un dossier complet sur l`assassinat d`Agnès Dury
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un dossier complet sur l`assassinat d`Agnès Dury
ASSASSINAT D’UNE JEUNE HUMANITAIRE AU BURUNDI QUELLE JUSTICE POUR AGNÈS DURY ? Cinq ans déjà qu’Agnès Dury, humanitaire engagée auprès d’Action contre la Faim, a été assassinée, le 31 décembre 2007, au Burundi. Les circonstances de ce drame et les raisons qui y ont mené ne sont toujours pas élucidées : les procédures en France et au Burundi s’enlisent en l’absence de coopération entre les deux pays. Des années de combat et d’attente n’ont en rien entamé la volonté de sa famille, et en particulier de sa sœur, Séverine et des autres victimes de l’attentat ou de ses collègues d’ACF pour qu’enfin la lumière soit faite sur ce drame. Agnès voulait aider les autres Agnès avait 31 ans et était originaire de Saône et Loire. C’était sa première mission humanitaire mais l’engagement et la solidarité étaient innés chez elle. Son père le rappelle : « son truc c’était d’aider les autres, et c’est d’ailleurs une histoire familiale ». Ses études, ses expériences acquises en France et en Europe allaient dans ce sens. Elle avait travaillé durant plusieurs années sur des projets associatifs auprès des communautés africaines touchées par le VIH/Sida en Europe (Toulouse, Birmingham), une problématique pour laquelle elle s’était particulièrement investie. Parallèlement, elle préparait un doctorat de « psychologie interculturelle » sur le thème de « la prévention du SIDA en milieu interculturel ». Elle avait postulé à un départ sur le terrain en 2005 avec plusieurs ONG, mais elle manquait encore d’expérience humanitaire. Elle a donc suivi la formation Bioforce à Lyon en 2006 avant de partir en 2007 sur le terrain, au Burundi, avec ACF. Dans la zone de Ruyigi, elle mettait en place un programme dit de « nutrition – VIH ». Ce programme consistait en un soutien psychologique des femmes séropositives dans le cadre du risque de transmission du virus à leurs enfants. Elle suivait les futures mamans pendant leurs grossesses, ainsi que les enfants jusqu’à la fin de la période de l’allaitement soit environ 2 ans. L’allaitement présente de gros risques de transmission du virus. Elle travaillait avec les familles sur l’acceptation du virus au sein de la communauté et de la famille, la difficulté d’être enceinte et de potentiellement transmettre le virus, etc. Elle était arrivée en juillet 2007 sur place et était particulièrement bien intégrée dans la mission. www.actioncontrelafaim.org Ne jamais oublier, ne jamais renoncer Retour sur les faits Le 31 décembre 2007 en fin de journée, trois volontaires humanitaires d’Action contre la Faim (ACF), accompagnées de deux amies burundaises, rentrent d’une promenade près d’une retenue d’eau aux abords de Ruyigi, une petite ville de l’Est du Burundi. Sur leur parcours, elles font un détour par une rue secondaire de la ville pour déposer une de leurs amies à son domicile ; lorsque leur véhicule arrive à quelques mètres de sa maison, il est criblé de balles de kalachnikov en deux rafales successives par un tireur embusqué. Il est alors à peine plus de 19h et il fait nuit noire. Le feu se concentre sur un seul côté de la voiture et touche très grièvement deux d’entre elles : Agnès et Aude Staine, infirmière nutritionniste. Agnès reçoit une balle dans la hanche et le bas ventre, Aude dans le bras droit. Agnès succombera à ses blessures pendant son transport à l’hôpital de Gitega vers 23h30. Quant à Aude, elle n’a toujours pas retrouvé l’usage complet de son bras. 5 années d’enquête qui n’ont mené nulle part L’enquête burundaise a été rapide et partiale. Immédiatement après le drame, le parquet de Ruyigi est saisi des faits et une commission d’enquête est chargée d’entreprendre les investigations. L’enquête burundaise se caractérise par la surprenante rapidité avec laquelle les enquêteurs ont annoncé avoir trouvé les coupables. Néanmoins, la célérité dans la conduite de l’enquête relève moins d’une efficacité exemplaire dans le traitement des faits que de la précipitation visant à se débarrasser d’un dossier gênant. En l’espace d’une semaine, trois pistes ont été envisagées et ont abouti au placement en détention provisoire de six personnes suspectées d’avoir participé à l’assassinat. Malgré l’absence d’éléments probants, celles-ci ont été maintenues en détention plusieurs semaines voire plusieurs mois jusqu’à l’essoufflement des trois pistes. Parallèlement en France, les trois premiers mois d’enquête ont été très actifs. Dès le 4 janvier 2008, une information judiciaire pour assassinat est ouverte auprès du Tribunal de Grande Instance de Mâcon, dans le département de Saône-et-Loire où était domiciliée Agnès. Des fonctionnaires de police français se sont rendus sur place en mars 2008 ACF au Burundi ACF intervenait au Burundi depuis 1994 suite aux évènements d’avril au Rwanda. L’association est d’abord intervenue avec des programmes de nutrition et santé, et d’eau et assainissement dans les camps de réfugiés rwandais au nord du Burundi. Au moment du drame, Action Contre la Faim était opérationnelle dans 3 provinces au Burundi : Kayanza, Ngozi, et Ruyigi. La mission était composée de 2 bases opérationnelles et employait près de 150 employés nationaux et 13 employés internationaux permanents. Les conséquences locales de ce drame ont été l’arrêt de tous les programmes et le départ intégral d’ACF du pays, dès le 21 janvier 2008. pour examiner les lieux de l’attaque, déterminer les angles des tirs, examiner les douilles, les armes saisies ainsi que le véhicule, et veiller à leur conservation. Ils ont pu collecter des éléments qui ont été ramenés en France pour expertise dans le cadre d’une démarche d’entraide judiciaire ponctuelle entre les deux pays. Malheureusement cette apparente réactivité a par la suite laissé place à des années d’attente et d’inertie tant en France qu’au Burundi. Aucune stratégie d’enquête n’a été proposée aux parties civiles en cinq ans de procédure. Le manque d’engagement de la juge d’instruction française (des actes demandés depuis plus d’un an sont toujours en attente d’être exécutés) et des fautes professionnelles graves (renvoi de la balle qui a tué Agnès au Burundi) ont des conséquences désastreuses pour l’affaire. De plus, des menaces physiques ont été exercées sur les policiers français retournés au Burundi pour auditionner des témoins sans que cela ne donne lieu à une enquête et alors même que cela révèle que ce dossier dérange. Dans cette affaire, la justice française semble aussi défaillante que la justice burundaise, qui n’a pourtant pas les mêmes moyens. Plus de cinq ans après ce drame, le Burundi et la France ne semblent pas en mesure d’identifier les auteurs du meurtre. Malgré de nombreuses déclarations d’intention, les autorités françaises ne se sont pas donné les moyens de parvenir à une collaboration satisfaisante avec la justice burundaise. Les parties civiles ont dû contourner cette difficulté en mettant en place une collaboration renforcée et ad hoc avec l’ambassade de France au Burundi, qui assure un excellent suivi du dossier avec les autorités locales. Néanmoins, cette solution ne saurait remplacer la collaboration qui doit exister entre la justice des deux pays. La gravité des faits qui font l’objet de la procédure impose une véritable coopération dans les investigations essentielles à la manifestation de la vérité. Face à la ténacité et la motivation sans faille des parties civiles et en particulier de Séverine Dury, tous les représentants des autorités burundaises et françaises (président de la République burundaise, ministres, directeurs de cabinet, conseillers spéciaux de la présidence et de directeurs de cabinet, procureurs et procureur général de la République, juge d’instruction… ) rencontrés au cours de ces cinq années n’ont fait qu’assurer encore et toujours de leur volonté de traiter ce dossier avec sérieux et diligence. Ces déclarations d’intention contrastent pourtant avec le manque de réactivité effective et le peu d’avancées du dossier. Au point que l’on peut s’interroger sur les raisons cachées de ne pas le faire ? Y a-t-il un intérêt particulier à laisser l’auteur de ce crime en liberté ? Les parties civiles de ce dossier que sont la famille d’Agnès, Aude Staine et Action contre la Faim ont parfois ce sentiment. « Quel est le sens du mot « justice » quand son expression se voile derrière des délais inexplicables et inexpliqués, des prétextes, des arguments sans fondement, voire des absences de réponse ? Sauf à vouloir le muer en celui d’« impunité » ? » demandait Séverine en 2010 sur le site du Monde. Aujourd’hui, elle n’a toujours pas de réponse. Contacts presse ■ Julia Belusa [email protected] / 01 43 35 82 22 ■ Anne Degroux [email protected] / 01 43 35 82 24 ■ Urgences et jours fériés 06 70 01 58 43 © Action contre la Faim – Création : Planète Com– Photos : © ACF, DR – ©ACF, Pauline Chetcuti - Burundi – Images vidéo : ©Ligne de Front, Qui a tué Agnès Dury ? Contre-enquête sur la mort d’une jeune humanitaire. Imprimé sur du papier recyclé PEFC Un combat usant pour comprendre pourquoi Agnès est morte ?