Eléments de bibliographie

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Eléments de bibliographie
Exposition réalisée avec l’aide de la
Direction Régionale des Affaires Culturelles de Picardie
ISBN : 978-2-9539047-0-3
© Centre André François
Centre André François
Premières acquisitions
Catalogue conçu et rédigé par Janine Kotwica
Témoignages
de
Christiane Abbadie-Clerc, Caroline Corre, François David, Etienne Delessert, Danièle Delorme, Robert Delpire,
Jacques Desse, Pierre Etaix, Maurice Felt, Maurice Garnier, Arthur Hubschmid, Janine Kotwica,
Georges Lemoine, Daniel Maja, Christine Morault, Vincent Pachès,
François Vié, Thérèse Willer
L’exposition et son catalogue sont dédiés à la mémoire de Marguerite François
qui nous a quittés le samedi 5 mars 2011
Avril-mai 2011
Centre Régional de Ressources sur l’Album et l’Illustration
70 rue Aimé Dennel
60280 Margny-lès-Compiègne
03 44 36 31 59
[email protected]
La Gloire - Eau-forte en couleurs tirée par Maurice Felt - 45 x 63 - Exemplaire n° 48/50 - Acquis en 2010
Le Centre André François
Au cours de l’année 2011 sera inauguré, à Margny-lès-Compiègne le Centre André François.
Ce Centre Régional de Ressources sur l’Album et l’Illustration aura pour vocation de conserver, faire vivre et
mieux connaître, sur le territoire, le livre illustré. Son public sera majoritairement composé de professionnels du
livre, des bibliothèques, de l’enseignement et de la petite enfance, mais aussi d’étudiants et de chercheurs venus
consulter ses collections ou participer à des journées de formation.
Le grand public et les enfants ne sont bien sûr pas oubliés. Des expositions et des ateliers seront ouverts à tous
gratuitement, en particulier lors des résidences d’artistes qu’il organisera régulièrement.
L’établissement s’honore de porter le nom d’André François, avec l’accord de sa femme Margaret, qui nous a,
hélas!, quittés depuis, et de ses enfants Pierre et Katherine. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.
Ce Centre André François aura la mission de rendre plus lisible l’oeuvre de ce géant des arts au talent exceptionnel.
Il présentera des expositions, rencontres, conférences et journées de formation consacrées à cet artiste phare du
XXème siècle dont il conservera prioritairement les œuvres sur papier.
Après le dramatique incendie de son atelier en 2002, cette collecte institutionnelle revêt un caractère d’urgence.
Du samedi 16 avril au samedi 14 mai 2011, l’exposition André François, Premières acquisitions présente, en
avant-première de l’ouverture du Centre, les prémisses des collections d’estampes, d’affiches mais aussi de livres
d’artistes, dessins de presse, livres illustrés et documents divers que le Centre a d’ores et déjà rassemblées, grâce à
des achats, mais aussi à quelques généreux premiers dons.
André François fut aimé et admiré, ô combien.
En témoignent ici les écrits de quelques grands professionnels du monde du livre et des arts, éditeurs, écrivains,
graveur, galeristes, illustrateurs, conservateurs de musées et de bibliothèques, libraire, à jamais bouleversés par leur
rencontre lumineuse avec un artiste au rare charisme.
On ne saurait rêver plus rayonnant parrainage pour une maison dédiée aux arts graphiques.
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André François, biographie
Le vendredi 15 avril 2005, dans un petit cimetière ensoleillé du Vexin, une
pluie de fleurs de cerisier recouvrait le cercueil d’André François, décédé
quatre jours plus tôt.
Né André Farkas en 1915, au Banat, dans une province de l’empire
austro-hongrois qui deviendra la Roumanie, cet artiste naturalisé français,
mondialement connu, fut l’un des grands noms des arts graphiques du
XXème siècle.
Illustrateur de livres pour enfants parus surtout aux Etats-Unis et en France,
il a créé, il y a près d’un demi-siècle, quelques titres inoubliables, dont Little
Boy Brown, puis Les larmes de crocodile, On vous l’a dit ? et Tom et
Tabby édités par son complice Robert Delpire qui fut aussi son agent pour la
pub. En collaboration avec Jacques Prévert, à la NRF, il illustre Lettre des
îles Baladar, balayant, d’un coup de crayon et de plume malicieux, audacieux
et libérateur, les mièvreries, les conventions ou les contraintes pédagogiques
alors souvent attachées à ce genre.
Parallèlement, dès le début des années 50, il dessine, pour la presse adulte
américaine, des croquis farfelus, d’un humour tendre, candide et joyeux, qui
seront réunis en de savoureux recueils dont l’irrésistible drôlerie n’a pas pris
une ride, ainsi Double Bedside Book, The Tattooed Sailor ou The Half
Naked Knight. édités aussi à Zurich (Heikle Themen).
La célébrité, il l’acquiert avec ses affiches, publicitaires (Citroën, Kodak,
Gillette, Dop…), cinématographiques (Le soupirant, YoYo, Le Pays de
cocagne, films de son ami Pierre Etaix) ou culturelles (Iles au Centre
Pompidou, exposition du Musée des Arts décoratifs) et par ses nombreuses
couvertures de magazines (The New Yorker, Graphis, Punch...) dont certaines
ont fait date dans l’histoire du graphisme. Sa renommée s’est étendue
jusqu’au Japon où il fut exposé en 1995.
Il collabora avec de nombreux journaux, Paris Match (Le Président Directeur
Général), Le Matin de Paris, The Observer, Le Monde (Animots), Le Nouvel
Observateur (Les moutons et escargots à lunettes) ou Télérama (« Ne cinéronflez plus, lisez Télérama… »).
La grande rétrospective de 2003 à la Bibliothèque Forney a permis de prendre
la mesure de l’importance considérable de son œuvre sur papier.
Photos Janine Kotwica, 2003
Son trait garde au fil des années son aisance souveraine, mais un arrière-plan
philosophique se précise, les sources d’inspiration évoluent, s’approfondissent,
s’érotisent, s’assombrissent, démultiplient leurs significations, et il crée
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désormais des personnages monstrueux, des sirènes voluptueuses, des clowns
mélancoliques, et des situations vigoureuses et grinçantes, presque violentes,
qui cousinent souvent avec un surréalisme très personnel. Sa connivence avec
l’écrivain-éditeur François David ou avec Vincent Pachès, qui l’a introduit à
la revue de santé mentale VST dont il est le directeur artistique, est à l’origine
de livres forts et parfois dérangeants.
D’une créativité, d’une inventivité, d’une lucidité et d’une jeunesse
impressionnantes, il fut également peintre, sculpteur et décorateur de théâtre
(Ballets de Roland Petit), virtuose dans toutes les techniques. Il crée ainsi des
gravures diverses (lithographie, aquaforte, sérigraphie…), dessins à l’encre
ou au crayon, au pastel ou au fusain, peintures à l’eau, à l’huile ou acrylique,
collages incongrus de toutes sortes de matériaux, vaisselle cassée, bois
flottés ou brûlés, ferraille, plomb fondu, objets détournés et mariés, dans des
compositions dissonantes ou harmonieuses, avec un humour qui n’exclut ni
le sens, ni l’exigence esthétique.
Son atelier et toutes les archives et œuvres qu’il contenait ont été détruits
dans un incendie en décembre 2002. Epaulé par sa femme, Margaret, et ses
enfants, Pierre et Katherine, après quelques mois d’état de choc, il surmonte
cette tragédie et crée de nouveau, à 87 ans, avec une fébrilité juvénile
retrouvée, en une forme d’oblation conjuratoire, des œuvres où il a intégré les
débris calcinés ou fondus, ramassés dans les décombres. Ces chefs d’œuvre
crépusculaires et particulièrement chargés d’émotion ont été montrés par
Robert Delpire à Beaubourg, au printemps 2004, dans une exposition
rédemptrice, L’épreuve du feu, où fut projeté le très beau film qu’il inspira
à Sarah Moon.
Son œuvre graphique et plastique a été très présente, à Arles, en 2009, au sein
des expositions Delpire & Cie.
Même s’il n’a jamais recherché les honneurs, il reçut à Paris le Grand Prix
national d’Arts graphiques, à New York la Médaille d’or de l’Ars Directors
Club. Il fut membre honoraire du Royal Designers of Industry, et, depuis
1977, Doctor Honoris Causa du Royal Collège of Art de Londres. Il a
également présidé un jury d’Arts graphiques au Japon.
Son courage, son talent, son énergie, son intelligence, son imagination, son
humour, bref sa personnalité hors du commun, malgré sa modestie et sa
robuste simplicité, intimidaient et fascinaient, faisant de lui la « référence »
de la plupart de ses confrères.
Photos Janine Kotwica, 2003
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Chritiane Abbadie-Clerc
Conservateur d’Etat des Bibliothèques
Créatrice de la Bibliothèque des enfants et l’Observatoire hypermédia de la Bpi au Centre Pompidou (1972-1998) et directrice
de la Bibliothèque Intercommunale Pau Pyrénées (1999-2004)
Caroline Corre
Galeriste - Directrice du Centre artisitique de Verderonne (Oise)
François David
Ecrivain et éditeur - Créateur et directeur des Editions Motus (Landemer, Manche)
Etienne Delessert
Auteur-illustrateur - Président de Ricochet (CIELJ - Charleville Mézières)
Danièle Delorme
Actrice - Directrice de galerie (Atelier An. Girard, Paris)
Robert Delpire
Editeur et commissaire d’expositions internationales, sur la photographie, notamment
Créateur et directeur de la Revue Neuf, des éditions Delpire, de l’agence Delpire-publicité
Créateur du concept et directeur artistique de la revue L’Œil
Producteur et réalisateur de films - Directeur du Centre National de la photographie de 1981 à 1996
Jacques Desse
Libraire d’ancien (Les Libraires associés, Paris) - Auteur d’articles et de catalogues sur l’histoire du livre d’enfance
Pierre Etaix
Clown, acteur, metteur en scène, écrivain, dessinateur...
Maurice Felt
Graveur.
Maurice Garnier
Peintre, sculpteur, illustrateur et infographiste - Co-fondateur de l’école Émile Cohl (Lyon)
Arthur Hubschmid
Directeur artistique de l’École des loisirs
Janine Kotwica
Critique et commissaire d’expositions d’illustrations
Georges Lemoine
Auteur-illustrateur
Daniel Maja
Auteur-illustrateur et dessinateur de presse - Professeur à l’école Emile Cohl (Lyon) de 1997 à 2006
Christine Morault
Co-fondatrice et co-directrice, avec Yves Mestrallet, des Editions MeMo (Nantes)
Vincent Pachès
Ecrivain et éditeur (La Boîte à gants, Montreuil-sous-Bois) - Directeur artistique de la Revue VST
François Vié
Réalisateur - Fondateur et ancien directeur du Musée-médiathèque de la bande dessinée d’Angoulême
Thérèse Willer
Directrice du Musée Tomi Ungerer de Strasbourg
Témoignages
Bibliothèque des enfants, 1977 - Bpi du Centre Georges Pompidou - Affiche offset - 57 x 43 - Don Christiane Abbadie-Clerc, 2011
Christiane Abbadie-Clerc
Le Sourire du Chat
Conviée à évoquer le souvenir d’André François, sur la requête chaleureuse et amicale de Janine Kotwica, je n’étais
pas certaine d’être en capacité de répondre sereinement. Il me fallait réveiller des épisodes intenses de ma vie
personnelle et professionnelle, intimement liés à ce très grand artiste devenu un ami. Sa disparition brutale en avril
2005, avait provoqué en moi une douleur, déchirure affective, devant l’irrémédiable, au moment où j’affrontais un
séisme, à mon poste de direction de la Bibliothèque Intercommunale Pau Pyrénées, intégrée en 1999. La tristesse
et un profond sentiment de culpabilité m’avaient alors envahie, comme si je perdais une seconde fois un père spirituel. Je n’avais pu me rendre aux expositions de la Bibliothèque Forney et du Centre Georges Pompidou qui
lui avaient été consacrées, deux ans après le terrible incendie de son atelier et la perte de la quasi-totalité de son
œuvre. Mon complice, photographe et bibliophile, Pierre Pitrou, qui m’avait accompagnée à plusieurs reprises à
Grisy-les-Plâtres, était dans le même désarroi, trop pudique pour extérioriser la force des échanges presque muets
avec l’artiste et tous ces petits riens qui tissaient des liens de sympathie autour de la lecture partagée de ses créations
récentes ou en gestation.
Les fulgurances de son visage, son regard attentif ou amusé, empli de douceur, mais exigeant, me hantent toujours
dans les lueurs zénithales du soleil couchant sur la verrière de son atelier. Avec beaucoup de tendresse, il préférait
mettre en lumière parmi ses créations, les dessins bariolés de ses petits-enfants.
Tel un chaman, il faisait vibrer, sous l’idée, un trait libre, tout en mouvements et reliefs, autour de joyeux
calembours visuels, comme une parole vitale, une écriture voyageuse, une langue première, universelle, légère et
subtile, toujours mystérieuse et parfois mélancolique, portant l’empreinte des traversées originelles d’une Europe
en flammes.
Au commencement était en 1969 un coup de foudre, une enquête d’étudiante qui a suscité sept ans plus tard, le désir
d’une image pour la future bibliothèque des enfants du Centre Georges Pompidou dont j’avais la charge.
Les Trente glorieuses avaient connu une révolution sans précédent de la publicité, du graphisme, du design, de
l’affiche, de la photographie et du livre d’artiste que les surréalistes savaient aussi dédier au plus jeune âge.
Robert Delpire, éditeur de génie, découvreur de talents à la croisée des arts visuels, avait initié, dès les années 50,
pour son bon plaisir (une expression de François Vié), un véritable laboratoire, avec une pléiade d’amis : Sarah
Moon et Robert Frank, Alain Le Foll, Noëlle Lavaivre et André François, le plus grand dans tous les sens du terme,
parfaitement en phase avec l’imaginaire des plus petits comme avec celui de leurs turbulents aînés.
Grâce à son agence de publicité sollicitée par les grands magazines et la recherche pharmaceutique, Robert Delpire
autorisait une liberté sans limites à ses créateurs dans le champ de l’édition d’avant-garde. En dilettante surdoué
et précurseur, il savait aussi repérer aux Etats-Unis ou ailleurs, bien avant l’heure, les futurs classiques du livre de
jeunesse, tels Max et les Maximonstres de Sendak, réédité par l’École des Loisirs.
J’étais donc une timide élève bibliothécaire, venue de Bordeaux, lorsque André François m’est apparu, chez son
éditeur, alors installé près des jardins du Luxembourg. L’opportunité en était un reportage sur l’édition de jeunesse ;
une option d’étude revendiquée de haute lutte, qui bousculait les usages de l’austère « Ecole Nationale Supérieure
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Arthur le Dauphin - Lithographie - 65 x 50 - 1961 - Exemplaire n° 89/150 - Acquis en 2011
de Bibliothécaires » de l’époque, destinée à former prioritairement des bibliographes exercés dans les magasins
fascinants des fonds anciens de la Bibliothèque Nationale, rue de Richelieu.
La lettre des Iles Baladar conçue en 1952 avec Jacques Prévert au Point du Jour et la petite caisse allongée des
Larmes de crocodile (1956), toutes deux estampillées Air mail, étaient déjà des objets cultes pour les bibliothécaires
de Clamart et les passionnés du livre pour enfants, dont certains comme Pierre Pitrou, suivaient avec moi les
conférences de Marc Soriano au Cercle de la Librairie puis à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.
Je n’oublierai jamais le charisme lumineux, la stature impressionnante du personnage et sa modestie. Il transcendait
avec aisance dans son dessin, toutes les frontières des genres convenus, proche du rêve et du trait de l’enfance dont
quelques privilégiés ont éprouvé les surprises jubilatoires, depuis les moutons à lunettes du Nouvel Observateur
jusqu’au bestiaire fabuleux, investi de la promotion souvent en bande dessinée, des 2CV et autres DS, véhicules
vedettes chez Citroën.
Pour autant il restait peu disert sur son art, mais nous tenait sous le charme de sa voix chaleureuse intarissable
par exemple sur les dessins faussement naïfs de Lewis Carroll pour le manuscrit des Aventures souterraines
d’Alice (au Pays des Merveilles) offert aux petites filles du Doyen Liddell, ou pour guider l’illustrateur Sir John
Tenniel, sous forme de crayonnés minutieux envoyés à l’éditeur MacMillan. (On retrouve d’ailleurs la même liberté
graphique, en accord parfait avec l’humour du poète surréaliste Jean L’Anselme dans l’album On vous l’a dit ?
publié dès 1954 chez Delpire).
Rien d’étonnant à ce que s’impose plus tard, le choix d’André François à travers l’agence Delpire pour imaginer
le logo de la future Bibliothèque des enfants du Centre Georges Pompidou, avec l’appui enthousiaste de JeanPierre Seguin, premier directeur et fondateur de la Bibliothèque publique d’information. Et c’est ainsi qu’est né le
flamboyant chat-livre, bébé sphinx ouvrant les pages de son imaginaire… un miroir attractif pour les bébés lecteurs
jusqu’aux pré-adolescents dont l’espace de lectures multimedias avant l’heure a été inauguré par une fête en plein
air, sur la Piazza, dès le mois de juin 1977.
Autour d’André François, nombre de disciples talentueux, peintres, sculpteurs, illustrateurs, graveurs et admirateurs
inconditionnels, telle Janine Kotwica, se retrouvaient à La Hune ou chez Delpire pour célébrer chaque nouvelle
parution. Les écoles d’art le distinguaient avec Saul Steinberg, dont les origines étaient proches, comme le père
des arts graphiques contemporains, porteur de tous les courants novateurs issus de l’Europe Centrale, autour de
l’affiche polonaise.
Depuis 1970, les dessins originaux des magazines, de la grande presse - autrefois fréquemment mis à la poubelle
une fois imprimés ! - ceux des affiches et des livres pour enfants s’exposaient dans les Musées et les galeries.
Des prix étaient décernés lors de la Foire Internationale de Bologne avec le soutien de critiques comme Janine
Despinette, elle-même à la tête du Jury de l’Association Loisirs Jeunes qui a contribué à faire connaître les livres
d’artistes pour la jeunesse. Le Musée des Arts Décoratifs avait consacré la notoriété d’André François en 1970
avant d’exposer Etienne Delessert (1975) et Tomi Ungerer (1981). Mais dès novembre 1973, les mêmes cimaises,
organisées par Yolande Amic, avaient accueilli l’exposition L’enfant et les images associée à un colloque aux allures
de Manifeste autour d’une pléiade d’artistes et de jeunes éditeurs, que nous avions mis en œuvre pendant la période
de préfiguration du Centre Pompidou. Les chefs d’œuvre des Arts appliqués dits mineurs passaient en mode majeur
et la Bibliothèque des enfants devenait une vitrine, banc d’essai de la création d’albums à la faveur de vernissages
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qui rassemblaient les auteurs-illustrateurs, éditeurs et directeurs artistiques… Autant de témoignages pris sur le
vif de cette révolution des images dans les livres pour enfants. Les évènements marquants dans la grande galerie
de la Bibliothèque publique d’information entre 1984 et 1987 furent : Images à la page, Visages d’Alice et Iles,
expositions historiques accueillant également les collections rares de musées étrangers. Elles étaient accompagnées
de livres catalogues publiés chez Gallimard.
Attachés à confronter l’innovation graphique des trente dernières années avec leurs sources et leurs influences, nous
avions souhaité ancrer nos reportages autour d’univers fondateurs incarnés par un personnage démiurge capable de
transmettre, au delà de la parole, par le dessin et toute autre expression, une histoire unique et implicitement reliée
aux origines, aux aiguilles du temps. André François, plus que tout autre, approché dans son cadre de vie, à Grisyles-Plâtres, répondait à ce désir. La route tracée pour la première fois à travers les champs du Vexin avec Pierre
Pitrou, a pris les allures d’un véritable voyage initiatique. Après maints tours et détours, nous avons enfin aperçu
la petite maison au seuil de laquelle nous attendait l’artiste en compagnie de sa femme Margaret, au visage rieur,
habillée et coiffée comme une Alice (la vraie) quoique, un peu grandie ! Au fond du jardin, l’immense atelier sous
verrière, révélait la part cachée de l’œuvre peinte et sculptée : tableaux emplis de trouvailles marines ou forestières,
galets, racines et bois flottés, objets hétéroclites, pièces horlogères démontées, mises en scène d’humour légèrement
érotique aux titres évocateurs : Ma chine infernale… affiches rouges de saltimbanques, sur le fil des aventures de
l’oncle Armand, « le frère de son père qui s’est sauvé avec un cirque à l’âge de 14 ans, l’homme d’acier qui mesurait
deux mètres six et qui parlait toutes les langues »… et ce à quoi il tenait par dessus tout : les dessins de ses petits
enfants dont chaque naissance était le « carbone 14 » de sa mémoire…
A la faveur de l’itinérance d’ Images à la page à Bordeaux, André François m’avait confié avec générosité l’un de
ses albums en langue anglaise que j’aimais beaucoup : Arthur the Dolphin… de John Malcom Brinnin (1961),
pour le proposer au petit éditeur ami, Le Mascaret. La version française finalement publiée en 1987, avait donné
surtout du bonheur à André François. Elle était accompagnée du tirage limité d’une lithographie où de tendres
pastels mettaient en lumière un tout petit dauphin dans un grand espace maritime. Arthur le Dauphin qui n’a
jamais vu Venise, éblouissante odyssée imaginaire dans la cité des Doges est l’un des exemples les plus aboutis
d’un humour graphique décalé par rapport au texte et cependant en parfaite harmonie.
De Bordeaux, André François gardait le souvenir amusé de l’inauguration d’une Semaine Sygma, un festival des
arts d’avant-garde, initié par François Barré, premier directeur du CCI au Centre Pompidou, qui fut conseiller
artistique proche de Jacques Delors, au cabinet du Maire Jacques Chaban-Delmas. Par contraste avec le traditionnel
Mai de Bordeaux, cette manifestation accueillait le sulfureux Living Theater et sa troupe de comédiens, nus sur
scène - au Grand Théâtre.
André François était accompagné de son épouse Margaret, sagement vêtue d’une robe fleurie Liberty quand le
Maire de Bordeaux la salua d’un cérémonieux baise-main, comme une vedette féminine du Living Theater - à la
grande joie de l’époux hilare tandis que, toujours plus rougissante, elle tentait en vain de dissiper une méprise qui
l’avait poussée malgré elle sur le devant de la scène !
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Rien de ce qui tisse la trame de la vie au pied de la lettre avec humour et tristesse n’était étranger à André François ; en
1979 le Prix Honoré (Daumier) lui était décerné. Je me souviens d’une gravure sublime retenue entre autres pour cette
distinction où deux lettres anthropomorphes semblent échouées sur une plage avec ce commentaire : « Au pays des D
primés l’M primé apporte des miracles »… ou la tendresse (je ne me souviens que du sens affectif pour ce dernier mot).
Dauphins, baleines, sirènes, étaient les familiers de l’univers mental d’André François qui tutoyait les mythes pour leur
ambiguïté antédiluvienne et jouissive. On se souvient de l’album Sirénades publié par Jacques Bisztock en 1998 aux
éditions du Seuil.
Après l’aventure des Visages d’Alice (au Pays des Merveilles) autour de l’œuvre et du regard de Lewis Carroll
entouré de ses interprètes imagiers, je rêvais de Robinsonnades et d’ Iles . Une scénographie en archipel commençait
à inonder mes pensées en quête de balises fortes. Et je m’installai à nouveau dans une image flottante… qui ne
pouvait venir que d’André François dont l’aura grandissante me paraissait à nouveau inaccessible.
Il commença par décliner notre proposition, mais les idées énoncées ne pouvaient le laisser indifférent : l’île
intérieure, l’île mythique, originelle, l’île monde, au point de départ de l’exploration des mers du globe, l’île du
Robinson solitaire… Nous avons attendu un certain temps dans l’angoisse. Et soudain, un appel qui nous laissa
dans l’incertitude… Il souhaitait simplement nous voir, Pierre et moi, le soir même à Grisy-les-Plâtres.
A la nuit tombée, il nous a guidés dans son atelier comme un mage vers l’étoile : sur un chevalet, l’original tant
espéré brillait de tous ses feux ! Le rêve d’un dormeur dont la tête - mappemonde pensante - renvoyait à l’océan des
origines et à l’idée phare : l’île verte primordiale, lumineuse dans son aura mystique.
L’icône bleue et or, rayonnait et nous étions saisis d’une ferveur quasi religieuse… J’avais envie de pleurer.
Une autre création joyeuse nous était proposée : île-volcan, baleine et sirène charmeuses, dessins et collages
spontanés aux couleurs vives, esquisse éblouissante…
Photo Pierre Pitrou
Un don rituel venait d’avoir lieu. Et je me demandais vraiment si nous étions
dignes de le recevoir ! Me revient à l’esprit en écrivant ces lignes, le premier
portrait que Pierre avait fait d’André François, les deux mains unies en offrande…
Et comment, en retour lui rendre ce qu’il nous avait donné, être à la hauteur de son
exigence ?
Les îles Fortunées, îles Borromées incantatoires… îles aux trésors, îles
philosophiques, îles plus inquiétantes de la société et du monde moderne… toutes
étaient contenues dans l’image d’André François dédiée à l’affiche, au carton
d’invitation et à la couverture du catalogue de cette exposition qui désormais
tenait son cap : une odyssée dont les navigations en archipels étaient pilotées sur
un immense navire-labyrinthe ancré dans la galerie de la Bpi au Centre Pompidou.
A l’ouverture, les artistes et écrivains amoureux des îles étaient presque tous là,
mais il est impossible de passer sous silence deux personnalités hors du commun
qui nous manquent terriblement comme André François aujourd’hui : l’écrivain et
poète Jacques Meunier, un Robinson ethnographe, ami des surréalistes et Roland
Topor, génial provocateur au cœur tendre, sans oublier la frêle petite fille, Beatrice
Alemagna déjà surdouée à l’âge de 14 ans, venue de Bologne avec sa famille…
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Couverture du catalogue Iles
Bibliothèque publique d’information Centre Georges Pompidou-Gallimard,1987
Don Christiane Abbadie-Clerc, 2011
Nombreux sont les créateurs qui se réclament d’André François, comme en témoignent les œuvres
réalisées en son hommage pour Janine Kotwica. Beatrice Alemagna, collectionneuse passionnée et
rebelle, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, entre albums-évènements et affiches phares,
conçues pour l’écran des enfants du Centre Pompidou, ne cesse d’enfanter ses fééries, bercée par les
mélodies populaires de son enfance italienne. Parmi les plus discrets des fidèles de la première heure :
Maurice Garnier, illustrateur, peintre et sculpteur qui a transmis une partie de l’héritage esthétique de son maître
spirituel à travers un enseignement donné à l’Ecole Emile Cohl ; l’humoriste Puig Rosado, dont le bestiaire anticonformiste et la passion des calembours visuels sont passés de la grande presse au livre pour enfants ; André Dahan,
le plus tendre, Alain Gauthier, le plus carrollien, Daniel Maja, le plus littéraire dans son ailleurs de La vie brève.
Consuelo de Montmarin, plasticienne, occupe quant à elle, la place de la « potière jalouse » au sens donné par
Levy Strauss, fascinée par les « poules en délires » et les naissances de corps en folie. Son œuvre graphique,
rare, élaborée à partir de ses sculptures, est publiée par l’écrivain poète François David, lequel ne pouvait dès
lors que se rapprocher d’André François en éditant, en 1993, Le fils de l’Ogre, accompagné de sa lithographie
solaire Ogre Jaune. Et enfin Kiki et Albert Lémant, qui ont élu un domicile pyrénéen dans la mystérieuse vallée
des Baronnies, l’une plasticienne, l’autre graveur dans la lignée de l’école polonaise, en majeure part publiés par
Jacques Binsztock, au Seuil et chez Panama, auteurs entre autres des célèbres Lettres des Isles Girafines (Seuil
Jeunesse), et tout récemment de mises en scène d’ethno-ludologie pour le Musée du Quai Branly (La compagnie
des jeux ed. Un jour c’était la nuit. Bulan 2010)
A la veille de l’an 2000, le Centre Pompidou, temporairement fermé, le temps de sa rénovation, oubliait quelques
unes de ses utopies et expérimentations foisonnantes de l’époque pionnière… Une autre aventure me tentait,
en lien avec mes origines pyrénéennes sur ces territoires transfrontaliers, nouvel eldorado entrevu à travers le
patrimoine ancien de la Bibliothèque de Pau, un projet à inventer : la future Médiathèque à dimension régionale,
et sa préfiguration passionnante en matière d’expérimentations transdisciplinaires dans la proximité du Musée, du
Château et de l’Ecole d’Art E.S.A.C.
L’idée et l’image à l’épreuve du feu…
André François, « carbone 14 » de ma mémoire vive, dessine sur la mer des nuages, qui caressent mon promontoire
pyrénéen de l’Arbizon, le sourire du Chat de Cheshire, présence à jamais disséminée dans l’invisible, comme une
promesse de bonheur…
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La Vahiné de Verderonne Visuel pour
Le Voyage de V. Texte de Vincent Pachès - (Livre d’artiste numéroté avec litho 82/100) - Exemplaire n°82/100
Le Daily Bul, La Louvière, 2000 - Acquis en 2010.
Le Voyage de V (affiche - sérigraphie) Centre artistique de Verderonne 2000 - 63,5 x 22 - Don Caroline Corre, 2005
Le Voyage de V (carte postale) Centre artistique de Verderonne 2000 - Don Caroline Corre, 2005
Caroline Corre
Lettre à Janine Kotwica
Le 24 février 2011
Ma chère Janine,
Tu m’as démandé quelques souvenirs de ce merveilleux André François : les voici enfin !
La première fois que je l’ai rencontré, c’était en 1971, et c’est Pierre Etaix qui m’avait donné son adresse car je
voulais faire une exposition sur le Cirque dans mon premier Centre Artistique installé (de 1966 à 72) dans les
dépendances et le théatre du XVIIe siècle du Château de Verderonne.
Au vu de ce personnage délicieux, et extraordinairement doué et séduisant, dans la jolie maison de Grisy-lesPlâtres, j’ai craqué devant ses oeuvres, touchée par la grâce et la poésie de tout ce qui l’entourait.
Par de malheureuses circonstances, étant obligée de quitter les lieux, je n’ai pu réaliser cette exposition.
La deuxième fois, je l’ai contacté en 1983 car j’ouvrais ma galerie rue Guénégaud (Paris 6e) et espérais l’inaugurer
avec une exposition de lui. Hélas il préparait alors son expo au Musée d’art moderne et son éditeur Delpire ayant
sa galerie rue de l’Abbaye ne souhaitait pas qu’il expose ailleurs... J’étais désespérée !
Enfin ce fut la troisième tentative qui réussit, puisque à l’ouverture de mon deuxième Centre Artistique encore à
Verderonne (au Manoir du Boulanc), en 2000, où je lui proposais une grande exposition dans la grange et le jardin,
il me dit que cela lui ferait très plaisir... Quel bonheur pour moi !
Nous avons donc ouvert le 14 mai 2000 une superbe exposition de ses tableaux et sculptures, il me dessina l’affiche
et l’invitation (dos d’une dame aux jolies fesses) et j’eus la chance d’aller en Belgique aux Editions Daily Bul qui
me proposèrent tout de suite de réaliser un livre à cette occasion (avec un texte de Vincent Pachès). J’eus un peu
de mal à placer cette affiche chez les commerçants de l’Oise car ils la trouvaient parfois osée (je crus rêver !) et
l’exposition était un véritable hommage à la femme.
Pour le vernissage, on organisa une fête avec des saltimbanques et puis je lui réservais une surprise : je le fis
asseoir avec Marguerite sur des fauteuils au milieu de la pelouse et trois jeunes vahinés apparurent devant eux,
leur enfilèrent des colliers de fleurs tressées le matin et se mirent à danser avec grâce le Tamouré-Tahiti qu’il aima
beaucoup !
L’exposition était magnifique !
19
André François et les vahinés de Verderonne
Carte de voeux du Manoir de Boulanc
Elle fut reprise, en octobre 2000, directement par un autre lieu, dans les Pyrénées-Orientales, au Centre d’art
contemporain de Saint Cyprien.
Quelques jours après le vernissage, où je ne pus me rendre, je lui téléphonai pour demander des nouvelles.
Il me raconta : « En arrivant à l’hôtel, je me suis assis dans le hall, un peu fatigué, et...je suis mort. » !!!
Pardon ? dis-je... et il continua : « Mais ça ne m’amusa pas. On m’a emmené dans un hôpital, on a tiré à pile ou
face...et on m’a mis une pile ! »
C’est ainsi qu’il m’a raconté son… infarctus !
C’était tout à fait lui d’être plein d’humour en toutes circonstances.
Bien après, ce fut l’horreur totale : l’incendie de l’atelier, 40 cm de cendres : voila ce qui restait de toutes ces
merveilleuses œuvres, envolées en une nuit, et devant ses yeux à quelques dizaines de mètres de sa maison...
Je ne pouvais plus m’arrêter de pleurer ! Une tragédie que je n’oublierai jamais.
Il a eu la force, le courage et l’invention sublime de refaire une exposition à Beaubourg (enfin... car il aurait mérité
tant d’autres expos dans ces lieux officiels où l’on montre à longueur d’années des artistes de qualité tellement
moindre) et ceci avec... les restes, les bouts sauvés de ses quelques rares œuvres à moitié brûlées.
Il était prêt pour toutes les aventures littéraires et artistiques et nous avions le projet de faire ensemble un petit
journal pour le centre de Verderonne. Nous cherchions un titre autour du « Canard du Manoir » et il me fit un petit
sigle tellement drôle et trouva le mot « Manoir déchaîné » en l’illustrant par une charmante « petite négresse »
remuant les bras et les jambes : Ma Noire déchaînée !!
Mais il n’est plus là pour faire ce projet et je n’ai pas le courage sans lui.
Enfin, j’ai eu la surprise d’exposer, juste après lui, et la présentation de ses éditions, affiches, publicités et
graphismes de rêve, à la Bibliothèque Forney à Paris, en 2003, mon exposition des Métamorphoses du Livre une
coïncidence ?
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Le fils de l’ogre - Texte de François David Hoëbeke / Motus, 1993 - Tirage de tête - Signé par André François - Exemplaire n° 72 / 80
Don François David, 2010
François David
Allô ! C’est André François
Un jour, il a téléphoné. On ne se connaissait pas du tout. Je l’avais sollicité par courrier dans l’espoir qu’il illustre
une nouvelle pour la revue littéraire sur cassettes Voix/e/s que j’avais créée. Il avait si généreusement accepté de
le faire, et même de réaliser la couverture. Mais je n’imaginais pas recevoir un appel en direct. Et je ne savais pas
comment lui exprimer, au téléphone, mon émotion et ma totale surprise. A un moment, je lui ai indiqué que je serai
heureux de faire sa connaissance s’il venait un jour dans la région. Qu’il m’avertisse alors. « Mais je suis là ! » a
répondu André François d’un air presque offusqué car il me téléphonait de l’hôtel-restaurant, à 500 mètres. Et deux
minutes après, en effet, il était chez moi.
Depuis, quand il venait dans le Cotentin, il me faisait signe et je le retrouvais dans sa maison d’Auderville,
avec Marguerite toujours si accueillante et chaleureuse, ou à Landemer. Or, peu après la création des éditions
« Møtus », j’ai lancé l’idée de poèmes-affiches qui n’étaient pas à vendre, n’invitaient à se rendre nulle part, mais
étaient placées dans les lieux de vie en diverses communes de la Manche. J’en ai expliqué le principe à André
François, lui soulignant la contrainte d’un carré médian, 15 x 15, afin que le texte inédit d’un poète soit bien lisible
à l’intérieur de l’affiche. Il m’a répondu qu’il avait horreur des contraintes et qu’il ne voyait pas pourquoi il devrait
illustrer le texte d’un autre alors qu’il aurait pu très bien l’écrire lui-même. Je l’ai prié de m’excuser et lui ai dit
comprendre que ce projet-ci ne lui convenait pas. « Je n’ai pas dit ça ! » a répliqué André François. Et quelques
jours après, il apportait la belle composition d’Un dragon peut en cacher un autre où il y a un carré, mais plus
petit que dans les neuf autre poèmes-affiches, et l’essentiel du texte n’y est pas placé, mais vagabonde, dans tous les
sens, sur le poème-affiche. Quant à l’illustration elle-même, elle évoque à la fois vraiment le paysage du Cotentin
et sa transfiguration pleine d’humour.
Plus tard, j’ai demandé à André François s’il acceptait d’illustrer un conte que je venais de terminer : Le Fils de
l’Ogre. Il l’a fait, mais cette fois encore, bien au-delà ma demande. Dans la première partie, il illustre avec une
grande puissance, en noir et blanc, le texte, et dans la seconde il propose une très libre galerie d’ogres en couleur.
Le tout sera mis en page, selon son souhait, par Massin et coédité par Hoëbeke et Motus. Au final, c’est un livre
atypique qualifié de « petit chef-d’œuvre » sur France-Inter, dans le Pop-Club de José Artur qui ajoute « C’est le
cadeau idéal parce que la grand-mère peut l’offrir à son petit-fils et le petit-fils peut l’offrir à sa grand-mère. »
Et Catherine Turlan, dans Enfant d’abord, le souligne aussi, d’une autre façon : « Avec cet album exceptionnel,
les deux auteurs remplissent un objectif souvent poursuivi par la littérature enfantine : convenir à tous les âges, à
l’enfant, mais aussi, pleinement, à l’adulte ».
Douze ans plus tard, il y eut Le calumet de la paix. André François avait été sensible à mes précédents recueils
aux éditions Lo Païs (rachetées, depuis, par les Éditions du Rocher). Et il a illustré mes poèmes avec autant de force
que de tendresse. Mais ça me fait une drôle d’impression de voir que dans le « Poche » que Robert Delpire lui a
consacré, le titre de ce livre apparaît en tout dernier dans la liste des ouvrages qu’André François a illustrés.
23
L’Ogre jaune - Sérigraphie - 76 x 56 - Exemplaire n° 72/80 - Don François David, 2010
De fait, il avait dû rester à l’hôpital plusieurs semaines au moment où il travaillait sur le recueil. Et je me souviens
que dès sa sortie, il a tenu à le terminer sans tarder. Je suis surpris, encore aujourd’hui, lorsque je regarde le livre,
par la liberté et l’audace de ses illustrations.
Quand je pense à lui, me revient l’anecdote qu’il m’avait rapportée à propos du livre qui devait avoir le Prix
Goncourt. On ne savait pas alors que le nom de l’auteur, Émile Ajar, n’était pas le vrai nom de l’auteur (Romain
Gary avait d’ailleurs encore un autre patronyme pour l’état-civil). Or le titre du livre ne convenait soudain plus à ce
mystérieux auteur. Chez Gallimard, on s’en était expliqué, gêné, à André François : le titre prévu à l’origine devait
être « Le silence des pierres », mais il avait été remplacé par un autre titre, très différent. André François tendit alors
la composition qu’il avait dès le début prévue, avec deux galets à la place des visages, en déclarant : « Ça ira très
bien ». Et ce fut l’historique couverture de La vie devant soi, par la suite reprise en Folio.
Je me souviens aussi de son exposition à Cherbourg. J’avais contribué, à mon niveau, à ce qu’elle ait lieu en
insistant auprès des responsables culturels de la ville. Ce fut une magnifique exposition. Mais il fallut vraiment
convaincre André François d’y placer aussi des illustrations. Lui qui était tant admiré, dans le monde entier, en
tant qu’illustrateur, souhaitait présenter surtout, voire exclusivement, l’autre part de son œuvre, incroyablement
créatrice, personnelle et saisissante, mais moins connue ou reconnue. Il y était, je crois, d’autant plus attaché.
Quand on sait ce qui allait se produire ensuite, cela confère, il me semble, une cruauté de plus à l’incendie.
Un souvenir encore, issu d’une émission que la télévision lui avait consacrée. Il y dit, au tout début : « J’ai
l’impression que l’existence elle-même est jalonnée de personnes qui vous tendent des cerceaux et qui essaient de
vous obliger à sauter à travers. Il arrive un moment où on se dit : Merde ! Je n’ai pas envie de sauter à travers des
cerceaux. Qu’on me fiche la paix… Ou alors, si je saute à travers des cerceaux, c’est des cerceaux que j’ai installés
moi-même, pour m’amuser. Mais pas par obligation. »
J’y repense. J’y repense parfois. J’y repense très souvent.
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Graphis Annual N° 56 - Prêt Etienne Delessert
Etienne Delessert
Une mélodie sous les taches...
Un dessin en noir et blanc. Nerveux, ponctué de salissures et de taches : c’est un compositeur qui peine à sa table
de travail, un violon et une trompette abandonnés sur le sol.
J’ai découvert cette image dans un Graphis Annual, en 1956, j’avais 15 ans.
C’était en fin de volume, une annonce double-page pour un agent qui représentait André François.
C’est resté un de mes dessins favoris, par une mélancolie qui touchait aux racines de la création et par l’exécution
magistrale qu’un Bacon aurait pu envier.
Plusieurs ouvrages ont été consacrés à l’œuvre d’André, mais personne n’a montré vraiment les illustrations
publicitaires et les dessins de presse du début. Or, de 1950 à 1975, c’est là que je trouve le meilleur de son travail.
Avec, bien sûr, les livres pour enfants.
Qui donc présentera le fameux calendrier de la Cempa, où André François a admirablement mis en scène des
proverbes et dictons, très « peints », ou encore la dernière image d’un conte de Noël paru dans Elle dans les années
60 : le rythme tournoyant de ce paysage où se font face un caméléon noir et un petit Père Noël très rouge, dans des
couleurs à la matière épaisse, avec un sol écarlate sous un ciel jaune, rose et bleu profond et un feuillage qui a la
saveur de biscuits ; c’est pour moi une des plus belles peintures expressionistes de cette époque.
Regardez le visage du fakir (pour les chaussettes Stemm) : presque abstrait, mais parfaitement expressif, il rivalise
sans aucun doute, dans sa liberté calculée, avec les tout derniers portraits de Picasso. Et la couverture de Sports
Illustrated de septembre 1961: un groupe de football players américains pose pour la photo, ils sont bruts et
schématiques, enserrés d’un large trait noir, qui rehausse les couleurs vives des costumes, rouges et blancs, sous
une pluie de confettis multicolores. La plus belle couverture de ce magazine, un chef-d’oeuvre toutes catégories,
probablement une des rares peintures de sport avec un tel poids humain dans son graphisme tourbillonnant.
Où sont les pages des « Légendes de la Mer », pour Shell, somptueuses, batailleuses et mystérieuses (« Jonas » par
exemple) ? Ou l’ambassadeur en ouverture du Graphis 44, de 1952, avec sa lune verte sur un fond d’un pourpre
profond ?
Ou encore la couverture du programme de la Revue des Ballets de Paris de 1956 : j’ai contemplé des heures
les silhouettes des danseurs sur leur bicyclette, élégantes mais terriennes, musclées mais légères, nues sous les
ombrelles, là encore André François avait su parfaitement situer le « casting » du niveau d’expression.
Et ces cartes qu’il avait créées pour l’Unicef, en particulier le repas presque biblique, où des enfants de plusieurs
races partagent des poissons, un melon, des poires et des cerises, alors que des oiseaux sont perchés sur leurs têtes.
Une peinture rare, par son émotion et son humour discret.
André, à quand cet ouvrage, qui sera une révélation pour ceux qui aiment tant votre œuvre ? Comme me le disait
Heinz Edelmann, pendant ces années-là, vous étiez, de loin, le plus Grand.
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Le Bestiaire d’André François et Vincent Pachès - Atelier Girard 2001 - affiche 40 x 60
Don Danièle Delorme, 2009
Danièle Delorme
Notre André
J’ai toujours éprouvé une grande admiration pour l’œuvre d’André François qui m’avait honoré de sa confiance en
me recevant dans son atelier pour choisir les œuvres qu’il acceptait de confier à ma galerie Atelier An. Girard rue
Campagne Première à Paris.
Pièces étranges, curieuses et magnifiques.
Avoir eu le privilège de les choisir dans son atelier, avant que celui-ci ne soit détruit par un incendie dramatique,
restera un des grands souvenirs de ma vie.
L’esprit de cet homme, ses sourires, son intelligence aiguë et malicieuse, resteront à jamais gravés dans ma
mémoire.
Que soient remerciés tous ceux qui ont permis et œuvré pour qu’un lieu lui soit réservé et que puissent continuer à
l’aimer ceux qui n’ont pas eu la chance de le connaître vivant.
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Le Cirque - Gravure en couleurs tirée par Maurice Felt - 65 x 50 - Acquis en 2010
Robert Delpire
Tous les clowns sont musiciens...
Tous les clowns sont musiciens. Mais l’Auguste a l’art de faire son de tout bois. Après quelques essais pétaradants
qui laissent croire à son incompétence, il tire de la clarinette et du tuba, d’un violon auquel pourtant manquent deux
cordes, du bandonéon surtout qu’il manie avec grâce et délicatesse, de tous ces instruments et d’autres qu’il ne
cesse d’inventer comme le balai-contrebasse ou la marmite-à-percussion, il tire de délicates mélodies que le Clown
blanc accompagne avec distinction et condescendance.
Il y a cette pluralité d’éléments dans l’art d’André François. De l’huile à l’aquarelle, du fusain au pastel, de l’encre
à la craie et au crayon, du vélin au kraft, du calque au canson, tous les classiques sont là, utilisés chacun pour sa
vertu (sans idée préconçue, l’instinct préconisant l’emploi). Mais ils voisinent et parfois cohabitent avec des intrus.
Un morceau de chiffon, un bois flotté, un éclat de miroir, un bout de papier peint, un vieux cadran d’horloge, un
papillon mort - toutes ces petites choses de la vie - viennent nier l’ordre établi, bousculer les conventions, donner
sa place au hasard et faire la grimace aux usages.
Quand il veut pousser la note trop haut, l’Auguste monte sur un tabouret. Et la note, en effet, va plus haut. Un objet
trouvé, un caillou, une coquille d’escargot aident André François à pousser plus haut l’imagination. C’est Dubuffet
qui dit que l’art ne couche pas dans le lit qu’on a fait pour lui.
Avec André François il n’y a pas de risque, il dort à la belle étoile. Parfois c’est une étoile de mer.
Ni dérision, ni satire, ni dédain, ni mépris. Mais un humour à fleur de feuille, à fleur de toile ou de tôle découpée,
discret, toujours présent. Une pudeur qu’il a, André François, à trop bien dire. Une sorte de délicatesse de sa
mélancolie. On pourrait dire « la gaité, ici, est une sorte d’humeur ou de fantaisie qui se joue sur un fond triste »
(c’est Sainte-Beuve qui parle de Chateaubriand mais ça va très bien pour André François). On pourrait dire comme
tout le monde puisqu’on ne sait pas qui l’a dit « C’est la politesse du désespoir » ou comme Jules Renard « C’est la
propreté quotidienne de l’esprit ». André François, il n’oublie jamais de le faire très propre, son esprit, très clair.
On pourrait dire que l’humour est l’humus sur lequel poussent ses vérités.
Le temps qui passe. Voir venir le temps. Les chats tricotent la vie. Les aiguilles marquent le temps. Il n’y a pas une
minute à peindre. Les cadrans perdent leur temps à vouloir mesurer le temps. Tant qu’il y aura du temps. André
François nous dit sans cesse le temps qu’il fait, le temps qui reste, le temps qu’on perd, le temps d’aimer. Fatigué
parfois de courir après le temps, il confisque les aiguilles aux cadrans. Il vous dira « temps pis pour toi ». Car il a
ceci en commun avec le Dr Freud : il respecte les jeux de mots même les plus approximatifs.
Ce n’est pas tant la diversité des matériaux qui étonne chez André François, pas plus qu’une confondante aptitude à
passer de deux à trois dimensions, du dessin au collage, du montage d’objets trouvés à la sculpture sur bois ou sur
31
L’homme à la tête fleurie - Portrait de Robert Delpire - Sérigraphie - 50 x 70 - Acquis en 2010
tôle. Ce qui est proprement stupéfiant c’est la variété des styles, cette aisance à adapter la forme au fond ou plutôt
même le fait que l’intention génère une forme qui ne peut être différente, comme si le sujet choisissait son objet,
comme si le sujet imposait à l’artiste un cadre, un support, un mode d’action, une matière qu’il adopte sans réticence
dès l’instant où il commence à travailler et dont il tire toujours avantage.
Et cette versatilité dans la façon de faire séduit, éblouit mais parfois déconcerte. Elle peut même irriter car il est
plus simple de reconnaître l’œuvre d’un artiste dès lors que sa facture s’inscrit dans une démarche homogène. Chez
André François, c’est l’esprit même de l’œuvre qui lui donne sa cohérence, dans sa complexité même, et qui en fait
l’extrême richesse.
Il y a des gens qui ont un goût si développé pour les classifications qu’ils vous sabrent une œuvre en deux tas. A
gauche le travail appliqué, de commande, à façon, rémunéré, vendu : la basse besogne, il faut bien vivre. A droite
le travail personnel, libre, sans contrainte, sans client (mais avec marchand) : l’orgueil de l’artiste, l’essence même
de l’art, pur et dur (dur, comme plus difficile). Alors, pour essayer de convaincre ces séparatistes bornés, vous
prenez le cas d André François et vous expliquez : voilà un homme dont la vie entière est une exploration de ce
qu’il peut faire avec une tête et 10 doigts. Un homme qui n’a cessé d’accumuler les dessins humoristiques et les
peintures à sujets, qui a illustré Joyce et Huxley, Prévert et Jarry (son Ubu Roi est un pur chef-d’œuvre), qui a fait
vingt livres d’enfants (ses Larmes de crocodile ont ravi les enfants du monde entier) décoré Desnos, Ionesco et
Shakespeare, qui a créé des campagnes publicitaires (oui, publicitaires) pour faire vendre la 2CV Citroën ou Le
Nouvel Observateur, les magasins du Printemps ou la SNCF avec un sens percutant de l’ellipse, une audace dans le
traité, une fraîcheur dans l’offre, et une confondante efficacité.
Et toutes ces recherches, loin de nuire à la partie libre de son activité, la peinture, la sculpture, elles s’en nourrissent
et la nourrissent. C’est ce va-et-vient permanent entre ce qu’il génère sans contrainte et ce qu’on lui propose sans
rien lui imposer qui est fertilisant, et qui assure à l’œuvre son exceptionnelle diversité.
Publicité pour Citroën, 1960
Acquis en 2011
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Les Rhumes Robert Delpire - Laboratoires Beaufour, 1966 - Acquis en 2010
Jacques Desse
Entretien avec Janine Kotwica
L’Œil du Libraire
Est-ce que vous êtes un libraire spécialisé ?
Oui, nous sommes spécialisés... dans ce que nous aimons, et comme nous aimons les livres d’enfants, nous en avons
beaucoup...
J’ai découvert votre immense connaissance des livres pour la jeunesse dans l’ouvrage que vous avez publié en 2008
avec Alban Cerisier, De la jeunesse chez Gallimard. Votre démarche était originale...
En fait, nous avons eu une approche transversale : essayer de retracer l’histoire du livre d’enfants en France et au
XXème siècle, à partir d’un cas, celui d’un éditeur. Qui, en plus, avait la spécificité d’avoir beaucoup d’écrivains à
son catalogue. Ce serait passionnant, et très différent, de faire le même travail avec le Père Castor.
Vous l’avez fait aussi avec une exposition consacrée à Delpire en 2009 dans votre beau local des Libraires associés
de la rue Pierre l’Ermite...
Là, c’était beaucoup plus difficile, en particulier pour les datations qui étaient loin d’être évidentes.
Nous avons bénéficié de peu d’archives...
Robert Delpire n’est pas très conservateur ! Je lui ai même fait quelques prêts pour son exposition d’Arles et il a
en main mon exemplaire des Rhumes qu’il veut scanner pour une prochaine réédition !
Pour ces études historiques, nous aurions eu besoin de certains documents que seuls conservent certains bibliophiles
maniaques...
Dans mon genre ?
Je n’osais pas le dire !
J’ai découvert dans votre catalogue Gallimard la photo des maquettes de Baladar qu’André François croyait
définitivement perdues. Savez-vous où elles sont ?
Ces maquettes sont dans une collection privée et seront présentées à la BNF dans l’exposition Gallimard, un siècle
d’édition.
Pour notre Centre André François, vous avez fait de belles trouvailles !
Oui, Lettre des îles Baladar justement, et adressée par Prévert à Françoise Giroud : un coup de chance !
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On vous l’a dit ? - Texte de Jean l’Anselme, Robert Delpire, Editeur, Paris, 1954 (Collection Dix sur dix)
An Idea is like a Birdb - Texte de Peter Mayer, The Orion Press, 1962
Acquis en 2011
Est-ce que vous voyez passer beaucoup de livres d’André François ?
Régulièrement, on a entre les mains Tom et Tabby de John Symonds, surtout dans l’édition de 1980, éditée avec
Le Nouvel Observateur. Celle de 1963 est beaucoup plus rare, et surtout beaucoup plus belle. Puisque vous avez les
deux, vous avez pu juger de la différence. De temps en temps, on trouve Les Larmes de crocodile dans la version
Actibom de 1967, et parfois l’édition anglaise de 1956, Crocodile Tears, parue après la française et donc marquée
comme une seconde édition. On ne voit guère la première édition en français...
Et les livres parus aux Etats-Unis ?
Très peu, de temps en temps. Je ne les connais pas tous, d’ailleurs.
Parmi les raretés françaises, il y a On vous l’a dit, sur un texte de Jean L’Anselme, et la publicité de Paris Match,
Le Président Directeur Général, deux superbes ouvrages que vous avez acquis pour le Centre. Le plus rare,
rarissime, même, c’est Les Rhumes...
Que j’ai déniché aussi pour le Centre... Et la presse ? Je pense en particulier aux couvertures du New Yorker ?
C’est rare. Peu de Français achetaient ces revues, et peu les ont conservées. C’est comme pour les éphémères. Les
invitations, par exemple, sont très difficiles à trouver.
Lors de notre exposition Delpire, nous avons présenté une collection complète de la revue Neuf.
C’est exceptionnel. Cette revue était diffusée dans le milieu médical. Peu de médecins l’ont gardée, même si elle
était très belle. A cette occasion, j’ai découvert Les Larmes de crocodile, telles qu’elles étaient présentées dans le
N°9 de cette revue, en 1953, avec les trois tronçons de crocodile parallèles et verticaux.
Avez-vous des manuscrits d’André François, des originaux ?
Non, aucun. Je n’ai pas connu André François personnellement mais on sait qu’il n’aimait pas s’en séparer.
Même problème avec les affiches et estampes. Les conséquences de l’incendie de son atelier n’en sont que plus
dramatiques.
Quels sont les acheteurs d’André François ?
Ce n’est pas fondamentalement différent des autres illustrateurs : des collectionneurs privés, français surtout, et
des institutions. Avant l’incendie, une clientèle très pointue. Depuis, il y a eu une forte évolution et le public s’est
élargi...
Pourquoi êtes-vous devenu libraire ?
J’ai toujours aimé les livres. Et je les ai toujours collectionnés. Quand mon appartement a été plein, j’ai commencé
à vendre...
Ce n’est pas trop douloureux de s’en séparer ?
Si, mais quand on est libraire, on en retrouve d’autres, alors la collection se renouvelle sans cesse...
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YoYo, film de Pierre Etaix - Affiche offset en couleurs - 60 x 80 - Acquis en 2011
Pierre Etaix
Lettre à Janine Kotwica (reproduite avec l’aimable autorisation de son auteur)
Le 29 / 12 / 2010
Chère Madame,
D’abord merci pour votre aimable lettre et pour les bonnes nouvelles qu’elle contient. Je vous félicite d’avoir
obtenu, qu’enfin, grâce à vous, notre Ami André François retienne l’attention des « autorités ».
Quant à votre supplique vous comprendrez bien que je suis bien embarrassé - et pour de simples raisons.
Dans chaque histoire d’Amour, il est impossible de donner les raisons de nos élans. Bien sûr on peut exprimer
toutes les qualités de l’autre, mais cela ne suffit pas et même peut paraître dérisoire.
L’oœuvre d’André est si exceptionnelle, si surprenante, tellement simple et juste que je suis bien incapable d’en
faire une analyse exhaustive. Je ne vois pas non plus comment je pourrais brièvement appronfondir et en démontrer
toute la perfection. Je l’ai dit et le répète, c’est d’abord une histoire d’amour. Chacune de ses oeuvres m’a ému
profondément. Alors que dire de plus ? Sinon que j’ai aimé l’homme, pour son humour, son humilité, ses tourments,
son courage, son génie.
Pour toutes ces motivations, vous comprendrez, j’en suis certain, que mon refus n’est pas preuve de mauvaise
volonté de ma part. J’apprécie votre choix, Robert Delpire et Thérèse Willer pour Tomi Ungerer, seuls capables de
parler intelligemment de l’immense artiste.
Une dernière chose : vous faites allusion au « dramatique incendie de son atelier ». Personnellement, je dirais
plutôt la tragique disparition d’une vie de travail admirable.
Je vous prie de croire, chère Madame, à mes sentiments amicaux tout à fait partagés.
Pierre Etaix
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Sirénades - Portfolio de 5 eaux-fortes originales gravées par Maurice Felt avec un texte de Vincent Pachès, 1996
63 x 44 - Exemplaire n° 21/50 - Acquis en 2010
Maurice Felt
Entretien avec Janine Kotwica
Sirénades
JK - Je suis très heureuse de vous rencontrer : André François et Vincent Pachès m’avaient beaucoup parlé de vous,
mais j’ai été très surprise lorsque je vous ai vu. Je m’attendais à un vieillard chenu, de la génération d’André, et
voilà que je me retrouve face à un robuste sexagénaire encore bien vert !
MF – J’étais beaucoup plus jeune qu’André! Il faut dire que je suis entré dans le métier l’année de mes 14 ans. Je suis
né le 24 septembre 1942. En 1957, j’habitais avenue du Bois à Aulnay-sous-Bois. Ma petite copine était cousine du
graveur Robert Dutrou, qui habitait, comme elle, dans ma rue et il cherchait un apprenti. Il m’a embauché tout de
suite. L’atelier qu’il partageait avec Aldo et Pierrot Crommelinck, les fils de l’auteur du Cocu magnifique, était rue
de Plaisance, dans le XIVème. Robert m’emmenait avec lui en voiture chaque matin. Tout gamin, grâce à Dutrou et
aux frères Crommelinck, puis chez Maeght où j’ai travaillé de 1959 à 1969, j’ai côtoyé Foujita, Zao Wouki, Braque,
Picasso, Giacometti ou Miro. Cela s’est fait très naturellement et je ne me rendais même pas compte que j’avais de
la veine et que c’était exceptionnel.
Dans un hommage qui vous a été rendu en 1989, on est complètement époustouflé par les noms des artistes dont
vous avez gravé les oeuvres !
Oui, je ne me plains pas, ça fait une belle brochette : Jean-Pierre Jouffroy, Antoni Clavé, Claude Garache,
Jean Messagier, Jean Miotte, Riopelle, Riccardo Licata dont la femme, Maria, était la chanteuse des
Machucambos...
Vous avez même votre portrait gravé par Asger Jorns !
En 1971, il a travaillé dans mon atelier parisien sur une série de gravures en couleurs, Entrée de secours, pour les
Editions Visat. Il a gravé mon portrait à cette occasion mais je ne l’avais pas publié avant l’édition de ma plaquette
d’hommage. J’ai bien sûr détruit la plaque en fin de tirage !
J’ai aussi travaillé avec Tapiès et Sempé qui venait à l’atelier à vélo. Et aussi avec Saul Steinberg. J’ai eu la grande
chance de graver les deux plus grands dessinateurs du monde, Saul Steinberg et André François.
Justement, comment avez-vous connu André François ?
C’était en 1964 chez son éditeur Georges Visat, à la Galerie Suzanne Visat, rue Bourbon-le-Château dans le 6ème
arrondissement. Mais j’en avais entendu parler dans les années 1950 quand il a succédé à Antoni Clavé pour des
décors de ballets de Roland Petit.
Quand avez-vous eu votre propre atelier ?
J’ai ouvert mon premier atelier en 1970 boulevard Voltaire puis rue Saint Sauveur.
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Avez-vous réalisé beaucoup de gravures avec André ?
Plutôt, oui. La série des 7 gravures en couleurs du Cirque en 1969, Les Mouettes, Les Dames de cœur à la mer,
Un cœur gros comme ça, Femme de cœur et Le Penseur en 1974.
Nous nous sommes revus en 1994, chez Artcurial, pour une rétrospective de gravures de Antoni Clavé. C’est là que
nous avons décidé de retravailler ensemble. Il y a eu le port-folio des Sirènes, sur un texte de Vincent Pachès puis
La Gloire.
Notre collaboration a duré plusieurs semaines.
Comment procédiez-vous ?
André avait, dans son atelier de Grisy-les-Plâtres, une petite presse que lui avait donnée Georges Visat et nous
y faisions des essais. Dans un deuxième temps, il venait chez moi à Paris et dessinait directement sur le cuivre,
comme tous les artistes que nous avons gravés. Il travaillait vite et n’aimait pas revenir sur les choses...
Vous dites « nous » car vous travaillez en famille ?
Ma femme Jacqueline a toujours travaillé avec moi. C’est une bretonne et elle était vendeuse dans une boulangerie
quand on s’est connus. Elle a fait son apprentissage de taille-doucière avec Matta et Clavé. Mon fils Christophe, qui
est né en 1971, a maintenant pris la relève.
En 2001, vous avez gravé Animots...
A partir de dessins parus dans Le Monde avec des textes de Vincent Pachès avec lequel André collaborait beaucoup
à cette époque, nous avons fait un livre d’artiste numéroté qui a été coproduit par le journal pour ses cadeaux de
prestige et par le papetier Arjo Wiggins. Les eaux-fortes ont été tirées sur un très beau papier chiffon. Les planches
ont été faites à Grisy et imprimées ici, à Dinard, où nous avions déménagé. Les textes ont été composés et imprimés
à la main par Michaël Caine. L’Atelier Girard, galerie tenue par l’actrice Danièle Delorme dont le mari, Yves
Robert, était un ancien typographe, a présenté une exposition des planches du livre. Le PDG de Arjo Wiggins, jeune
polytechnicien de 40 ans, était présent à l’inauguration et m’a dit « Je ne savais pas, jusqu’à aujourd’hui, ce que
l’on faisait avec mon papier » !
Il y a eu aussi La Vache...
Oui, mais cette estampe-là, qui a aussi un texte de Vincent, c’est mon fils Christophe qui l’a gravée. Nous avons fait
dans la foulée une très belle carte de vœux pour l’année 2002...
Je suppose que ce n’est pas par hasard si la Galerie de Dinard où nous sommes en ce moment et où vous avez
désormais vos ateliers, s’appelle Sirénades, qui est le titre d’un recueil, édité par Jacques Binztok au Seuil, des
dessins de sirènes d’André François ?
Lorsque André François a fait son exposition Sirènes au musée de Trouville, il nous a donné le visuel de l’affiche
pour que nous en fassions notre logo. Les sirènes, il les aimait! Et la mer aussi. Il en a fait, des choses, et des belles,
avec de simples galets ! Il y a un point commun entre André François et moi : nous avons tous les deux découvert
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la mer à Dieppe. André François, roumain d’origine, l’a vue avec Marguerite vers ses vingt ans. Moi, ma famille
était parisienne, mon père était né dans le XIXème et on vivait à Aulnay-sous-Bois. Mon oncle, qui travaillait à la
SNCF, nous a emmenés à Dieppe. Je devais avoir 7 ou 8 ans.
J’ai vraiment regretté de n’être pas allé à l’inauguration de L’Epreuve du feu à Beaubourg. Ç’aurait été la dernière
occasion de se revoir avant sa mort, et je l’ai manquée.
Propos recueillis à Dinard le 31 mai 2010 (jour de la mort de Louise Bourgeois)
L’Amour-Vache - avec un texte de Vincent Pachès - Gravure tirée par Maurice Felt - Acquis en 2010
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Maurice Garnier
Du fond du cœur, merci AF !
C’est, séduit par l’aspect visuel du livre Ubu Roi d’Alfred Jarry, maquette de Massin et par les dessins intérieurs
d’une grande expressivité, qu’a débuté mon intérêt pour André François qui en était l’auteur.
J’étais alors étudiant aux Beaux-Arts de Saint-Etienne. Par la suite, avec Lettre des îles Baladar (Prévert), On
vous l’a dit (Jean l’Anselme) et articles de la Revue Graphis, s’est développée une grande passion pour le travail
d’André François.
Débarquant à Paris, ayant terminé les Beaux-Arts, c’est par l’entremise de Robert Delpire pour qui il travaillait
et pour qui il exposait que j’ai eu le bonheur de le rencontrer. Les quelques fois où je me rendais à Grisy pour lui
montrer mon travail, j’ai été très gentiment accueilli par Marguerite et André François dans leur fabuleuse demeure
et j’en repartais toujours avec un petit quelque chose comme, par exemple, ce petit personnage en métal découpé,
petit quelque chose qui, pour moi, se métamorphosait en une sorte de talisman.
J’avais pris l’habitude de lui transmettre
mes voeux de Nouvel An, et, à chaque
fois, il me répondait. C’est peu de dire
le plaisir de trouver, dans ma boîte aux
lettres, l’enveloppe avec son écriture si
reconnaissable.
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Et j’ai été particulièrement touché
par le dessin ci-dessous que j’ai toujours sous les yeux
dans mon atelier comme si je sentais sur mon épaule la poigne d’André François me poussant amicalement vers
plus d’exigence.
Ce qui me passionne et, j’espère, m’influence quelque peu, c’est sa polyvalence, que ce soient peintures, volumes,
dessins d’humour et d’humeur, illustrations jeunesse ou publicitaires..., son côté touche-à-tout avec matériaux et
techniques divers et, bien sûr, son monde onirico-poétique.
Bien qu’ayant livres et documents en nombre, je constate avec plaisir que je n’en aurai jamais fini avec son
inépuisable univers.
Je n’aurais jamais souhaité devoir le faire,
mais je m’incline devant son courage
face à l’épouvantable et imméritée
« épreuve du feu ».
Et, pour conclure, j’adore cet auto-portrait.
Du fond du coeur
merci AF.
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Le Papillon - Emblème de l’École des loisirs, 1975 - Affiche offset en couleurs - 60 x 42 - Don Janine Kotwica, 2011
Arthur Hubschmid
Le Papillon
André François était le Harry Langdon des dessinateurs : lunaire, tendre et drôle. Ses affiches avaient une qualité
personnelle. Elles ne vendaient pas, elles charmaient. C’est Robert Delpire qui l’a imposé, notamment avec une
campagne pour Le Nouvel Observateur.
André François était sur tous les murs de Paris dans les années soixante. C’était un homme célèbre.
Moi je travaillais comme maquettiste dans une obscure maison d’édition scolaire : les Éditions de l’École.
Nous publiions des livres pour l’enseignement privé, c’est-à-dire les écoles catholiques.
La révolution de 1968 secoua tout. Les écoles catholiques ne voulaient plus de livres confessionnels, elles voulaient
les même livres que les écoles publiques. Jean Fabre, éditeur et directeur de la maison, décida que les livres des
Éditions de l’École s’adresseraient désormais aussi aux établissements publics.
Tous les programmes avaient changé après 1968, et il fallait donc refaire tous les livres. Toutes les maisons
cherchaient à capter l’esprit nouveau. Je pensais qu’une couverture réalisée par André François nous donnerait le
petit coup de pouce incitant les enseignants à - au moins - ouvrir nos livres. J’ai donc écrit à André François pour lui
demander s’il accepterait de nous faire la couverture de « morceaux choisis de la littérature française » s’adressant
à des classes de sixième, je crois. Jean Fabre, motivé par l’enjeu, m’autorisa à proposer la somme astronomique de
3000 francs. André François accepta. Quoiqu’il demanda un petit supplément, ce qui a failli faire capoter l’affaire.
Mais l’espoir de séduire les « publics » devait peser. Bref, on a eu le papillon !
Très fiers, on a publié nos morceaux choisis avec cette couverture. Malheureusement, elle n’a pas eu l’effet
souhaité. Échec et mat ! Sauf que les Éditions de l’École avaient commencé à publier une toute petite collection de
livres pour enfants, sous la marque l’École des loisirs. En 1968, elle ne devait pas compter plus de vingt titres au
catalogue. Mais 68 enfla les voiles de la petite marque. Coup sur coup, l’École des loisirs publia Tomi Ungerer et
Maurice Sendak.
Cette fois-ci, c’est André François qui vint me voir avec un titre qu’il avait publié en Angleterre, You are ri-di-culous ! Ce n’était pas un livre facile, mais c’était tout André. Nous l’avons publié et puis un peu oublié.
Pierre, le fils d’André, est venu me voir pour me rappeler l’existence de ce petit trésor. Nous allons le ressortir dans
sa splendeur d’origine à l’automne 2011.
Merci Pierre !
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Femme-mouette - Gravure - 51 x 65 - Exemplaire 61/100 - Acquis en 2011
Janine Kotwica
Souvenirs, souvenirs...
13 octobre 1998 - Paris - Galerie La Hune-Brenner
Les Sirénades d’André François
J’arrive à la Galerie avec Claire Forgeot et Laura Rosano, armée de mon sempiternel appareil-photo. Nous y
retrouvons Christiane Abbadie-Clerc, grande admiratrice d’André François.
Il y a là une superbe sirène : fourreau en lamé scintillant et soutien-gorge pigeonnant brodé de coquillages.
Elle m’autorise à la photographier avec André François, ravi : il est, malgré son grand âge, très sensible au(x)
charme(s) féminin(s) ! Mon cliché ne sera pas à la hauteur de la circonstance.
C’est la première fois que j’ose aborder et photographier le Maître, qui m’intimide énormément.
Je l’avais croisé dans des galeries, mais n’avais osé l’approcher. C’est cette sirène parisienne à lunettes noires qui,
par sa présence poétique et incongrue, m’en a donné le courage.
D’autres très nombreuses photos suivront dans les années à venir. André François se laissait faire avec une
patience amusée.
J’avais apporté ce jour-là, pour dédicace, un album de 1949, C’est arrivé à Issy les Brioches. André François,
hilare, appelle à la cantonade Robert Delpire et ses amis présents pour leur montrer cette relique et c’est ainsi
que je fais la connaissance de Pierre Etaix et de Vincent Pachès. Photos, bien sûr, et quelques jours plus tard, une
première carte d’André François pour me remercier de mon envoi : une vue de son atelier, historique désormais,
maintenant que tout a brûlé…
D’autres courriers suivront, puis, jusqu’alors inespérées, des invitations à Grisy, et l’amitié s’ajoutera vite à
l’admiration.
2 février 1999 - Paris - L’art à la page
Exposition Quentin Blake : La Vie des Bêtes
L’inauguration réunit les habitués de la galerie : la famille Maja, Frédéric Clément, Gerda Muller, Michelle
Daufresne, Jacqueline Delaunay, Philippe Davaine, Nicole Maymat, Sara, mais aussi de vieux complices de
Quentin Blake, dont Robert Delpire, et André François qui le connaissait depuis ses années Punch.
Un événement !
5 avril 2001 - Galerie Lefor-Openo
Premières photos de Marguerite au cours d’une visite express de l’exposition à la fin d’une éprouvante tournée
d’ateliers, et avant un petit dîner à La Mule du Pape, place des Vosges, avec Marie-Thérèse Devèze, directrice de
l’Art à la page, son mari et sa fille.
18 mars 2003 - Grisy-les-Plâtres
Le hasard a voulu que ma visite coïncide avec le premier jour de beau temps depuis l’incendie de l’atelier une
triste nuit de décembre 2002. André, Marguerite et leur fille Katherine profitent du soleil pour soulever les bâches
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qui protégeaient les décombres et découvrent l’étendue du désastre : en plus de ceux du feu, les dégâts causés par
l’eau des pompiers !
La scène est bouleversante. On ramasse ces vestiges avec soin, on les empile quand ils sont secs, on les étale
au soleil quand ils sont mouillés, on les décolle avec peine quand ils sont agglomérés… Et tout cela avec une
apparente sérénité, en s’extasiant sur le moindre bout de papier rescapé, en évoquant les souvenirs liés à une
affiche, un dessin, un livre… Les flammes se sont parfois contentées de lécher le tour de la feuille et là aussi, c’est
un soulagement : ainsi en est-il de la célèbre affiche au papillon de L’Ecole des loisirs.
Et tout cela dans un jardin merveilleux, éclairé des généreuses floraisons printanières, de tulipes, primevères,
narcisses, et d’un somptueux magnolia.
Quelques photos, dont une très belle, d’André contre un tronc d’arbre…
Thé et tarte aux pommes à la cannelle : malgré la fébrilité du sauvetage des dessins, j’étais bel et bien attendue. Un
accueil affectueux qui me touche infiniment.
Nous visitons la maison pleines d’objets d’art populaire et de jouets, et j’admire les peintures en trompe-l’œil qui
déguisent les murs. Dans l’ancien atelier récemment réinvesti, je découvre les œuvres créées depuis le sinistre :
l’inspiration du Maître est intacte !
J’ai peine à contenir mon émotion devant tant de courage et de dignité. Lorsque je m’ assieds enfin dans ma voiture,
j’éclate en sanglots.
9 mai 2003 - Grisy-les-Plâtres
Toujours le même accueil simple et chaleureux. André a énormément travaillé durant ces deux mois et me fait
découvrir ses trésors. Peintures, collages pleins d’humour et quelques recyclages troublants des éléments brûlés de
son atelier. C’est une renaissance qui me va droit au cœur.
J’offre à André quelques exemplaires de Lettre des îles Baladar que j’ai eu la chance de trouver à Paris. Il me
raconte un différend qui l’a opposé à Catherine Tasca et me griffonne l’objet du scandale, une Eve et son serpent
entortillé autour de la Tour Eiffel, sujet d’une affiche dont Madame la Ministre interdira la diffusion. Il me tend ce
gribouillis après l’avoir malicieusement signé et m’offre livres et affiches retrouvés dans son grenier.
Photos diverses, bien sûr, dont deux photos de couple devant la maison.
23 juillet 2003 - Grisy-les-Plâtres 
Très belle journée ensoleillée.
Marguerite, toujours très british, m’accueille avec du thé, des brioches et de la confiture maison.
Elle est très fière de me présenter le chaton que ses petits enfants lui ont offert pour son anniversaire.
Le jardin est toujours aussi beau, très fleuri.
André est pressé de m’entraîner dans son vieil atelier et je comprends vite pourquoi : il a travaillé, beaucoup
travaillé, et il jubile de montrer ses œuvres. Des peintures de paysages, très paisibles, des collages de vaisselle
cassée, très amusantes, et, très émouvantes, certaines créations à partir des vestiges fondus ou brûlés ramassés
dans les décombres du grand atelier.
Il m’entraîne dans les greniers et je découvre, parmi les pots de confiture de Marguerite, des monceaux d’affiches
prêtes pour Forney et quelques toiles qui m’enchantent.
Une véritable résurrection, quelques mois à peine après la tragédie.
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Quelle vitalité : je suis éblouie.
Deux beaux clichés : André auprès de mon bouquet de lilas de mer et, dans l’embrasure de la porte, une photo de
couple.
22 septembre 2003 - Bibliothèque Forney
André François, affiches et graphisme à Forney
Avec Roland , mon mari, qui rencontre pour la première fois André et Marguerite.
C’est la « journée sans voiture » à Paris. Horreur. Nous tentons de passer quand même avec la nôtre. Au premier
barrage, j’exhibe le carton que m’avait envoyé André : c’est Bertrand Delanoé qui invite et le nom de Monsieur le
Maire suffit à impressionner la maréchaussée. Nous traversons royalement un Paris vide de circulation : le pied !
L’exposition, un peu fouillis, est d’une grande richesse. C’est fou ce que cet homme-là a pu créer dans tous les
domaines de l’affiche. Et je frémis à l’idée que tout cela aurait pu être resté dans l’atelier lors de l’incendie,
bénissant la commissaire qui a préservé tous ces trésors !
Nous retrouvons Vincent Pachès, Pierre Etaix que je photographie devant l’affiche de son merveilleux Yoyo, et
Jean Claude Carrière, et Léo Kouper, et Alain Gautier, et Denis Pouppeville, et Stasys Eidrigevicius avec qui
nous terminerons la soirée. Il était venu saluer le président du jury qui lui avait décerné à Tokyo, un grand prix de
l’affiche.
Quelques photos de famille encore, en particulier de Marguerite, de Violette, sœur d’André, et d’une de leus petites
filles, Sarah.
Nous visitons avec Stasys sa galerie rue de «Tourrrenne» et y sommes rejoints par Pierre Etaix qui passait par là.
J’achète quelques affiches de Stasys dont j’admire l’univers.
Resto. Des difficultés pour payer car on n’y accepte pas les cartes de crédit.
17 mars 2004 - Centre Georges Pompidou
André François, l’épreuve du feu
Roland et moi retrouvons à Beaubourg, un couple de neveux avec leur fille âgée de un mois à peine. André et
Marguerite craquent devant ce ravissant bébé.
L’exposition est bouleversante. Je retrouve beaucoup d’œuvres que j’avais admirées lors de mes visites à l’atelier.
Une création aussi prolifique, aussi jeune, en si peu de temps, c’est vraiment hors du commun. Je suis très émue
par le film, très inspiré, de Sarah Moon.
Nous rencontrons, bien sûr, Vincent et Anne Pachès, et aussi Pierre Etaix et Caroline Corre.
Tout le clan Farkas est là, et aussi Bernard Haller et Jean Daniel : le Nouvel Observateur a, en partie, financé cette
expo montée par Bob Delpire qui a réédité, pour l’occasion, Les larmes de Crocodile. Quelle bonne idée ! André,
toujours généreux, signe interminablement ses livres.
Restau chinois où nous re-rencontrons Bernard Haller et Pierre Etaix.
Barrage de police au retour à La Roue Qui Tourne. Roland souffle dans le ballon. No problem : il n’y avait rien à
boire à Beaubourg !
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André François à Forney - Sérigraphie - Graficaza 2003 - 40 x 60 - Don Janine Kotwica, 2011
23 mars 2004 - Grisy-les-Plâtres
Le magnolia est en fleurs : une splendeur.
J’ai rapporté une tarte aux pommes et des pots de confiture qui sont appréciés. André et Marguerite sont encore
sous le choc de l’expo de Beaubourg et semblent épuisés.
Pas de visite d’atelier : trop fatigant.
J’annonce à André que je pourrai exposer son hommage en décembre 2005. Avec un œil pétillant de malice, il
m’esquisse trois cercueils dans une vitrine de pompes funèbre qu’il aurait vue en Belgique, un grand, un moyen et
un petit et, montrant le plus grand, il me dit : « Vous verrez, vous me taillerez un posthume sur mesure !» Je n’ose
emporter ce gribouillis et je m’en veux encore de ma timidité.
Tout André François était dans cette dérision macabre. Marguerite proteste, avec son accent inimitable, qu’il ne
va pas mourir si vite.
Tous deux posent devant la maison pour d’ultimes photos.
Lundi 11 avril 2005 - La Porte Moneau
Nous sommes rentrés, tard dans la soirée, de Tunisie où j’étais en mission.
André François était mort dans l’après-midi.
Je ne l’apprends que mardi de Daniel Maja qui a lu la nécrologie du Monde.
Je suis très triste et pense à l’exposition qu’il ne verra pas : sa prédiction s’est réalisée.
Elle s’appellera donc Un Posthume sur mesure. Un souvenir des improbables calembours d’André.
Mardi 12 après-midi - La Porte Moneau
Coup de fil à Vincent Pachès. Il avait revu André qui était sous morphine depuis quelques jours mais qui a su
esquisser un sourire pour lui quand Vincent lui a fait ses adieux.
Les obsèques auront lieu vendredi à Grisy à 15 h. Levée du corps à 14 h 30.
Jeudi 14 avril 2005 - 10 h - La Porte Moneau
Marguerite me téléphone longuement et me raconte ses derniers instants. Elle caressait sa main et puis elle a
senti qu’il « n’était plus là ».» Elle me rappelle qu’elle a été mariée à André durant 66 ans. Elle avait vainement
tenté de nous appeler la semaine précédente durant notre escapade tunisienne mais n’a pas laissé de message sur
notre répondeur : je ne l’aurai donc pas revu vivant.
Je suis très touchée qu’elle ait pris la peine de m’appeler.
Vendredi 15 avril après-midi - Grisy-les-Plâtres
Pluie sur la route, soleil joyeux à l’arrivée.
Roland, mon mari, m’accompagne et découvre Grisy les Plâtres et le 16 de la rue Robert Machy.
Il est séduit par l’esprit des lieux.
Les obsèques d‘André lui ressemblent : simplicité rustique et poétique.
Des branches de fruitiers en fleurs ornent la porte d’entrée de la maison. Katherine, sa fille, me prend par la main
pour m’emmener dans la chambre mortuaire à gauche en haut de l’escalier aux trompe-l’œil. Son neveu, Thomas,
Marc, le fils de Violette, prend des photos avec un petit numérique. Il y a là aussi Robert Delpire, l’ami et le
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complice de toujours, et Marguerite, bien sûr, égale à elle-même, digne et courageuse. C’est vraiment une femme
exceptionnelle !
Les amis et la famille attendent dans un jardin printanier. L’atelier est reconstruit mais vide encore, prêt à accueillir
l’artiste qui ne s’y installera jamais.
Dans un panier, les fleurs de cerisier qui seront, tout à l’heure, jetées dans sa tombe.
Sur la pelouse, sa dernière grande sculpture qu’il avait appelée « La sauteuse à la corde », taillée dans un cerisier
mort : vigueur et humour qui redonnent vie.
Tulipes, myosotis, primevères, narcisses, magnolia, fruitiers, tout est en fleurs…
Nous bavardons avec ses voisins, Martine Meunier et Gérard Loison, qui nous racontent que, durant la nuit de
l’incendie, Katherine voulait se jeter dans les flammes pour tenter de sauver quelque chose.
Je retrouve l’arbre près duquel j’avais réussi une belle photo d’André, et l’appui de fenêtre et le seuil où il avait
posé avec Marguerite.
Le chat a grandi !
Nous suivons tous le corbillard à pied, précédés de Marguerite soutenue par Katherine et Pierre, ses enfants,
accompagnés des quatre petits enfants. Il y a là Pierre Etaix, effondré de chagrin, Desclozeaux et sa femme, Anne
et Vincent Pachès, Denis Pouppeville avec son sourire déchirant, Jean-Charles Rousseau, beaucoup de gens du
village, et des inconnus que je n’ai pu identifier, mais dont beaucoup de visages ne me sont pas étrangers, croisés
au cours d’expositions parisiennes.
Cris et rires des enfants de l’école en récréation et chants d’oiseaux : un beau concert funèbre qu’il aurait aimé. Le
cortège traverse le village et entre au cimetière par un passage herbeux constellé de pâquerettes.
Discours : le maire, une voisine très émue, Robert Delpire dont la voix se brise, le neveu en larmes qui ne peut
se débarrasser de sa goutte au nez, et les petits enfants. Sarah, une des petites filles, a dit de fort belles choses
sur «Pépé». Elle a parlé de leurs promenades, et comment il faisait l’éloge de la couleur et apprenait à ses petits
enfants à regarder la cime des arbres qui, dans le soleil, n’est plus verte mais rouge ou violette, et comment il avait
choisi, pour mourir, une fin d’après-midi dont la lumière dorée envahissait la chambre. Et comme on voyait un
cerisier en fleurs de sa fenêtre, elle a lu des haïkus japonais évoquant cet arbre qui a joué un grand rôle dans cet
enterrement si émouvant.
Marguerite et Katherine consolant tout le monde durant les condoléances… Pierre qui ressemble tant à son père
Devant moi, une vieille dame, la fille du notaire qui leur avait vendu la maison de Grisy il y a 60 ans…
Le cimetière est sur une colline d’où l’on a une vue magnifique sur le Vexin ensoleillé et je pense aux beaux
paysages qu’André en a peints. Le ciel est très bleu et à peine floconneux.
Retour à la maison. Jus de fruits, thé, cakes et petits gâteaux. Atmosphère chaleureuse que je quitte à regret,
entraînée par Roland.
Sur la Francilienne, un double arc-en-ciel, puis des trombes d’eau.
Ce jour-là, le soleil ne s’est levé, radieux, que pour lui.
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Reste(s) - Texte de Vincent Pachès, Editions Savon Rouge, 1997
Visuel de l’exposition « Un Posthume sur mesure », 2005
Jeudi 10 mars 2011 - Grisy-les-Plâtres
L’air est vif et le soleil bien pâle en cette matinée encore hivernale dans le petit cimetière où nous sommes réunis
autour de Marguerite qui nous a quittés samedi dernier.
Elle aura survécu près de six ans à son André.
Tous les fidèles sont là, Robert Delpire et Sarah Moon, Pierre Etaix, Danièle Delorme et Marie-France Beaucourt,
Colette Delpire, Vinccent Pachès, Thérèse Caza, Martine Meunier, et Gérard Loison… L’émotion noue les gorges
et embue les yeux. Pierre et Katherine, puis les petits enfants parlent avec tendresse de cette « vraie » grand-mère
à la si forte personnalité.
Tout le monde se retrouve dans la chère maison de la rue Robert Machy, magasin de merveilles débordant de
souvenirs.
L’accueil y est aussi chaleureux que du temps des grands absents mais une page est tournée, à jamais...
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Graphis N° 76 Mars - avril 1958
Don Georges Lemoine, 2011
Georges Lemoine
Graphis 76
C’est à l’époque de mon retour du Service militaire que j’ai acheté cet exemplaire du numéro 76 de la revue suisse
allemande Graphis, daté mars-avril 1958. Où trouvait-on cette prestigieuse publication lue et consultée par les
graphistes du monde entier ?
Peut-être à la librairie La Hune.
Ce numéro, exceptionnel par la qualité des artistes qui s’y trouvaient présentés, m’a accompagné durant des
années.
J’y puisais mon inspiration, il nourissait mes rêves de jeune graphiste, élargissait mes horizons, me donnait
confiance.
Il est toujours là, dans ma bibliothèque... pieusement conservé.
Dans le classement alphabétique de mes livres d’Art, il faut cependant aller le chercher à la lettre F et non à la lettre
G où il devrait logiquement se trouver. Raison de ce déplacement, le long article écrit par son ami Claude Roy
présentant sur quatorze pages l’œuvre d’André François. Nous y sommes !
La couverture de ce numéro est elle aussi de la main du Maître, et de son esprit, triplement devrais-je dire... en effet, 
trois mains délicates peignent les supports posés sur un grand chevalet de peintre, devant la fenêtre les pinceaux et...
un tire-ligne sont rangés dans des pots... Cette forte et tendre page résume tout l’art d’André François : l’efficacité,
l’audace, l’humour et la liberté, l’aisance dans la maîtrise absolue de l’espace et l’application joyeuse des couleurs.
Grâce à ce numéro 76, cette revue Graphis des mois de mars-avril 1958, je découvrais les œuvres peintes, les
illustrations publicitaires d’alors... Olivetti, Pirelli, Kodak, Perrier... ce fut le coup de foudre, un encouragement,
une fête. André François !
Cela tombait sous le sens, c’était lui qu’il fallait suivre, regarder, admirer.
Quelques années après cette découverte providentielle, un jour que nous assistions au vernissage d’une exposition
de ses œuvres à la galerie Delpire, rue de l’Abbaye, je demandai timidement à André : que préparez-vous en ce
moment ?
Un rhume... me répondit-il !
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Ubu Roi - Texte d’Alfred Jarry, Paris, Le Club du Meilleur livre, 1957 - Acquis en 2010
Daniel Maja
Un Maître-étalon
J’étais élève à l’Ecole Estienne à Paris, c’était en 1961, je me souviens encore du choc ressenti lorsque notre prof *
de Publicité (dans le jargon technique du jour : communication graphique) apporta un dépliant publicitaire géant**
qu’avait conçu un certain André François pour Paris Match. Il le déplia lentement, théâtralement, se réjouissant de
notre ébahissement à chaque pli-surprise.
Il est des moments qui orientent toute une vie, c’en fut un pour moi, une révélation, une explosion de liberté. Un
dessinateur se permettait de violer toutes les règles du bon ton académique par l’humour en restant fidèle au sens,
il respectait la commande tout en usant d’une liberté totale par ce trait époustouflant, jaillissant de vie, de violence,
explosif. Dés lors, je me mis à chercher en bibliothèque tout ce que je pouvais trouver sur cet André François :
collections de Graphis (la référence ultime), des Gebrause Graphik, couvertures du Punch et du New-Yorker, des
albums Tom and Tabby, les îles Baladar, Ubu-Roi, Le Meilleur des Mondes...
Je découvrais qu’on pouvait associer le burlesque débridé et la philosophie, exalter un texte par la force du trait,
conjuguer violence et poésie...
Je rencontrai en chemin, grâce à lui, les Topor, Siné, Ronald Searle, Beuville, Gus Boffa, tous compagnons du Traitlibéré, Steinberg surtout !
Ces deux-là me firent mon apprentissage, l’un de l’idée-forme, du trait aigu, tranchant, l’autre de l’exubérance, de la
rondeur boursouflée, de l’Hénaurme, du grotesque, de la farce, ils m’ouvrirent la voie (la voix) des expressionnistes
Georges Grosz, Otto Dix, Beckmann, Permeke mais aussi Wilhelm Busch et Tôpfer...
J’avais trouvé ma planète, je ne l’ai pas quittée depuis.
Ma première vraie rencontre date des années 70, ses moutons bornés avaient déjà colonisé les murs de Paris, ses
idiots au crâne d’obus, ses escargots ahuris proclamaient qu’ils ne lisaient pas le Nouvel Observateur, je rédigeais
alors pour une revue des articles sur les affichistes contemporains, j’eus la chance de rencontrer en leur atelier
Morvan, Villemot, Savignac... et André François.
Je fus accueilli à Grisy avec beaucoup de gentillesse, j’étais probablement gauche et stupide d’émotion et de
dévotion, il n’en fit rien paraître. On prit une collation dans la pièce du bas avec la fresque de la fausse bibliothèque,
les chaises peintes en trompe-l’oeil, l’escalier dérobé, les fausses portes... Nous avons traversé la pelouse pour
aller à l’atelier au fond du jardin, c’était l’avant-printemps. Sur le chemin, André François ramassa une grenouille
écrabouillée, toute desséchée, il me dit qu’il lui donnerait une autre vie...
Alors je vis les mille objets saugrenus laissés pour compte, les épaves, les rebuts, écrous, morceaux d’assiettes,
cadrans d’horloges, galets, racines, cafetières, bouts de planches, prêts à grimper dans les futurs tableaux... J’étais
au ciel !
* un hommage en passant, à ce prof-dessinateur de presse et humoriste qui signait Rü et publiait ses dessins dans Noir & Blanc
** format : fermé 0,15 sur 0,25 et ouvert 0,15 sur 4,50 m !
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The Magic Currant Bun - Texte de John Symonds
J.B. Lippincott Company, Philadelphia&New York, 1952 - Acquis en 2011
Je vis aussi les paysages de brouillard, les maisons fantomatiques, un univers incertain d’ombres floues,
d’ectoplasmes brumeux, des nuages menaçants, une terre en gésine, des respirations telluriques...
Il m’ouvrit ses cartons, des dessins faits durant ses périples en cargo : Haïti, Beyrouth, Alexandrie, l’Inde, Bombay...
Des impressions jetées à la hâte, la vie immédiate, la violence de la lumière et des couleurs, la foule grouillante
des ports... Les escales n’étaient pas longues entre deux passages, les revues (Look, Hollidays...) attendaient les
images... Il lui restait de cela un sentiment d’inachevé.
Je lui envoyai mon texte, il eut l’heur de lui convenir, par la suite je le rencontrai lors d’expos ou de vernissages...
Il fut ma boussole pendant mes années d’activité, il l’est encore, le maître qu’on invoque dans les moments
d’incertitude, un maître déroutant, sans complaisance.
Lorsque j’enseignais l’histoire du Trait à l’école Emile Cohl à Lyon, je réservais une séance de projection pour
Steinberg et André François. Après leur avoir fait découvrir sur grand écran, Daumier, Granville, les dessinateurs
de l’Assiette au Beurre et du Simplicissimus, Gus Boffa... j’offrais aux élèves le couronnement, je pouvais épancher
toute mon admiration et la faire partager, l’éblouissante intelligence du trait, des compositions, les audaces
graphiques, l’imagination en folie, les fulgurances, l’humour corrosif...
Je leur transmettais le cadeau qu’on m’avait fait...
Couverture VST N° 19 - Don de Vincent Pachès, 2010
61
The Adventures of Ulysses - Texte de Jacques Lemarchand traduit par E.M.Hatt Criterion Books, NY, 1960
Acquis en 2010
Christine Morault
Il y a des images qui vont en perm’ à Nantes
Le premier livre de MeMo, paru en 1993, était une réédition d’un album du XVIIIe siècle. Un recueil de motifs
gravés pour l’impression de tissus destinés à la traite négrière. Leur beauté, faite d’exotisme naïf et d’emprunts
culturels multiples disait toute la noirceur du projet. Nous l’avions édité, non pas comme une monographie sur
l’indiennage de traite, mais comme un véritable album pour que chaque image ait son espace, les reproduisant avec
une presse typographique pour leur redonner l’aspect de l’impression sur la toile.
Ce langage des images, au-delà et parfois malgré elles, les fait vivre longtemps. MeMo a toujours aimé les reproduire pour voir à nouveau ce qu’elles ont à nous dire et qui ne meurt jamais. De grands livres modernes pour
toujours comme ceux qui ont été réédités avec Les Trois Ourses, des livres d’enfance d’autres pays du XIXe et
du XXe siècles et des œuvres d’artistes du livre de ces cent dernières années, de Hellé, en 1911, à paraître, aux
livres de Remy Charlip dans les années soixante ou de John Crombie et Sheila Bourne, plus récents encore. Ils
sont tous aussi frais et forts que quand ils sont nés. Ce n’est pas donné à tous, et beaucoup de livres gagneront à
n’être jamais réédités. Parfois les textes ont vieilli plus vite que les images qui les accompagnent. Mais d’autres, et
particulièrement ceux des auteurs illustrant leurs livres, nous arrivent en riant dans leurs habits tout neufs, et nous
pensons particulièrement à ceux d’André François, Little Boy Brown, jamais traduit en France, et Le Voyage
d’Ulysse, véritable livre d’artiste.
C’est pour que ces livres gardent leur force et leur beauté d’origine que le petit atelier de MeMo fait des efforts
de reproduction. Avant le temps informatique, nous grattions des films pendant des jours pour ne pas reproduire
le vieillissement du papier du document original… Les techniques ont bien changé mais nous passons encore des
jours à séparer couleur par couleur des livres que nous reproduisons avec, parfois, jusqu’à une vingtaine de tons
directs pour leur redonner un peu de l’éclat de la lithographie. Cet effort n’est pas facultatif, c’est la condition
indispensable d’une re-vision nette de l’image, sans le filtre presque invisible d’une reproduction sans travail qui
tient le lecteur, petit ou grand, à distance. Pas de performance pour bibliophiles ou alors si, au vrai sens de ce dernier
terme. Et pour les plus petits, tout petits, l’expérience d’une « lecture » de Cirkus d’Elisabeth Ivanovsky en est
l’illustration. Le ravissement qui leur est procuré par ces couleurs et ces formes est évident.
Nous avons voué notre vie à des images… C’est surtout pour MeMo une histoire d’appétit pour ces images, comme
celles d’André François, qui habitent immédiatement notre vie.
Elles nous donnent envie de les offrir à nouveau à tous et à chacun.
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Le cheval noir - Sérigraphie avec texte de Vincent Pachès - 50 x 35 - Acquis en 2010
Vincent Pachès
L’histoire d’eux
André François cultivait les images, j’apprivoisais les mots.
Qui allaient briser le silence, murmurer l’impertinence, abolir la défiance et en élégance réciproque accepter l’autre
en parallèle de soi, évitant l’écueil de la redondance.
L’énigme subsiste, ni sorcier, ni magicien, tout juste un brin de folie et sur ce chemin dénué de passerelles et
d’embarcadères, il nous fallut tout inventer.
Le décor était planté, une union sacrée prenait forme, elle durera 25 ans.
La première rencontre a eu lieu en 1980, André François m’a reçu en compagnie de Marguerite, dans sa maison de
Grisy-les-Plâtres.
C’était un lieu dont on pense qu’immédiatement il va vous enjouer, le moindre recoin est une surprise, la délicatesse
prend parti pour le rire et l’humour ne dédaigne jamais les croche-pieds.
Obstinément inventeur, peintre, humaniste, briseur de frontières, dessinateur de génie, voilà ce qu’était André
François, aucun langage ne lui résistait, il savait débusquer le sens caché des choses jamais vues, un tour de force
colossal et sur la toile un trait qui délivre le bois flotté de sa nature qu’il ignore pour devenir ce qu’il n’a jamais
imaginé. C’était fascinant et c’est vous désormais qui flottez sur un nuage, une barque sans fond, qu’importe le
voyage en vaut la peine.
Partir, avec pour seul bagage des mots et des images, c’est ce qui fut au centre de notre collaboration.
En autobus, en train, à bicyclette, blottis en perles de pluie, cachés en plis d’enveloppe ou dans le creux de la main,
les mots que j’écrivais n’espéraient qu’une seule destination, Grisy-les-Plâtres.
A leur réception, André les rangeait dans des chemises en carton. Chaque matin, ils espéraient sans doute une
marque d’attention, ils pouvaient passer des journées à attendre. Enfin le moment venu, le feuillet se détachait avec
allégresse, l’image allait bientôt lui coller à la peau.
Et quelle image, quelle pertinence, à vous couper le souffle. On ne sait pas qui intimidait l’autre, chacun sur sa dune
avec la mer en ressac et souvent toutes voiles dehors au gré de l’humeur du lecteur, ils naviguaient.
Que pouvaient-ils se dire, le mot questionnait l’image et inversement, de ces secrets bien gardés, André et moimême n’avons jamais rien su. C’était leur histoire, la réplique chacun dans leur langage de que ce nous nous
pensions d’eux. La rencontre a toujours eu lieu, même éloignés, un signe de la main ; mais bien sûr c’est vous,
impossible de ne pas vous reconnaître.
André François fut un créateur d’exception, en ce XXIème siècle si ballotté non pas d’incertitudes mais de stupidité.
Il nous manque franchement, comme il me manque terriblement.
65
New Yorker, December 23, 1972 (Couverture seule) - Acquis en 2011
François Vié
J’aime les bonhommes de neige
J’aime les bonhommes de neige. J’aime surtout les artistes en bonhommes de neige. Forts et vulnérables, ils
regardent autour d’eux, débonnaires, les batailles de boules blanches, les courses effrénées, les injures et les cris.
L’œil en coin, abrités derrière le nez en carotte, ils se régalent du spectacle du monde qui s’offre sans pudeur. Ils
savent, mieux que d’autres, que tout cela va finir. Ils s’émeuvent et s’amusent de nos jongleries pour atteindre les
honneurs et les faveurs. Ils s’esclaffent parfois, dans le silence de leur neige intérieure, des roulades et des sauts de
notre meute pressée. Mais avec une infinie bienveillance.
Car neige après neige, ils le voient bien, à travers les boutons de culotte qui dissimulent leurs yeux perçants. Ils le
voient que rien ne change. Petits ou grands, nos appétits, nos peurs et nos joies sont celles de l’enfant. Cravates,
chapeaux et gants, dollars et amants ne changent rien à la comédie.
Eux le savent, eux le voient. Alors, quand il leur arrive, ce qui est plutôt rare, de mettre sur le papier les faits et
rêves de leur vie immobile, ils nous épatent. Sous des têtes en boule et des ventres rebondis, des nez de clowns et
des pitreries, c’est bien notre âme à nous tout à nu.
J’aime les bonhommes de neige. Ils sont doux pour notre humanité.
André François est l’un d’eux. Le plus immortel.
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Quelques couvertures du
New Yorker
Acquis en 2011
Thérèse Willer
Tomi Ungerer et André François : une rencontre
André François, au même titre que Saul Steinberg et Ronald Searle, fait partie des dessinateurs que Tomi Ungerer
considère comme ses « maîtres » en matière de dessin d’illustration.
C’est dans les années cinquante qu’il le découvrit : à cette époque, André François était loin d’être un inconnu
sur le plan international. En effet, ses livres étaient déjà édités en France, en particulier par Delpire (Les larmes
de crocodile), mais aussi à Londres par André Deutsch (Double Bedside Book), à New York par Alfred A. Knopf
(The Tattoed Sailor et Half-Naked Knight), et à Zurich par Diogenes Verlag (Heikle Themen). On trouvait aussi ses
illustrations dans diverses revues comme Punch, Esquire, Mademoiselle, Sports Illustrated, Vogue, etc…
Tomi Ungerer porta immédiatement une vive admiration à son oeuvre.
Quand il apprit la venue d’André François à New York en 1959, où celui-ci avait été appelé par une agence
publicitaire et où lui-même connaissait ses premiers succès avec, entre autres, les Mellops et les illustrations pour la
presse, il le contacta. De cette rencontre, qui se passa à son domicile de Manhattan, 19th Street, Tomi Ungerer garde
aujourd’hui un souvenir ému, marqué par la modestie du grand dessinateur. A partir de ce moment naquit la relation
amicale qui allait unir ces deux hommes, même si elle fut au cours des années vécue épisodiquement.
Tomi Ungerer aimait sa fantaisie créatrice, son goût pour l’absurde, son talent de la synthèse graphique, était fasciné
par la polyvalence de cet artiste qui mettait son talent au service tout à la fois de la presse, des livres pour enfants,
de la publicité, tous ces genres auquel lui aussi s’adonne depuis quelques décennies avec bonheur.
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André François Eléments de bibliographie
Livres écrits et illustrés par André François
Ordre chronologique
C’est arrivé à Issy lès Brioches La Bibliothèque française, 1949
The Penguin André François Penguin Books, England & Australia, 1964 (1952)
Double Bedside Book Andre Deutsch, London, 1952
Mit Gestraûbten Federn Buchheim Verlag & Eulenspiegel Verlag, 1954
The Tattooed Sailor Alfred A. Knopf, NY, 1953
Les larmes de crocodile Delpire, 1956, 2004, 2009
Crocodile Tears Delpire, 1956
Krokodilstränen Buchheim Veralag, 1956
Les larmes de crocodile Delpire, 1967 (Actibom)
Crocodile Tears Faber & Feber London, 1969
Les larmes de crocodile Gallimard J, 1980 & 2007 (Folio Benjamin)
The Half Naked Knight Alfred A. Knopf, NY, 1958
Heikle Themen Diogenes Verlag, Zürich, 1959
Le Président Directeur Général Paris-Match, 1961
Les Rhumes Robert Delpire- Laboratoires Beaufour, 1966
You are Ri-di-cu-lous Pantheon Books, Toronto & NY, 1970
Qui est le plus marrant Ecole des loisirs, 1970
Wir sind zum Lachen Fabbri & Praeger, Munich, 1973
François, 133 Disegni I Garzanti, Milan ,1974
The eggzercise Book Le Daily Bul, La Louvière, 1980
Jacques et le haricot magique Grasset, 1983 (Monsieur Chat)
Jack and The Beanstalk Creative Education, 1983
Jakob auf der Bohnenleiter Middelhauve, 1984
Sirénades Seuil, 1998
Livres illustrés par André François
Ordre alphabétique des noms d’auteurs
On vous l’a dit ? Texte de Jean l’Anselme Robert Delpire, Editeur, Paris, 1954. (Collection Dix sur dix)
Pitounet et Fiocco le petit nuage Librairie Arthème Fayard, Paris, 1945.
Die Belustigungen des guten Königs Loys des Elfsten (Contes drôlatiques) Texte de Honoré de Balzac Diogenes Verlag Zurich, 1957 (Ein
Diogenes Tabu)
Arthur The Dolphin Who Didn’t See Venice Texte de John-Malcolm Brinnin An Atlantic Monthly Press Book, Boston- Little, Brown &
Company, Toronto, 1961
Arthur le Dauphin qui n’a pas vu Venise Texte de John-Malcolm Brinnin Le Mascaret, 1997
Arthur le Dauphin qui n’a pas vu Venise Texte de John-Malcolm Brinnin Le Mascaret, 1997 – 150 exemplaires numérotés accompagnés
d‘une lithographie
Le fils de l’ogre Texte de François David Hoëbeke / Motus, 1993
Le calumet de la paix Texte de François David Lo Païs, 2002
Jacques le fataliste et son maître Texte de Denis Diderot Paris, Club français du livre, 1953
Je hais les pigeons Texte de Pierre Etaix Seuil-Nemo, 1996
Little Boy Brown Texte de Isobel Harris J.B.Lippincott Company, Philadelphia & NY,1949
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Les larmes de crocodile - Delpire, 2005 - Acquis en 2010
Le Meilleur des mondes Texte de Aldous Huxley, Paris, Le Club du Libraire- Plon, 1961
Ubu Roi Texte d’Alfred Jarry, Paris, Le Club du Meilleur livre, 1957
L’Odyssée d’Ulysse Texte de Jacques Lemarchand Guy Le Prat éd., 1947
The Adventures of Ulysses Texte de Jacques Lemarchand traduit par E.M.Hatt Criterion Books, NY, 1960
Mr Noselighter Texte de Roger McGough G. Whizzard & Andre Deutsch, London, 1976
An Idea is like a Bird The Orion Press, 1962
Dominos Dominus Texte de Vincent Pachès- Projet graphique de Roman Cieslewicz VST- CEMEA-Darjeeling, 1995
Reste(s) Texte de Vincent Pachès Editions Savon Rouge, 1997
Fou de vous Textes de Vincent Pachès et Serge Vallon Alternatives, 1999
Le Voyage de V. Texte de Vincent Pachès - Livre d’artiste numéroté Le Daily Bul, La Louvière, 2000
Animots Texte de Vincent Pachès Le Monde, 2001- Livre d’artiste numéroté Maurice Felt en co-production avec Arjo Wiggins & Le
Monde, 2001
La bonne distance Texte de Vincent Pachès Cahiers Savon net - Editions Savon Rouge - non daté
Scènes de ménagerie Texte de Vincent Pachès Seuil, 2001
Le silence Texte de Vincent Pachès - Livre d’artiste numéroté - Le Daily Bul, 2002
K Libre (Vincent Pachès) Seuil, 2004
Braises et cendres ( (Vincent Pachès) La Boîte à gants, 2009 (Collection Jamais l’un sans l’autre)
Lettre des Iles Baladar Texte de Jacques Prévert NRF - Le Point du Jour, 1952
Lettre des Iles Baladar Texte de Jacques Prévert Gallimard, 1967
Lettre des Iles Baladar Texte de Jacques Prévert Gallimard J, 1983 (Folio Jr)
Lettre des Iles Baladar Texte de Jacques Prévert in Jacques Prévert Oeuvres complètes NRF, 1993 (Bibliothèque de la Pléîade)
Lettre des Iles Baladar Texte de Jacques Prévert Gallimard, 2007
Si tu t’imagines Texte de Raymond Queneau Rombaldi, 1979 (Bibliothèque des Chefs-d’œuvre)
Roland Texte de Nelly Stéphane Harcourt, Brace & Company, NY, non daté
Roland Texte de Nelly Stéphane Buchheim Verlag-Feldafing, non daté
Roland Texte de Nelly Stéphane Circonflexe, 1992 (Aux couleurs du temps)
The Magic Currant Bun Texte de John Symonds J.B.Lippincott Company, Philadelphia & NY,1952
Travelers Three Texte de John Symonds J.B.Lippincott Company, Philadelphia & NY,1953
The Story George Told Me Texte de John Symonds Pantheon Books, 1964 (couverture illustrée)
Tom & Tabby Texte de John Symonds Universe Books, NY, 1964
Tom & Tabby Texte de John Symonds Delpire, 1963
Grodge-cat and the Window Cleaner Texte de John Symonds Pantheon Books, NY & Toronto, 1965
William Waste Texte de John Symonds Sampson Low, Marston & CO, LTD, Londres, non daté
L’Arrache cœur Texte de Boris Vian Paris Editions André Sauret, 1981 (Tome 3 / 6)
Couvertures
Emile Ajar La vie devant soi Mercure de France, 1975
A H Barton With a Flag and a Bucket and a Gun Hodder 1 Stoughton, London, 1959
Erskine Caldwell Le petit arpent du Bon Dieu Gallimard, 1979 (Folio)
William Faulkner The Sound and the Fury Penguin Books, England, 1964
William Faulkner Soldier’s Pay Penguin Books, England, 1964
William Faulkner Sanctuary Penguin Books, England, 1965
William Faulkner Requiem for a Nun Penguin Books, England, 1965
William Golding Lord of the Flies Faber and Faber & Penguin Books, England & Australia, 1954
Philip Roth Portnoy et son complexe Gallimard, 1970 (Folio)
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The Tattooed Sailor Alfred A. Knopf, NY, 1953 - Acquis en 2010
Monographies & catalogues personnels
The Biting Eye Introduction de Ronald Searle Perpetua Books, 1960
André François Stedelijk Museum Amsterdam, 1967
André François Musée des arts décoratifs, 1970
André François Milwaukee Art Center, The Arts Club of Chicago, 1975
André François Musée de Pontoise, 1979
André François Herscher, 1986
André François Booth Clibborn Editions, 1986
André François Harry N. Abrams, NY, 1986
André François, les marchés de Pontoise Musée de Pontoise, 1987
André François - La mer et autres thèmes Châteu-Musée de Dieppe, 1989
André François Centre culturel de Cherbourg, été 1993
André François Centre culturel de Cherbourg, été 1993 (Fac similé, 2008)
André François, femmes et paysages Musée de Pontoise, 1996
André François, femmes et paysages Musée de Pontoise, 1996
André François, affiches et graphisme Bibliothèque Forney , 2003
André François, l’épreuve du feu Centre Georges Pompidou, 2004 (avec DVD de Sarah Moon)
André François, l’épreuve du feu Centre Georges Pompidou, 2004 (édition du Nouvel Obs sans DVD)
Robert Delpire André François Delpire, 2006 (Poche-Illustrateur)
Balade aux îles Baladar Maison Jacques Prévert, Omonville-la-Petite, 2009
André François, peintures et dessins Atelier Girard, 2009
Château de Fiches - Bestiaire Peintures Renaissance, Dessins André François, Textes Vincent Pachès La Boîte à gants, 2010
Catalogues collectifs
Napoléon Caricatures & dessins humoristiques de 1800 à nos jours Bibliothèque Marmottan, 1975
Iles Bibliothèque publique d’information Centre Georges Pompidou-Gallimard, 1987 (Couverture)
A boire et à voir Musée de Pontoise, 1988-9 (Couverture)
A boire et à voir (Couverture d’AF) Musée de Pontoise, 1988-9
Cent affiches françaises autour du monde SNG - Les Editions du Cecle, 1992
Avez-vous vu les sirènes ? Château-Musée de Dieppe, 1995
Le nouveau Salon des Cent : Hommage à l’affichiste Toulouse-Lautrec Odyssée, 2001
Hommage à Savignac Bibliothèque Forney, 2003
Art and Artists New Yorker Cartoons from the Melvin E.Seiden Collection Bruce Museum of Art and Science, Greenwich, Connecticut, 2008
Alban Cerisier & Jacques Desse De la jeunesse chez Gallimard Gallimard - Chez les libraires associés, 2008
Robert Delpire Delpire & Cie Delpire, 2009 (3 volumes sous coffret)
Delpire essentiel Libraires associés, 2009
Pour adultes seulement Quand les illustrateurs de jeunesse dessinent pour les grands Abis, 2010
De Véronèse à Matisse Dessins et aquarelles du Musée de Pontoise Musée de Pontoise, 2011
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VST N° 14 - Don Vincent Pachès, 2010
Claude Roy André François in Graphis N° 76 (Mars-avril 1958)
Michel Ragon André François in Jardin des arts, Décembre 1966 - N° 145
Pierre Gascar 2 x André François in Graphis N°106 (1963)
Jerry Steimle André François in Communication Arts - Vol.18 - N° 1 - March-April 1976
François Gir André François in Vivre en Val d’Oise N°13 - Avril-mai 1992
Janine Kotwica Un Posthume sur mesure, Hommage à André François RLPE, avril 2006 - N° 228
Janine Kotwica Balade aux îles Baladar avec Jacques Prévert & André François in La Revue des Livres pour Enfants - N° 248
François Peloille André François, la poésie en couleurs Val d’Oise des peintres, 2010-2011 (p 55)
Michel Defourny Trois albumes emblématiques - Les Larmes de crocodile Strenae, 1 / 2010 (en ligne)
Cécile Boulaire Robert Delpire, éditeur d’albums Strenae, 1 / 2010 (En ligne)
Janine Kotwica Les larmes de crocodile in Album, que fais-tu, que dis-tu ? Cahiers du CRILJ N° 2, novembre 2010
Janine Kotwica Lettres des îles Baladar in Ricochet, mars 2011 (en ligne)
Janine Kotwica Les Enfantina d’André François in Ricochet, mars 2011 (en ligne)
Articles
Participation à des ouvrages collectifs
Devant le marché noir Bernard Aldebert, A G Badert, R. Carrizey, Jean Effel, Farinole, André François, Peynet, J. Sennep 1943
Manigances André François, Chaval, Mosé Neuf, 1952
Frivolitäten - Meisters des Französischen Humors : André François, Chaval, Mosé Buchheim Verlag, 1953
Compris ? Französisher Humor ohne Worte François, Chaval, Mose, Douay, Bosc, Lauzier Buchheim Verlag Feldafing, 1960
Graphic Designers in Europe / 3 : Karl Gestner, Crosby, Fletcher, Forbes, André François, Bob Gill Universe Books, NY, 1973
C’est le Bouquet ! 53 dessinateurs d’humour Albin Michel, 1976
Hadji Texte de Jacqueline Duhême illustré par Barelier, Jean-Louis Besson, Quentin Blake, César, Michelle Daufresne, Jacqueline Duhême,
Alice Dumas, André François, Henri Galeron, Claude Lapointe, Georges Lemoine, Gerda Muller, Pef, François Place, Jame’s Prunier,
Savignac, Ronald Searle, Tomi Ungerer, Gallimard J-Sol en si, 1996
Exercices de style Texte de Raymond Queneau illustré par David Alazraki, Béatrice Alemagna, Jean-Louis Besson, Roger Blachon, Quentin
Blake, R O Blechman, Serge Bloch, Danièle Bour, Christian Broutin, Daniel Ceppi, Jean-Philippe Chabot, Nicole Claveloux, Jean Claverie,
Hervé Coffinières, Laurent Corvaisier, André Dahan, Etienne Delessert, Christine Destours, Jacqueline Duhême, Philippe Dumas, Natali
Fortier, André François, Aurélia Fronty, Henri Galeron, Willi Glasauer, Jean-Claude Götting, Donald Grant, Georg Hallensleben, Christian
Heinrich, Frédéric Houssin, Martin Jarrie, Satoshi Kitamura, Claude Lapointe, Laaure, Georges Lemoine, Daniel Maja, Massin, Martin
Matje, David McKee, Colin McNaughton, René Mettler, Fernand Mognetti, Philippe Munch, Yan Nascimbene, Jean-Michel Nicollet,
Nathalie Novi, Pef, Jean-Marie Poissenot, Philippe Pommier, François Place, Jame’s Prunier, Jean-Marie Queneau, France de Ranchin,
Tony Ross, Rozier-Gaudriault, Roland Sabatier, Alex Sanders, Sempé, Peter Sis, Claude Stassart-Springer, Raymond Stoffel, Olivier Tallec,
Nicolas Thers, Anne Tonnac, Marcelino Truong, Pierre-Marie Valat, Mireille Vautier, Gallimard, 2002
Dessin - préface Le temps qui ment Texte de Vincent Pachès Illustrations de Denis Pouppeville Le Daily Bul, 2001
Livre dédié à André François
François David / 32 illustrateurs Un éléphant peut en cacher un autre Sarbacane, 2005
Bibliographie établie par Janine Kotwica le 23 février 2011
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Catalogue André François, Femmes et Paysages - Musée de Pontoise, 1996 - Don Musée de Pontoise, 2011
Fonds André François
En décembre 2005, la Médiathèque Jean-Moulin de Margny-lès-Compiègne, qui abrite, sur sa mezzanine, notre
Centre André François, a présenté, en avant-première de sa tournée européenne, l’exposition Un Posthume sur
mesure Hommage à André François, et, à cette occasion a acquis quelques livres du Maître. Au cours de l’année
2009, le projet de créer un Centre de Ressources sur l’Album et l’Illustration et de le placer sous le parrainage
d’André François s’est concrétisé et la collecte de ses oeuvres sur papier s’est intensifiée.
Le Centre possède aujourd’hui, par dons ou achats, plus de cinquante estampes, une trentaine d’affiches, quatre
livres d’artistes, une quinzaine de titres écrits et illustrés par André François, une trentaine de livres qu’il a
seulement illustrés, quelque vingt catalogues d’exposition, des manuscrits, une belle collection de cartes postales
et de nombreux éphémères, des photographies, quelques numéros de Graphis, de VST et plus de trente New Yorker
dont André François a créé les couvertures.
L’inventaire précis de ces acquisitions sera mis en ligne dans quelques semaines lorsque le site du Centre sera
opérationnel.
Ce fonds André François continuera à s’enrichir et sera disponible pour consultation dès la fin de cette exposition.
Lettre datée de Pâques 1956 - Acquis en 2011
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Seita Gitanes, 1991 - Sérigraphie - 132x100 - Graficaza - Acquis en 2011
Remerciements
à
Marguerite François (†)
Pierre et Judy Farkas, Katherine Farkas-Kemmet et leur famille
pour leur confiance et leur disponibilité
Bernard Hellal et Christine Muller
pour leur foi dans le projet
Dominique Baillon-Lalande
pour sa chaleureuse conviction et son inlassable implication
Christiane Abbadie-Clerc, Caroline Corre, François David, Etienne Delessert, Danièle Delorme, Robert Delpire,
Jacques Desse, Pierre Etaix, Maurice Felt, Maurice Garnier, Arthur Hubschmid, Janine Kotwica, Georges Lemoine,
Daniel Maja, Christine Morault, Vincent Pachès, François Vié, Thérèse Willer
pour leur amical témoignage dans ce catalogue
Sarah Moon
pour la mise à disposition de son beau film André François, l’Artiste
Christiane Abbadie-Clerc, Caroline Corre, François David, Danièle Delorme et Marie-France Beaucourt,
Christophe Duvivier et le Musée Tavet-Delacour de Pontoise,
Vincent Joigneaux, Janine Kotwica, Georges Lemoine, Vincent Pachès
pour leurs dons généreux au fonds André François
Jane Amboise
pour son efficacité logistique
Fanny Delacour, Jacques Desse et Michèle Noret
pour leurs trouvailles de libraires