Chapitre 2.5.8.

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Chapitre 2.5.8.
CHAPITRE 2.5.8.
MORVE
RÉSUMÉ
La morve est une maladie contagieuse et mortelle des chevaux, ânes et mulets causée par
l’infection par la bactérie Burkholderia mallei (sa dénomination, récemment modifiée, était
Pseudomonas pseudomallei et elle fut antérieurement classée dans des genres variés comme
Pfeifferella, Loefflerella, Malleomyces ou Actinobacillus). La maladie cause des nodules et des
ulcérations dans le tractus respiratoire supérieur et les poumons. Elle cause aussi une forme
cutanée, connue sous le nom de « farcin ». Le contrôle de la morve implique de tester les cas
cliniques suspects, trier les équidés apparemment normaux, et éliminer les animaux régissant
positivement. La morve se transmet à l’homme et tout matériel infecté ou potentiellement infecté
doit être adressé à un laboratoire qui répond aux exigences requises pour des microbes
pathogènes de classe 3.
Identification de l’agent pathogène : Des étalements de matériel frais peuvent révéler la
présence de bâtonnets Gram-négatifs, non sporulés et non capsulés. La présence d’une structure
périphérique évoquant une capsule a été mise en évidence par microscopie électronique. La
bactérie est aérobie et préfère les milieux contenant du glycérol. A la différence des Pseudomonas,
Burkholderia mallei n’est pas mobile. Le cobaye est hautement sensible, et les mâles sont utilisés
pour tester un matériel potentiellement infecté. Les injections intra-péritonéales sont préconisées
pour obtenir la réaction de Strauss (orchite).
Malléination et épreuves sérologiques : Le test à la malléine (ou malléination) est un test
clinique sensible et spécifique. La malléine, une fraction protéique de la bactérie, est injectée par
voie intradermo-palpébrale ou administrée par instillation oculaire, ce qui provoque, chez les
animaux infectés, un gonflement net de la paupière en 1 à 2 jours. La fixation du complément (FC)
et la technique immuno-enzymatique (ELISA) sont les épreuves sérologiques les plus valables et
les plus fiables pour le diagnostic. Une épreuve d’agglutination sur lame au Rose Bengale a été
récemment développée en Russie, mais elle n’a été validée, pour le moment, seulement que dans
ce pays.
Spécifications applicables aux vaccins et aux produits biologiques à usage diagnostique : Il
n'existe pas de vaccins. Un dérivé protéique purifié de la malléine est actuellement disponible
auprès d’instituts hollandais et roumains (voir note de bas de page 1).
A. INTRODUCTION
La morve est une maladie bactérienne des périssodactyles ou ongulés possédant un nombre impair de doigts
aux pieds, qui a un fort potentiel zoonotique et qui est connue depuis l’antiquité. Elle est la conséquence d’une
infection par la bactérie Burkholderia mallei (sa dénomination, récemment modifiée, était Pseudomonas
pseudomallei (25) et elle fut antérieurement classée dans des genres variés comme Pfeifferella, Loefflerella,
Malleomyces ou Actinobacillus). Des cas de maladie peuvent apparaître également chez des félidés sauvages
vivant dans les parcs zoologiques. La sensibilité à la morve a été en outre démontrée chez le chameau, l’ours, le
loup et le chien. Les carnivores peuvent se contaminer en mangeant de la viande infectée, mais les bovins, ovins
et porcins sont résistants (16). Les formes aiguës de la morve sont surtout décrites chez l’âne et le mulet qui
présentent une fièvre élevée et une atteinte respiratoire (naseaux tuméfiés, dyspnée et pneumonie) ; la mort
survient en peu de jours. Chez les chevaux en revanche, la morve s’exprime plutôt sous forme chronique, et ils
peuvent survivre plusieurs années. Les animaux atteints de formes « occultes » chroniques et subcliniques
constituent de dangereuses sources d’infection.
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Chapitre 2.5.8. — Morve
Chez les chevaux, les nodules inflammatoires et les ulcères se développent sur les parois nasales, et provoquent
un jetage jaune et collant. Ils s’accompagnent d’une adénite sous-maxillaire (nœuds lymphatiques fermes et
hypertrophiés). Des cicatrices en étoile accompagnent la guérison des ulcères. La formation d’abcès nodulaires
dans les poumons s’accompagne d’une asthénie progressive, d'épisodes fébriles, de toux et de dyspnée. Une
diarrhée et une polyurie peuvent aussi apparaître. Dans la forme cutanée (« farcin »), les vaisseaux lymphatiques
sont tuméfiés (« cordes ») et des abcès nodulaires (« chancres ») de 0,5 à 2,5 cm se forment sur leur trajet,
s’ulcèrent et laissent s’écouler un pus jaune et de consistance huileuse (« huile de farcin »). Le jetage et le pus
huileux s’écoulant des lésions cutanées sont infectieux. La transmission, facilitée par des contacts étroits entre
les animaux, est assurée par l’inhalation, l’ingestion de matériel contaminé (par exemple aliments et eau
contaminées) ou par inoculation (par exemple par l'intermédiaire d'un harnais). La période d'incubation varie de
quelques jours à plusieurs mois (17).
La morve est transmissible à l’homme par contact direct avec les animaux malades ou des matériels infectés. La
mortalité dans les cas aigus non traités peut atteindre 95 % dans les 3 semaines. La guérison est toutefois
possible si les personnes bénéficient d’une antibiothérapie (antibiotiques systémiques) précoce et massive
(11, 19). Une forme chronique avec abcès est aussi décrite. Des précautions rigoureuses doivent être prises pour
prévenir sa propre contamination ou la transmission de la bactérie à d'autres équidés lorsqu’on manipule des
animaux suspects ou reconnus infectés ou des objets souillés. Les prélèvements destinés au laboratoire doivent
être empaquetés en tenant compte des consignes de sécurité, tenus au frais et transportés conformément au
Chapitre I.1.1., « Méthodes de prélèvement », du présent Manuel terrestre. Toutes les manipulations de matériel
potentiellement infecté doivent être effectuées dans un laboratoire qui répond aux exigences retenues pour des
microbes pathogènes de classe 3 conformément aux indications présentées dans l’appendice I.1.6.1. du Chapitre
I.1.1. du présent Manuel terrestre.
La Morve a été éradiquée de nombreux pays par des mesures associant la détection réglementaire et
l’élimination des animaux infectés, et des mesures de restriction à l’importation. Elle persiste cependant dans
quelques pays asiatiques, africains et sud-américains.
B. TECHNIQUES DE DIAGNOSTIC
1.
Identification de l’agent pathogène
Le diagnostic différentiel de la morve doit être fait avec les autres infections chroniques des muqueuses nasales
ou des sinus, et avec la gourme (infection par Streptococcus equi), la lymphangite ulcéreuse (Corynebacterium
pseudotuberculosis), la pseudotuberculose (Yersinia pseudotuberculosis) et la sporotrichose (Sporotrichium
spp.). La morve doit être en outre clairement différentiée des cas suspects de lymphangite épizootique (causée
par Histoplasma farciminosum) avec lesquelles elle présente de nombreuses similitudes cliniques. Chez l’homme
en particulier, la morve doit être distinguée de la mélioïdose qui est causée par une bactérie très proche de
B. mallei (16).
a)
Morphologie de Burkholderia mallei
Les bactéries sont assez nombreuses dans les étalements réalisés à partir de lésions récentes, mais peu
abondantes dans les lésions plus anciennes (22). Elles peuvent être colorées au bleu de méthylène ou au
Gram. Elles sont principalement en position extracellulaire et apparaissent sous forme de bâtonnets
Gram négatifs aux extrémités arrondies, de 2 à 5 µm de long et 0,3 à 0,8 µm de large, contenant des
inclusions granulaires de tailles variées, souvent à coloration irrégulière. Aucune capsule n’est visible et
elles ne forment pas de spores. La présence d’une microcapsule a néanmoins été mise en évidence par
microscopie électronique. Elle est composée de sucres neutres et sert à protéger la cellule bactérienne des
facteurs environnementaux défavorables. A la différence d’autres micro-organismes du groupe des
Pseudomonas, Burkholderia mallei ne possède aucun flagelle et n’est donc pas mobile (13). La présence
des micro-organismes est difficile à caractériser dans les coupes de tissus, où ils peuvent avoir un aspect
perlé (15). Leur apparence dans un milieu de culture dépend de l’âge de la culture et du type de milieu
employé. Ils présentent un polymorphisme accentué dans les vieilles cultures. Des filaments entremêlés se
forment à la surface des bouillons de culture.
b)
Caractéristiques culturales
Il est préférable de tenter l'isolement à partir de lésions fermées non contaminées (15). Le micro-organisme
est aérobie stricte et anaérobie facultatif seulement en présence de nitrates (6, 13). La température optimale
de culture est 37°C (14). Il pousse bien, mais lentement, sur milieu ordinaire de culture, et 48 h d’incubation
sont recommandées ; l’enrichissement en glycérol est particulièrement utile. Quelques jours d’incubation sur
gélose au glycérol permettent d’obtenir des colonies de couleur légèrement crème, lisses, humides et
visqueuses. En poursuivant l'incubation, les colonies sont plus épaisses et deviennent brun foncé et fermes.
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Il pousse bien aussi sur gélose à la pomme de terre et au glycérol et en bouillon au glycérol, à la surface
duquel se forme une pellicule visqueuse. La culture est beaucoup moins luxuriante sur gélose nutritive
ordinaire, et la croissance est faible sur gélatine (20).
L’altération possible des caractères in vitro rend nécessaire l’emploi d’isolats frais pour réaliser les réactions
d'identification. Le lait tournesolé est lentement acidifié par B. mallei, et sa coagulation peut survenir après
une longue incubation. Il réduit les nitrates. Bien que quelques auteurs aient indiqué que le glucose était le
seul glucide oxydé (lentement et de manière inconstante), d’autres ont montré que si un milieu et un
indicateur appropriés étaient utilisés, le glucose et d’autres glucides comme l’arabinose, le galactose et le
mannose était régulièrement oxydés par B. mallei (5). L’indole n’est pas produit, le sang de cheval n’est pas
hémolysé et aucun pigment diffusible n’est produit dans les cultures (13). Une trousse de diagnostic
commerciale d’épreuves de laboratoire (par exemple le système API [Analytical Profile Index]: Analytab
Products, BioMerieux ou Biolog [Hayward, California]) peut être employée pour confirmer facilement que la
bactérie appartient au groupe Pseudomonas. L’absence de mobilité est ensuite particulièrement importante
à rechercher. Un bactériophage spécifique de B. mallei est disponible (23).
Tous les milieux de culture préparés devraient être soumis à un contrôle de qualité de manière à vérifier
qu’ils permettent effectivement la croissance du micro-organisme suspect à partir d’un faible inoculum. La
souche de référence devrait être cultivée en parallèle avec les échantillons suspects afin de s’assurer que
les tests sont réalisés correctement.
La supplémentation des milieux avec des substances inhibant la croissance des bactéries Gram-positives
(par exemple le cristal violet ou la proflavine) a prouvé son utilité lorsque les prélèvements sont contaminés,
de même qu’un pré-traitement avec la pénicilline (1 000 unités/ml pendant 3 h à 37°C) (22). Un milieu
sélectif a été élaboré (24) en incorporant de la polymyxine E (1 000 unités), de la bacitracine (250 unités), et
de l’actidione (0,25 mg) dans de la gélose nutritive (100 ml) contenant de la glycérine (4 %), du sérum d’âne
ou de cheval (10 %), et de l’hémoglobine ovine ou de la gélose tryptone (0,1 %).
A l’extérieur du corps, le micro-organisme est peu résistant à la dessiccation, la chaleur, la lumière ou aux
produits chimiques, de sorte que sa survie au delà de 2 semaines est improbable. Toutefois, dans des
conditions favorables, il doit pouvoir survivre quelques mois. Burkholderia mallei peut rester viable dans
l'eau de robinet au moins pendant 1 mois (20). Pour la désinfection, on a montré que le chlorure de
benzalkonium ou « roccal » (1/2 000), l’hypochlorite de sodium (500 ppm de chlore actif), l’iode, le chlorure
de mercure en solution alcoolique, et le permanganate de potassium étaient hautement actifs contre
B. mallei (14). Les désinfectants phénoliques sont moins actifs.
c)
Inoculation à l’animal de Laboratoire
Des cobayes, des hamsters et des chats ont été utilisés pour le diagnostic quand cela était nécessaire.
Lorsque l’isolement chez l’animal de laboratoire est jugé inévitable, le matériel suspect est inoculé par voie
intra-péritonéale chez un cobaye mâle. Un matériel positif causera une péritonite localisée sévère et une
orchite (réaction de Strauss). Le nombre de bactéries et leur virulence conditionnent la sévérité des lésions.
On a recours à des étapes supplémentaires lorsque le matériel testé est fortement contaminé (7). La
réaction de Strauss n’est pas spécifique de la morve, et d’autres bactéries peuvent la provoquer. L’examen
bactériologique des testicules infectés permet donc de confirmer la spécificité de la réponse obtenue.
d)
Autres méthodes
Des progrès récents ont été réalisés dans l’application des techniques de biologie moléculaire à la détection
de la morve. Une réaction d’amplification en chaîne par polymérase (PCR), développée pour la détection
spécifique de l’ADN de B. mallei, permet de différentier B. mallei de B. pseudomallei (2). La technique n’a
pas été pleinement validée ou largement acceptée. Les méthodes permettant de différencier B. mallei et
B. pseudomallei sont importantes car cette différenciation ne peut être obtenue avec certitude en utilisant
les épreuves sérologiques courantes.
2.
Malléination et épreuves sérologiques
a)
La malléination (Épreuve prescrite pour les échanges internationaux)
Le dérivé protéique purifié (PPD pour Purified Protein Derivative) de la malléine, qui est commercialement
disponible, est une solution de fractions protéiques solubles dans l’eau obtenues en traitant B. mallei par la
chaleur. Le test repose sur le développement d’une hypersensibilité à la malléine chez les chevaux infectés.
Des résultats peu concluants sont observés dans les formes cliniques avancées chez les chevaux et les
formes aiguës chez les ânes, nécessitant le recours à des méthodes de diagnostic complémentaires (1).
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•
Le test intradermo-palpébral
C’est le test le plus sensible, le plus fiable et le plus spécifique de détection des périssodactyles ou des
ongulés à doigt impair infectés, et il a largement remplacé les tests ophtalmiques et sous-cutanés (3). Un
volume de 0,1 ml de malléine PPD concentrée est injecté par voie intradermique dans la paupière inférieure,
et le test est lu 24 h et 48 h après. Une réaction positive est caractérisée par un gonflement oedémateux
marqué de la paupière, éventuellement accompagné d’un écoulement purulent depuis le canthus intérieur
ou la conjonctive. Cette réaction locale est habituellement accompagnée d’une élévation de la température.
Lorsque la réponse est négative, on ne constate habituellement aucune réaction, ou tout au plus un léger
gonflement de la paupière inférieure.
•
Le test ophtalmique
Ce test est moins fiable que le test intradermo-palpébral. Quelques gouttes de malléine sont instillées dans
l’œil au niveau de la commissure des paupières. Chez un animal infecté, on observe habituellement un
gonflement des paupières s’étendant parfois au bord de la joue et du chanfrein, éventuellement associé à
un léger écoulement oculaire. La réaction peut également se produire, mais avec une intensité moindre, à
l’œil opposé.
•
Le test sous-cutané
Ce test interfère avec le diagnostic sérologique et on lui préfère donc les 2 tests précédents. Aussi n’est-il
pas autorisé dans certains pays. La température du cheval doit être inférieure à 38,8°C (102°F) le jour
précédant le test, au moment de l’injection, et 9, 12 et 15 h après l'injection (cas d’un test négatif). Une zone
de peau de 10 cm de côté au milieu de l’encolure est tondue et désinfectée ; 2,5 ml de malléine diluée sont
injectés par voie sous-cutanée au centre de cette zone. Lorsque le test est positif, le cheval présente une
élévation de température à 40,0°C (104°F) ou au-dessus pendant les 15 premières heures, et une
tuméfaction ferme et douloureuse se développe dans les 24 h au site de l'injection. Chez les chevaux non
infectés, on n’observe aucune réaction locale, ou seulement un gonflement minime et transitoire. En cas de
réaction douteuse, il est possible de renouveler le test 14 jours plus tard en utilisant une double dose de
malléine.
b)
Test de fixation du complément (Épreuve prescrite pour les échanges internationaux)
Bien que qu’il ne soit pas aussi sensible que la malléination, le test de fixation du complément (FC) constitue
une épreuve sérologique valable, utilisé durant de nombreuses années pour diagnostiquer la morve (3). Ce
test est rapporté comme étant exact à 90-95 %, le sérum devenant positif moins d’une semaine après
l’infection et demeurant positif dans le cas d’une exacerbation du processus chronique (20).
•
Préparation de l’antigène (10)
i)
Des flacons de bouillon d’infusion de viande contenant 3 % de glycérol sont inoculés avec une culture
de B. mallei en phase de croissance exponentielle et incubés à 37°C pendant 8 à 12 semaines ;
ii)
Les cultures sont inactivées en exposant les flacons à la vapeur fluente (100°C) pendant 60 min ;
iii)
Le surnageant clair est décanté et filtré. Le filtrat est de nouveau chauffé par exposition à la vapeur
fluente pendant 75 min 3 jours consécutifs, et clarifié par centrifugation ;
iv)
Le produit clarifié est concentré au dixième de son volume original par évaporation à la vapeur ou dans
un bain d'eau chaude ;
v)
L’antigène concentré est mis en bouteille dans des flacons de verre brun afin d’être protégé de la
lumière et conservé à 4°C. Il a été démontré que l’antigène, une fois concentré, restait stable pendant
au moins 10 ans ;
vi)
e
Les lots d'antigène sont préparés en diluant l'antigène concentré au 1/20 dans de l’eau physiologique
stérile contenant 0,5 % de phénol. L’antigène dilué est réparti dans des ampoules de verre brun et
stocké à 4°C. La dilution finale à laquelle il est nécessaire de l’utiliser est déterminée par un titrage en
échiquier. L’antigène doit être dilué extemporanément au moment de la réalisation de la FC ;
L'antigène préparé est principalement un lipopolysaccharide. Une technique alternative de préparation de
l’antigène consiste à employer des cultures jeunes : l’agent est mis en culture pendant 12 h sur des pentes
de gélose au glycérol et les pentes sont lavées avec de l’eau physiologique. La suspension obtenue est
chauffée pendant 1 h à 70°C et c’est cette suspension bactérienne chauffée qui est utilisée comme
antigène. L’inconvénient de cette méthode de préparation de l’antigène est qu’il contient tous les
composants cellulaires de la bactérie. L'innocuité de la préparation antigénique doit être contrôlée par sa
mise en culture sur des boîtes de gélose au sang.
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•
Protocole (18)
i)
Le sérum est dilué au 1/5e dans du tampon véronal (barbiturique) salin contenant 0,1 % de gélatine ou
du diluant pour fixation du complément (CFD pour Complement Fixation Diluent – disponible en
comprimés) sans gélatine ;
ii)
Le sérum dilué est inactivé pendant 30 min à 56°C. (Le sérum des équidés autres que des chevaux
doit être inactivé à 63°C pendant 30 min) ;
iii)
Des dilutions de 2 en 2 des sérums sont préparées dans des plaques de microtitrage à 96 puits à fond
arrondi ;
iv)
Le complément de cobaye est dilué dans le tampon choisi ; 5 (ou éventuellement 4) unités de
complément lysant 50 % des globules rouges (CH50) sont employées ;
v)
Les sérums, le complément et l'antigène sont répartis dans les plaques et incubés pendant 1 h à 37°C.
(Il est aussi acceptable de placer la plaque en incubation à 4°C pendant la nuit) ;
vi)
Une suspension 2 % de globules rouges de moutons lavés et sensibilisés est ajoutée ;
vii)
Les plaques sont incubées pendant 45 min à 37°C, et ensuite centrifugées pendant 5 min à 600 g.
Un sérum qui produit 100 % d’hémolyse à la dilution du 1/5e est négatif. Il est douteux s’il produit 25 à
75 % d’hémolyse et positif si aucune hémolyse (100 % de fixation) n’est observée à cette même dilution.
Malheureusement, des résultats faussement positifs peuvent se produire, et B. pseudomallei et B. mallei,
qui présentent des réactions croisées, ne peuvent être différentiés par sérologie (3). Des chevaux sains sur
lesquels on a pratiqué une malléination par voie intradermique peuvent aussi présenter une réaction de FC
faussement positive pendant une période variable.
c)
Épreuve immuno-enzymatique
Des tests immuno-enzymatiques (ELISA) en plaque et sur membrane (blot) ont été utilisées dans le
diagnostic sérologique de la morve, mais aucun de ces procédés n’a permis de différencier sérologiquement
B. mallei et B. pseudomallei. Des approches pour tenter de détecter les anticorps par leur interaction avec
un antigène fixé sur un support ont été réalisées par dot-blot en imprégnant une zone délimitée de
languettes (ou de bâtonnets) avec les antigènes (« antigen-dotted dipsticks ») destinées à être immergées
dans le liquide contenant les anticorps ou par western blot en faisant appel à des antigènes préalablement
séparés par électrophorèse et transférés sur un support (8, 21). Un ELISA par compétition utilisant un
anticorps monoclonal anti-polysaccharide a aussi été développé et a montré des performances similaires à
celles de la FC (9). Le développement continu de réactifs anticorps monoclonaux spécifiques des antigènes
de B. mallei constitue un potentiel pour la mise au point prochaine d’ELISAs plus spécifiques qui aideront à
résoudre les résultats incertains des épreuves pratiquées pendant la mise en quarantaine des chevaux
d’importation (4, 12). Actuellement, aucun de ces tests n’a été validé.
d)
Autres épreuves sérologiques
Un dot-ELISA avidine-biotine a été décrit (21), mais n'a pas encore été largement appliqué ni validé.
L'antigène est constitué d’une culture bactérienne inactivée par la chaleur qui a été concentrée et purifiée.
Un dépôt de cet antigène est placé sur une languette de nitrocellulose (dipstick) qui est ensuite utilisée pour
tester la présence d’anticorps contre B. mallei dans le sérum équin. A l'aide de dipsticks préalablement
saturés afin de réduire toute absorption non spécifique, l’épreuve peut être accomplie en approximativement
1 h. Du sérum ou du sang total peut être utilisé dans cette épreuve, et une hémolyse partielle ne donne
aucune coloration de fond dans la zone de nitrocellulose imprégnée par l’antigène.
Une épreuve d’agglutination sur lame au Rose Bengale (RBT pour Rose Bengal plate agglutination Test) a
été décrite pour le diagnostic sérologique de la morve chez le cheval et autres animaux sensibles ;
L’épreuve a été validée seulement en Russie. L’antigène utilisé est une suspension bactérienne inactivée
par la chaleur et colorée avec du rose bengale.
La validité des autres épreuves d’agglutination et de la précipitation est insuffisante pour leur emploi dans
des programmes de contrôle. Les chevaux atteints de morve chronique et chevaux débilités donnent des
résultats négatifs ou non interprétables.
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C. SPÉCIFICATIONS APPLICABLES AUX VACCINS ET AUX PRODUITS
BIOLOGIQUES À USAGE DIAGNOSTIQUE
Aucun vaccin n'est disponible.
La malléine PPD pour usage intradermo-palpébral et ophtalmique est produite et commercialisée par 2 instituts1.
L’institut hollandais ID-Lelystad en Hollande a fourni les informations suivantes sur les spécifications relatives à la
malléine PPD.
1.
Gestion des semences bactériennes
3 souches de Burkholderia mallei sont utilisées dans la production de la malléine PPD, à savoir la souche Bogor
(originaire d’Indonésie), la souche Mukteswar (Inde) et la souche Zagreb (Yougoslavie). Le matériel de semence
est représenté par un stock de cultures lyophilisées. Les souches sont cultivées sur gélose au glycérol à
37°C pendant 1 à 2 jours. Elles peuvent être passées sur cobayes afin de maintenir leur virulence et leur pouvoir
antigène.
2.
Méthode de fabrication
Le milieu de Dorset & Henley, enrichi par l’addition d’oligo-éléments, est employé pour la production de la
malléine PPD. Le milieu liquide est inoculé avec une suspension épaisse en eau physiologique de B. mallei
cultivé sur gélose au glycérol. Le milieu de production est incubé à 37°C pendant environ 10 semaines. Les
bactéries sont ensuite tuées par action de la vapeur pendant 3 h dans un stérilisateur de Koch. Le liquide est
alors filtré sur une couche d'ouate pour éliminer les amas bactériens. Le liquide trouble obtenu est clarifié par
filtration sur membrane, et une partie d'acide trichloracétique à 40 % est immédiatement ajoutée à 9 parties de
filtrat de culture. La conservation du mélange durant la nuit permet le dépôt d’un précipité clair brunâtre à grisâtre.
Le liquide surnageant est prélevé à la pipette et jeté. Le précipité est centrifugé 15 min à 2 500 g et la couche de
précipité est lavée au moins 3 fois dans une solution de NaCl à 5 %, pH 3, jusqu'à ce que le pH atteigne 2,7. Le
précipité est dissous par agitation dans un minimum de solvant alcalin. Le liquide est brun foncé et un pH de
6,7 doit être obtenu. Cette malléine concentrée doit être minutieusement centrifugée et le surnageant dilué avec
une quantité égale d'une solution glucosée tamponnée. La teneur en protéines de ce produit est évaluée par la
méthode de Kjeldahl avant qu’il ne soit réparti en ampoules et lyophilisé.
3.
Contrôles en cours de fabrication
Pendant la période d’incubation, les flacons sont fréquemment inspectés afin de déceler tout signe de
contamination et les flacons suspects sont écartés. Une culture typique de B. mallei produit un trouble, un
sédiment, une croissance en surface dont une partie à tendance à descendre, et la formation d'un anneau orangé
bien visible le long du pourtour de la surface du milieu.
4.
Contrôle des lots
Chaque lot de malléine PPD subit un contrôle portant sur la stérilité, l’innocuité, les agents de conservation et
l’efficacité.
Les tests de stérilité sont exécutés en conformité avec les directives de la pharmacopée européenne.
Les contrôles d’innocuité sont réalisés sur 5 à 10 chevaux en bonne santé sur lesquels on pratique un test
intradermo-palpébral. La réaction locale qui en résulte doit être, au plus, à peine détectable et transitoire, sans
signe d’atteinte conjonctivale.
Les préparations contenant du phénol comme agent de conservation ne doivent pas contenir plus de 0,5 % (w/v)
de phénol. La teneur en protéines ne doit pas être inférieure à 0,95 mg/ml ni supérieure à 1,05 mg/ml.
Les contrôles d’activité sont effectués sur des cobayes et des chevaux. Les animaux sont sensibilisés par
inoculation sous-cutanée d’une suspension concentrée dans de l’huile de paraffine ou de l’adjuvant incomplet de
Freund de B. mallei tuées par la chaleur. Des bovins peuvent aussi être utilisés à la place des chevaux. Le lot de
1
Institute for Animal Science and Health (ID-Lelystad), Edelhertweg 15, 8219 PH, Lelystad, Pays-Bas, et Min Agr Si
Industr. Institut Die Cercertari Si Biopreparate ‘Pasteur’, R-7000 - Bucuresti, 77.826 SOS Giulesti Nr 333, Roumanie.
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production est comparé à une malléine PPD standard, les doses de 0,1 ml injectées par voie intradermique étant
administrées de manière totalement randomisée.
Chez les cobayes, les différentes zones d’érythème sont mesurées après 24 h. Chez les chevaux, l'augmentation
de l'épaisseur de la peau est mesurée avec un cutimètre. Les résultats sont évalués statistiquement, en utilisant
des méthodes statistiques standards de parallélisme des régressions des logarithmes.
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