Berne, le 23 janvier 2015 Réponse de la Suisse au
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Berne, le 23 janvier 2015 Réponse de la Suisse au
Département fédéral des affaires étrangères DFAE Berne, le 23 janvier 2015 Réponse de la Suisse au questionnaire du HCDH intitulé « bonnes pratiques et moyens de résoudre la discrimination et la violence basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre» (Résolution 27/32 du Conseil des droits de l'homme) En réponse à l’appel à contribution lancé le 29 décembre 2014, en lien avec la Résolution du Conseil des droits de l’homme 27/32, la Suisse communique ci-après les développements intervenus ou en cours visant à lutter contre les formes de discrimination liée à l’orientation sexuelle et l’identité de genre. La question de la protection des personnes LGBTI fait actuellement l’objet d’une étude confiée au Centre suisse de compétence pour les droits humains, suite au dépôt au Parlement suisse d’un postulat en 2012 (Postulat Naef, no 12.3543). Les résultats de cette étude sont annoncés pour le mois de juillet 2015. Par la suite, le Conseil fédéral (gouvernement suisse) examinera s’il convient d’adopter des mesures, et le cas échéant lesquelles, pour renforcer la protection des personnes LGBTI. Il se penchera également sur les résultats d’une autre étude confiée au centre précité, en rapport avec l’institutionnalisation de cette protection. Protection constitutionnelles des personnes LGBTI : L’article 8 alinéa 2 de la Constitution fédérale prévoit le principe de non-discrimination (interdiction de traiter différemment une personne sur la base de certains critères): « Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique ». L’article 8 alinéa 2 mentionne le mode de vie qui protège en particulier l’orientation sexuelle. La mention du sexe englobe la protection de l’identité de genre. Discours de haine (discours motivé par le racisme et/ ou l'homo/transphobie) Le droit suisse actuel ne comporte pas de disposition sur la discrimination basée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre. Le 7 mars 2013, Mathias Reynard, député au Conseil national, a déposé avec plusieurs autres députés, une initiative parlementaire (no 13.407), pour amender le Code pénal. Le 21 février 2014, la Chambre précitée du Parlement suisse a décidé de donner suite à cette initiative. Les travaux parlementaires sont en cours. A noter que la législation actuelle permet déjà à une personne LGBTI d’invoquer les dispositions du droit civil sur la protection de la personnalité pour faire cesser une atteinte contre ses droits et demander réparation (art. 28 ss du Code civil; CC); sur plainte, l'auteur pourra être condamné pénalement pour injure (art. 177 du Code pénal; CP), diffamation (art. 173 CP) ou calomnie (art. 174 CP). Protection des jeunes et des personnes en formation : En Suisse, l'instruction publique est du ressort des Cantons (art. 62 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse). Depuis 2009, les Cantons de Genève et de Vaud ont décidé de collaborer pour lutter contre l’homophobie dans les établissements scolaires, que ce soit dans le primaire, le cycle d’orientation et le post-obligatoire. Ils ont notamment mis en place un site commun, plate-forme d’information pour les jeunes, les intervenants en milieu scolaire et les parents (www.mosaicinfo.ch). Des interventions ont été menées en 2009 en milieu scolaire, surtout au cycle et au post-obligatoire pour sensibiliser les jeunes à la thématique LGBT. Le Département de l’instruction publique (DIP) genevois et la Fédération genevoise des associations LGBT conduisent une formation pour qu’à long terme le corps enseignant soit ouvert et à l’écoute des jeunes et que les établissements scolaires installent un climat ouvert à la diversité. Aménagement juridique pour les couples de personnes de même sexe : er Depuis le 1 janvier 2007, les couples de même sexe peuvent formaliser leur union, en se liant par un partenariat enregistré, dont les effets sont comparables au mariage. Les différences sont pour l'essentiel les suivantes: 1. Altérité / identité sexuelle: L'institution du mariage est réglée dans le Code civil (CC), celle du partenariat enregistré dans la loi fédérale sur le partenariat enregistré (LPart). L'institution du mariage est réservée aux couples formés d'un homme et d'une femme (art. 94 CC) alors que le partenariat enregistré est le pendant du mariage pour les couples de personnes de même sexe (art. 2 LPart). 2. Désignations d'état civil différentes (art. 2 al. 3 LPart; 8 let. f ch. 1 de l'ordonnance sur l'état civil; OEC): Pour les personnes mariées ou l'ayant été: marié/e, divorcé/e, veuf/veuve, non marié Pour les personnes en partenariat enregistré ou l'ayant été: lié/e par un partenariat enregistré, partenariat dissous judiciairement, partenariat dissous par décès, partenariat dissous ensuite de déclaration d'absence 3. Fiançailles: Institution prévue à l'art. 90 CC, sans équivalent pour les futurs partenaires enregistrés (pas de réglementation prévue dans la LPart). 4. Forme de conclusion moins solennelle: L'échange des "oui" devant l'officier de l'état civil a force constitutive pour le mariage. Le mariage est célébré en présence de deux témoins, solennels (art. 102 CC), au terme d'un délai de réflexion de 10 jours dès la clôture de la procédure préparatoire du mariage (art. 100 CC). A noter que l'absence de témoins ou le non-respect du délai de réflexion n'affectent pas la validité de la célébration. Le partenariat est valablement enregistré au moment de la signature de l'acte de partenariat par les futurs partenaires devant l'officier de l'état civil (art. 7 LPart). L'enregistrement peut intervenir immédiatement après la clôture de la procédure de préparation et n'est donc pas soumis à un délai de réflexion. 5. Annulation et dissolution judiciaire du partenariat soumises à des conditions moins restrictives: A. L'annulation du partenariat est soumise à des conditions un peu moins restrictives que l'annulation du mariage. L'annulation du partenariat intervient d'office pour les mêmes motifs qu'en cas de mariage (incapacité durable de discernement, violation d'un empêchement, union forcée, de mineurs, ou contractée non pas pour mener une vie commune mais éluder les dispositions sur l'admission et le séjour des étrangers; art. 105 CC, 9 LPart). Le partenariat est en outre dissous à la demande d'un partenaire pour vice du consentement, soit pour erreur, dol ou crainte fondée (art. 10 LPart et 31 du Code des obligations; CO). Le mariage est annulé à la demande d'un conjoint lorsqu'il était incapable de discernement pour une cause passagère lors de la célébration, lorsqu'il a déclaré par erreur consentir à la célébration, soit qu'il n'ait pas voulu se marier, soit qu'il n'ait pas voulu épouser la personne qui est devenue son conjoint ou lorsqu'il a contracté mariage en ayant été à dessein induit en erreur au sujet de qualités personnelles essentielles de son conjoint (art. 109 CC). B. Le divorce est prononcé sur requête commune des conjoints (art. 110 CC) ou sur demande unilatérale de l'un d'eux au terme d'une suspension de la vie commune de deux ans au moins (art. 114 CC) ou sans délai d'attente lorsque des motifs sérieux qui ne sont pas imputables à l'époux demandeur 2/5 rendent la continuation du mariage insupportable (art. 115 CC). Ce motif de dissolution n'est pas prévu pour le partenariat enregistré qui peut être dissous sur requête commune (art. 29 LPart) ou sur demande unlité-rale d'un partenaire au terme d'une séparation d'une année au moins (art. 30 LPart). 6. Effets généraux Les époux se doivent l'un à l'autre "fidélité et assistance" (art. 159 CC), les partenaires "assistance et respect" (art. 12 LPart). Les époux choisissent ensemble la demeure commune (art. 162 CC); pas de disposition analogue pour les partenaires enregistrés qui bénéficient toutefois de la protection du logement commun (art. 14 LPart) à l'instar des couples mariés (art. 169 CC). Comme en matière de mariage (art. 163, 166 CC), chaque partenaire est soumis à une obligation d'entretien vis-à-vis de l'autre (art. 13 LPart) et peut représenter la communauté (art. 15 LPart). Cependant, l'union des partenaires n'est pas protégée spécialement comme la communauté conjugale (cf. art. 171 ss CC). Cela étant, des mesures analogues protégeant les partenaires sont prises en cas de suspension de la vie commune (art. 17 LPart). 7. Régime des biens Les époux sont soumis au régime ordinaire de la participation aux acquêts (art. 181 ss CC). Par contrat de mariage, dressé devant un officier public (notaire), ils peuvent opter pour le régime de la séparation des biens (art. 247 ss CC) ou de la communauté de biens (art. 221 ss CC). Ce régime ne peut être choisi par les partenaires enregistrés qui sont d'office soumis à des rapports patrimoniaux analogues à la séparation de biens (art. 18 LPart) sauf convention notariée qui permet notamment d'opter pour le régime de la participation aux acquêts (art. 25 LPart). 8. Enfants: Lorsque l'un des partenaires a des enfants, l'autre est tenu de l'assister de façon appropriée dans l'accomplissement de son obligation d'entretien et dans l'exercice de l'autorité parentale et de le représenter lorsque les circonstances l'exigent. Les droits des parents sont garantis dans tous les cas. En cas de suspension de la vie commune ou en cas de dissolution du partenariat enregistré, un partenaire peut se voir accorder par l'autorité tutélaire le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant de l'autre partenaire en vertu de l'art. 274a CC (art. 27 LPart). Contrairement aux époux, les partenaires enregistrés sont en l'état actuel du droit exclus de toute forme d'adoption ou de procréation médicalement assistée (art. 28 LPart). Cela étant, le 4 mars 2013, le Parlement suisse a accepté une motion déposée par l'une de ses commissions le 15 novembre 2011 (Motion de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats 11.4046; "Mêmes chances pour toutes les familles") chargeant le Gouvernement de préparer un projet de modification du Code civil et de la loi fédérale sur le partenariat enregistré "de sorte que toute personne adulte, quel que soit son état civil ou son mode de vie, puisse adopter l’enfant de son ou sa partenaire, si l'adoption constitue la meilleure solution pour le bien-être de l'enfant". Le Conseil fédéral a transmis un projet de loi au Parlement le 28 novembre 2014. Les débats parlementaires sont en cours. 9. Assurances sociales (sécurité sociale): Au sein du mariage, l'homme et la femme ne sont pas mis sur un pied d’égalité dans le système suisse de sécurité sociale actuel. Les prestations en faveur des survivants ne sont pas soumises aux mêmes conditions selon qu’il s’agit d’une veuve ou d’un veuf. La réglementation relative aux veuves est plus favorable que celle relative au veuf. Ce privilège visait à l'origine à corriger le désavantage dont souffraient les femmes sur le plan économique (voir ATF 9C_521/2008). Ainsi, les veuves ont droit à une rente même si, au décès de leur conjoint, elles n’ont pas d’enfant, mais elles ont atteint l’âge de 45 ans révolus et ont été mariées pendant cinq ans au moins (art. 24 al. 1 loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants; LAVS). L’article 13a alinéa 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) dispose que le partenaire survivant, homme ou femme, est assimilé à un veuf. Cette disposition évite de créer de nouvelles inégalités entre les partenaires enregistrés (hommes et femmes) et les époux. Si la réglementation plus favorable relative aux veuves avait été considérée comme déterminante, le 3/5 partenariat enregistré liant deux femmes aurait été mieux traité que le mariage et que le partenariat liant deux hommes. 10. Droit de séjour et naturalisation suisse des partenaires : Le partenaire enregistré d’un citoyen suisse ou d’un ressortissant étranger au bénéfice d’un droit de séjour bénéficie des mêmes droits que le conjoint marié (art. 52 de la loi fédérale sur les étrangers ; LEtr). En droit actuel, le partenaire enregistré d'un citoyen suisse n'a pas de droit à la naturalisation facilitée, contrairement au conjoint marié (v. les art. 27 et 28 de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse; LN) Le partenaire enregistré doit faire une demande de naturalisation ordinaire ; il bénéficie toutefois de conditions facilitées pour ce qui concerne la durée de résidence minimale pour obtenir l'approbation de la Confédération (séjour de 5 ans au lieu de 12; cf. art. 15, al 1 et. 5 LN). Différentes initiatives parlementaires, déposées en 2013 (nos 13.418 à 13.422 ainsi que no 13.468) visent à obtenir l'égalité des conjoints mariés et des partenaires enregistrés devant la procédure de naturalisation. Elle ont été adoptées par les Commissions compétentes des Chambres parlementaires le 30 août 2013, respectivement le 27 janvier 2014. La révision envisagée suppose préalablement une modification de la Constitution fédérale, qui est actuellement en cours. Personnes transgenres : Dans deux avis du 1er février 2012 établis à l’attention d’autorités cantonales de surveillance de l’état civil (publiés sur le site Internet de l'administration https://www.bj.admin.ch/content/bj/fr/home/themen/gesellschaft/zivilstand/dokumentation/praxis.html), l’Office fédéral de l’état civil (OFEC) a pris position par rapport à des questions actuelles liées au changement de sexe. L’OFEC a rappelé la nature de l’action en constatation du changement de sexe, qui est une action sui generis d’état civil, créée par voie prétorienne (ATF 119 II 264) et les dispositions applicables (art. 7 al. 2 let. o, 40 al. 1, let. j, 98 al. 1 let. h, al. 2, let. c OEC) à son inscription à l’état civil. Interprétant la notion d’irréversibilité du changement de sexe imposée par la jurisprudence fédérale à la lumière des Recommandations internationales les plus récentes, l’OFEC s’est ensuite prononcé contre l’exigence d’interventions chirurgicales visant la stérilisation ou la construction d’organes génitaux du sexe désiré comme préalable de la reconnaissance judiciaire du changement de sexe. L’OFEC s’est également prononcé sur le sort des mariages et partenariats enregistrés suite au changement de sexe d’un conjoint ou partenaire. La dissolution de l’union ne saurait être imposée comme préalable à la constatation judiciaire du changement de sexe si les partenaires ou époux souhaitent restés unis. Conséquemment, le mariage ou le partenariat enregistré valablement contractés perdurent. Une conversion dans l’autre institution est néanmoins possible si elle décidée par le juge. Les autorités de l’état civil doivent saisir le changement de sexe, de prénom et cas échéant d’état civil conformément aux décisions de justice rendues; si une décision étrangère de constatation de changement de sexe est muette sur une éventuelle conversion du mariage en partenariat enregistré ou vice versa, l’autorité cantonale de surveillance de l’état civil appelée à transcrire la décision étrangère selon l’article 32 LDIP ne peut se substituer au juge mais doit renvoyer cas échéant les parties à faire compléter le jugement rendu. Selon la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) et la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 114 V 153 ; ATF 114 V 162, consid. 5 ; ATF 120 V 463 ; ATF 137 I 86, consid. 9), les personnes transsexuelles ont droit au remboursement des frais relatifs aux prestations reconnues comme efficaces, appropriées et économiques (cf. art. 32 LAMal). Les prestations remboursées comprennent outre l’ablation des organes reproducteurs et la reconstruction d’organes génitaux, le suivi psychiatrique, le traitement hormonal, la chirurgie mammaire, l’épilation faciale, la chirurgie de féminisation faciale, la réduction de la pomme 4/5 d’Adam, le raccourcissement des cordes vocales, les séances de logopédie et la transplantation capillaire. Personnes intergenres : Dans sa réponse du 16.09.2013 à la Question (13.5300) déposée par Madame John-Calame, députée au Conseil national, le Gouvernement a confirmé être sensible aux problèmes rencontrés par les nouveau-nés dont les organes génitaux sont difficiles à définir comme masculins ou féminins. Il avait déjà affirmé sa sensibilité dans ses réponses à deux interpellations de 2011. Conformément aux recommandations de la Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine de novembre 2012, le Gouvernement s'est déclaré prêt à sensibiliser les autorités de l'état civil pour permettre de modifier l'inscription du sexe dans le registre de l'état civil, sans complication bureaucratique. Ces principes ont été transposés dans une communication officielle de l'Office fédéral er de l'état civil du 1 février 2014. 5/5