La Vérité
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La Vérité
Mlle PEREZ-GARINO Cours de philosophie Lycée des Iscles –Manosque 2008-2009 Cours de philosophie Classe Terminale T S Chapitre 6 : La Vérité 02/29/09 L A V E RITE PLAN LA VERITE.............................................................................................................................1 PLAN.......................................................................................................................................1 Introduction.............................................................................................................................1 I/ Le problème de la vérité : faut-il être sceptique ?...............................................................2 II/ Parcours : réalisme ou idéalisme ?...................................................................................4 1/ Vérité et non contradiction...................................................................................................................4 2/ Le débat sur l’adéquation.....................................................................................................................5 3/ La conception cartésienne de la vérité : certitude et évidence.............................................................5 4/ vérité et représentation : la problématique kantienne..........................................................................6 5) Les apories du réalisme et d l’idéalisme..............................................................................................7 6) La solution kantienne : volonté et intersubjectivité.............................................................................7 III/ Renouvellement contemporain ?......................................................................................9 1) Résurgences du scepticisme ?..............................................................................................................9 2) Existe-t-il des vérités pratiques ?.........................................................................................................9 IV/ Conclusion.......................................................................................................................10 Introduction Si l’on ouvre un dictionnaire à l’article « vérité » on peut y trouver la définition suivante : « caractère de ce qui est vrai soit du point de vue formel, soit parce qu’existant ». Par suite, est dit vrai tout énoncé qui s’impose à l’assentiment soit par rigueur logique soit par correspondance avec ce qui est perçu. Du point de vue métaphysique « vrai » peut être pris comme synonyme de réel ou existant, d’où un sens plus vulgaire de : tel que cela doit être, conforme à sa nature. Ainsi la vérité serait le vrai, le réel. Or la relation entre la vérité et ce qui a lieu est particulièrement clair lorsqu’on évoque la vérité d’une témoignage ou d’une étude Chapitre 1 : La philosophie une discipline exigeante mais maîtrisable Mlle PEREZ-GARINO Cours de philosophie Lycée des Iscles –Manosque 2008-2009 historique. Cependant, dire cela oblige à ne pas oublier qu’on entends par de telles expressions qu’il y a une conformité entre un discours, les symboles qu’il utilise et son contenu. Ainsi la vérité impose la correspondance entre un énoncé et le (s) phénomène (s) expérimental (aux) dont traite l’énoncé. Or cet état de fait semble s’accorder exclusivement aux énoncés logiques, scientifiques et non aux états mentaux comme les sentiments les perceptions etc. Est-ce à dire que la vérité n’est que scientifique ? Qu’il ne peut y avoir de vérité empirique ? Or est-ce que le problème est mal posé ? Car si la vérité n’est que démontrable scientifiquement, que dire d’expression comme « cet homme est vrai » ? Sur quel critères de la vérité allons-nous, nous appuyer pour délibérer ? Autant de questions qui vont servir de fil directeur dans l’étude de la notion de vérité. I/ Le problème de la vérité : faut-il être sceptique ? Reprenons un peu notre raisonnement. La vérité désigne la qualité d’être vrai. Cette qualité s’attache à certains énoncés, à certaines propositions vraies ou connaissance vraies, dont on dit alors qu’ils constituent des vérités. Il peut ainsi s’agir de vérités cognitives (ou encore théoriques) relevant de domaines de connaissance comme les mathématiques, la physique ou encore l’histoire. En effet, il y a des vérités mathématiques (théorème de Pythagore) comme il y a des vérités physiques (la loi de la chute des corps) ou des vérités historiques (César a été assassiné aux ides de mars 44 avant notre ère). Les vérités peuvent aussi être des vérités morales qui concernent la sphère de l’action. On les appelle alors des vérités pratiques. Ce sont les vérités comme : on ne doit pas trahir ses promesses, revenir sur ses engagements ou mentir de façon éhontée. Si on réserve provisoirement pour la suite de la réflexion le cas des vérités morales ou pratiques, on peut considérer que la vérité s’est trouvée définie par les philosophes selon deux critères principaux : d’une côté celui de l’adéquation de nos énoncés au réel, de l’autre celui de la cohérence du discours (non-contradiction). En d’autres termes un énoncé ne saurait être vrai que s’il correspond à la réalité dont il parle, si ce qu’il en dit est adéquat et s’il ne se contredit pas, s’il n’attribue pas à une sujet des prédicats qui entrent en contradiction avec lui ou qui se contredisent entre eux par exemple quand je dis le rectangle est une cercle carré. C’est de ces deux critères de la vérité que la question de la vérité se fait problème philosophique. Posé ainsi on évite le danger du dogmatisme. Sous sa forme la plus immédiate, le dogmatisme consiste à estimer que ce que l’on croit est vrai au point de ne pas envisager d’en douter. De là les certitudes acquises ne sont pas remises en doute et la recherche de vérités nouvelles se trouve étouffée dans l’œuf. Chapitre 2 : La vérité 2 Mlle PEREZ-GARINO Cours de philosophie Lycée des Iscles –Manosque 2008-2009 Ce danger éviter, il n’en reste pas moins que la problématisation de la vérité peut conduire à l’écueil du scepticisme ou pyrrhonisme. Le scepticisme consiste à se demander si l’accès à toute forme de vérité n’est pas une simple illusion. Il envisage comme indépassable le fait que toute vérité prétendue soir douteuse. Autrement dit, ébranler telle ou telle connaissance tenue pour certaine, y introduire la conscience d’une doute possible, peut conduire, par radicalisation et élargissement de cette mise en doute, à nier que nous puissions parvenir, à de quelconques certitudes. Dans ce cas l’attitude sage serait de s’en tenir au doute, en procédant à l’époché, c'est-à-dire à la suspension de toute jugement, sans aucun mélange d’affirmation. Cela reviendrait à se passer de la notion de vérité. Or se passer de toute réflexion à l’idée de vérité a pu commettre si souvent au nom d’une prétendue vérité. Les exemples pour illustrer nos propos ne manquent pas et manifestent les conséquences désastreuses d’être résolument dans le vrai. Si nous pensons détenir avec une certitude absolue certaines vérités pourquoi ne soumettrions-nous pas le réel, au nom de cette conviction, à ce que ces vérités nous paraissent impliquer ? Face à ce danger comment ne pas être séduits par ce qu’il peut y avoir de tolérant dans le scepticisme ? Et du coup proclamer : à chacun sa vérité ? Le scepticisme ouvre ainsi sur un relativisme virtuellement plus accueillant sauf qu’en réalité aucun scepticisme ne l’est. Les doutes sceptiques sur la possibilité du vrai conduisent alors à la position des sophistes qui estimaient toute connaissance comme intrinsèquement relative au sujet et à sa perception des choses. On semble ici être face à une impasse : soit on rejette toute vérité (scepticisme) soit on tient toute connaissance pour vraies (dogmatisme). Or l’expérience nous montre que le choix n’est pas si cornélien qu’il n’y parait. En effet, une troisième position peut passer pour intermédiaire. Pour le pragmatisme la vérité n’est plus un absolu et pour cause : ce qu’est vraiment une chose tend à se réduire à l’ensemble de ses effets possible. Cela reviendrait à dire que la vérité se signale par des critères intrinsèques. En fait, c’est par référence à cette normativité de la vérité que nous pouvons distinguer un jugement vrai d’un jugement faux, par exemple une démonstration juste d’un délire purement hallucinatoire. Cette distinction est primordiale aussi bien à propos des vérités théoriques (celle de la connaissance) et des vérités pratiques (celle utile à l’orientation de nos actions). Les premières décrivent le monde tel qu’il est, les secondes nous indiquent ou nous prescrivent ce qui doit être. Dans les deux cas, il est nécessaire de se référer à l’idée selon laquelle il y a certains énoncés que nous ne pouvons mettre en doute. Nécessité nécessaire puisqu’elle nous permet d’une part d’échapper au relativisme et au scepticisme. Par exemple à propos des vérités théoriques, pour distinguer un théorème mathématique, quand il est démontré, des théorèmes mal formés, dont l’incohérence prouve sa fausseté. De même en ce qui concerne les vérités pratique : c’est à l’idée de vérité universelle que nous faisons références quand nous tenons pour Chapitre 2 : La vérité 3 Mlle PEREZ-GARINO Cours de philosophie Lycée des Iscles –Manosque 2008-2009 intrinsèquement distinctes la proposition normative selon laquelle il ne faut pas être antisémite et la proposition qui soutient que telle boisson est plus agréable que telle autre. Ainsi le problème de la vérité est de ses critères doit être reposé. En effet une fois avoir échappé à la séduction du scepticisme comme fonder la valeur de la vérité ? Problème intéressant puisqu’il s’agit de trouver une fondation qui constitue une limitation possible de la prétention d’accéder au vrai. En d’autres termes tournons-nous vers le problème du type de fondation à apporter à l’exigence de vérité. II/ Parcours : réalisme ou idéalisme ? Repartons des critères traditionnels de la vérité : serait vrai un énoncé cohérent (non contradictoire) et adéquat (conforme) à la réalité dont il parle. Ces critères sont-ils suffisants et nous permettent-ils par eux-mêmes de fonder une référence à la notion de vérité répondant aux conditions que nous venons de dégager ? 1/ Vérité et non contradiction. Commençons par le critère de la cohérence. Aux yeux de Hegel, la contradiction constituait un moment du déploiement même de la vérité : celui de l’affrontement des contraires avant leur réconciliation dans une unité supérieure surmontant la contradiction et redevenant identique à elle-même. Prenant appui sur Hegel, Nietzsche nous dit, dans La volonté de puissance (trad. G. Bianquis, I, livre I, §115) : « Si le principe de contradiction est selon Aristote le plus sûr de tous les principes, s’il est le dernier et le plus fondamental, celui où se ramènent toutes les démonstrations, s’il porte en lui le principe de tous les axiomes, on devrait tenir un compte d’autant plus rigoureux de ce qu’il présuppose déjà d’affirmations, au fond. Ou bien il consiste à affirmer une chose au sujet de ce qui est véritable, de l’être, comme si l’on en avait d’autre par une connaissance préalable – je veux dire comme si l’on savait qu’on ne peut pas prêter à l’être des attributs contradictoires. Ou bien ce principe signifie qu’on ne doit pas lui prêter des attributs contradictoires. La logiques, en ce cas, serait un impératif, destiné non à nous mener vers la connaissance du vrai, mais à définir, à combiner un univers que nous avons le devoir de tenir pour vrai » Ce que Nietzsche veut dire ici, c’est que ce serait purement et simplement une incapacité des hommes les plus faibles à soutenir ou à supporter ce qu’il peut y avoir de contradictoire dans le réel lui-même qui les aurait poussés à adopter le critère de non contradiction comme critère de la vérité. A l’encontre de quoi il nous faudrait aujourd’hui nous libérer de ce prétendu critère pour faire surgir une volonté suffisamment forte pour acquiescer à tout ce que fait advenir le cours des choses, y compris les tensions, les oppositions les affrontements les plus extrêmes. Chapitre 2 : La vérité 4 Mlle PEREZ-GARINO Cours de philosophie Lycée des Iscles –Manosque 2008-2009 Cependant, prendre en compte cette représentation exige de se demander si ce n’est pas la volonté de vérité elle-même qui serait à remettre en question. Mais laissons là ce point pour nous pencher sur le second critère de la vérité, la conformité de l’adéquation de la connaissance à la réalité. 2/ Le débat sur l’adéquation L’origine de ce critère se trouve dans De l’interprétation d’Aristote. Il explique que les sons que nous émettons sont les « symboles » de nos « états d’âme », c'est-à-dire de nos pensées. Tout deux sont en relations de correspondance avec les choses. Si entre les mots et les états d’âme », la correspondance prend la forme d’une rapport de signification (symbole), la correspondance entre les pensées et les choses est un rapport de ressemblance. Ainsi les pensées sont les images des choses. Par la suite Aristote introduit la distinction du vrai et du faux et précise que le discours vrai est celui dont les énoncés entretiennent avec els choses qu’ils expriment un rapport qui n’est pas seulement de signification, mais de ressemblance. Ainsi pour qu’une proposition soit vraie il faut que la ressemblance corresponde à une liaison existant dans les choses elles-mêmes. Il y aurait donc une vérité dans les choses qui résiderait dans la manière dont ces choses sont liées. Ainsi la vérité existant dans notre pensée calquerait ou non celle qui est déjà dans les choses. Pour le dire autrement : pour être vraie, une pensée et la proposition qui exprime cette pensée doivent être entièrement adéquates l’une à l’autre comme si l’idée qui est son référent dans la réalité. Pour le dire plus simplement encore, une idée est vraie que si elle « représente » la chose, elle la présente à quelque façon comme si elle était là. La question de la vérité devient donc celle de la représentation c'est-à-dire celle qui touche à la manière dont les choses se présentent à nous ; en d’autres termes : comment nos représentations des choses peuvent elles être vraies ? Or, si la vérité se définit par l’adéquation, il devient extrêmement difficile, voire impossible, de vérifier la correspondance à la faveur de laquelle une pensée ou une proposition peut être dite vraie. Il faudrait pour cela comparer l’idée et la chose, la représentation et ce qu’elle représente, c'est-à-dire son objet. Mieux, si la vérité est affaire de représentation, comme nous assurer que certaines sont vraies et d’autres fausses ? En recherchant de nouveaux critères. 3/ La conception cartésienne de la vérité : certitude et évidence. Partant que ce critère de correspondance est nominal, c'est-à-dire verbal (Lettre à Mersenne du 16 octobre 1639), Descartes réclame une méthode pour différencier vérité et connaissance. Pour lui est vrai en premier lieu, ce dont je ne puis douter, donc ce dont je puis être certain. Ce que cherche à faire Descartes ici est de retenir pour vrai les propositions qui sont obtenues au terme d’une « longue chaîne de raison » ou le mouvement de la pensée déductive a Chapitre 2 : La vérité 5 Mlle PEREZ-GARINO Cours de philosophie Lycée des Iscles –Manosque 2008-2009 été « continue et ininterrompu » (Règles pour la direction de l’esprit, III). Là est la marque même de la vérité. Mais pour les principes eux-mêmes, comment procéder ? Un moment d’intuition est ici nécessaire pour appréhender les premières vérités. Mais comme reconnaître une intuition vraie ? La réponse se trouve dans le Discours de la Méthode (II partie) : « n’accepter aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ». En sorte que si l’on combine ce précepte avec celui de l’enchaînement ininterrompu des déductions, on pourra estimer close l’interrogation sur la vérité en considérant qu’ « il n’y a pas d’autres voies qui s’offrent aux hommes, pour arriver à une connaissance certaine de la vérité, que l’intuition évidente et la déduction nécessaire ». Or, une objection peut ici être faite : quel critère pour l’évidence ? Mais procéder ainsi porterait à faire une régression à l’infini et on retomberait dans le scepticisme. Or il n’en est rien. En effet, dans cette explicitation des critères de la vérité nous observons qu’à partir d’une définition traditionnelle (adéquate) qui situait la vérité au point de rencontre entre l’entendement humain et la chose elle-même nous en sommes venus à déplacer vers le sujet et ses expériences le lieu de la vérité. En effet, « la certitude, écrit Descartes, est comprise non pas dans les objets mais dans notre pensée’ (Réponses aux secondes objections). Le déplacement du lieu de la vérité est donc dans le sujet à tel point que ce qui fait apparaître le vrai plutôt que le faux réside dans la façon dont la volonté choisit de « poursuivre ou de fuir les choses que l’entendement nous propose ». En bref, certes la vérité est clarté et évidence mais elle est toujours représentation. 4/ vérité et représentation : la problématique kantienne. On pourrait objecter que notre réflexion tourne en rond et ne progresse pas dans la recherche de l’essence de la vérité. Certes et cela serait vrai si on omettait la position kantienne sur la vérité. Si nous réfléchissons à la façon dont Kant pose le problème de la vérité, nous pouvons l’expliciter en disant qu’il s’agit d’un problème à quatre termes : l’activité représentative relie en effet un sujet en soi (S1), qui peut avoir une certaine représentation de lui-même (S2) et un objet ou une chose en soi (O1), dont il se forge une représentation (O2) O1 S1 S2 O2 Ce schéma pose le problème du rapport entre O1et O2 c'est-à-dire entre ma représentation et la chose en soi. En effet, peut-il y avoir adéquation entre O1 et O2. Bref, pour le dire autrement quand je dis que c’est une trousse et qu’elle a telle forme, tel poids, telle Chapitre 2 : La vérité 6 Mlle PEREZ-GARINO Cours de philosophie Lycée des Iscles –Manosque 2008-2009 couleur tel ensemble de caractéristiques ou de fonction, comment établir la vérité ou la fausseté de ma représentation et des jugements que j’en tire ? George Berkeley (début du XVIIIè siècle) solutionne ce problème en disant que « Etre c’est être perçu ou percevoir) de sorte que dans la perception se trouve en jeu d’une part le sujet (définit par sa capacité de percevoir ou de se forger des représentations) et l’ensemble des représentations. Kant lui propose la solution suivante : nous « avons des représentations. J’ai la représentation d’un objet devant moi ou d’une musique que j’entends en recevant le plaisir qu’elle suscite en moi ». Dans ce cas le sujet se représente l’objet conformément à ce qui émane de l’objet et par conséquent la représentation est conforme à elle-même. Ainsi la vérité passe par la représentation de l’objet perçu ce qui ne fait que de rendre plus ardu le problème même de la vérité. En effet, face au problème de la vérité posé comme tel deux solutions soit la vérité n’est envisageable que du point de vue Idéaliste soit que du point de vue réaliste. Disons rapidement en quoi elles consistent et pourquoi elles rendent le problème de la vérité plus ardu. 5) Les apories du réalisme et d l’idéalisme. La première solution disponible est celle que nous avons vu chez Berkeley : celle de l’idéalisme ou immatérialisme. IL s’agit de la position pour laquelle la matière ne serait qu’une idée et non une réalité. Dans cette optique c’est le sujet qui produit ses représentations et l’objet ne serait alors que la projection de la subjectivité du sujet. Ainsi l’esprit est le seul objet et le monde sa représentation. Cette solution on le voit, ne peut pas être retenu car, elle ne peut pas rendre compte de ce qu’il y a de passif ou de vécu de la représentation du sujet. La seconde solution qui est celle du réalisme consiste à faire de la représentation l’effet produit en moi par la rencontre avec l’objet. En d’autres termes, la chose avec toutes ses propriétés, affecte mon esprit, conçu comme une cire malléable où la chose rencontrée inscrit sa marque plus ou moins ressemblante. On retrouve cette conception chez Karl Popper. En effet, pour ce philosophe contemporain, il y a au-delà des représentations, des « faits » et que ces faits sont la cause des représentations, lesquelles ne sont vraies que si elle correspondent à ces faits plutôt qu’à notre volonté ou à nos désirs. Kant rejette cette thèse et demande comment les choses nous sont données si ce n’est pas par affection. 6) La solution kantienne : volonté et intersubjectivité. Chapitre 2 : La vérité 7 Mlle PEREZ-GARINO Cours de philosophie Lycée des Iscles –Manosque 2008-2009 La solution consiste en ce qu’il est convenu d’appeler la « Révolution copernicienne ». Kant part de l’analogie avec les sciences. Par rapport à l’ancienne astronomie datant de Ptolémée, Copernic avait de son côté décentré l’investigation en substituant le Soleil à la Terre comme foyer astronomique. La révolution kantienne recentre l’investigation philosophique autour de la subjectivité en mettant entre parenthèse la représentation O2 et l’en soi O1. Il s’agit donc de reposer la question de la vérité sans prendre en considération cette relation. Il faut donc repenser les termes du problème, concernant les rapports entre le sujet connaissant et ses objets. Ce qui nous donne : 1) Le problème de la vérité ne sera plus posé en termes de relations entre O1 et O2 : puisque le passage entre chose en soi (O1) et représentation O2 et impossibilité. En effet, il consiste à nier la finitude du sujet (le sujet percevant est limité) connaissant et à imaginer que ce sujet puisse sortir de lui-même pour coïncider avec l’en soi. 2) Inversement, le problème de l’objectivité sera résolu par un retour au sujet : il va s’agir d’un mouvement de retour à l’intérieur de la représentation, consistant à fonder la vérité. On distingue donc à l’intérieur de la représentation : d’un côté, celles qui sont irréductiblement subjectives (particulières) et de l’autre, celles qui, peuvent être dites objectives car elles peuvent en droit être partagées par tout sujet humain. En résumé et pour dire autrement, le problème devient : qu’est-ce que le sujet peut tenir pour objectif en lui ? Il s’agit donc de rechercher dans nos représentations une dimension de transcendance par rapport à celles de nos représentations qui sont particulières à tel ou tel d’entre nous. En ce sens il s’agit donc de produire dans la définition même de l’objectivité ou de la vérité un changement décisif. Avant Kant l’objectivité est ce qui est en soi, exemple ma représentation et donc subjectif/objectif = interne/externe. Après Kant l’objectivité ou vérité est ce qui vaut universellement pour tout sujet et donc subjectif/objectif = particulier/universel. Donc en ce qui concerne les vérités théorique la Critique de la Raison Pure répond que ce qui les rend possible est le sujet utilise des concepts universels. C’est donc dans la mesure où nous synthétisons la diversité de nos représentations sous certains concepts que nous pouvons partager nos jugements avec autrui et c’est cette notion de partage qui définit la vérité. Ces concepts partagés et universels Kant les nomme « purs ». Ils sont stables à l’inverse des concepts « empiriques » soumis aux changements. Par exemple le concept empirique que je Chapitre 2 : La vérité 8 Mlle PEREZ-GARINO Cours de philosophie Lycée des Iscles –Manosque 2008-2009 me fais du « Prince charmant » est très différentes de celui de quand j’avais cinq ans. Il est le produit de nos expériences différentes. En revanche le concept utilisé est identique. En bref ce sont ces concept purs qui rendent possibles nos expériences en nous permettant d’introduire de l’unité dans le divers et de le structurer. Ces vérités que sont les concept purs, ou a priori, ne se mesurent plus à un quelconque accord entre leurs représentation et la chose en soi mais entre sujet et leurs jugements. L’intersubjectivité délimite donc l’espace des vérités possibles. III/ Renouvellement contemporain ? La façon dont Kant avait tenté de révolutionner la notion de vérité n’a pas mis un terme à l’interrogation sur ce problème. Plusieurs traditions philosophiques ont contribué à problématiser à nouveau la dimension de vrai au point de donner parfois une vigueur retrouvée au scepticisme. 1) Résurgences du scepticisme ? Pour Sartre et Merleau-Ponty la question de la vérité s’est vue médiatisée par celle du corps. Dans la Phénoménologie de la perception Merleau-Ponty par la diversité des corps fait surgir l’idée que le sujet est difficilement universalisable. Le sujet ne perçoit-il pas toujours de son point de vue ? Je sais bien qu’il y a des choses, je vois bien les choses qui sont autour de moi mais chaque fois que je regarde ce qu’il y a, le fait me^me qu’il y a des choses, le fait d’être se dissimule derrière ce qu’il y a. Ainsi le sujet n’a jamais qu’une vue partielle du monde. On retrouve cette thèse chez Jürgen Habermas qui soutient que la vérité devrait apparaître surtout comme « un mécanisme d’exclusion perfide pour qu’il ne fonctionne qu’à la condition que ce qui s’impose à chaque fois comme volonté de vérité demeure caché » (Habermas, Le Discours philosophique de la modernité, 1985, Paris, Gallimard, 1988, p. 293). Ainsi on retrouve ici avec Habermas tout le fond sceptique : la vérité aurait elle-même pour vérité d’être adossée à une « volonté de vérité », ou pour dire autrement derrière la vérité, il faudrait faire resurgir cette volonté de vérité qui y demeure cachée, « masquée par la vérité ellemême dans son déroulement nécessaire ». Mais face à tant de difficulté il faudrait pour conclure voir ce qui s’attache à ce destin de la notion de la vérité en ce qui concerne les vérités pratiques. 2) Existe-t-il des vérités pratiques ? Chapitre 2 : La vérité 9 Mlle PEREZ-GARINO Cours de philosophie Lycée des Iscles –Manosque 2008-2009 La tentation sceptique a de fait produit des effets délicats dans le domaine des vérités morales ou pratique, quand il s’agit de savoir si l’on peut concevoir en morale, en droit ou en politique, des termes de référence possédant plus de validité que d’autres. Bref, peut-on dans le domaine de la pratique, de la morale, concevoir quelque chose comme des vérités. En d’autres termes ils nous font mesurer pourquoi la conviction que certain jugement de valeur sont plus vrai que d’autres. La raison réside dans la forme de référence à l’idée d’un bien ou d’un Juste en soi auquel devait correspondre une fin pour être bonne ou juste. D’une part la définition de la vérité pratique comme adéquation à un bien ou un juste tombe sous le coup des difficultés générales inhérentes à toute saisie du vrai en termes de conformité. D’autre part une telle conception de la vérité pratique mobiliserait des investissements métaphysiques trop lourds. En effet, quand nous ne pouvons plus lire le Juste ou le bien dans un quelconque ordre du monde, toute la démarche de la philosophie pratique se trouve bouleversée puisque aucune fin ne peut plus être tenue pour correspondant à un bien ou à un juste en soi, toute fin ne vaut que pour celui qui la pose. IV/ Conclusion Ainsi face à toutes ces conceptions de la vérité, chacun informés des forces et faiblesses de celles-ci est averti des enjeux qui se trouvent associés au destin de la notion même de vérité, et peut faire jouer le double jeu de la raison et de l’expérience. BIBLIOGRAPHIE Bertrand RUSSELL : Signification et vérité Maurice MERLEAU-PONTY : Phénoménologie de la perception René DESCARTES : Méditations métaphysiques Bibliographie Chapitre 2 : La vérité 10