Oui, c’est même Villain, Raoul Villain, qui se charge de cette élimination. Alors, la voie est libre à l’entrée en guerre de la France. La mobilisation générale est déclarée. Echauffés par quarante-cinq ans de discours sur la « revanche », les Français sont enthousiastes : la guerre sera courte, disent-ils ! Ils ne seront pas déçus : elle durera quatre ans ! Pourquoi les Français voulaient-ils faire la guerre ? Pour la « revanche » ! Nous avons vu qu’en 1870, ce génial stratège qu’était Napoléon III entraîna votre 256 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France pays dans une guerre calamiteuse contre la Prusse. La France y perdit l’Alsace et la Lorraine germanophone, c’est-à-dire à peu près la moitié du département de la Moselle. Dans la France « de l’intérieur », tout le monde voulait récupérer ce territoire qui, de temps immémoriaux, faisait partie de la nation (en fait, depuis 1681, soit deux siècles seulement avant la guerre de 70). On disait aussi que dans les territoires d’Alsace - « Elsàß » - il en était de même et que tous les Alsaciens ne pensaient qu’au retour vers la mère-patrie : en tous cas, c’est ce qu’on disait… Quoiqu’il en soit, dès août 14, les Allemands traversent la Belgique et envahissent le Nord-est de la France. Les troupes franco-anglaises se replient. Le chef des troupes anglaises s’appelle le général French. Par souci de réciprocité, les français eussent pu prendre pour chef un général qui se fût appelé « Anglais ». Ils en ont choisi un dont le nom eût plus naturellement dû être « Allemand », tant sa stratégie stupide d’« offensive à outrance » avantagea l’ennemi…Joffre, puisque c’est de lui qu’il s’agit, envoya à l’assaut par centaines de vagues successives ses soldats, dont il s’était assuré préalablement que leur pantalon rouge en faisaient une parfaite cible pour les tirs ennemis ! Voici le texte que certains voulaient lire pour l’entrée du maréchal Joffre à l’Académie Française : il ne fut point lu. Reitlag.fr 257 L’EnVers de l’Histoire de France Les combattants, dans les tranchées, A leur façon Etaient des lions Mais un âne les commandait. Son père était un tonnelier, Mais Joseph sera plus connu Pour ce qui est du contenu Que pour l’amour de ce métier. Du contenu, il a besoin Pour lancer toujours à l’assaut Ses Poilus ! Pour être un héros Il faut parfois beaucoup de vin… L’offensive est sa stratégie, Attaquer ! Toujours attaquer : Les hommes tombent par milliers Inefficace tragédie. En trois semaines de combat Les morts sont plus de trois cent mille ! Cette stratégie imbécile Lui vaudra la gloire ici-bas ! Avec Foch et avec Nivelles, Sa politique de l’autruche Ne dégonfle pas sa baudruche Ni sa stratégie criminelle. Devant ce résultat fatal 258 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Un beau jour le gouvernement Lui ôte son commandement… …Et puis le nomme maréchal ! (En ce temps il n’était pas rare D’agir avec délicatesse ; Même envers la scélératesse Il fallait garder des égards.) Il a failli perdre la guerre, Il a massacré ses soldats En mille inutiles combats : Bien sûr, on ne s’en soucie guère De nos jours et son nom fleurit Sur les murs de nos avenues, De nos boulevards, de nos rues Et même en plein cœur de Paris. Que devint-il ? N’ayez pas peur ! Car il entra, j’en suis bien aise, Dans notre Académie Française ; Ceci nous réchauffe le cœur Comme le coeur glacé et nu De tous ses hommes massacrés Parmi lesquels est consacré Celui du Soldat Inconnu ! C’est un bonheur, dans notre France, On sait glorifier l’aventure, Reitlag.fr 259 L’EnVers de l’Histoire de France On sait étouffer l’imposture Et sanctifier l’incompétence « …Mais un âne les commandait. » Il paraît que la Ligue de Défense des Ânes se plaint de cette assimilation. Princeps Gallorum asinus erat ! Quand Joseph Joffre fut écarté du commandement, on lui substitua Ferdinand Foch, qui avait été son élève et son subordonné, et qui réussit l’exploit d’atteindre au même niveau que son maître. Oh le bel attelage ! Joffre, Foch et Nivelles ! Pour mener au naufrage Ils tiraient les ficelles. Ferdinand Foch était élève des jésuites Quand il était petit mais cette éducation Assez propre à mêler l’esprit et l’eau bénite N’a pas probablement inspiré son action. Sous les ordres de Joffre, en Quatorze, il commande Une armée et bien sûr applique la tactique Qu’il avait enseignée, et l’armée allemande Massacre les Français de façon dramatique. Car la tactique était de toujours attaquer ! « Si mon centre a cédé je ne puis me mouvoir » Disait-il, « Aussitôt, j’attaque les côtés ; Si cèdent les côtés, il est de mon devoir 260 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France De trouver un endroit où je puisse attaquer ! » Sur la Somme il combat et finit en déroute ; On considère alors qu’il vaut mieux l’écarter Et c’est de l’Italie qu’il doit prendre la route. Mais vite on le regrette, on l’appelle, il revient, Il fait quelques combats, il gagne des médailles, Est chef d’état major du général Pétain ; Enfin il négocie au congrès de Versailles ; Il y est, parait-il, plus dur que Clemenceau Envers les Allemands et, quand on sait la suite, On peut bien regretter que le roi de l’assaut, De Versailles alors n’ait pu prendre la fuite. Il savait bien parler, le brillant Ferdinand Citons-le, que ceci ne soit pas méconnu : « Un combat est gagné » disait-il « pour autant Que l’on ne reconnaît jamais qu’on l’a perdu ! » Il est fait maréchal de France, évidemment, Mais de Pologne aussi et même d’Angleterre ; Il eût pu l’être aussi fait par les Allemands Pour les Français qu’il a bêtement mis sous terre… La guerre de tranchés se continue vaillamment tout au long de 1915 et 1916, sans qu’aucune partie ne prenne d’avantage décisif. En 1917, il se passe des choses nouvelles : le général Robert Georges Nivelle est nommé commandant en chef des armées. Il Reitlag.fr 261 L’EnVers de l’Histoire de France prévoit un plan très élaboré pour une attaque décisive. Hélas, il parlait beaucoup et son plan parvient, semble-t-il, entre les mains des Allemands. Quoiqu’il en soit, il lance le 16 avril 1917 l’offensive du Chemin des Dames : un désastre qui coûte la vie de 400.000 hommes pour rien (environ 200.000 Français et au moins autant d’Allemands). Voilà qui mérite d’être inscrit au Guinness book des déroutes militaires ! En avril toujours, à la suite de la découverte, par le président Woodrow Wilson, d’un projet de rapprochement entre le Mexique et l’Allemagne, les Etats-Unis entrent en guerre. On dit parfois que ce motif, le « télégramme Zimmermann », ne fut qu’un prétexte sur lequel s’appuya Wilson : il voulait entrer en guerre et son peuple ne le voulait pas : le « télégramme » fut un excellent prétexte (en 1941, quand le président Roosevelt voulait entrer en guerre contre l’avis de son peuple, il y eut Pearl Harbor ; en 2001, avant l’invasion de l’Irak, le « 11 septembre » : le « télégramme » a coûté moins cher !) En mai, le gouvernement français remplace Foch par le général Pétain, comme général en chef. Pétain change de stratégie et renonce à l’ «offensive à outrance ». On voit qu’après trois ans de désastres et de massacres inutiles, l’état-major français avait su modifier sa stratégie : saluons cette manifestation de réactivité ! Milites galli rapidi sunt ! A cette même époque, les puissances de l’Axe chargent le prince Sixte de Bourbon Parme d’une 262 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France mission de bons offices auprès de la France pour définir les conditions d’une paix honorable pour les deux parties. Le gouvernement d’Aristide Briand qui eût pu être favorable à une telle solution venait de tomber ; un gouvernement belliciste était au pouvoir : celui de Georges Clemenceau qui ne voulait pas en entendre parler ; on était reparti pour presque deux ans de carnage. Trois ans de combats sans vainqueur, Trois ans de sang, trois ans de pleurs, N’et-il pas temps de s’arrêter ? N’est-il pas temps de négocier ? Non ! A dit monsieur Clemenceau ; Le triomphe sera plus beau Quand nous l’aurons payé du prix D’encor quelques millions de vies. Le 27 mai 1917, le pape Benoît XV promulgue le nouveau code de droit canonique…ça n’a aucun intérêt, Mohammed ? J’en suis bien d’accord avec vous, mais en tant que cardinal, il s’impose à moi d’affirmer ainsi qu’en pleine guerre mondiale, le pape ne se désintéressait pas des questions essentielles. Je précise à tout hasard pour notre ami Moussa que le droit canonique n’a rien à voir avec l’artillerie… On se massacre par le monde. Tout autour de la terre ronde Reitlag.fr 263 L’EnVers de l’Histoire de France Résonne le son du canon… Au Vatican Pendant ce temps On étudie le droit canon ! Le 26 octobre 1917, en Russie, Vladimir Oulianov, dit Lénine renverse le gouvernement Kerenski, impose le pouvoir bolchevique et cesse les hostilités avec l’Allemagne. Tenez, mon bon Mohammed, je ne puis résister à vous donner lecture de cette ode à ce monsieur Lénine que vous admirez tant. Quand la médiocrité Epouse le pouvoir Il en naît trop souvent bien des calamités, Ainsi qu’on va le voir. Vladimir Oulianov n’avait pas de métier Mais il avait compris comment gagner sa vie, Il en avait chargé Nadedja, sa moitié, Elle s’y employait, il en était ravi. Il s’agita un peu contre Nicolas II (Ce tsar, nous l’avons vu, était peu libéral) Et il fut exilé bientôt sous d’autres cieux, Au bord de la Lena, romantique canal. Et puis il part en Suisse, en Pologne, à Paris Où il vit aux crochets, toujours, de Nadedja, Et toujours il complote et toujours il écrit, 264 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Attend le jour où la Révolution viendra. La voici ! Elle est là, au début de Dix-sept, Il lui faut revenir ! Alors les Allemands Lui offrent le voyage et bien sûr il accepte, Il monte dans le train et part vers le levant. (L’empereur allemand avait bien sûr compris Que tout ce qui pouvait importuner le tsar Que tout ce qui pouvait affaiblir la Russie Etait bon ; Vladimir est parti sans retard !) Mais la Révolution éternue et s’enroue, Notre héros juge alors qu’il est bon de s’enfuir En Finlande et d’attendre un automne plus doux ; La dialectique doit parfois pouvoir servir. Il revient en octobre et il prend le pouvoir, Il fait alors la paix avec les Allemands, Renverse le régime et fait périr le tsar Et mène le combat contre les paysans. De Vladimir alors surgit la vraie nature, Il terrorise assez et déporte beaucoup Il installe en Russie une autre dictature Mais, lors d’un attentat, prend une balle au cou. On dit qu’il en est mort quelques années plus tard ; C’est douteux, même si ce glorieux sacrifice Eût doré son blason, eût servi à sa gloire : En fait, il est mort d’un accès de syphilis. Reitlag.fr 265 L’EnVers de l’Histoire de France Vous voyez comme les politiciens français avaient été inspirés de refuser de discuter de la paix au début de 17 : à la fin de la même année, la Russie s’était retirée du combat et l’Allemagne pouvait se concentrer sur son front ouest ! La tâche pour les Français devenait ainsi plus difficile ? Et alors ? La victoire n’en serait que plus belle ! « …A vaincre sans péril… » Le 2 novembre 1917, dans une lettre au banquier juif étasunien Lionel Rothschild, Lord Balfour, ministre anglais des affaires étrangères, promet la création en Palestine d’un Foyer Juif. Il espère ainsi s’attirer les bonnes grâces des banquiers juifs de New York, qui étaient partagés entre l’Angleterre et l’Allemagne. Comme l’Angleterre avait fait également des promesses aux Arabes, toutes les conditions d’un long conflit régional étaient en place. Il eut lieu, il dure toujours et il durera encore longtemps. Britanicorum mala fides magnissima est ! Monsieur Balfour était anglais. Il voulait s’assurer l’appui Des plus grands banquiers juifs et puis Des Cheikhs arabes : s’il vous plait ! Alors il fit un deal parfait Et à chacun il a promis De donner le même pays… …Monsieur Balfour était anglais ! 266 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Le 17 novembre 1917, Georges Clemenceau, qui avait déjà fait avorter la tentative de médiation du prince de Bourbon Parme, forme un gouvernement sur un projet très simple : « La guerre. Rien que la guerre »…et quelques millions de morts de plus, au passage. Voilà pour 1917, année où à « l’arrière », l’« espionite » faisait rage. Mata Hari, une malheureuse danseuse qui, pour arrondir ses fin de mois, pratiquait à l’occasion le même métier que mademoiselle Lulu, en fit les frais jusqu’à en perdre la vie. « Voici », me direz-vous, « une affaire troublante, Obscure et mystérieuse, en un mot, excitante… » Hélas il n’en est rien, c’est une triste histoire, Celle de Geertruida et de tous ses déboires. Elle était très jolie, elle avait mille amants Et elle dansait nue provoquant des tourments Aux âmes torturées des bourgeois patriotes A qui se dérobait la belle polyglotte ; Elle parlait français, allemand et anglais Et russe un petit peu, bien sûr néerlandais Mais elle ne s’offrait qu’à de beaux militaires, Leur nationalité n’étant pas son affaire ! Entre autres elle aima Vadim, un jeune Russe Puis Kalle, un espion qui venait de la Prusse ; Reitlag.fr 267 L’EnVers de l’Histoire de France Avec quelques Français, elle eut des aventures ; Et puis des Anglais pour faire bonne mesure. Une telle conduite est assez sympathique A mes yeux, mais l’Europe est alors fanatique ; Le temps n’est pas au flirt mais au nationalisme Qui se nourrit, hélas, souvent de mysticisme. Mata Hari devient un dangereux symbole, Il convient au plus tôt d’abattre cette idole, On invente une affaire, on lui monte un procès, Au nom de la patrie et du peuple français. Par un triste matin, près du fort de Vincennes, Un noble peloton procède au rite obscène : On la fusillera, à genoux et de dos (Ainsi, de l’infamie, se porte le fardeau). Le lendemain matin, un sinistre humoriste (53) Racontant en détail cette histoire bien triste Dit qu’« elle a succombé » (que les hommes sont bêtes…) « Comme elle avait vécu, c'est-à-dire en levrette ! » Clemenceau gouverna jusqu’à la fin de la guerre, jusqu’à la « victoire » alliée du 11 novembre 1918, qui laissa l’Europe exsangue et consacra la suprématie des Etats-Unis ; l’installation du communisme bolchevique en Russie pour soixantedix ans ; et qui prépara le terreau sur lequel le nazisme allait pouvoir se développer : quel succès ! 268 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Georges Clemenceau avait beaucoup d’esprit et de sens politique ; Avait-il également un réel sens stratégique quand il poussa à l’humiliation de l’Allemagne au congrès de Versailles ? Avait-il eu également du bon sens en avril 1917 quand il torpilla la tentative de médiation ? On peut en douter. Mais, ce qui est certain, c’est que nul n’a plus de rues et d’avenues que lui dans votre pays… Voici un monument Qui a connu l’argent Le pouvoir, les affaires, La passion et la guerre. Il était médecin, il était journaliste, Le « premier flic de France », antimilitariste : « Trop grave, assurément », disait-il, « est la guerre Pour qu’elle soit jamais confiée aux militaires ! » Et pourtant en Dix-sept, on le vit belliciste, Comme en Huit, il avait tiré sur les grévistes, « L’honneur est tout pareil », s’écriait-il parfois, « A la virginité : ça ne sert qu’une fois ! ». Si en Mil neuf cent vingt, il quitta le pouvoir, C’est que le parlement ne voulait pas le voir A l’Elysée, par peur de son autorité, De sa brutalité, de sa causticité. Alors il entra à l’Académie Française (Parmi les écrivains, il se sentait à l’aise) Reitlag.fr 269 L’EnVers de l’Histoire de France Il avait toujours eu l’amour du beau langage Qu’il ne perdit jamais, jusque dans son grand âge. Un jour à l’Assemblée on vit un député Le questionner avec quelque agressivité : « Ce problème, allez-vous donc le solutionner ? » Clemenceau dit « Je vais m’en ‘occupationner’ ! » Nous voici donc le 11 novembre 1918. Nous avons traversé aussi vite que possible ces cinq années qui ont détruit l’ancien monde pour en construire un nouveau ; ni pire ni meilleur, malheureusement. Le 28 juin 1919, fut signé en France le Traité de Versailles, qui fixait les conditions de l’après guerre. La France y était représentée par Clemenceau ; L’Italie par Orlando ; les Etats-Unis par Wilson et l’Angleterre par Lloyd George. Wilson voulait une solution apaisée, à même de favoriser le commerce mondial si utile aux Etasuniens ; Clemenceau voulait une solution vengeresse tenant en deux mots : L’Allemagne paiera ! Lloyd George résuma l’affaire, tel qu’il est dit à la fin du petit texte que voici : Il se fâche avec Clemenceau Après la guerre quand il faut Fixer le sort des Allemands. Il aurait jugé plus prudent D’être moins dur et nous savons Aujourd’hui qu’il avait raison ; Racontant ce débat, plus tard, 270 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Auquel Wilson avait pris part Il a dit : « Je m’en suis tiré Pas si mal car j’étais placé Entre, vous l’avez bien compris, Napoléon et Jésus-Christ ! ». Est-ce cette mansuétude politique qu’il avait envers l’Allemagne qui explique l’inclination que Lloyd George eut plus tard envers le chancelier Hitler ? Je ne me prononce jamais sur la psychologie des Anglais. De Britannicis animam comprehendi non potest ! La 1ère guerre mondiale instaura la suprématie des Etats-Unis sur le monde. On estime à 20 millions, le nombre total des morts de cette guerre : le nombre des victimes étasuniennes s’élève à 100.000 : 0.5% du total ! Et c’est à ce prix là que monsieur Wilson a ramassé la mise ! Tiré les marrons du feu ? Non, vous employez dans un sens courant mais erroné cette métaphore. Ceux qui ont tiré les marrons du feu – ce qui veut dire qu’ils se sont brulés les doigts – c’est les Français, les Anglais et les autres : les Etasuniens, eux, ils ont dégusté les marrons ...et ils les digèrent encore. L’Europe était en 1914 beaucoup plus puissante que les Etats-Unis ; en 1918, elle ne l’était plus ; et elle n’est pas près de le redevenir ! Monsieur Wilson avait donc bien fait d’engager dans la guerre un pays qui ne voulait pas y aller. Il y a des Reitlag.fr 271 L’EnVers de l’Histoire de France visionnaires, dans ce pays ; monsieur George W. Bush en est un autre exemple. Mais voyons qui est ce monsieur Thomas Woodrow Wilson : Quel bonheur car voici Que nous vient d’Amérique L’homme qui réunit Morale et Politique Thomas en son jeune âge était, à ce qu’on dit, Aussi gai que le sont les dignes croque-morts ; Il garda ce maintien tout au long de sa vie Et même dirons-nous jusqu’au jour de sa mort. Mais pour lui la morale était son guide unique Et il voulut bien sûr en faire profiter Tous les peuples vivant dans la grande Amérique Et ceux habitant de plus lointaines contrées. Ainsi, par deux fois, il envahit le Mexique, Pour lui « enseigner la sainte démocratie » ; Cette mission l’entraîne aussi en Dominique Et puis, puisqu’il le faut, jusques en Haïti. C’est la guerre en Europe ! Et les Américains Veulent s’en préserver mais, grâce à Zimmermann Et le message qu’il adresse aux Mexicains, Wilson peut décemment, dans cette guerre insane, Engager son armée, engager son pays Pour faire triompher la bannière étoilée 272 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Dans les plis de laquelle une démocratie Morale autant que vraie peut leur être apportée ! A Versailles alors, quand la guerre est finie, Que se termine enfin cet épisode affreux, Wilson mène le jeu de la démocratie Et peut bien sûr tirer tous les marrons du feu *. Sa vie privée était sainte comme un dimanche ! On sait qu’à Washington, Edith, sa digne épouse, Pendant la guerre avait mis à la Maison Blanche Un troupeau de moutons pour tondre la pelouse ; Et la laine vendue par la Première dame Avait été versée aux fonds de la Croix Rouge… …Pendant ce temps, Thomas, comportement infâme Rencontrait sa maîtresse en quelque secret bouge ! * Car c’est souvent ainsi pour les grands de ce monde ; Ils prêchent la morale, en ornent leurs affiches Et mènent en cachette une conduite immonde… …Mais comme vous bien sûr, pour ma part, je m’en fiche ! Revenons en France au lendemain de la guerre. En janvier 1920, le mandat du président Raymond Poincaré arrivait à son terme. On s’attendait à ce que le président fût Clemenceau, le « Père la victoire », mais il avait trop d’ennemis et ce fut Paul Deschanel, un fin lettré et pur républicain qui fut élu. Reitlag.fr 273 L’EnVers de l’Histoire de France Monsieur Deschanel avait une forte élévation, mais malheureusement aussi une certaine fragilité, d’esprit. Un jour, il tomba du train et fut récupéré tout ensanglanté par un garde barrière qui ne le reconnut pas (en ce temps, les images ne circulaient pas comme de nos jours). « Je suis le Président de la république,» lui dit Deschanel. « Et moi la reine d’Angleterre », lui aurait répondu le garde barrière. Le garde barrière, confus a posteriori de cette non reconnaissance, jugea bon de préciser malgré tout un peu plus tard : « J'avais bien vu que c'était un ‘monsieur’ : il avait les pieds propres ! » On dit aussi qu’un jour, voulant nourrir les canards du bassin du château de Rambouillet, Deschanel manqua s’y noyer. On décida alors que monsieur Deschanel était fou et on envisagea de le destituer. Attristé par tout ceci, Deschanel démissionna le 21 septembre 1920, après huit mois de présidence. Clemenceau, son adversaire de toujours, dit : « Monsieur Deschanel a un bel avenir derrière lui ! » Je vais vous donner lecture de la notice nécrologique de monsieur Deschanel, telle qu’elle est parue dans la presse le 29 avril 1922. D’un homme d’état, on n’exige pas D’être intelligent Au-delà de tout Mais tout simplement, Il ne vaut mieux pas Qu’il soit au grand jour complètement fou 274 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France C’est un soir d’hiver que Paul Deschanel Est né à Schaerbeek, tout près de Bruxelles Et après une vie de politique Il est président de la République. Mais sitôt élu, son comportement Est un peu étrange : En se promenant Au bord d’un bassin, vite il s’y engage : On l’en sort à temps, avant le naufrage... Puis il prend le train, tombe sur la voie, Erre un long moment dans son pyjama ; Un homme le voit dans les héliotropes Et le reconnaît : « Ses pieds étaient propres » Après avoir eu huit mois de mandat, Il renonce et n’est plus chef de l’état, C’est bien malheureux car c’est rarement Que l’on en connaît d’aussi amusants. Les plus fous, je crois, de toute l’histoire, (C’est vrai et pourtant c’est à n’y pas croire) Plus que Deschanel, sont ses électeurs Qui l’année d’après l’ont fait sénateur ! Il faut donc un nouveau président : c’est le président du Conseil, Alexandre Millerand, qui est élu. Monsieur Millerand, ancien socialiste radical, était devenu très conservateur (c’est assez fréquent, Mohammed). Sitôt élu, Millerand fait appel à l’ancien président de la République, Raymond Reitlag.fr 275 L’EnVers de l’Histoire de France Poincaré, pour prendre la présidence du Conseil et se fâche bien vite avec lui sur la question des pouvoirs respectifs du président de la République et du président du Conseil (c’est assez fréquent aussi…) Chacun voulait voir ses pouvoirs renforcés ? Comment avez-vous deviné, Mohammed ? En juin 1924, Millerand se voit opposer une motion de défiance, quand le « cartel des Gauches » fut majoritairement élu. Le président Millerand nomme le 8 juin un gouvernement minoritaire, celui de monsieur François Frédéric-Marsal. Le 10, le gouvernement est renversé et monsieur Millerand démissionne. Encore un président démissionnaire ! L’Assemblée élit alors, le 13 juin 1924, un ancien président du Conseil de 1914, Gaston Doumergue. Au cours de son septennat, Doumergue allait avoir onze présidents du Conseil, dont les inévitables Aristide Briand et Raymond Poincaré, l’ancien président de la république. C’est sous la présidence de Doumergue que furent engagés les travaux de la « Ligne Maginot », qui allait si bien protéger votre pays, dix ans plus tard. L’hypothèse sur laquelle travaillait l’état major français était simple. La Belgique serait neutre ; les Allemands, comme en 1870, n’oseraient pas la traverser. Mais, disaient certains : « en 1914, ils ont osé ». « Oui, leur répondait-on, mais ce Kaiser Guillaume II était un frustre et un mal élevé ; les 276 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Allemands d’aujourd’hui, touchés par la grâce de la démocratie, ne sont pas ainsi. » Certains disent que le gouvernement était moins naïf et qu’il voulait obliger les Allemands à passer par la Belgique et à écraser ce petit pays, ce qui entraînerait automatiquement l’entrée en guerre de l’Angleterre. Génial, n’est-ce pas ? Je ne suis pas sûr que ce soit l’avis des Belges… Qu’a fait de marquant monsieur Doumergue durant son septennat ? Voici, Mohammed, j’ai trouvé : il a inauguré, le 15 juillet 1926, la Grande Mosquée de Paris. Et les femmes, Moussa ? Eh bien, monsieur Doumergue, « Gastounet », comme on l’appelait alors, fut le premier président de la République (avant votre Président actuel) à se marier durant son mandat. A l’âge de soixante-huit ans, il épousa une jeune femme d’une cinquantaine d’années qui était, disait-il, son amour d’enfance. Compte tenu de la différence d’âge, monsieur Doumergue devait avoir dans sa jeunesse des tendances pédophiles… A l’issue du mandat de Gaston Doumergue, l’Assemblée porta aux fonctions de président de la République Paul Doumer, un ancien gouverneur de l’Indochine qui était président du sénat. Que fit-il, durant son mandat ? Pas grand-chose…on ne lui en laissa pas le temps : le 7 mai 1932, il était assassiné à coups de revolver par un Russe, Paul Gorguloff, qui fut guillotiné l’année suivante. Pardon, Mohammed ? « Voilà un communiste Reitlag.fr 277 L’EnVers de l’Histoire de France internationaliste du pays du prolétariat qui éliminait un suppôt de la ploutocratie bourgeoise et qui est à son tour victime de la répression réactionnaire… » ? C’est très beau, ce que vous dites là, malheureusement, Mohammed, Gorguloff était membre du parti fasciste russe en exil…On a bien fait de le guillotiner ? Vous voyez bien qu’il vous arrive d’approuver la politique de votre pays ! Bon, exit Paul Doumer, si j’ose dire ; il fallait un nouveau président. Ce fut Albert Lebrun, le président du sénat, qui en huit ans de mandat fit mieux que son prédécesseur Doumergue en ayant seize présidents du Conseil successifs, dont entre autres, Doumergue lui-même. Lebrun accéda à la présidence à peu près en même temps qu’Hitler accédait au pouvoir (30 janvier 1933) et il quittera ses fonctions à peu près au moment où Hitler entrera dans Paris à la tête de ses troupes. En Allemagne, le président de la République était le maréchal Paul von Hindenburg. En 1925, Hindenburg avait été élu contre son compère de la guerre, le général Erich Ludendorff, qui s’était présenté sous l’étiquette du NSDAP, le Nationalsozialistische deutsche Arbeiterpartei, futur parti Nazi. Ludendorff n’avait obtenu que 1.1% des suffrages ! En 1932, Paul von Hindenburg avait été réélu contre Adolf Hitler (qui cette fois avait obtenu 30% des votes.) 278 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Quand dans notre récit survient soudainement Un homme pétri des qualités de noblesse Bien rares aujourd’hui, sur notre continent, Ne lui demandons pas, en plus, de la finesse. Il était un « Junker » (c’est un Noble prussien) Et il en était fier, on le serait à moins. Mais sa mère étant Suisse et d’aucune noblesse Le petit Paul en eut une grande tristesse Si bien que, de sa vie, jamais il ne cita Le nom de cette mère arrivée de si bas. Il était royaliste aussi, de tout son cœur Et ne vivait jamais que pour le Kaiser. Pendant la grande guerre, il s’offrit les lauriers Que Ludendorff avait si durement gagnés ; Et quand le kaiser fit son abdication Il devint président (avec sa permission). Pour ce noble prussien aimant tant le pouvoir C’est « ErsatzKaiser » qu’on disait à Weimar Quand on parlait de lui, doucement, à voix basse (Car bien évidemment, il n’eût aimé « Ersatz ».) Quelques années plus tard, la poussée populiste Amena le pouvoir National-socialiste Le président trouva un nouveau Kaiser, Il le fit Chancelier : son nom était Hitler. Reitlag.fr 279 L’EnVers de l’Histoire de France Ainsi donc, à la suite des élections de 1932, le président Hindenburg appela Hitler aux fonctions de chancelier, ce qui inquiéta les gouvernements européens et, en particulier, le gouvernement français. Ce monsieur Hitler ayant exercé indirectement le pouvoir sur votre pays durant cinq ans, il convient que nous fassions avec lui plus ample connaissance Un jour, un jeune artiste Devint un militaire ; La suite fut bien triste : Il s’appelait Hitler. Il quitta ses pinceaux, son chevalet, ses toiles Pour quatre ans de combat dans les tranchées immondes ; Dans la boue, dans le froid, veillé par les étoiles, En une guerre qui embraserait le monde. Peut-être est-ce l’effet du brutal traumatisme De la guerre vécue mais Hitler de retour, Plonge dans la violence et dans le fanatisme Et bien vite répands le malheur alentour. Que puis-je raconter qu’on ne sache déjà ? Les tombes par millions sont là pour témoigner Des crimes, des folies de ce dictateur là (Sans compter ceux qui n’ont pas pu être enterrés.) Mais en Hitler il reste des zones obscures, 280 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Ses origines sont douteuses, incertaines ; De qui fut son vrai père, on n’est pas vraiment sûr : On dit que du sang juif a coulé en ses veines ! En 1935, pour se prémunir contre l'Allemagne en voie de nazification, le Président Lebrun et le président du Conseil Barthou signent le traité francosoviétique d’assistance mutuelle avec Staline. Le maréchal faisant partie de vos « icônes », Mohammed, mérite bien cette petite élégie : Bénie Soit la Russie Qui au cours de l’Histoire Nous offre des héros Fins, raffinés et beaux Qui nous rendent l’espoir ! * Joseph était séminariste, Voici un bon commencement ! Toujours les meilleurs communistes Sont élevés dans les couvents. Son père était fort oppressif ; Voila qui est intéressant Car si Joseph fut agressif, Ceci provient évidemment De cette enfance tourmentée ; Il est mille psychanalystes Reitlag.fr 281 L’EnVers de l’Histoire de France Aujourd’hui pour en attester (Je puis vous en donner la liste). Il évolue, devient Marxiste, Il entre au parti bolchevik Et puis au Parti communiste Dont il devient un fanatique. Lénine est mort, Trotski chassé Staline alors prend le pouvoir, Fait table rase du passé : « On va voir ce que l’on va voir ! » Et l’on a vu : Pendant trente ans Les purges, les assassinats, Les déportations et les camps… Tout ce qu’ici on admira ! Car il eut droit à tous honneurs, Staline, ici, pendant ce temps Car c’était bien pour leur bonheur, Pour l’avenir de leurs enfants Que Staline, le « Petit Père », Devait punir, de temps en temps, Ses concitoyens de misère : « Demain, on vivra en chantant !» Il est mort et il fut pleuré Par ceux qu’il avait fait souffrir : C’est un trait de l’Humanité 282 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France D’honorer ceux qu’on voit partir… Et aujourd’hui que reste-t-il Dans nos mémoires oublieuses, Dans nos mémoires volatiles, De cette épopée merveilleuse ? On déboulonna ses statues, On a débaptisé ses places, On a débaptisé ses rues… …Cette ingratitude me glace ! En mars 1936, en réaction à ce traité, Hitler réoccupe la Rhénanie. C’était de la part du chancelier un véritable « coup de poker » car l’armée allemande n’était pas prête. Alors qu’une simple « opération de police », dit-on, eût pu alors mettre fin à cette infraction aux accords de Locarno de 1925. A Paris, le gouvernement Sarraut ne réagit pas. La dernière chance d’empêcher la guerre avait sans doute été perdue. En juillet 1936, la guerre civile espagnole commence ; elle durera trois ans et sera gagné par un autre géant de l’époque, le général Francisco Franco. Ce n’est pas parce qu’il choisit de se tenir à l’écart du conflit mondial, que nous n’allons pas lui rendre hommage : Grâce à sa perspicacité Et un peu d’opiniâtreté Sa carrière a toujours été Reitlag.fr 283 L’EnVers de l’Histoire de France Menée dans la continuité. Le petit Franco (« Paquito ») Etait né dans une famille Qui lui avait appris bientôt L’union du sabre à la mantille, Le sabre qu’on porte au combat Contre toutes les républiques Et la mantille que l’on voit Aux saintes fêtes catholiques. Le voici bien vite soldat En Afrique où il est connu Pour son ardeur dans les combats Et sa cruauté bienvenue Envers l’ennemi indigène A l’égard de qui il applique Sans état d’âme ni sans gêne Et d’une façon mécanique Les mêmes manières que lui : Ainsi ses soldats violent, pillent, Mais seulement chez l’ennemi ; Ils ont le sens de la famille. Puis Franco devient responsable De l’Académie militaire ; Ses décisions sont admirables, On ne doit pas ici les taire : 284 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Pour éviter que ses soldats Ne forment des « couples » coupables Qui pourraient se livrer parfois A des actes abominables Il décide que les chambrées Comporteront toujours trois lits… …Certains pourraient imaginer Qu’aux soldats, il offrait ainsi Les plaisirs des amours de groupe Qui sont, dit-on, si envoûtants Et qu’on aime tant dans la troupe… …Mais je n’y crois pas un instant, Il a trop de moralité Ce si rigoureux Espagnol Pour qu’en lui, puissent s’abriter Des pensées troubles et frivoles. Et puis voici la République Par Satan, régime inspiré ; Et pour l’Espagne catholique Franco se doit de se lever ! Il se lève et lève une armée, Fait la guerre et prend le pouvoir ; La dictature est instaurée : C’est son droit car c’est son devoir. Reitlag.fr 285 L’EnVers de l’Histoire de France Pour ça, il est un peu aidé Par Mussolini, par Hitler ; Quand on doit trouver des alliés, A tous, ils peuvent ne pas plaire. Et voici la guerre mondiale, Il reste neutre et réservé Car il eût pu être fatal A l’Espagne de s’engager ; Mais quand on a de vieux amis Et que l’on sait ce qu’on leur doit, L’aide qu’un jour ils ont fournie, Il faut bien sûr, comme il se doit, Un peu renvoyer l’ascenseur, Leur rembourser ce qui est dû ; Ce n’est qu’une question d’honneur, C’est un prêté pour un rendu. Alors il doit aider un peu Les Italiens, les Allemands Et, à l’armistice ne peut Eviter le ressentiment Des Alliés, vainqueurs de la guerre ; Mais la Guerre Froide survient Et ce courroux ne dure guère Puis bientôt les Américains De Franco se font un ami ; 286 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Et lui, il continue sa route, Trente-cinq ans sans grand souci, Sans regret et sans même un doute. Isabelle la Catholique Fernando Trois, Torquemada Les plus grands héros ibériques Seraient fiers de cet homme là. En octobre 1936, le duce Benito Mussolini, fâché que la France et l’Angleterre ne le laissent pas mener sa politique coloniale (alors que ces deux pays ne se gênaient pas pour conduire la leur et que Mussolini s’était pourtant engagé à ne pas marcher sur leurs plates-bandes…), se rapproche d’Hitler. Je vous ai présenté MM Staline, Hitler, Franco ; je manquerais à mes devoirs si j’omettais de vous conter qui était Benito Mussolini. Il est parfois ardu de bien tenir la route, De suivre son chemin d’une façon adroite ; On commence gaiement, on finit en déroute, On entreprend à gauche et l’on termine à droite. Dans un petit village, en Romagne, il naquit Et vite, en politique, il devint socialiste Avant que d’être exclu du sein de son parti, Et savez-vous pourquoi ? Pour actes de gauchisme ! Benito en ce temps est fervent pacifiste ; Et il s’oppose à la conquête de Libye Reitlag.fr 287 L’EnVers de l’Histoire de France Mais la guerre survient : Il devient belliciste ; Ca change son histoire et le cours de sa vie. Il a de l’ambition, il aime le pouvoir Ses escouades attaquent tout ce qui résiste ; Il marche alors sur Rome et ses « chemises noires » Offrent à leur « Duce » un triomphe fasciste. Il n’aime pas Hitler : « C’est un polichinelle ! » Dit-il quand il le voit pour la première fois « C’est un fou et, en plus, un obsédé sexuel ». Son avis était sain, à tout le moins, parfois. Mais quand il fait la guerre en Afrique, en Libye, La France et l’Angleterre aussitôt lui reprochent Son besoin impérieux d’avoir des colonies (On ne sait trop pourquoi car ces amis si proches S’étaient bien peu gênés dans un passé récent Pour découper l’Afrique et se la partager Mais, ce que l’on s’accorde, il faut évidemment Le refuser à l’Autre : ainsi va l’équité !) Alors il est fâché et tombe dans les bras D’Hitler et des Nazis et se laisse entraîner Dans une guerre affreuse où il ne brille pas, Où son pauvre pays finit par succomber. Il n’était pas Nazi quoique totalitaire ; Il n’était pas raciste et des Juifs par milliers, De France en Italie ont fui pendant la guerre 288 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Et grâce à Benito ont pu être sauvés. Et puis, l’allié d’Hitler a connu deux maîtresses, D’abord Angelica et puis Margherita, Et ces femmes pour qui il eut tant de tendresse Etaient Juives… La vie, c’est parfois comme ça ! Et voilà : les acteurs et les ingrédients d’une belle guerre mondiale étaient réunis ; il ne manquait plus que l’étincelle. Heureusement, votre pays avait sa ligne Maginot. * En mars 1938, Hitler décide du rattachement de l’Autriche à l’Allemagne, l’anschluss, approuvé après coup par un plébiscite largement favorable. En septembre, c’est la Tchécoslovaquie et la conférence de Munich. Les alliés concèdent à Hitler le droit de s’emparer d’une partie de la Tchécoslovaquie, la région germanophone des Sudètes. Il le fait et, dans la foulée, installe un pouvoir favorable à Prague (Contrairement à ce qui est trop souvent dit, l’accord de Munich ne portait que sur les Sudètes et par sur l’ensemble de la Tchécoslovaquie.) Le ministre français qui participait à la délégation était Edouard Daladier. Un mot parfois suffit A votre renommée ; Je vais vous dire ici Reitlag.fr 289 L’EnVers de l’Histoire de France Celui de Daladier Un beau jour de Trente-huit, il avait pris le train Pour Munich, pour y voir le chancelier Hitler ; Il y accompagnait Neville Chamberlain : Le but de ce voyage est d’empêcher la guerre. On connaît l’aventure, on en connaît l’issue. On parle, on négocie, on tente et on s’incline ; On a le déshonneur et son mouchoir dessus Et l’on rentre au pays triste et d’humeur chagrine. C’est une foule en liesse à l’arrivée du train Qui l’attend à Paris, chantant à l’unisson Son grand soulagement en mille et un refrains… …Daladier doucement a murmuré : « Les cons … !» * En 1939, la guerre qui devait arriver, arrive. L’Allemagne s’empare, directement ou au travers de gouvernements favorables, de nombreux territoires en Europe centrale, ne soulevant que des protestations ; puis, le 1er septembre, des soldats allemands déguisés en Polonais, sabotent un poste frontière allemand. C’est une ruse d’une Kolossale finesse qui ne trompe pas grand monde mais qui justifie que l’Allemagne envahisse la Pologne. 290 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Mes amis, je ne vais pas vous raconter la guerre de 39-45. Pourquoi ? Parce que c’est trop long et trop compliqué. Allons à l’essentiel : il y a les Bons et les Méchants ; the good guys and the bad guys. - - - - Les Méchants, c’est l’Allemagne et le Japon, Les Bons, c’est L’Angleterre (!) Les Méchants devenus Bons : c’est les Soviétiques, devenus Bons à partir de juin 1941, date où ils sont attaqués par l’Allemagne (avant, ils étaient Méchants, en raison du pacte germano-soviétique) : c’est l’Italie, chez les Bons à partir d’avril 1944 (il était temps…) et chez les Méchants auparavant. Les Neutres devenus Bons : c’est les EtatsUnis, à partir du 7 décembre 1941, quand le Japon les attaque à Pearl Harbor ; et du 8 décembre, quand l’Allemagne leur déclare la guerre. Les Neutres Méchants : c’est l’Espagne, amie de l’Allemagne et de l’Italie mais qui ne prit pas part aux combats (avec trois ans de guerre civile, elle avait déjà largement donné…) Les Neutres Neutres : c’est la Suisse, coffrefort du monde, qui gardait aussi bien les avoirs des Juifs que ceux des Nazis...et qui dispose aujourd’hui des avoirs que ni les uns ni les autres ne sont venus réclamer ! Reitlag.fr 291 L’EnVers de l’Histoire de France - - - Les Neutres Bons : c’est le Vatican, qui préservait un havre de paix pour la sainteté et la méditation, et qui est un état auquel j’ai l’honneur d’appartenir aujourd’hui. Les Petits Malins : c’est ceux qui entrèrent en guerre quand la victoire ne faisait plus de doute, tels que l’Argentine qui déclare la guerre à l’Allemagne le 27 mars 1945, soit 34 jours exactement avant le suicide d’Hitler ! Les Pas Clair : c’est la France, mes pauvres amis, qui était à la fois chez les Méchants avec le gouvernement de collaboration de Vichy et chez les Bons avec le gouvernement en exil à Londres. Au bout du compte, les Bons ont gagné (c’est toujours les « bons » qui gagnent puisque ce sont les vainqueurs qui distribuent les bons points…) ; certains Méchants sont devenus définitivement Bons : L’Allemagne, l’Italie, la France, le Japon ; d’autres Méchants, devenus provisoirement Bons, sont redevenus Méchants pour un certain temps : l’URSS, jusqu’à sa chute en 1991. Aujourd’hui, tout le monde est Bon et il n’y a plus de guerre. Pardon, Mohammed, il y en aurait encore ? Que voulez-vous, au Vatican, comme Pie XII durant le conflit, nous sommes toujours plongés en oraison ; nous n’avons pas le temps de regarder les Actualités. 292 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Je vais quand même vous parler de la politique française pendant la guerre, puisque c’est notre sujet. L’armée française était commandée en 1940 par un général aussi génial que bien de ceux qui l’ont précédé : le général Maurice Gamelin. Ce brillant élément de l’école de guerre française, mérite que l’on s’intéresse un instant à son cas. Quand le vent du printemps Souffle par rafales Il lui faut peu de temps Pour emporter, sans gène Les feuilles de chêne. Ça lui fut fatal ! * C’était le plus intelligent, Le plus fin, le plus cultivé Et quand il s’adressait aux gens, Il se montrait bien élevé. Il fut brillant dans ses études Puis fut un bon exécutant En Quatorze (époque si rude) Et ses chefs en étaient contents. Alors grâce à l’ancienneté (La grande vertu militaire Qui cache l’incapacité), On lui confia l’Armée de Terre Reitlag.fr 293 L’EnVers de l’Histoire de France En Trente Neuf et sans façon Il fit preuve des qualités : L’hésitation, l’indécision, Qui le rendaient si distingué. Puis en Quarante, le dix mai, Le conflit soudain se déchaîne : Pendant neuf jours, il est terré Au cœur du château de Vincennes ! L’armée française est écrasée Et Gamelin propose encore Les réflexions sophistiquées Que son beau cerveau élabore. Le dix-neuf, il est dégradé Et il perd son commandement Que Paul Reynaud a attribué La veille au général Weygand. Il commanda moins de dix jours, C’est vraiment une performance ; C’est un record qui tient toujours Au tableau de l’incompétence. Le 10 mai 1940, l’Allemagne attaque en effet la France ; le 23 juin, Hitler est à Paris. Entre-temps, près de 70.000 soldats français sont morts ; courageusement, et pour rien. Le 16 juin, le colonel de Gaulle, qui avait été nommé le 5 du même mois sous-secrétaire d’Etat à la guerre 294 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France dans le gouvernement de Paul Reynaud, téléphone de Londres au président du Conseil le texte de la note de Jean Monet sur le projet de fusion anglo-français dans une seule nation : The Anglo-French Unity (54). Vous imaginez, mes amis ? Avoir fait la guerre à l’Angleterre pendant plus de dix siècles pour fusionner ainsi ? Par bonheur, monsieur Reynaud ne donne pas suite à cette folie : il démissionne ! Le président Lebrun charge alors le maréchal Philippe Pétain des fonctions de président du Conseil. Le 18 juin, Charles de Gaulle lance son célèbre appel. Charles de Gaulle est sûrement un magicien ; en effet, presque personne n’a entendu son appel ce jour là (personne n’écoutait encore la radio anglaise dont les conditions de réception en France étaient, au demeurant, très mauvaises), mais presque toute la France s’est souvenue, au lendemain de la guerre, l’avoir entendu ! Si ce n’est pas de la magie, ça ? Le 10 juillet, l’Assemblée Nationale, réunie à Vichy, attribue par 569 voix sur 649 présents (170 sont absents) au président Pétain et à son gouvernement « tout pouvoir…à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l’État français. Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. » L’Assemblée Nationale avait donc décidé très majoritairement de mettre fin, plus ou moins légalement (55), à la Constitution de la Troisième République : ce fut la naissance de l’Etat Français. Philippe Pétain était aussi un magicien…mais, à l’envers. En 1940, toute la France, à très peu Reitlag.fr 295 L’EnVers de l’Histoire de France d’exceptions près, était derrière lui ; à la fin de la guerre, plus personne ne se souvenait l’avoir soutenu… Magic, isn’t it ? Parfois la vie est bien cruelle De permettre au pauvre mortel De faire un peu plus que son temps Et de vivre un peu trop longtemps. * D’abord un brillant militaire, On lui confie, pendant la guerre, Après Joffre, Foch et Nivelle (Dont les actions exceptionnelles Avaient valu à nos armées D’être enfermées dans leurs tranchées Malgré l’offensive à outrance, Qui faisait l’honneur de la France Mais jetait sans utilité Au sol, les soldats par milliers) Le commandement des armées ; Et il s’en est fort bien tiré. Il a regagné la confiance Des Poilus, soldats de la France Et, en Dix-huit, c’était fatal, Le voici nommé maréchal ! L’académie française alors 296 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France L’accueille bien sûr en son corps Et puis enfin, ce vieux garçon, Epousera madame Hardon. (Il avait soixante cinq ans Mais attendait depuis vingt ans Qu’elle dît « oui » ; quelle constance !... …Mais il n’eut pas de descendance !) Après une vie de labeur Couronnée par tous les honneurs Il aurait pu se reposer Sous sa couronne de laurier… …Bientôt, hélas, voici Quarante Et le retour de la tourmente Et, pour surmonter la défaite, Il faut une nouvelle tête. Pour signifier le renouveau, Vite, nommez un jouvenceau Au gouvernement, au pouvoir, Pour triompher des heures noires ! Il n’a que quatre-vingt quatre ans ! Alors c’est lui, évidemment Que l’on rappelle et que l’on met Au sommet de l’Etat Français. Je ne vous dirai pas la suite, Les quatre années avant la fuite, Reitlag.fr 297 L’EnVers de l’Histoire de France Sigmaringen et les adieux Et puis l’exil sur l’île d’Yeu. * On respecte trop le grand âge Car la vieillesse est un naufrage ; Mais fallait-il qu’il entraînât La France en ce naufrage là ? L’Histoire de France, entre 1940 et 1945, se déroula entre La France Libre, à Londres ou en Afrique, la zone occupée et la zone non occupée (jusqu’au 11 novembre 1942), contrôlée par le gouvernement de Vichy. Tout d’abord, Pétain (qui avait été nommé chef de l’Etat Français) confie le gouvernement à Pierre Laval, un riche homme politique qui avait déjà été président du Conseil et qui est favorable à une franche collaboration avec l’Allemagne : il déclare le 22 juin 1942 : « Je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que sans elle le bolchevisme, demain, s’installerait partout. » Il mit donc en œuvre cette collaboration loyale et prêta la main aux Allemands dans leur politique d’antisémitisme systématique. Aux courses, à Vichy, On choisit son cheval Et si l’on s’est mépris Le sort devient fatal. 298 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France L’épicier auvergnat gagna beaucoup d’argent Et de la presse il fut le maître incontesté ; Pétain le nomma chef de son gouvernement En Quarante alors que le pays fut tombé Aux mains des Allemands. Il a choisi son camp, c’est celui des vainqueurs Et lorsqu’il est chassé, Hitler veut son retour Et Pétain le rappelle alors à contre cœur : La collaboration s’établit sans détour Selon son sentiment. Le pari est risqué, le pari est perdu, Les armées des Alliés ont repris le terrain, Le sort s’est renversé, l’Allemagne est vaincue, Laval sera alors, par un petit matin Fusillé, simplement. Le chef de l’état s’était, en effet, séparé de Laval en décembre 1940 et avait appelé alors brièvement au gouvernement Pierre-Etienne Flandin, puis François Darlan. Darlan était un pragmatique qui cherchait à savoir dans quelle direction soufflait le vent. C’est Laval, lui-même qui disait de lui le 22 juin 1942 : « Darlan lisait les communiqués tous les matins afin de savoir quel camp choisir dans la journée, pour ou contre l’Allemagne. Je ne m’occupe pas des communiqués : je mène une politique dont rien ne me fera changer ». Darlan, avait été remplacé par Laval en avril 1942 à la demande des Allemands ; il tenta, en décembre 1942, de se rallier Reitlag.fr 299 L’EnVers de l’Histoire de France aux Etasuniens qui avaient débarqué en Afrique du Nord, mais fut alors assassiné. Si trop tourne le vent S’affole la girouette Qui malheureusement Perd la tête. C’est un républicain, un brillant patriote, Un marin avisé, amiral de la flotte, Mais la guerre survient, alors François Darlan Au soir de la défaite entre au gouvernement. Il n’a pas d’idéal, il n’a pas de passion Mais prend le parti de la collaboration Car il lui semble qu’il faut suivre les vainqueurs Si l’on veut du pays limiter le malheur Et puis, également, il aime le pouvoir Et il se dit bien sûr qu’il sera temps de voir Comment tourne le vent, avant de décider Définitivement en quel sens s’engager. Comme il veut ménager les autres et les uns, Auprès des Allemands il se rend importun Et sur ordre d’Hitler, le voici renvoyé Et par Pierre Laval il sera remplacé. Le hasard est étrange et le voici parti Pour voir son fils malade, alors en Algérie, Et c’est à ce moment que le débarquement 300 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Par les Américains a lieu soudainement. Darlan est arrêté puis vite relâché Par les Américains qui ne sont pas fâchés De trouver en ce lieu un interlocuteur Qui, d’un renversement, pourrait être l’acteur ; Il l’est et il s’engage au côté des alliés, Il ordonne à la Flotte alors d’appareiller, De rejoindre l’Afrique (or l’amiral Laborde A ce même moment fait qu’elle se saborde !) Et en Quarante deux, la veille de Noël, Un jeune résistant, Bonnier de la Chapelle D’un coup de revolver porté en pleine tête Mit fin aux mouvements de Darlan la Girouette. Au sujet des états demeurés neutres un certain temps (les Neutres devenus des Bons), il convient de noter que l’URSS conserva des liens diplomatiques avec le gouvernement de Vichy jusqu’en avril 1941, les Etats-Unis, jusqu’en novembre 1942 ; le Vatican…jusqu’au bout ! Fin août 1944, alors que les alliés avaient débarqué en Normandie, Pétain et ses proches sont emmenés par les Allemands à Sigmaringen. Charles de Gaulle entre à Paris et prend la tête du gouvernement. Nous traiterons de ce personnage dans le prochain chapitre, celui des quatrième et cinquième Républiques. Reitlag.fr 301 L’EnVers de l’Histoire de France * Bien que notre sujet soit l’Histoire de France, mes enfants, intéressons-nous un instant aux conséquences globales de ce conflit. Nous avions vu les exploits de Napoléon ; ceux des armées de la Grande Guerre ; et bien, mes amis, tout cela est dépassé, surpassé. Au total, la guerre fit à travers le monde, civils et militaires confondus, près de 60 millions de morts : 300.000 Etasuniens ; 400.000 Anglais ; 500.000 Français ; 2 millions de Polonais ; 2 millions de Japonais ; 4.5 millions d’Allemands ; 9 millions de Chinois ; 20 millions de Soviétiques etc…(56) ; les Nazis exterminèrent 6 millions de juifs ; les bombardements alliés obtinrent, en 24 heures, des résultats étonnants : par exemple, entre 35.000 et 100.000 victimes à Dresde (où il n’y avait pas de troupes allemandes ni de sites stratégiques (57)) ; et puis, au Japon, respectivement plus de 100.000 et 60.000 victimes pour les bombardements de Hiroshima et Nagasaki. Difficile de faire mieux, Mohammed ? N’oubliez pas la mâle sentence de Charles le Téméraire : « Nul n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Ne désespérez pas : Omnis possibilis est ! Nous parlions d’Hiroshima et Nagasaki. En effet, pour mettre fin à la guerre sur le front d’Orient, les Etasuniens mirent en œuvre de nouvelles techniques à même de surpasser un jour les « scores » de 39-45 : 302 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France les bombes atomiques. Un poète inspiré et rayonnant ( !) a célébré cette innovation, en une ode à la première bombe de cette nature, qui avait été joliment baptisée Little Boy et qui fut lâchée au dessus d’Hiroshima le 6 août 1945 : Tu étais jeune encor, tu étais bien menu Mais on fondait sur toi les plus brillants espoirs ; Il faut bien dire ici qu’on ne fut pas déçu Quand en un bref instant, tu plongeas dans le noir De la mort, cent vingt mil japonais inconnus. * Deux jours après ceci, Staline entrait en guerre Contre les Japonais (ceci fut décidé A Yalta mais bien sûr, tu ne t’en soucies guère, Seule comptait pour toi ton efficacité). Ainsi monsieur Truman, décidé d’en finir Au plus vite et surtout de ne rien partager Avec monsieur Staline déclencha le délire Atomique afin de mieux exploiter la paix. Et tu ne fus pas seul, on te donna un frère, « Fat Man » était son nom, un nom vraiment exquis ; Deux jours après toi il entra dans la carrière En illuminant le ciel de Nagasaki. Tu as beaucoup d’enfants (on dit plus de vingt mille…), Ceci est rassurant, cette longue lignée Reitlag.fr 303 L’EnVers de l’Histoire de France Permettra de traiter au moins vingt mille villes Le jour où l’on aura renoncé à la paix. * Mes enfants, après cette éprouvante étude de la seconde guerre mondiale, je vous invite à aller vous recueillir sur la tombe du soldat inconnu, place Charles de Gaulle, au pied de l’Arc de Triomphe qu’entreprit Napoléon et que termina Louis-Philippe. Tous les soirs à 18 heures, il y un lever des couleurs très émouvant. Le soldat inconnu est juste en haut de l’avenue de la Grande Armée. C’est judicieux, avec les 500.000 morts de Napoléon lors de la campagne de Russie : directement du producteur au consommateur, si l’on peut dire. 304 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Chapitre XV LA QUATRIEME ET LA CINQUIEME REPUBLIQUES Alors, mes amis, cette tombe du soldat inconnu ? Ce lever des couleurs ? Vous n’avez pas pu voir ? Il y avait trop de Japonais qui se pressaient autour…et qui avaient laissé tous leurs sacs à main et sacs de voyage dans le bus ; et le chauffeur était parti boire un verre ; et est-ce que les sacs Vuitton ® se revendent bien aux puces ? Je ne sais pas, mon pauvre ami, je n’y ai jamais vendu que des chandeliers, des bénitiers et des prie-dieu ! Et moi ? Oh, j’aime beaucoup les arcs de triomphe mais, vous connaissez ma modestie. Je me contente de modèles plus petits comme celui que je suis allé admirer à la Porte Saint-Denis…oui, oui, juste en face de la rue Saint-Denis. Pourquoi me demandezvous cela, Moussa ? Reitlag.fr 305 L’EnVers de l’Histoire de France * Mais, revenons à notre affaire. Paris est libéré et commence l’ « épuration ». L’épuration, c’est un peu comme l’Inquisition, sauf que les gens n’étaient pas brûlés : ils étaient fusillés. Et qui fusillait-on ? Eh bien, les méchants, d’abord. Ceux qui avaient collaboré et commis des crimes : dénoncé des patriotes, livré des Juifs, spolié les prisonniers etc…. Et puis, il y avait aussi tout ceux qu’il pouvait être utile d’éliminer : pour leur prendre leur maison, leur femme, leur argent. Une petite dénonciation arrange souvent bien les choses. C’est comme cela que vous avez mis hors circuit Amadou qui avait des visées sur mademoiselle Lulu, Moussa ? Et vous n’avez pas signé la lettre anonyme de dénonciation ; vous êtes vraiment très habile. Environ 40.000 personnes furent ainsi fusillées, après jugement ou pas Il y avait aussi une spécialité, lors de l’épuration, qui était de raser la tête des femmes qui avaient eu des relations charnelles avec des Allemands, que ces relations fussent amoureuses ou vénales. Ah, vous trouvez que dans le second cas c’est fâcheux, Moussa ? Vous êtes un grand sentimental. 306 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Après l’épisode de l’épuration, il fallut gouverner et reconstruire. Le chef du Gouvernement Provisoire de la République Française est Charles de Gaulle qui organise en octobre 1945 l’élection d’une assemblée constituante. Cette élection est largement gagnée par le Parti Communiste et, en janvier 1946, de Gaulle, mis en minorité, démissionne et est remplacé par Léon Blum. En janvier 1947, la constitution de la Quatrième République a été adoptée et Vincent Auriol est élu président. Sous sa présidence de sept ans, Auriol aura quatorze présidents du Conseil soit, en moyenne, deux par an ! A l’issue du mandat de Vincent Auriol, en janvier 1954, René Coty fut brillamment élu au treizième tour de scrutin ; il est parfois encore plus difficile d’élire un Président à Paris qu’un pape à Rome ! Coty ne présida que cinq ans mais eut quand même huit présidents du Conseil. Parmi ceux-ci, Pierre Mendès-France se fit remarquer en réglant au moins mal la sortie de l’Indochine ; sur l’Algérie, son avis était plus tranché. Il disait le 12 novembre 1954 : « Jamais la France, aucun gouvernement, aucun Parlement français, quelles qu'en soient d'ailleurs les tendances particulières, ne cédera sur ce principe fondamental. [...] ici c'est la France. » C’était aussi l’avis de son ministre de l’Intérieur, François Mitterrand qui s’était écrié sept jours plus tôt à l’Assemblée : « L’Algérie, c’est la France !» Verba volent ! Reitlag.fr 307 L’EnVers de l’Histoire de France En 1958, ça « bastonnait grave », pour reprendre votre vocabulaire, mon cher Mohammed, en Algérie. Vos ancêtres ne comprenaient pas pourquoi ils étaient français sans l’être tout en l’étant. Sans doute les bons pères qu’on leur avait envoyés n’étaient-ils pas assez jésuites. Bref, après de nombreux heurts, ils décidèrent qu’ils ne voulaient plus être ce qu’ils n’étaient pas tout en l’étant quand même et ils demandèrent l’indépendance. En France, certains étaient pour, d’autres contre. Le 13 mai 1958, le général Massu, qui se prenait pour Robespierre et qui exerçait par délégation du gouvernement les pleins pouvoirs en Algérie, prend la tête d’un « Comité de Salut Public » à Alger. Le général Salan, qui commandait l’armée d’Algérie se rallie et la République est sous la menace d’un « putsch ». Alors, pour calmer le jeu, monsieur Coty appelle monsieur de Gaulle et le nomme président du Conseil. A ce sujet, je me demande bien pourquoi on parle toujours du « général » de Gaulle (on dit même Le Général, en parlant de lui) alors qu’il n’était que colonel au moment de la guerre (58), que sa nomination à titre provisoire au grade de général a été annulée après 22 jours seulement et que, dans ses fonctions de président du Conseil ou de Président de la république, il agissait en tant que civil et non en tant que militaire…mais, ça n’a que peu d’importance ; on appelle bien notre président il Cavaliere, alors qu’il monte moins sur des chevaux 308 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France que sur des natures particulières de juments…Oh ! Excusez-moi, Marie-Eudoxie ! En janvier 1959, de Gaulle est élu Président de la république et il prend comme Premier ministre (nouvelle appellation du chef du gouvernement) Michel Debré. Le 22 avril 1961, un groupe de généraux prend le pouvoir en Algérie et menace de le prendre à Paris. De Gaulle, qui avait le sens du théâtre, ressort de la naphtaline son vieil uniforme et vient, ainsi accoutré (la réglementation très stricte sur l’uniforme et son port ne prévoyait pourtant pas explicitement qu’il pût être ainsi revêtu par un Président de la république à la télévision…), faire un discours sur les chaînes de la Télévision Nationale. Le Premier ministre, qui ne voulait pas être en reste sur le terrain de l’emphase, prononce un discours radiotélévisé où il invite ses concitoyens, « dès que les sirènes retentiront » à « se rendre à pied ou en voiture » aux aéroports pour « convaincre les soldats trompés de leur lourde erreur… ». Les sirènes n’ont pas retenti. Si ça avait été le cas, la France eût peut-être été sauvée par ce grandiose élan populaire…mais les records d’embouteillage eussent sans nul doute explosé ! « A pied, à cheval, en voiture Arrêtez les soldats trompés ! Dans vos autos, sur vos chaussures, Interrompez cette aventure ! » S’est écrié monsieur Debré. Reitlag.fr 309 L’EnVers de l’Histoire de France Terrorisés par cette menace, les généraux félons renoncent à débarquer à Paris : la République est sauvée ! La guerre d’Algérie dure jusqu’en 1962 ; vos ancêtres étaient coriaces, Mohammed. Il faut dire qu’ils étaient soutenus financièrement et militairement par les régimes marxistes, ce qui doit vous faire plaisir, mais peu par les mouvements islamistes, qui n’étaient hélas pas encore à la mode à l’époque. Le 18 mars 1962, les « accords d’Evian » scellent l’indépendance de l’Algérie, indépendance qui sera effective en septembre après une guerre qui aura fait, au total, plusieurs centaines de milliers de victimes. Depuis lors, la France n’est plus directement en guerre contre quiconque, si ce n’est au travers d’alliances. Près de 50 ans sans guerre, mes amis ! Cela n’avait jamais existé. Comment la belle jeunesse de votre pays peut-elle encore se défouler ? Oui, Moussa, il y a le football… On les avait conquis, mais c’était pour leur bien ; Et puis, cent ans plus tard, on leur a expliqué Qu’ils étaient tous, bien sûr, complètement français A quelques détails près, juste des petits riens. Ils n’étaient pas contents Et ils se sont fâchés Alors, on a signé Des accords à Evian. 310 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France En octobre 1962, de Gaulle propose la modification du mode d’élection du Président de la république, question d’ordre constitutionnel. L’Assemblée s’y oppose et renverse le gouvernement. De Gaulle décide alors de faire adopter cette disposition par la voie référendaire prévue à l’article 11 de la Constitution. Or, le referendum ne pouvait s’appliquer qu’à des lois ordinaires et non à des lois constitutionnelles. Le président du sénat, Gaston Monnerville, parle de « forfaiture » et saisit le Conseil Constitutionnel. Celui-ci, dans une décision où le jésuitisme le dispute à la prudence, se déclare incompétent, disant que la décision du peuple justifie a posteriori la procédure employée quand bien même celle-ci eût été illégale a priori…c’est beau, la dialectique ! Pulchra est dialectica ! Et comment était constitué alors le Conseil Constitutionnel, Mohammed ? Eh bien, sur les dix membres siégeant, sept avaient été nommés par de Gaulle ou par son parti. Je ne vois pas le sens de votre question, mon petit… Si la loi m’empêche ceci, Je ne m’arrête pas pour ça Et je vais transformer, ici Et maintenant, cette loi là ! Je commets une forfaiture Mais quand soixante millions d’hommes Sont avec moi dans l’aventure Reitlag.fr 311 L’EnVers de l’Histoire de France Ça s’appelle un referendum ! Aujourd’hui et depuis ce jour, les présidents sont élus directement par le peuple. Ce fut le cas de MM De Gaulle (pour son second mandat), Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac et Sarkozy. C’est un immense progrès qui a permis à la société médiatique de s’imposer, au « show » télévisuel de remplacer le débat d’idées et à l’émotion de remplacer la raison. Rien que pour ça, de Gaulle doit être béni ! Les amours Sont plurielles, L’Amour Est éternel ; Tout au long de sa vie, ce fut un amoureux ; Il eut plusieurs amours et il fut infidèle ; Même si à certains cela semble curieux, Ses amours pour la France ont été les plus belles. Ne parlons pas d’Yvonne ; fut-elle d’importance ? Hélas, vous le savez, mon éthique m’impose De ne m’attacher à aucune contingence Privée ; à ce sujet, jamais parler je n’ose ! Sa première passion fut pour l’Action Française ; Ce lieu était d’ailleurs fort couru en ce temps Et même un peu plus tard puisqu’on y vit à l’aise Un de ses successeurs du nom de Mitterrand. 312 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Et son amour suivant est Philippe Pétain, Ils ont collaboré et ils se sont aimés Puis ils se sont brouillés au sujet d’un bouquin En mil neuf cent trente huit ; la suite, on la connaît... Puis, pour aimer la France, il aime l’Angleterre ! Il y vivra quatre ans, assez obscurément ; Churchill ne l’aimait pas, c’est honteux ; ça m’atterre Mais il se vengera en vivant plus longtemps. C’est la paix et il aime alors la politique ; Il redevient civil, il devient président Et comme il aime aussi, bien sûr, la République Il la violente un peu pour être son amant Mais elle n’en veut pas ; il ne fait pas l’affaire ! Alors, à Colombey, il s’en va en exil Pour y connaître sa traversée du désert ; Être un grand amoureux n’est pas toujours facile. Mais des troubles, soudain, secouent les colonies. On l’appelle, il se lève, il revient, il est là, La République alors cède et se donne à lui, Ah vraiment comme sont belles ces choses là ! Hélas, le vieil amant se fatigue et se lasse, Fait un referendum, on ne sait trop pourquoi ; Le peuple n’en veut pas, c’est ainsi, le temps passe… De Gaulle s’en étonne et en demeure coi Et puis, désabusé par sa vieille maîtresse, Reitlag.fr 313 L’EnVers de l’Histoire de France Il prend le bras d’Yvonne et s’en va en Irlande, Loin de son vieil amour, de la France traîtresse, Et là-bas lentement il marche sur la lande. * Si ce grand amoureux aimait comme un soudard, S’il se laissait parfois aller à rudoyer Sa maîtresse la France, à la prendre en hussard, Pour l’avoir tant aimée, il sera pardonné En avril 1962, Debré est remplacé par Georges Pompidou. Pompidou avait un point commun et un point de divergence avec votre Président actuel : il aimait bien les banquiers, qu’il avait fréquentés au cours d’une carrière à la banque Rothschild ; et il était un fin lettré, Premier prix de version grecque au Concours Général. Quel est le point commun et quel est le point de divergence avec votre actuel Président ? Je ne sais plus ; j’ai oublié. C’était un fin lettré, Un ami des banquiers, C’était un héritier De Casimir-Perier. En avril 1969, de Gaulle propose un referendum qui échoue et il démissionne. Ce qu’est un referendum, Mohammed ? Eh bien, c’est un mot latin qui veut dire Oui. Malheureusement, les Français, qui n’ont plus beaucoup de culture latine ne le savaient pas et ils ont voté Non. En application de la Constitution, le 314 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France poste de président de la République est confié par intérim au président du sénat, monsieur Alain Poher. Quand, contraint et forcé, Il a dû présider Il prit goût au travail, Aux ors et aux médailles Et il se crut habile Assez pour s’installer enfin à l’Elysée Mais il n’est pas facile De sortir de l’obscurité. Ce que vous ignorez sans doute, Moussa, c’est que si de Gaulle avait démissionné six mois plus tôt, le président de la République par intérim eût été monsieur Gaston Monnerville, président du sénat, ancien député de Guyane et adversaire décidé de de Gaulle. Monsieur Monnerville était ce que les Etasuniens nommeraient un Afro-européen et il était petit-fils d’esclave (c’est une différence avec l’Afroaméricain Obama : celui-ci descend d’Africains libres, par son père et d’esclavagistes, par sa mère !) et vous eussiez eu un président Noir, quarante ans avant les Etats-Unis !...Quoique…et ci ça avait été effectivement le cas ? Le 29 mai 1968, le Président de la république disparut soudain ; tel Louis XVI en 91, de Gaulle avait fui à l’étranger ; à Baden-Baden, en Allemagne. Certains considèrent que pendant ce bref laps de temps, il y eut vacance du pouvoir et que, en ce cas, le président du sénat, monsieur Reitlag.fr 315 L’EnVers de l’Histoire de France Gaston Monnerville en l’occurrence, a assuré l’intérim de la présidence de la république. Le problème, c’est que monsieur Monnerville l’aurait alors fait sans le savoir ! Monsieur Poher avait pris goût au pouvoir, au cours de cet intérim, et il se présente alors à l’élection présidentielle (désormais au suffrage universel). Georges Pompidou se présente aussi, est élu et prend comme Premier ministre Jacques Delmas (dit Chaban-Delmas), qui l’avait bien aidé dans cette élection. Hélas, il meurt cinq ans plus tard et monsieur Poher (bis) assure de nouveau l’intérim. Il fut alors surnommé subtilement Manpoher, en tant que spécialiste de l’intérim sur un créneau qui, il est vrai, est assez peu fourni en emplois. Le parti majoritaire avait désigné naturellement pour l’élection l’ancien Premier ministre Chaban-Delmas. Un élément un peu activiste du parti majoritaire, monsieur Jacques Chirac, passe alors alliance avec le leader du parti centriste, monsieur Valery Giscard d’Estaing : c’est Valery Giscard d’Estaing qui est élu…et monsieur Chirac qui est nommé Premier ministre…Pretium defectionis altus est ! Jacques Delmas, alias Chaban, Avait bien aidé Pompidou A être élu à l’Elysée Et il en fut récompensé : Premier ministre pour un temps 316 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Où son sort fut heureux et doux. Lorsqu’il a fallu revoter Il se voyait, évidemment A l’Elysée, et pour sept ans, Et, joyeux, il s’est présenté. Mais, comme Brutus pour César Chirac s’affairait dans la nuit, Chirac complotait dans le noir : On est trahi par ses amis. Monsieur Giscard d’Estaing était un spécialiste de la chasse en Afrique, des dîners en ville, des escapades nocturnes et des impostures à ses dépens. En Afrique, il allait chasser chez son ami Bokassa 1er, empereur de Centrafrique, qui s’était organisé un couronnement dont l’élégance et la classe n’avait rien à envier à celui de Napoléon. Recentes imperatores ridiculi sunt ! Pour les dîners en ville, monsieur Giscard d’Estaing affectionnait de se rendre chez le « menu peuple », comme on eût dit chez ses ancêtres de la vieille noblesse, ses titres de noblesses n’eussent-ils pas été achetés récemment par son papa… Monsieur Giscard d’Estaing était d’ailleurs très simple et naturel : il affectait de jouer de l’accordéon et alla jusqu’à s’engager une fois dans les couloirs du métropolitain, dûment escorté de ce qu’il faut de journalistes de télévision. Monsieur Giscard d’Estaing recevait aussi chez lui, à l’Elysée, en toute Reitlag.fr 317 L’EnVers de l’Histoire de France simplicité. C’est ainsi qu’un beau matin, il convia les éboueurs de la rue Saint-Honoré à partager son petit déjeuner dans la vaisselle d’argent de la marquise de Pompadour ; ce partage se fit seul à seul, bien sûr : les éboueurs et lui…et ce qu’il faut quand même de photographes et de télévision. Monsieur Giscard d’Estaing s’adonnait, dit-on, à des escapades nocturnes qui lui valurent, au petit jour, un accident d’automobile avec un camion de laitier. Mais là, je n’en dirai pas plus, il s’agit de la vie privée ! Monsieur Giscard d’Estaing n’avait qu’un défaut : il n’était pas moderne. Eût-il gouverné de nos jours qu’il eût convoqué toute la presse pour le suivre dans ses aventures nocturnes. Il y en a, paraîtil, qui la convoque même à Eurodisney… Pour ce qui est des impostures dont il fut la victime, on peut citer l’affaire des « avions renifleurs ». Cette escroquerie, montée par le comte belge Alain de Villegas, consista à faire croire au gouvernement français que l’on pouvait trouver du pétrole en survolant l’Afrique dans des avions équipés à cet effet. L’affaire coûta plus d’un milliard de Francs aux finances publiques et ridiculisa un peu plus le Président…qui est toujours vivant, confirmant ainsi l’adage qui veut que le ridicule ne tue pas. Derisus non occidet ! Monsieur Giscard d’Estaing est en effet toujours vivant à l’heure où nous parlons et il se réjouit de narrer à son peuple, en des livres vendus dans des bibliothèques de gare, les aventures fantasmatiques qu’il aurait eues avec une princesse ! Ah, Moussa, 318 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France méfiez-vous de la vieillesse : après le temps de l’action vient celui des fantasmes… Monsieur Giscard d’Estaing s’est vu reconnaître ses grands talents littéraires en étant élu à l’Académie Française. En ces temps de communication, il fallait bien que la littérature de gare y fût représentée. Monsieur Giscard d’Estaing se représenta à l’élection présidentielle de 2001 : il ne fut pas élu. On fait le beau, on se croit grand On pense qu’on a de l’allure… Quand un médiocre sort du rang, Ce n’est hélas que de l’enflure. Ce fut monsieur François Mitterrand qui fut élu en mai 1981…et c’est là que nous allons arrêter notre cours, mes amis. 1981, c’est il y a moins de trente ans et, dans ce laps de temps, nous ne sommes plus dans le champ de l’Histoire mais dans celui de la politique ; et dom Enrico n’est pas homme à faire de la politique… * Mes amis, vous pouvez être fiers de votre pays. D’abord, il n’a pratiquement jamais été occupé par une puissance étrangère, si l’on excepte l’Angleterre au Moyen-âge (mais, sainte Brigitte de Suède ne Reitlag.fr 319 L’EnVers de l’Histoire de France tenait-elle pas directement de la Sainte Vierge que : « le roi d’Angleterre avait plus de titres pour régner sur la France que Philippe VI. » ?) et l’Allemagne entre 1940 et 1945 (mais n’aviez-vous pas alors un gouvernement national à Vichy ?). En revanche, il s’est livré à de nombreuses conquêtes et brillantes aventures à l’extérieur. Vos glorieuses troupes, mes amis, ont mis à sac Constantinople et Jérusalem ; ont massacré les juifs d’Europe centrale sur leur route glorieuse vers l’Orient ; ont détruit, pour leur bien, les structures sociales des peuples d’Amérique du nord, d’Afrique et d’Extrême Orient ; ont ravagé et pillé l’Italie au cours des siècles ; ont saccagé le Palatinat ; ont placé des potiches sur les trônes d’Espagne, d’Italie, de Hollande, de Westphalie… ; sont allées en Egypte voler une obélisque multimillénaire à Louxor et massacrer des otages à Jaffa ; en Russie vérifier que l’hiver y était bien aussi froid qu’on le dit ; sont allées se battre en Crimée pour le roi d’Angleterre ; en Autriche et aux Pays-Bas pour le roi de Prusse ; au Mexique, pour le bien des Etats-Unis ; à Sedan (tiens, ça c’est en France !) pour que soit fondé le Deuxième Reich ; en Indochine pour expliquer aux Etasuniens comment on pouvait être vaincu ; et jusqu’en Chine pour mettre à sac le palais d’été de l’empereur et imposer l’opium que voulait vendre l’Angleterre…Tous ça, mes amis, peu de peuples l’ont fait. Sursum corda ! Mes enfants, nous avons parcouru quatorze siècles de votre histoire ; nous avons vu que tous ces bons 320 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France princes, ces bons rois, ces bons présidents, n’agissaient toujours que dans l’intérêt de leur peuple ; que ce peuple ingrat ne voulait parfois pas s’en rendre compte ; qu’il s’agitait un peu ; qu’il se révoltait beaucoup ; et que les princes, les rois, les présidents se trouvaient confrontés à l’obligation de leur taper un peu dessus pour que tout rentre dans l’ordre. Qui aime bien châtie bien, Qui bene amat bene castigat ! Eh bien, mes enfants, quand ils devaient le faire, les rois, les princes, les présidents, s’y sont résignés, à contre cœur peut-être, mais avec résolution sûrement : ils ont tapé! Et ne doutez pas qu’ils n’hésiteront pas à le faire encore… Alors, en trempant la plume dans le sang du peuple, on écrira, comme toujours : Nation, Devoir, Gloire, Grandeur de la France ! * Mes jeunes amis, ce fut un plaisir pour moi de passer ces quelques jours avec vous. Adieu ! Vivez votre jeunesse. Dom Enrico, lui, reprend la voie dont il ne s’est jamais écarté : celle du devoir ! Amen. Reitlag.fr 321 L’EnVers de l’Histoire de France - POSTLUDE - Dom Enrico était seul dans la Salle Mazarin de la Bibliothèque Nationale, rue des Archives. Il rangeait les notes et documents qui lui avaient servi à dispenser son enseignement. Il allait bientôt se rendre à Roissy pour y prendre son avion pour Rome. Soudain la porte s’ouvrit lentement et Moussa s’inscrivit dans l’entrebâillure. Entrez, mon bon ami ! lui lança Dom Enrico, que puis-je pour vous ? - Eh bien voilà, Dom Enrico, je voulais prendre congé de vous, vous remercier de votre enseignement et vous demander un service. - Demandez, Moussa, demandez ! - Il ne saurait avoir échappé à votre vive sagacité, dom Enrico, dit Moussa dont l’élocution avait pris un tour plus élaboré au contact du prélat, que MarieEudoxie et moi… - Non, mon petit, ça ne m’a pas échappé. - Eh bien voici, j’avais certains projets à son égard… 322 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Des projets d’ordre plus sentimental que…commercial, j’espère, le coupa dom Enrico. - Bien sûr, je ne mélange pas le business et les grands sentiments ! Mais voilà, tel Henri III, brûlant d’amour pour Marie de Clèves mais devant la quitter pour monter sur le trône de Pologne ; tel Titus devant renoncer avec déchirement à Bérénice pour accéder au trône romain, nous devons, malgré la douleur que cela nous cause, renoncer à nos doux projets. - « …Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre », lui avez-vous sûrement déclaré, tel Titus dans l’acte IV, scène V ? - Oui, évidemment, et comme le dit si bien Suétone, avec sa concision habituelle : « invitus invitam dimisit ! » Moussa, votre érudition m’éblouit et m’enchante !...Oui, mais pourquoi cette décision ? - Voyez-vous, dom Enrico, l’autre jour avec Mohammed, nous sommes allés nous promener le soir dans ce quartier du Marais, près de la rue des Archives ; nous avons un peu flâné ; nous avons bu un verre ; fumé un « joint » ; et je l’ai trouvé… - Mignon ! - Oui, dom Enrico, nous étions un peu comme le prince Jean-Jacques Régis de Cambacérès et le jeune Friquet, comme la reine Marie-Joséphine de Savoie et Marguerite de Gourbillon... - Mais, mon enfant, on ne peut pas, on ne doit pas lutter contre les inclinations de la nature. C’est très bien, c’est très bien…mais, quel est le vœu que vous souhaitiez me présenter ? Reitlag.fr 323 L’EnVers de l’Histoire de France - Marie-Eudoxie, dom Enrico, cette fleur chez qui la fragilité le dispute à la pureté, peut-être pourriezvous vous pencher sur son sort ? Avec votre expérience et votre sainteté, elle aurait plus de chance d’éviter de tomber en de mauvaises mains et de sombrer en je ne sais quelle perdition. Accepteriezvous de faire ceci pour moi, dom Enrico ? - Mon enfant, vous savez que le sens du devoir, du sacrifice et de l’abnégation a toujours guidé mes pas et dirigé mon âme. J’accepte, mon ami ; pour vous, je le ferai ! Pro tuo, fili, id facebo ! - Ah Monseigneur, vous me ravissez !... quoique je n’en attendisse pas moins de vous ! Dominus, gratias ! Décembre 2009 324 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France NOTES 1- Histoire de Charlemagne. Par Gabriel Henri Gaillard, Dreux du Radier (Jean-François), Jean François Dreux de Radier. Publié par Foucault, 1819. p.340 2- L'Univers: histoire et description de tous les peuples ...Publié par F. Didot frères, 1834 p.529 3-Faits et gestes de Louis le Pieux: poème ; [suivi des] Annales de Saint-Bertin ; et [des Annales] de Metz .Par Ermoldus. Publié par J.-L.-J. Brière, 1824. p51 4-La femme au Moyen âge. Par Jean Verdon .Publié par Editions Jean-paul Gisserot, 1999. p.111 5-Les évêques dans l'histoire de la France: des origines à nos jours. Par Jean Julg, Jean-Pierre Cattenoz. Publié par Editions Pierre Téqui, 2004. p.55 6 Folklore et curiosités du vieux Paris. Par Paul-Yves Sébillot. Publié par Maisonneuve & Larose, 2002. p.282 7- Résumé de l'histoire des juifs modernes. Par Léon Halévy. Publié par Lecoin te, 1828. p.59 8- De la prostitution dans la ville de Paris. Par A. I. B. Parent-Duchatelet, Alexandre Jean B. ParentDuchâtelet. Publié par Baillière, 1836. p.443 Reitlag.fr 325 L’EnVers de l’Histoire de France 8b- Les Templiers: Gardiens de la Terre Sainte et de la tombe du Christ. Par Daniel Minard. PublibookParis.2001. p.215 9- Chronique: troisième tiers du XIIe siècle. Par Guillaume, Monique Zerner. Publié par J.L.J. Brière, 1825. p.302 9b-« Saint Jacques de Compostelle » : Brigitte de Suède. Révélations célestes de sainte Brigitte VI. 36 10-Oeuvres complètes. Par François-René Chateaubriand .Publié par Lefèvre, 1831. p.295-299 11- Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V. Par Raymond Cazelles. Publié par Librairie Droz. P.380 12- Mémoires historiques, critiques et anecdotes des reines et régentes de France Par Jean Francois Dreux de Radier. Publié par Michel Rey, 1776. p.349 13- Histoire de la république de Venise par PierreAntoine-Noël-Bruno Daru Édition: 2. Publié par F. Didot, père et fils, 1821. p.296 14- Missel.free :sainte Jeanne de France 15- SCIENCE ET CONSCIENCE. Histoire de l’éthique médicale. Bruno Halioua. Préface. 16- Rulers and their times. Elizabeth and Tudor England. Myriam Greenblatt. P.24 17-Supplément à l'Histoire de la rivalité de la France et de l'Angleterre Par Gabriel-Henri Gaillard. P.136 17b- Léon X est connu pour avoir prononcé la phrase suivante : « Quantum nobis notrisque ea de Christo 326 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France fabula profuerit, satis est omnibus seculis notum », « On sait combien cette fable du Christ nous a été profitable au cours des siècles ! » Vie et pontificat de Leon X – William Roscoe Tome IV – Mame Frères – 1810 18-1572, la Saint-Barthélemy. Par Janine Garrisson. Editions Complexe. 2000. p.170 18b- Les crimes des papes, depuis S. Pierre jusqu'a Pie VI; Par Louis de La Vicomterie de SaintSamson,Louis Marie Prudhomme ; Bureau des Révolutions de Paris ; 1792 19-Henri III et son temps. Par Robert Sauzet, Jacqueline Boucher, Centre d'études supérieures de la Renaissance. P.91 20- Histoire de Touraine- JL Chalmel. Tome II.Fournier-Paris. 1828 . p.425 21- Faire voir, Faire croire. Hélène Duccini. Epoque Champ Vallon. 2003. p.80 22- Dictionnaire universel, historique, critique, et bibliographique Par Louis Mayeul Chaudon. Mame Frères- Paris- 1810. P.272 23-Lettre sur le Testament politique du cardinal de Richelieu,. Par Étienne Lauréault de Foncemagne. Lebreton Editeur. Paris. 1764. p.66 23b- Les rois qui ont fait la France- Louis XIII George Bordonove. France Loisirs .Oct. 1982. p.126 23c ; Le Siècles de Louis XIV- XVI-. Voltaire. 23d- Les rois qui ont fait la France- Louis XIV George Bordonove. France Loisirs .août 1983 p.112 24 Vie privée du cardinal Dubois, premier ministre, archevêque de Cambrai, &c Reitlag.fr 327 L’EnVers de l’Histoire de France Par Mongez. Londres. 1789. p 121 25- Le Régent, l'abbé Dubois et les Anglais. D'après les sources britannique Par Louis Wiesener. Elibron Classiques. P 466 26-Madame de Pompadour. Par Christine Pevitt, Christine Pevitt Algrant-2002- p.26 27- Biographie nouvelle des contemporains, ou dictionnaire historique et ... Par A. Jay, E. Jouy, Antoine-Vincent Arnault. Tome 17. Librairie historique. P.370 28- Correspondance générale d'Helvétius. Par Helvétius, David Smith, Alan Dainard, Peter Allan. 1998 p.368. 29-Pièces originales et procédures du procès fait à Robert-François Damiens, 1757. in « Surveiller et punir ». Michel Foucault 30- Mémoires historiques et politiques du règne de Louis XVI Par Jean Louis Giraud Soulavie. Treuttel & WurtzParis. Tome IV. 1801. p.114 30b- Manifeste de Brunswick : La ville de Paris et tous ses habitants sans distinction sont tenus de se soumettre sur le champ et sans délai au roi, de mettre ce prince en pleine et entière liberté, et de lui assurer, ainsi qu'à toutes les personnes royales, l'inviolabilité et le respect auxquels le droit de la nature et des gens oblige les sujets envers les souverains... Leurs Majestés impériale et royale rendant personnellement responsables de tous les événements sur leurs têtes, pour être jugés militairement, sans espoir de pardon, tous les membres de l'Assemblée 328 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France nationale, du département, du district, de la municipalité, et de la Garde nationale de Paris... déclarent ... que si le château des Tuileries est forcé ou insulté, que s'il est fait la moindre violence, le moindre outrage à leurs Majestés, le roi, la reine et la famille royale, elles en tireront une vengeance exemplaire et à jamais mémorable, en livrant la ville de Paris à une exécution militaire et à une subversion totale, et les révoltés coupables d'attentats aux supplices qu'ils auront mérités. 31- Macaulay Thomas Babington : Biographical essays: Frederic the Great, Bunyan, Goldsmith, Johnson, Barère. Bernard Tauchnitz. Leipzig 1857. p.296 31b- Organt. Poème en vingt chants par Saint Just. 1789 « Vatican » (sic) p.10 32- The Life of Napoleon Bonaparte Par John Abbott. Ward , Lock and Co.2005. p101 33-Jean-Claude Lorblanchès. Conférence du 29 novembre 2007.Section Côte Basque de la Société d'Entraide des Membres de la Légion d'Honneur. 33b- J. Tulard : Dictionnaire de Napoléon. Paris. Fayard. 1987. 34- Murat et Caroline. par Jean Prieur. Editions Fernand Lanore.1, rue Palatine 75006.Paris. 1985. p.38 35- The Court of France 1789-1830Par Philip Mansel. Cambridge University Press 1988. P.43 36- Galerie historique des contemporains, ou Nouvelle biographie, Volume 1. Par Gerrit Van Lennep, Pierre Louis Pascal Jullian, Philippe Reitlag.fr 329 L’EnVers de l’Histoire de France Lesbroussart. Aug.Walen &Compagnie. Bruxelles 1818 p.263 37- Leçon d'histoire de France: Saint-Germain-enLaye : des antiquités ... Par François Boulet. Les presses franciliennes. Paris 2006.p. 144 38-La vie et l'œuvre de J.J. Grandville par Annie Renonciat. ACR Editions Vilot. 1985. Courbevoie p.67 38b- Le monde de demain vu par les prophètes d’aujourd’hui. Albert Marty. Nouvelles éditions latines. 1962. p.55 39- Ozanam: une jeunesse romantique, 1813-1833 par Marcel Vincent. Mediaspaul. 1994. p.209 40- Victor Hugo: un combat pour les opprimés : étude de son évolution politique. Par Pascal Melka. La compagnie littéraire. 2008. p.227 41. Hérodote. 42- De l'émir Abdelkader à l'imam Chamyl: le héros des Tchétchènes et du Caucase Par 43 Le sac du palais d’Eté. Bernard Brizay. Le Rocher Boualem Bessaïh. Editions Dahlab. 1997.p.177 44- Napoléon le Petit- Victor Hugo- Londres W. Jeffs 1862. p.233 45-L'Europe des Suisses. par Gérard Valbert. 1997 L’âge d’homme. Lausanne. P. 253 45b- Lettre de Victor Hugo au capitaine Butler ; 25 novembre 1861 46- l’empereur fit néanmoins se tenir un « Salon des Refusés .» 47- La violence politique des enfants. Par Louis-Jean Duclos. L’Harmattan. 1995. p30 330 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France 48- La violence politique des enfants. Par Louis-Jean Duclos. L’Harmattan. 1995. p32 49- Mortenol ou les infortunes de la servitude par Oruno D. Lara. L’Harmattan 2001. p.579 50- Victor Hugo: un combat pour les opprimés : étude de son évolution politique Par Pascal Melka. La compagnie littéraire. 2008. p.492 51- L'universel et le particulier dans la pensée de Jean Jaurès: fondements .par Ulrike Brummert. Günther narr Verlag Tübingen. 1990. p.92 52- René Viviani. Chambre des députés :8 novembre 1906. 53- L’humoriste s’appelait Forain. Arletty, confidences à son secrétaire. Par Michel Souvais. Publibook. Paris. 2006. p.50 54- « The indispensable condition of any hope of victory for the two is the real, complete, immediate and enduring unity of the two countries…” Jean Monet. The supranational politics of Jean Monnet: ideas and origins of the European Community. Par Frederic J. Fransen . Greenwood Press 2001. p.40 55- l'article 8 de la loi du 25 février 1875 précise : Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. La révision n’a été votée qu’à la majorité absolue des présents. Les circonstances exceptionnelles ayant empêché que tous les députés et sénateurs eussent pu rejoindre Vichy. 56- La deuxième guerre mondiale. Général Peter Young. Bison Book Ltd /France Loisir. 1980. p.244 Reitlag.fr 331 L’EnVers de l’Histoire de France 57- Les sources, suivant l’orientation politique de celui qui les présente, citent des chiffres qui vont de 25.000 à 300.000 ! 58- Le 1er juin 1940, de Gaulle est nommé général à titre provisoire en même temps qu’il est appelé au gouvernement. Cette nomination est annulée le 22 juin pour « abandon de poste » (de Gaulle était à Londres) par le gouvernement légal. Au lendemain de la guerre, de Gaulle a exercé ses activités politiques dans la vie civile. 332 Reitlag.fr L’EnVers de l’Histoire de France Reitlag.fr 333