INTERNET:10 ans au service des conseillers

Transcription

INTERNET:10 ans au service des conseillers
S’il y a un secteur d’activité qui s’est trouvé métamorphosé
par la grande toile, c’est bien celui des services financiers.
Imaginez votre vie professionnelle sans courriel,l’intranet
et les nombreux sites financiers et boursiers.
INTERNET : 10 ans
au service des
conseillers
La première fois
CLAUDE COUILLARD
que Carole
Morinville a navigué sur le Net, elle
ne croyait pas que cette merveille
occuperait bientôt autant de place
dans son quotidien. «Il y avait peu de
choses sur la finance, même si je pouvais suivre les activités de la Bourse
de New York en temps réel», relate
cette courtière, propriétaire de sa
propre agence. Même certitude pour
Ginette Fortin, qui a découvert le
Web vers 1995, comme la majorité
JANVIER 2005
17
d’entre nous. «Ce sera pour les gens
qui s’amusent», s’était alors dit la
directrice de la gestion personnalisée
à la Banque Nationale pour le bureau
Mauricie-Sorel-Victoriaville.
«Avant 1990, tout se faisait sur
papier. De nos jours, tout ou presque
se fait virtuellement», souligne Colin
Henderson, directeur principal de la
gestion d’Internet à BMO Banque
de Montréal, pionnière dans les services bancaires en ligne en Amérique
INTERNET
BREF HISTORIQUE DES SERVICES BANCAIRES ÉLECTRONIQUES
Les diverses nouveautés technologiques
qui ont révolutionné le secteur financier
au pays ont été introduites sur le marché
suivant une courbe exponentielle:
Année
1968
1972
1974
L’UTILISATEUR DE SERVICES EN LIGNE
Un homme de 40 ans,
scolarisé et… fidèle!
« Nos utilisateurs de services
en ligne sont plus scolarisés et plus
fortunés que l’ensemble des clients
de BMO», indique Cid Palacio, viceprésidente des services bancaires en
direct de BMO Banque de Montréal.
Un sur trois détient un diplôme universitaire, et 25% disposent de revenus familiaux annuels de plus de
100000$. On aurait cru qu’ils étaient
plus jeunes, mais ils ont en moyenne
tout juste au-dessus de 40 ans, bien
que le segment des 50 ans et plus
connaisse une forte croissance. Ils se
rendent sur bmo.com neuf fois par
mois en moyenne.
Une étude d’Adviso Conseil et de la
Chaire de commerce électronique de
RBC Groupe financier de HEC Montréal
conclut que l’utilisateur des sites bancaires est, dans la majorité des cas, un
homme, client de sa banque depuis
au moins neuf ans. En septembre
2004, 38% des clients de la Banque
de Montréal fréquentaient le site de
l’institution à l’échelle canadienne,
contre 33 % au Québec,un pourcentage
comparable à la moyenne québécoise.
«Je souhaite que le Québec rejoigne
la moyenne nationale», fait savoir
Mme Palacio.
1986
1994
1995
1996
2000
Innovation
Quatre banques introduisent sur le marché Chargex,
la première carte de crédit au pays
La Banque Royale devient la première institution
financière canadienne à installer des guichets
automatiques
Des banques mettent en marché le paiement autorisé,
qui permet le dépôt automatisé de la paie et le virement automatique
On met sur pied le réseau national de guichets automatiques Interac
On lance le réseau national de cartes de débit Interac
La Banque Royale est la première banque canadienne
à créer un site Internet
La Banque de Montréal est la première institution
financière à offrir des services bancaires par Internet
La Banque TD lance le Fonds TD,le premier fonds d’investissement vendu exclusivement par Internet
Source : Association des banquiers canadiens
«C’est pour le domaine des services financiers que les gens passent
le plus de temps sur Internet, avant même les sites pour adultes.»
Jean Perrien
du Nord. Ce ne sont là que
quelques-unes des profondes mutations qu’a suscitées l’arrivée du
réseau des réseaux.
Des rapports modifiés
Car loin d’amener la seule transformation du travail des conseillers,
Internet a également modifié les
rapports qu’ils entretiennent avec
leurs clients. À commencer par la
fréquence des rencontres, qui se
limitent souvent à une par année
désormais. Le reste du temps, le
courriel prend de plus en plus le
relais. «On peut se permettre d’avoir
davantage de clients», constate
Mme Morinville. Toutefois, les
échanges de communications électroniques ne conviennent pas à
toutes les situations. «Quand une
incertitude arrive – une hausse de
taux par exemple –, les clients ont
besoin de me parler, note-t-elle. Le
OBJECTIF CONSEILLER
18
courriel est hyper efficace pour l’information factuelle. Le téléphone est
là pour l’émotivité.»
Avant-gardiste, cette conseillère
indépendante offre depuis 1997 la
possibilité à ses investisseurs de
visualiser leur portefeuille dans son
site Web. «J’étais là bien avant certaines grandes institutions financières», lance-t-elle fièrement. Cette
année-là, près de 75 000 internautes
accédaient déjà au site de la Banque
de Montréal pour réaliser des opérations bancaires, un groupe qui a
décuplé depuis et qui croît toujours
entre 30 % et 40 % par année.
Presque 10 ans plus tard, les services les plus populaires restent à peu
de chose près les mêmes : accéder à
ses comptes et régler ses factures.
«Nos usagers apprécient la rapidité,
la commodité, la disponibilité en tout
temps et en tout lieu qu’offre le Net»,
déclare Cid Palacio, vice-présidente
INTERNET
Au cours du dernier mois, avez-vous utilisé Internet pour
effectuer les transactions financières suivantes?
Octobre 2003 (%) Octobre 2004 (%)
Opérations bancaires
23,9
34
Placements financiers
3,1
5
Achat d’une assurance
1,2
1,2
Source : NETendances CEFRIO - Léger Marketing – octobre 2004.Base : les adultes québécois
des services bancaires en direct de
BMO Banque de Montréal.
Un client averti grâce au Web
À l’évidence, Internet a favorisé
l’émergence d’un investisseur nouveau : le client informé, voire surinformé. Les sites financiers abondent
et fourmillent de données inaccessibles il y a encore quelques années :
prospectus détaillés, cours consultables en direct, analyses en profondeur, ratios, etc. «Aujourd’hui, on voit
un client, particulièrement chez les
bien nantis, qui en sait souvent autant
que le conseiller à qui il a affaire»,
affirme Jean Perrien, titulaire de la
Chaire en management des services
financiers de l’UQAM. «Tu n’as pas
le choix d’être à la fine pointe de l’information, de connaître les nouveautés», fait observer Mme Fortin.
Plus renseigné peut-être, mais
cela ne signifie pas pour autant que
le client de l’ère virtuelle y voit plus
clair. Conséquence? Son conseiller
doit souvent gérer le trop-plein d’information. «On se doit de rectifier le
tir», souligne Mme Fortin. Une évolution des habitudes qu’apprécie bien
Mme Morinville : «Aujourd’hui, les
gens ont le goût d’évoluer dans leurs
placements parce qu’ils voient les
possibilités. Comme conseiller, ça
nous pousse à nous améliorer.»
Le Web a aussi rendu le consommateur plus casanier. Dans sa chasse
aux meilleurs taux hypothécaires, il
ne frappe plus à quatre ou cinq
portes comme jadis, mais il se docu-
mente plutôt en ligne, informe
Mme Palacio. Et n’ira voir que l’institution élue.
Pour les opérations courantes
Si de plus en plus de Québécois préfèrent le Web pour payer leurs factures ou consulter leurs soldes bancaires, ils hésitent encore à y réaliser
leurs placements ou à y souscrire une
police d’assurance, révèle le tableau
ci-dessus. C’est là le prochain défi des
institutions financières. «La sécurité
reste un élément majeur, rappelle
M. Perrien. Il y a toujours une suspicion.» À l’échelle canadienne, moins
de 10 % des visites sur le site de
BMO Banque de Montréal concernent une demande de prêt ou l’achat
d’un produit financier. «Mais nos
clients se sentent de plus en plus à
l’aise», dit Mme Palacio, qui prédit un
accroissement de ce segment.
La toile, considérée au départ
comme une dépense, est de plus en
plus vue comme un investissement
stratégique. «Le Web a été perçu par
les institutions financières comme un
moyen de diminuer leur structure de
coûts et, par le fait même, d’augmenter leur rentabilité, ce qui s’est
avéré», précise M. Perrien. «Avec des
moyens minimes, Internet m’a permis d’informer mes clients et de leur
offrir un service personnalisé, ajoute
Mme Morinville. Quand c’est bien
structuré, c’est payant Internet.» À
preuve, cette femme d’affaires montréalaise continue de recruter de nouveaux clients à Sherbrooke, même si
JANVIER 2005
19
elle n’y a plus pignon sur rue depuis
quelques années. «Mes clients là-bas
me recommandent encore des gens,
se réjouit-elle. Sans Internet, ç’aurait
OC
été impossible.»
S’autoformer
grâce à l’intranet
POSTÉE À TROIS-RIVIÈRES, Ginette
Fortin apprécie les cours sur la
conformité, la confidentialité ou le
blanchiment d’argent que lui offre
de plus en plus l’intranet de son
employeur,la Banque Nationale,ou
le site de la Chambre de la sécurité
financière.Fini les déplacements et
les demi-journées «séquestrée»
dans une salle.«J’apprends quand je
veux,à mon rythme,dit la directrice
de la gestion personnalisée à la
Banque Nationale pour le bureau
Mauricie-Sorel-Victoriaville. Mais il
faut savoir organiser son temps.»
Elle estime que ce mode d’apprentissage convient davantage aux formations au contenu plus technique.
«Si on parle de cours de processus
de vente, par exemple, une présence humaine est préférable,
parce qu’il faut animer et réagir.»