STRATÉGIE POUR LA RÉDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE

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STRATÉGIE POUR LA RÉDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE
STRATÉGIE POUR LA RÉDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE
Commandé par:
Le Comité Technique du Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique
Rédigé par
Jerome M. Wolgin*
Version du 26 Mars, 2001
Introduction par le Comité Technique
du Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique
Ce document est un diagnostic préliminaire des défis à relever par les pays en Afrique subsaharienne dans leurs efforts pour réduire de façon considérable la faim et la pauvreté dans la région.
Le document suggère des actions stratégiques à prendre au niveau des Etats-Unis afin d’aider les
Africains dans cette tentative. Ce document a été commandé par le Partenariat pour la Réduction de
la Faim en Afrique afin de s’en servir comme instrument de synthèse des leçons retenues d’études
précédentes, la plupart desquelles avait été réalisée par les Africains eux-mêmes. Le deuxième
objectif est de solliciter les réactions des individus et des organisations tant africaines
qu’américaines concernant le dit diagnostic et les plans d’action proposés. Leurs commentaires
seront cruciaux pour l’élaboration d'un rapport final que le Partenariat soumettra à d’importants
décideurs de politiques, aux ONGs et aux acteurs économiques lors d’une conférence programmé
à Washington fin juin, 2001.
Nous demandons à tous les lecteurs de ce document de nous fournir leurs commentaires
concernant:
a.
b.
c.
d.
Quelle parties du document leur conviennent;
Quelle parties du document ne leur conviennent pas et pourquoi;
Les lacunes importantes du document;
Les suggestions quant aux actions à prendre par:
i.
le gouvernement américain
ii.
le secteur privé américain
iii.
les organisations non-gouvernementales et les fondations américaines
pour aider les Africains à réduire la faim et la pauvreté sur le continent.
Nous apprécierons également vos commentaires concernant les actions à ne pas prendre par les
agences et les organisations américaines.
Chaque paragraphe du texte a été numéroté afin que le lecteur puisse adjoindre son commentaire
à un paragraphe spécifié. Nous vous prions d’assigner à chacun de vos commentaires spécifiques
le numéro du paragraphe commenté.
Prière d’envoyer vos commentaires au comité technique du partenariat à l’adresse suivante:
e-mail:
[email protected]
fax:
1-517- 353-1888
adresse postale:
Le Comité Technique du Partenariat pour la Réduction de la Faim en
Afrique
s/c Institute of International Agriculture
324 Agriculture Hall
Michigan State University
East Lansing, MI 48824-1039 USA
Nous vous remercions d’avance.
* L’auteur est un analyste de cadre supérieur du développement africain, qui a travaillé au Bureau
pour l’Afrique de l’USAID pendant 20 ans. Il est présentement économiste principal dans le groupe
du partenariat à la Banque Mondiale. Il lui a été demande d’écrire ce document pendant sa mise en
disponibilité de la Banque Mondiale. Les opinions émises dans cet document reflètent les idées de
l’auteur et les commentaires (sur les versions précédentes du document) reçus des membres du
Comité Technique du Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique en tant qu’individus aussi
bien que des commentaires reçus des collègues africains. Par conséquent le contenu de ce document
ne devrait pas être interprété comme une réflection des points de vue de l’USAID, de la Banque
Mondiale, de Michigan State University, de University of Illinois, de Bread for the World, ou
d’aucune autre organisation qui participe aux activités du Partenariat pour la Réduction de la Faim
en Afrique.
Les membres du Comité Technique du Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique sont
les suivants:
Akin Adesina
Resident Representative for Southern Africa
The Rockefeller Foundation
Harare, Zimbabwe
John Staatz
Dept. of Agricultural Economics
Michigan State University
East Lansing, MI
David Atwood
Deputy Director, G/EGAD/AFS
US Agency for International Development
Washington, DC
Michael Weber
Dept. of Agricultural Economics
Michigan State University
East Lansing, MI
George R. Gardner
Senior Agricultural Economist
USAID/AFR/SD/ANRE
Washington, D.C.
Dennis Weller
Division Chief, Agriculture and Natural
Resources
Africa Bureau USAID
Washington, DC
Jeff Hill
Agricultural Research Advisor
USAID/AFR-SD
Washington, DC
Jerome Wolgin
Principal Economist
World Bank
Washington, DC
Julie Howard
Dept. of Agricultural Economics
Michigan State University
East Lansing, MI
T.S. Jayne
Department of Agricultural Economics
Michigan State University
East Lansing, Michigan 48824 USA
Earl Kellogg (ex-officio)
Associate Provost for International Affairs
University of Illinois at U-C
Champaign, IL
ii
STRATÉGIE POUR LA RÉDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE
Table des Matières
Sommaire Exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .vi
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Le contexte africain en mutation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Politique et gouvernance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Politiques économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Pression démographique croissante sur les ressources foncières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Urbanisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Le VIH/SIDA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Le contexte international en mutation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Mondialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Nouvelles technologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Flux de capitaux internationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
La fin de la guerre froide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
Pratiques changeantes des bailleurs de fonds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
L’ouverture des marchés de l’OCDE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Le problème de la faim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Les Dimensions de la faim en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Pauvreté et faim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Le problème de la pauvreté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
La solution de la pauvreté et de la faim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
L’accélération de la croissance agricole comme engin d’une croissance stratégique . . . . . . . . . 16
Quelles sont les caractéristiques saillantes de l’agriculture africaine? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Une stratégie basée sur l’agriculture pour réduire la faim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Le marché des produits alimentaires de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Le marché des produits alimentaires de plus haute valeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
La transformation agro-industrielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Les stratégies d’exportations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
L’expérience africaine en matière d’exportations agricoles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Compétitivité dans la nouvelle économie mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Changer le paradigme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Continuer à reformer le rôle de l'état . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Développer un partenariat entre le secteur privé et le secteur public . . . . . . . . . . . . . . . 30
Investir dans le savoir et dans la technologie ainsi générée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Investir dans l'infrastructure rurale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Donner pleins pouvoirs aux agriculteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Développer des dispositions sophistiquées pour la commercialisation des produits,
l’application des contrats et le partage de risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
iii
Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
La mobilisation des ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Capacité humaine a l’époque du SIDA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
Gouvernance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
Vers une réponse des Etats-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
iv
LISTE DES TABLEAUX
Tableau I:
Intégration économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Tableau II:
Indicateurs nutritionnels pour les enfants dans quelques pays africains . . . . . . 13
Tableau III:
Pauvreté et indicateurs de bien-être au Kenya en 1997 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Tableau IV:
Pauvreté dans 21 pays africains pendant les années 90 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Tableau V:
Les indicateurs agricoles pour l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine . . . . . . . . 21
Tableau VI:
La part des principales cultures d’exportation africaines dans le
commerce mondial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Tableau VII: Exportations non-traditionnelles de quelques Pays africains . . . . . . . . . . . . . . . 25
Tableau VIII: Indicateurs d'infrastructure par région . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Tableau XI:
Distribution de la bonne gouvernance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
LISTE DES FIGURES
Figure1:
Perspective sur la superficie de l’Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
v
STRATÉGIE POUR LA RÉDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE
Sommaire Exécutif
OBJECTIF: Le but de ce document est de
mettre au point une stratégie bien définie et
réalisable destinée à réduire la faim en Afrique
au cours des quinze années à venir. Il est peut
être trop tard pour réaliser les objectifs du
sommet mondial de réduire la faim de moitie
d’ici 2015, mais des progrès substantiels
peuvent être accomplis si les communautés
africaines et internationales abordent les
problèmes de la faim de manière sérieuse. Le
présent document ne doit en aucun cas
constituer le point final, mais plutôt un point de
départ pour un débat nouveau et accéléré entre
chercheurs africains et américains, praticiens et
leaders politiques; un débat où les idées
exposées seront reformulées et améliorées.
la simple rhétorique dont ils se contentaient par
le passé. Bien que les institutions et les
comportements démocratiques commencent
seulement à voir le jour, il y a des raisons de
croire que les politiques gouvernementales
deviendront plus favorables aux pauvres au fil
du temps.
Les politiques économiques ont aussi évolué.
La plupart des pays comprennent maintenant
l'importance de la stabilité macro-économique,
de l’ouverture des marchés et l’assouplissement
d e s r è g l e me n t s e t d e s c o n t r ô l e s
gouvernementaux. Dans le secteur agricole,
ceci a engendré une plus grande libéralisation
des marchés et de meilleurs moyens d’inciter
les agriculteurs à plus d’efficacité, bien qu’il
faut reconnaître qu’en ce qui concerne les
reformes, les volte-face sont toujours possibles.
Un tel débat devrait aboutir à deux réalisations
importantes: une stratégie qui fait l’unanimité
en ce qui concerne la réduction de faim en
Afrique, et un engagement politique de la part
des décideurs de politiques américains et
africains quant à l’application de la stratégie
adoptée. Ceci exigerait des Africains la mise en
place de changements politiques importants. Du
coté américain, cela nécessiterait l’obligation à
rendre ses marchés plus accessibles et à
mobiliser les ressources (publiques, privées,
financières et intellectuelles) nécessaires à la
réalisation de ladite stratégie.
Si l'urbanisation croissante a fait naître des
marchés plus grands et plus différenciés pour
les produits agricoles, la pression de la
population sur une base limitée de ressources
naturelles continue.
Enfin, le fléau du SIDA continue d’affecter les
sociétés africaines de façons diverses, partant
de la réduction de la sécurité des revenus des
personnes âgées, à l’augmentation du nombre
des orphelins, à la réduction de la main
d’oeuvre disponible, à la diminution des
épargnes et du désir d’épargner.
CHANGEMENTS ET OPPORTUNITÉS:
Depuis l'indépendance, la plupart des pays
africains au sud du Sahara ont fait des progrès
limités dans leurs efforts pour réduire la
pauvreté et la faim. Alors, pourquoi l'Afrique et
la communauté internationale devraient être
aujourd'hui optimistes après tant d’échecs dans
le passé? Au cours de ces dernières décennies il
y a eu beaucoup de changements tant dans le
monde qu’en Afrique. De nos jours, il existe
autant de nouvelles opportunités que de
nouveaux défis.
L'économie mondiale: Dans le même temps,
l'économie mondiale change rapidement aussi:
le terme mondialisation, le développement des
liaisons entre les différentes économies du
monde, est devenu synonyme des changements
récents dans l’économie mondiale. Pour
beaucoup de gens, la mondialisation est
considérée comme un danger pour les emplois,
la culture, la protection de l’environnement et
les conditions de travail. Pour d’autres,
cependant, la mondialisation représente plutôt
une opportunité pour la découverte de
nouveaux marchés ouverts à de nouveaux
produits à des prix élevés, l’implication étant
En Afrique: les vieilles institutions politiques
basées sur les modèles autoritaires ont fait place
à de nouvelles démocraties. Les gens
s’attendent à plus de leurs gouvernements que
vi
une augmentation des emplois et des salaires.
Les échanges commerciaux dans des produits et
des services ont augmenté de 21% du Produit
Intérieur Brut (PIB) à 28% en dix années.
•
Mettre l’accent sur l’accélération de la
croissance agricole est une stratégie
importante pour atteindre une croissance
économique rapide destinée à réduire la
pauvreté parce que: (1) la majorité des
pauvres vivent dans les zones rurales, et les
moyens d’existence dans les zones rurales,
bien que complexes, dépendent en fin de
compte de la productivité agricole; (2) il a
été démontre que la croissance agricole a
des effets multiplicateurs considérables sur
l'économie dans son ensemble; (3) la
croissance agricole aidera à réduire les prix
des aliments, et les aliments représentent
70% des produits sur lesquels les pauvres
dépensent leur argent; et (4) les prix bas des
aliments peuvent aussi maintenir à un bas
niveau les salaires en termes d'argent
comptant, permettant ainsi l’expansion du
secteur de l’emploi dans les industries de
l'exportation et de substitution des produits
nationaux aux importations;
•
La demande joue un rôle au moins aussi
important que l’offre dans la génération de
la croissance agricole;
•
Comme cela a été constaté dans les pays tels
que l'Ouganda, le Ghana et la Zambie, il est
probable que le secteur des exportations
non-traditionnelles soit le plus dynamique
d’une agriculture renaissante. Cependant, il
y a des opportunités de marché importantes
et dynamiques qui peuvent mener aux
situations suivantes: (a) la création
d’activités qui permettent d’augmenter la
valeur ajoutée des produits alimentaires
traditionnels; (b) l’augmentation de la
production des denrées alimentaires de
haute valeur; (c) le renforcement du
commerce intra-régional en Afrique; (d)
l’exportation des produits traditionnels.
La mondialisation est aussi considérée comme
l'intégration des marchés financiers et comme
de nouveaux flux de fonds d'investissement
privés, directement et sous forme
d'investissements de portefeuille, du Nord au
Sud. Les flux de fonds d'investissement privés
dominent l’assistance officielle par un facteur
de 10:1. Cependant, ces flux de fonds ont un
caractère volatile et sont en général concentrés
dans quelques pays importants.
La mondialisation a aussi signifié la
disponibilité de nouvelles technologies,
particulièrement dans les domaines de la
biotechnologie et de l’informatique, ce qui peut
épargner aux pays moins développés des étapes
intermédiaires du processus de développement,
tels que les investissements coûteux dans les
câbles souterrains, en adoptant directement la
technologie de la télécommunication sans fil.
La fin de la guerre froide a changé les attentes
et les rôles des pays occidentaux en Afrique;
aujourd’hui les Etats-Unis sont en train de
réévaluer leurs relations avec ces pays, en
suivant une logique qui est basée sur des
actions à long terme quant au partenariat
économique et les produits publics mondiaux.
En même temps, l’aide à l’étranger, en terme
réel par personne, a baissé et est devenu plus
compartimenté; l'aide a été détournée des
secteurs immédiatement productifs tels que
l'agriculture vers les secteurs de développement
humain incluant la santé et l'éducation.
Ces changements offrent de nouvelles
opportunités et de nouveaux problèmes. Ce
document présente un syllogisme assez simple:
•
La faim et la sous-alimentation sont causées
surtout par le manque de revenu;
•
Le manque de revenu peut être surmonté par
une croissance économique rapide destinée
à réduire la pauvreté, comme l’illustrent les
expériences vécues par l’Asie de l’Est et du
Sud-Est;
STRATEGIE PROPOSEE: La question
cruciale devient alors comment accélérer la
croissance agricole. Ce document présente sept
éléments importants d’une stratégie pour
réduire la pauvreté guidée par le développement
de l’agriculture:
1. Changer le paradigme: Les pays africains
et leurs partenaires du Nord doivent avoir
une vision à long terme qui tient compte des
vii
investissements dans l’économie rurale,
l’ouverture des marchés et la dépendance
sur l'initiative privée et l'investissement
privé comme facteurs-clefs pour la
réduction la faim et la pauvreté.
et les télécommunications. Au niveau du
secteur agricole, les coûts de transaction
élevés sont dus aux échecs politiques, à la
médiocrité de l’infrastructure, et aux basses
densités des populations. Ces coûts de
transaction élevés amoindrissent la capacité
concurrentielle du secteur agricole.
2. Continuer la réforme du rôle de l'état:
Dans la nouvelle économie globale, l'état a
un rôle crucial mais beaucoup plus différent
que celui pratiqué traditionnellement en
Afrique. L'état doit créer les infrastructures
physiques et institutionnelles (les
règlements, les normes, les moyens pour
faire respecter les contrats, etc.) nécessaires
à un fonctionnement efficace des marchés.
6. Donner pleins pouvoirs aux agriculteurs:
Les nouveaux essais démocratiques
permettent aux agriculteurs de s'organiser
pour la première fois dans le cadre de
coopératives indépendantes et de groupes
affiliés. Ceci permet aux agriculteurs
d’acheter des intrants, de vendre leurs
produits, d’obtenir des crédits, de donner
des conseils aux membres et de faire
pression de manière efficace pour des
changements des politiques. Les
gouvernements doivent créer
l'environnement légal et politique pour
encourager cette initiative.
3. Développer un partenariat entre le
secteur privé et le secteur public: Encore
plus, l'état doit former des partenariats avec
les secteurs privés, aussi bien lucratifs que
non-lucratifs, pour réaliser les objectifs de
la nation. Dans plusieurs domaines tels que
la recherche agricole, un partenariat entre le
secteur privé et le secteur public peut
réduire le coût et augmenter l'efficacité de la
pr ovi sion de services cruciaux
traditionnellement considérés comme
relevant de la seule responsabilité de l’état.
7. Développer des dispositions sophistiquées
pour la commercialisation des produits,
l’application des contrats et le partage de
En Afrique, les marchés
risques:
demeurent fragmentés, personnalisés, et
incertains. Les gouvernements doivent
contribuer à l’amélioration de l'information
sur les marchés, au développement de
méthodes plus sophistiquées pour mieux
gérer les normes de qualité, à
l’augmentation de la dimension du marché
en réduisant les barrières au commerce
régional, et, par-dessus tout, au
développement d’une cohérence des
politiques.
4. Investir dans la génération de la
technologie et du savoir: Une amélioration
de la technologie des produits vivriers et des
produits de rente est cruciale pour
augmenter la productivité agricole. Le
savoir est un facteur crucial lié à la
technologie de production du 21ème siècle.
Les gouvernements africains doivent
développer des politiques telles que la levée
du contrôle des télécommunications qui
réduisent les coûts et rendent le savoir plus
accessible. Les gouvernements africains et
leurs partenaires doivent investir à tous les
niveaux dans le secteur de l’éducation et
encourager aussi la création
d’établissements privés d'éducation.
QUESTIONS FONDAMENTALES: Ce
document traite aussi de trois questions
importantes qui doivent être discutées pour
garantir le succès de la présente stratégie:
Les ressources: Il y a eu une baisse
considérable de l’aide à l’étranger au cours des
années 90. Les flux d'investissement privés ont
augmenté ailleurs, mais pourtant ils n’ont pas
permis de combler le manque à gagner causé
par la baisse de l’aide à l’Afrique. L’allégement
de la dette sous l'initiative de HIPC sera utile
mais pas suffisant. Les pays de l’OECD doivent
renouveler leur engagement à fournir de l’aide
5. Investir dans l’infrastructure rurale:
Pendant des années, les gouvernements
africains ont favorisé les zones urbaines au
détriment des zones rurales. Ce
comportement doit être modifié afin
d’investir dans les zones rurales, notamment
dans le transport, l’hydrologie, l’électricité
viii
aux pays africains qui aujourd’hui, en
conséquence de la libéralisation politique et
économique, sont plus capables d’utiliser toutes
formes d’aide à bon escient. C’est ironique que
cette aide à l’étranger baisse au moment où
l’OECD elle-même s’est engagée à réaliser
d’importants objectifs de développement et que
les pays africains ont entrepris une réforme
profonde et pénible. D'autre part, ces réformes
doivent être encore plus profondes afin que les
économies africaines attirent les
investissements croissants, tant nationales
qu’étrangers.
bénéfices du système politique? Comment
passer de la fidélité au parti et à l’individu à la
fidélité à l'état et au gouvernement? Comment
développer des institutions telles qu’une presse
libre et responsable? Comment réduire la taille
du gouvernement afin qu’il soit moins dispersé?
Comment passer d’un d'un système de
réglementation par des individus à un système
d’état de droit? Ce sont là des problèmes
extrêmement difficiles, mais à moins que
l'Afrique ne les résolve, la lutte contre la
pauvreté et la faim échouera.
Alors, la question suivante se pose: cette
stratégie est-elle réalisable? Pas partout, et
peut-être, pas dans la plupart des pays africains
en ce moment. Il est probablement nécessaire
de commencer un travail à une grande échelle
avec quelques pays africains qui remplissent
déjà certaines des conditions préalables au
succès d’une telle stratégie–l’Ouganda, le Mali,
le Mozambique, le Ghana, le Nigéria,
probablement le Kenya et le Ethiopie, et le plus
important, l’Afrique du Sud. Dans d’autres
pays, peut-être que quelques parties seulement
de tout l’agenda stratégique présenté ici
peuvent être mise en application. Mais ce
développement à des degrés divers peut
constituer une opportunité d’apprentissage et de
partage d'expériences pour les pays africains.
Le SIDA: Il n’y a aucun doute que la pandémie
du SIDA a le potentiel d’augmenter
considérablement la pauvreté et la faim et de
réduire la capacité d’accélération de la
croissance économique des pays où la
fréquence de ce fléau est moyenne ou élevée.
Au niveau macro-économique, le SIDA réduira
grièvement la quantité de main-d'oeuvre
qualifiée, soit par la mort ou par la morbidité et
contribuera ainsi à la réduction des épargnes
privées. Au niveau des ménages, les
conséquences peuvent être graves. Les ménages
pauvres ont une petite marge de manoeuvre
quant à l’épargne et au revenu. Une maladie
causée par le SIDA mène à l’augmentation du
temps consacré à s’occuper de la personne
atteinte, à la perte de la main d’oeuvre
provenant du membre de famille infecté, à
l’augmentation des dépenses allouées aux soins
médicaux et aux funérailles. Il faut souligner
que cet document n’a pas la prétention de
proposer une stratégie pour combattre le SIDA.
Néanmoins, ce qu’il faut retenir c’est que toute
activité et tout programme conçu pour le
développement en Afrique sub-saharienne doit
inclure une prévision non seulement des effets
éventuels du SIDA sur le succès du programme
mais aussi de l’impact du programme sur la
propagation du SIDA.
Plus que jamais l’Afrique est à la croisée des
chemins. Mais ceci peut être la dernière grande
chance accordée à l'Afrique. Il y a d’énormes
opportunités mais aussi d’énormes obstacles.
Un succès pourrait signifier non seulement une
réduction substantielle de la faim dans quinze
années, mais aussi le commencement d'un
cercle vertueux qui pourrait engendrer la
réduction de la pauvreté, de la maladie et de la
guerre sur une base globale et continue. Ceci
est une chance qui ne devrait pas nous
échapper.
VERS UNE REPONSE DES ETATS-UNIS:
Les efforts américains doivent être orientés vers
des actions permettant de stimuler les
économies africaines, de réduire la pauvreté, et
d’aider les pauvres à se nourrir eux-mêmes. Les
Etats-Unis doivent prêter leur assistance aux
nations africaines pour améliorer la
performance de l’agriculture et du système
agro-alimentaire. Cependant le développement
Gouvernance: Malgré les changements au
cours de ces dernières décennies, les
gouvernements africains font face à un grand
nombre de problèmes difficiles. Comment
construire un état-nation à partir de tant de
groupes ethniques?
Comment faire du
gouvernement un instrument efficace capable
d’offrir d’importants services économiques et
sociaux? Comment distribuer équitablement les
ix
implique beaucoup plus que la croissance
économique. Cela implique l’amélioration du
bien-être et la mise à la disposition de tout
individu les opportunités lui permettant
d’atteindre tout son potentiel. Mais sans une
croissance économique globale, les pays
africains manqueront de ressources nécessaires
pour financer leurs systèmes médicaux, leurs
écoles, et les programmes de protection des
pauvres. Une croissance économique à base
élargie résultant des améliorations du secteur
agro-alimentaire peut contribuer
considérablement à ces priorités de
développement sus-citées et à d’autres priorités
de développement importantes.
1. Développer des programmes et des
politiques qui renforcent la capacité des
agriculteurs, des entreprises commerciales
et des marchés afin qu’ils soient
concurrentiels dans l'économie globale.
2. Renforcer l'éducation et la formation dans
les zones rurales, et solidifier les
institutions publiques.
3. Développer la recherche agricole et les
programmes de vulgarisation pour exploiter
les technologies existantes et nouvelles,
telles que la biotechnologie et les
technologies de l’information, pour
promouvoir de nouveaux liens avec les
entreprises commerciales et pour éviter les
dommages à l’environnement.
Les éléments de la nouvelle stratégie
américaine seront développés encore plus dans
les semaines à venir selon les réactions et
commentaires de dirigeants et d’organisations
clefs en Afrique et aux USA. L'aide des EtatsUnis pour la reduction la faim en Afrique
devrait se baser sur l'expertise distincte des
Etats-Unis. Il n'y a pas de solution miracle. La
croissance économique en Afrique exige des
efforts soutenus sur période de 15 à 20 ans. Des
progrès tangibles à moyen terme peuvent être
accomplis en aidant les nations africaines à:
4. Améliorer la gouvernance rurale.
5. Etablir des liens entre les programmes
d’aide alimentaire d’urgence et les
programmes de développement à long
terme.
6. Coordonner les programmes alimentaires et
agricoles avec les programmes d’actions de
combat contre le VIH/SIDA.
x
STRATEGIE POUR LA REDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE
(1) PREFACE
(2) Le but de cet document est de mettre au point une stratégie bien définie et réalisable destinée
à réduire la faim en Afrique au cours des quinze années à venir. Il est peut être trop tard pour réaliser
les objectifs du sommet mondial de réduire la faim de moitie d’ici 2015, mais des progrès
substantiels peuvent être accomplis si les communautés africaines et internationales abordent les
problèmes de la faim de manière sérieuse. Cette proposition de stratégie est basée sur un certain
nombre d'idées qui ont émergé au cours de la dernière décennie, venant, la plupart du temps, des
praticiens et des décisionnaires africains. En particulier, cette stratégie s’inspire des idées exprimées
par des universitaires africains, des décideurs de politiques, et d’hommes d’affaires dans une série
d'ateliers sur la “Transformation de l’Agriculture” tenus entre 1993 et 1999. Cette stratégie s’inspire
également d’un travail fait par la Banque Africaine de Développement, une étude conjointement
menée par la Banque Mondiale, la Commission Economique pour l'Afrique et le Consortium
Africain de la Recherche Economique et des séries de consultations africaines organisées par le
forum pour la Recherche Agricole en Afrique (FARA).1
(3) Le présent document n'est pas du tout le point final, mais plutôt un point de départ vers une
nouvelle discussion intensive entre les chercheurs africains et américains, les praticiens et les
dirigeants politiques, qui vont reformuler et raffiner les idées présentées ici. Un tel débat devrait
aboutir à deux réalisations importantes: une stratégie qui fait l’unanimité en ce qui concerne la
réduction de la faim en Afrique, et un engagement politique de la part des décideurs de politiques
américains et africains quant à l’application de la stratégie adoptée. Ceci exigerait des Africains la
mise en place de changements politiques importants. Du côté américain, cela nécessiterait
l’obligation à rendre ses marchés plus accessibles et à mobiliser les ressources (publiques, privées,
financières et intellectuelles) nécessaires à la réalisation de ladite stratégie.
(4) GÉNÉRALITÉS
(5) La majorité des pays de l’Afrique sub-saharienne ont eu leur indépendance, plein d’espoirs, il
y a quarante ans. Cependant, les années suivantes n'ont pas été favorables à une grande partie du
continent, qui a été infestée de guerres, coups militaires, sécheresses, famines, de stagnation
économique et de pauvreté. Durant cette période, les donateurs étrangers ont investis plus d’un
trillion de dollars en aides étrangères, les gouvernements africains ont emprunté 200 milliards de
dollars sous termes commerciaux et ont investi 500 milliards de dollars de leurs propres ressources;
tous ces investissements ont eu peu d'impact sur l’économie africaine. L'Afrique demeure
pratiquement aussi pauvre, aussi affamée, et autant envahie de maladies qu’elle ne l’était en 1960.
Alors, pourquoi une nouvelle stratégie aujourd’hui? Quels changements nous font penser qu’il existe
actuellement assez d’information permettant non seulement de développer une stratégie pour la
réduction de la faim mais surtout que ladite stratégie fonctionnera alors que toutes les autres
tentatives ont échoué dans le passé?
1
Voir Julie Howard et al, “African Perspectives on Progress and Challenges in Transforming Agriculture to Help
Cut Hunger and Poverty”sur: http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/africanhunger/perspectives.pdf
African Development Bank, Agriculture and Rural Development Sector Policy, sur:
http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/africanhunger/agripolicy.pdf
SPAAR Secretariat. 1999. SPAAR/FARA Vision of African Agricultural Research and Development,
sur: http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/africanhunger/visionafrica.pdf
The World Band in Partnership with various African Organizations. 2000. Can Africa Reclaim the Twenty-First
Century? sur:
http://wbln0018.worldbank.org/AFR/afr.nsf/General/9D48D6DCE826CCD0852568F1006DBF2E?OpenDocument
1
(6) Tout d’abord, concernant certains sujets, beaucoup d’universitaires et beaucoup de praticiens
des problèmes de développement, aussi bien en Afrique qu’en dehors du continent, consentent que
le problème n'est pas un manque de savoir-faire, surtout pas au niveau technique. En fait, il existe
actuellement beaucoup d’informations sur le processus du développement en Afrique sub-saharienne
(ASS), et il est possible de formuler une stratégie qui refléterait ce savoir-faire. Une information
abondante existe sur comment augmenter la production alimentaire et les solutions techniques au
problème de la réduction de la pauvreté font généralement l’unanimité. Le problème réel est plutôt
un problème d’économie politique; les gouvernements africains, pour la plupart, ne se sont pas
consacrés au combat contre la faim et la pauvreté, les pays développés n'ont pas non plus tenu à leurs
engagements en termes d'aide, de l’allègement de la dette et d’ouverture des marchés. Les raisons
qui expliquent ce comportement sont complexes, mais l’important c’est que le contexte dans lequel
le combat contre la faim doit être mené a changé radicalement et offre aujourd’hui de nouvelles
opportunités ainsi que de nouvelles difficultés. La stratégie présentée ci-dessous offre une
opportunité réelle pour réduire la faim en Afrique sur une période de quinze ans.2 La condition
requise est la volonté d’agir. Mais le mot “volonté” ne devrait pas être synonyme de mots “creux”
ou de rhétorique inspirationnelle. Il devrait refléter le comportement de l'Afrique et de ses
partenaires face à des choix politiques difficiles. Lequel comportement devrait se traduire en
ressources réelles et programmes reformulés.
(7) LE CONTEXTE AFRICAIN EN MUTATION
(8) Politique et gouvernance
(9) Avec la fin de la guerre froide, les Africains ont commencé à exiger et à s'attendre à ce que les
gouvernements soient plus responsables de leurs actes. Une deuxième vague de programmes de
libéralisation politique a engendré un mouvement vers diverses formes de démocratie s’éloignant
ainsi des régimes autoritaires et des coups d’états militaires de la période post-indépendance. Selon
Freedom House, le nombre pays “libres” en Afrique sub-saharienne a augmenté de deux à huit entre
1990 et l’an 2000, le nombre de pays “partiellement libres” a augmenté de 15 à 24, alors que le
nombre de pays “non-libres” a diminué de 26 à 13. Il ne faut surtout pas sous-estimer ou surestimer
l'impact de cette révolution pacifique.
(10) Il y’a eu un changement profond. Aujourd’hui les Africains attendent de leurs gouvernements
un certain genre de comportement démocratiques, et toute déviation de ce type de comportement a
souvent aboutit à des agitations. Les coups militaires peuvent avoir du succès momentanément, mais
la pression pour un retour au processus démocratique est la norme plutôt que l'exception. Des
régimes ont été changés par les urnes, et les gouvernements battus ont quitté le bureau. Les
parlements et les législatures sont en train d’acquérir plus d'indépendance et plus d'autorité. Il existe
dans beaucoup de pays, une presse libre et vibrante, qui inclut non seulement les médias
d'impression mais aussi et surtout les médias d'émission. Beaucoup de pays ont tendance à aller
activement vers la décentralisation politique et administrative. Les violations des droits humains ont
diminué partout sauf dans les régimes récalcitrants.
(11) Le nouvel espace politique, accompagné d’une réduction des capacités étatiques dans les zones
rurales, ont conduit à une augmentation dramatique du nombre, de la force et de la diversité des
organisations de la société civile. Les coopératives gouvernementales ont fait place à de nouvelles
organisations de producteurs qui sont indépendantes et contrôlées par les membres. De plus en plus
ces groupes non seulement assurent le rôle joué dans le passé par le gouvernement dans la
2
Les objectifs du Sommet Mondial de l’Alimentation préconisent une réduction de la pauvreté de moitie d’ici
l’année 2015; à cause du manque de progrès depuis l’annonce de cet objectif, peut-être qu’il n’est pas réalisable;
néanmoins, il est encore possible de réduire la faim de manière considérable d’ici 2015.
2
commercialisation des intrants et des produits agricoles mais aussi se font entendre dans l'arène
politique. Il existe encore en Afrique des affaires pendantes. L’un des éléments clefs de ces affaires
c’est la transformation politique du continent en une politique basée sur des intérêts économiques.
Les organisations agricoles de base constituent un élément crucial de cette transformation. Ceci est
un domaine où les États-Unis ont eu une grande expérience et peuvent être très utiles.
(12) Il existe naturellement l’autre face de la médaille. Il existe encore un nombre de pays faibles
assaillis par la violence interne et les pressions externes. A l’heure actuelle non seulement des
conflits sérieux sont en cours en Angola, en République Démocratique du Congo, en Sierra Léone,
au Soudan et en Ouganda, mais aussi d’autres états vivent des moments d’agitations politiques et
de violence. Même les démocraties les plus stables sont faibles parce qu’elles ont des institutions
de gouvernance faibles, des niveaux considérables de corruption, et des systèmes de provision des
services publiques inefficaces. La politique dans bon nombre de ces pays est largement basée sur
des personnalités et des intérêts régionaux et non pas sur des intérêts économiques. Les agriculteurs
et les pauvres continuent d’éprouver des difficultés à s'organiser de manière à influencer la politique
du gouvernement et, comme on le verra plus tard, la politique de gouvernement continue à favoriser
les centres urbains, les riches et les puissants.
(13) Néanmoins, le contexte politique est aujourd'hui beaucoup plus favorable à un développement
de base général qu'à aucun moment au cours des quarante dernières années. Encore plus important
est le fait qu’aujourd’hui, les populations s'attendent à ce que non seulement les méthodes de gestion
de leurs gouvernements soient transparentes mais aussi que les gouvernements soient sensibles à
leurs besoins. Ils comptent avoir plus de contrôle sur la gestion des problèmes importants au niveau
local. Ils demandent plus d’honnêteté et ont du mépris pour la corruption. Plutôt que de croire aux
théories qui blâment le monde extérieur, ils attribuent leur pauvreté à leurs propres gouvernements.3
Avec le temps, leurs attitudes mèneront à plus de responsabilité de la part des gouvernements dans
la gestion des affaires. Bien sûr que des gouvernements efficaces, engagés, intègres et visionnaires
n’apparaîtront pas du jour au lendemain; cependant l’on peut s’attendre à ce que les gouvernements
deviennent plus efficaces, plus engagés, plus intègres et plus visionnaires à moyen terme.
(14) Politiques économiques
(15) Au cours des quinze dernières années la plupart des états africains ont reformé leurs politiques
économiques d’une manière substantielle. Cela se constate le plus dans le domaine macroéconomique où les déficits budgétaires ont été réduits à des niveaux supportables, ayant pour
conséquence des réductions substantielles des taux d’inflation (de 13,6% en 1980 à 8,4% en 1997).
La médiane du déficit fiscal en ASS (pour les pays où il y a des données sur les deux années) a
diminué de 4,8% en 1980 à 2,2% en 1997. Il est également important de noter qu’avec la
libéralisation des régimes de taux de change, le prix des devises étrangères dans la plupart des pays
équivaut à un prix reflétant leur rareté.
(16) Ces deux politiques sont d’une importance cruciale pour le combat contre la pauvreté et la
faim. L'inflation constitue l'impôt le plus cruel imposé aux pauvres qui eux n'ont aucun moyen
d'investir leurs ressources financières limitées dans des capitaux qui garde leur valeur en période de
taux d'inflation élevé. Plutôt, ils sont forcés de garder leurs capitaux en liquidité dont la valeur
déprécie rapidement. Un taux de change surévalué baisse les prix des biens échangeables et semiéchangeables tels que les produits alimentaires et les exportations agricoles, et réduit ainsi les
3
Cependant les Africains continuent de faire part de leurs inquiétudes, dont certaines sont très légitimes, concernant
la contribution de forces extérieures a la pauvreté en Afrique telles que: (1) les politiques commerciales des pays a
revenus hauts (restrictions de l’accès a leurs marches et “dumping” du surplus de l’OCDE); et (2) la baisse du
niveau d’engagement de la plupart des pays de l’OCDE, le non-moindre desquels sont les Etats-Unis, a toute aide
officielle de développement.
3
revenus réels des producteurs ruraux. Des études ont prouvé que ces politiques réduisent les revenus
des pauvres.4
(17) La politique agricole en Afrique s'est améliorée également, bien que le dossier connaisse des
hauts et des bas et que beaucoup de réformes importantes sont entrain d’être minées (une discussion
de ce problème va suivre ci-dessous). Il était de coutume pour les pays africains de taxer les
agriculteurs et de subventionner les consommateurs urbains, alors qu’en même temps ils sousinvestissent dans des zones rurales. L'élimination des monopoles du gouvernement sur la
commercialisation des produits agricoles accompagne d’une dévaluation du taux réel de change, a
abouti à l’augmentation des prix réels offerts aux agriculteurs africains dont les produits sont
destinés aux marchés mondiaux (en dépit de la chute des prix mondiaux). Ainsi, les agriculteurs dans
les pays tels que le Ghana, l'Ouganda, le Nigéria, la Tanzanie et le Mozambique ont vu les prix de
leurs produits d'exportation augmente de près de 50% depuis le début des années 90. Les réformes
politiques dans le secteur des produits vivriers ont été moins nettes. Pourtant, beaucoup d’offices
nationaux de la commercialisation des produits agricoles ont été éliminés. Mais résultats ont été
mitigés.5
(18) Néanmoins, l'environnement de l’ensemble des politiques agricoles, bien qu’il soit toujours loin
d’être idéal, est actuellement beaucoup plus favorable que jamais au développement rurale et à la
réduction de la pauvreté. Les marchés sont généralement libéralisés, l'imposition agricole est
réduite, et les perspectives d’avenir pour l'investissement privé sont plus répandues. Cependant, ces
changements ont également soulevé quelques questions importantes:
•
(19) Les mesures d’austérité du gouvernement ont rendu plus difficile l’augmentation des
investissements dans les zones rurales ainsi que dans les domaines clefs de l’activité
publique qui sont essentiels à la croissance à long terme, telle que la recherche agricole
adaptive;
•
(20) Les institutions financières demeurent dans la déroute et les alternatives offertes par
le secteur privé, à la place des banques agricoles du secteur publique défuntes, sont
beaucoup plus limitées.
•
(21) La plupart des systèmes de vulgarisation et de recherches agricoles sont sousfinancées et incapables d'accomplir leurs missions;.
•
(22) Les règlements “lourds” du gouvernement sur l'investissement privé restent courants,
et les questions relatives à la gouvernance et à la stabilité politique créent des risques,
souvent trop élevés pour les investisseurs.
(23) Pression démographique croissante sur les ressources foncières
(24) La population de l’ASS continue de doubler tous les 25 ans. De plus, dans beaucoup de zones,
les agriculteurs sont en train de se déplacer vers des terres qui sont moins productives et plus
4
Voir David Sahn et al., Structural Adjustment Reconsidered: Economic Policy and Poverty in Africa, Cambridge
University Press, 1996; and Economic Reform and the Poor in Africa, Oxford University Press, 1996.
5
Voir par exemple. Jayne, T.S., Mulinge Mukumbu, Munhamo Chisvo, David Tschirley, Michael T. Weber,
Ballard Zulu, Robert Johansson, Paula Santos, and David Soroko, 1999. "Successes and Challenges of Food Market
Reform: Experiences from Kenya, Mozambique, Zambia, and Zimbabwe," MSU International Development
Working Paper 72, East Lansing: The Department of Agricultural Economics, Michigan State University at:
http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/papers/idwp72.pdf
4
fragiles.6 Dans certains pays, la fertilité du sol diminue sensiblement. Pendant plusieurs années, la
production agricole en Afrique augmentait grâce au mouvement des populations sur de nouvelles
terres. Il reste encore beaucoup de pays (Nigéria, Mozambique et Ouganda, par exemple) qui
possèdent une grande réserve de terres cultivables promettantes; cependant, beaucoup d'autres pays
(Kenya, Rwanda, Malawi, par exemple), ont atteint une limite étendue et éprouvent actuellement une
réduction dans la taille des terres cultivables disponibles. Cette situation engendre non seulement
la croissance de la proportion d’agriculteurs qui sont sans terre mais aussi la dégradation croissante
du sol. Pour tous ces pays, l’augmentation de l’intensification et de la productivité restent les seules
solutions.
(25) Urbanisation
(26) La population urbaine de l’ASS a augmenté de 82 millions en 1980 à 193,5 millions en 1998;
ce qui constitue une augmentation annuelle de 4,9%.7 Par conséquent, le marché alimentaire urbain
a plus que doublé, alors que la main-d'oeuvre rurale disponible a seulement augmenté de 50%.
Naturellement, le marché alimentaire est non seulement déterminé par la taille de la population, mais
aussi par son revenu. Avec la renaissance de la croissance économique, la demande pour les produits
alimentaires, particulièrement pour les produits de grande valeur tels que la viande et les produits
laitiers, augmentera également. Par ailleurs, la demande pour les produits transformés est également
en train de croître car le coût d'opportunité de la population urbaine, en particulier celui des femmes,
augmente. Ceci entraîne l’augmentation du revenu et des opportunités d'emploi dans les domaines
de la commercialisation et de la transformation, tout en créant de nouveaux problèmes dans ces
systèmes.
(27) Le VIH/ SIDA
(28) Il n’ya pas de doute que la pandémie du SIDA n'a pas encore atteint son maximum en Afrique.
Les taux actuels d’infection du VIH parmi la population des adultes vont de 35,8% au Botswana à
1,7% au Sénégal. Les histoires d'horreur abondent sur l’impact du SIDA sur les taux de mortalité,
le nombre d’orphelins, les pompes funèbres, et sur les vies des femmes qui, dans beaucoup de pays
africains, peuvent très difficilement influencer les comportements risqués de leurs partenaires. Les
estimations actuelles révèlent que la pandémie du SIDA a réduit le taux de croissance économique
d'un à deux pour-cent. Il est encore difficile de prévoir avec certitude les effets multiples de cette
pandémie sur la croissance économique en générale et sur l'agriculture en particulier. Les
observations ci-dessous semblent probables:
•
(29) Le nombre de décès dus au SIDA continuera à croitre dans un future proche, et
atteindra un tel niveau que la croissance démographique dans certain pays sera inversée;
•
(30) Les décès dus au SIDA sont constatés au niveau des individus économiquement actifs
et augmenteront ainsi ce qui est déjà un rapport élevé entre personnes dépendantes et des
travailleurs actifs dans l’ASS.
•
(31) Au niveau des ménages pauvres, les maladies et les décès causés par le SIDA
entraînent une réduction du revenu pour une famille entière, et en particulier pour les
orphelins.
6
Voir Clay, D. and T. Reardon. 1996. "Rwanda case study: Dynamic linkages among population, environment, and
agriculture in the highlands of East Africa” dans Clay, Reardon, and Shaikh, Population, Environment, and
Development in Africa: Dynamic Linkages and their Implications for Future Research and Development
Programming. East Lansing: Michigan State University. pp. 39-91.
7
Par contre, la population rurale de l’Afrique a connu un taux de croissance de seulement 2,2% par an.
5
•
(32) Les coûts économiques du SIDA au niveau des ménages engendrent fréquemment une
réduction des ressources disponibles pour l'épargne et l'investissement;
•
(33) Les taux élevés de l'incidence du VIH parmi les personnes éduquées réduiront le
nombre des personnes éduquées et rendront la formation et l'éducation plus coûteuses;
•
(34) Dans les zones les plus ravagées par la pandémie, la main-d'oeuvre a diminué
brusquement et les taux de dépendance sont montés en flèche, pendant que les grandsparents essayent de s'occuper d'un grand nombre d'orphelins. Ce changement dans la
disponibilité de la main d’oeuvre nous amène à nous interroger sur la convenance des
technologies agricoles développées pour ces zones, en particulier celles qui nécessitent
l’emploi de beaucoup de main-d'oeuvre (telles que celles qui ont pour but la conservation
du sol et qui dépendent largement des engrais organiques).
(35) Dans l’ensemble il est incertain de savoir ce que tout ceci veut dire, sauf que le VIH/SIDA
rendra le combat contre la faim en Afrique encore beaucoup plus difficile.
(36) LE CONTEXTE INTERNATIONAL EN MUTATION
(37) Tandis que les événements en Afrique ont peu à peu amélioré les opportunités pour réduire la
faim, les changements de l'environnement international sont beaucoup plus dramatiques. Le monde
est aujourd'hui fondamentalement différent de ce qu’il n’était il y a seulement 20 ans, et les
opportunités pour le développement à base élargie sont beaucoup plus courantes maintenant.
(38) Mondialisation
(39) Mondialisation est un mot qui a déclenché beaucoup de passions ces dernières années et qui
inclut la majorité des changements mentionnés auparavant. D’un point de vue technique et étroit,
“mondialisation” a signifié l'intégration croissante de l'économie internationale, et s’est manifestée
par un commerce accru, une plus grande mobilité de capitale et de main-d'oeuvre, et du flux de
technologie. D’un point de vue plus global, la mondialisation, soutenu par la révolution de
l'information, a signifié une interpénétration croissante dans les sociétés traditionnelles d’idées
venant de l’extérieur, presque toujours occidentales et fréquemment américaines, de valeurs et de
cultures. Les manifestations extérieures de cette interpénétration sont des institutions telles tels que
McDonald’s et les chaussures sportives Nike.
(40) Le Tableau I illustre certaines des dimensions de la mondialisation. Pendant la décennie allant
de 1988 à 1998, la valeur du commerce mondial de produits, exprimée en termes de pourcentage du
PIB, a augmente de 33% et la proportion des investissements étrangers direct en PIB a doublé. La
médiane annuelle du taux de croissance des exportations au cours de la période 1990-97 était 6,2%;
tandis que l’augmentation des exportations excédait la croissance du PIB par un taux moyen de
3,0%. Ces chiffres sont très dramatiques. En se référant au tableau ci-dessous, on constate que
pratiquement toutes les régions des pays en voie de développement ont participé à ce processus,
bien que l'Afrique n’aie pas eu autant de succès, en particulier en termes d’investissements étrangers,
que d'autres régions telles que l'Amérique latine. Néanmoins, la croissance annuelle du volume
d'exportation en Afrique sub-saharienne a augmenté considérablement d'une médiane de 2,0% en
1980 à 7,5% en 1990.
6
(41) TABLEAU I: Intégration économique
Commerce de Produits
en % de PIB(PPP)
1988
1998
Région
Asie Orientale & Pacifique
Europe & Asie Centrale
Amérique Latine
Moyen Orient & Afrique du
Nord
Asie Australe
Afrique Sub-Saharienne
Mondial
Investissements bruts directs
étrangers en % de PIB(PPP)
1988
1998
13,3
9
9,4
17,6
15,5
21,1
19,1
17,4
0,4
…
0,5
0,3
1,3
1
2,5
0,9
4,2
15,4
21,2
4,8
16,8
28,3
0
0,3
1,7
0,1
0,7
3,8
Source: Banque Mondiale, World Development Indicators.
(42) La mondialisation offre ainsi des opportunités substantielles. Par exemple, les marchés
internationaux de produits et de facteurs croissent à des niveaux historiquement élevés. Cependant,
ces opportunités exigent un système de réponse beaucoup plus sophistiqué. Les exportations de
produits traditionnels ne suffisent plus à elles seules à entraîner une croissance dynamique en
Afrique. Il y a eu un déclin séculaire continu dans les prix des produits agricoles depuis 1960, avec
une baisse de l’indice des prix des produits agricoles de 208 en 1960 à 90 en 1999, une baisse
moyenne de 2,4% par an. Une portion de cette diminution peut être attribué aux gains de productivité
des principaux concurrents de l’Afrique; ceci montre l'importance de l'investissement dans
l'agriculture. Par ailleurs, l'accès aux marchés devient plus difficile et plus complexe. De plus en
plus, l'accès aux marchés mondiaux exige une spécification plus précise des produits agricoles et
non-agricoles. Ceci a été provoqué par l’importance croissante de l’existence de créneaux dans les
marches et le désir des compagnies d'établir une fidélité à la marque. Ces développements jouent à
présent un plus grand rôle. C’est à dire que les compagnies internationales qui achètent et font la
promotion des produits deviennent de plus en plus impliqués dans la coordination étroite de la
production et des chaînes de distribution. Participer avec succès dans le marché dynamique mondial
des produits spécifiques de plus grande valeur (par opposition aux produits génériques) exige une
gestion sophistiquée, un plus grand capital humain, une compréhension profonde des opportunités
du marché international, des moyens de transport plus rapides, moins coûteux et plus fiables, des
contrôles de qualité, d’emballages améliorés, attention aux normes environnementales et de santé,
un environnement plus accueillant pour le capital et la gestion internationale, et une stabilité macroéconomique. En même temps, l’Afrique doit faire des efforts considérables pour réduire les frais de
commercialisation et pour augmenter la productivité dans la production des produits agricoles
traditionnels de l’Afrique destinés aussi bien à la consommation nationale qu’à l’exportation.
(43) Nouvelles technologies
(44) L’un des aspects les plus prometteurs de la mondialisation est le fait que l'information est
maintenant beaucoup plus largement disponible et à meilleur marché. Pour une participation efficace
à la nouvelle économie mondiale, on doit s’emparer de la révolution de l’information. Quelles sont
les opportunités que la révolution de l'information tient pour l'Afrique?
•
(45) Accès aux informations sur les nouvelles opportunités du marché.
•
(46) Accès aux dernières informations sur les nouvelles technologies.
7
•
(47) Opportunités d'intégrer des marchés en fournissant des informations instantanées sur
le prix et la demande.
•
(48) Opportunités de réduire les risques liés à la sécheresse.
•
(49) Opportunités de diffuser l'information technologique aux agriculteurs de manière plus
efficace et peu coûteuse.
(50) Ce ne sont là que des constats de premier abord car il est difficile de prévoir aujourd'hui ce que
la révolution de l'information nous promet dans le futur. Toutefois nous savons que profiter des
opportunités qui émergeront, exige un effort sérieux et bien mesuré nécessaire pour s’adapter à un
environnement technique en cours de mutation rapide.
(51) Ce qui avait été dit auparavant sur la technologie de l’information s’applique aussi à la
révolution biotechnologique. Tout comme avec la nouvelle technologie de l'information, il est
difficile de prédire avec certitude comment la biotechnologie sera utilisée pour augmenter la
productivité agricole en Afrique. La biotechnologie offre beaucoup d’opportunités tels que de hauts
rendements, l’amélioration du contrôle des ennemis de cultures, une plus grande résistance à la
sécheresse, la dépendance réduite à l’égard des engrais chimiques, les cycles de production plus
courts, et une croissance de valeur nutritive, qui pourraient conduire à une révolution agricole bien
plus dramatique que “la révolution verte” de la mi-vingtième siècle. Mais trois obstacles principaux
demeurent.
(52) Tout d’abord, la plupart des institutions africaines de recherche et des chercheurs africains
n’ont pas encore la capacité d’adapter les innovations biotechnologiques qui sont en train de se
développer dans le Nord aux circonstances africaines. Deuxièmement, la plupart de ces avances en
biotechnologie sont introduites par les sociétés privées, qui brevètent les avances génétiques, plutôt
que par les établissements publics qui voient le matériel génétique en tant que biens publiques. Ceci
veut dire que non seulement la transmission de nouvelles technologies est limitée par l’absence
d’opportunités de commerce rentable, mais également que la recherche est généralement limitée aux
domaines qui ont une importance particulière pour l'agriculture des pays développés. En plus, tout
le domaine de la modification génétique a provoqué un certain nombre de questions importantes sur
les dangers à l'environnement et à la santé humaine; ces préoccupations rendront plus difficile le
transfert rapide de nouvelles technologies en Afrique. Ce ne sont pas des obstacles insurmontables.
Cependant, une stratégie pour la réduction de la faim en Afrique doit s’attaquer à ces obstacles et
être explicite sur comment l’agriculture africaine pourrait profiter de la révolution biotechnologique.
(53) Flux de capitaux internationaux
(54) Comme mentionné ci-dessus, il y a eu une très grande augmentation du flux de capitaux
internationaux, qui atteigne aujourd’hui un niveau 10 fois plus élevé que le niveau de l'aide publique
au développement. Malgré ceci, les investissements étrangers directs et les investissement de
portefeuille, en Afrique sub-saharienne, sont lents, et ont été toujours concentrés dans quelques pays
et dans des secteurs bien déterminés. L'expérience internationale a démontré que le flux des capitaux
est très mobile et se dirige toujours vers les pays là où il y a plus d’opportunités. Egalement les
investisseurs internationaux ont plusieurs choix d’investissements de telle sorte que les pays avec
des risques politiques, ou avec des obstacles tarifaires, ou qui connaissent une instabilité macroéconomique, sont abandonnés. Concernant les investissements de portefeuille, les flux de capitaux
internationaux sont encore plus instables. Encore, ceci indique que tandis que la mondialisation offre
beaucoup de nouvelles opportunités, elle présente également des risques croissants, et exige l'effort
concerté et des changements radicaux pour profiter de ces opportunités.
8
(55) Les nouveaux philanthropes. La révolution technologique a engendré une nouvelle génération
de capitalistes extrêmement riches, qui comme les Ford et le Rockefeller avant eux, sont intéressés
à redistribuer une partie de leurs fortunes. Ceci a signifié une explosion de nouvelles fondations, et
une génération de nouveaux philanthropes, comme Bill Gates et Ted Turner, qui cherchent à
l'étranger aussi bien que localement des causes à soutenir. La plupart de ces nouvelles fondations
ont des capacités et des mandats limités, se concentrant sur des secteurs sociaux. Cependant, ces
nouvelles fondations sont toujours à la recherche du chemin à suivre, et la majorité d’entre elles
n’ont pas encore identifié un ordre du jour fixe et particulier de développement.
(56) La fin de la guerre froide
(57) La fin de la guerre froide a changé le climat politique international de manières très
importantes. Pendant les trois premières décennies de leur indépendance les pays africains
constituaient d’importants, quoique secondaires, champs de bataille dans le conflit entre les grandes
puissances. Plusieurs de ces pays pouvaient jouer entre les grandes puissances et les pousser les uns
contre les autres, produisant des ressources substantielles qui ont permis des gouvernements
corrompus et inefficaces de rester au pouvoir. Les Etats-Unis, en particulier, ont gaspillé des millions
de dollars en aide pour soutenir les régimes autoritaires au Soudan, en Somalie, au Libéria et au
Zaïre. En même temps, la guerre froide a également produit un conflit idéologique, qui a favorisé
le développement du dirigisme et d'autres philosophies autoritaires.
(58) Le nouveau climat politique international permet au Nord d’avoir une relation plus responsable
avec l'Afrique, et basée sur un intérêt mutuel de la réduction de la pauvreté et de l’augmentation de
la prospérité. Les Etats-Unis ont eu de grandes difficultés à définir une politique étrangère après la
guerre froide, particulièrement en ce qui concerne l'Afrique. Les différentes raisons avancées pour
justifier l’aide américaine à l’étranger, par exemple la nécessité de produire des biens publics
internationaux tels que la santé et la protection de l'environnement, reviennent à la même chose--les
Etats-Unis s’en tireront mieux dans un monde paisible et prospère.8 En Afrique, la paix et la
prospérité viendront seulement avec le développement économique, et un programme d'aide
étrangère peut favoriser ce développement.
(59) Cependant, les années 90 ont vu une réduction marquée en aide étrangère, avec le niveau global
chutant de 56,5 milliards de dollars en 1993 à 51,9 milliards de dollars en 1998. En Afrique subsaharienne, l’aide réelle par habitant est tombée d’un tiers entre 1990 et 1998. Aucune
conscience ne peut supporter une telle situation dans une période de prospérité sans précédent. En
ce qui concerne l'agriculture, l'aide a chuté brusquement. Par exemple, la Banque Mondiale a vu ses
financements destines au développement rural en Afrique diminuer de 23 projets évalués à 1,0
milliards de dollars en 1990 à 8 projets, évalués à 224 millions de dollars en 1999. En conséquence,
au moment même où la communauté internationale a décidé de se concentrer sur la réduction de la
pauvreté, comme reflété dans les “objectifs pour le développement international” du Comité d’Aide
au Développement, la même communauté a diminué sa capacité d’entreprendre des activités visant
à cette réduction.9
8
Cependant, il est intéressant de noter que le public américain croit: (1) que les Etats Unis ont une responsabilité
morale de fournir l'aide aux pays les plus pauvres; (2) que les Etats Unis donnent 10 fois plus d'aide a l'étranger
qu'en réalité; (3) que les Etats Unis devraient fournir plus d'aide aux pays pauvres; (4) que la raison principale
devrait être moral plutôt qu'intérêt; et (5) que l'aide étrangère est fréquemment inefficace. Voir University of
Maryland Program on International Policy Attitudes: « Américans on Foreign Aid and World Hunger : A Study of
Public Attitudes » février, 2001, sur: http://www.pipa.org/index.html
9
Voir: « A Better World for All, Progress towards the International Development », OCDE, juillet, 2000.
9
(60) C'est une grande tragédie. Aujourd’hui, l'Afrique fait face à une crise de développement peutêtre historique en son genre. Pour la première fois, en raison de la réforme politique et économique,
les grandes opportunités pour des investissements destinées à la réduction de la pauvreté sont
évidentes. Pendant les quatre dernières décennies de lutte pour réaliser le développement les
Africains et les bailleurs de fonds ont beaucoup appris. L’économie mondiale évolue rapidement et
offre de nouvelles opportunités porteuse de promesses. Le changement technologique donne l'espoir
que plusieurs des problèmes existants peuvent être résolus. Ce n'est pas le bon moment de reculer
en étant si près du but.
(61) Pratiques changeantes des bailleurs de fonds
(62) Priorités changeantes des donateurs et comptes d’affectations. Les priorités des programmes
d'aide à l’étranger ont toujours eu tendance à changer au moins chaque décennie. Au cours des
années 90, surtout pour répondre aux soucis des électeurs nationaux, une proportion croissante de
fonds offerts par les donateurs a été acheminée vers les secteurs considérés comme ayant un impact
direct sur la pauvreté, tels que la santé et la survie de l'enfant, ou vers des secteurs qui reflètent les
inquiétudes politiques internes des pays donateurs tels que les questions relatives à l’environnement
et au genre. Dans la mesure où le budget global à l’aide au développement n’avait pas changé ou
était même en baisse, ceci voulait dire qu’il restait moins de ressources disponibles pour les secteurs
productifs de l’économie, surtout le système agro-alimentaire.
(63) D'ailleurs, ces pressions semblaient être universelles, et l'idée de l'avantage comparatif entre
différents bailleurs de fonds n'était plus monnaie courante. Ainsi tous les donateurs, y compris les
donateurs tels que l’USAID et la Banque Mondiale qui d’habitude montraient plus d’intérêt pour
l'agriculture, ont transféré leurs ressources dans les secteurs sociaux aux détriment des secteurs
productifs. Les pressions des bailleurs pour imposer leurs priorités entraient souvent en conflit avec
le développement d’une stratégie nationale cohérente, mais malheureusement beaucoup de pays
africains manquaient d’analystes bien formés capables de persuader les donateurs que leurs actions
étaient contraires aux priorités nationales de développement (et les pays ont aussi manqué le courage
de refuser l'argent des donateurs dont les priorités différaient des leurs).
(64) Ce qui a donc été mis à l’écart c’est une approche équilibrée au développement. Il n'y a aucun
doute que l'investissement dans le développement humain, dans les secteurs de l’éducation et de la
santé en particulier, est essentiel pour une croissance soutenue. D'ailleurs, les secteurs l'éducation
et la santé sont eux-mêmes, des biens publics importants, et ils sont aussi absolument nécessaires
pour la croissance agricole. Ceci est aussi vrai pour les investissements dans le maintien de
l’environnement naturel. Cependant, la capacité à long-terme d’améliorer la qualité et l'accès à ces
services sociaux importants dépend d’une capacité accrue du secteur public à offrir ces services.
Cette capacité du secteur public, quant à elle, dépend des revenus du gouvernement qui eux
dépendent d'une économie croissante. Il y a un rapport de synergie très clair entre l’amélioration
dans les secteurs sociaux et celles dans les secteurs productifs. Au cours de ces dernières années cet
équilibre a été perturbé, en particulier dans le programme de l'USAID.
(65) L’obligation de chiffrer les resultats. Les changements dans la pensée stratégique ont mis plus
d’accent sur les résultats chiffrables dans les agences d'aide. Dans ce domaine, l’USAID, à cause des
réformes faites au niveau de tout le gouvernement américain et codifiées dans le «Government
Performance and Results Act (GPRA)», a été le chef de file. Malheureusement, dans la pratique ,
la mise en application de cette attention particulière sur les résultats chiffrables a été souvent traduit
par une attention presque totale sur les résultats à court terme. Ainsi, deux types de programmes de
développement ont été souvent négligés: les programmes ayant des résultats indirects ou difficiles
à mesurer et les programmes dont les résultats ne sont visibles qu’à long terme. La réduction
substantielle de l'investissement de l’USAID dans la formation à long terme et la recherche agricole
est l’illustration la plus claire de ce phénomène.
10
(66) Diminution de la capacité technique. Le transfert de fonds d’investissement des projets de
développement agricole et rural vers d’autres secteurs, a également abouti à une grande réduction
du personnel technique agricole des agences donatrices. C'est un cycle vicieux, où la programmation
réduite a pour conséquence un personnel réduit et vice-versa.
(67) Aide étrangère et organisations non-gouvernementales (ONGs). L'activité politique croissante
des organisations volontaires privées (OVP) couplée avec la réduction des capacités des états ont
amené les donateurs à dépendre de plus en plus des ONGs. C'est un problème très complexe, liés au
processus démocratiques, à la société civile, et aux inquiétudes relatives à l'efficacité du
gouvernement. Cependant, la dépendance croissante sur des acteurs non- gouvernementaux, dans
la mesure où elle réduit l’engagement des donateurs vis à vis les gouvernements africains, peut avoir
l’effet contraire a l’effet recherche. Apres tout, la pauvreté ne peut pas être réduite sans un
gouvernement efficace et dont l’agenda principal est le développement.
(68) L’ouverture des marchés de l’OCDE
(69) Si les pays africains veulent être concurrentiels sur le marché international, ils auront besoin
de réponses honnêtes de la part des pays de l’OCDE. Il y’a eu des progrès substantiels dans ce sens
lors de la dernière conférence des négociations de l’OMC; et surtout avec l’annonce de l'Acte de la
Croissance et d’Opportunités Africaines (African Growth and Opportunities Act--AGOA) des EtatsUnis et les nouvelles politiques de l’Union Européenne visant à ouvrir des marchés aux pays en voie
de développement. Cependant, jusqu'à présent les politiques agricoles de l’OCDE continuent d’être
défavorables aux pays pauvres. Il a été estimé que le montant total des subventions agricoles venant
de l’OCDE est égal au PIB des pays sub-sahariens.10 Ces subventions, accompagnées de l’
utilisation désordonnée de l'aide alimentaire, ont amoindrit l’efficacité des marchés nationaux et
internationaux ouverts à l’agriculture africaine. Ce problème a été compliqué davantage par le fait
que les ONGs ont été victimes de manque de fonds d’aide au développement. Ce qui les a amené
à dépendre de plus en plus sur la monétisation de l’aide alimentaire pour financer leurs activités et
ils sont devenus ainsi un groupe de pression pour plus d'aide alimentaire. Par contre, la nouvelle
flexibilité quant aux fonds ainsi obtenus peut offrir de nouvelles opportunités pour l’utilisation des
revenus de la monétisation de l’aide alimentaire afin de renforcer la croissance agricole à long terme.
(70) LE PROBLÈME DE LA FAIM
(71) Les dimensions de la faim en Afrique
(72) Selon la FAO, il y a 186 millions de personnes affamées en Afrique.11 Le problème de la faim
en Afrique doit être vu sous deux angles: le long et le court terme. Dans le long terme les populations
pauvres ont des revenus limités et ne peuvent pas acheter ou produire, de manière continue, la
quantité et la qualité d’aliments nécessaires pour garantir une bonne santé. Cette condition chronique
est mieux mesurée par un indicateur appelé «retard de croissance», défini comme la taille d’un
enfant par rapport à la taille normale d’un enfant de son âge. En Afrique Sub-saharienne, le
pourcentage d’enfants qui souffre d’une croissance retardée varie entre 15% et 45%, même dans les
pays qui ne sont ni en guerre et qui ne traversent pas de période de sécheresse. Ceci indique que dans
le long terme un grand nombre d'enfants sont physiquement et mentalement sous-développés à cause
d’un régime alimentaire insuffisant.
10
Voir Binswanger et Townsend, “The Growth Performance of Agriculture in sub-Saharan Africa,” American
Journal of Agricultural Economics, 82:5, pp. 1075-1086.
11
Voir: FAO, The State of Food Insecurity in the World.
11
(73) D’autre part, l'insécurité alimentaire à court-terme, souvent le résultat de crises ou de pénuries
alimentaires saisonnières, est mesurée par un indicateur appelé «amincissement» ou le poids d'un
enfant par rapport à sa taille. Le pourcentage d’enfants amincis et qui ainsi courent des risques
sérieux de malnutrition à court terme, généralement varie entre 5% et 10% dans des pays subsahariens qui ne sont pas en crise. Le tableau II présente les données alimentaires sur des mesures
relatives à la nutrition dans huit pays africains. Comme le tableau l’indique, le progrès dans la
réduction de la malnutrition a été inégale; le niveau de l’amincissement est entrain de croître dans
presque chaque pays, et le niveau du retard de croissance est entrain de baisser dans la moitié des
pays et de croître dans l’autre moitie. Il est difficile d’interpréter ces chiffres, bien qu'il semble y
avoir une certaine indication que les pays qui se développent rapidement tout en réduisant leur
pauvreté (le Ghana, l'Ouganda et du le Zimbabwe pendant cette période) ont connu une réduction
du niveau de retard de croissance, du moins dans les zones rurales.12 Ce qui est clair, c’est que la
malnutrition aussi bien que la pauvreté est plus prononcée dans les zones rurales des pays pour
lesquels des données existent.
(74) Bien sur, la situation est pire dans les pays en crise. L'ONU estime qu’environ 1% de la
population en Afrique, soit six millions de personnes, sont des réfugiés ou des déplacés. Dans les
pays tels que l'Angola, le Soudan, le Nord de l’Ouganda, la Sierra Léone, et le Congo non seulement
de nombreuses personnes ont été déplacées, mais aussi les capitaux ont été détruits et les moyens
d’existence ont été perturbes. En plus, une grande partie de l'Afrique est surjette à des sécheresses
périodiques et à d'autres catastrophes naturelles telles que les inondations. Mais la pauvreté est la
cause clef et tous les problèmes liés à la malnutrition, aux conflits, à la sécheresse et à la famine.
(75) Pauvreté et faim
(76) Dans le moyen et long terme, la réduction de la pauvreté demeure la seule solution au problème
de la faim en Afrique. Quand bien même la faim est causée par des facteurs tels qu’une mauvaise
santé, de mauvaises récoltes, un manque d'information sur la nutrition, des conflits, etc., presque tous
ces facteurs dérivent d’un problème central: la pauvreté. Les pauvres sont moins bien portant, moins
éduqués et plus vulnérables aux perturbations. Le fait que la pauvreté est le problème central dans
la réduction de la faim, et en fait, à toutes les dimensions du bien-être social, est clairement
documenté par la Banque Mondiale dans une série d’études sur la démographie et la santé (EDS)
financée par USAID. Le tableau III, qui présente les données sur le Kenya, est relativement typique.
12
Comme documenté par Tefft et al. dans une série d’études sur la nutrition au Mali, l’inconsistance des methodes
d’echantillonnage à travers les années a rendu de telles comparaisons difficiles. (Tefft, James, Christopher Penders,
Valerie Kelly, John M. Staatz, Mbaye Yade, and Victoria Wise. “Linkages Between Agricultural Growth and
Improved Child Nutrition in Mali.” MSU International Development Working Paper no. 79. East Lansing:
Michigan State University Departments of Agricultural Economics and Economics: 2000. at:
http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/papers/idwp79.pdf
12
(77) TABLEAU II: INDICATEURS NUTRITIONNELS POUR LES ENFANTS DANS
QUELQUES PAYS AFRICAINS13
Pays (années)
Première Année
AminRetard
cissement
de
Croissance
Seconde Année
Amincisse- Retard
ment
de
Croissance
Changement
AminRetard
cissement
de
Croissance
Zone Urbaine:
Ghana (1988, 1993)
Madagascar (1992,1997)
Mali (1987, 1995)
Sénégal (1986, 1992)
Tanzanie (1991, 1996)
Ouganda (1988, 1995)
Zambie (1992, 1996)
Zimbabwe (1988, 1994)
7,3
3,8
9,9
3,5
5,1
0,6
5,4
1,4
24,6
40,5
19,6
17,5
38
24,8
32,8
16
9,1
5,3
24,9
8,8
8,1
1,4
3,3
6,5
17
44,8
23,9
15,2
32,6
22,7
32,9
19
1,8
1,5
15
5,3
3
0,7
-2,1
5
-7,6
4,3
4,3
-2,3
-5,5
-2,1
0,1
3
8,5
6
12,3
7,1
6,4
2
5
1,1
31,4
50,6
26,2
26,5
45
45,2
46,5
34,3
13,1
8,3
24,4
13,4
7,3
3,2
4,9
5,6
32,3
49,5
36,2
32,7
46,1
40,7
48,9
25
4,6
2,3
12,2
6,3
0,9
1,3
-0,1
4,5
0,9
-1,1
10
6,3
1.2
-4.5
2.4
-9.3
Zone Rurale:
Ghana (1988, 1993)
Madagascar (1992,1997)
Mali (1987, 1995)
Sénégal (1986, 1992)
Tanzanie (1991, 1996)
Ouganda (1988, 1995)
Zambie (1992, 1996)
Zimbabwe (1988, 1994)
(78) Comme indiqué dans le tableau, pour presque tous les indicateurs, le quintile le plus riche a
des indicateurs qui sont de deux fois à trois fois meilleurs aux indicateurs du quintile le plus
pauvre. Ceci est vrai aussi bien pour les trois indicateurs de nutrition que pour les deux
indicateurs de la santé. Ce sont là des relations complexes et pas toujours linéaires, mais il est
évident que la relation entre la pauvreté et la nutrition, aussi bien que les relations entre la
pauvreté et l’état de santé, et la relation entre la pauvreté et la fertilité sont robustes. Ainsi, toute
solution à la famine doit être basée sur une réduction de la pauvreté.
13
Sahn, David E., Paul A. Dorash et Stephen Younger. 1999, “A Reply to De Maio, Stewart and van der Hoeven,”
World Development 27 (3) 471-75.
13
(79) TABLEAU III. PAUVRETÉ ET INDICATEURS DE BIEN-ETRE AU KENYA EN
1997
Indicateur
Consommation des Ménages (en quintiles)
Plus
Pauvre
Second
Milieu
Quatrième
Plus
Riche
Moyenne
Taux de mortalité
infantiles
95,8
82,9
58,5
61
40,2
70,7
Taux de mortalité
Infantiles (moins de 5 ans)
136,2
120.4
92,3
84,9
60,7
105,2
Enfant en retard de
croissance (%)
44,1
37,5
30,2
30,5
17,1
33
Enfant moyennement en
dessous du poids normal
31,6
26,7
20
17,1
10,3
22,1
(%)
Enfant largement en
dessous du poids normal
7,1
6,2
3,8
3,4
2,1
4,8
(%)
Faible IMC des mères
17,6
15,5
11,5
8,1
5,5
11,9
(%)*
Total Taux de Fertilité
6,5
5,6
4,7
4,2
2
4,7
* Indice de la masse corporelle (body mass index), un indice de l’état nutritionnel de l'adulte.
(80) LE PROBLÈME DE LA PAUVRETÉ
(81) La sévérité du problème de pauvreté en Afrique est indiquée dans le tableau IV.
(82) Le taux du nombre de personnes est défini comme le pourcentage de la population au-dessous
du seuil de la pauvreté. L'intervalle de pauvreté est égal à la distance entre le revenu moyen des
pauvres et le seuil de pauvreté, en pourcentage. En d'autres termes, un intervalle de pauvreté de 23%
signifie qu’une personne pauvre a un revenu moyen de 23% au-dessous du seuil de pauvreté.
(83) Le tableau illustre les faits suivants:
•
(84) La pauvreté est répandue en Afrique, avec peut-être la majorité de la population vivant
dans la pauvreté
•
(85) La pauvreté est plus courante et plus grave dans les zones rurales, mais elle est aussi
répandue dans les zones urbaines
•
(86) Même si le revenu national était mieux réparti, la plupart des gens ne seraient pas très
loin au-dessus du seuil de pauvreté.
14
(87) TABLEAU IV. PAUVRETÉ DANS 21 PAYS AFRICAINS PENDANT LES ANNÉES 9014
Indicateur
Taux du nombre de personnes (%)
Intervalle de pauvreté (%)
Intervalle de pauvreté au carré (%)
Dépense moyenne ($ / personne / année)
Seuil de pauvreté moyen ($/personne/année)
Rurale
Urbain
Total
56
23
13
409
325
43
16
8
959
558
52
22
12
551
(88) Plusieurs des changements, en particulier la libéralisation politique et économique, qui ont été
décrits dans la première partie de ce document, ont conduit à une certaine amélioration de la situation
de pauvreté. Par exemple, sur une période de cinq ans, le taux du nombre de personnes dans la
pauvreté a baissé de 25% en Ethiopie rurale, de 14% au Ghana, de 30% en Mauritanie et de 21% en
Ouganda. Dans chacun de ces pays, la croissance renouvelée a mené à une augmentation d’environ
11% de la consommation par personne. En revanche, dans trois pays (le Nigéria, la Zambie et le
Zimbabwe) où la consommation par personne a diminué de 6,5% en moyenne, le nombre de
personnes pauvres a augmenté de 53%, de 5% et de 26% respectivement.
(89) LA SOLUTION DE LA PAUVRETÉ ET DE LA FAIM
(90) Un certain nombre de chercheurs ont précisé que la stratégie la plus pertinente pour réduire la
pauvreté et favoriser la croissance économique est d’assurer un développement rapide du secteur
agricole.15 Premièrement, la majorité des pauvres vivent dans les zones rurales, ainsi la croissance
rapide de l'économie rurale est susceptible d'avoir le plus grand et le plus direct impact sur les
pauvres. Deuxièmement, les pauvres dépensent jusqu'à 80% de leurs revenus pour se nourrir; une
croissance rapide de l’agriculture est basée sur la productivité, et en conséquence des coûts moindres
de nourriture. La réduction des coûts des aliments augmente le niveau du revenu réel du pauvre, en
zone urbaine et rurale. Troisièmement, les coûts réduits des aliments permet à des travailleurs
d'améliorer leurs revenus sans augmenter leurs salaires, de ce fait permettant à l'économie d'être plus
compétitive sur le marché international. Finalement, une agriculture en croissance augmente le
revenu des agriculteurs, ce qui leur permet d'acheter des biens et des services. Des études ont prouvé
que des revenus générés à partir d’activités agricoles sont plus susceptibles à être dépensés sur des
14
15
Can Africa Claim the Twenty-First Century, The World Bank, p.90.
Voir pour example:
African Development Bank, Agriculture and Rural Development Sector Report, sur:
http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/africanhunger/agripolicy.pdf
Niama Nango Dembélé, “Sécurité Alimentaire en Afrique Sub-saharienne: Quelle Stratégie de
Réalisation?” mimeo, February, 2001.
http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/africanhunger/securitealimentaire.pdf
Timmer, C. Peter. 1998. “The Agricultural Transformation.” In Eicher, Carl, and John Staatz (eds.)
International Agricultural Development (third edition). Baltimore: Johns Hopkins University Press, and
Gem Argwings-Kodhek, T.S. Jayne, and Isaac Minde. 1999. African Perspectives on Progress and
Challenges in Agricultural Transformation. http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/polsyn/number47.pdf
15
biens et des services nationaux plutôt que sur des biens et des services importées.16 Ceci signifie que
les effets multiplicateurs des augmentations de revenus sur la production et l’emploi non-agricoles
sont plus grands que ceux de la croissance non-agricole sur la production et l’emploi non-agricoles.
(91) L’ACCÉLÉRATION DE LA CROISSANCE AGRICOLE COMME ENGIN D’UNE
CROISSANCE STRATÉGIQUE
(92) Quelles sont les caractéristiques saillantes de l’agriculture africaine?
(93) L'Afrique est un continent énorme (le schéma 1) avec une agro-écologie diverse. Par conséquent,
les généralisations sur l’agriculture en Afrique sub-saharienne induisent souvent à l’erreur. En fin de
compte, les recommandations doivent être adaptées à chaque pays et à chaque région agroécologique.17 Néanmoins, il y a certaines caractéristiques communes qui ressortent. Ce qui suit n'est
pas une liste exhaustive, mais plutôt une liste des caractéristiques clefs décrivant la structure de
l’agriculture et des système agro-alimentaires africains:
•
(94) La plus grande partie de l'agriculture africaine est pluviale (environ 4,1% des terres
arables sont sous irrigation), et est sujette à la variabilité substantielle des précipitations aussi
bien qu’aux sécheresses périodiques et graves.
•
(95) Malgré la contribution substantielle des fermes commerciales à grande échelle en
Afrique australe et au Kenya, la plus grande partie de l’agriculture africaine est caractérisée
par un mélange de petites exploitations couvrant une superficie de 0,5 à 5 hectares, avec des
intrants de capitaux limités, à l’exception d’outils manuels, de bétail, des arbres et des
charrues dans certaines zones;
•
(96) Dans la plupart des pays, les femmes sont fortement impliquées dans l'agriculture, faisant
souvent la majorité du travail et prenant parfois la plupart des décisions quotidiennes de la
gestion de l’exploitation agricole, surtout dans les zones où c’est courant de voir les hommes
émigrer pour aller travailler dans les mines ou s’engager à d'autres travaux non-agricoles.
Pourtant, contrairement aux hommes, les femmes ont généralement un accès plus limite au
crédit, aux services de vulgarisation, et à d'autres services de support agricoles.
•
(97) Dans l'ensemble, à l’exception des dix années de crise (1975-1985), l'agriculture
africaine a connu le même taux de croissance que la population, c’est à dire 3% par an au
cours de la période de 1960 à 1975, 1,8% par an entre 1975 et 1985, et 3% par an depuis ;
•
(98) Cependant, l'Afrique a perdu d’importantes portions, sinon la plupart des ses parts de
marchés pour ses produits d’exportation traditionnels;
•
(99) Une grande partie de l'augmentation de la production agricole a été le résultat de
l’expansion des surfaces cultivées, et de plus en plus les nouvelles surfaces mises en
production sont de moindre qualité;
16
Cf. Christopher L. Delgado, Jane Hopkins, Valerie Kelly et. al., “Agricultural Growth Linkages In Sub-Saharan
Africa,” International Food Policy Research Institute Research Report #107, December, 1998.
17
Moussa Batchily Ba, et al.1999. Workshop on Agriculture Transformation in Africa: Abidjan, Côte d’Ivoire,
September 26-29, 1995. MSU International Development Working Paper no 75. East Lansing: Dept. of
Agricultural Economics, Michigan State University. http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/papers/idwp75.pdf
16
Figure1:
Perspective sur la superficie de l’Afrique
17
•
(100) Cependant, l’exode rural continu (ce qui a causé dans certains pays une croissance de
la population urbaine de 5%) a signifié que l’augmentation de la production a dû
s’accompagner d'une augmentation de la productivité agricole;
•
(101) Les rendements de la production agricole sont bien au-dessous des normes mondiales,
malgré des gains importants en rendements à partir des années 80 résultant des
investissements dans la recherche agricole;
•
(102) Les coûts de commercialisation sont les plus élevés du monde, à cause des problèmes
politiques, des frais de transport élevés, et une faible densité de la population, ce qui
augmente les coûts unitaires de collecte et de distribution; ceci réduit la capacité
concurrentielle, l'emploi et les salaires réels;
•
(103) Des études récentes ont démontré qu’il y a une disparité plutôt large dans la répartition
de la terre parmi les petits agriculteurs, que ce soit dans la même localité ou pas; en
conséquence, 80% du surplus commercialisable dans beaucoup de pays est produit par 20%
de la population. En plus, beaucoup d’agriculteurs sont des acheteurs nets de produits de base,
et par conséquent, la réduction des coûts de commercialisation entre les zones rurales est
aussi importante que la réduction des coûts de commercialisation entre les zones rurales et
les zones urbaines. Il y a, donc, des nombres considérables de pauvres dans les zones où la
production est élevée; 18
•
(104) La plupart des petits agriculteurs ne sont pas auto-suffisants et dépendent du marché
pour une portion importante (jusqu'à 40%) de leur consommation alimentaire; ceci signifie
que la plupart des petits agriculteurs ont des sources de revenu en espèces – salaires, remise
de fonds et revenus obtenus de travaux non- agricoles;
•
(105) Le secteur des petits agriculteurs est ainsi divisé en deux groupes: 1) un sous-secteur
dynamique et capable d’investir dans des biens d’équipements et dans l’amélioration des
propriétés foncières, et d’acheter des intrants et d’adopter les nouvelles technologies, et 2)
un sous-secteur à capacité contrainte, avec une capacité limitée d'augmenter largement la
productivité. Les gens opérant dans le sous-secteur moins dynamique, contraints par une
propriété foncière et d'autres ressources très limitées, devront en fin de compte trouver la plus
grande partie de leur revenu dans des activités non-agricoles (y compris la vente de leur maind’oeuvre à d'autres agriculteurs). Mais de telles offres d'emploi ne se présenteront pas à moins
que les petits agriculteurs qui ont les ressources nécessaires pour augmenter la production
soient pourvus de capacité et de moyens d'augmenter la production et la productivité.
L’augmentation de productivité du groupe le plus dynamique créera des nouveaux emplois
(dans des activités agricoles et non-agricoles) pour ceux qui sont dans le sous-secteur moins
dynamique, et les salaires seront plus hauts. Ceci est une stratégie explicite pour favoriser des
liens dynamiques dans le secteur des petits agriculteurs.
•
(106) Le revenu croissant (et les revenus dans les pays africains sont en train d’augmenter,
quoique lentement) et l'urbanisation rapide ont augmenté la demande d'aliments de plus haute
valeur tels que la viande, les produits laitiers, l’huile, les aliments plus transformées, etc.;
•
(107) Il y a un large volume d’échanges inter-africains des produits agricoles, mais beaucoup
sinon la plupart de ces échanges ne sont pas enregistrés dans les statistiques officielles;
18
Entretien privé avec Michael Weber et Thomas Jayne. Voir aussi: T.S. Jayne. 2001. “Differential Access to
Land Among Smallholders in Africa: Implications for Poverty Reduction Strategies and Structural
Transformation.” MSU International Development Paper (draft) no 80. East Lansing: Dept. of Agricultural
Economics, Michigan State University.
18
•
(108) L'agriculture africaine possède une intensité du capital moindre par rapport à
l'agriculture dans les autres pays en voie de développement. Elle utilise aussi beaucoup moins
d'engrais.
(109) Le Tableau V résume la plupart de ces faits.
(110) Pourquoi le développement du système agro-alimentaire est si difficile en Afrique? Y a-t-il des
facteurs géographiques, climatiques, démographiques ou sociaux qui rendent la croissance agricole
en Afrique plus contraignante que dans les autres régions du monde? Il est évident qu'un certain
nombre de différences entre l'Afrique de l'Asie ont fait de la "révolution verte" une expérience moins
appropriée pour l'Afrique. Les facteurs suivants sont d'une importance particulière:19
•
(111) La tendance à la baisse des prix réels des exportations traditionnelles agricoles;
•
(112) Le sous-développement des infrastructures et des services en milieu rural entraînent une
augmentation du coût des échanges et, de surcroît, inhibent le développement des agroindustries dans les zones rurales;
•
(113) Une incidence élevée de maladies virales et celles transmises par des vecteurs (par
exemple, les moustiques), notamment le VIH/SIDA et le paludisme;
•
(114) La dégradation des ressources naturelles, y compris une déforestation substantielle et
une perte progressive de la fertilité des sols;
•
(115) Un système foncier compliqué souvent limitant la transférabilité du titre foncier et
parfois offrant une sécurité limitée en matière de tenure foncière;
•
(116) Des pertes post-récolte élevées;
•
(117) Une faible intermédiation financière en zone rurale;
•
(118) Une faible participation des bénéficiaires à la conception des projets de développement
et à la formulation des politiques agricoles;
•
(119) Une agriculture beaucoup plus différenciée, avec beaucoup plus de cultures et de zones
agro-écologiques que dans les régions asiatiques à monocultures de riz et de blé;
•
(120) Une population plus dispersée, augmentant le coût des échanges et des infrastructures;
•
(121) Une dépendance sur une agriculture pluviale, plutôt que sur une agriculture irriguée
connue dans la plupart des pays asiatiques;
•
(122) Une population rurale peu éduquée en comparaison avec l’Asie en début de sa
croissance accélérée;
(123) Tous ces facteurs rendent plus difficile tout effort d’amélioration de la productivité agricole,
et certainement réduisent la rentabilité de beaucoup d’investissements. Cela ne veut cependant pas
dire que les pays africains ne sont pas en mesure d’augmenter la production agricole à un taux annuel
19
Une grande partie de cette liste est basée sur un rapport de la Banque Africaine de Développment, intitulé
Agriculture and Rural -Development Sector Report, pp. 7-11.
19
de trois à cinq pour-cent, le taux nécessaire pour réduire rapidement la pauvreté. En effet, plusieurs
pays enregistrent actuellement ces taux élevés de croissance, mais la différence entre le taux réalisé
et le potentiel de croissance est encore très large.
(124) Malgré les facteurs sus-indiqués, les politiques économiques poursuivies par la plupart des pays
africains pendant la période d’après les indépendances constituent le plus important groupe de
facteurs inhibiteurs de l’agriculture africaine. Ces politiques ont été caractérisées par une instabilité
macro-économique, un biais vers le milieu urbain et des renversements de politique notoires. Pour
la plupart, les pays africains avaient imposé les producteurs ruraux tout en subventionnant les
consommateurs urbains. Cette tendance a été plus accentuée en Afrique occidentale qu’en Afrique
orientale et australe. Dans ces dernières régions, du moins là où les occupants européens
intervenaient dans l’agriculture, des mécanismes ont été mis sur pied pour protéger ces producteurs
contre la compétition étrangère, c’est-à-dire celle des producteurs africains et celle des importations.
Nombre de ces politiques ont continué dans la période post-indépendance, conduisant, par exemple,
aux taux élevés de taxes sur le maïs importé au Kenya. Les gouvernements africains avaient sousinvesti dans les milieux ruraux tandis qu’ils offraient des services, de façon disproportionnée aux
populations urbaines. Ces gouvernements avaient exercé des contrôles directs sur le marché des
produits agricoles; ils ont subventionné les intrants agricoles, et par conséquent l’accès aux intrants
est devenu très politisé. Par contre, ils ont sous-investi dans les institution-clés telles que les
institutions nationales de recherche agricole.
20
(125) TABLEAU V. LES INDICATEURS AGRICOLES POUR L’AFRIQUE, L’ASIE ET
L’AMÉRIQUE LATINE
Indicateurs
Afrique
Asie
Amérique
Latine
PIB agricole (milliards de dollars) 1997
Agriculture/PIB (pourcentage) 1995
Main-d’oeuvre agricole (pourcentage du total) 1995
Exportations agricoles (pourcentage du total) 1995
62,4
30
70
40
400,1
25
72
18
143,2
10
29
30
Indice de la production agricole (1961-64 =100)
1965-1969
1975-1979
1985-1989
1995-1998
113
135
166
221
115
154
230
338
115
153
200
253
Indice de la production agricole par tête (1961-64 = 100)
1965-1969
1975-1979
1985-1989
1995-1998
100
92
84
87
103
110
135
169
102
106
112
120
1.230
133
5,9
15
2.943
285
1,3
180
2.477
256
24,8
75
6,6
33,3
9,2
290
804
1.165
0,06
15
25
0,37
29
146
0,16
25
24
42
32
40
Rendements en céréales (kg par hectare), 1994
Production de céréales par tête (kg), 1993-1996
Terre agricole par exploitant (hectares), 1994
Utilisation d’engrais sur les terres arables (kg par hectare)
1993-1996
Terres irriguées en pourcentage des terres arables , 1994
Tracteurs/superficie de terre arable (Nombre par 1000
hectares), 1994
Densité du réseau routier (km de routes par kilomètre carré),
1995
Routes bitumées (pourcentage du total des routes), 1995
Densité de la population (habitants par kilomètre carré), 1995
Revenu non-agricole comme pourcentage du revenu rural
total
Source: Can Africa Claim the Twenty-First Century, La Banque Mondiale, 2000.
(126) Sous la pression de la communauté de donateurs, beaucoup de pays africains ont amorcé un
processus de réformes structurelles depuis la moitié des années 1980. Les déficits budgétaires ont été
réduits, les marchés de cours d’échange libéralisés, les subventions supprimées, le régime du
commerce rendu plus ouvert, le contrôle des prix abrogé, les entreprises d’état privatisées, les
marchés financiers libéralisés, et les offices nationaux de commerce des produits agricoles éliminés.
Ces changements sont intervenus au bout d’une longue période et sont à même d’être achevés. Au
cours des années récentes, on a assisté à un certain recul de ces reformes, particulièrement en Afrique
de l’Est et du Sud. Ceci est discuté en détail ci-après.
21
(127) UNE STRATÉGIE BASÉE SUR L’AGRICULTURE POUR RÉDUIRE LA FAIM
(128) L’argument dans ce document jusqu’ici peut se résumer comme suit: (1) le problème de la faim
résulte largement de la faiblesse des revenus; ainsi, toute stratégie pour une réduction substantielle
de la faim doit être basée sur la réduction de la pauvreté et l’augmentation des revenus des pauvres;
(2) la revitalisation de l’agriculture est centrale à tout effort allant dans ce sens; (3) l’agriculture
africaine a été stagnante dans le passé, principalement à cause des politiques gouvernementales
inadéquates, notamment le sous-investissement dans le secteur agricole; (4) la démocratisation et la
libéralisation économique constituent deux forces majeures pouvant offrir de nouvelles opportunités
pour redynamiser l’agriculture, mais à la seule condition que les pays de l’OCDE ouvrent leurs
marchés à plus de produits africains, en particulier les produits agricoles à grande valeur ajoutée; (5)
la compétition sur le marché international du vingt-et-unième siècle nécessite une toute nouvelle
approche aussi bien de la part des pays africains que de leurs partenaires du Nord, l’économie
internationale devenant de plus en plus complexe et exigeante en comparaison à ce qu’elle était il y
a dix ans. Le terrain est riche en opportunités, mais la tâche ne sera pas facile.
(129) Une agriculture renaissante, dans la plupart des pays, doit être orientée vers le marché et basée
sur la demande du marché. Les sources de l’augmentation de la demande incluent à la fois les
marchés nationaux et internationaux. Sur le plan national, satisfaire à telle demande nécessitera:
•
(130) L’augmentation de la production alimentaire pour les marchés ruraux et urbains (y
compris l’exploitation des opportunités de substituer des produits nationaux aux
importations quand et où ceci est économiquement faisable);
•
(131) L’augmentation de la demande intérieure pour les produits alimentaires de plus haute
valeur;
•
(132) L’augmentation de la valeur ajoutée par la transformation des produits agricoles.
(133) Le marché des produits alimentaires de base
(134) Le noeud de ce argument est simple. Augmenter la production des produits alimentaires de base
sans accroître la demande se traduira en une réduction des prix et en un changement peu significatif
du revenu des producteurs. La demande des produits alimentaires de base est inélastique par rapport
au revenu. Cependant, avec la persistance des taux élevés de croissance démographique et de
migration vers les villes, il est fort probable que la demande des aliments de base, même en absence
d’une croissance économique rapide, connaîtra une croissance annuelle de trois à quatre pour-cent.
La réduction des coûts de commercialisation, même sans augmentation de la productivité, pourrait
réduire le prix à la consommation et accroître ainsi un peu plus la demande. Toutefois, considérant
d’une part le ratio élevé entre les coûts de transport et la valeur de la plupart des produits alimentaires
de base, et d’autre part, les politiques alimentaires existantes des pays de l’OCDE, les débouchés
d’exportation des aliments de base seront certainement limités aux marchés régionaux. Un marché
performant de produits alimentaires de base, bien que nécessaire à la croissance agricole, ne peut
pourtant pas en constituer le moteur principal.
(135) Ceci n’altère aucunement le rôle critique que doit jouer la production alimentaire de base et par
conséquent, n’exclut pas la nécessité d’investir pour augmenter la productivité dans le secteur. Du
côté de la demande, il serait possible de substituer les produits nationaux aux importations à travers
le développement d’un système d’information plus crédible ainsi que des normes de qualité pour le
commerce régional. L’absence de telles informations et normes constitue des barrières non-tarifaires
aux échanges locaux, ce qui augmente le prix des biens agricoles produits dans la région par rapport
aux importations extra-africaines.
22
(136) Le marché des produits alimentaires de plus haute valeur
(137) Alors que les aliments de base ont une faible élasticité du revenu, les aliments de plus haute
valeur tels que les huiles de consommation, le poisson, la viande et les produits laitiers ont tous des
élasticités du revenu élevées. La dévaluation du franc CFA en 1994 a permis aux producteurs de
bétails sahéliens de reconquérir le marché côtier ouest-africain de viande, lequel était entre temps
perdu en faveur des importations de viande subventionnée en provenance de l’Europe occidentale.
Dans ce cas particulier et considérant les subventions que l’Union Européenne accorde à ses
producteurs de boeuf, il est peut-être souhaitable que les pays africains érigent des barrières tarifaires
contre le dumping pratiqué par des pays développés pour ainsi protéger les industries naissantes de
productions de viande et de produits laitiers.20 Ceci est particulièrement vrai, d’autant que ces tarifs
n’auront pas trop d’effets néfastes sur les pauvres, la majorité des consommateurs de ces produits
appartenant à une classe plus élevée de revenus. En outre, vue la distribution régionale de l’activité
économique, le renforcement du marché régional de boeuf et de produits laitiers en Afrique de
l’Ouest pourra occasionner une augmentation de revenus dans les régions sahéliennes les plus
pauvres.
(138) La transformation agro-industrielle
(139) Il est maintenant nettement clair que la perspective du développement agricole n’est pas limitée
uniquement aux exploitations, mais intègre également le système agro-alimentaire dans son
ensemble. “Les contraintes à la croissance durable et à la sécurité alimentaire se situent aussi bien
sur qu’en dehors des exploitations agricoles. Dans beaucoup de pays, plus de la moitié des dépenses
alimentaires des consommateurs proviennent des opérations post-récoltes et de l’achat des intrants.
L’amélioration de l’efficacité des systèmes de commercialisation des intrants et des produits, du
stockage et de la transformation est par conséquent très critique.”21 Les ménages urbains souvent
plus occupés sont de plus en plus en quête de produits alimentaires nécessitant un temps de cuisson
minimal et préservant la fraîcheur dans les milieux urbains. A défaut des sources intérieures d’offre,
la plupart de la demande de ces produits transformés est couverte par les importations. Ici aussi, le
développement des marchés régionaux créera l’échelle requise pour rendre rentable la transformation
agro-alimentaire à un niveau plus élevé.
(140) Les stratégies d’exportations
(141) Bien que les marchés intérieurs continueront d’être le plus important segment de la demande
globale des produits agricoles, ils auront tendance à être moins dynamiques que les marchés
extérieurs. Le marché international croît plus rapidement que l’économie mondiale, et encore plus
rapidement que le secteur non-agricole de beaucoup d’économies africaines. De plus, la plupart des
biens produits par les pays africains et destinés à l’exportation sont d’une valeur plus élevée que les
productions destinées à la consommation nationale. La transformation agricole en Afrique aura
besoin d’un cercle vertueux qui augmente les productions de plus haute valeur, qui à leur tour
augmentent les revenus agricoles, la demande des services non-agricoles, la demande des produits
alimentaires de base et la productivité dans la production alimentaire.
(142) En outre, l’orientation de la production vers le marché mondial présente d’autres avantages
importants. Par exemple :
20
Une pression de plus en plus accrue pourrait être exercée au sein de l’Union Européenne pour réinstaurer les
subventions à l’exportation sur la viande bovine à cause de l’accumulation de larges stock de viande non vendue à
la suite de la baisse sensible de la demande en Europe due à la maladie de la vache folle.
21
Howard et al., op. cit., p.2.
23
•
(143) La compétition sur le marché mondial est une tâche difficile qui nécessite des industries
robustes; cette compétition forcera les pays africains à réduire le coût de production et à
améliorer la productivité, augmentant ainsi la productivité totale des facteurs.
•
(144) La compétition dans la nouvelle économie mondiale accorde beaucoup de valeur au
savoir-faire en tant que facteur de production; une bonne partie de ce savoir peut relativement
être obtenue à bon prix, bien que certains éléments de ce paquet de connaissances peuvent
être coûteux.
•
(145) La compétition sur le marché international pourrait attirer des investissements privés
internationaux et de la technologie, d’autant plus que la demande extérieure est plus ou moins
indépendante des perturbations de l’économie nationale.
(146) L’expérience africaine en matière d’exportations agricoles
(147) La surévaluation des taux d’échanges, la taxation, et les sous-investissements ont affaibli le
secteur des exportations agricoles traditionnelles de l’Afrique (voir Tableau VI). Trois remarques
importantes ressortent de ce tableau:
1.
(148) A l’exception du thé, il y a eu une tendance à la baisse de la part africaine dans le
marché agricole mondial de tous ces produits.
2.
(149) Sur quatre des dix produits agricoles considérés, les exportations africaines en 1997
étaient moindres (en termes absolus) que celles de 1970.
3.
(150) A l’exception du tabac et des bananes, le commerce mondial de ces produits a connu
une croissance annuelle entre 2.2% et 0.8%. Il faut souligner que ces marchés des
exportations traditionnelles sont loin d’être le segment le plus dynamique des échanges
mondiaux. Cependant, ces produits demeurent importants pour l’Afrique et peuvent
représenter des opportunités pour le continent à condition que les pays maintiennent leur
compétitivité.
24
(151) TABLEAU VI: LA PART DES PRINCIPALES CULTURES D’EXPORTATION
AFRICAINES DANS LE COMMERCE MONDIAL
Cultures
Bananes
Cacao
Café
Fibres de coton
Arachides
Huile de palmes
Caoutchouc
Sucre
Thé
Tabac
Exportations mondiales
(000 tonnes)
1970
5.730
1.136
3.282
4.000
983
906
2.661
21.861
752
1.200
Exportations
africaines
(000 tonnes)
1997
14.512
2.061
5.074
5.677
1.218
12.297
4.668
37.883
1.352
5.733
1970
394
867
1.010
672
677
178
201
1.515
109
88
1997
429
1.403
808
869
61
156
292
1.386
313
289
Part de l’Afrique dans
le commerce mondial
(%)
1970
6,9
75,8
30,8
16,8
68,9
19,6
7,6
6,9
14,5
7,3
1997
3,0
67,9
15,9
15,3
5,0
1,3
6,3
3,7
23,2
5,0
Source: FAOSTAT
(152) D’un autre côté, certains pays africains ont réussi à exploiter les opportunités sur certains
marchés non-traditionnels (Tableau VII)
(153) Dans chacun de ces pays, les exportations non-traditionnelles (ENTs) ont connu une part
croissante des exportations totales et ont montré des signes de croissance ultra-rapide durant une
courte période de temps. Il existe quelques ENTs non-agricoles, mais la majorité est basée sur
l’agriculture.
(154) TABLEAU VII. EXPORTATIONS NON-TRADITIONNELLES DE QUELQUES PAYS
AFRICAINS
Pays
Cote d’Ivoire
Ghana
Madagascar
Iles Maurices
Mozambique
Sénégal
Ouganda
Zambie
Part des Exportations Totales
(pourcentage)
1994
13,5
9,7
64,1
67,2
5,6
11,5
5,6
14,7
1998
17,4
19,2
86,1
68,9
17,8
13,3
34,9
33
Croissance
Moyenne Annelle
(pourcentage)
1994-1998
16,4
35,5
11,9
2,9
50,3
9,3
101,5
16,5
(155) La stratégie africaine en matière d’exportations doit se reposer sur trois piliers principaux:
exportations traditionnelles, exportations non-traditionnelles et exportations régionales. Comme
indiqué ci-dessus, le prix des exportations traditionnelles ont connu une chute soutenue durant près
d’un demi-siècle. Néanmoins, l’Afrique dispose toujours d’un avantage comparatif dans les marchés
de beaucoup de ces produits agricoles. Aussi, l’intensification des exportations pourrait-elle accroître
25
les revenus (la productivité de la terre et de la main-d’oeuvre étant plus élevée pour les cultures
traditionnelles d’exportations que pour les cultures vivrières). De plus, la notion d’avantage
comparatif étant une notion dynamique, la perte de la part africaine dans les marchés agricoles tels
que ceux du café et de l’huile de palme, due entre autre au sous-investissement dans ces cultures,
n’est pas irrévocable. L’Afrique pourra reconquérir sa part du marché grâce à des
investissements judicieux. La plupart du temps, les coûts de production au champ des cultures
traditionnelles sont largement plus faibles en Afrique que dans les pays producteurs mondiaux, mais
cet avantage est souvent anéanti par des empêchements liés à la politique agricole et aux coûts élevés
de commercialisation.22
(156) Le commerce régional de produits agricoles est déjà relativement robuste, même si seulement
une infime partie des échanges apparaissent dans les statistiques officielles.23 Des études menées par
l’USAID en Afrique orientale et australe ont montré que des échanges transfrontaliers, la plupart en
produits agricoles, étaient plusieurs fois plus larges que les données reportées officiellement.24 Entre
1994-95 par exemple, les exportations agricoles non-enregistrées de l’Ouganda vers le Kenya
faisaient 60% du chiffre officiel des exportations agricoles totales. La nature informelle de ce
commerce découle en partie du désir à ne pas encourir des frais de douanes, mais dans une plus
grande mesure de la nécessité d’éviter des délais et des extorsions financières aux points de passage
de la frontière. Cette situation induit un accroissement des coûts, lequel résulte en une réduction de
revenus des paysans. Il n’est pas rare de voir des chargements en gros arrivés a la frontière, ensuite
redistribués en petites charges transportables soit par la tête ou par bicyclette, et rassemblés une fois
encore après le passage du point de contrôle. Cet exemple montre clairement que tout effort effectif
de réduction des barrières aux échanges intra-africains pourrait réduire les coûts d’échange,
conduisant ainsi à l’expansion du commerce, mais sans toutefois créer de nouveaux marchés qui
n’existaient pas au préalable. De précieux efforts doivent être déployés pour concevoir le
développement des espaces commerciaux sub-régionaux en Afrique, en particulier en ce qui concerne
le marché agricole.25
22
Patricia Kristjanson, Mark Newman, Cheryl Christiansen et Martin Abel, “Export Crop Competitiveness:
Strategies for Sub-Saharan Africa.” APAP #109; USAID #PN-ABG-776; Juillet 1990.
23
Comme exception, on peut citer les travaux de recherche portant sur les échanges régionaux en Afrique de
l’Ouest à la suite de la dévaluation du franc CFA. Cf. Yade, Mbaye, Anne Chohin-Kuper, Valerie Kelly, John
Staatz et James Tefft. 1999. “The Role of Regional Trade in Agricultural Transformation: the Case of West Africa
Following the Devaluation of the CFA Franc.” Document présenté à l’Atelier de
Tegemeo/ECAPAPA/MSU/USAID sur la Transformation Agricole, Nairobi, 27-30 Juin, 1999. MSU Agricultural
Economics Staff Paper no. 99-28, Juin 1999
<http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/ag_transformation/atw_yade.pdf> et James Tefft, Mbaye Yade, John Staatz et
al. Securite alimentaire et filières agricoles en Afrique de l’Ouest: Enjeux et perspectives quatre ans apres la
dévaluation du Franc CFA. Synthèses (portant sur les sous-secteurs de coton, de boeuf, d’horticulture et de
consommation). Bamako: Institut du Sahel, Novembre, 1998
(http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/sahel/index.htm)
24
Cf. "Unrecorded Cross-Border Trade Between Kenya and Uganda: Proceeding of a Workshop Held at the
Mayfair Hotel, Nairobi, Kenya, 6 Décembre, 1996". Juillet 1997. Chris Ackello-Ogutu et Protase Echessah. USAID
AFR/SD Technical Paper No. 58. http://www.afr-sd.org/publications/59trade.pdf
25
La littérature concernant l’efficacité des regroupements commerciaux régionaux est très féconde, traitant entre
autre des questions de création et de diversion des échanges commerciaux. Considérant le degré de subvention des
produits alimentaires au sein de l’OCDE, il est possible de justifier la création et l’accord d’une protection tarifaire
aux espaces régionaux en vue d’éliminer l’avantage de prix induit par ces subventions. Cependant, il y a aussi
beaucoup de teneur dans le contre-argument selon lequel les pays africains devrait accepter le financement de leurs
consommateurs par les contribuables occidentaux. L’importance des produits alimentaires dans le panier de
consommation des pauvres suggère une prise en compte de ces deux types d’arguments. L’argument anti-protection
pourrait être dominant si la main-d’oeuvre était mobile et si les paysans avaient d’autres opportunités. Mais la
26
(157) Néanmoins, le commerce régional peut servir de base, dans certains cas, à la conquête de
nouveaux marchés non-traditionnels. Le marché régional est souvent plus facile à conquérir que les
marchés en dehors d’Afrique et peut constituer un terrain d’apprentissage pour mieux se préparer à
la concurrence étrangère (en termes d’organisations de systèmes, de normalisation des qualités
etc…). Traditionnellement, dans l’économie de pre-mondialisation, le développement des industries
était basé d’abord sur la satisfaction de la demande intérieure, ensuite de la demande régionale et
finalement de la demande internationale. Ainsi, le savoir-faire dans le domaine de la production et
de la commercialisation s’est progressivement amélioré avec l’augmentation du niveau de
compétition. Cependant, avec des capitaux et des technologies internationaux plus mobiles, il est à
présent possible de produire directement pour le marché international sans nécessairement passer par
ces étapes intermédiaires.
(158) Les exportations agricoles non-traditionnelles devraient devenir le secteur le plus dynamique
de l’économie pour deux raisons: la nature de leur demande et l’importance du savoir-faire comme
facteur de production. Cette tendance est en train d’être observée, comme en témoigne le Tableau V
ci-dessus. Bien que ces taux de croissance apparaissaient surévalués, du fait que la base de calcul
considérée est faible, ils illustrent néanmoins l’existence de possibilités pour diversifier
substantiellement et dans un temps relativement court, la production destinée à l’exportation.
Toutefois, la percée dans des marchés non-traditionels exige de nouvelles aptitudes et une
sophistication plus aigue que celle requise pour être concurrentiel dans les marchés traditionels
d’exportations. Ces aptitudes seront aussi utiles pour ajouter de la valeur au marchés intérieurs et
pour être concurrentiel dans les marchés régionaux.
(159) COMPÉTITIVITÉ DANS LA NOUVELLE ÉCONOMIE MONDIALE
(160) L’agriculture africaine d’aujourd’hui est caractérisée par une faible intensité en intrants
modernes, un niveau bas d’investissements, la production de produits de basse valeur. Comment
passer de ce modèle à un modèle plus intensif en intrants modernes et d’investissements produisant
plus de produits de haute valeur. Il y a sept étapes nécessaires pour faire cette transformation.26
1.
(161) Changer le paradigme.
2.
(162) Continuer à reformer le rôle de l'état.
3.
(163) Développer un partenariat entre le secteur privé et le secteur public.
4.
(164) Investir dans la génération du savoir et de la technologie.
5.
(165) Investir dans l’infrastructure rurale.
6.
(166) Donner plus de pouvoir aux agriculteurs.
7.
(167) Développer des dispositions sophistiquées pour la commercialisation des produits,
l’application des contrats et le partage de risques.
main-d’oeuvre est relativement immobile, et les opportunités en milieu paysan sont très limitées à court-terme.
26
Une grande partie de cette discussion est tirée de Howard et al. Op. cit.
27
(168) Changer le paradigme
(169) Un proverbe dit:"Mon peuple périt à cause de son manque de vision."Ceci a été
particulièrement vrai pour l'Afrique, où, pour la plupart, la vision qui a motivé la plupart des
politiciens a été celle du court terme afin de maintenir le pouvoir. Jusqu'aux années récentes, dans
très peu de pays il y a eu un débat politique global, encore moins un consensus, sur la direction que
le pays devrait prendre. Il y a eu une capacité de prendre des positions vagues sur un futur idyllique,
mais peu de bonne volonté pour transformer ces positions en un plan d’actions ou en une stratégie
pertinente. Le manque d'une stratégie de transformation a signifié deux choses: (1) une concentration
sur le court terme par rapport au long terme et (2) un manque de débat sur l’idéologie dominante.
Maintes fois, les termes de l’aide ont renforcé cette vision sur le court terme en raison de la pression
sur les agences donatrices pour “placer des fonds” et “démontrer des résultats.” Pendant la guerre
froide, comme mentionné plus tôt, les États-Unis et l'Union Soviétique ont fourni de l'aide en grande
partie pour des buts stratégiques, souvent sans questionner les politiques économiques de leurs alliés
africains. En conséquence, soit les gouvernements ont développé des politiques et des programmes
dont le but était de maintenir leur base politique (et en Afrique ceci signifie utiliser souvent le
gouvernement comme instrument pour distribuer les faveurs économiques et politiques; ceci a nuit
à la bonne gouvernance) ou bien alors ils ont développé des politiques et des programmes basés sur
des paradigmes économiques et politiques totalement voués à l’échec.
(170) Pour la majeure partie de la période de l'indépendance, le paradigme qui prévalait en ce
moment, a été basé sur l’industrialisation pour substituer les produits nationaux aux importations, un
type d’industrialisation prôné par l’état. Les leaders de l’opinion africaine parlèrent de “se hisser au
sommet de l’économie” et ont été supportés dans ces efforts par beaucoup de donateurs. Les leaders
ont pensé que la modernisation et l'industrialisation étaient synonymes et que le seul moyen de
favoriser l'industrialisation était de protéger la base industrielle contre la concurrence étrangère. Par
ailleurs, ils se méfièrent des capitaux privés, dont une grande partie venait de l’étranger, sous forme
de grandes compagnies appartenant à l’ancienne puissance coloniale ou de petites compagnies gérées
par les minorités ethniques telles que les Sud-Asiatique en Afrique australe ou les Libanais en
Afrique de l’Ouest.
(171) Le nouveau paradigme de développement est l’inverse total de l’ancien. Il fait la promotion de
l’exportation aussi bien que de la substitution des produits nationaux aux importations, met l’accent
sur l'agriculture comme engin de la croissance plutôt que sur l'industrie tout juste, et il doit être basé
sur une croissance guidée par le secteur privé plutôt que le secteur public. En général, une grande
partie de l'Afrique a adopté ce modèle – le consensus de Washington. Mais ceci est un paradigme de
fin de vingtième de siècle. Ce n'est pas visionnaire, et ne reflète pas entièrement les changements
engendrés par la mondialisation. Un modèle de développement du vingt-et-unième siècle doit, de
façon dialectique, faire la synthèse entre l’ancien et le nouveau. Plus précisément, il doit être basé
sur un rôle de l’état qui est beaucoup moins grand que celui envisagé par le dirigisme, mais beaucoup
plus grand que celui envisagé par le consensus de Washington. D’égale importance, est le fait qu’un
modèle du vingt-et-unième siècle doit aller au delà des modèles traditionnels de l'avantage
comparatif. Il doit atteindre les modèles décrits par Michael Fairbanks comme des modèles de
“l'avantage concurrentiel”. Ces modèles envisagent que la capacité concurrentielle de l’économie
n’est pas aussi passive et sensible aux incitations de prix qu’elle ne l’est dans les modèles
traditionnels de l’avantage comparatif. Les nouveaux modèles exigent une recherche active
d’opportunités de marchés; dans ces modèles les sociétés privées et l’état coopèrent pour établir la
base institutionnelle nécessaire au renforcement de la capacité concurrentielle de l’économie.27 En
27
Voir Michael Fairbanks and Stace Lindsay, Plowing the Sea. Harvard Business School Press (Boston, Ma. 1997).
Pour une perspective africaine voir Yumkella, Roepstorff, Viranchianchi and Hawkins, “Globalization and
Structural Transformation in Sub-Saharan Africa,” presenté à l’atelier de travail sur la Transformation Agricole en
Afrique (Juin, 1999); http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/ag_transformation/atw_yumkella.pdf
28
plus, et encore plus important, le nouveau paradigme considère les opportunités régionales et
mondiales, comme n’étant plus basées sur les facteurs traditionnels de production tels que le sol et
la main d’oeuvre, mais basées plutôt sur le savoir et l'information.
(172) L'exemple suivant peut aider à décrire les différences entre les nouveaux
et les anciens paradigmes.
(173) L'Industrie de la floriculture en Ouganda. Le principal pays exportateur mondial des fleurs
possède peu de terre, une main d’oeuvre coûteuse et un mauvais climat. Ce que les Pays Bas
possèdent, c’est une expertise technique de première classe, la reconnaissance du marché, des coûts
de transport bas, un important investissement de capitaux, et une industrie large et diversifiée (9.350
pépinières fleurs et 1.900 exportateurs). Les Pays Bas produisent non seulement plus de fleurs, mais
aussi ils produisent des fleurs plus variées et de plus grande valeur, fournissant tous les ans de
nouvelles races de tulipes et de gladiolas. L'Ouganda, d’autre part, a un merveilleux climat, de la terre
en abondance et bon marché, une main d’oeuvre peu coûteuse, des coûts de transport élevés, une
reconnaissance de marchés limitée, et l'expertise technique rudimentaire. Il produit principalement
les roses, et est concurrentiel au niveau des prix plutôt qu’au niveau de la qualité. Les Pays Bas
exportent 2,8 milliards de dollars en fleurs, alors que l'Ouganda (avec seulement 17 cultivateurs)
exporte 25 millions de dollars en fleurs. (Le marché mondial des fleurs se chiffrent a environ 5
milliards de dollars, comparé au marché du café qui est de 14,0 milliards de dollars). Afin de
développer ses industries d'exportation agricoles non traditionnelles, l'Ouganda a dû radicalement
reformer ses politiques macro-économiques, reformer le monopole sur le fret aérien tenu auparavant
par sa ligne aérienne nationale, renforcer les établissements d'exportation, développer sa propre
industrie d’emballages, et établir des chambres froides près de l'aéroport d'Entebbe. Récemment,
l'Université de Makerere a développé un programme de diplômes en floriculture. L'Ouganda
comprend que si son industrie de fleurs doit prospérer, le pays doit commencer à développer les
qualifications et le savoir-faire qui permettront aux fleurs de l'Ouganda de devenir plus différenciées,
plus atraillantes et de plus grande valeur.
(174) Continuer à reformer le rôle de l'état.
(175) Les pays africains ont fait des progrès considérables en créant un environnement politique qui
est plus favorable à la croissance rapide. Comme mentionné ci-dessus, ceci est surtout vrai en termes
de politiques macro-économiques. Cependant, il y a eu une certaine rétrogression récente, et les pays
ont du mal à maintenir la discipline fiscale. Et dans la politique agricole il y a eu quelques
renversements considérables, en particulier en Afrique australe et de l’est. Quel régime de politique
faut-il pour favoriser le développement africain au vingt-et-unième siècle?
4.
(176) Stabilité macro-économique. L'Afrique aura besoin de niveaux croissants de
d'investissements privés aussi bien étrangers que nationaux (les niveaux actuels sont moins
que 10% du PIB). De tels investissements sont peu susceptibles de voir le jour, excepté dans
les industries extractives, avec les niveaux d'inflation élevés.
5.
(177). Stabilité des politiques. Mieux que d’avoir des politiques correctes, il faut les rendre
prévisibles. Le secteur privé peut s'adapter à de mauvaises politiques; mais pas aux politiques
qui changent à tout bout de champ. Les pays doivent développer une vision cohérente qui
présente leur cadre conceptuel de leurs politiques, aussi bien la direction générale de ces
politiques que les mécanismes par lesquels les politiques sont formulées.
6.
(178) Un rôle stratégique clairement esquissé pour le secteur public. Les gouvernements
doivent présenter les rôles qu'ils voient pour eux-mêmes dans les secteurs productifs-généralement ils ne devraient pas se mêler d’affaires n’ayant pas la nature des “biens
29
publics.” Plus précisément, les gouvernements devraient faciliter le bon fonctionnement des
marchés.
7.
(179) Laisser fonctionner les marchés. Les règlements du gouvernementaux sur les
marchés devraient être limités à la gestion de la salubrité et à la sûreté nationales, la
protection contre la fraude, et aux zones où il y a les pratiques monopolistiques qui pourraient
être nuisibles à l'économie. Les prix devraient être déterminés par le marché et les
subventions éliminées. Ce conseil politique doit s'appliquer aux pays de l’OCDE aussi bien
qu‘à leurs associés africains. Fréquemment, les pays de l’OCDE, y compris les États-Unis,
prêchent la libéralisation des marchés à leurs partenaires africains tandis que leurs propres
marchés pour les produits agricoles demeurent fortement protégés contre les importations de
l'Afrique.
8.
(180) Protéger la propriété et les contrats privés. L’un des rôles importants des
gouvernements est d'assurer que les contrats sont respectés; dans la plupart des pays de l’ASS,
le système judiciaire est incapable de garantir l'application des termes des contrats.
9.
(181) Ouvrir l'économie. La politique du gouvernement doit permettre l’élimination des
restrictions quantitatives et d'autres contraintes sur le commerce international, et l’emploi des
tarifs seulement pour augmenter les revenus et non pas pour la modification des
comportements économiques. Il ne devrait y avoir aucun système d’exemptions. Encore une
fois, ce conseil doit également s'appliquer aux pays de l'OCDE aussi bien qu’aux pays
africains.
10.
(182) Développer un système fiscal juste, prévisible et ayant un taux marginal bas.
11.
(183) Fournir un environnement plus propice à la formation d’organisations
professionnelles qui peuvent aider à fournir “des biens semi-publics.”
(184) Développer un partenariat entre le secteur privé et le secteur public.
(185) Cependant, il ne s’agit pas seulement de ce que les pays ne devraient pas faire, mais également
de ce qu'ils devraient faire. Ils doivent d'abord, comme l’a déjà dit un sous-gouverneur de la banque
centrale de la Malaisie “Considérer le secteur privé comme partenaire. Quand le secteur privé croît,
le secteur public en bénéficie aussi.” Le problème en Afrique c’est que la plupart des gouvernements
ne voient pas le secteur privé comme partenaire, mais plutôt comme concurrent. Les gouvernements
doivent évaluer leurs politiques, leurs stratégies et leurs programmes en se demandant comment ces
instruments du développement contribuent à la promotion d’une croissance capable de réduire de
façon considérable la pauvreté. Une telle croissance doit être guidée principalement par le secteur
privé.
(186) Voici, ci-dessous, un certain nombre d'exemples pour illustrer comment un tel partenariat
pourrait fonctionner.
(187) Recherche et vulgarisation agricoles. Un certain nombre d'études ont démontré que les
investissements dans la recherche agricole et la vulgarisation en Afrique ont des taux de rentabilité
économiques élevés.28 La recherche agricole africaine a généralement été le domaine du secteur
public, bien qu'il y ait eu un nombre d'exemples de recherche financée par le secteur privé, ou même
28
James F. Oehmke and Eric W. Crawford.1993. “The Impact of Agricultural Technology in Sub-Saharan Africa:
A Synthesis of Symposium Findings.” MSU International Development Paper no. 14. East Lansing: Dept. of
Agricultural Economics and Dept. of Economics, Michigan State University.
http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/papers/idp14.pdf
30
des établissements privés de recherches. La recherche privée est généralement concentrée sur la
reproduction des semences, surtout des produits de rente, alors que la recherche du secteur public
devrait être concentrée sur les systèmes de production, les pratiques agronomiques, le maintien de
l’environnement, etc., des domaines où les nouvelles découvertes scientifiques ne sont pas
incorporées dans un produit commercialisable. Dans cette définition nous inclurons également le
développement des variétés améliorées non-hybrides, où la conservation des semences par les
agriculteurs décourage l’investissement du secteur privé dans ses efforts de développement dans ce
domaine
(188) Présentement, une équipe d’experts des Systèmes Nationaux de Recherches Agricoles (SNRA)
en Afrique est en train d’élaborer une série de recommandations qui puissent guider les
restructurations nécessaires des Centres Internationaux de Recherches Agricoles. Ces
recommandations aideront les institutions a mieux répondre aussi bien aux besoins du secteur privé
qu’à ceux du secteur public, en développant de nouvelles technologies pour les produits alimentaires
et les produits de rente.29 L’on devrait payer une attention particulière aux résultats de ces
discussions afin de mieux guider les futurs investissements dans le développement de technologies
agricoles et alimentaires ainsi que les systèmes de vulgarisation et de distribution.
(189) Un rééquilibrage entre la recherche fondamentale et une recherche plus adaptative est
nécessaire dans beaucoup de pays. Seulement quelques uns parmi ces pays ont les ressources
nécessaires pour entreprendre la recherche fondamentale. La plupart sont obligés d'emprunter et
d’adapter les technologies existantes. Il y a également beaucoup de travail à faire pour développer
les protocoles fondamentaux de sécurité biologique avant que l'adoption de la biotechnologie puisse
se répandre. Il y a eu aussi trop peu travail effectué sur les activités post- récolte: le stockage, le
transport et la transformation. Il y a là une occasion particulière pour des partenariats entre les
secteurs privés et les secteurs publics, étant donné qu’il y a de grandes pertes post- récoltes des
produits traditionnels et de vastes opportunités pour les industries à valeur ajoutée dans l'agroéconomie. Ceci implique une certaine réorientation sérieuse de la manière dont les institutions de
recherche agricole travaillent puisque d’habitude ces institutions ont considéré les agriculteurs
comme leurs clients principaux, alors qu’elles ont souvent négligé des clients tels que les
commerçants, les transformateurs, ou les consommateurs.
(190) Quelle serait la nature d’un tel partenariat? Du côté de secteur public, ce partenariat va être
compose de prescriptions de politique générale concernant une stabilité globale, l’assouplissement
des règlements et l’ouverture du commerce, aussi bien que démarches plus positives vers la provision
d'éléments essentiels à l’infrastructure, de règlements phytosanitaires pertinents et d'un régime
d'impôts juste. Développer ces relations exige que le gouvernement entreprenne des discussions avec
des compagnies agro-industrielles potentiellement disposés à investir. Ces discussions devraient
porter sur les besoins de ces compagnies afin de les aider à investir de manière rentable et, tout en
excluant les privilèges spéciaux, répondre à ces besoins.
(191) Technologie de l'information. Les gouvernements africains et les donateurs doivent avoir une
perspective de visionnaire en ce qui concerne la technologie de l'information. Présentement,
beaucoup de gouvernements considère le système de l’internet et de la télécommunication comme
un monopole qu'ils devraient contrôler. Les gouvernements partout dans le monde s’inquiètent de la
libre circulation de l'information et essaient, avec de bonnes raisons ou pas, de réglementer et de
limiter la libre circulation des idées. Cependant, il est difficile d’imaginer la puissance d'un marché
libre d’idées même au début du vingt-et-unième siècle. Les gouvernements doivent comprendre que
les avantages de la réglementation et du contrôle doivent être comparés à la puissance d'un marché
29
Secrétariat du SPAAR. 1999. SPAAR/FARA Vision of African Agricultural Research and Development, op. cit. et
la prochaine séance pleniere de SPAAR/FARA qui se tiendra du 2 au 7 Avril à Addis Abeba, Ethiopie.
31
sans restriction les idées. Les gouvernements doivent privatiser les télécommunications, développer
une capacité de réglementation, éliminer les tarifs sur les ordinateurs et le matériel de
télécommunication (beaucoup de gouvernements ont traité les ordinateurs comme des biens de
consommation dans leurs barèmes tarifaires). Ils doivent aussi vendre des licences qui donnent droit
aux modulations de fréquence pour les téléphones cellulaires. L'information est le moteur de la
croissance économique, et les gouvernements visionnaires devraient tout faire pour réduire les coûts
et rendre l’information plus accessible. Les gouvernements devraient également développer des
stratégies, y compris les subventions bien ciblées, pour l'expansion de l'accès à la technologie de
l'information.
(192) Infrastructure de transport. Le transport est l’un des éléments moteurs d'une économie. Un
certain nombre de pays ont créé des partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour gérer
des fonds destinés à l’infrastructure routière, fonds obtenus grâce aux impôts sur le carburant et
d'autres redevances d’utilisation, afin d'assurer l'entretien et la réadaptation des routes importantes.
Les gouvernements doivent sous-traiter leurs besoins en matière de construction d’infrastructure
routière. Les éléments principaux de l'infrastructure de transport--en particulier les lignes aériennes,
ports et chemins de fer--devraient être privatisés ou remis à la gestion privée.
(193) Politique d'exportations. Ce n’est plus suffisant d’avoir éliminé les restrictions quantitatives,
libéralisé le régime de taux de change, et uniformisé et réduit les tarifs douaniers. Aujourd’hui, les
gouvernements et le secteur privé ont besoin de la capacité de négocier avec la pléthore
d'établissements internationaux et des réglementation engendrés par le système de l’OMC, et en
particulier ceux sur l'agriculture et sur les règlements phytosanitaires. Ils doivent avoir la capacité de
défendre leurs intérêts de manière efficace au niveau de l’OMC. Ils doivent avoir la capacité de
prendre l'information sur les opportunités que les accords de l’OMC offrent et développer des
stratégies d'exportation basées sur ces opportunités. Ils doivent collaborer avec le secteur privé pour
fournir l'aide crucial dont ce secteur a besoin pour pénétrer les marchés. Etant donné les petites tailles
de ces économies et le personnel technique disponible limité, le développement de ce type
d'information de manière efficace exige une coopération régionale.
(194) Politique de biotechnologie. Les pays africains doivent avoir une politique avangardiste de la
biotechnologie. Les progrès dans la biotechnologie offre d’énormes avantages pour l’augmentation
des rendements, la réduction des dégâts dus aux ennemis de culture, la protection de l'environnement
et l’amélioration de la valeur nutritive de beaucoup de produits agricoles. Afin d’utiliser les variétés
génétiquement modifiées à bon escient, les gouvernements ont besoin de (1) développer la capacité
de faciliter la mise en place de protocoles de sécurité biologique (2) développer et renforcer les lois,
les systèmes d'information et la formation en biotechnologie. Il y a également un besoin d’entamer
un grand débat sur les coûts et les avantages de la biotechnologie.
(195) Investir dans le savoir et dans la technologie ainsi générée.
(196) La nouvelle économie mondiale est une économie basée sur l’information. Ceci est a la foi
évident et subtil. L'économie du savoir est plus que les microprocesseurs d’ordinateurs et l'internet.
C'est, d'une manière fondamentale, l'utilisation de la connaissance du produit et du marché afin de
produire des biens de grande valeur pour des marchés spécifiques. Pour revenir à l’exemple des
fleurs; le succès sur le marché mondiale dépend des connaissances techniques (telles que le
développement de type de fleurs de qualité qui sont transportables sur de longues distances); la
connaissance des réseaux de commercialisation ( que veulent les consommateurs en Allemagne cette
année?), et la connaissance de techniques d’organisation (comment faire parvenir à Amsterdam ce
soir des fleurs récoltées aujourd'hui)? Clairement, la première étape pour établir une économie basée
sur le savoir est de développer le talent humain nécessaire pour contrôler la production basée sur la
technologie, le langage et les symboles. Renforcer les capacités de recherches en Afrique, surtout
32
dans le domaine de la recherche agricole qui a un caractère de bien public, sera très stratégique pour
aider les agriculteurs à profiter des opportunités émergeant dans les marchés nationaux et mondiaux.
(197) Les pays africains et les donateurs doivent faire de l’investissement dans l'éducation leur plus
grande priorité à long terme, et avec cette priorité en vue mettre l’accent plutôt sur la qualité que sur
la quantité. Les décennies passées ont vu l'érosion de la qualité à tous les niveaux des systèmes
d'éducation en Afrique, et en particulier dans les universités. Il faut remettre l’accent sur la
mathématique, la science et la technologie avec un engagement à connecter les universités et les
écoles à l'internet. Le développement de partenariats entre le secteur public et le secteur privé, pour
financer des centres de technologie est crucial à l’accomplissement d’un succès.
(198) La réforme du système éducatif sera aussi difficile que les autres réformes structurelles. Dans
la plupart des pays, l'option de limiter l'accès afin de maintenir ou d’améliorer la qualité n'est pas
politiquement viable. C’est peut être possible d'utiliser la technologie moderne de l'information,
surtout la radio, comme mécanisme pour améliorer l’information pédagogique fournie dans les salles
de classe. La participation des parents, les normes objectives de performance, et plus de
décentralisation de la responsabilité et de l'autorité peuvent mener à une plus grande prise de
conscience des responsabilité au niveau des écoles.
(199) La reforme des universités, surtout au niveau de l'autofinancement par les étudiants, est un
cauchemar politique, quand on sait que, politiquement parlant, les étudiants sont parmi les groupes
les plus actifs de la population. Pourtant, le niveau élevé de la subvention des étudiants, sans aucun
moyen de les tester, a conduit au transfert inutile d’une grande proportion du budget de l’état allouée
à l’éducation vers le secteur universitaire. Ceci a également entraîné une baisse des ressources
disponibles pour augmenter la qualité de l’éducation dans son ensemble. L’infrastructure se détériore,
le corps enseignant n’est pas suffisant payé, les livres et les journaux sont indisponibles. Néanmoins,
il y a espoir. L'Université de Makerere en Ouganda a démontré que des programmes de réforme
soigneusement structurés sont possibles, et que beaucoup d'étudiants sont disposés à payer pour
s’offrir une éducation de qualité. D'ailleurs, le déclin des universités publiques a crée l'espace, dans
beaucoup de pays, pour l'éclosion d'universités privées et d'autres établissements d’éducation au
niveau tertiaire.
(200) Le renforcement des systèmes de recherche agricole, surtout concentrés sur la recherche
adaptative, reste un défi important. Avec l’appui de l'USAID et d'autres donateurs dans les années
80, beaucoup de pays africains ont amélioré de façon très significative, le fonctionnement de leurs
systèmes. Malheureusement, avec les réductions du budget national et de celui des donateurs dans
les années 90, beaucoup des systèmes ont perdu du personnel qualifié et sont restes à cours de
budgets de fonctionnement. Les réseaux régionaux de recherches à travers les pays aident à se faire
des économies d'échelle qui permettent à différents pays de se concentrer sur des produits agricoles
différents et de diffuser ensuite les résultats dans la région. Mais les réseaux régionaux sont des
compléments et non des substituts aux systèmes nationaux de la recherche qui fonctionnent bien.
Sans un dévouement renouvelé au renforcement des systèmes de recherche agricole de en Afrique,
il sera peu probable d’atteindre la croissance de productivité requise pour stimuler une
développement économique à base élargie.
(201) Investir dans l'infrastructure rurale
(202) Pendant trop d’années, les gouvernements africains et les agences d’aide ont sous-investi dans
l'infrastructure rurale (voir le tableau VIII). Bien qu'il soit difficile de fournir des données prècises,
“dans la plupart des pays africains le secteur [agricole] reçoit moins de dix pour cent (dépenses
récurrentes et investissement) des dépenses publiques mais compte pour 30 à 80 pour cent de la
33
production nationale brute.”30 Même lorsque l'investissement dans l'infrastructure rurale, en
particulier les routes, est ajouté au total, la proportion des dépences publiques allouées à l'économie
rurale est beaucoup moins que ce qu’indique son importance vis- a -vis de l'économie. Une stratégie
basée sur l'agriculture pour combattre la faim doit augmenter la provision de fonds publics dans les
zones rurales.
(203) Routes. Les frais de commercialisation en Afrique sont les plus élevés du monde. C'est en
partie à cause des conditions géographiques. Bloom et Sachs ont identifié un certain nombre de
caractéristiques géographiques (basses densités de populations, dont une grande proportion vie très
loin de la mer, un petit littoral comparé à la surface totale, la barrière du Sahara) qui rendent le
transport cher.31 Mais cela est également dû à la mauvaise politique, y compris une incapacité notoire
d’assurer l’entretien des routes. Pour la plupart des Africains vivant dans des zones rurales, les
bonnes routes sont vitales à l’accès aux marchés, aux instituts de santé et à d'autres services
importants. La mauvaise infrastructure routière qui prévaut dans les zones rurales réduit les prix au
producteur et, par conséquent, les salaires agricoles. Ceci est un secteur important qui a besoin d’une
attention spéciale.
30
Can Africa Claim the Twenty-First Century, op. cit., p.189
31
Bloom, David E. and Jeffrey D. Sachs, “Geography, Demography and Economic Growth in Africa,” Brookings
Papers on Economic Activity 2.
34
(204) TABLEAU VIII. INDICATEURS D'INFRASTRUCTURE PAR RÉGION.
Groupe de
Pays/Région
Consommatio
n d’énergie
électrique
(kw-heures)
Lignes
téléphonique
s par 1.000
personnes
Routes
bitumées (%
du nombres
total des
routes)
Coût de 3
minutes
d’appel aux
US
Population
ayant accès a
l’eau potable
(%)
1996
1997
1997
1997
1995
Revenu bas
et moyen
851
60
30
6,22
75
Asie de l’Est
et Pacific
624
50
10
5,60
77
Europe et
Asie Centrale
2.788
204
83
4,33
___
Amérique
Latine et
Caraïbes
1.347
110
26
4,42
75
Moyen
Orient et
Afrique du
Nord
1.166
75
50
6,02
___
Asie du Sud
313
18
41
___
81
Afrique Subsaharienne
439
16
16
8,11
47
Afrique Subsaharienne
(sans
l’Afrique du
Sud)
146
10
___
___
46
Source : La Banque Mondiale. Can Africa Claim the 21st Century?
(205) L'eau. Dans beaucoup de pays d'Afrique les femmes fournissent la majeure partie de la main
d’oeuvre dans le secteur agricole. Mais les femmes doivent également préparer les repas, s'occuper
des enfants, trouver le bois de chauffage et transporter l'eau. Des résultats d’enquêtes au Burkina
Faso, en Ouganda et en Zambie ont montré que les femmes africaines déplacent, en moyenne, 26
tonne-kilomètres par an, comparé à 7 tonne-kilomètres pour les hommes.32 Si l’amélioration des
routes poura réduire le temps passé à transporter des produits agricoles et le bois de chauffage,
améliorer l’approvisionnement en eau aura aussi beaucoup plus d'avantages pour les femmes,
notamment le temps libre ainsi acquis pour s’engager dans des activités agricoles. Encore plus, ces
investissements donnent aussi plus de temps libre aux jeunes filles, leur permettant ainsi d’aller à
l'école.
32
Voir Can Africa Claim the Twenty-First Century, p.140.
35
(206) Irrigation. De toutes les régions du monde, l’Afrique a le niveau le plus bas d'irrigation.
D'ailleurs, la rentabilité de l'irrigation a été basse, dans la plupart des cas, due en grande partie à la
mauvaise politique gouvernementale. Néanmoins, il y a des opportunités considérables pour
l'irrigation à petite échelle (qui n'exige pas la gestion publique), surtout pour les cultures de plus haute
valeur. Une fois de plus, la contrainte principale est le manque de ressources.
(207) Électrification. Une économie rurale vibrante a besoin des marchés-villes (marchés de gros
dans des villes secondaires), des villes dont la population achète les produits alimentaires, transforme
les produits agricoles et vend les biens de consommation et les intrants agricoles. L'électrification
de ces villes permettra aux petites industries de se développer. Ce sont les synergies entre
l'agriculture et les activités non-agricoles qui mènent à la croissance rapide et à la la réduction de la
pauvreté. Dans beaucoup de pays, il y a un besoin d'ouvrir les marchés de l’électricité à une plus
grande concurrence, puisque la mauvaise performance des monopoles nationaux ont ralenti les
progrès de l'électrification.
(208) Donner plus de pouvoir aux agriculteurs
(209) Comme mentionné ci-dessus, l’un des changements les plus prometteurs en Afrique, a été le
progrès vers les régimes démocratiques et loin des régimes autoritaires. L’un des aspects importants
de ce changement a été l’augmentation de l’autorité de groupes non-gouvernementaux ou de la
«société civile». Cette évolution a plusieurs facettes :
•
(210) L’élargissement de l’espace pour des décisions individuelles
•
(211) L’augmentation de l’influence des populations sur les décisions du secteur public
•
(212) Le développement des actions collectives
(213) L’élargissement de l’espace pour des décisions individuelles. Ce domaine concernant
l’attribution de plus d’autorité aux populations a vu le jour, en grande partie, parce que le secteur
public a réduit son contrôle direct sur l’économie. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de
la commercialisation où, étant donné les propositions discutées plus haut, le monopole du secteur
public sur la commercialisation des produits a été réduit, sinon complètement éliminé. Cependant,
l’incertitude concernant la réglementation a fait que le secteur prive ne s’est pas toujours empressé
de combler le vide causé par l’abolition des monopoles publics.
(214) L’augmentation de l’influence des populations sur les décisions du secteur public. Ce
développement a deux formes: macro et micro. Au niveau macro, les agriculteurs rassemblés dans
des associations ont le potentiel d’influencer les politiques du gouvernement. Cela reste à vérifier de
manière systématique dans la plupart des pays. Alors que la démocratie a signifié que les partis
politiques doivent se battre pour obtenir les votes, les débats politiques dans la plupart des pays
africains n’ont pas toujours porté sur les différences entre les politiques économiques proposées par
les différents partis. Ainsi donc les agriculteurs ont besoin d’utiliser des mécanismes autres que les
élections pour influencer les politiques publiques. De plus en plus, l’aide des donateurs fournie aux
associations des producteurs afin de les amener à mieux comprendre les implications des politiques
économiques, et à formuler des doléances et les présenter aux dirigeants politiques, sera un
mécanisme important pour réorganiser les priorités publiques.
(215) Le développement des actions collectives. Il ya eu peut-être plus de progrès au niveau micro,
où les gouvernements et leurs partenaires donateurs essaient de donner une plus grande influence aux
bénéficiaires des investissements publiques sur les choix des projets, la conceptualisation et leur
exécution. Ceci est le résultat du fait que la plupart des gens croient que les projets réussissent mieux
avec la participation active des premiers bénéficiaires. Avec la décentralisation accrue d'une part, et
36
la réduction des capacités du gouvernement national de l'autre, l'espace pour la commande locale a
augmenté de deux manières: 1) grâce à l'influence accrue des agriculteurs sur les programmes de
gouvernement, et 2) grâce à la prise de conscience de la part des groupes locaux et privés, de la
nécessité de prendre en charge les services et les fonctions autrefois pourvus par le gouvernement.
(216) C’est ce dernier processus, l’action collective accrue des groupes d’agriculteurs pour gérer leur
propre futur, qui offre l'espoir d’une transformation agricole. Dans le passé, les coopératives en
Afrique étaient contrôlées par l’état. C'est seulement au cours de ces dernières années qu’ont apparu
des groupements de coopératives véritablement indépendants et d'autres organisations d’agriculteurs.
En se regroupant, les producteurs ont non seulement la possibilité d'exercer une plus grande influence
sur la politique publique, mais aussi chaque membre bénéficie de l’efficacité collective du groupe-l’achat d’intrants, obtention de crédits et de produits agricoles. L’échec des systèmes de
commercialisation gouvernementaux a laissé un vide, et les organisations de producteurs commencent
à combler ce vide, se chargeant eux-même d’entreprendre des négociations avec les banques et les
sociétés agro-industrielles. Ceci est un développement très salutaire.
(217) Donner plus de pouvoir aux commerçants et aux transformateurs, en particulier ceux qui
opèrent à petite ou moyenne échelle, grâce à la création de groupes professionnels peut également
avoir des effets salutaires. Si les règles régissant de tels groupes sont soigneusement conçues pour
éviter toute collision, les actions collectives de la part de groupes de commerçants et de
transformateurs peut aider à imposer le respect des contrats, à développer les normes de qualité, à
faciliter l'investissement collectif dans l'infrastructure, et à promouvoir le commerce régional à travers
l'amélioration de l'information du marché et la création de pression politique pour réduire les
obstacles non-tarifaires aux échanges commerciaux.
(218) Développer des dispositions sophistiquées pour la commercialisation des produits,
l’application des contrats et le partage de risques
(219) Il a été démontré que la libéralisation des marchés agricoles ne mène nécessairement pas à des
augmentations considérables de la production ou de la productivité en Afrique.33 Les institutions de
marché dans la plupart des pays africains sont en général caractérisées par:
•
(220) Les types d’échanges impliquant des coûts de transactions élevés.
•
(221) La dépendance sur relations personnalisées pour faire du commerce.
•
(222) Une structure de production agricole de semi-subsistance.
•
(223) Des risques de commerce élevés et une coordination inefficace qui réduisent l'incitation
à investir dans une technologie qui permet l’augmentation de la productivité.
•
(224) La mise en application incertaine des droits de propriété.
•
(225) Une coordination ou une intégration verticale limitée entre la distribution des intrants,
la finance agricole, et la vente des produits.
•
(226) Une information limitée sur les marchés.
33
Cette partie est basée en grande partie sur l’article écrit par Jayne, et. al, “Improving the Impact of Market
Reform on Agricultural Productivity in Africa: How Institutional Design Makes a Difference,” MSU International
Development Working paper no. 66, 1997. http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/papers/idwp66.pdf
37
•
(227) Limitations des normes de qualité de produits.
•
(228) Les contraintes du transport.
•
(229) Les contraintes institutionnelles qui constituent un obstacle à la liaison entre les
agriculteurs Africains et les marchés extérieurs.
•
(230) Le compromis entre la libéralisation du marché et les besoins du gouvernement à
mobiliser les ressources fiscales.
•
(231) Une méfiance des commerçants du gouvernement et vice-versa.
(232) La plupart de ces problèmes résultent de la structure des marchés des pays africains. Cette
structure est caractérisée par la production semi-commerciale des produits alimentaires, par des coûts
de transaction élevés, et par un haut degré d'incertitude en ce qui concerne les politiques du
gouvernement. Le commercialisation est caractérisée par les coûts élevés et de faibles
investissements à cause d’économies d’échelle limitées, des marchés financiers faibles, et le
commerce effectué en grande partie par les entrepreneurs traditionnels. Dans le secteur de
l’exportation, les institutions sont plus développées, ou bien à cause du rôle historique des sociétés
d’état, ou parce que la nature du commerce lui même exige des marchés plus sophistiqués.
(233) Comment sortir du piège que constitue l’équilibre à bas niveau de l’économie, où les niveaux
faibles de l’articulation du marché provient en grande partie des niveaux faibles du revenu et de la
commercialisation? Il y a quelques domaines où les actions du gouvernement peuvent améliorer les
choses; en particulier des politiques agricoles plus consistantes et stables, des investissements pour
améliorer l’information du marché, des investissements dans l’infrastructure qui réduisent les coûts
de transactions, et des améliorations dans l’application des règles de la loi. En plus, toute action qui
mène à l’augmentation de la taille du marché grâce à l’intégration régionale sera également utile.
(234) CONCLUSIONS
(235) Pour récapituler l'argument fait ci-dessus : la réduction de la faim ne peut être accompli qu’à
travers une réduction de la pauvreté. Une telle réduction de la pauvreté dépend d’une croissance
économique rapide générée principalement par le secteur agro-alimentaire. Une telle croissance peut
mieux se produire si l’on profite des nouvelles opportunités offertes par un marché international en
développement rapide, en cherchant de nouveaux marchés d'exportation de produits agricoles de plus
haute valeur. Cependant, réussir dans ces marchés sera difficile et exige un nombre de changements
radicaux. Les pays ont besoin de développer une nouvelle vision du développement qui met le
programme de diversification économique au centre de leurs stratégies. Deuxièmement, les pays
doivent reformer de manière radicale leurs politiques économiques afin d’encourager le
développement d’une économie globale guidée par le secteur privé. Troisièmement, les
gouvernements doivent développer des partenariat actifs avec le secteur privé afin de développer de
nouveaux mécanismes institutionnels pour résoudre un certain nombre questions épineuses.
Quatrièmement, les gouvernements et les donateurs étrangers doivent investir dans la production du
savoir de manière plus intensive et plus efficace que d’habitude. Cinquièmement, les gouvernements
et les donateurs doivent investir fortement dans les infrastructures rurales, notamment les routes,
l’eau, les télécommunications, l’électricité et l’'irrigation. Sixièmement, les gouvernements et les
donateurs doivent donner plus de pouvoir aux producteurs ruraux afin qu’ils trouvent des solutions
à leurs propres problèmes grâce à des actions collectives. Et finalement, les gouvernements doivent
travailler ensemble avec le secteur privé pour développer des institutions de marchés plus
sophistiquées et hautement articulées. En conclusion, l’approche ainsi recommandée ne prône pas
38
un retrait de l’état mais plutôt une redéfinition du rôle de l’état. Ce qui signifierait que l’état va jouer
un rôle clef mais différent dans la stimulation d’un développement orienté par les systèmes de
marché.
(236) Ce document a discuté de la question de savoir ce qui est à faire plutôt que de comment le faire.
Il y a trois questions importantes concernant “comment faire” qui n'ont pas été traitées. Tandis que
le document n’offre aucune réponse à ces questions, il est important au moins de les discuter plus
amplement.
(237) La mobilisation des ressources
(238) Dans beaucoup de cas, la présente stratégie ne dépend pas essentiellement de nouveaux flux
énormes de ressources, mais plutôt d’une restructuration radicale de leur utilisation. Toutefois, la
croissance rapide exige des niveaux plus élevés d’investissement et d’épargne contrairement à la
situation actuelle dans les pays africains. Aujourd’hui, l’Afrique investit 17% de son produit intérieur
brut (PIB), le niveau le plus bas de toutes les régions comprenant des pays en voie de développement.
De ces 17% du PIB, 15% proviennent des épargnes nationales (également le niveau le plus bas de
toutes les régions comprenant des pays en voie de développement), alors que 2% viennent de sources
étrangères. D’où peuvent venir les nouvelles épargnes en Afrique?
(239) La source la plus importante c’est le population elle-même. Le problème crucial dans ce cas-ci,
c’est le gouvernement qui doit être capable de prélever assez d’impôts pour se procurer de revenus
nécessaires pour garantir à la population un niveau minimum de biens publics, sans pour autant
empêcher les flux d’investissements privés dans l’économie.34 Les gouvernements africains sont
habitués à faire face à des déficits budgétaires se chiffrant aux environs de 6.5% du PIB, 4% de ce
montant étant finance par les donateurs et 2.5% provenant d’emprunts nationaux. Quand bien même
il y a un manqué de données sur l’investissement public, il est peu probable que la valeur des
investissements publics soient plus de 6.5% du PIB; ce qui veut dire que le gouvernement emprunte
plus qu’il n’investit.
(240) Ceci signifie que le secteur privé doit fournir entre 20 et 25% du PIB en termes d’épargnes et
d’investissements pour stimuler le type de croissance dont l’économie a besoin pour permettre une
réduction rapide de la faim. Atteindre une telle mobilisation d’épargnes n’est pas du tout impossible,
même s’il faut un certain temps pour y parvenir. Les taux nationales d’épargnes sont autour de 20%
dans la plupart des pays en voie de développement (en Asie de l’Est , ils s’élèvent a un taux
incroyable de 37%). Ouvrir l’économie à des nouvelles opportunités d’investissement engendrera
de nouvelles épargnes et de nouveaux flux d’investissement. Les Africains gardent d’importants
capitaux à l’étranger à cause de l’instabilité politique et économique dans leurs pays. En outre,
pendant les périodes où les conditions économiques sont devenues favorables dans certains pays, la
situation s’est renversée. Par ailleurs, la nouvelle époque de la globalisation signifie que de bonnes
opportunités d’investissement vont attirer d’importants montants provenant de la finance
internationale privée.
(241) Mais le problème est plutôt la qualité des investissements que la quantité de ces
investissements. En grande partie, cela veut dire une réduction de la part du secteur public et une
34
Mais si le gouvernement peut se procurer 16% du PIB en utilisant des moyens efficaces pour percevoir les
impôts, et si les donateurs y ajoutaient 4%, alors il serait possible de couvrir les dépenses publiques nécessaires (en
pourcentage du PIB-5% pour l’éducation, 2% pour la santé, 6% pour l’infrastructure et l’agriculture, et le reste pour
l’administration générale, la défense et la sécurité intérieure) sans emprunter. De ces 20%, le ratio dépenses de
fonctionnement/compte de capital devrait être probablement dans l’ordre de trois a un, 15% pour les dépenses de
fonctionnement et 5% pour l’investissement. Ceci permettrait le gouvernement a épargner au lieu d’emprunter.
39
augmentation de la part du secteur privé. Mais cela signifie également une nette amélioration de la
qualité des dépenses publiques. Ceci va être discute plus loin dans la section du document concernant
la gouvernance. Mais un peu d’arithmétique ne fera pas de mal. Arithmétiquement, la croissance est
égale l’investissement multiplié par l’efficacité du-dit investissement (généralement, dénotée par le
ratio capital/production). Dans une économie où 20% du PIB sont investis et où le ratio
capital/production est égal à 4, le taux de croissance va être de 5% par an. Pour 1% d’augmentation
du taux d’investissement ou 1% d’amélioration du ratio capital/production, le taux de croissance va
augmenter de 1%. Cependant, les améliorations du ratio capital/production dues à la dérégulation,
à l’amélioration de la qualité de la dépense publique, etc..pourrait également améliorer l’efficacité
du capital déjà investi, augmenter le taux de rentabilité prive, et encourager plus d’investissement.
Par conséquent, l’amélioration de l’efficacité, toutes choses égales d’ailleurs, produit des effets plus
globaux que l’augmentation de la quantité des investissements.
(242) C’est aussi le cas pour l’aide venant des donateurs. Cette aide a été non seulement fournie à tort
aux pays auxquels il ne fallait pas, mais elle était aussi destinée aux secteurs mal indiqués. Pour que
l’Afrique réalise une réduction de la faim, il faut que les donateurs puisse redresser le biais de la
dernière décennie au cours de laquelle l’économie rurale et les investissements publics dans
l’infrastructure rurale furent abandonnés. Etant donné la diminution des ressources des donateurs, ces
derniers doivent devenir plus stratégique. Malheureusement, de plus en plus, les donateurs se laissent
entraîner par de petites circonscriptions électorales qui cherchent une solution magique, et qui perdent
de vue le tableau général de la situation. A moins d’un retournement de situation, l’Afrique ne recevra
pas toute l’aide dont elle a besoin pour éviter d’autres décennies faites d’échecs de politiques de
développement.
(243) Un mot sur la dette. Il est estimé que la dette internationale des pays africains s’élèvent à
environ 230 milliards de dollars, et que ces pays paient 14,1 milliards de dollars pour servir ces
dettes, soit 22 dollars par personne. Il y a eu beaucoup de débats publics sur cette dette, toujours est-il
que le service de la dette actuelle de l’Afrique, en termes de proportion du PIB ou des exportations,
est le plus bas dans le monde. D’ailleurs ce service de la dette est mis en balance par une aide
étrangère de 28 milliards de dollars, qui même en termes nets, est plus élevée que l’aide reçue par
toute autre région en termes d’aide par personne (44 dollars), de proportion du produit national brut
(PNB) (41%) et de proportion de l’investissement national brut (22,3%). Ces chiffres sont encore plus
grands quand on exclut le Nigéria et l’Afrique du Sud, qui tous reçoivent peu d’aide.35 Bien qu’il n’y
a pas de compromis entre l’allégement de la dette et la réduction de l’aide étrangère, il est important
de reconnaître l’ampleur de ces flux nets, même si l’on est confronte à un important service de la
dette.
(244) Capacité humaine à l’époque du SIDA
(245) Il n’y a aucun doute que la pandémie du SIDA a le potentiel d’augmenter considérablement la
pauvreté et la faim et de réduire la capacité d’accélération de la croissance économique des pays où
l’incidence de ce fléau est moyenne ou élevée. Au niveau macro-économique, le SIDA réduira
grièvement la quantité de main-d'oeuvre qualifiée, soit par la mort ou la morbidité et contribuera ainsi
à la réduction des épargnes privées. Bien qu’il soit difficile d’évaluer quantitativement les effets-ci,
plusieurs études estiment que le taux de la croissance économique globale aurait diminué de 1 à 2%
et le taux de croissance par personne de 0,3 à 1%.36 Réduire la faim de manière considérable d’ici
2015 exige des taux de croissance par personne de 4 à 5% par an et un taux de croissance globale de
35
Pour l’ASS sans le Nigéria et l’Afrique du Sud, l’aide officielle au développement nette est de 13,4 milliards de
dollars US, soit 27 dollars US par personne. Cette somme représente7,6% du PIB ou 38,5% de l’investissement
national brut.
36
Voir Lori Bollinger and John Stover, “The Economic Impact of AIDS,” (The Futures Group, 1999).
40
7 à 8%. Par conséquent, l’effet du SIDA implique qu’il sera nécessaire d’augmenter le taux de
croissance économique d’au moins un tiers au dessus du taux nécessaire pour assurer la réduction de
la faim en l’absence du SIDA.
(246) Au niveau de ménages, les conséquences peuvent être graves. Les ménages pauvres ont une
petite marge de manoeuvre quant à l’épargne et au revenu. Une maladie causée par le SIDA mène
à l’augmentation du temps consacré à s’occuper de la personne atteinte, à la perte de la main d’oeuvre
provenant du membre de la famille infecté, à l’augmentation des dépenses allouées aux soins
médicaux et aux funérailles. Le résultat final est une réduction nette de la consommation. Par
exemple, en Côte d’Ivoire, la consommation moyenne a chuté de 44% au cours de l’année après la
mort ou l’absence du membre de la famille infecté du SIDA. Encore plus, l’effet du SIDA sur le
ménage est un effet à long terme parce que les familles perdent les membres les plus actifs et les plus
productifs, et les enfants sont obligés d’abandonner l’école soit parce que ils sont devenus orphelins
soit pour compenser la perte de main d’oeuvre. En plus, les personnes âgées perdent ainsi tout
support.
(247) Tout ceci mène à la chute de la production agricole. Au Zimbabwe, par exemple, il a été estime
que la mort due au SIDA d’un chef de famille réduit la production agricole au niveau de
l’exploitation de 61% pour le maïs et de 47% pour le coton. En Tanzanie, un ménage dont un membre
est malade du SIDA perd entre 29 à 43% de sa main d’oeuvre.
(248) Alors, que peut-on faire? Ce document n’a pas la prétention de proposer une stratégie pour
combattre le SIDA. Néanmoins, des succès dans le combat contre le SIDA ont été enregistres tant
en Afrique que dans les pays en voie de développement en général. Il faut donc le plus haut niveau
d’engagement, et une approche globale qui évalue l’effet de toute activité de développement sur la
pandémie d’un côté et l’effet de la pandémie sur l’activité de l’autre. Toutefois, ceci ne veut pas dire
que tout projet de développement devrait envisager un volet sur le VIH/SIDA, car des structures
parallèles peuvent naître, menant ainsi à une duplication d’efforts, sans jamais atteindre une masse
critique. Mieux vaut peut-être concentrer les ressources sur un programme national du SIDA plus
systématique. Par exemple, à cause du SIDA c’est important de se concentrer sur des technologies
qui allègent le travail, telles que celles permettant de réduire la dépendance sur les méthodes
naturelles de fertilisation qui sont intensives en main d’oeuvre pour adopter une plus large utilisation
d’engrais chimiques, et le développement de meilleurs outils manuels tels que les motoculteurs, et
l’investissement accru dans l’infrastructure qui allège le travail telle que les tuyaux de canalisation,
des moyens de transport à roues, etc.
(249) Gouvernance
(250) La mauvaise gouvernance qui a prévalu en Afrique depuis l’indépendance (Tableau XI) a été
et reste la cause la plus durable des niveaux élevés de la faim dans la région. Comme le démontre le
Tableau XI, de toutes les régions du monde, les états africains présentent les pires des dossiers
concernant la gouvernance, avec 50% dans les plus bas quintiles, et seulement 13% dans les plus
hauts. Une question importante se pose: quelle est la cause de cette mauvaise gouvernance? Est-il
simplement question de mauvaise direction à la tête des pays? Les racines de cette mauvaise
gouvernance remontent-elle de l’expérience coloniale de l’Afrique? Il y a-t-il des aspects culturels
en jeu? Question de géographie?
(251) Bon nombre d’études ont été faites sur les pays appelés les “états faibles” selon la littérature.
Ces études suggèrent que les problèmes confrontés par l’Afrique sont organiques de nature, par
conséquent gravés dans leur histoire et leur géographie, et dans certains cas leur culture. La plupart
des pays africains sont composés de différents groupes ethniques, et le travail politique central auquel
ils sont confrontés est de bâtir une identité nationale ou au moins une majorité politique stable. Les
premières tentatives de nationalisme, issues du combat contre le colonialisme , étaient centrées autour
41
du “grand homme.” Ces héros--N’krumah, Kenyatta, Nyerere--étaient des hommes d’envergure
internationale. Pour beaucoup d’entre eux “l’état, c’est moi,” était une réalité, et leurs portraits
étaient affichés partout--tant sur les billets de banque nationaux que sur les murs de tout édifice
public.
(252) TABLEAU IX.: DISTRIBUTION DE LA BONNE GOUVERNANCE
Pays
Groupe/Region:
Asie de l’Est
Afrique
Moyen Orient
& Afrique du
Nord
Asie du Sud &
du Sus-Est
Europe et
Asie Centrale
OECD
Amérique
Latine &
Caraïbes
La plus
élevée
8,6
2,9
Gouvernance Quintiles
(% du Quintile)
2nd plus
Centre
2nd plus
élevée
basse
2,9
2,9
2,9
14,3
38,2
32,4
La plus
basse
0
42,9
Echantillon
3,4
25,9
0
25,7
11,8
5,9
14,3
10,9
0
14,3
8,8
1,.6
14,3
10,9
14,3
17,1
14,7
20,6
22,9
19,5
65,7
5,7
0
0
0
14,4
8,6
20
23,5
20,6
5,7
14,9
Source D. Kaufmann, A. Kraay, and P. Zoido-Lobaton, "Aggregating Governance Indicators"
(1999), World Bank Working Paper #2195 . Voir ce document pour les informations concernant la définition de
l'indicateur de la bonne gouvernance utlisée ici. (http//www.worldbank.org/research/growth/corrupt_data.htm)
(253) Beaucoup de ces dirigeants étaient des révolutionnaires imprégnés de la pensée socialiste,
combattant le pouvoir économique investi dans les compagnies multinationales. Leur philosophie
économique prônait l’industrialisation grâce à la substitution des produits nationaux aux importations,
et ils considéraient l’état comme instrument de la transformation. L’état devint aussi l’instrument
utilise pour se maintenir au pouvoir, et le favoritisme était plus important que le pouvoir coercitif de
l’état. Cette utilisation de l’état était loin d’être tout juste un phénomène africain, mais accouplé du
traditionnel réseau d’obligations envers amis et parents, l’appareil étatique devint vite politisé, et la
bureaucratie fut souvent deprofessionnalisé.
(254) Ainsi, les états africains étaient caractérisés par l’identification de leur dirigeant et son parti
avec l’état-nation lui-même, la tension ethnique, le manque d’une vision nationale cohérente,
l’utilisation de l’état pour distribuer des faveurs politiques, l’expansion du rôle de l’état au-delà de
sa capacité administrative, et l’érosion du professionnalisme de la fonction publique. Sans une
tradition où les institutions forcent tout individu à répondre de ses actes, les politiciens comme les
bureaucrates prirent l’habitude d’utiliser leur pouvoir pour s’enrichir.
(255) Au fil du temps, les promesses et les espoirs de l’auto-détermination ont commencé à dissiper,
et l’incapacité du système politique à transformer l’économie était devenu plus évident. Les
gouvernements, pour répondre aux échecs de leurs programmes de développement, devinrent plus
coercitifs et perdirent toute légitimité. Les militaires s’étaient interposés, et chaque génération
successive, des généraux aux colonels et aux sergents, avait considéré les coups d’état comme
moyens d’obtenir le pouvoir et la richesse. Les tensions étaient exaspérées et ont donné lieu souvent
à des guerres civiles. La crise du pétrole en 1974, et surtout celle de 1979, avait alors exposé la
42
faiblesse économique de ces sociétés et les avait enfoncées dans un chaos économique, mais pas
avant qu’elles aient emprunter et gaspiller des milliards de petro-dollars.
(256) L’ajustement structurel et la libéralisation politique ont suivi. Mais les nouveaux systèmes
économiques et politiques sont encore confrontés aux mêmes problèmes. Comment construire une
nation-état à partir de tant de groupes ethniques? Comment faire du gouvernement un instrument
efficace capable d’offrir d’importants services économiques et sociaux? Comment distribuer
équitablement les bénéfices du système politique? Comment passer de la fidélité au parti et à
l’individu à la fidélité à l'état et au gouvernement? Comment développer des institutions telle qu’une
presse libre et responsable? Comment réduire la taille du gouvernement afin qu’il soit moins
dispersé? Comment passer d’un système de réglementation par les hommes à un système d’état de
droit?
(257) Trop peu de progrès ont été accomplis dans le combat contre la faim au cours d’une grande
partie de la période de 40 ans qui suivit l’indépendance. Les Africains sont encore confrontés aux
mêmes problèmes mais cette fois-ci dans un environnement beaucoup plus difficile: les ressources
naturelles sont réduites, les populations croissent rapidement, les taux d’urbanisation sont élevés, et
le spectre du SIDA est répandu. La stratégie présentée dans ce document ne fonctionnera qu’à moins
que ces problèmes dus à la politique et à la mauvaise gouvernance soient résolus.
(258) Alors, la question suivante se pose: cette stratégie est-elle réalisable? Pas partout, et peut-être,
pas dans la plupart des pays africains en ce moment. Il est probablement nécessaire de commencer
un travail à une grande échelle avec quelques pays africains qui remplissent déjà certaines des
conditions préalables au succès d’une telle stratégie– l’Ouganda, le Mali, le Mozambique, le Ghana,
le Nigéria, probablement le Kenya et le Ethiopie, et le plus important, l’Afrique du Sud. Dans
d’autres pays, peut-être que quelques parties seulement de tout l’agenda stratégique présenté ici
peuvent être mise en application. Mais ce développement à des degrés divers peut constituer une
opportunité d’apprentissage et de partage d’expériences pour les pays africains.
(259) VERS UNE RÉPONSE DES ETATS-UNIS
(260) Les efforts américains doivent être orientes vers des actions permettant de stimuler les
économies africaines, de réduire la pauvreté, et d’aider les pauvres à se nourrir eux-mêmes. Les EtatsUnis doivent prêter leur assistance aux nations africaines pour améliorer la performance de
l’agriculture et du système agro-alimentaire. Aucun pays n'a pu réduire la pauvreté de manière
substantielle et stimuler la transformation économique sans auparavant, accroître considérablement
la productivité de son système agro-alimentaire. Ce genre de mise au point ne pourra qu’aider à éviter
les crises futures et générer les ressources internes de l’Afrique pour s’attaquer aux préoccupations
humanitaires telles que l’amélioration de la santé, l’alimentation et l’éducation.
(261) Le développement implique beaucoup plus que la croissance économique. Cela implique
l’amélioration du bien-être et la mise à la disposition de tout individu, les opportunités lui permettant
d’atteindre tout son potentiel. Il est particulièrement important de répondre aux besoins de ceux qui
ont bénéficié beaucoup moins du système actuel, notamment les femmes et les enfants. Mais sans une
croissance économique à base élargie, les pays africains manqueront de ressources nécessaires pour
financer leurs systèmes médicaux, leurs écoles, et les programmes de protection des pauvres. Les
opportunités d’emploi pour les pauvres, surtout les femmes dans les micro-entreprises, disparaîtront
à cause du manque de pouvoir d’achat parmi la masse de la population pour les produits de ces petites
entreprises. En plus, l’environnement naturel souffrira, étant donne que la population exploitera
n’importe quelle ressource pour assurer sa survie quotidienne.
43
(262) Une croissance économique à base élargie résultant des améliorations du secteur agroalimentaire peut contribuer considérablement à ces priorités de développement sus-citées et à d'autres
priorités de développement importantes. L'utilisation de techniques rentables pour promouvoir la
survie de l'enfant, telles que les vaccinations et la thérapie de réhydration orale, ne peut être soutenue
à long terme que dans une économie de plus en plus croissante pour aider au financement de ces
services et si les familles ont le revenu nécessaire pour se les offrir. De programmes meilleurs
d’éducation (particulièrement pour des filles) et d’alimentation exigent que la croissance économique
locale soit soutenable. La protection de l'environnement sera rehaussée parce que la croissance de la
productivité agricole réduit les pressions qui poussent à l’expansion des exploitations agricoles
jusqu’aux terres fragiles et augmente le cloisonnement de carbone dans une biomasse plus luxuriante.
Les engrais chimiques, substitués en partie à des intrants organiques qui nécessitent l’emploi de
beaucoup de main- d’oeuvre, peuvent permettre à des ménages dont les soutiens principaux ont été
tues ou handicapés par le SIDA, à continuer à produire une partie de leur propre nourriture. La
stabilité politique sera rehaussée par une augmentation des opportunités d'emploi favorable à une
main-d'oeuvre naissante et par des prix plus stables des produits de base.
(263) Éléments de la nouvelle stratégie américaine. (Ces éléments seront développés encore plus
dans les semaines à venir selon les réactions et commentaires de dirigeants et d’organisations clefs
en Afrique et aux USA).
(264) L'aide des Etats-Unis pour la réduction de la faim en Afrique devrait se baser sur l'expertise
distincte des Etats-Unis. Il n'y a pas de solution miracle. La croissance économique en Afrique exige
des efforts soutenus sur une période 15 à 20 ans. Des progrès tangibles à moyen terme peuvent être
accomplis en aidant les nations africaines à:
(265) Développer des programmes et des politiques qui renforcent la capacité des agriculteurs, des
entreprises commerciales et des marchés afin qu’ils soient concurrentiels dans l'économie globale.
Les pays africains ont besoin de continuer à ouvrir leurs économies au secteur privé et à rendre le
processus de leur politique de gouvernement plus transparent. Ils ont besoin d'aide pour le
renforcement de leur capacité nationale et locale d'analyse et de formulation des programmes et des
politiques qui mettront en valeur les partenariats entre secteurs publics et privés et stimuleront une
croissance à base élargie. Relevant d’une importance particulière seront l’augmentation de la
production agricole et l’avènement des produits africains à un niveau plus compétitif sur le plan
international. L'urbanisation rapide et la croissance du commerce international et régional vont offrir
des opportunités aux agriculteurs mais aussi mettre la pression sur les systèmes de commercialisation
existants. La revalorisation des infrastructures de transport est nécessaire, mais tout effort de
revalorisation doit être entrepris dans le cadre d’une assistance multi-latérale.
(266) Renforcer l'éducation et la formation dans les zones rurales, et solidifier les institutions
publiques. L'éducation est particulièrement essentielle pour le progrès économique et l’amélioration
de la qualité de la vie dans les zones rurales. Les femmes, en particulier, ont besoin d'un niveau
d’alphabétisation amélioré, d’une meilleure éducation pour leurs carrières et de qualifications de base
pour améliorer la santé et l’alimentation de leurs familles. Les économies africaines sont limitées par
le déclin du nombre de scientifiques, d’éducateurs et de spécialistes en vulgarisation et le manque
d'institutions de formation. Les principales victimes de la vision à court terme de l’USAID sont les
programmes tels que la formation à long terme et le renforcement des institutions. Ces programmes
ont connu un déclin, en particulier dans le secteur agricole. La formation et le développement des
institutions ont constitué la contribution majeure des Etats-Unis au développement économique de
l'Asie et de l'Amérique latine dans les années 50 et 60. Le progrès de beaucoup de pays africains dans
les années 90 était dû en partie aux contributions des scientifiques et des analystes de politiques
formés des années plus tôt aux Etats-Unis. Les nouvelles technologies de l'information offrent de plus
44
grandes opportunités pour une formation moins coûteuse et le développement d’institutions, grâce
à des partenariats liant les Etats-Unis et les universités africaines se spécialisant dans l'agriculture,
la biotechnologie, et l'analyse des politiques.
(267) Développer la recherche agricole et les programmes de vulgarisation pour exploiter les
technologies existantes et nouvelles, telles que la biotechnologie et les technologies de
l’information, pour promouvoir de nouveaux liens avec les entreprises commerciales et pour éviter
les dommages à l’environnement. La recherche agricole et alimentaire en Afrique est limitée, malgré
les réformes substantielles entreprises récemment. Les programmes de recherche et de vulgarisation
doivent répondre aux besoins des agriculteurs et aux demandes du marché. La biotechnologie offre
des opportunités spéciales pour augmenter les rendements, raffiner les culture pour des conditions
locales, et réduire les dommages à l’environnement. Une fois qu’une technologie agricole est
développée, elle doit être acheminée vers les agriculteurs, les commençants, et les transformateurs.
Une plus grande utilisation des partenariats entre secteurs publics et privés, les bourses de recherche
allouées sur une base compétitive, et des liens avec la communauté de recherches agricoles des EtatsUnis constituent des moyens pour mieux développer et diffuser les nouvelles connaissances ayant une
importance capitale. Les nouvelles technologies de l'information offrent des opportunités spéciales
d'étendre ces collaborations.
(268) Améliorer la gouvernance rurale. Beaucoup de pays africains sont en train de décentraliser
les services, créant ainsi des unités locales de gouvernement et une société civile vibrante. Dans les
zones rurales où la plupart des Africains vivent, ces changements permettent une plus grande
initiative locale de la part des organisations d’agriculteurs, des conseils d’administration de
l’éducation et de la santé, et des gouvernements de communes rurales et de municipalités. Les EtatsUnis grâce à ses longues expériences sur le fédéralisme et des services de vulgarisation, sont bien
équipés pour aider les Africains à améliorer ces organisations locales.
(269) Etablir des liens entre les programmes d’aide alimentaire d’urgence et les programmes de
développement à long terme. Les urgences humanitaires demeureront. Ces dernières années, le
gouvernement des Etats-Unis a accompli des progrès considérables en incorporant ses opérations
d’aide d’urgence dans ses perspectives de développement à plus long terme. Ce genre de vision doit
continuer de guider ces actions.
(270) Coordonner les programmes alimentaires et agricoles avec les programmes d’actions de
combat contre le SIDA. La tragédie grandissante du SIDA pose un défi énorme. La FAO perdit que
qu’au moins un quart d'ouvriers agricoles disparaîtront d’ici l’an 2020 dans les neuf pays (tous en
Afrique australe et orientale) le plus touchés par le SIDA. Les technologies agricoles doivent être
développées en tenant compte des besoins particuliers de ces économies rurales qui sont gravement
limitées. L'agriculture et l’alimentation peuvent largement contribuer à la lutte contre le SIDA qui
se propage rapidement dans des zones rurales. Par exemple, les agents de vulgarisation peuvent
donner des conseils sur la santé et la nutrition, et les systèmes agricoles de distribution peuvent
distribuer des préservatifs.
(271) Plus que jamais l’Afrique est à la croisée des chemins. Mais ceci peut être la dernière grande
chance accordée à l'Afrique. Il y a d’énormes opportunités mais aussi d’énormes obstacles. Le succès
pourrait signifier non seulement une réduction substantielle de la faim dans quinze années, mais aussi
le commencement d'un cercle vertueux qui pourrait engendrer la réduction de la pauvreté, de la
maladie et de la guerre sur une base élargie et continue. Ceci est une chance que nous devons saisir.
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