Quand les marques cassent les codes

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Quand les marques cassent les codes
JDDCommunication
9 à 10 de la création et de l’innovation | 22
Quand les marques
cassent les codes
Organisées en partenariat avec Thinkers & Doers, le Palais de Tokyo et « Le Journal du Dimanche », deux nouvelles sessions des 9 à 10 de la création et de l’innovation ont permis à des
artistes, entrepreneurs et décideurs de débattre des nouvelles conditions de collaborations publicitaires et de la façon dont les marques réinventent leur communication à l’ère digitale
9 à 10 DE L’INNOVATION
Sur Internet, le pari de l’authenticité
vec Internet et les réseaux
sociaux, nous sommes
entrés dans l’ère où tout
le monde peut devenir sa propre
marque et son média. « Si vous
n’avez pas d’empreinte digitale, vous
êtes suspect », sourit David Lacombled, président de la Villa Numeris,
think tank dédié à la culture numérique. « Les marques se doivent donc
de créer une conversation avec des
influenceurs », poursuit-il, dans le
but de renouveler leur communication. Avec plus de 500.000 abonnés
sur Instagram et environ 100.000
sur Twitter, le mannequin Caroline de Maigret est « une influence ».
En un simple tweet, « elle a boosté
les inscriptions à ce débat », note
Amandine Lepoutre (Thinkers &
Doers), qui a animé les échanges
mardi. Depuis des années,
Caroline de Maigret associe donc
son image à des marques. « Certains
sont dans Vogue ou Elle, je suis sur
Instagram », s’amuse-t-elle. Des
supports différents avec leurs règles
propres.
« Le digital appelle à la plus
grande transparence, au risque de
paraître trop naturel. Les marques
et les personnalités sont obligées
d’être dans leur propre vérité »,
affirme David Lacombled. « Les
consommateurs sont devenus actifs sur Internet. Mes followers sont
maîtres de leur choix, je me dois donc
d’être sincère », renchérit Caroline
de Maigret, qui affirme « refuser
99 % des offres de collaboration »
Sur la scène du
Palais de Tokyo,
de g. à d. :
Amandine
Lepoutre
(Thinkers
& Doers), David
Lacombled
(président de la
Villa Numeris),
Caroline
de Maigret
(mannequin) et
Adrien Labastire
(fondateur du
site Golden
Moustache).
A
Les tweets des 9 à 10
PHOTOS NICOLAS
MARQUES POUR
LE JDD
pour respecter le « contrat » qui la
lie à ses abonnés. « Sur Internet, la
nouvelle génération est très intolérante à la publicité traditionnelle,
unilatérale, comme on la voit à la
télévision. En témoigne le nombre de
gens qui ont un bloqueur de publicités installé sur leur ordinateur »,
analyse Adrien Labastire, fondateur
du site Golden Moustache.
Les grandes marques
se parodient
Cette recherche d’authenticité
et de transparence a amené des
marques à transformer leur communication sur Internet, quitte à
parodier des publicités qu’elles
diffusent sur les canaux classiques.
Golden Moustache a ainsi collaboré
avec L’Oréal en 2015 afin de créer un
clip parodiant une publicité de la
marque pour son gel capillaire très
en vue il y a quelques années. Dans le
même genre, Lancôme a donné carte
blanche à Caroline de Maigret. « Je
plongeais ma tête dans une palette et
je ressortais maquillée et sublime »,
raconte-t-elle, un clin d’oeil aux clichés publicitaires dans le domaine
de la mode et de la beauté.
Des prises de risques obligées sur
Internet, où la publicité peut être
facilement contournée ou bloquée.
« On ne peux plus prendre les gens
en otages pour matraquer leur cerveau avec une pub », admet Adrien
Labastire, qui explique que parado-
xalement, « ce sont les marques qui
semblent avoir une communication
très cadrée qui offrent la plus grande
liberté aux créateurs ». Caroline de
Maigret confirme : « Lors d’une
collaboration avec Chanel, ils n’ont
envoyé personne sur le tournage,
j’étais totalement libre ». La preuve
que les marques assimilent peu à peu
les codes d’Internet et transforment
leur manière de travailler. g
b Retrouvez l’analyse en vidéo
de nos trois intervenants sur la
page Facebook du JDD. Caroline de
Maigret, Adrien Labastire et David
Lacombled répondent à la question
« Sommes-nous tous un produit ou
une marque ? ».
@AlexLefeuvre
@labastire : « On attend
désormais d’une #marque
qu’elle accepte de lâcher prise.
Cela crée une complicité
avec le client. »
#9à10 #Branding
@thinkers_doers
#9à10 le digital a pris une
place intrusive dans nos vies.
La marque arrive directement
dans l’intimité des gens sans
les prendre en otage
@LaSocieteA
Le digital favorise une prise de
conscience, à laquelle les
marques doivent s’adapter
#9à10 @Lavillanumeris
@thinkers_doers
@Camille_Alcover
Les créateurs sont les seuls
à avoir la légitimité de casser les
codes et de faire passer
des idées de rupture #9à10
@BScache
#9à10 L’artiste est le prisme
de ce qui se vit, révèle les
émotions du temps, permet à
la marque de se réancrer dans
le présent
@thinkers_doers
#9à10 Ce que les #marques
cherchent aussi c’est un
discours plus sincère
& authentique moins
#marketing. Raconter
des histoires #creation
9 à 10 DE LA CRÉATION
Carte blanche aux créateurs ?
travers la publicité ou le
mécénat, les artistes et
les marques n’ont jamais
cessé de collaborer. Faut-il pour
autant donner carte blanche aux
créateurs ? « La notion de risque est
importante, observe Sam Baron, directeur de la Fabrica, un centre de
recherche en communication basé
à Trévise (Italie). L’artiste peut
déverrouiller la communication et
l’image d’une marque. Il prend lui
aussi un risque en s’y associant. »
Stéphane Carricondo, cofondateur du 9e Concept, un collectif
d’artistes, compare les créateurs
à des « prismes ». « Nous sommes
des témoins de l’air du temps, censés transmettre par l’image ce que
l’on vit aujourd’hui », souligne-t-il.
« Travailler avec des gens qui ne
sont pas du milieu de la parfumerie
nous permet de savoir ce que pensent les gens », confirme Laure
Olivier, International Marketing
Group Manager Kenzo World.
En somme, donner carte
blanche aux artistes permettrait
thèmes classiques dans l’univers
du parfum que sont l’élégance et
la séduction.
A
Le cadre comme support créatif
De g. à d. : Sam Baron (directeur de la Fabrica), Laure Olivier (International Marketing Group
Manager Kenzo World), Stéphane Carricondo (cofondateur 9e Concept) et Amandine Lepoutre.
de « casser les codes » tout en répondant aux attentes des consommateurs. Pas toujours simple à
accepter quand les enjeux de la
commande sont importants. « Il
y aura peut-être des déconvenues,
les marques doivent accepter des
choses nouvelles et elles n’y sont
pas forcément prêtes », enchaîne
Sam Baron.
Donner carte blanche à un
artiste peut pourtant ouvrir de
nouveaux horizons, en témoigne
la publicité Kenzo créée par le
réalisateur oscarisé Spike Jonze
(Her, Dans la peau de John Malkovich) l’été dernier et qui affole les
compteurs sur YouTube. « On ne
savait pas qu’il ne voudrait rien
modifier, ni nous montrer quoi que
ce soit en cours de production », raconte Laure Olivier. Cette carte
blanche imposée par l’artiste est à
l’origine d’un clip bluffant, loin des
Reste que la carte blanche
ultime relève de l’utopie. « La
contrainte existe toujours, note
Laure Olivier. Budget, timing,
format, il y a forcément un cadre »,
poursuit-elle. La liberté de création n’en est pas moins grande, la
contrainte pourrait même donner
à l’artiste un support créatif. C’est
ce croit Stéphane Carricondo, qui a
collaboré avec une grande marque
de bière. « La loi Evin nous a obligés
à communiquer différemment, trouver une nouvelle imagerie », assuret-il. Pour trouver le juste milieu
entre liberté totale et cadre trop
strict, les intervenants prônent le
dialogue et l’ouverture d’esprit,
sans perdre de tête que la légitimité créative provient de l’artiste.
« L’innovation n’est possible que
lorsque des créateurs en sont à l’origine », concède Laure Olivier. g
Le leadership en débat
au mois de mars
Les 9 à 10 de la création et
de l’innovation reviennent au
Palais de Tokyo dès le mois
de mars pour deux nouvelles
sessions d’échanges entre
acteurs économiques et
artistiques. Le 16 mars, le Tokyo
Art Club débattra sur le thème
« Pour devenir leaders, soyez
acteurs » puis le 21 mars,
le « YoYo » s’intéressera aux
« Méthodes et outils pour devenir
leaders ». L’occasion de
s’intéresser aux nouvelles formes
de leadership qui se dessinent
actuellement, à savoir la
disparition du leader unique et
omniscient au profit d’un
leadership collectif et partagé.
Réservez d’ores et déjà vos places
pour ces deux rendez-vous sur
thinkers-doers.com.
Entrée gratuite.