Predication JF Breyne Rameaux Oratoire 2[...]
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Predication JF Breyne Rameaux Oratoire 2[...]
Dimanche 24 mars 2013 Culte des Rameaux à l'Oratoire. Marc 11, versets 1 à 11 et Zacharie 9, 9 et ss. Comme nous aurions aimé, n'est-ce pas, nous trouver sur le bord du chemin, ce jour là près de Jérusalem, pour voir passer le Maître ? Nous aurions apporté, en guise de rameaux d'olivier, quelques branches de châtaigniers, de cyprès, de cerisiers, ou d'amandiers…. Et avec la foule nous aurions crié : - « Hosanna au fils de David, béni soit au nom du seigneur celui qui vient. Hosanna jusqu'au plus haut des cieux ». Oui nous aurions crié Hosanna, sans bien savoir ce que cela veut dire, mais qu'importe, cela ne serait pas la première fois que nous hurlerions avec une foule sans bien savoir ce que nous disons... Vous imaginez un peu la fête ! Une foule immense qui acclame le Maître, alors que nos temples le plus souvent sont à moitié vides ( sauf ce matin bien sûr ). Mais ce jour là, c'est les rues qui étaient pleines de monde. Comme nous aurions aimé y être et pouvoir dire : - Regardez : il est là. - Enfin, nous le voyons, regardons-le : il est là, il existe… voyez ! voyons ! Oui, comme nous aurions aimé, n'est-ce pas, être sur ce chemin qui conduit à Jérusalem, ne serait-ce qu'une fois dans sa vie, n'est-il pas vrai ? Mais nous ne sommes pas sur le bord du chemin le jour des Rameaux, et peut-être est-ce tant mieux. Oui, tant mieux. Car au fait, que signifie Hosanna ? Hosanna ne veut pas dire : hourra, victoire, ou que sais-je encore. Non, hosanna signifie : sauve, délivre, donne la victoire. La foule n'acclame pas Jésus, la foule l'appelle, l'exhorte : « sauvenous, fils de David ! Donne-nous la victoire ! Sauve-nous jusqu'au plus haut des cieux ». Sauve-nous, mais de quoi ? De l'occupant romain, du chômage qui déjà était un fléau, du désespoir. De nos familles parfois désunies, de la jalousie et de la haine… Sauve-nous de nos échecs, des cibles que nous n'arrivons plus à atteindre, de nos paroisses qui décroissent. Délivre-nous… de l'absurde de nos vies ; Oui, sauve, Seigneur, donne-nous la victoire : règne enfin ! Oui, comme nous aurions aimé, n'est-ce pas, être sur ce chemin qui conduit à Jérusalem ? Et bien non ! Pour ma part, je bénis l'Éternel de m'avoir épargné cette épreuve. Car, au bout de ce chemin où ne manquent que les caméras de la télé, que se trouve-t-il ? De quelle couronne ce Jésus que l'on acclame comme un roi va-t-il être couronné ? Au bout de son chemin, sa couronne sera d'épines. Son sceptre, un fouet sur son dos ; 1 Son trône, une croix et lui les bras liés dessus. Et là, plus de foule pour l'acclamer. Seul quelques-uns uns pour l'insulter et se moquer. Même les disciples ont fui. Le roi est condamné, et avec lui sont condamnés tous nos désirs de puissance et de gloire, de foules nombreuses et "acclamantes". Lorsque la croix se dressera à l'horizon, il n'y aura plus personne. Même pas un « pour veiller une heure avec lui »1. Car le Messie que la foule acclame, c'est le messie de la bonne doctrine de l’époque, un restaurateur de la royauté, un libérateur du peuple, chasseur de l'occupant romain. Bref, un sauveur politique, fort et puissant. Un messie à la De Gaulle entrant dans Paris avec la division Leclerc. Voilà ce que veut la foule. Voilà ce que nous voulons ! Force, puissance et gloire ! Comme le Messie que nous attendons est le plus souvent celui qui nous sauverait comme d'un coup de baguette magique de la maladie et de la mort, restaurerait notre Église dans sa force et sa gloire, nous donnerait finances abondantes et temples pleins tous les dimanches, grande bande d'amis dont je serais le leader incontesté, bien sûr… Oui, mais voilà : Le Messie attendu par Israël se révèle être un Messie inattendu. Le Messie attendu est un Messie inattendu. Et là réside peut-être l'enseignement majeur de l’Évangile : Dieu, et son Christ, ne se trouvent jamais là où l'homme croit qu'ils sont. Le Dieu de l'Évangile se révèle ailleurs, toujours, de nos phantasmes, de nos rêves, de nos illusions, et nous invite du même coup à nous tourner, nous aussi, vers l'ailleurs de notre vie, vers l'ailleurs de nous-mêmes. Au-delà. La messianité de Jésus, c'est sur la croix et au petit matin de Pâques qu'elle se révèle. Pas sous les "bravos" de la foule. Car la force de Jésus, c'est d'en avoir aucune, et c'est cette "nonpuissance" qui, paradoxalement, fait éclater tous les verrous des maisons de la peur et de la mort. Et ainsi notre seule force, à nous aussi, mes amis, est de n'en avoir aucune. Alors, nous tiendrons des paris insensés, impossibles. Et c'est peut-être lorsque nous nous sentons faibles et impuissants qu'alors nous sommes au plus proche de nous- mêmes, des autres et de Dieu. Véritablement humain, dans le terreau de notre fragilité enfin acceptée. Et non, nous n’aurons jamais de preuves de tout cela. Nous ne pourrons jamais voir Jésus « pour de vrai » ; et qu’importe, puisque ceux qui l’ont vu, en vrai, n’ont pas su le reconnaître… Tous, n'ont pas su. Pas vu. Pas pu. Sauf, peut être, quelques femmes, nous suggère l’Évangile. Nous, nous pensons souvent : ha, si nous avions été là ! Ha, si Il était là ! Tout ne serait-il pas plus simple ? Pas sur. Certainement que non. Peut-être même notre place est-elle plus enviable… Et c'est tant mieux… 1 Cf. Matth. 26, 40. 2 Car la distance permet le recul et nous offre la chance de l'interprétation, de notre liberté dans la foi. Car n'est-ce pas cela, croire, n'est-ce pas cela, la foi ? Dans les certitudes de nos vies, maintenir une petite fenêtre ouverte sur cette gigantesque interrogation : Et si ? Et si il y avait autre chose ? Et si la réalité ne se limitait pas, justement, seulement à ce que je peux en voir ? Et si l’essentiel, même, était invisible pour les yeux ? Oui, c’est cela, que nous voudrions partager : Et si il y avait un autre regard possible, par delà de la tyrannie des apparences et des évidences ? Et j'en veux pour preuve les derniers versets de notre passage de ce matin : « il entra à Jérusalem dans le temple. Après avoir tout regardé autour de lui, il sortit ». Nous ne saurons jamais ce que le maître a vu. Mais lui qui est monté à Jérusalem très exactement pour se rendre au temple et célébrer, très certainement "la fête des Tentes", et bien Jésus n'y reste pas. Il sortit. Comme pour nous dire : attention, Dieu n'est pas ici, il n'est nul part résident permanent des temples et des églises, des mosquées ou des pagodes. Le Dieu de l’Évangile est ailleurs, dehors, là où vivent, souffrent et rient les hommes et les femmes ordinaires, là où naissent les enfants et pleurent les vieillards, là où souffle le vent du large, ce vent du premier matin du monde. Non, Dieu n'est pas dans le temple. Pas plus qu'il n'est sous les bravos de la foule ! Alors Christ sortit. - Mais, Monsieur le pasteur, me direz-vous, il est ailleurs, soit, mais alors, où se révèle-t-il ? Pour moi, pour ma vie ? Et l’Évangile de vous répondre : - dans la parabole de l'âne. - Quoi ? - Oui, Dieu se révèle dans la parabole de l'âne. Dans l'âne des rameaux. L'âne. Animal familier que l'on trouvait partout, dans presque tous les foyers en ces temps là et en ces lieux là. Comme aujourd'hui encore il est omniprésent sur les routes du Maghreb. L'âne, animal domestique et agraire, qui s'oppose au cheval, monture royale et guerrière. L'âne, mouture messianique déjà chez Zacharie, mais le peuple n'a retenu que l'image de roi, sans se souvenir de la suite : doux, juste et humble. Mais allons plus loin. Non pas tant sur l'âne que dans cette parole que Jésus adresse aux disciples : "détachez-le, et si on vous demande pourquoi, répondez : le Maître en a besoin". Détachez-le. Délier. Luô en grec. Le premier verbe que j'ai appris à conjuguer. Et bien voilà très exactement le cœur du cœur de l’Évangile. Qui est Jésus ? Celui qui s'en vient délier tout homme, toute femme de ses chaînes, de ses peurs, de ses angoisses de ses échecs. Délier et faire délier. 3 Qu'est-ce qu'un chrétien ? Un homme, une femme qui reçoit ce "déliage", ce "déliement" , cette délivrance, et qui tente d'en vivre. Ce ne sont pas les rameaux qui sont important chez Marc, et certainement pas les cris de la foule, qui, je l'ai dit, relève davantage d'une méprise que d'une confession de foi ! Le cœur du récit, c'est l'histoire de l'âne : 7 versets pour l'âne, 3 pour la foule et les rameaux. - « Déliez-le et apportez-le ». Humour : on pourrait aussi traduire : "et portez-le". L'âne qui va porter le maître est lui-même porté à Jésus. - « Et si on vous demande pourquoi, dites : le Maître en a besoin : il l'envoie ici (traduction littérale) ». Et l'âne se retrouve envoyé. Et littéralement en grec : l'âne se retrouve apôtre2. Au-delà les jeux de mots, de ces traits d'humour que l’Évangile affectionne, c'est encore cette phrase de Jésus qui émerge : - « Le Maître en a besoin ». Et voilà l’Évangile ; et voilà le monde à l'envers. Si le Maître a besoin d'un âne, alors Dieu a besoin de toi. Dieu a besoin de moi. Dieu à besoin de nous ! Απτρεapostolov ) = envoyé, en grec. Parce qu'entre Dieu et l'homme, il s'agit d'une histoire d'amour, d'une histoire de liberté. Pour fonder la construction d'une fraternité possible. Dieu désire l'homme. On pense le plus souvent que la foi, c'est croire en Dieu, en cela ou en cela; Mais non ! La foi, c'est découvrir que Dieu croit en moi. C'est Dieu qui, d'abord, croit en l'homme. En toi. En moi. Pour construire ensemble un autrement possible. Et ce faisant, Dieu nous appelle à la vie, à la délivrance. Rappelez-vous Zacharie : " je retirerai les captifs de la fosse, je délivrerai les captifs, dans l'espérance" On peut aussi traduire : "je vous délivrerai, et vous serez captifs de l'espérance". Voilà la promesse : nous sommes désormais captifs de l'espérance. Nous n'y pouvons rien, c'est comme cela : nous sommes déliés de l'angoisse, et liés à l'espérance ; prisonniers de la confiance. Ma sœur, mon frère : Dieu n'est pas dans le temple, Dieu est dans la parole de l'âne, Dieu est dans le déliement, Dieu est dans le désir, Quand bien-même toi tu crois que plus rien ne vaut pas peine ! 2 4 - "Car la venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer, et l'on ne dira pas : voici ; il est ici. Ou bien : voici il est là ; car voici que le Royaume de Dieu est en vous" ( Luc chap. 17 verset 21). En nous et entre nous. Dans une autre relation possible. Dans une fraternité enfin possible. Où l'autre n'est plus à craindre, mais à accueillir. Pas dans les cris de la foule en liesse. Pas dans les temples ; fût-ce celui de l'ORATOIRE ou même de Jérusalem. Non. Mais en toi, mon frère âne, En toi, ma sœur ânesse, chaque fois que s'ouvre assez ton cœur pour y entendre la parole du Maître : "- viens, j'ai besoin de toi, - viens, pour le pas de la fête, le pas de la danse, le pas de la vie. - viens, ne t'inquiète pas, Moi, le Seigneur, je te détache de toutes tes amarres des ports de l'angoisse : - à toi les chemins des montagnes, à toi les vastes horizons ; à toi la vie : Moi, le Seigneur, je sors avec toi." Amen. Pasteur Jean-François Breyne. 5