STRATÉGIE POUR LA RÉDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE
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STRATÉGIE POUR LA RÉDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE
STRATÉGIE POUR LA RÉDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE Commandé par: Le Comité Technique du Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique Rédigé par Jerome M. Wolgin* Version du 26 Mars, 2001 Introduction par le Comité Technique du Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique Ce document est un diagnostic préliminaire des défis à relever par les pays en Afrique subsaharienne dans leurs efforts pour réduire de façon considérable la faim et la pauvreté dans la région. Le document suggère des actions stratégiques à prendre au niveau des Etats-Unis afin d’aider les Africains dans cette tentative. Ce document a été commandé par le Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique afin de s’en servir comme instrument de synthèse des leçons retenues d’études précédentes, la plupart desquelles avait été réalisée par les Africains eux-mêmes. Le deuxième objectif est de solliciter les réactions des individus et des organisations tant africaines qu’américaines concernant le dit diagnostic et les plans d’action proposés. Leurs commentaires seront cruciaux pour l’élaboration d'un rapport final que le Partenariat soumettra à d’importants décideurs de politiques, aux ONGs et aux acteurs économiques lors d’une conférence programmé à Washington fin juin, 2001. Nous demandons à tous les lecteurs de ce document de nous fournir leurs commentaires concernant: a. b. c. d. Quelle parties du document leur conviennent; Quelle parties du document ne leur conviennent pas et pourquoi; Les lacunes importantes du document; Les suggestions quant aux actions à prendre par: i. le gouvernement américain ii. le secteur privé américain iii. les organisations non-gouvernementales et les fondations américaines pour aider les Africains à réduire la faim et la pauvreté sur le continent. Nous apprécierons également vos commentaires concernant les actions à ne pas prendre par les agences et les organisations américaines. Chaque paragraphe du texte a été numéroté afin que le lecteur puisse adjoindre son commentaire à un paragraphe spécifié. Nous vous prions d’assigner à chacun de vos commentaires spécifiques le numéro du paragraphe commenté. Prière d’envoyer vos commentaires au comité technique du partenariat à l’adresse suivante: e-mail: [email protected] fax: 1-517- 353-1888 adresse postale: Le Comité Technique du Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique s/c Institute of International Agriculture 324 Agriculture Hall Michigan State University East Lansing, MI 48824-1039 USA Nous vous remercions d’avance. * L’auteur est un analyste de cadre supérieur du développement africain, qui a travaillé au Bureau pour l’Afrique de l’USAID pendant 20 ans. Il est présentement économiste principal dans le groupe du partenariat à la Banque Mondiale. Il lui a été demande d’écrire ce document pendant sa mise en disponibilité de la Banque Mondiale. Les opinions émises dans cet document reflètent les idées de l’auteur et les commentaires (sur les versions précédentes du document) reçus des membres du Comité Technique du Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique en tant qu’individus aussi bien que des commentaires reçus des collègues africains. Par conséquent le contenu de ce document ne devrait pas être interprété comme une réflection des points de vue de l’USAID, de la Banque Mondiale, de Michigan State University, de University of Illinois, de Bread for the World, ou d’aucune autre organisation qui participe aux activités du Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique. Les membres du Comité Technique du Partenariat pour la Réduction de la Faim en Afrique sont les suivants: Akin Adesina Resident Representative for Southern Africa The Rockefeller Foundation Harare, Zimbabwe John Staatz Dept. of Agricultural Economics Michigan State University East Lansing, MI David Atwood Deputy Director, G/EGAD/AFS US Agency for International Development Washington, DC Michael Weber Dept. of Agricultural Economics Michigan State University East Lansing, MI George R. Gardner Senior Agricultural Economist USAID/AFR/SD/ANRE Washington, D.C. Dennis Weller Division Chief, Agriculture and Natural Resources Africa Bureau USAID Washington, DC Jeff Hill Agricultural Research Advisor USAID/AFR-SD Washington, DC Jerome Wolgin Principal Economist World Bank Washington, DC Julie Howard Dept. of Agricultural Economics Michigan State University East Lansing, MI T.S. Jayne Department of Agricultural Economics Michigan State University East Lansing, Michigan 48824 USA Earl Kellogg (ex-officio) Associate Provost for International Affairs University of Illinois at U-C Champaign, IL ii STRATÉGIE POUR LA RÉDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE Table des Matières Sommaire Exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .vi Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Le contexte africain en mutation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Politique et gouvernance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Politiques économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Pression démographique croissante sur les ressources foncières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Urbanisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Le VIH/SIDA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Le contexte international en mutation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Mondialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Nouvelles technologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Flux de capitaux internationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 La fin de la guerre froide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9 Pratiques changeantes des bailleurs de fonds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 L’ouverture des marchés de l’OCDE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Le problème de la faim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Les Dimensions de la faim en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Pauvreté et faim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Le problème de la pauvreté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 La solution de la pauvreté et de la faim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 L’accélération de la croissance agricole comme engin d’une croissance stratégique . . . . . . . . . 16 Quelles sont les caractéristiques saillantes de l’agriculture africaine? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Une stratégie basée sur l’agriculture pour réduire la faim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Le marché des produits alimentaires de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Le marché des produits alimentaires de plus haute valeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 La transformation agro-industrielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Les stratégies d’exportations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 L’expérience africaine en matière d’exportations agricoles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Compétitivité dans la nouvelle économie mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Changer le paradigme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Continuer à reformer le rôle de l'état . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Développer un partenariat entre le secteur privé et le secteur public . . . . . . . . . . . . . . . 30 Investir dans le savoir et dans la technologie ainsi générée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Investir dans l'infrastructure rurale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Donner pleins pouvoirs aux agriculteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Développer des dispositions sophistiquées pour la commercialisation des produits, l’application des contrats et le partage de risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 iii Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 La mobilisation des ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Capacité humaine a l’époque du SIDA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Gouvernance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Vers une réponse des Etats-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 iv LISTE DES TABLEAUX Tableau I: Intégration économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Tableau II: Indicateurs nutritionnels pour les enfants dans quelques pays africains . . . . . . 13 Tableau III: Pauvreté et indicateurs de bien-être au Kenya en 1997 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Tableau IV: Pauvreté dans 21 pays africains pendant les années 90 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Tableau V: Les indicateurs agricoles pour l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine . . . . . . . . 21 Tableau VI: La part des principales cultures d’exportation africaines dans le commerce mondial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Tableau VII: Exportations non-traditionnelles de quelques Pays africains . . . . . . . . . . . . . . . 25 Tableau VIII: Indicateurs d'infrastructure par région . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 Tableau XI: Distribution de la bonne gouvernance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 LISTE DES FIGURES Figure1: Perspective sur la superficie de l’Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 v STRATÉGIE POUR LA RÉDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE Sommaire Exécutif OBJECTIF: Le but de ce document est de mettre au point une stratégie bien définie et réalisable destinée à réduire la faim en Afrique au cours des quinze années à venir. Il est peut être trop tard pour réaliser les objectifs du sommet mondial de réduire la faim de moitie d’ici 2015, mais des progrès substantiels peuvent être accomplis si les communautés africaines et internationales abordent les problèmes de la faim de manière sérieuse. Le présent document ne doit en aucun cas constituer le point final, mais plutôt un point de départ pour un débat nouveau et accéléré entre chercheurs africains et américains, praticiens et leaders politiques; un débat où les idées exposées seront reformulées et améliorées. la simple rhétorique dont ils se contentaient par le passé. Bien que les institutions et les comportements démocratiques commencent seulement à voir le jour, il y a des raisons de croire que les politiques gouvernementales deviendront plus favorables aux pauvres au fil du temps. Les politiques économiques ont aussi évolué. La plupart des pays comprennent maintenant l'importance de la stabilité macro-économique, de l’ouverture des marchés et l’assouplissement d e s r è g l e me n t s e t d e s c o n t r ô l e s gouvernementaux. Dans le secteur agricole, ceci a engendré une plus grande libéralisation des marchés et de meilleurs moyens d’inciter les agriculteurs à plus d’efficacité, bien qu’il faut reconnaître qu’en ce qui concerne les reformes, les volte-face sont toujours possibles. Un tel débat devrait aboutir à deux réalisations importantes: une stratégie qui fait l’unanimité en ce qui concerne la réduction de faim en Afrique, et un engagement politique de la part des décideurs de politiques américains et africains quant à l’application de la stratégie adoptée. Ceci exigerait des Africains la mise en place de changements politiques importants. Du coté américain, cela nécessiterait l’obligation à rendre ses marchés plus accessibles et à mobiliser les ressources (publiques, privées, financières et intellectuelles) nécessaires à la réalisation de ladite stratégie. Si l'urbanisation croissante a fait naître des marchés plus grands et plus différenciés pour les produits agricoles, la pression de la population sur une base limitée de ressources naturelles continue. Enfin, le fléau du SIDA continue d’affecter les sociétés africaines de façons diverses, partant de la réduction de la sécurité des revenus des personnes âgées, à l’augmentation du nombre des orphelins, à la réduction de la main d’oeuvre disponible, à la diminution des épargnes et du désir d’épargner. CHANGEMENTS ET OPPORTUNITÉS: Depuis l'indépendance, la plupart des pays africains au sud du Sahara ont fait des progrès limités dans leurs efforts pour réduire la pauvreté et la faim. Alors, pourquoi l'Afrique et la communauté internationale devraient être aujourd'hui optimistes après tant d’échecs dans le passé? Au cours de ces dernières décennies il y a eu beaucoup de changements tant dans le monde qu’en Afrique. De nos jours, il existe autant de nouvelles opportunités que de nouveaux défis. L'économie mondiale: Dans le même temps, l'économie mondiale change rapidement aussi: le terme mondialisation, le développement des liaisons entre les différentes économies du monde, est devenu synonyme des changements récents dans l’économie mondiale. Pour beaucoup de gens, la mondialisation est considérée comme un danger pour les emplois, la culture, la protection de l’environnement et les conditions de travail. Pour d’autres, cependant, la mondialisation représente plutôt une opportunité pour la découverte de nouveaux marchés ouverts à de nouveaux produits à des prix élevés, l’implication étant En Afrique: les vieilles institutions politiques basées sur les modèles autoritaires ont fait place à de nouvelles démocraties. Les gens s’attendent à plus de leurs gouvernements que vi une augmentation des emplois et des salaires. Les échanges commerciaux dans des produits et des services ont augmenté de 21% du Produit Intérieur Brut (PIB) à 28% en dix années. • Mettre l’accent sur l’accélération de la croissance agricole est une stratégie importante pour atteindre une croissance économique rapide destinée à réduire la pauvreté parce que: (1) la majorité des pauvres vivent dans les zones rurales, et les moyens d’existence dans les zones rurales, bien que complexes, dépendent en fin de compte de la productivité agricole; (2) il a été démontre que la croissance agricole a des effets multiplicateurs considérables sur l'économie dans son ensemble; (3) la croissance agricole aidera à réduire les prix des aliments, et les aliments représentent 70% des produits sur lesquels les pauvres dépensent leur argent; et (4) les prix bas des aliments peuvent aussi maintenir à un bas niveau les salaires en termes d'argent comptant, permettant ainsi l’expansion du secteur de l’emploi dans les industries de l'exportation et de substitution des produits nationaux aux importations; • La demande joue un rôle au moins aussi important que l’offre dans la génération de la croissance agricole; • Comme cela a été constaté dans les pays tels que l'Ouganda, le Ghana et la Zambie, il est probable que le secteur des exportations non-traditionnelles soit le plus dynamique d’une agriculture renaissante. Cependant, il y a des opportunités de marché importantes et dynamiques qui peuvent mener aux situations suivantes: (a) la création d’activités qui permettent d’augmenter la valeur ajoutée des produits alimentaires traditionnels; (b) l’augmentation de la production des denrées alimentaires de haute valeur; (c) le renforcement du commerce intra-régional en Afrique; (d) l’exportation des produits traditionnels. La mondialisation est aussi considérée comme l'intégration des marchés financiers et comme de nouveaux flux de fonds d'investissement privés, directement et sous forme d'investissements de portefeuille, du Nord au Sud. Les flux de fonds d'investissement privés dominent l’assistance officielle par un facteur de 10:1. Cependant, ces flux de fonds ont un caractère volatile et sont en général concentrés dans quelques pays importants. La mondialisation a aussi signifié la disponibilité de nouvelles technologies, particulièrement dans les domaines de la biotechnologie et de l’informatique, ce qui peut épargner aux pays moins développés des étapes intermédiaires du processus de développement, tels que les investissements coûteux dans les câbles souterrains, en adoptant directement la technologie de la télécommunication sans fil. La fin de la guerre froide a changé les attentes et les rôles des pays occidentaux en Afrique; aujourd’hui les Etats-Unis sont en train de réévaluer leurs relations avec ces pays, en suivant une logique qui est basée sur des actions à long terme quant au partenariat économique et les produits publics mondiaux. En même temps, l’aide à l’étranger, en terme réel par personne, a baissé et est devenu plus compartimenté; l'aide a été détournée des secteurs immédiatement productifs tels que l'agriculture vers les secteurs de développement humain incluant la santé et l'éducation. Ces changements offrent de nouvelles opportunités et de nouveaux problèmes. Ce document présente un syllogisme assez simple: • La faim et la sous-alimentation sont causées surtout par le manque de revenu; • Le manque de revenu peut être surmonté par une croissance économique rapide destinée à réduire la pauvreté, comme l’illustrent les expériences vécues par l’Asie de l’Est et du Sud-Est; STRATEGIE PROPOSEE: La question cruciale devient alors comment accélérer la croissance agricole. Ce document présente sept éléments importants d’une stratégie pour réduire la pauvreté guidée par le développement de l’agriculture: 1. Changer le paradigme: Les pays africains et leurs partenaires du Nord doivent avoir une vision à long terme qui tient compte des vii investissements dans l’économie rurale, l’ouverture des marchés et la dépendance sur l'initiative privée et l'investissement privé comme facteurs-clefs pour la réduction la faim et la pauvreté. et les télécommunications. Au niveau du secteur agricole, les coûts de transaction élevés sont dus aux échecs politiques, à la médiocrité de l’infrastructure, et aux basses densités des populations. Ces coûts de transaction élevés amoindrissent la capacité concurrentielle du secteur agricole. 2. Continuer la réforme du rôle de l'état: Dans la nouvelle économie globale, l'état a un rôle crucial mais beaucoup plus différent que celui pratiqué traditionnellement en Afrique. L'état doit créer les infrastructures physiques et institutionnelles (les règlements, les normes, les moyens pour faire respecter les contrats, etc.) nécessaires à un fonctionnement efficace des marchés. 6. Donner pleins pouvoirs aux agriculteurs: Les nouveaux essais démocratiques permettent aux agriculteurs de s'organiser pour la première fois dans le cadre de coopératives indépendantes et de groupes affiliés. Ceci permet aux agriculteurs d’acheter des intrants, de vendre leurs produits, d’obtenir des crédits, de donner des conseils aux membres et de faire pression de manière efficace pour des changements des politiques. Les gouvernements doivent créer l'environnement légal et politique pour encourager cette initiative. 3. Développer un partenariat entre le secteur privé et le secteur public: Encore plus, l'état doit former des partenariats avec les secteurs privés, aussi bien lucratifs que non-lucratifs, pour réaliser les objectifs de la nation. Dans plusieurs domaines tels que la recherche agricole, un partenariat entre le secteur privé et le secteur public peut réduire le coût et augmenter l'efficacité de la pr ovi sion de services cruciaux traditionnellement considérés comme relevant de la seule responsabilité de l’état. 7. Développer des dispositions sophistiquées pour la commercialisation des produits, l’application des contrats et le partage de En Afrique, les marchés risques: demeurent fragmentés, personnalisés, et incertains. Les gouvernements doivent contribuer à l’amélioration de l'information sur les marchés, au développement de méthodes plus sophistiquées pour mieux gérer les normes de qualité, à l’augmentation de la dimension du marché en réduisant les barrières au commerce régional, et, par-dessus tout, au développement d’une cohérence des politiques. 4. Investir dans la génération de la technologie et du savoir: Une amélioration de la technologie des produits vivriers et des produits de rente est cruciale pour augmenter la productivité agricole. Le savoir est un facteur crucial lié à la technologie de production du 21ème siècle. Les gouvernements africains doivent développer des politiques telles que la levée du contrôle des télécommunications qui réduisent les coûts et rendent le savoir plus accessible. Les gouvernements africains et leurs partenaires doivent investir à tous les niveaux dans le secteur de l’éducation et encourager aussi la création d’établissements privés d'éducation. QUESTIONS FONDAMENTALES: Ce document traite aussi de trois questions importantes qui doivent être discutées pour garantir le succès de la présente stratégie: Les ressources: Il y a eu une baisse considérable de l’aide à l’étranger au cours des années 90. Les flux d'investissement privés ont augmenté ailleurs, mais pourtant ils n’ont pas permis de combler le manque à gagner causé par la baisse de l’aide à l’Afrique. L’allégement de la dette sous l'initiative de HIPC sera utile mais pas suffisant. Les pays de l’OECD doivent renouveler leur engagement à fournir de l’aide 5. Investir dans l’infrastructure rurale: Pendant des années, les gouvernements africains ont favorisé les zones urbaines au détriment des zones rurales. Ce comportement doit être modifié afin d’investir dans les zones rurales, notamment dans le transport, l’hydrologie, l’électricité viii aux pays africains qui aujourd’hui, en conséquence de la libéralisation politique et économique, sont plus capables d’utiliser toutes formes d’aide à bon escient. C’est ironique que cette aide à l’étranger baisse au moment où l’OECD elle-même s’est engagée à réaliser d’importants objectifs de développement et que les pays africains ont entrepris une réforme profonde et pénible. D'autre part, ces réformes doivent être encore plus profondes afin que les économies africaines attirent les investissements croissants, tant nationales qu’étrangers. bénéfices du système politique? Comment passer de la fidélité au parti et à l’individu à la fidélité à l'état et au gouvernement? Comment développer des institutions telles qu’une presse libre et responsable? Comment réduire la taille du gouvernement afin qu’il soit moins dispersé? Comment passer d’un d'un système de réglementation par des individus à un système d’état de droit? Ce sont là des problèmes extrêmement difficiles, mais à moins que l'Afrique ne les résolve, la lutte contre la pauvreté et la faim échouera. Alors, la question suivante se pose: cette stratégie est-elle réalisable? Pas partout, et peut-être, pas dans la plupart des pays africains en ce moment. Il est probablement nécessaire de commencer un travail à une grande échelle avec quelques pays africains qui remplissent déjà certaines des conditions préalables au succès d’une telle stratégie–l’Ouganda, le Mali, le Mozambique, le Ghana, le Nigéria, probablement le Kenya et le Ethiopie, et le plus important, l’Afrique du Sud. Dans d’autres pays, peut-être que quelques parties seulement de tout l’agenda stratégique présenté ici peuvent être mise en application. Mais ce développement à des degrés divers peut constituer une opportunité d’apprentissage et de partage d'expériences pour les pays africains. Le SIDA: Il n’y a aucun doute que la pandémie du SIDA a le potentiel d’augmenter considérablement la pauvreté et la faim et de réduire la capacité d’accélération de la croissance économique des pays où la fréquence de ce fléau est moyenne ou élevée. Au niveau macro-économique, le SIDA réduira grièvement la quantité de main-d'oeuvre qualifiée, soit par la mort ou par la morbidité et contribuera ainsi à la réduction des épargnes privées. Au niveau des ménages, les conséquences peuvent être graves. Les ménages pauvres ont une petite marge de manoeuvre quant à l’épargne et au revenu. Une maladie causée par le SIDA mène à l’augmentation du temps consacré à s’occuper de la personne atteinte, à la perte de la main d’oeuvre provenant du membre de famille infecté, à l’augmentation des dépenses allouées aux soins médicaux et aux funérailles. Il faut souligner que cet document n’a pas la prétention de proposer une stratégie pour combattre le SIDA. Néanmoins, ce qu’il faut retenir c’est que toute activité et tout programme conçu pour le développement en Afrique sub-saharienne doit inclure une prévision non seulement des effets éventuels du SIDA sur le succès du programme mais aussi de l’impact du programme sur la propagation du SIDA. Plus que jamais l’Afrique est à la croisée des chemins. Mais ceci peut être la dernière grande chance accordée à l'Afrique. Il y a d’énormes opportunités mais aussi d’énormes obstacles. Un succès pourrait signifier non seulement une réduction substantielle de la faim dans quinze années, mais aussi le commencement d'un cercle vertueux qui pourrait engendrer la réduction de la pauvreté, de la maladie et de la guerre sur une base globale et continue. Ceci est une chance qui ne devrait pas nous échapper. VERS UNE REPONSE DES ETATS-UNIS: Les efforts américains doivent être orientés vers des actions permettant de stimuler les économies africaines, de réduire la pauvreté, et d’aider les pauvres à se nourrir eux-mêmes. Les Etats-Unis doivent prêter leur assistance aux nations africaines pour améliorer la performance de l’agriculture et du système agro-alimentaire. Cependant le développement Gouvernance: Malgré les changements au cours de ces dernières décennies, les gouvernements africains font face à un grand nombre de problèmes difficiles. Comment construire un état-nation à partir de tant de groupes ethniques? Comment faire du gouvernement un instrument efficace capable d’offrir d’importants services économiques et sociaux? Comment distribuer équitablement les ix implique beaucoup plus que la croissance économique. Cela implique l’amélioration du bien-être et la mise à la disposition de tout individu les opportunités lui permettant d’atteindre tout son potentiel. Mais sans une croissance économique globale, les pays africains manqueront de ressources nécessaires pour financer leurs systèmes médicaux, leurs écoles, et les programmes de protection des pauvres. Une croissance économique à base élargie résultant des améliorations du secteur agro-alimentaire peut contribuer considérablement à ces priorités de développement sus-citées et à d’autres priorités de développement importantes. 1. Développer des programmes et des politiques qui renforcent la capacité des agriculteurs, des entreprises commerciales et des marchés afin qu’ils soient concurrentiels dans l'économie globale. 2. Renforcer l'éducation et la formation dans les zones rurales, et solidifier les institutions publiques. 3. Développer la recherche agricole et les programmes de vulgarisation pour exploiter les technologies existantes et nouvelles, telles que la biotechnologie et les technologies de l’information, pour promouvoir de nouveaux liens avec les entreprises commerciales et pour éviter les dommages à l’environnement. Les éléments de la nouvelle stratégie américaine seront développés encore plus dans les semaines à venir selon les réactions et commentaires de dirigeants et d’organisations clefs en Afrique et aux USA. L'aide des EtatsUnis pour la reduction la faim en Afrique devrait se baser sur l'expertise distincte des Etats-Unis. Il n'y a pas de solution miracle. La croissance économique en Afrique exige des efforts soutenus sur période de 15 à 20 ans. Des progrès tangibles à moyen terme peuvent être accomplis en aidant les nations africaines à: 4. Améliorer la gouvernance rurale. 5. Etablir des liens entre les programmes d’aide alimentaire d’urgence et les programmes de développement à long terme. 6. Coordonner les programmes alimentaires et agricoles avec les programmes d’actions de combat contre le VIH/SIDA. x STRATEGIE POUR LA REDUCTION DE LA FAIM EN AFRIQUE (1) PREFACE (2) Le but de cet document est de mettre au point une stratégie bien définie et réalisable destinée à réduire la faim en Afrique au cours des quinze années à venir. Il est peut être trop tard pour réaliser les objectifs du sommet mondial de réduire la faim de moitie d’ici 2015, mais des progrès substantiels peuvent être accomplis si les communautés africaines et internationales abordent les problèmes de la faim de manière sérieuse. Cette proposition de stratégie est basée sur un certain nombre d'idées qui ont émergé au cours de la dernière décennie, venant, la plupart du temps, des praticiens et des décisionnaires africains. En particulier, cette stratégie s’inspire des idées exprimées par des universitaires africains, des décideurs de politiques, et d’hommes d’affaires dans une série d'ateliers sur la “Transformation de l’Agriculture” tenus entre 1993 et 1999. Cette stratégie s’inspire également d’un travail fait par la Banque Africaine de Développement, une étude conjointement menée par la Banque Mondiale, la Commission Economique pour l'Afrique et le Consortium Africain de la Recherche Economique et des séries de consultations africaines organisées par le forum pour la Recherche Agricole en Afrique (FARA).1 (3) Le présent document n'est pas du tout le point final, mais plutôt un point de départ vers une nouvelle discussion intensive entre les chercheurs africains et américains, les praticiens et les dirigeants politiques, qui vont reformuler et raffiner les idées présentées ici. Un tel débat devrait aboutir à deux réalisations importantes: une stratégie qui fait l’unanimité en ce qui concerne la réduction de la faim en Afrique, et un engagement politique de la part des décideurs de politiques américains et africains quant à l’application de la stratégie adoptée. Ceci exigerait des Africains la mise en place de changements politiques importants. Du côté américain, cela nécessiterait l’obligation à rendre ses marchés plus accessibles et à mobiliser les ressources (publiques, privées, financières et intellectuelles) nécessaires à la réalisation de ladite stratégie. (4) GÉNÉRALITÉS (5) La majorité des pays de l’Afrique sub-saharienne ont eu leur indépendance, plein d’espoirs, il y a quarante ans. Cependant, les années suivantes n'ont pas été favorables à une grande partie du continent, qui a été infestée de guerres, coups militaires, sécheresses, famines, de stagnation économique et de pauvreté. Durant cette période, les donateurs étrangers ont investis plus d’un trillion de dollars en aides étrangères, les gouvernements africains ont emprunté 200 milliards de dollars sous termes commerciaux et ont investi 500 milliards de dollars de leurs propres ressources; tous ces investissements ont eu peu d'impact sur l’économie africaine. L'Afrique demeure pratiquement aussi pauvre, aussi affamée, et autant envahie de maladies qu’elle ne l’était en 1960. Alors, pourquoi une nouvelle stratégie aujourd’hui? Quels changements nous font penser qu’il existe actuellement assez d’information permettant non seulement de développer une stratégie pour la réduction de la faim mais surtout que ladite stratégie fonctionnera alors que toutes les autres tentatives ont échoué dans le passé? 1 Voir Julie Howard et al, “African Perspectives on Progress and Challenges in Transforming Agriculture to Help Cut Hunger and Poverty”sur: http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/africanhunger/perspectives.pdf African Development Bank, Agriculture and Rural Development Sector Policy, sur: http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/africanhunger/agripolicy.pdf SPAAR Secretariat. 1999. SPAAR/FARA Vision of African Agricultural Research and Development, sur: http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/africanhunger/visionafrica.pdf The World Band in Partnership with various African Organizations. 2000. Can Africa Reclaim the Twenty-First Century? sur: http://wbln0018.worldbank.org/AFR/afr.nsf/General/9D48D6DCE826CCD0852568F1006DBF2E?OpenDocument 1 (6) Tout d’abord, concernant certains sujets, beaucoup d’universitaires et beaucoup de praticiens des problèmes de développement, aussi bien en Afrique qu’en dehors du continent, consentent que le problème n'est pas un manque de savoir-faire, surtout pas au niveau technique. En fait, il existe actuellement beaucoup d’informations sur le processus du développement en Afrique sub-saharienne (ASS), et il est possible de formuler une stratégie qui refléterait ce savoir-faire. Une information abondante existe sur comment augmenter la production alimentaire et les solutions techniques au problème de la réduction de la pauvreté font généralement l’unanimité. Le problème réel est plutôt un problème d’économie politique; les gouvernements africains, pour la plupart, ne se sont pas consacrés au combat contre la faim et la pauvreté, les pays développés n'ont pas non plus tenu à leurs engagements en termes d'aide, de l’allègement de la dette et d’ouverture des marchés. Les raisons qui expliquent ce comportement sont complexes, mais l’important c’est que le contexte dans lequel le combat contre la faim doit être mené a changé radicalement et offre aujourd’hui de nouvelles opportunités ainsi que de nouvelles difficultés. La stratégie présentée ci-dessous offre une opportunité réelle pour réduire la faim en Afrique sur une période de quinze ans.2 La condition requise est la volonté d’agir. Mais le mot “volonté” ne devrait pas être synonyme de mots “creux” ou de rhétorique inspirationnelle. Il devrait refléter le comportement de l'Afrique et de ses partenaires face à des choix politiques difficiles. Lequel comportement devrait se traduire en ressources réelles et programmes reformulés. (7) LE CONTEXTE AFRICAIN EN MUTATION (8) Politique et gouvernance (9) Avec la fin de la guerre froide, les Africains ont commencé à exiger et à s'attendre à ce que les gouvernements soient plus responsables de leurs actes. Une deuxième vague de programmes de libéralisation politique a engendré un mouvement vers diverses formes de démocratie s’éloignant ainsi des régimes autoritaires et des coups d’états militaires de la période post-indépendance. Selon Freedom House, le nombre pays “libres” en Afrique sub-saharienne a augmenté de deux à huit entre 1990 et l’an 2000, le nombre de pays “partiellement libres” a augmenté de 15 à 24, alors que le nombre de pays “non-libres” a diminué de 26 à 13. Il ne faut surtout pas sous-estimer ou surestimer l'impact de cette révolution pacifique. (10) Il y’a eu un changement profond. Aujourd’hui les Africains attendent de leurs gouvernements un certain genre de comportement démocratiques, et toute déviation de ce type de comportement a souvent aboutit à des agitations. Les coups militaires peuvent avoir du succès momentanément, mais la pression pour un retour au processus démocratique est la norme plutôt que l'exception. Des régimes ont été changés par les urnes, et les gouvernements battus ont quitté le bureau. Les parlements et les législatures sont en train d’acquérir plus d'indépendance et plus d'autorité. Il existe dans beaucoup de pays, une presse libre et vibrante, qui inclut non seulement les médias d'impression mais aussi et surtout les médias d'émission. Beaucoup de pays ont tendance à aller activement vers la décentralisation politique et administrative. Les violations des droits humains ont diminué partout sauf dans les régimes récalcitrants. (11) Le nouvel espace politique, accompagné d’une réduction des capacités étatiques dans les zones rurales, ont conduit à une augmentation dramatique du nombre, de la force et de la diversité des organisations de la société civile. Les coopératives gouvernementales ont fait place à de nouvelles organisations de producteurs qui sont indépendantes et contrôlées par les membres. De plus en plus ces groupes non seulement assurent le rôle joué dans le passé par le gouvernement dans la 2 Les objectifs du Sommet Mondial de l’Alimentation préconisent une réduction de la pauvreté de moitie d’ici l’année 2015; à cause du manque de progrès depuis l’annonce de cet objectif, peut-être qu’il n’est pas réalisable; néanmoins, il est encore possible de réduire la faim de manière considérable d’ici 2015. 2 commercialisation des intrants et des produits agricoles mais aussi se font entendre dans l'arène politique. Il existe encore en Afrique des affaires pendantes. L’un des éléments clefs de ces affaires c’est la transformation politique du continent en une politique basée sur des intérêts économiques. Les organisations agricoles de base constituent un élément crucial de cette transformation. Ceci est un domaine où les États-Unis ont eu une grande expérience et peuvent être très utiles. (12) Il existe naturellement l’autre face de la médaille. Il existe encore un nombre de pays faibles assaillis par la violence interne et les pressions externes. A l’heure actuelle non seulement des conflits sérieux sont en cours en Angola, en République Démocratique du Congo, en Sierra Léone, au Soudan et en Ouganda, mais aussi d’autres états vivent des moments d’agitations politiques et de violence. Même les démocraties les plus stables sont faibles parce qu’elles ont des institutions de gouvernance faibles, des niveaux considérables de corruption, et des systèmes de provision des services publiques inefficaces. La politique dans bon nombre de ces pays est largement basée sur des personnalités et des intérêts régionaux et non pas sur des intérêts économiques. Les agriculteurs et les pauvres continuent d’éprouver des difficultés à s'organiser de manière à influencer la politique du gouvernement et, comme on le verra plus tard, la politique de gouvernement continue à favoriser les centres urbains, les riches et les puissants. (13) Néanmoins, le contexte politique est aujourd'hui beaucoup plus favorable à un développement de base général qu'à aucun moment au cours des quarante dernières années. Encore plus important est le fait qu’aujourd’hui, les populations s'attendent à ce que non seulement les méthodes de gestion de leurs gouvernements soient transparentes mais aussi que les gouvernements soient sensibles à leurs besoins. Ils comptent avoir plus de contrôle sur la gestion des problèmes importants au niveau local. Ils demandent plus d’honnêteté et ont du mépris pour la corruption. Plutôt que de croire aux théories qui blâment le monde extérieur, ils attribuent leur pauvreté à leurs propres gouvernements.3 Avec le temps, leurs attitudes mèneront à plus de responsabilité de la part des gouvernements dans la gestion des affaires. Bien sûr que des gouvernements efficaces, engagés, intègres et visionnaires n’apparaîtront pas du jour au lendemain; cependant l’on peut s’attendre à ce que les gouvernements deviennent plus efficaces, plus engagés, plus intègres et plus visionnaires à moyen terme. (14) Politiques économiques (15) Au cours des quinze dernières années la plupart des états africains ont reformé leurs politiques économiques d’une manière substantielle. Cela se constate le plus dans le domaine macroéconomique où les déficits budgétaires ont été réduits à des niveaux supportables, ayant pour conséquence des réductions substantielles des taux d’inflation (de 13,6% en 1980 à 8,4% en 1997). La médiane du déficit fiscal en ASS (pour les pays où il y a des données sur les deux années) a diminué de 4,8% en 1980 à 2,2% en 1997. Il est également important de noter qu’avec la libéralisation des régimes de taux de change, le prix des devises étrangères dans la plupart des pays équivaut à un prix reflétant leur rareté. (16) Ces deux politiques sont d’une importance cruciale pour le combat contre la pauvreté et la faim. L'inflation constitue l'impôt le plus cruel imposé aux pauvres qui eux n'ont aucun moyen d'investir leurs ressources financières limitées dans des capitaux qui garde leur valeur en période de taux d'inflation élevé. Plutôt, ils sont forcés de garder leurs capitaux en liquidité dont la valeur déprécie rapidement. Un taux de change surévalué baisse les prix des biens échangeables et semiéchangeables tels que les produits alimentaires et les exportations agricoles, et réduit ainsi les 3 Cependant les Africains continuent de faire part de leurs inquiétudes, dont certaines sont très légitimes, concernant la contribution de forces extérieures a la pauvreté en Afrique telles que: (1) les politiques commerciales des pays a revenus hauts (restrictions de l’accès a leurs marches et “dumping” du surplus de l’OCDE); et (2) la baisse du niveau d’engagement de la plupart des pays de l’OCDE, le non-moindre desquels sont les Etats-Unis, a toute aide officielle de développement. 3 revenus réels des producteurs ruraux. Des études ont prouvé que ces politiques réduisent les revenus des pauvres.4 (17) La politique agricole en Afrique s'est améliorée également, bien que le dossier connaisse des hauts et des bas et que beaucoup de réformes importantes sont entrain d’être minées (une discussion de ce problème va suivre ci-dessous). Il était de coutume pour les pays africains de taxer les agriculteurs et de subventionner les consommateurs urbains, alors qu’en même temps ils sousinvestissent dans des zones rurales. L'élimination des monopoles du gouvernement sur la commercialisation des produits agricoles accompagne d’une dévaluation du taux réel de change, a abouti à l’augmentation des prix réels offerts aux agriculteurs africains dont les produits sont destinés aux marchés mondiaux (en dépit de la chute des prix mondiaux). Ainsi, les agriculteurs dans les pays tels que le Ghana, l'Ouganda, le Nigéria, la Tanzanie et le Mozambique ont vu les prix de leurs produits d'exportation augmente de près de 50% depuis le début des années 90. Les réformes politiques dans le secteur des produits vivriers ont été moins nettes. Pourtant, beaucoup d’offices nationaux de la commercialisation des produits agricoles ont été éliminés. Mais résultats ont été mitigés.5 (18) Néanmoins, l'environnement de l’ensemble des politiques agricoles, bien qu’il soit toujours loin d’être idéal, est actuellement beaucoup plus favorable que jamais au développement rurale et à la réduction de la pauvreté. Les marchés sont généralement libéralisés, l'imposition agricole est réduite, et les perspectives d’avenir pour l'investissement privé sont plus répandues. Cependant, ces changements ont également soulevé quelques questions importantes: • (19) Les mesures d’austérité du gouvernement ont rendu plus difficile l’augmentation des investissements dans les zones rurales ainsi que dans les domaines clefs de l’activité publique qui sont essentiels à la croissance à long terme, telle que la recherche agricole adaptive; • (20) Les institutions financières demeurent dans la déroute et les alternatives offertes par le secteur privé, à la place des banques agricoles du secteur publique défuntes, sont beaucoup plus limitées. • (21) La plupart des systèmes de vulgarisation et de recherches agricoles sont sousfinancées et incapables d'accomplir leurs missions;. • (22) Les règlements “lourds” du gouvernement sur l'investissement privé restent courants, et les questions relatives à la gouvernance et à la stabilité politique créent des risques, souvent trop élevés pour les investisseurs. (23) Pression démographique croissante sur les ressources foncières (24) La population de l’ASS continue de doubler tous les 25 ans. De plus, dans beaucoup de zones, les agriculteurs sont en train de se déplacer vers des terres qui sont moins productives et plus 4 Voir David Sahn et al., Structural Adjustment Reconsidered: Economic Policy and Poverty in Africa, Cambridge University Press, 1996; and Economic Reform and the Poor in Africa, Oxford University Press, 1996. 5 Voir par exemple. Jayne, T.S., Mulinge Mukumbu, Munhamo Chisvo, David Tschirley, Michael T. Weber, Ballard Zulu, Robert Johansson, Paula Santos, and David Soroko, 1999. "Successes and Challenges of Food Market Reform: Experiences from Kenya, Mozambique, Zambia, and Zimbabwe," MSU International Development Working Paper 72, East Lansing: The Department of Agricultural Economics, Michigan State University at: http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/papers/idwp72.pdf 4 fragiles.6 Dans certains pays, la fertilité du sol diminue sensiblement. Pendant plusieurs années, la production agricole en Afrique augmentait grâce au mouvement des populations sur de nouvelles terres. Il reste encore beaucoup de pays (Nigéria, Mozambique et Ouganda, par exemple) qui possèdent une grande réserve de terres cultivables promettantes; cependant, beaucoup d'autres pays (Kenya, Rwanda, Malawi, par exemple), ont atteint une limite étendue et éprouvent actuellement une réduction dans la taille des terres cultivables disponibles. Cette situation engendre non seulement la croissance de la proportion d’agriculteurs qui sont sans terre mais aussi la dégradation croissante du sol. Pour tous ces pays, l’augmentation de l’intensification et de la productivité restent les seules solutions. (25) Urbanisation (26) La population urbaine de l’ASS a augmenté de 82 millions en 1980 à 193,5 millions en 1998; ce qui constitue une augmentation annuelle de 4,9%.7 Par conséquent, le marché alimentaire urbain a plus que doublé, alors que la main-d'oeuvre rurale disponible a seulement augmenté de 50%. Naturellement, le marché alimentaire est non seulement déterminé par la taille de la population, mais aussi par son revenu. Avec la renaissance de la croissance économique, la demande pour les produits alimentaires, particulièrement pour les produits de grande valeur tels que la viande et les produits laitiers, augmentera également. Par ailleurs, la demande pour les produits transformés est également en train de croître car le coût d'opportunité de la population urbaine, en particulier celui des femmes, augmente. Ceci entraîne l’augmentation du revenu et des opportunités d'emploi dans les domaines de la commercialisation et de la transformation, tout en créant de nouveaux problèmes dans ces systèmes. (27) Le VIH/ SIDA (28) Il n’ya pas de doute que la pandémie du SIDA n'a pas encore atteint son maximum en Afrique. Les taux actuels d’infection du VIH parmi la population des adultes vont de 35,8% au Botswana à 1,7% au Sénégal. Les histoires d'horreur abondent sur l’impact du SIDA sur les taux de mortalité, le nombre d’orphelins, les pompes funèbres, et sur les vies des femmes qui, dans beaucoup de pays africains, peuvent très difficilement influencer les comportements risqués de leurs partenaires. Les estimations actuelles révèlent que la pandémie du SIDA a réduit le taux de croissance économique d'un à deux pour-cent. Il est encore difficile de prévoir avec certitude les effets multiples de cette pandémie sur la croissance économique en générale et sur l'agriculture en particulier. Les observations ci-dessous semblent probables: • (29) Le nombre de décès dus au SIDA continuera à croitre dans un future proche, et atteindra un tel niveau que la croissance démographique dans certain pays sera inversée; • (30) Les décès dus au SIDA sont constatés au niveau des individus économiquement actifs et augmenteront ainsi ce qui est déjà un rapport élevé entre personnes dépendantes et des travailleurs actifs dans l’ASS. • (31) Au niveau des ménages pauvres, les maladies et les décès causés par le SIDA entraînent une réduction du revenu pour une famille entière, et en particulier pour les orphelins. 6 Voir Clay, D. and T. Reardon. 1996. "Rwanda case study: Dynamic linkages among population, environment, and agriculture in the highlands of East Africa” dans Clay, Reardon, and Shaikh, Population, Environment, and Development in Africa: Dynamic Linkages and their Implications for Future Research and Development Programming. East Lansing: Michigan State University. pp. 39-91. 7 Par contre, la population rurale de l’Afrique a connu un taux de croissance de seulement 2,2% par an. 5 • (32) Les coûts économiques du SIDA au niveau des ménages engendrent fréquemment une réduction des ressources disponibles pour l'épargne et l'investissement; • (33) Les taux élevés de l'incidence du VIH parmi les personnes éduquées réduiront le nombre des personnes éduquées et rendront la formation et l'éducation plus coûteuses; • (34) Dans les zones les plus ravagées par la pandémie, la main-d'oeuvre a diminué brusquement et les taux de dépendance sont montés en flèche, pendant que les grandsparents essayent de s'occuper d'un grand nombre d'orphelins. Ce changement dans la disponibilité de la main d’oeuvre nous amène à nous interroger sur la convenance des technologies agricoles développées pour ces zones, en particulier celles qui nécessitent l’emploi de beaucoup de main-d'oeuvre (telles que celles qui ont pour but la conservation du sol et qui dépendent largement des engrais organiques). (35) Dans l’ensemble il est incertain de savoir ce que tout ceci veut dire, sauf que le VIH/SIDA rendra le combat contre la faim en Afrique encore beaucoup plus difficile. (36) LE CONTEXTE INTERNATIONAL EN MUTATION (37) Tandis que les événements en Afrique ont peu à peu amélioré les opportunités pour réduire la faim, les changements de l'environnement international sont beaucoup plus dramatiques. Le monde est aujourd'hui fondamentalement différent de ce qu’il n’était il y a seulement 20 ans, et les opportunités pour le développement à base élargie sont beaucoup plus courantes maintenant. (38) Mondialisation (39) Mondialisation est un mot qui a déclenché beaucoup de passions ces dernières années et qui inclut la majorité des changements mentionnés auparavant. D’un point de vue technique et étroit, “mondialisation” a signifié l'intégration croissante de l'économie internationale, et s’est manifestée par un commerce accru, une plus grande mobilité de capitale et de main-d'oeuvre, et du flux de technologie. D’un point de vue plus global, la mondialisation, soutenu par la révolution de l'information, a signifié une interpénétration croissante dans les sociétés traditionnelles d’idées venant de l’extérieur, presque toujours occidentales et fréquemment américaines, de valeurs et de cultures. Les manifestations extérieures de cette interpénétration sont des institutions telles tels que McDonald’s et les chaussures sportives Nike. (40) Le Tableau I illustre certaines des dimensions de la mondialisation. Pendant la décennie allant de 1988 à 1998, la valeur du commerce mondial de produits, exprimée en termes de pourcentage du PIB, a augmente de 33% et la proportion des investissements étrangers direct en PIB a doublé. La médiane annuelle du taux de croissance des exportations au cours de la période 1990-97 était 6,2%; tandis que l’augmentation des exportations excédait la croissance du PIB par un taux moyen de 3,0%. Ces chiffres sont très dramatiques. En se référant au tableau ci-dessous, on constate que pratiquement toutes les régions des pays en voie de développement ont participé à ce processus, bien que l'Afrique n’aie pas eu autant de succès, en particulier en termes d’investissements étrangers, que d'autres régions telles que l'Amérique latine. Néanmoins, la croissance annuelle du volume d'exportation en Afrique sub-saharienne a augmenté considérablement d'une médiane de 2,0% en 1980 à 7,5% en 1990. 6 (41) TABLEAU I: Intégration économique Commerce de Produits en % de PIB(PPP) 1988 1998 Région Asie Orientale & Pacifique Europe & Asie Centrale Amérique Latine Moyen Orient & Afrique du Nord Asie Australe Afrique Sub-Saharienne Mondial Investissements bruts directs étrangers en % de PIB(PPP) 1988 1998 13,3 9 9,4 17,6 15,5 21,1 19,1 17,4 0,4 … 0,5 0,3 1,3 1 2,5 0,9 4,2 15,4 21,2 4,8 16,8 28,3 0 0,3 1,7 0,1 0,7 3,8 Source: Banque Mondiale, World Development Indicators. (42) La mondialisation offre ainsi des opportunités substantielles. Par exemple, les marchés internationaux de produits et de facteurs croissent à des niveaux historiquement élevés. Cependant, ces opportunités exigent un système de réponse beaucoup plus sophistiqué. Les exportations de produits traditionnels ne suffisent plus à elles seules à entraîner une croissance dynamique en Afrique. Il y a eu un déclin séculaire continu dans les prix des produits agricoles depuis 1960, avec une baisse de l’indice des prix des produits agricoles de 208 en 1960 à 90 en 1999, une baisse moyenne de 2,4% par an. Une portion de cette diminution peut être attribué aux gains de productivité des principaux concurrents de l’Afrique; ceci montre l'importance de l'investissement dans l'agriculture. Par ailleurs, l'accès aux marchés devient plus difficile et plus complexe. De plus en plus, l'accès aux marchés mondiaux exige une spécification plus précise des produits agricoles et non-agricoles. Ceci a été provoqué par l’importance croissante de l’existence de créneaux dans les marches et le désir des compagnies d'établir une fidélité à la marque. Ces développements jouent à présent un plus grand rôle. C’est à dire que les compagnies internationales qui achètent et font la promotion des produits deviennent de plus en plus impliqués dans la coordination étroite de la production et des chaînes de distribution. Participer avec succès dans le marché dynamique mondial des produits spécifiques de plus grande valeur (par opposition aux produits génériques) exige une gestion sophistiquée, un plus grand capital humain, une compréhension profonde des opportunités du marché international, des moyens de transport plus rapides, moins coûteux et plus fiables, des contrôles de qualité, d’emballages améliorés, attention aux normes environnementales et de santé, un environnement plus accueillant pour le capital et la gestion internationale, et une stabilité macroéconomique. En même temps, l’Afrique doit faire des efforts considérables pour réduire les frais de commercialisation et pour augmenter la productivité dans la production des produits agricoles traditionnels de l’Afrique destinés aussi bien à la consommation nationale qu’à l’exportation. (43) Nouvelles technologies (44) L’un des aspects les plus prometteurs de la mondialisation est le fait que l'information est maintenant beaucoup plus largement disponible et à meilleur marché. Pour une participation efficace à la nouvelle économie mondiale, on doit s’emparer de la révolution de l’information. Quelles sont les opportunités que la révolution de l'information tient pour l'Afrique? • (45) Accès aux informations sur les nouvelles opportunités du marché. • (46) Accès aux dernières informations sur les nouvelles technologies. 7 • (47) Opportunités d'intégrer des marchés en fournissant des informations instantanées sur le prix et la demande. • (48) Opportunités de réduire les risques liés à la sécheresse. • (49) Opportunités de diffuser l'information technologique aux agriculteurs de manière plus efficace et peu coûteuse. (50) Ce ne sont là que des constats de premier abord car il est difficile de prévoir aujourd'hui ce que la révolution de l'information nous promet dans le futur. Toutefois nous savons que profiter des opportunités qui émergeront, exige un effort sérieux et bien mesuré nécessaire pour s’adapter à un environnement technique en cours de mutation rapide. (51) Ce qui avait été dit auparavant sur la technologie de l’information s’applique aussi à la révolution biotechnologique. Tout comme avec la nouvelle technologie de l'information, il est difficile de prédire avec certitude comment la biotechnologie sera utilisée pour augmenter la productivité agricole en Afrique. La biotechnologie offre beaucoup d’opportunités tels que de hauts rendements, l’amélioration du contrôle des ennemis de cultures, une plus grande résistance à la sécheresse, la dépendance réduite à l’égard des engrais chimiques, les cycles de production plus courts, et une croissance de valeur nutritive, qui pourraient conduire à une révolution agricole bien plus dramatique que “la révolution verte” de la mi-vingtième siècle. Mais trois obstacles principaux demeurent. (52) Tout d’abord, la plupart des institutions africaines de recherche et des chercheurs africains n’ont pas encore la capacité d’adapter les innovations biotechnologiques qui sont en train de se développer dans le Nord aux circonstances africaines. Deuxièmement, la plupart de ces avances en biotechnologie sont introduites par les sociétés privées, qui brevètent les avances génétiques, plutôt que par les établissements publics qui voient le matériel génétique en tant que biens publiques. Ceci veut dire que non seulement la transmission de nouvelles technologies est limitée par l’absence d’opportunités de commerce rentable, mais également que la recherche est généralement limitée aux domaines qui ont une importance particulière pour l'agriculture des pays développés. En plus, tout le domaine de la modification génétique a provoqué un certain nombre de questions importantes sur les dangers à l'environnement et à la santé humaine; ces préoccupations rendront plus difficile le transfert rapide de nouvelles technologies en Afrique. Ce ne sont pas des obstacles insurmontables. Cependant, une stratégie pour la réduction de la faim en Afrique doit s’attaquer à ces obstacles et être explicite sur comment l’agriculture africaine pourrait profiter de la révolution biotechnologique. (53) Flux de capitaux internationaux (54) Comme mentionné ci-dessus, il y a eu une très grande augmentation du flux de capitaux internationaux, qui atteigne aujourd’hui un niveau 10 fois plus élevé que le niveau de l'aide publique au développement. Malgré ceci, les investissements étrangers directs et les investissement de portefeuille, en Afrique sub-saharienne, sont lents, et ont été toujours concentrés dans quelques pays et dans des secteurs bien déterminés. L'expérience internationale a démontré que le flux des capitaux est très mobile et se dirige toujours vers les pays là où il y a plus d’opportunités. Egalement les investisseurs internationaux ont plusieurs choix d’investissements de telle sorte que les pays avec des risques politiques, ou avec des obstacles tarifaires, ou qui connaissent une instabilité macroéconomique, sont abandonnés. Concernant les investissements de portefeuille, les flux de capitaux internationaux sont encore plus instables. Encore, ceci indique que tandis que la mondialisation offre beaucoup de nouvelles opportunités, elle présente également des risques croissants, et exige l'effort concerté et des changements radicaux pour profiter de ces opportunités. 8 (55) Les nouveaux philanthropes. La révolution technologique a engendré une nouvelle génération de capitalistes extrêmement riches, qui comme les Ford et le Rockefeller avant eux, sont intéressés à redistribuer une partie de leurs fortunes. Ceci a signifié une explosion de nouvelles fondations, et une génération de nouveaux philanthropes, comme Bill Gates et Ted Turner, qui cherchent à l'étranger aussi bien que localement des causes à soutenir. La plupart de ces nouvelles fondations ont des capacités et des mandats limités, se concentrant sur des secteurs sociaux. Cependant, ces nouvelles fondations sont toujours à la recherche du chemin à suivre, et la majorité d’entre elles n’ont pas encore identifié un ordre du jour fixe et particulier de développement. (56) La fin de la guerre froide (57) La fin de la guerre froide a changé le climat politique international de manières très importantes. Pendant les trois premières décennies de leur indépendance les pays africains constituaient d’importants, quoique secondaires, champs de bataille dans le conflit entre les grandes puissances. Plusieurs de ces pays pouvaient jouer entre les grandes puissances et les pousser les uns contre les autres, produisant des ressources substantielles qui ont permis des gouvernements corrompus et inefficaces de rester au pouvoir. Les Etats-Unis, en particulier, ont gaspillé des millions de dollars en aide pour soutenir les régimes autoritaires au Soudan, en Somalie, au Libéria et au Zaïre. En même temps, la guerre froide a également produit un conflit idéologique, qui a favorisé le développement du dirigisme et d'autres philosophies autoritaires. (58) Le nouveau climat politique international permet au Nord d’avoir une relation plus responsable avec l'Afrique, et basée sur un intérêt mutuel de la réduction de la pauvreté et de l’augmentation de la prospérité. Les Etats-Unis ont eu de grandes difficultés à définir une politique étrangère après la guerre froide, particulièrement en ce qui concerne l'Afrique. Les différentes raisons avancées pour justifier l’aide américaine à l’étranger, par exemple la nécessité de produire des biens publics internationaux tels que la santé et la protection de l'environnement, reviennent à la même chose--les Etats-Unis s’en tireront mieux dans un monde paisible et prospère.8 En Afrique, la paix et la prospérité viendront seulement avec le développement économique, et un programme d'aide étrangère peut favoriser ce développement. (59) Cependant, les années 90 ont vu une réduction marquée en aide étrangère, avec le niveau global chutant de 56,5 milliards de dollars en 1993 à 51,9 milliards de dollars en 1998. En Afrique subsaharienne, l’aide réelle par habitant est tombée d’un tiers entre 1990 et 1998. Aucune conscience ne peut supporter une telle situation dans une période de prospérité sans précédent. En ce qui concerne l'agriculture, l'aide a chuté brusquement. Par exemple, la Banque Mondiale a vu ses financements destines au développement rural en Afrique diminuer de 23 projets évalués à 1,0 milliards de dollars en 1990 à 8 projets, évalués à 224 millions de dollars en 1999. En conséquence, au moment même où la communauté internationale a décidé de se concentrer sur la réduction de la pauvreté, comme reflété dans les “objectifs pour le développement international” du Comité d’Aide au Développement, la même communauté a diminué sa capacité d’entreprendre des activités visant à cette réduction.9 8 Cependant, il est intéressant de noter que le public américain croit: (1) que les Etats Unis ont une responsabilité morale de fournir l'aide aux pays les plus pauvres; (2) que les Etats Unis donnent 10 fois plus d'aide a l'étranger qu'en réalité; (3) que les Etats Unis devraient fournir plus d'aide aux pays pauvres; (4) que la raison principale devrait être moral plutôt qu'intérêt; et (5) que l'aide étrangère est fréquemment inefficace. Voir University of Maryland Program on International Policy Attitudes: « Américans on Foreign Aid and World Hunger : A Study of Public Attitudes » février, 2001, sur: http://www.pipa.org/index.html 9 Voir: « A Better World for All, Progress towards the International Development », OCDE, juillet, 2000. 9 (60) C'est une grande tragédie. Aujourd’hui, l'Afrique fait face à une crise de développement peutêtre historique en son genre. Pour la première fois, en raison de la réforme politique et économique, les grandes opportunités pour des investissements destinées à la réduction de la pauvreté sont évidentes. Pendant les quatre dernières décennies de lutte pour réaliser le développement les Africains et les bailleurs de fonds ont beaucoup appris. L’économie mondiale évolue rapidement et offre de nouvelles opportunités porteuse de promesses. Le changement technologique donne l'espoir que plusieurs des problèmes existants peuvent être résolus. Ce n'est pas le bon moment de reculer en étant si près du but. (61) Pratiques changeantes des bailleurs de fonds (62) Priorités changeantes des donateurs et comptes d’affectations. Les priorités des programmes d'aide à l’étranger ont toujours eu tendance à changer au moins chaque décennie. Au cours des années 90, surtout pour répondre aux soucis des électeurs nationaux, une proportion croissante de fonds offerts par les donateurs a été acheminée vers les secteurs considérés comme ayant un impact direct sur la pauvreté, tels que la santé et la survie de l'enfant, ou vers des secteurs qui reflètent les inquiétudes politiques internes des pays donateurs tels que les questions relatives à l’environnement et au genre. Dans la mesure où le budget global à l’aide au développement n’avait pas changé ou était même en baisse, ceci voulait dire qu’il restait moins de ressources disponibles pour les secteurs productifs de l’économie, surtout le système agro-alimentaire. (63) D'ailleurs, ces pressions semblaient être universelles, et l'idée de l'avantage comparatif entre différents bailleurs de fonds n'était plus monnaie courante. Ainsi tous les donateurs, y compris les donateurs tels que l’USAID et la Banque Mondiale qui d’habitude montraient plus d’intérêt pour l'agriculture, ont transféré leurs ressources dans les secteurs sociaux aux détriment des secteurs productifs. Les pressions des bailleurs pour imposer leurs priorités entraient souvent en conflit avec le développement d’une stratégie nationale cohérente, mais malheureusement beaucoup de pays africains manquaient d’analystes bien formés capables de persuader les donateurs que leurs actions étaient contraires aux priorités nationales de développement (et les pays ont aussi manqué le courage de refuser l'argent des donateurs dont les priorités différaient des leurs). (64) Ce qui a donc été mis à l’écart c’est une approche équilibrée au développement. Il n'y a aucun doute que l'investissement dans le développement humain, dans les secteurs de l’éducation et de la santé en particulier, est essentiel pour une croissance soutenue. D'ailleurs, les secteurs l'éducation et la santé sont eux-mêmes, des biens publics importants, et ils sont aussi absolument nécessaires pour la croissance agricole. Ceci est aussi vrai pour les investissements dans le maintien de l’environnement naturel. Cependant, la capacité à long-terme d’améliorer la qualité et l'accès à ces services sociaux importants dépend d’une capacité accrue du secteur public à offrir ces services. Cette capacité du secteur public, quant à elle, dépend des revenus du gouvernement qui eux dépendent d'une économie croissante. Il y a un rapport de synergie très clair entre l’amélioration dans les secteurs sociaux et celles dans les secteurs productifs. Au cours de ces dernières années cet équilibre a été perturbé, en particulier dans le programme de l'USAID. (65) L’obligation de chiffrer les resultats. Les changements dans la pensée stratégique ont mis plus d’accent sur les résultats chiffrables dans les agences d'aide. Dans ce domaine, l’USAID, à cause des réformes faites au niveau de tout le gouvernement américain et codifiées dans le «Government Performance and Results Act (GPRA)», a été le chef de file. Malheureusement, dans la pratique , la mise en application de cette attention particulière sur les résultats chiffrables a été souvent traduit par une attention presque totale sur les résultats à court terme. Ainsi, deux types de programmes de développement ont été souvent négligés: les programmes ayant des résultats indirects ou difficiles à mesurer et les programmes dont les résultats ne sont visibles qu’à long terme. La réduction substantielle de l'investissement de l’USAID dans la formation à long terme et la recherche agricole est l’illustration la plus claire de ce phénomène. 10 (66) Diminution de la capacité technique. Le transfert de fonds d’investissement des projets de développement agricole et rural vers d’autres secteurs, a également abouti à une grande réduction du personnel technique agricole des agences donatrices. C'est un cycle vicieux, où la programmation réduite a pour conséquence un personnel réduit et vice-versa. (67) Aide étrangère et organisations non-gouvernementales (ONGs). L'activité politique croissante des organisations volontaires privées (OVP) couplée avec la réduction des capacités des états ont amené les donateurs à dépendre de plus en plus des ONGs. C'est un problème très complexe, liés au processus démocratiques, à la société civile, et aux inquiétudes relatives à l'efficacité du gouvernement. Cependant, la dépendance croissante sur des acteurs non- gouvernementaux, dans la mesure où elle réduit l’engagement des donateurs vis à vis les gouvernements africains, peut avoir l’effet contraire a l’effet recherche. Apres tout, la pauvreté ne peut pas être réduite sans un gouvernement efficace et dont l’agenda principal est le développement. (68) L’ouverture des marchés de l’OCDE (69) Si les pays africains veulent être concurrentiels sur le marché international, ils auront besoin de réponses honnêtes de la part des pays de l’OCDE. Il y’a eu des progrès substantiels dans ce sens lors de la dernière conférence des négociations de l’OMC; et surtout avec l’annonce de l'Acte de la Croissance et d’Opportunités Africaines (African Growth and Opportunities Act--AGOA) des EtatsUnis et les nouvelles politiques de l’Union Européenne visant à ouvrir des marchés aux pays en voie de développement. Cependant, jusqu'à présent les politiques agricoles de l’OCDE continuent d’être défavorables aux pays pauvres. Il a été estimé que le montant total des subventions agricoles venant de l’OCDE est égal au PIB des pays sub-sahariens.10 Ces subventions, accompagnées de l’ utilisation désordonnée de l'aide alimentaire, ont amoindrit l’efficacité des marchés nationaux et internationaux ouverts à l’agriculture africaine. Ce problème a été compliqué davantage par le fait que les ONGs ont été victimes de manque de fonds d’aide au développement. Ce qui les a amené à dépendre de plus en plus sur la monétisation de l’aide alimentaire pour financer leurs activités et ils sont devenus ainsi un groupe de pression pour plus d'aide alimentaire. Par contre, la nouvelle flexibilité quant aux fonds ainsi obtenus peut offrir de nouvelles opportunités pour l’utilisation des revenus de la monétisation de l’aide alimentaire afin de renforcer la croissance agricole à long terme. (70) LE PROBLÈME DE LA FAIM (71) Les dimensions de la faim en Afrique (72) Selon la FAO, il y a 186 millions de personnes affamées en Afrique.11 Le problème de la faim en Afrique doit être vu sous deux angles: le long et le court terme. Dans le long terme les populations pauvres ont des revenus limités et ne peuvent pas acheter ou produire, de manière continue, la quantité et la qualité d’aliments nécessaires pour garantir une bonne santé. Cette condition chronique est mieux mesurée par un indicateur appelé «retard de croissance», défini comme la taille d’un enfant par rapport à la taille normale d’un enfant de son âge. En Afrique Sub-saharienne, le pourcentage d’enfants qui souffre d’une croissance retardée varie entre 15% et 45%, même dans les pays qui ne sont ni en guerre et qui ne traversent pas de période de sécheresse. Ceci indique que dans le long terme un grand nombre d'enfants sont physiquement et mentalement sous-développés à cause d’un régime alimentaire insuffisant. 10 Voir Binswanger et Townsend, “The Growth Performance of Agriculture in sub-Saharan Africa,” American Journal of Agricultural Economics, 82:5, pp. 1075-1086. 11 Voir: FAO, The State of Food Insecurity in the World. 11 (73) D’autre part, l'insécurité alimentaire à court-terme, souvent le résultat de crises ou de pénuries alimentaires saisonnières, est mesurée par un indicateur appelé «amincissement» ou le poids d'un enfant par rapport à sa taille. Le pourcentage d’enfants amincis et qui ainsi courent des risques sérieux de malnutrition à court terme, généralement varie entre 5% et 10% dans des pays subsahariens qui ne sont pas en crise. Le tableau II présente les données alimentaires sur des mesures relatives à la nutrition dans huit pays africains. Comme le tableau l’indique, le progrès dans la réduction de la malnutrition a été inégale; le niveau de l’amincissement est entrain de croître dans presque chaque pays, et le niveau du retard de croissance est entrain de baisser dans la moitié des pays et de croître dans l’autre moitie. Il est difficile d’interpréter ces chiffres, bien qu'il semble y avoir une certaine indication que les pays qui se développent rapidement tout en réduisant leur pauvreté (le Ghana, l'Ouganda et du le Zimbabwe pendant cette période) ont connu une réduction du niveau de retard de croissance, du moins dans les zones rurales.12 Ce qui est clair, c’est que la malnutrition aussi bien que la pauvreté est plus prononcée dans les zones rurales des pays pour lesquels des données existent. (74) Bien sur, la situation est pire dans les pays en crise. L'ONU estime qu’environ 1% de la population en Afrique, soit six millions de personnes, sont des réfugiés ou des déplacés. Dans les pays tels que l'Angola, le Soudan, le Nord de l’Ouganda, la Sierra Léone, et le Congo non seulement de nombreuses personnes ont été déplacées, mais aussi les capitaux ont été détruits et les moyens d’existence ont été perturbes. En plus, une grande partie de l'Afrique est surjette à des sécheresses périodiques et à d'autres catastrophes naturelles telles que les inondations. Mais la pauvreté est la cause clef et tous les problèmes liés à la malnutrition, aux conflits, à la sécheresse et à la famine. (75) Pauvreté et faim (76) Dans le moyen et long terme, la réduction de la pauvreté demeure la seule solution au problème de la faim en Afrique. Quand bien même la faim est causée par des facteurs tels qu’une mauvaise santé, de mauvaises récoltes, un manque d'information sur la nutrition, des conflits, etc., presque tous ces facteurs dérivent d’un problème central: la pauvreté. Les pauvres sont moins bien portant, moins éduqués et plus vulnérables aux perturbations. Le fait que la pauvreté est le problème central dans la réduction de la faim, et en fait, à toutes les dimensions du bien-être social, est clairement documenté par la Banque Mondiale dans une série d’études sur la démographie et la santé (EDS) financée par USAID. Le tableau III, qui présente les données sur le Kenya, est relativement typique. 12 Comme documenté par Tefft et al. dans une série d’études sur la nutrition au Mali, l’inconsistance des methodes d’echantillonnage à travers les années a rendu de telles comparaisons difficiles. (Tefft, James, Christopher Penders, Valerie Kelly, John M. Staatz, Mbaye Yade, and Victoria Wise. “Linkages Between Agricultural Growth and Improved Child Nutrition in Mali.” MSU International Development Working Paper no. 79. East Lansing: Michigan State University Departments of Agricultural Economics and Economics: 2000. at: http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/papers/idwp79.pdf 12 (77) TABLEAU II: INDICATEURS NUTRITIONNELS POUR LES ENFANTS DANS QUELQUES PAYS AFRICAINS13 Pays (années) Première Année AminRetard cissement de Croissance Seconde Année Amincisse- Retard ment de Croissance Changement AminRetard cissement de Croissance Zone Urbaine: Ghana (1988, 1993) Madagascar (1992,1997) Mali (1987, 1995) Sénégal (1986, 1992) Tanzanie (1991, 1996) Ouganda (1988, 1995) Zambie (1992, 1996) Zimbabwe (1988, 1994) 7,3 3,8 9,9 3,5 5,1 0,6 5,4 1,4 24,6 40,5 19,6 17,5 38 24,8 32,8 16 9,1 5,3 24,9 8,8 8,1 1,4 3,3 6,5 17 44,8 23,9 15,2 32,6 22,7 32,9 19 1,8 1,5 15 5,3 3 0,7 -2,1 5 -7,6 4,3 4,3 -2,3 -5,5 -2,1 0,1 3 8,5 6 12,3 7,1 6,4 2 5 1,1 31,4 50,6 26,2 26,5 45 45,2 46,5 34,3 13,1 8,3 24,4 13,4 7,3 3,2 4,9 5,6 32,3 49,5 36,2 32,7 46,1 40,7 48,9 25 4,6 2,3 12,2 6,3 0,9 1,3 -0,1 4,5 0,9 -1,1 10 6,3 1.2 -4.5 2.4 -9.3 Zone Rurale: Ghana (1988, 1993) Madagascar (1992,1997) Mali (1987, 1995) Sénégal (1986, 1992) Tanzanie (1991, 1996) Ouganda (1988, 1995) Zambie (1992, 1996) Zimbabwe (1988, 1994) (78) Comme indiqué dans le tableau, pour presque tous les indicateurs, le quintile le plus riche a des indicateurs qui sont de deux fois à trois fois meilleurs aux indicateurs du quintile le plus pauvre. Ceci est vrai aussi bien pour les trois indicateurs de nutrition que pour les deux indicateurs de la santé. Ce sont là des relations complexes et pas toujours linéaires, mais il est évident que la relation entre la pauvreté et la nutrition, aussi bien que les relations entre la pauvreté et l’état de santé, et la relation entre la pauvreté et la fertilité sont robustes. Ainsi, toute solution à la famine doit être basée sur une réduction de la pauvreté. 13 Sahn, David E., Paul A. Dorash et Stephen Younger. 1999, “A Reply to De Maio, Stewart and van der Hoeven,” World Development 27 (3) 471-75. 13 (79) TABLEAU III. PAUVRETÉ ET INDICATEURS DE BIEN-ETRE AU KENYA EN 1997 Indicateur Consommation des Ménages (en quintiles) Plus Pauvre Second Milieu Quatrième Plus Riche Moyenne Taux de mortalité infantiles 95,8 82,9 58,5 61 40,2 70,7 Taux de mortalité Infantiles (moins de 5 ans) 136,2 120.4 92,3 84,9 60,7 105,2 Enfant en retard de croissance (%) 44,1 37,5 30,2 30,5 17,1 33 Enfant moyennement en dessous du poids normal 31,6 26,7 20 17,1 10,3 22,1 (%) Enfant largement en dessous du poids normal 7,1 6,2 3,8 3,4 2,1 4,8 (%) Faible IMC des mères 17,6 15,5 11,5 8,1 5,5 11,9 (%)* Total Taux de Fertilité 6,5 5,6 4,7 4,2 2 4,7 * Indice de la masse corporelle (body mass index), un indice de l’état nutritionnel de l'adulte. (80) LE PROBLÈME DE LA PAUVRETÉ (81) La sévérité du problème de pauvreté en Afrique est indiquée dans le tableau IV. (82) Le taux du nombre de personnes est défini comme le pourcentage de la population au-dessous du seuil de la pauvreté. L'intervalle de pauvreté est égal à la distance entre le revenu moyen des pauvres et le seuil de pauvreté, en pourcentage. En d'autres termes, un intervalle de pauvreté de 23% signifie qu’une personne pauvre a un revenu moyen de 23% au-dessous du seuil de pauvreté. (83) Le tableau illustre les faits suivants: • (84) La pauvreté est répandue en Afrique, avec peut-être la majorité de la population vivant dans la pauvreté • (85) La pauvreté est plus courante et plus grave dans les zones rurales, mais elle est aussi répandue dans les zones urbaines • (86) Même si le revenu national était mieux réparti, la plupart des gens ne seraient pas très loin au-dessus du seuil de pauvreté. 14 (87) TABLEAU IV. PAUVRETÉ DANS 21 PAYS AFRICAINS PENDANT LES ANNÉES 9014 Indicateur Taux du nombre de personnes (%) Intervalle de pauvreté (%) Intervalle de pauvreté au carré (%) Dépense moyenne ($ / personne / année) Seuil de pauvreté moyen ($/personne/année) Rurale Urbain Total 56 23 13 409 325 43 16 8 959 558 52 22 12 551 (88) Plusieurs des changements, en particulier la libéralisation politique et économique, qui ont été décrits dans la première partie de ce document, ont conduit à une certaine amélioration de la situation de pauvreté. Par exemple, sur une période de cinq ans, le taux du nombre de personnes dans la pauvreté a baissé de 25% en Ethiopie rurale, de 14% au Ghana, de 30% en Mauritanie et de 21% en Ouganda. Dans chacun de ces pays, la croissance renouvelée a mené à une augmentation d’environ 11% de la consommation par personne. En revanche, dans trois pays (le Nigéria, la Zambie et le Zimbabwe) où la consommation par personne a diminué de 6,5% en moyenne, le nombre de personnes pauvres a augmenté de 53%, de 5% et de 26% respectivement. (89) LA SOLUTION DE LA PAUVRETÉ ET DE LA FAIM (90) Un certain nombre de chercheurs ont précisé que la stratégie la plus pertinente pour réduire la pauvreté et favoriser la croissance économique est d’assurer un développement rapide du secteur agricole.15 Premièrement, la majorité des pauvres vivent dans les zones rurales, ainsi la croissance rapide de l'économie rurale est susceptible d'avoir le plus grand et le plus direct impact sur les pauvres. Deuxièmement, les pauvres dépensent jusqu'à 80% de leurs revenus pour se nourrir; une croissance rapide de l’agriculture est basée sur la productivité, et en conséquence des coûts moindres de nourriture. La réduction des coûts des aliments augmente le niveau du revenu réel du pauvre, en zone urbaine et rurale. Troisièmement, les coûts réduits des aliments permet à des travailleurs d'améliorer leurs revenus sans augmenter leurs salaires, de ce fait permettant à l'économie d'être plus compétitive sur le marché international. Finalement, une agriculture en croissance augmente le revenu des agriculteurs, ce qui leur permet d'acheter des biens et des services. Des études ont prouvé que des revenus générés à partir d’activités agricoles sont plus susceptibles à être dépensés sur des 14 15 Can Africa Claim the Twenty-First Century, The World Bank, p.90. Voir pour example: African Development Bank, Agriculture and Rural Development Sector Report, sur: http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/africanhunger/agripolicy.pdf Niama Nango Dembélé, “Sécurité Alimentaire en Afrique Sub-saharienne: Quelle Stratégie de Réalisation?” mimeo, February, 2001. http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/africanhunger/securitealimentaire.pdf Timmer, C. Peter. 1998. “The Agricultural Transformation.” In Eicher, Carl, and John Staatz (eds.) International Agricultural Development (third edition). Baltimore: Johns Hopkins University Press, and Gem Argwings-Kodhek, T.S. Jayne, and Isaac Minde. 1999. African Perspectives on Progress and Challenges in Agricultural Transformation. http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/polsyn/number47.pdf 15 biens et des services nationaux plutôt que sur des biens et des services importées.16 Ceci signifie que les effets multiplicateurs des augmentations de revenus sur la production et l’emploi non-agricoles sont plus grands que ceux de la croissance non-agricole sur la production et l’emploi non-agricoles. (91) L’ACCÉLÉRATION DE LA CROISSANCE AGRICOLE COMME ENGIN D’UNE CROISSANCE STRATÉGIQUE (92) Quelles sont les caractéristiques saillantes de l’agriculture africaine? (93) L'Afrique est un continent énorme (le schéma 1) avec une agro-écologie diverse. Par conséquent, les généralisations sur l’agriculture en Afrique sub-saharienne induisent souvent à l’erreur. En fin de compte, les recommandations doivent être adaptées à chaque pays et à chaque région agroécologique.17 Néanmoins, il y a certaines caractéristiques communes qui ressortent. Ce qui suit n'est pas une liste exhaustive, mais plutôt une liste des caractéristiques clefs décrivant la structure de l’agriculture et des système agro-alimentaires africains: • (94) La plus grande partie de l'agriculture africaine est pluviale (environ 4,1% des terres arables sont sous irrigation), et est sujette à la variabilité substantielle des précipitations aussi bien qu’aux sécheresses périodiques et graves. • (95) Malgré la contribution substantielle des fermes commerciales à grande échelle en Afrique australe et au Kenya, la plus grande partie de l’agriculture africaine est caractérisée par un mélange de petites exploitations couvrant une superficie de 0,5 à 5 hectares, avec des intrants de capitaux limités, à l’exception d’outils manuels, de bétail, des arbres et des charrues dans certaines zones; • (96) Dans la plupart des pays, les femmes sont fortement impliquées dans l'agriculture, faisant souvent la majorité du travail et prenant parfois la plupart des décisions quotidiennes de la gestion de l’exploitation agricole, surtout dans les zones où c’est courant de voir les hommes émigrer pour aller travailler dans les mines ou s’engager à d'autres travaux non-agricoles. Pourtant, contrairement aux hommes, les femmes ont généralement un accès plus limite au crédit, aux services de vulgarisation, et à d'autres services de support agricoles. • (97) Dans l'ensemble, à l’exception des dix années de crise (1975-1985), l'agriculture africaine a connu le même taux de croissance que la population, c’est à dire 3% par an au cours de la période de 1960 à 1975, 1,8% par an entre 1975 et 1985, et 3% par an depuis ; • (98) Cependant, l'Afrique a perdu d’importantes portions, sinon la plupart des ses parts de marchés pour ses produits d’exportation traditionnels; • (99) Une grande partie de l'augmentation de la production agricole a été le résultat de l’expansion des surfaces cultivées, et de plus en plus les nouvelles surfaces mises en production sont de moindre qualité; 16 Cf. Christopher L. Delgado, Jane Hopkins, Valerie Kelly et. al., “Agricultural Growth Linkages In Sub-Saharan Africa,” International Food Policy Research Institute Research Report #107, December, 1998. 17 Moussa Batchily Ba, et al.1999. Workshop on Agriculture Transformation in Africa: Abidjan, Côte d’Ivoire, September 26-29, 1995. MSU International Development Working Paper no 75. East Lansing: Dept. of Agricultural Economics, Michigan State University. http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/papers/idwp75.pdf 16 Figure1: Perspective sur la superficie de l’Afrique 17 • (100) Cependant, l’exode rural continu (ce qui a causé dans certains pays une croissance de la population urbaine de 5%) a signifié que l’augmentation de la production a dû s’accompagner d'une augmentation de la productivité agricole; • (101) Les rendements de la production agricole sont bien au-dessous des normes mondiales, malgré des gains importants en rendements à partir des années 80 résultant des investissements dans la recherche agricole; • (102) Les coûts de commercialisation sont les plus élevés du monde, à cause des problèmes politiques, des frais de transport élevés, et une faible densité de la population, ce qui augmente les coûts unitaires de collecte et de distribution; ceci réduit la capacité concurrentielle, l'emploi et les salaires réels; • (103) Des études récentes ont démontré qu’il y a une disparité plutôt large dans la répartition de la terre parmi les petits agriculteurs, que ce soit dans la même localité ou pas; en conséquence, 80% du surplus commercialisable dans beaucoup de pays est produit par 20% de la population. En plus, beaucoup d’agriculteurs sont des acheteurs nets de produits de base, et par conséquent, la réduction des coûts de commercialisation entre les zones rurales est aussi importante que la réduction des coûts de commercialisation entre les zones rurales et les zones urbaines. Il y a, donc, des nombres considérables de pauvres dans les zones où la production est élevée; 18 • (104) La plupart des petits agriculteurs ne sont pas auto-suffisants et dépendent du marché pour une portion importante (jusqu'à 40%) de leur consommation alimentaire; ceci signifie que la plupart des petits agriculteurs ont des sources de revenu en espèces – salaires, remise de fonds et revenus obtenus de travaux non- agricoles; • (105) Le secteur des petits agriculteurs est ainsi divisé en deux groupes: 1) un sous-secteur dynamique et capable d’investir dans des biens d’équipements et dans l’amélioration des propriétés foncières, et d’acheter des intrants et d’adopter les nouvelles technologies, et 2) un sous-secteur à capacité contrainte, avec une capacité limitée d'augmenter largement la productivité. Les gens opérant dans le sous-secteur moins dynamique, contraints par une propriété foncière et d'autres ressources très limitées, devront en fin de compte trouver la plus grande partie de leur revenu dans des activités non-agricoles (y compris la vente de leur maind’oeuvre à d'autres agriculteurs). Mais de telles offres d'emploi ne se présenteront pas à moins que les petits agriculteurs qui ont les ressources nécessaires pour augmenter la production soient pourvus de capacité et de moyens d'augmenter la production et la productivité. L’augmentation de productivité du groupe le plus dynamique créera des nouveaux emplois (dans des activités agricoles et non-agricoles) pour ceux qui sont dans le sous-secteur moins dynamique, et les salaires seront plus hauts. Ceci est une stratégie explicite pour favoriser des liens dynamiques dans le secteur des petits agriculteurs. • (106) Le revenu croissant (et les revenus dans les pays africains sont en train d’augmenter, quoique lentement) et l'urbanisation rapide ont augmenté la demande d'aliments de plus haute valeur tels que la viande, les produits laitiers, l’huile, les aliments plus transformées, etc.; • (107) Il y a un large volume d’échanges inter-africains des produits agricoles, mais beaucoup sinon la plupart de ces échanges ne sont pas enregistrés dans les statistiques officielles; 18 Entretien privé avec Michael Weber et Thomas Jayne. Voir aussi: T.S. Jayne. 2001. “Differential Access to Land Among Smallholders in Africa: Implications for Poverty Reduction Strategies and Structural Transformation.” MSU International Development Paper (draft) no 80. East Lansing: Dept. of Agricultural Economics, Michigan State University. 18 • (108) L'agriculture africaine possède une intensité du capital moindre par rapport à l'agriculture dans les autres pays en voie de développement. Elle utilise aussi beaucoup moins d'engrais. (109) Le Tableau V résume la plupart de ces faits. (110) Pourquoi le développement du système agro-alimentaire est si difficile en Afrique? Y a-t-il des facteurs géographiques, climatiques, démographiques ou sociaux qui rendent la croissance agricole en Afrique plus contraignante que dans les autres régions du monde? Il est évident qu'un certain nombre de différences entre l'Afrique de l'Asie ont fait de la "révolution verte" une expérience moins appropriée pour l'Afrique. Les facteurs suivants sont d'une importance particulière:19 • (111) La tendance à la baisse des prix réels des exportations traditionnelles agricoles; • (112) Le sous-développement des infrastructures et des services en milieu rural entraînent une augmentation du coût des échanges et, de surcroît, inhibent le développement des agroindustries dans les zones rurales; • (113) Une incidence élevée de maladies virales et celles transmises par des vecteurs (par exemple, les moustiques), notamment le VIH/SIDA et le paludisme; • (114) La dégradation des ressources naturelles, y compris une déforestation substantielle et une perte progressive de la fertilité des sols; • (115) Un système foncier compliqué souvent limitant la transférabilité du titre foncier et parfois offrant une sécurité limitée en matière de tenure foncière; • (116) Des pertes post-récolte élevées; • (117) Une faible intermédiation financière en zone rurale; • (118) Une faible participation des bénéficiaires à la conception des projets de développement et à la formulation des politiques agricoles; • (119) Une agriculture beaucoup plus différenciée, avec beaucoup plus de cultures et de zones agro-écologiques que dans les régions asiatiques à monocultures de riz et de blé; • (120) Une population plus dispersée, augmentant le coût des échanges et des infrastructures; • (121) Une dépendance sur une agriculture pluviale, plutôt que sur une agriculture irriguée connue dans la plupart des pays asiatiques; • (122) Une population rurale peu éduquée en comparaison avec l’Asie en début de sa croissance accélérée; (123) Tous ces facteurs rendent plus difficile tout effort d’amélioration de la productivité agricole, et certainement réduisent la rentabilité de beaucoup d’investissements. Cela ne veut cependant pas dire que les pays africains ne sont pas en mesure d’augmenter la production agricole à un taux annuel 19 Une grande partie de cette liste est basée sur un rapport de la Banque Africaine de Développment, intitulé Agriculture and Rural -Development Sector Report, pp. 7-11. 19 de trois à cinq pour-cent, le taux nécessaire pour réduire rapidement la pauvreté. En effet, plusieurs pays enregistrent actuellement ces taux élevés de croissance, mais la différence entre le taux réalisé et le potentiel de croissance est encore très large. (124) Malgré les facteurs sus-indiqués, les politiques économiques poursuivies par la plupart des pays africains pendant la période d’après les indépendances constituent le plus important groupe de facteurs inhibiteurs de l’agriculture africaine. Ces politiques ont été caractérisées par une instabilité macro-économique, un biais vers le milieu urbain et des renversements de politique notoires. Pour la plupart, les pays africains avaient imposé les producteurs ruraux tout en subventionnant les consommateurs urbains. Cette tendance a été plus accentuée en Afrique occidentale qu’en Afrique orientale et australe. Dans ces dernières régions, du moins là où les occupants européens intervenaient dans l’agriculture, des mécanismes ont été mis sur pied pour protéger ces producteurs contre la compétition étrangère, c’est-à-dire celle des producteurs africains et celle des importations. Nombre de ces politiques ont continué dans la période post-indépendance, conduisant, par exemple, aux taux élevés de taxes sur le maïs importé au Kenya. Les gouvernements africains avaient sousinvesti dans les milieux ruraux tandis qu’ils offraient des services, de façon disproportionnée aux populations urbaines. Ces gouvernements avaient exercé des contrôles directs sur le marché des produits agricoles; ils ont subventionné les intrants agricoles, et par conséquent l’accès aux intrants est devenu très politisé. Par contre, ils ont sous-investi dans les institution-clés telles que les institutions nationales de recherche agricole. 20 (125) TABLEAU V. LES INDICATEURS AGRICOLES POUR L’AFRIQUE, L’ASIE ET L’AMÉRIQUE LATINE Indicateurs Afrique Asie Amérique Latine PIB agricole (milliards de dollars) 1997 Agriculture/PIB (pourcentage) 1995 Main-d’oeuvre agricole (pourcentage du total) 1995 Exportations agricoles (pourcentage du total) 1995 62,4 30 70 40 400,1 25 72 18 143,2 10 29 30 Indice de la production agricole (1961-64 =100) 1965-1969 1975-1979 1985-1989 1995-1998 113 135 166 221 115 154 230 338 115 153 200 253 Indice de la production agricole par tête (1961-64 = 100) 1965-1969 1975-1979 1985-1989 1995-1998 100 92 84 87 103 110 135 169 102 106 112 120 1.230 133 5,9 15 2.943 285 1,3 180 2.477 256 24,8 75 6,6 33,3 9,2 290 804 1.165 0,06 15 25 0,37 29 146 0,16 25 24 42 32 40 Rendements en céréales (kg par hectare), 1994 Production de céréales par tête (kg), 1993-1996 Terre agricole par exploitant (hectares), 1994 Utilisation d’engrais sur les terres arables (kg par hectare) 1993-1996 Terres irriguées en pourcentage des terres arables , 1994 Tracteurs/superficie de terre arable (Nombre par 1000 hectares), 1994 Densité du réseau routier (km de routes par kilomètre carré), 1995 Routes bitumées (pourcentage du total des routes), 1995 Densité de la population (habitants par kilomètre carré), 1995 Revenu non-agricole comme pourcentage du revenu rural total Source: Can Africa Claim the Twenty-First Century, La Banque Mondiale, 2000. (126) Sous la pression de la communauté de donateurs, beaucoup de pays africains ont amorcé un processus de réformes structurelles depuis la moitié des années 1980. Les déficits budgétaires ont été réduits, les marchés de cours d’échange libéralisés, les subventions supprimées, le régime du commerce rendu plus ouvert, le contrôle des prix abrogé, les entreprises d’état privatisées, les marchés financiers libéralisés, et les offices nationaux de commerce des produits agricoles éliminés. Ces changements sont intervenus au bout d’une longue période et sont à même d’être achevés. Au cours des années récentes, on a assisté à un certain recul de ces reformes, particulièrement en Afrique de l’Est et du Sud. Ceci est discuté en détail ci-après. 21 (127) UNE STRATÉGIE BASÉE SUR L’AGRICULTURE POUR RÉDUIRE LA FAIM (128) L’argument dans ce document jusqu’ici peut se résumer comme suit: (1) le problème de la faim résulte largement de la faiblesse des revenus; ainsi, toute stratégie pour une réduction substantielle de la faim doit être basée sur la réduction de la pauvreté et l’augmentation des revenus des pauvres; (2) la revitalisation de l’agriculture est centrale à tout effort allant dans ce sens; (3) l’agriculture africaine a été stagnante dans le passé, principalement à cause des politiques gouvernementales inadéquates, notamment le sous-investissement dans le secteur agricole; (4) la démocratisation et la libéralisation économique constituent deux forces majeures pouvant offrir de nouvelles opportunités pour redynamiser l’agriculture, mais à la seule condition que les pays de l’OCDE ouvrent leurs marchés à plus de produits africains, en particulier les produits agricoles à grande valeur ajoutée; (5) la compétition sur le marché international du vingt-et-unième siècle nécessite une toute nouvelle approche aussi bien de la part des pays africains que de leurs partenaires du Nord, l’économie internationale devenant de plus en plus complexe et exigeante en comparaison à ce qu’elle était il y a dix ans. Le terrain est riche en opportunités, mais la tâche ne sera pas facile. (129) Une agriculture renaissante, dans la plupart des pays, doit être orientée vers le marché et basée sur la demande du marché. Les sources de l’augmentation de la demande incluent à la fois les marchés nationaux et internationaux. Sur le plan national, satisfaire à telle demande nécessitera: • (130) L’augmentation de la production alimentaire pour les marchés ruraux et urbains (y compris l’exploitation des opportunités de substituer des produits nationaux aux importations quand et où ceci est économiquement faisable); • (131) L’augmentation de la demande intérieure pour les produits alimentaires de plus haute valeur; • (132) L’augmentation de la valeur ajoutée par la transformation des produits agricoles. (133) Le marché des produits alimentaires de base (134) Le noeud de ce argument est simple. Augmenter la production des produits alimentaires de base sans accroître la demande se traduira en une réduction des prix et en un changement peu significatif du revenu des producteurs. La demande des produits alimentaires de base est inélastique par rapport au revenu. Cependant, avec la persistance des taux élevés de croissance démographique et de migration vers les villes, il est fort probable que la demande des aliments de base, même en absence d’une croissance économique rapide, connaîtra une croissance annuelle de trois à quatre pour-cent. La réduction des coûts de commercialisation, même sans augmentation de la productivité, pourrait réduire le prix à la consommation et accroître ainsi un peu plus la demande. Toutefois, considérant d’une part le ratio élevé entre les coûts de transport et la valeur de la plupart des produits alimentaires de base, et d’autre part, les politiques alimentaires existantes des pays de l’OCDE, les débouchés d’exportation des aliments de base seront certainement limités aux marchés régionaux. Un marché performant de produits alimentaires de base, bien que nécessaire à la croissance agricole, ne peut pourtant pas en constituer le moteur principal. (135) Ceci n’altère aucunement le rôle critique que doit jouer la production alimentaire de base et par conséquent, n’exclut pas la nécessité d’investir pour augmenter la productivité dans le secteur. Du côté de la demande, il serait possible de substituer les produits nationaux aux importations à travers le développement d’un système d’information plus crédible ainsi que des normes de qualité pour le commerce régional. L’absence de telles informations et normes constitue des barrières non-tarifaires aux échanges locaux, ce qui augmente le prix des biens agricoles produits dans la région par rapport aux importations extra-africaines. 22 (136) Le marché des produits alimentaires de plus haute valeur (137) Alors que les aliments de base ont une faible élasticité du revenu, les aliments de plus haute valeur tels que les huiles de consommation, le poisson, la viande et les produits laitiers ont tous des élasticités du revenu élevées. La dévaluation du franc CFA en 1994 a permis aux producteurs de bétails sahéliens de reconquérir le marché côtier ouest-africain de viande, lequel était entre temps perdu en faveur des importations de viande subventionnée en provenance de l’Europe occidentale. Dans ce cas particulier et considérant les subventions que l’Union Européenne accorde à ses producteurs de boeuf, il est peut-être souhaitable que les pays africains érigent des barrières tarifaires contre le dumping pratiqué par des pays développés pour ainsi protéger les industries naissantes de productions de viande et de produits laitiers.20 Ceci est particulièrement vrai, d’autant que ces tarifs n’auront pas trop d’effets néfastes sur les pauvres, la majorité des consommateurs de ces produits appartenant à une classe plus élevée de revenus. En outre, vue la distribution régionale de l’activité économique, le renforcement du marché régional de boeuf et de produits laitiers en Afrique de l’Ouest pourra occasionner une augmentation de revenus dans les régions sahéliennes les plus pauvres. (138) La transformation agro-industrielle (139) Il est maintenant nettement clair que la perspective du développement agricole n’est pas limitée uniquement aux exploitations, mais intègre également le système agro-alimentaire dans son ensemble. “Les contraintes à la croissance durable et à la sécurité alimentaire se situent aussi bien sur qu’en dehors des exploitations agricoles. Dans beaucoup de pays, plus de la moitié des dépenses alimentaires des consommateurs proviennent des opérations post-récoltes et de l’achat des intrants. L’amélioration de l’efficacité des systèmes de commercialisation des intrants et des produits, du stockage et de la transformation est par conséquent très critique.”21 Les ménages urbains souvent plus occupés sont de plus en plus en quête de produits alimentaires nécessitant un temps de cuisson minimal et préservant la fraîcheur dans les milieux urbains. A défaut des sources intérieures d’offre, la plupart de la demande de ces produits transformés est couverte par les importations. Ici aussi, le développement des marchés régionaux créera l’échelle requise pour rendre rentable la transformation agro-alimentaire à un niveau plus élevé. (140) Les stratégies d’exportations (141) Bien que les marchés intérieurs continueront d’être le plus important segment de la demande globale des produits agricoles, ils auront tendance à être moins dynamiques que les marchés extérieurs. Le marché international croît plus rapidement que l’économie mondiale, et encore plus rapidement que le secteur non-agricole de beaucoup d’économies africaines. De plus, la plupart des biens produits par les pays africains et destinés à l’exportation sont d’une valeur plus élevée que les productions destinées à la consommation nationale. La transformation agricole en Afrique aura besoin d’un cercle vertueux qui augmente les productions de plus haute valeur, qui à leur tour augmentent les revenus agricoles, la demande des services non-agricoles, la demande des produits alimentaires de base et la productivité dans la production alimentaire. (142) En outre, l’orientation de la production vers le marché mondial présente d’autres avantages importants. Par exemple : 20 Une pression de plus en plus accrue pourrait être exercée au sein de l’Union Européenne pour réinstaurer les subventions à l’exportation sur la viande bovine à cause de l’accumulation de larges stock de viande non vendue à la suite de la baisse sensible de la demande en Europe due à la maladie de la vache folle. 21 Howard et al., op. cit., p.2. 23 • (143) La compétition sur le marché mondial est une tâche difficile qui nécessite des industries robustes; cette compétition forcera les pays africains à réduire le coût de production et à améliorer la productivité, augmentant ainsi la productivité totale des facteurs. • (144) La compétition dans la nouvelle économie mondiale accorde beaucoup de valeur au savoir-faire en tant que facteur de production; une bonne partie de ce savoir peut relativement être obtenue à bon prix, bien que certains éléments de ce paquet de connaissances peuvent être coûteux. • (145) La compétition sur le marché international pourrait attirer des investissements privés internationaux et de la technologie, d’autant plus que la demande extérieure est plus ou moins indépendante des perturbations de l’économie nationale. (146) L’expérience africaine en matière d’exportations agricoles (147) La surévaluation des taux d’échanges, la taxation, et les sous-investissements ont affaibli le secteur des exportations agricoles traditionnelles de l’Afrique (voir Tableau VI). Trois remarques importantes ressortent de ce tableau: 1. (148) A l’exception du thé, il y a eu une tendance à la baisse de la part africaine dans le marché agricole mondial de tous ces produits. 2. (149) Sur quatre des dix produits agricoles considérés, les exportations africaines en 1997 étaient moindres (en termes absolus) que celles de 1970. 3. (150) A l’exception du tabac et des bananes, le commerce mondial de ces produits a connu une croissance annuelle entre 2.2% et 0.8%. Il faut souligner que ces marchés des exportations traditionnelles sont loin d’être le segment le plus dynamique des échanges mondiaux. Cependant, ces produits demeurent importants pour l’Afrique et peuvent représenter des opportunités pour le continent à condition que les pays maintiennent leur compétitivité. 24 (151) TABLEAU VI: LA PART DES PRINCIPALES CULTURES D’EXPORTATION AFRICAINES DANS LE COMMERCE MONDIAL Cultures Bananes Cacao Café Fibres de coton Arachides Huile de palmes Caoutchouc Sucre Thé Tabac Exportations mondiales (000 tonnes) 1970 5.730 1.136 3.282 4.000 983 906 2.661 21.861 752 1.200 Exportations africaines (000 tonnes) 1997 14.512 2.061 5.074 5.677 1.218 12.297 4.668 37.883 1.352 5.733 1970 394 867 1.010 672 677 178 201 1.515 109 88 1997 429 1.403 808 869 61 156 292 1.386 313 289 Part de l’Afrique dans le commerce mondial (%) 1970 6,9 75,8 30,8 16,8 68,9 19,6 7,6 6,9 14,5 7,3 1997 3,0 67,9 15,9 15,3 5,0 1,3 6,3 3,7 23,2 5,0 Source: FAOSTAT (152) D’un autre côté, certains pays africains ont réussi à exploiter les opportunités sur certains marchés non-traditionnels (Tableau VII) (153) Dans chacun de ces pays, les exportations non-traditionnelles (ENTs) ont connu une part croissante des exportations totales et ont montré des signes de croissance ultra-rapide durant une courte période de temps. Il existe quelques ENTs non-agricoles, mais la majorité est basée sur l’agriculture. (154) TABLEAU VII. EXPORTATIONS NON-TRADITIONNELLES DE QUELQUES PAYS AFRICAINS Pays Cote d’Ivoire Ghana Madagascar Iles Maurices Mozambique Sénégal Ouganda Zambie Part des Exportations Totales (pourcentage) 1994 13,5 9,7 64,1 67,2 5,6 11,5 5,6 14,7 1998 17,4 19,2 86,1 68,9 17,8 13,3 34,9 33 Croissance Moyenne Annelle (pourcentage) 1994-1998 16,4 35,5 11,9 2,9 50,3 9,3 101,5 16,5 (155) La stratégie africaine en matière d’exportations doit se reposer sur trois piliers principaux: exportations traditionnelles, exportations non-traditionnelles et exportations régionales. Comme indiqué ci-dessus, le prix des exportations traditionnelles ont connu une chute soutenue durant près d’un demi-siècle. Néanmoins, l’Afrique dispose toujours d’un avantage comparatif dans les marchés de beaucoup de ces produits agricoles. Aussi, l’intensification des exportations pourrait-elle accroître 25 les revenus (la productivité de la terre et de la main-d’oeuvre étant plus élevée pour les cultures traditionnelles d’exportations que pour les cultures vivrières). De plus, la notion d’avantage comparatif étant une notion dynamique, la perte de la part africaine dans les marchés agricoles tels que ceux du café et de l’huile de palme, due entre autre au sous-investissement dans ces cultures, n’est pas irrévocable. L’Afrique pourra reconquérir sa part du marché grâce à des investissements judicieux. La plupart du temps, les coûts de production au champ des cultures traditionnelles sont largement plus faibles en Afrique que dans les pays producteurs mondiaux, mais cet avantage est souvent anéanti par des empêchements liés à la politique agricole et aux coûts élevés de commercialisation.22 (156) Le commerce régional de produits agricoles est déjà relativement robuste, même si seulement une infime partie des échanges apparaissent dans les statistiques officielles.23 Des études menées par l’USAID en Afrique orientale et australe ont montré que des échanges transfrontaliers, la plupart en produits agricoles, étaient plusieurs fois plus larges que les données reportées officiellement.24 Entre 1994-95 par exemple, les exportations agricoles non-enregistrées de l’Ouganda vers le Kenya faisaient 60% du chiffre officiel des exportations agricoles totales. La nature informelle de ce commerce découle en partie du désir à ne pas encourir des frais de douanes, mais dans une plus grande mesure de la nécessité d’éviter des délais et des extorsions financières aux points de passage de la frontière. Cette situation induit un accroissement des coûts, lequel résulte en une réduction de revenus des paysans. Il n’est pas rare de voir des chargements en gros arrivés a la frontière, ensuite redistribués en petites charges transportables soit par la tête ou par bicyclette, et rassemblés une fois encore après le passage du point de contrôle. Cet exemple montre clairement que tout effort effectif de réduction des barrières aux échanges intra-africains pourrait réduire les coûts d’échange, conduisant ainsi à l’expansion du commerce, mais sans toutefois créer de nouveaux marchés qui n’existaient pas au préalable. De précieux efforts doivent être déployés pour concevoir le développement des espaces commerciaux sub-régionaux en Afrique, en particulier en ce qui concerne le marché agricole.25 22 Patricia Kristjanson, Mark Newman, Cheryl Christiansen et Martin Abel, “Export Crop Competitiveness: Strategies for Sub-Saharan Africa.” APAP #109; USAID #PN-ABG-776; Juillet 1990. 23 Comme exception, on peut citer les travaux de recherche portant sur les échanges régionaux en Afrique de l’Ouest à la suite de la dévaluation du franc CFA. Cf. Yade, Mbaye, Anne Chohin-Kuper, Valerie Kelly, John Staatz et James Tefft. 1999. “The Role of Regional Trade in Agricultural Transformation: the Case of West Africa Following the Devaluation of the CFA Franc.” Document présenté à l’Atelier de Tegemeo/ECAPAPA/MSU/USAID sur la Transformation Agricole, Nairobi, 27-30 Juin, 1999. MSU Agricultural Economics Staff Paper no. 99-28, Juin 1999 <http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/ag_transformation/atw_yade.pdf> et James Tefft, Mbaye Yade, John Staatz et al. Securite alimentaire et filières agricoles en Afrique de l’Ouest: Enjeux et perspectives quatre ans apres la dévaluation du Franc CFA. Synthèses (portant sur les sous-secteurs de coton, de boeuf, d’horticulture et de consommation). Bamako: Institut du Sahel, Novembre, 1998 (http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/sahel/index.htm) 24 Cf. "Unrecorded Cross-Border Trade Between Kenya and Uganda: Proceeding of a Workshop Held at the Mayfair Hotel, Nairobi, Kenya, 6 Décembre, 1996". Juillet 1997. Chris Ackello-Ogutu et Protase Echessah. USAID AFR/SD Technical Paper No. 58. http://www.afr-sd.org/publications/59trade.pdf 25 La littérature concernant l’efficacité des regroupements commerciaux régionaux est très féconde, traitant entre autre des questions de création et de diversion des échanges commerciaux. Considérant le degré de subvention des produits alimentaires au sein de l’OCDE, il est possible de justifier la création et l’accord d’une protection tarifaire aux espaces régionaux en vue d’éliminer l’avantage de prix induit par ces subventions. Cependant, il y a aussi beaucoup de teneur dans le contre-argument selon lequel les pays africains devrait accepter le financement de leurs consommateurs par les contribuables occidentaux. L’importance des produits alimentaires dans le panier de consommation des pauvres suggère une prise en compte de ces deux types d’arguments. L’argument anti-protection pourrait être dominant si la main-d’oeuvre était mobile et si les paysans avaient d’autres opportunités. Mais la 26 (157) Néanmoins, le commerce régional peut servir de base, dans certains cas, à la conquête de nouveaux marchés non-traditionnels. Le marché régional est souvent plus facile à conquérir que les marchés en dehors d’Afrique et peut constituer un terrain d’apprentissage pour mieux se préparer à la concurrence étrangère (en termes d’organisations de systèmes, de normalisation des qualités etc…). Traditionnellement, dans l’économie de pre-mondialisation, le développement des industries était basé d’abord sur la satisfaction de la demande intérieure, ensuite de la demande régionale et finalement de la demande internationale. Ainsi, le savoir-faire dans le domaine de la production et de la commercialisation s’est progressivement amélioré avec l’augmentation du niveau de compétition. Cependant, avec des capitaux et des technologies internationaux plus mobiles, il est à présent possible de produire directement pour le marché international sans nécessairement passer par ces étapes intermédiaires. (158) Les exportations agricoles non-traditionnelles devraient devenir le secteur le plus dynamique de l’économie pour deux raisons: la nature de leur demande et l’importance du savoir-faire comme facteur de production. Cette tendance est en train d’être observée, comme en témoigne le Tableau V ci-dessus. Bien que ces taux de croissance apparaissaient surévalués, du fait que la base de calcul considérée est faible, ils illustrent néanmoins l’existence de possibilités pour diversifier substantiellement et dans un temps relativement court, la production destinée à l’exportation. Toutefois, la percée dans des marchés non-traditionels exige de nouvelles aptitudes et une sophistication plus aigue que celle requise pour être concurrentiel dans les marchés traditionels d’exportations. Ces aptitudes seront aussi utiles pour ajouter de la valeur au marchés intérieurs et pour être concurrentiel dans les marchés régionaux. (159) COMPÉTITIVITÉ DANS LA NOUVELLE ÉCONOMIE MONDIALE (160) L’agriculture africaine d’aujourd’hui est caractérisée par une faible intensité en intrants modernes, un niveau bas d’investissements, la production de produits de basse valeur. Comment passer de ce modèle à un modèle plus intensif en intrants modernes et d’investissements produisant plus de produits de haute valeur. Il y a sept étapes nécessaires pour faire cette transformation.26 1. (161) Changer le paradigme. 2. (162) Continuer à reformer le rôle de l'état. 3. (163) Développer un partenariat entre le secteur privé et le secteur public. 4. (164) Investir dans la génération du savoir et de la technologie. 5. (165) Investir dans l’infrastructure rurale. 6. (166) Donner plus de pouvoir aux agriculteurs. 7. (167) Développer des dispositions sophistiquées pour la commercialisation des produits, l’application des contrats et le partage de risques. main-d’oeuvre est relativement immobile, et les opportunités en milieu paysan sont très limitées à court-terme. 26 Une grande partie de cette discussion est tirée de Howard et al. Op. cit. 27 (168) Changer le paradigme (169) Un proverbe dit:"Mon peuple périt à cause de son manque de vision."Ceci a été particulièrement vrai pour l'Afrique, où, pour la plupart, la vision qui a motivé la plupart des politiciens a été celle du court terme afin de maintenir le pouvoir. Jusqu'aux années récentes, dans très peu de pays il y a eu un débat politique global, encore moins un consensus, sur la direction que le pays devrait prendre. Il y a eu une capacité de prendre des positions vagues sur un futur idyllique, mais peu de bonne volonté pour transformer ces positions en un plan d’actions ou en une stratégie pertinente. Le manque d'une stratégie de transformation a signifié deux choses: (1) une concentration sur le court terme par rapport au long terme et (2) un manque de débat sur l’idéologie dominante. Maintes fois, les termes de l’aide ont renforcé cette vision sur le court terme en raison de la pression sur les agences donatrices pour “placer des fonds” et “démontrer des résultats.” Pendant la guerre froide, comme mentionné plus tôt, les États-Unis et l'Union Soviétique ont fourni de l'aide en grande partie pour des buts stratégiques, souvent sans questionner les politiques économiques de leurs alliés africains. En conséquence, soit les gouvernements ont développé des politiques et des programmes dont le but était de maintenir leur base politique (et en Afrique ceci signifie utiliser souvent le gouvernement comme instrument pour distribuer les faveurs économiques et politiques; ceci a nuit à la bonne gouvernance) ou bien alors ils ont développé des politiques et des programmes basés sur des paradigmes économiques et politiques totalement voués à l’échec. (170) Pour la majeure partie de la période de l'indépendance, le paradigme qui prévalait en ce moment, a été basé sur l’industrialisation pour substituer les produits nationaux aux importations, un type d’industrialisation prôné par l’état. Les leaders de l’opinion africaine parlèrent de “se hisser au sommet de l’économie” et ont été supportés dans ces efforts par beaucoup de donateurs. Les leaders ont pensé que la modernisation et l'industrialisation étaient synonymes et que le seul moyen de favoriser l'industrialisation était de protéger la base industrielle contre la concurrence étrangère. Par ailleurs, ils se méfièrent des capitaux privés, dont une grande partie venait de l’étranger, sous forme de grandes compagnies appartenant à l’ancienne puissance coloniale ou de petites compagnies gérées par les minorités ethniques telles que les Sud-Asiatique en Afrique australe ou les Libanais en Afrique de l’Ouest. (171) Le nouveau paradigme de développement est l’inverse total de l’ancien. Il fait la promotion de l’exportation aussi bien que de la substitution des produits nationaux aux importations, met l’accent sur l'agriculture comme engin de la croissance plutôt que sur l'industrie tout juste, et il doit être basé sur une croissance guidée par le secteur privé plutôt que le secteur public. En général, une grande partie de l'Afrique a adopté ce modèle – le consensus de Washington. Mais ceci est un paradigme de fin de vingtième de siècle. Ce n'est pas visionnaire, et ne reflète pas entièrement les changements engendrés par la mondialisation. Un modèle de développement du vingt-et-unième siècle doit, de façon dialectique, faire la synthèse entre l’ancien et le nouveau. Plus précisément, il doit être basé sur un rôle de l’état qui est beaucoup moins grand que celui envisagé par le dirigisme, mais beaucoup plus grand que celui envisagé par le consensus de Washington. D’égale importance, est le fait qu’un modèle du vingt-et-unième siècle doit aller au delà des modèles traditionnels de l'avantage comparatif. Il doit atteindre les modèles décrits par Michael Fairbanks comme des modèles de “l'avantage concurrentiel”. Ces modèles envisagent que la capacité concurrentielle de l’économie n’est pas aussi passive et sensible aux incitations de prix qu’elle ne l’est dans les modèles traditionnels de l’avantage comparatif. Les nouveaux modèles exigent une recherche active d’opportunités de marchés; dans ces modèles les sociétés privées et l’état coopèrent pour établir la base institutionnelle nécessaire au renforcement de la capacité concurrentielle de l’économie.27 En 27 Voir Michael Fairbanks and Stace Lindsay, Plowing the Sea. Harvard Business School Press (Boston, Ma. 1997). Pour une perspective africaine voir Yumkella, Roepstorff, Viranchianchi and Hawkins, “Globalization and Structural Transformation in Sub-Saharan Africa,” presenté à l’atelier de travail sur la Transformation Agricole en Afrique (Juin, 1999); http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/ag_transformation/atw_yumkella.pdf 28 plus, et encore plus important, le nouveau paradigme considère les opportunités régionales et mondiales, comme n’étant plus basées sur les facteurs traditionnels de production tels que le sol et la main d’oeuvre, mais basées plutôt sur le savoir et l'information. (172) L'exemple suivant peut aider à décrire les différences entre les nouveaux et les anciens paradigmes. (173) L'Industrie de la floriculture en Ouganda. Le principal pays exportateur mondial des fleurs possède peu de terre, une main d’oeuvre coûteuse et un mauvais climat. Ce que les Pays Bas possèdent, c’est une expertise technique de première classe, la reconnaissance du marché, des coûts de transport bas, un important investissement de capitaux, et une industrie large et diversifiée (9.350 pépinières fleurs et 1.900 exportateurs). Les Pays Bas produisent non seulement plus de fleurs, mais aussi ils produisent des fleurs plus variées et de plus grande valeur, fournissant tous les ans de nouvelles races de tulipes et de gladiolas. L'Ouganda, d’autre part, a un merveilleux climat, de la terre en abondance et bon marché, une main d’oeuvre peu coûteuse, des coûts de transport élevés, une reconnaissance de marchés limitée, et l'expertise technique rudimentaire. Il produit principalement les roses, et est concurrentiel au niveau des prix plutôt qu’au niveau de la qualité. Les Pays Bas exportent 2,8 milliards de dollars en fleurs, alors que l'Ouganda (avec seulement 17 cultivateurs) exporte 25 millions de dollars en fleurs. (Le marché mondial des fleurs se chiffrent a environ 5 milliards de dollars, comparé au marché du café qui est de 14,0 milliards de dollars). Afin de développer ses industries d'exportation agricoles non traditionnelles, l'Ouganda a dû radicalement reformer ses politiques macro-économiques, reformer le monopole sur le fret aérien tenu auparavant par sa ligne aérienne nationale, renforcer les établissements d'exportation, développer sa propre industrie d’emballages, et établir des chambres froides près de l'aéroport d'Entebbe. Récemment, l'Université de Makerere a développé un programme de diplômes en floriculture. L'Ouganda comprend que si son industrie de fleurs doit prospérer, le pays doit commencer à développer les qualifications et le savoir-faire qui permettront aux fleurs de l'Ouganda de devenir plus différenciées, plus atraillantes et de plus grande valeur. (174) Continuer à reformer le rôle de l'état. (175) Les pays africains ont fait des progrès considérables en créant un environnement politique qui est plus favorable à la croissance rapide. Comme mentionné ci-dessus, ceci est surtout vrai en termes de politiques macro-économiques. Cependant, il y a eu une certaine rétrogression récente, et les pays ont du mal à maintenir la discipline fiscale. Et dans la politique agricole il y a eu quelques renversements considérables, en particulier en Afrique australe et de l’est. Quel régime de politique faut-il pour favoriser le développement africain au vingt-et-unième siècle? 4. (176) Stabilité macro-économique. L'Afrique aura besoin de niveaux croissants de d'investissements privés aussi bien étrangers que nationaux (les niveaux actuels sont moins que 10% du PIB). De tels investissements sont peu susceptibles de voir le jour, excepté dans les industries extractives, avec les niveaux d'inflation élevés. 5. (177). Stabilité des politiques. Mieux que d’avoir des politiques correctes, il faut les rendre prévisibles. Le secteur privé peut s'adapter à de mauvaises politiques; mais pas aux politiques qui changent à tout bout de champ. Les pays doivent développer une vision cohérente qui présente leur cadre conceptuel de leurs politiques, aussi bien la direction générale de ces politiques que les mécanismes par lesquels les politiques sont formulées. 6. (178) Un rôle stratégique clairement esquissé pour le secteur public. Les gouvernements doivent présenter les rôles qu'ils voient pour eux-mêmes dans les secteurs productifs-généralement ils ne devraient pas se mêler d’affaires n’ayant pas la nature des “biens 29 publics.” Plus précisément, les gouvernements devraient faciliter le bon fonctionnement des marchés. 7. (179) Laisser fonctionner les marchés. Les règlements du gouvernementaux sur les marchés devraient être limités à la gestion de la salubrité et à la sûreté nationales, la protection contre la fraude, et aux zones où il y a les pratiques monopolistiques qui pourraient être nuisibles à l'économie. Les prix devraient être déterminés par le marché et les subventions éliminées. Ce conseil politique doit s'appliquer aux pays de l’OCDE aussi bien qu‘à leurs associés africains. Fréquemment, les pays de l’OCDE, y compris les États-Unis, prêchent la libéralisation des marchés à leurs partenaires africains tandis que leurs propres marchés pour les produits agricoles demeurent fortement protégés contre les importations de l'Afrique. 8. (180) Protéger la propriété et les contrats privés. L’un des rôles importants des gouvernements est d'assurer que les contrats sont respectés; dans la plupart des pays de l’ASS, le système judiciaire est incapable de garantir l'application des termes des contrats. 9. (181) Ouvrir l'économie. La politique du gouvernement doit permettre l’élimination des restrictions quantitatives et d'autres contraintes sur le commerce international, et l’emploi des tarifs seulement pour augmenter les revenus et non pas pour la modification des comportements économiques. Il ne devrait y avoir aucun système d’exemptions. Encore une fois, ce conseil doit également s'appliquer aux pays de l'OCDE aussi bien qu’aux pays africains. 10. (182) Développer un système fiscal juste, prévisible et ayant un taux marginal bas. 11. (183) Fournir un environnement plus propice à la formation d’organisations professionnelles qui peuvent aider à fournir “des biens semi-publics.” (184) Développer un partenariat entre le secteur privé et le secteur public. (185) Cependant, il ne s’agit pas seulement de ce que les pays ne devraient pas faire, mais également de ce qu'ils devraient faire. Ils doivent d'abord, comme l’a déjà dit un sous-gouverneur de la banque centrale de la Malaisie “Considérer le secteur privé comme partenaire. Quand le secteur privé croît, le secteur public en bénéficie aussi.” Le problème en Afrique c’est que la plupart des gouvernements ne voient pas le secteur privé comme partenaire, mais plutôt comme concurrent. Les gouvernements doivent évaluer leurs politiques, leurs stratégies et leurs programmes en se demandant comment ces instruments du développement contribuent à la promotion d’une croissance capable de réduire de façon considérable la pauvreté. Une telle croissance doit être guidée principalement par le secteur privé. (186) Voici, ci-dessous, un certain nombre d'exemples pour illustrer comment un tel partenariat pourrait fonctionner. (187) Recherche et vulgarisation agricoles. Un certain nombre d'études ont démontré que les investissements dans la recherche agricole et la vulgarisation en Afrique ont des taux de rentabilité économiques élevés.28 La recherche agricole africaine a généralement été le domaine du secteur public, bien qu'il y ait eu un nombre d'exemples de recherche financée par le secteur privé, ou même 28 James F. Oehmke and Eric W. Crawford.1993. “The Impact of Agricultural Technology in Sub-Saharan Africa: A Synthesis of Symposium Findings.” MSU International Development Paper no. 14. East Lansing: Dept. of Agricultural Economics and Dept. of Economics, Michigan State University. http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/papers/idp14.pdf 30 des établissements privés de recherches. La recherche privée est généralement concentrée sur la reproduction des semences, surtout des produits de rente, alors que la recherche du secteur public devrait être concentrée sur les systèmes de production, les pratiques agronomiques, le maintien de l’environnement, etc., des domaines où les nouvelles découvertes scientifiques ne sont pas incorporées dans un produit commercialisable. Dans cette définition nous inclurons également le développement des variétés améliorées non-hybrides, où la conservation des semences par les agriculteurs décourage l’investissement du secteur privé dans ses efforts de développement dans ce domaine (188) Présentement, une équipe d’experts des Systèmes Nationaux de Recherches Agricoles (SNRA) en Afrique est en train d’élaborer une série de recommandations qui puissent guider les restructurations nécessaires des Centres Internationaux de Recherches Agricoles. Ces recommandations aideront les institutions a mieux répondre aussi bien aux besoins du secteur privé qu’à ceux du secteur public, en développant de nouvelles technologies pour les produits alimentaires et les produits de rente.29 L’on devrait payer une attention particulière aux résultats de ces discussions afin de mieux guider les futurs investissements dans le développement de technologies agricoles et alimentaires ainsi que les systèmes de vulgarisation et de distribution. (189) Un rééquilibrage entre la recherche fondamentale et une recherche plus adaptative est nécessaire dans beaucoup de pays. Seulement quelques uns parmi ces pays ont les ressources nécessaires pour entreprendre la recherche fondamentale. La plupart sont obligés d'emprunter et d’adapter les technologies existantes. Il y a également beaucoup de travail à faire pour développer les protocoles fondamentaux de sécurité biologique avant que l'adoption de la biotechnologie puisse se répandre. Il y a eu aussi trop peu travail effectué sur les activités post- récolte: le stockage, le transport et la transformation. Il y a là une occasion particulière pour des partenariats entre les secteurs privés et les secteurs publics, étant donné qu’il y a de grandes pertes post- récoltes des produits traditionnels et de vastes opportunités pour les industries à valeur ajoutée dans l'agroéconomie. Ceci implique une certaine réorientation sérieuse de la manière dont les institutions de recherche agricole travaillent puisque d’habitude ces institutions ont considéré les agriculteurs comme leurs clients principaux, alors qu’elles ont souvent négligé des clients tels que les commerçants, les transformateurs, ou les consommateurs. (190) Quelle serait la nature d’un tel partenariat? Du côté de secteur public, ce partenariat va être compose de prescriptions de politique générale concernant une stabilité globale, l’assouplissement des règlements et l’ouverture du commerce, aussi bien que démarches plus positives vers la provision d'éléments essentiels à l’infrastructure, de règlements phytosanitaires pertinents et d'un régime d'impôts juste. Développer ces relations exige que le gouvernement entreprenne des discussions avec des compagnies agro-industrielles potentiellement disposés à investir. Ces discussions devraient porter sur les besoins de ces compagnies afin de les aider à investir de manière rentable et, tout en excluant les privilèges spéciaux, répondre à ces besoins. (191) Technologie de l'information. Les gouvernements africains et les donateurs doivent avoir une perspective de visionnaire en ce qui concerne la technologie de l'information. Présentement, beaucoup de gouvernements considère le système de l’internet et de la télécommunication comme un monopole qu'ils devraient contrôler. Les gouvernements partout dans le monde s’inquiètent de la libre circulation de l'information et essaient, avec de bonnes raisons ou pas, de réglementer et de limiter la libre circulation des idées. Cependant, il est difficile d’imaginer la puissance d'un marché libre d’idées même au début du vingt-et-unième siècle. Les gouvernements doivent comprendre que les avantages de la réglementation et du contrôle doivent être comparés à la puissance d'un marché 29 Secrétariat du SPAAR. 1999. SPAAR/FARA Vision of African Agricultural Research and Development, op. cit. et la prochaine séance pleniere de SPAAR/FARA qui se tiendra du 2 au 7 Avril à Addis Abeba, Ethiopie. 31 sans restriction les idées. Les gouvernements doivent privatiser les télécommunications, développer une capacité de réglementation, éliminer les tarifs sur les ordinateurs et le matériel de télécommunication (beaucoup de gouvernements ont traité les ordinateurs comme des biens de consommation dans leurs barèmes tarifaires). Ils doivent aussi vendre des licences qui donnent droit aux modulations de fréquence pour les téléphones cellulaires. L'information est le moteur de la croissance économique, et les gouvernements visionnaires devraient tout faire pour réduire les coûts et rendre l’information plus accessible. Les gouvernements devraient également développer des stratégies, y compris les subventions bien ciblées, pour l'expansion de l'accès à la technologie de l'information. (192) Infrastructure de transport. Le transport est l’un des éléments moteurs d'une économie. Un certain nombre de pays ont créé des partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour gérer des fonds destinés à l’infrastructure routière, fonds obtenus grâce aux impôts sur le carburant et d'autres redevances d’utilisation, afin d'assurer l'entretien et la réadaptation des routes importantes. Les gouvernements doivent sous-traiter leurs besoins en matière de construction d’infrastructure routière. Les éléments principaux de l'infrastructure de transport--en particulier les lignes aériennes, ports et chemins de fer--devraient être privatisés ou remis à la gestion privée. (193) Politique d'exportations. Ce n’est plus suffisant d’avoir éliminé les restrictions quantitatives, libéralisé le régime de taux de change, et uniformisé et réduit les tarifs douaniers. Aujourd’hui, les gouvernements et le secteur privé ont besoin de la capacité de négocier avec la pléthore d'établissements internationaux et des réglementation engendrés par le système de l’OMC, et en particulier ceux sur l'agriculture et sur les règlements phytosanitaires. Ils doivent avoir la capacité de défendre leurs intérêts de manière efficace au niveau de l’OMC. Ils doivent avoir la capacité de prendre l'information sur les opportunités que les accords de l’OMC offrent et développer des stratégies d'exportation basées sur ces opportunités. Ils doivent collaborer avec le secteur privé pour fournir l'aide crucial dont ce secteur a besoin pour pénétrer les marchés. Etant donné les petites tailles de ces économies et le personnel technique disponible limité, le développement de ce type d'information de manière efficace exige une coopération régionale. (194) Politique de biotechnologie. Les pays africains doivent avoir une politique avangardiste de la biotechnologie. Les progrès dans la biotechnologie offre d’énormes avantages pour l’augmentation des rendements, la réduction des dégâts dus aux ennemis de culture, la protection de l'environnement et l’amélioration de la valeur nutritive de beaucoup de produits agricoles. Afin d’utiliser les variétés génétiquement modifiées à bon escient, les gouvernements ont besoin de (1) développer la capacité de faciliter la mise en place de protocoles de sécurité biologique (2) développer et renforcer les lois, les systèmes d'information et la formation en biotechnologie. Il y a également un besoin d’entamer un grand débat sur les coûts et les avantages de la biotechnologie. (195) Investir dans le savoir et dans la technologie ainsi générée. (196) La nouvelle économie mondiale est une économie basée sur l’information. Ceci est a la foi évident et subtil. L'économie du savoir est plus que les microprocesseurs d’ordinateurs et l'internet. C'est, d'une manière fondamentale, l'utilisation de la connaissance du produit et du marché afin de produire des biens de grande valeur pour des marchés spécifiques. Pour revenir à l’exemple des fleurs; le succès sur le marché mondiale dépend des connaissances techniques (telles que le développement de type de fleurs de qualité qui sont transportables sur de longues distances); la connaissance des réseaux de commercialisation ( que veulent les consommateurs en Allemagne cette année?), et la connaissance de techniques d’organisation (comment faire parvenir à Amsterdam ce soir des fleurs récoltées aujourd'hui)? Clairement, la première étape pour établir une économie basée sur le savoir est de développer le talent humain nécessaire pour contrôler la production basée sur la technologie, le langage et les symboles. Renforcer les capacités de recherches en Afrique, surtout 32 dans le domaine de la recherche agricole qui a un caractère de bien public, sera très stratégique pour aider les agriculteurs à profiter des opportunités émergeant dans les marchés nationaux et mondiaux. (197) Les pays africains et les donateurs doivent faire de l’investissement dans l'éducation leur plus grande priorité à long terme, et avec cette priorité en vue mettre l’accent plutôt sur la qualité que sur la quantité. Les décennies passées ont vu l'érosion de la qualité à tous les niveaux des systèmes d'éducation en Afrique, et en particulier dans les universités. Il faut remettre l’accent sur la mathématique, la science et la technologie avec un engagement à connecter les universités et les écoles à l'internet. Le développement de partenariats entre le secteur public et le secteur privé, pour financer des centres de technologie est crucial à l’accomplissement d’un succès. (198) La réforme du système éducatif sera aussi difficile que les autres réformes structurelles. Dans la plupart des pays, l'option de limiter l'accès afin de maintenir ou d’améliorer la qualité n'est pas politiquement viable. C’est peut être possible d'utiliser la technologie moderne de l'information, surtout la radio, comme mécanisme pour améliorer l’information pédagogique fournie dans les salles de classe. La participation des parents, les normes objectives de performance, et plus de décentralisation de la responsabilité et de l'autorité peuvent mener à une plus grande prise de conscience des responsabilité au niveau des écoles. (199) La reforme des universités, surtout au niveau de l'autofinancement par les étudiants, est un cauchemar politique, quand on sait que, politiquement parlant, les étudiants sont parmi les groupes les plus actifs de la population. Pourtant, le niveau élevé de la subvention des étudiants, sans aucun moyen de les tester, a conduit au transfert inutile d’une grande proportion du budget de l’état allouée à l’éducation vers le secteur universitaire. Ceci a également entraîné une baisse des ressources disponibles pour augmenter la qualité de l’éducation dans son ensemble. L’infrastructure se détériore, le corps enseignant n’est pas suffisant payé, les livres et les journaux sont indisponibles. Néanmoins, il y a espoir. L'Université de Makerere en Ouganda a démontré que des programmes de réforme soigneusement structurés sont possibles, et que beaucoup d'étudiants sont disposés à payer pour s’offrir une éducation de qualité. D'ailleurs, le déclin des universités publiques a crée l'espace, dans beaucoup de pays, pour l'éclosion d'universités privées et d'autres établissements d’éducation au niveau tertiaire. (200) Le renforcement des systèmes de recherche agricole, surtout concentrés sur la recherche adaptative, reste un défi important. Avec l’appui de l'USAID et d'autres donateurs dans les années 80, beaucoup de pays africains ont amélioré de façon très significative, le fonctionnement de leurs systèmes. Malheureusement, avec les réductions du budget national et de celui des donateurs dans les années 90, beaucoup des systèmes ont perdu du personnel qualifié et sont restes à cours de budgets de fonctionnement. Les réseaux régionaux de recherches à travers les pays aident à se faire des économies d'échelle qui permettent à différents pays de se concentrer sur des produits agricoles différents et de diffuser ensuite les résultats dans la région. Mais les réseaux régionaux sont des compléments et non des substituts aux systèmes nationaux de la recherche qui fonctionnent bien. Sans un dévouement renouvelé au renforcement des systèmes de recherche agricole de en Afrique, il sera peu probable d’atteindre la croissance de productivité requise pour stimuler une développement économique à base élargie. (201) Investir dans l'infrastructure rurale (202) Pendant trop d’années, les gouvernements africains et les agences d’aide ont sous-investi dans l'infrastructure rurale (voir le tableau VIII). Bien qu'il soit difficile de fournir des données prècises, “dans la plupart des pays africains le secteur [agricole] reçoit moins de dix pour cent (dépenses récurrentes et investissement) des dépenses publiques mais compte pour 30 à 80 pour cent de la 33 production nationale brute.”30 Même lorsque l'investissement dans l'infrastructure rurale, en particulier les routes, est ajouté au total, la proportion des dépences publiques allouées à l'économie rurale est beaucoup moins que ce qu’indique son importance vis- a -vis de l'économie. Une stratégie basée sur l'agriculture pour combattre la faim doit augmenter la provision de fonds publics dans les zones rurales. (203) Routes. Les frais de commercialisation en Afrique sont les plus élevés du monde. C'est en partie à cause des conditions géographiques. Bloom et Sachs ont identifié un certain nombre de caractéristiques géographiques (basses densités de populations, dont une grande proportion vie très loin de la mer, un petit littoral comparé à la surface totale, la barrière du Sahara) qui rendent le transport cher.31 Mais cela est également dû à la mauvaise politique, y compris une incapacité notoire d’assurer l’entretien des routes. Pour la plupart des Africains vivant dans des zones rurales, les bonnes routes sont vitales à l’accès aux marchés, aux instituts de santé et à d'autres services importants. La mauvaise infrastructure routière qui prévaut dans les zones rurales réduit les prix au producteur et, par conséquent, les salaires agricoles. Ceci est un secteur important qui a besoin d’une attention spéciale. 30 Can Africa Claim the Twenty-First Century, op. cit., p.189 31 Bloom, David E. and Jeffrey D. Sachs, “Geography, Demography and Economic Growth in Africa,” Brookings Papers on Economic Activity 2. 34 (204) TABLEAU VIII. INDICATEURS D'INFRASTRUCTURE PAR RÉGION. Groupe de Pays/Région Consommatio n d’énergie électrique (kw-heures) Lignes téléphonique s par 1.000 personnes Routes bitumées (% du nombres total des routes) Coût de 3 minutes d’appel aux US Population ayant accès a l’eau potable (%) 1996 1997 1997 1997 1995 Revenu bas et moyen 851 60 30 6,22 75 Asie de l’Est et Pacific 624 50 10 5,60 77 Europe et Asie Centrale 2.788 204 83 4,33 ___ Amérique Latine et Caraïbes 1.347 110 26 4,42 75 Moyen Orient et Afrique du Nord 1.166 75 50 6,02 ___ Asie du Sud 313 18 41 ___ 81 Afrique Subsaharienne 439 16 16 8,11 47 Afrique Subsaharienne (sans l’Afrique du Sud) 146 10 ___ ___ 46 Source : La Banque Mondiale. Can Africa Claim the 21st Century? (205) L'eau. Dans beaucoup de pays d'Afrique les femmes fournissent la majeure partie de la main d’oeuvre dans le secteur agricole. Mais les femmes doivent également préparer les repas, s'occuper des enfants, trouver le bois de chauffage et transporter l'eau. Des résultats d’enquêtes au Burkina Faso, en Ouganda et en Zambie ont montré que les femmes africaines déplacent, en moyenne, 26 tonne-kilomètres par an, comparé à 7 tonne-kilomètres pour les hommes.32 Si l’amélioration des routes poura réduire le temps passé à transporter des produits agricoles et le bois de chauffage, améliorer l’approvisionnement en eau aura aussi beaucoup plus d'avantages pour les femmes, notamment le temps libre ainsi acquis pour s’engager dans des activités agricoles. Encore plus, ces investissements donnent aussi plus de temps libre aux jeunes filles, leur permettant ainsi d’aller à l'école. 32 Voir Can Africa Claim the Twenty-First Century, p.140. 35 (206) Irrigation. De toutes les régions du monde, l’Afrique a le niveau le plus bas d'irrigation. D'ailleurs, la rentabilité de l'irrigation a été basse, dans la plupart des cas, due en grande partie à la mauvaise politique gouvernementale. Néanmoins, il y a des opportunités considérables pour l'irrigation à petite échelle (qui n'exige pas la gestion publique), surtout pour les cultures de plus haute valeur. Une fois de plus, la contrainte principale est le manque de ressources. (207) Électrification. Une économie rurale vibrante a besoin des marchés-villes (marchés de gros dans des villes secondaires), des villes dont la population achète les produits alimentaires, transforme les produits agricoles et vend les biens de consommation et les intrants agricoles. L'électrification de ces villes permettra aux petites industries de se développer. Ce sont les synergies entre l'agriculture et les activités non-agricoles qui mènent à la croissance rapide et à la la réduction de la pauvreté. Dans beaucoup de pays, il y a un besoin d'ouvrir les marchés de l’électricité à une plus grande concurrence, puisque la mauvaise performance des monopoles nationaux ont ralenti les progrès de l'électrification. (208) Donner plus de pouvoir aux agriculteurs (209) Comme mentionné ci-dessus, l’un des changements les plus prometteurs en Afrique, a été le progrès vers les régimes démocratiques et loin des régimes autoritaires. L’un des aspects importants de ce changement a été l’augmentation de l’autorité de groupes non-gouvernementaux ou de la «société civile». Cette évolution a plusieurs facettes : • (210) L’élargissement de l’espace pour des décisions individuelles • (211) L’augmentation de l’influence des populations sur les décisions du secteur public • (212) Le développement des actions collectives (213) L’élargissement de l’espace pour des décisions individuelles. Ce domaine concernant l’attribution de plus d’autorité aux populations a vu le jour, en grande partie, parce que le secteur public a réduit son contrôle direct sur l’économie. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de la commercialisation où, étant donné les propositions discutées plus haut, le monopole du secteur public sur la commercialisation des produits a été réduit, sinon complètement éliminé. Cependant, l’incertitude concernant la réglementation a fait que le secteur prive ne s’est pas toujours empressé de combler le vide causé par l’abolition des monopoles publics. (214) L’augmentation de l’influence des populations sur les décisions du secteur public. Ce développement a deux formes: macro et micro. Au niveau macro, les agriculteurs rassemblés dans des associations ont le potentiel d’influencer les politiques du gouvernement. Cela reste à vérifier de manière systématique dans la plupart des pays. Alors que la démocratie a signifié que les partis politiques doivent se battre pour obtenir les votes, les débats politiques dans la plupart des pays africains n’ont pas toujours porté sur les différences entre les politiques économiques proposées par les différents partis. Ainsi donc les agriculteurs ont besoin d’utiliser des mécanismes autres que les élections pour influencer les politiques publiques. De plus en plus, l’aide des donateurs fournie aux associations des producteurs afin de les amener à mieux comprendre les implications des politiques économiques, et à formuler des doléances et les présenter aux dirigeants politiques, sera un mécanisme important pour réorganiser les priorités publiques. (215) Le développement des actions collectives. Il ya eu peut-être plus de progrès au niveau micro, où les gouvernements et leurs partenaires donateurs essaient de donner une plus grande influence aux bénéficiaires des investissements publiques sur les choix des projets, la conceptualisation et leur exécution. Ceci est le résultat du fait que la plupart des gens croient que les projets réussissent mieux avec la participation active des premiers bénéficiaires. Avec la décentralisation accrue d'une part, et 36 la réduction des capacités du gouvernement national de l'autre, l'espace pour la commande locale a augmenté de deux manières: 1) grâce à l'influence accrue des agriculteurs sur les programmes de gouvernement, et 2) grâce à la prise de conscience de la part des groupes locaux et privés, de la nécessité de prendre en charge les services et les fonctions autrefois pourvus par le gouvernement. (216) C’est ce dernier processus, l’action collective accrue des groupes d’agriculteurs pour gérer leur propre futur, qui offre l'espoir d’une transformation agricole. Dans le passé, les coopératives en Afrique étaient contrôlées par l’état. C'est seulement au cours de ces dernières années qu’ont apparu des groupements de coopératives véritablement indépendants et d'autres organisations d’agriculteurs. En se regroupant, les producteurs ont non seulement la possibilité d'exercer une plus grande influence sur la politique publique, mais aussi chaque membre bénéficie de l’efficacité collective du groupe-l’achat d’intrants, obtention de crédits et de produits agricoles. L’échec des systèmes de commercialisation gouvernementaux a laissé un vide, et les organisations de producteurs commencent à combler ce vide, se chargeant eux-même d’entreprendre des négociations avec les banques et les sociétés agro-industrielles. Ceci est un développement très salutaire. (217) Donner plus de pouvoir aux commerçants et aux transformateurs, en particulier ceux qui opèrent à petite ou moyenne échelle, grâce à la création de groupes professionnels peut également avoir des effets salutaires. Si les règles régissant de tels groupes sont soigneusement conçues pour éviter toute collision, les actions collectives de la part de groupes de commerçants et de transformateurs peut aider à imposer le respect des contrats, à développer les normes de qualité, à faciliter l'investissement collectif dans l'infrastructure, et à promouvoir le commerce régional à travers l'amélioration de l'information du marché et la création de pression politique pour réduire les obstacles non-tarifaires aux échanges commerciaux. (218) Développer des dispositions sophistiquées pour la commercialisation des produits, l’application des contrats et le partage de risques (219) Il a été démontré que la libéralisation des marchés agricoles ne mène nécessairement pas à des augmentations considérables de la production ou de la productivité en Afrique.33 Les institutions de marché dans la plupart des pays africains sont en général caractérisées par: • (220) Les types d’échanges impliquant des coûts de transactions élevés. • (221) La dépendance sur relations personnalisées pour faire du commerce. • (222) Une structure de production agricole de semi-subsistance. • (223) Des risques de commerce élevés et une coordination inefficace qui réduisent l'incitation à investir dans une technologie qui permet l’augmentation de la productivité. • (224) La mise en application incertaine des droits de propriété. • (225) Une coordination ou une intégration verticale limitée entre la distribution des intrants, la finance agricole, et la vente des produits. • (226) Une information limitée sur les marchés. 33 Cette partie est basée en grande partie sur l’article écrit par Jayne, et. al, “Improving the Impact of Market Reform on Agricultural Productivity in Africa: How Institutional Design Makes a Difference,” MSU International Development Working paper no. 66, 1997. http://www.aec.msu.edu/agecon/fs2/papers/idwp66.pdf 37 • (227) Limitations des normes de qualité de produits. • (228) Les contraintes du transport. • (229) Les contraintes institutionnelles qui constituent un obstacle à la liaison entre les agriculteurs Africains et les marchés extérieurs. • (230) Le compromis entre la libéralisation du marché et les besoins du gouvernement à mobiliser les ressources fiscales. • (231) Une méfiance des commerçants du gouvernement et vice-versa. (232) La plupart de ces problèmes résultent de la structure des marchés des pays africains. Cette structure est caractérisée par la production semi-commerciale des produits alimentaires, par des coûts de transaction élevés, et par un haut degré d'incertitude en ce qui concerne les politiques du gouvernement. Le commercialisation est caractérisée par les coûts élevés et de faibles investissements à cause d’économies d’échelle limitées, des marchés financiers faibles, et le commerce effectué en grande partie par les entrepreneurs traditionnels. Dans le secteur de l’exportation, les institutions sont plus développées, ou bien à cause du rôle historique des sociétés d’état, ou parce que la nature du commerce lui même exige des marchés plus sophistiqués. (233) Comment sortir du piège que constitue l’équilibre à bas niveau de l’économie, où les niveaux faibles de l’articulation du marché provient en grande partie des niveaux faibles du revenu et de la commercialisation? Il y a quelques domaines où les actions du gouvernement peuvent améliorer les choses; en particulier des politiques agricoles plus consistantes et stables, des investissements pour améliorer l’information du marché, des investissements dans l’infrastructure qui réduisent les coûts de transactions, et des améliorations dans l’application des règles de la loi. En plus, toute action qui mène à l’augmentation de la taille du marché grâce à l’intégration régionale sera également utile. (234) CONCLUSIONS (235) Pour récapituler l'argument fait ci-dessus : la réduction de la faim ne peut être accompli qu’à travers une réduction de la pauvreté. Une telle réduction de la pauvreté dépend d’une croissance économique rapide générée principalement par le secteur agro-alimentaire. Une telle croissance peut mieux se produire si l’on profite des nouvelles opportunités offertes par un marché international en développement rapide, en cherchant de nouveaux marchés d'exportation de produits agricoles de plus haute valeur. Cependant, réussir dans ces marchés sera difficile et exige un nombre de changements radicaux. Les pays ont besoin de développer une nouvelle vision du développement qui met le programme de diversification économique au centre de leurs stratégies. Deuxièmement, les pays doivent reformer de manière radicale leurs politiques économiques afin d’encourager le développement d’une économie globale guidée par le secteur privé. Troisièmement, les gouvernements doivent développer des partenariat actifs avec le secteur privé afin de développer de nouveaux mécanismes institutionnels pour résoudre un certain nombre questions épineuses. Quatrièmement, les gouvernements et les donateurs étrangers doivent investir dans la production du savoir de manière plus intensive et plus efficace que d’habitude. Cinquièmement, les gouvernements et les donateurs doivent investir fortement dans les infrastructures rurales, notamment les routes, l’eau, les télécommunications, l’électricité et l’'irrigation. Sixièmement, les gouvernements et les donateurs doivent donner plus de pouvoir aux producteurs ruraux afin qu’ils trouvent des solutions à leurs propres problèmes grâce à des actions collectives. Et finalement, les gouvernements doivent travailler ensemble avec le secteur privé pour développer des institutions de marchés plus sophistiquées et hautement articulées. En conclusion, l’approche ainsi recommandée ne prône pas 38 un retrait de l’état mais plutôt une redéfinition du rôle de l’état. Ce qui signifierait que l’état va jouer un rôle clef mais différent dans la stimulation d’un développement orienté par les systèmes de marché. (236) Ce document a discuté de la question de savoir ce qui est à faire plutôt que de comment le faire. Il y a trois questions importantes concernant “comment faire” qui n'ont pas été traitées. Tandis que le document n’offre aucune réponse à ces questions, il est important au moins de les discuter plus amplement. (237) La mobilisation des ressources (238) Dans beaucoup de cas, la présente stratégie ne dépend pas essentiellement de nouveaux flux énormes de ressources, mais plutôt d’une restructuration radicale de leur utilisation. Toutefois, la croissance rapide exige des niveaux plus élevés d’investissement et d’épargne contrairement à la situation actuelle dans les pays africains. Aujourd’hui, l’Afrique investit 17% de son produit intérieur brut (PIB), le niveau le plus bas de toutes les régions comprenant des pays en voie de développement. De ces 17% du PIB, 15% proviennent des épargnes nationales (également le niveau le plus bas de toutes les régions comprenant des pays en voie de développement), alors que 2% viennent de sources étrangères. D’où peuvent venir les nouvelles épargnes en Afrique? (239) La source la plus importante c’est le population elle-même. Le problème crucial dans ce cas-ci, c’est le gouvernement qui doit être capable de prélever assez d’impôts pour se procurer de revenus nécessaires pour garantir à la population un niveau minimum de biens publics, sans pour autant empêcher les flux d’investissements privés dans l’économie.34 Les gouvernements africains sont habitués à faire face à des déficits budgétaires se chiffrant aux environs de 6.5% du PIB, 4% de ce montant étant finance par les donateurs et 2.5% provenant d’emprunts nationaux. Quand bien même il y a un manqué de données sur l’investissement public, il est peu probable que la valeur des investissements publics soient plus de 6.5% du PIB; ce qui veut dire que le gouvernement emprunte plus qu’il n’investit. (240) Ceci signifie que le secteur privé doit fournir entre 20 et 25% du PIB en termes d’épargnes et d’investissements pour stimuler le type de croissance dont l’économie a besoin pour permettre une réduction rapide de la faim. Atteindre une telle mobilisation d’épargnes n’est pas du tout impossible, même s’il faut un certain temps pour y parvenir. Les taux nationales d’épargnes sont autour de 20% dans la plupart des pays en voie de développement (en Asie de l’Est , ils s’élèvent a un taux incroyable de 37%). Ouvrir l’économie à des nouvelles opportunités d’investissement engendrera de nouvelles épargnes et de nouveaux flux d’investissement. Les Africains gardent d’importants capitaux à l’étranger à cause de l’instabilité politique et économique dans leurs pays. En outre, pendant les périodes où les conditions économiques sont devenues favorables dans certains pays, la situation s’est renversée. Par ailleurs, la nouvelle époque de la globalisation signifie que de bonnes opportunités d’investissement vont attirer d’importants montants provenant de la finance internationale privée. (241) Mais le problème est plutôt la qualité des investissements que la quantité de ces investissements. En grande partie, cela veut dire une réduction de la part du secteur public et une 34 Mais si le gouvernement peut se procurer 16% du PIB en utilisant des moyens efficaces pour percevoir les impôts, et si les donateurs y ajoutaient 4%, alors il serait possible de couvrir les dépenses publiques nécessaires (en pourcentage du PIB-5% pour l’éducation, 2% pour la santé, 6% pour l’infrastructure et l’agriculture, et le reste pour l’administration générale, la défense et la sécurité intérieure) sans emprunter. De ces 20%, le ratio dépenses de fonctionnement/compte de capital devrait être probablement dans l’ordre de trois a un, 15% pour les dépenses de fonctionnement et 5% pour l’investissement. Ceci permettrait le gouvernement a épargner au lieu d’emprunter. 39 augmentation de la part du secteur privé. Mais cela signifie également une nette amélioration de la qualité des dépenses publiques. Ceci va être discute plus loin dans la section du document concernant la gouvernance. Mais un peu d’arithmétique ne fera pas de mal. Arithmétiquement, la croissance est égale l’investissement multiplié par l’efficacité du-dit investissement (généralement, dénotée par le ratio capital/production). Dans une économie où 20% du PIB sont investis et où le ratio capital/production est égal à 4, le taux de croissance va être de 5% par an. Pour 1% d’augmentation du taux d’investissement ou 1% d’amélioration du ratio capital/production, le taux de croissance va augmenter de 1%. Cependant, les améliorations du ratio capital/production dues à la dérégulation, à l’amélioration de la qualité de la dépense publique, etc..pourrait également améliorer l’efficacité du capital déjà investi, augmenter le taux de rentabilité prive, et encourager plus d’investissement. Par conséquent, l’amélioration de l’efficacité, toutes choses égales d’ailleurs, produit des effets plus globaux que l’augmentation de la quantité des investissements. (242) C’est aussi le cas pour l’aide venant des donateurs. Cette aide a été non seulement fournie à tort aux pays auxquels il ne fallait pas, mais elle était aussi destinée aux secteurs mal indiqués. Pour que l’Afrique réalise une réduction de la faim, il faut que les donateurs puisse redresser le biais de la dernière décennie au cours de laquelle l’économie rurale et les investissements publics dans l’infrastructure rurale furent abandonnés. Etant donné la diminution des ressources des donateurs, ces derniers doivent devenir plus stratégique. Malheureusement, de plus en plus, les donateurs se laissent entraîner par de petites circonscriptions électorales qui cherchent une solution magique, et qui perdent de vue le tableau général de la situation. A moins d’un retournement de situation, l’Afrique ne recevra pas toute l’aide dont elle a besoin pour éviter d’autres décennies faites d’échecs de politiques de développement. (243) Un mot sur la dette. Il est estimé que la dette internationale des pays africains s’élèvent à environ 230 milliards de dollars, et que ces pays paient 14,1 milliards de dollars pour servir ces dettes, soit 22 dollars par personne. Il y a eu beaucoup de débats publics sur cette dette, toujours est-il que le service de la dette actuelle de l’Afrique, en termes de proportion du PIB ou des exportations, est le plus bas dans le monde. D’ailleurs ce service de la dette est mis en balance par une aide étrangère de 28 milliards de dollars, qui même en termes nets, est plus élevée que l’aide reçue par toute autre région en termes d’aide par personne (44 dollars), de proportion du produit national brut (PNB) (41%) et de proportion de l’investissement national brut (22,3%). Ces chiffres sont encore plus grands quand on exclut le Nigéria et l’Afrique du Sud, qui tous reçoivent peu d’aide.35 Bien qu’il n’y a pas de compromis entre l’allégement de la dette et la réduction de l’aide étrangère, il est important de reconnaître l’ampleur de ces flux nets, même si l’on est confronte à un important service de la dette. (244) Capacité humaine à l’époque du SIDA (245) Il n’y a aucun doute que la pandémie du SIDA a le potentiel d’augmenter considérablement la pauvreté et la faim et de réduire la capacité d’accélération de la croissance économique des pays où l’incidence de ce fléau est moyenne ou élevée. Au niveau macro-économique, le SIDA réduira grièvement la quantité de main-d'oeuvre qualifiée, soit par la mort ou la morbidité et contribuera ainsi à la réduction des épargnes privées. Bien qu’il soit difficile d’évaluer quantitativement les effets-ci, plusieurs études estiment que le taux de la croissance économique globale aurait diminué de 1 à 2% et le taux de croissance par personne de 0,3 à 1%.36 Réduire la faim de manière considérable d’ici 2015 exige des taux de croissance par personne de 4 à 5% par an et un taux de croissance globale de 35 Pour l’ASS sans le Nigéria et l’Afrique du Sud, l’aide officielle au développement nette est de 13,4 milliards de dollars US, soit 27 dollars US par personne. Cette somme représente7,6% du PIB ou 38,5% de l’investissement national brut. 36 Voir Lori Bollinger and John Stover, “The Economic Impact of AIDS,” (The Futures Group, 1999). 40 7 à 8%. Par conséquent, l’effet du SIDA implique qu’il sera nécessaire d’augmenter le taux de croissance économique d’au moins un tiers au dessus du taux nécessaire pour assurer la réduction de la faim en l’absence du SIDA. (246) Au niveau de ménages, les conséquences peuvent être graves. Les ménages pauvres ont une petite marge de manoeuvre quant à l’épargne et au revenu. Une maladie causée par le SIDA mène à l’augmentation du temps consacré à s’occuper de la personne atteinte, à la perte de la main d’oeuvre provenant du membre de la famille infecté, à l’augmentation des dépenses allouées aux soins médicaux et aux funérailles. Le résultat final est une réduction nette de la consommation. Par exemple, en Côte d’Ivoire, la consommation moyenne a chuté de 44% au cours de l’année après la mort ou l’absence du membre de la famille infecté du SIDA. Encore plus, l’effet du SIDA sur le ménage est un effet à long terme parce que les familles perdent les membres les plus actifs et les plus productifs, et les enfants sont obligés d’abandonner l’école soit parce que ils sont devenus orphelins soit pour compenser la perte de main d’oeuvre. En plus, les personnes âgées perdent ainsi tout support. (247) Tout ceci mène à la chute de la production agricole. Au Zimbabwe, par exemple, il a été estime que la mort due au SIDA d’un chef de famille réduit la production agricole au niveau de l’exploitation de 61% pour le maïs et de 47% pour le coton. En Tanzanie, un ménage dont un membre est malade du SIDA perd entre 29 à 43% de sa main d’oeuvre. (248) Alors, que peut-on faire? Ce document n’a pas la prétention de proposer une stratégie pour combattre le SIDA. Néanmoins, des succès dans le combat contre le SIDA ont été enregistres tant en Afrique que dans les pays en voie de développement en général. Il faut donc le plus haut niveau d’engagement, et une approche globale qui évalue l’effet de toute activité de développement sur la pandémie d’un côté et l’effet de la pandémie sur l’activité de l’autre. Toutefois, ceci ne veut pas dire que tout projet de développement devrait envisager un volet sur le VIH/SIDA, car des structures parallèles peuvent naître, menant ainsi à une duplication d’efforts, sans jamais atteindre une masse critique. Mieux vaut peut-être concentrer les ressources sur un programme national du SIDA plus systématique. Par exemple, à cause du SIDA c’est important de se concentrer sur des technologies qui allègent le travail, telles que celles permettant de réduire la dépendance sur les méthodes naturelles de fertilisation qui sont intensives en main d’oeuvre pour adopter une plus large utilisation d’engrais chimiques, et le développement de meilleurs outils manuels tels que les motoculteurs, et l’investissement accru dans l’infrastructure qui allège le travail telle que les tuyaux de canalisation, des moyens de transport à roues, etc. (249) Gouvernance (250) La mauvaise gouvernance qui a prévalu en Afrique depuis l’indépendance (Tableau XI) a été et reste la cause la plus durable des niveaux élevés de la faim dans la région. Comme le démontre le Tableau XI, de toutes les régions du monde, les états africains présentent les pires des dossiers concernant la gouvernance, avec 50% dans les plus bas quintiles, et seulement 13% dans les plus hauts. Une question importante se pose: quelle est la cause de cette mauvaise gouvernance? Est-il simplement question de mauvaise direction à la tête des pays? Les racines de cette mauvaise gouvernance remontent-elle de l’expérience coloniale de l’Afrique? Il y a-t-il des aspects culturels en jeu? Question de géographie? (251) Bon nombre d’études ont été faites sur les pays appelés les “états faibles” selon la littérature. Ces études suggèrent que les problèmes confrontés par l’Afrique sont organiques de nature, par conséquent gravés dans leur histoire et leur géographie, et dans certains cas leur culture. La plupart des pays africains sont composés de différents groupes ethniques, et le travail politique central auquel ils sont confrontés est de bâtir une identité nationale ou au moins une majorité politique stable. Les premières tentatives de nationalisme, issues du combat contre le colonialisme , étaient centrées autour 41 du “grand homme.” Ces héros--N’krumah, Kenyatta, Nyerere--étaient des hommes d’envergure internationale. Pour beaucoup d’entre eux “l’état, c’est moi,” était une réalité, et leurs portraits étaient affichés partout--tant sur les billets de banque nationaux que sur les murs de tout édifice public. (252) TABLEAU IX.: DISTRIBUTION DE LA BONNE GOUVERNANCE Pays Groupe/Region: Asie de l’Est Afrique Moyen Orient & Afrique du Nord Asie du Sud & du Sus-Est Europe et Asie Centrale OECD Amérique Latine & Caraïbes La plus élevée 8,6 2,9 Gouvernance Quintiles (% du Quintile) 2nd plus Centre 2nd plus élevée basse 2,9 2,9 2,9 14,3 38,2 32,4 La plus basse 0 42,9 Echantillon 3,4 25,9 0 25,7 11,8 5,9 14,3 10,9 0 14,3 8,8 1,.6 14,3 10,9 14,3 17,1 14,7 20,6 22,9 19,5 65,7 5,7 0 0 0 14,4 8,6 20 23,5 20,6 5,7 14,9 Source D. Kaufmann, A. Kraay, and P. Zoido-Lobaton, "Aggregating Governance Indicators" (1999), World Bank Working Paper #2195 . Voir ce document pour les informations concernant la définition de l'indicateur de la bonne gouvernance utlisée ici. (http//www.worldbank.org/research/growth/corrupt_data.htm) (253) Beaucoup de ces dirigeants étaient des révolutionnaires imprégnés de la pensée socialiste, combattant le pouvoir économique investi dans les compagnies multinationales. Leur philosophie économique prônait l’industrialisation grâce à la substitution des produits nationaux aux importations, et ils considéraient l’état comme instrument de la transformation. L’état devint aussi l’instrument utilise pour se maintenir au pouvoir, et le favoritisme était plus important que le pouvoir coercitif de l’état. Cette utilisation de l’état était loin d’être tout juste un phénomène africain, mais accouplé du traditionnel réseau d’obligations envers amis et parents, l’appareil étatique devint vite politisé, et la bureaucratie fut souvent deprofessionnalisé. (254) Ainsi, les états africains étaient caractérisés par l’identification de leur dirigeant et son parti avec l’état-nation lui-même, la tension ethnique, le manque d’une vision nationale cohérente, l’utilisation de l’état pour distribuer des faveurs politiques, l’expansion du rôle de l’état au-delà de sa capacité administrative, et l’érosion du professionnalisme de la fonction publique. Sans une tradition où les institutions forcent tout individu à répondre de ses actes, les politiciens comme les bureaucrates prirent l’habitude d’utiliser leur pouvoir pour s’enrichir. (255) Au fil du temps, les promesses et les espoirs de l’auto-détermination ont commencé à dissiper, et l’incapacité du système politique à transformer l’économie était devenu plus évident. Les gouvernements, pour répondre aux échecs de leurs programmes de développement, devinrent plus coercitifs et perdirent toute légitimité. Les militaires s’étaient interposés, et chaque génération successive, des généraux aux colonels et aux sergents, avait considéré les coups d’état comme moyens d’obtenir le pouvoir et la richesse. Les tensions étaient exaspérées et ont donné lieu souvent à des guerres civiles. La crise du pétrole en 1974, et surtout celle de 1979, avait alors exposé la 42 faiblesse économique de ces sociétés et les avait enfoncées dans un chaos économique, mais pas avant qu’elles aient emprunter et gaspiller des milliards de petro-dollars. (256) L’ajustement structurel et la libéralisation politique ont suivi. Mais les nouveaux systèmes économiques et politiques sont encore confrontés aux mêmes problèmes. Comment construire une nation-état à partir de tant de groupes ethniques? Comment faire du gouvernement un instrument efficace capable d’offrir d’importants services économiques et sociaux? Comment distribuer équitablement les bénéfices du système politique? Comment passer de la fidélité au parti et à l’individu à la fidélité à l'état et au gouvernement? Comment développer des institutions telle qu’une presse libre et responsable? Comment réduire la taille du gouvernement afin qu’il soit moins dispersé? Comment passer d’un système de réglementation par les hommes à un système d’état de droit? (257) Trop peu de progrès ont été accomplis dans le combat contre la faim au cours d’une grande partie de la période de 40 ans qui suivit l’indépendance. Les Africains sont encore confrontés aux mêmes problèmes mais cette fois-ci dans un environnement beaucoup plus difficile: les ressources naturelles sont réduites, les populations croissent rapidement, les taux d’urbanisation sont élevés, et le spectre du SIDA est répandu. La stratégie présentée dans ce document ne fonctionnera qu’à moins que ces problèmes dus à la politique et à la mauvaise gouvernance soient résolus. (258) Alors, la question suivante se pose: cette stratégie est-elle réalisable? Pas partout, et peut-être, pas dans la plupart des pays africains en ce moment. Il est probablement nécessaire de commencer un travail à une grande échelle avec quelques pays africains qui remplissent déjà certaines des conditions préalables au succès d’une telle stratégie– l’Ouganda, le Mali, le Mozambique, le Ghana, le Nigéria, probablement le Kenya et le Ethiopie, et le plus important, l’Afrique du Sud. Dans d’autres pays, peut-être que quelques parties seulement de tout l’agenda stratégique présenté ici peuvent être mise en application. Mais ce développement à des degrés divers peut constituer une opportunité d’apprentissage et de partage d’expériences pour les pays africains. (259) VERS UNE RÉPONSE DES ETATS-UNIS (260) Les efforts américains doivent être orientes vers des actions permettant de stimuler les économies africaines, de réduire la pauvreté, et d’aider les pauvres à se nourrir eux-mêmes. Les EtatsUnis doivent prêter leur assistance aux nations africaines pour améliorer la performance de l’agriculture et du système agro-alimentaire. Aucun pays n'a pu réduire la pauvreté de manière substantielle et stimuler la transformation économique sans auparavant, accroître considérablement la productivité de son système agro-alimentaire. Ce genre de mise au point ne pourra qu’aider à éviter les crises futures et générer les ressources internes de l’Afrique pour s’attaquer aux préoccupations humanitaires telles que l’amélioration de la santé, l’alimentation et l’éducation. (261) Le développement implique beaucoup plus que la croissance économique. Cela implique l’amélioration du bien-être et la mise à la disposition de tout individu, les opportunités lui permettant d’atteindre tout son potentiel. Il est particulièrement important de répondre aux besoins de ceux qui ont bénéficié beaucoup moins du système actuel, notamment les femmes et les enfants. Mais sans une croissance économique à base élargie, les pays africains manqueront de ressources nécessaires pour financer leurs systèmes médicaux, leurs écoles, et les programmes de protection des pauvres. Les opportunités d’emploi pour les pauvres, surtout les femmes dans les micro-entreprises, disparaîtront à cause du manque de pouvoir d’achat parmi la masse de la population pour les produits de ces petites entreprises. En plus, l’environnement naturel souffrira, étant donne que la population exploitera n’importe quelle ressource pour assurer sa survie quotidienne. 43 (262) Une croissance économique à base élargie résultant des améliorations du secteur agroalimentaire peut contribuer considérablement à ces priorités de développement sus-citées et à d'autres priorités de développement importantes. L'utilisation de techniques rentables pour promouvoir la survie de l'enfant, telles que les vaccinations et la thérapie de réhydration orale, ne peut être soutenue à long terme que dans une économie de plus en plus croissante pour aider au financement de ces services et si les familles ont le revenu nécessaire pour se les offrir. De programmes meilleurs d’éducation (particulièrement pour des filles) et d’alimentation exigent que la croissance économique locale soit soutenable. La protection de l'environnement sera rehaussée parce que la croissance de la productivité agricole réduit les pressions qui poussent à l’expansion des exploitations agricoles jusqu’aux terres fragiles et augmente le cloisonnement de carbone dans une biomasse plus luxuriante. Les engrais chimiques, substitués en partie à des intrants organiques qui nécessitent l’emploi de beaucoup de main- d’oeuvre, peuvent permettre à des ménages dont les soutiens principaux ont été tues ou handicapés par le SIDA, à continuer à produire une partie de leur propre nourriture. La stabilité politique sera rehaussée par une augmentation des opportunités d'emploi favorable à une main-d'oeuvre naissante et par des prix plus stables des produits de base. (263) Éléments de la nouvelle stratégie américaine. (Ces éléments seront développés encore plus dans les semaines à venir selon les réactions et commentaires de dirigeants et d’organisations clefs en Afrique et aux USA). (264) L'aide des Etats-Unis pour la réduction de la faim en Afrique devrait se baser sur l'expertise distincte des Etats-Unis. Il n'y a pas de solution miracle. La croissance économique en Afrique exige des efforts soutenus sur une période 15 à 20 ans. Des progrès tangibles à moyen terme peuvent être accomplis en aidant les nations africaines à: (265) Développer des programmes et des politiques qui renforcent la capacité des agriculteurs, des entreprises commerciales et des marchés afin qu’ils soient concurrentiels dans l'économie globale. Les pays africains ont besoin de continuer à ouvrir leurs économies au secteur privé et à rendre le processus de leur politique de gouvernement plus transparent. Ils ont besoin d'aide pour le renforcement de leur capacité nationale et locale d'analyse et de formulation des programmes et des politiques qui mettront en valeur les partenariats entre secteurs publics et privés et stimuleront une croissance à base élargie. Relevant d’une importance particulière seront l’augmentation de la production agricole et l’avènement des produits africains à un niveau plus compétitif sur le plan international. L'urbanisation rapide et la croissance du commerce international et régional vont offrir des opportunités aux agriculteurs mais aussi mettre la pression sur les systèmes de commercialisation existants. La revalorisation des infrastructures de transport est nécessaire, mais tout effort de revalorisation doit être entrepris dans le cadre d’une assistance multi-latérale. (266) Renforcer l'éducation et la formation dans les zones rurales, et solidifier les institutions publiques. L'éducation est particulièrement essentielle pour le progrès économique et l’amélioration de la qualité de la vie dans les zones rurales. Les femmes, en particulier, ont besoin d'un niveau d’alphabétisation amélioré, d’une meilleure éducation pour leurs carrières et de qualifications de base pour améliorer la santé et l’alimentation de leurs familles. Les économies africaines sont limitées par le déclin du nombre de scientifiques, d’éducateurs et de spécialistes en vulgarisation et le manque d'institutions de formation. Les principales victimes de la vision à court terme de l’USAID sont les programmes tels que la formation à long terme et le renforcement des institutions. Ces programmes ont connu un déclin, en particulier dans le secteur agricole. La formation et le développement des institutions ont constitué la contribution majeure des Etats-Unis au développement économique de l'Asie et de l'Amérique latine dans les années 50 et 60. Le progrès de beaucoup de pays africains dans les années 90 était dû en partie aux contributions des scientifiques et des analystes de politiques formés des années plus tôt aux Etats-Unis. Les nouvelles technologies de l'information offrent de plus 44 grandes opportunités pour une formation moins coûteuse et le développement d’institutions, grâce à des partenariats liant les Etats-Unis et les universités africaines se spécialisant dans l'agriculture, la biotechnologie, et l'analyse des politiques. (267) Développer la recherche agricole et les programmes de vulgarisation pour exploiter les technologies existantes et nouvelles, telles que la biotechnologie et les technologies de l’information, pour promouvoir de nouveaux liens avec les entreprises commerciales et pour éviter les dommages à l’environnement. La recherche agricole et alimentaire en Afrique est limitée, malgré les réformes substantielles entreprises récemment. Les programmes de recherche et de vulgarisation doivent répondre aux besoins des agriculteurs et aux demandes du marché. La biotechnologie offre des opportunités spéciales pour augmenter les rendements, raffiner les culture pour des conditions locales, et réduire les dommages à l’environnement. Une fois qu’une technologie agricole est développée, elle doit être acheminée vers les agriculteurs, les commençants, et les transformateurs. Une plus grande utilisation des partenariats entre secteurs publics et privés, les bourses de recherche allouées sur une base compétitive, et des liens avec la communauté de recherches agricoles des EtatsUnis constituent des moyens pour mieux développer et diffuser les nouvelles connaissances ayant une importance capitale. Les nouvelles technologies de l'information offrent des opportunités spéciales d'étendre ces collaborations. (268) Améliorer la gouvernance rurale. Beaucoup de pays africains sont en train de décentraliser les services, créant ainsi des unités locales de gouvernement et une société civile vibrante. Dans les zones rurales où la plupart des Africains vivent, ces changements permettent une plus grande initiative locale de la part des organisations d’agriculteurs, des conseils d’administration de l’éducation et de la santé, et des gouvernements de communes rurales et de municipalités. Les EtatsUnis grâce à ses longues expériences sur le fédéralisme et des services de vulgarisation, sont bien équipés pour aider les Africains à améliorer ces organisations locales. (269) Etablir des liens entre les programmes d’aide alimentaire d’urgence et les programmes de développement à long terme. Les urgences humanitaires demeureront. Ces dernières années, le gouvernement des Etats-Unis a accompli des progrès considérables en incorporant ses opérations d’aide d’urgence dans ses perspectives de développement à plus long terme. Ce genre de vision doit continuer de guider ces actions. (270) Coordonner les programmes alimentaires et agricoles avec les programmes d’actions de combat contre le SIDA. La tragédie grandissante du SIDA pose un défi énorme. La FAO perdit que qu’au moins un quart d'ouvriers agricoles disparaîtront d’ici l’an 2020 dans les neuf pays (tous en Afrique australe et orientale) le plus touchés par le SIDA. Les technologies agricoles doivent être développées en tenant compte des besoins particuliers de ces économies rurales qui sont gravement limitées. L'agriculture et l’alimentation peuvent largement contribuer à la lutte contre le SIDA qui se propage rapidement dans des zones rurales. Par exemple, les agents de vulgarisation peuvent donner des conseils sur la santé et la nutrition, et les systèmes agricoles de distribution peuvent distribuer des préservatifs. (271) Plus que jamais l’Afrique est à la croisée des chemins. Mais ceci peut être la dernière grande chance accordée à l'Afrique. Il y a d’énormes opportunités mais aussi d’énormes obstacles. Le succès pourrait signifier non seulement une réduction substantielle de la faim dans quinze années, mais aussi le commencement d'un cercle vertueux qui pourrait engendrer la réduction de la pauvreté, de la maladie et de la guerre sur une base élargie et continue. Ceci est une chance que nous devons saisir. 45 46