nouveaux rapports de domination nord/sud

Transcription

nouveaux rapports de domination nord/sud
nouveaux rapports de domInatIon nord/sud
nouveaux rapports
de domination
nord/sud
Geneviève Azam
economiste, membre du conseil scientifique d'attac
(nous n'avons malheureusement pas pu enregistrer cette soirée, et nous ne
pouvons pas vous en proposer une transcription. nous nous en excusons beaucoup auprès de madame azam, et auprès de nos adhérents et sympathisants. nous
reproduisons ci-dessous le texte de présentation de cette soirée qui a eu lieu le 17
octobre 2007)
Alors que la délocalisation politique est accomplie, de nouveaux rapports de
domination se sont installés entre pays du Nord et pays du Sud. Et simultanément les inégalités entre classes ou catégories sociales se creusent à l'intérieur des
sociétés.
Les Idées contemporaInes
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troubLes dans Le sy stème fInancIer InternatIonaL
troubles dans le
système financier
international
François MORIN
université de toulouse I (Lereps)
Dans la plus pure tradition académique, je vais suivre un plan en deux parties.
En un premier temps, je vais vous dresser un état des lieux, vous montrer quel
est l'état du monde par rapport à cette finance globalisée, et maintenant libéralisée, et montrer les logiques de son expansion à travers ses pratiques et notamment les pratiques spéculatives.
Dans un deuxième temps j'essayerai de vous parler davantage à la fois de l'impact de cette globalisation sur notre économie réelle, mais aussi de l'impact et des
origines de la crise actuelle et de ses développements récents. Nous essayerons de
voir comment on peut imaginer la suite de ce qui se passe aujourd'hui sur le plan
économique et financier et peut-être même sur le plan politique.
Enfin, j'aurai une conclusion sur le thème inévitable de ce qu'on peut faire par
rapport à ces mouvements et à ces désordres qui deviennent considérables.
1. La globalisation financière
Qu'est-ce que cette globalisation financière, cette finance globale dont on parle
de plus en plus ? D'où cela vient-il ?
Les ori gi nes
On pourrait remonter très loin dans le temps, puisque, par exemple, au
xixe siècle il y a eu déjà, jusqu'à la guerre de 1914, une période de très forte mobi-
Les Idées contemporaInes
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françoIs morIn
lité internationale des capitaux et de très grande liberté de va-et-vient de masses
financières considérées à l'époque comme très importantes. Entre les deux
guerres, il y a eu une crise, comme on sait, puis finalement le jeu des capitaux a
été stabilisé. On a fermé les frontières, les États ont repris la main et le jeu s'est
calmé. Au lendemain de la seconde guerre mondiale l'État maîtrise encore complètement le fonctionnement des marchés monétaires et financiers en en contrôlant
les principales variables. Mais, en même temps, dans cette période, la mondialisation commence, avec la création de très grandes entreprises, de très grands
groupes, de multinationales qui s'implantent un peu partout.
L'idée est venue alors, dans l'esprit des économistes, mais aussi des banquiers
et des hommes d'affaires, qu'il fallait libéraliser ces marchés relativement
contraints dans leur fonctionnement. Avec des justifications à la clé.
Essentiellement, les économistes libéraux disaient qu'il fallait libérer deux éléments pour permettre une expansion des marchés. D'une part les taux de change,
c'est-à-dire le prix des monnaies les unes par rapport aux autres (le dollar par rapport au deutsche mark, par rapport au franc, etc.), qui étaient fixés par les États :
c'étaient des parités fixes issues des accords de Bretton-Woods. Et d'autre part les
taux d'intérêt, qui étaient eux aussi sous la tutelle des pouvoirs publics. Ces économistes libéraux pensaient que les taux d'intérêt subissaient en quelque sorte la
« répression » des États.
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Tout un mouvement de pensée se développa ainsi. L'idée était qu'en libérant
les taux d'intérêt ceux-ci allaient nécessairement augmenter. Les États ont naturellement tendance à dire qu'il est bon pour l'économie et sa croissance d'avoir les
taux d'intérêt les plus bas possibles afin d'engendrer des coûts bas et de favoriser à
la fois les financements et les investissements, et, in fine, les emplois. il arrivait
même, jusqu'à la fin des années 70, que les taux d'intérêt réels soient négatifs,
parce que les taux d'inflation étaient supérieurs aux taux nominaux d'intérêt.
Quand on a un taux d'inflation de 15 %, (ce qui arrivait à cette époque), et un
taux d'intérêt à 5 %, quel avantage a-t-on à déposer son épargne sur des marchés
financiers qui rongent la monnaie à hauteur de 15 % et ne rapportent que 5 %?
Cela favorise évidemment ceux qui s'endettent, mais pas du tout ceux qui épargnent. Les économistes libéraux affirment alors que cela ne peut plus continuer et
qu'il faut libérer l'épargne. En libérant l'épargne, les taux d'intérêt réels vont augmenter et l'épargne va être apportée naturellement sur les marchés. Et si l'épargne
arrive de façon abondante sur les marchés, elle va pouvoir se transformer en
investissements et favoriser la croissance et les emplois.
C'est un raisonnement qui s'oppose complètement au raisonnement de
Keynes. Pour Keynes, c'est l'investissement qui crée de l'épargne, c'est parce
qu'on a de l'activité économique, c'est parce que les entreprises investissent qu'ensuite les ménages ou les entreprises elles-mêmes peuvent épargner. Alors que les
économistes libéraux inversent le raisonnement en disant que c'est l'épargne qui
va créer l'investissement.
Les Idées contemporaInes
troubLes dans Le sy stème fInancIer InternatIonaL
La mi se en pl ace
Voilà les idées émises pendant les années 50, et surtout les années 60 où elles
connaissent une large diffusion. La libéralisation d'une série de marchés va pouvoir alors s'amorcer.
On commence par les marchés des changes, au début des années 70. C'est la
rupture des accords de Bretton-Woods. Les taux de change deviennent flexibles
entre les grandes monnaies, tout comme aujourd'hui. À tout moment, et en tous
lieux, on peut connaître le taux de change de l'euro en dollar ou en yen, du dollar
en yen, etc.
Un peu plus tard, et c'est très important pour la suite, on libéralise le marché
obligataire. Le marché obligataire est un marché où notamment les États viennent pour financer leurs déficits. Avant les années 80 et cette libéralisation du
marché obligataire, les États finançaient leurs déficits essentiellement en ayant un
compte à la Banque centrale: le compte du trésor. Quand il y avait un déficit, le
ministre de l'économie et des finances appelait le Gouverneur et lui demandait
d'alimenter ce compte du trésor. Autrement dit, c'était la planche à billets. On faisait fonctionner la planche à billets pour financer les déficits de l'État.
C'est notamment (mais pas uniquement) à cause de cela que l'on a eu jusqu'à
deux chiffres d'inflation. En finançant de façon purement monétaire les déficits du
budget de l'État, on injecte beaucoup de monnaie dans l'économie, trop probablement, et la croissance de la masse monétaire est plus importante que l'offre de
produits, de biens ou de services dans l'économie. Et à partir du moment où il y a
beaucoup d'argent par rapport à une offre qui reste en croissance limitée, cela provoque assez naturellement une hausse des prix. On veut acheter, mais l'offre ne
suit pas, et les prix montent.
Dans tous les grands pays du monde, au début des années 80, on met en place
des réformes qui disent que cette règle-là, ce financement monétaire par la planche
à billets, c'est fini ; que les États vont faire comme les ménages et que, s'ils ont
besoin d'argent, ils vont aller sur un marché et payer des taux d'intérêt pour se
procurer les ressources correspondantes.
Seulement, pour que ce mécanisme se mette en place, il faut que les Banques
centrales deviennent indépendantes des pouvoirs publics. Sinon, la tentation de la
planche à billet est toujours là. C'est donc aussi la raison pour laquelle, à travers
ces réformes, on a créé des Banques centrales indépendantes. il a fallu un peu plus
de temps dans certains pays que dans d'autres. Chez nous par exemple, ça a pris
plus de temps pour couper le cordon ombilical qu'en Allemagne ou aux ÉtatsUnis.
Mais à partir du moment où on adopte cette règle du jeu, les États vont commencer à s'endetter. C'est naturel : chaque année il y a des déficits, et ils s'accumulent au fil du temps. Les États sont amenés en permanence à aller sur le marché
obligataire pour financer ces déficits. Le marché obligataire, c'est tout simplement le marché sur lequel l'État est présent en apportant des titres, des obligaLes Idées contemporaInes
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tions, des papiers, contre lesquels il reçoit des fonds qui lui servent au financement des déficits. Ce sont évidemment des dettes à long terme, à dix ans, voire
plus. L'État peut s'endetter aussi à cour terme avec des bons du trésor.
Bref, l'État est obligé de payer, c'est-à-dire de rembourser comme n'importe
qui. Et à partir de ce moment-là, la dette, la fameuse dette, née au début des
années 80, a commencé à gonfler chaque année un peu plus. Quand on va sur un
marché pour obtenir des ressources, (comme quand on veut acheter une maison
ou un appartement), il faut payer des intérêts pour obtenir les liquidités dont on a
besoin. Le taux d'intérêt, c'est tout simplement le prix de l'argent.
Comme il y a une offre et une demande qui se rencontrent sur les marchés
obligataires, le taux d'intérêt se forme au jour le jour sur ces marchés ou même
sur des marchés à plus court terme. il s'agit ici de masses d'argent très importantes et de taux d'intérêt qui ne sont plus sous la tutelle des États.
Tous les grands pays ont connu cette évolution : les États Unis à la fin des
années 70, la Grande Bretagne au début des années 80, en France c'est la loi bancaire de 84 qui commence à inaugurer ce genre de choses. Tous ces pays entrent
dans cette logique-là.
L'él argi ssement
Et on se rapproche de la période actuelle. La troisième étape, non prévue par
les économistes libéraux, c'est la création de nouveaux marchés, qui sont très
importants pour comprendre la crise actuelle. il faut savoir ce qui se passe une
fois qu'on libère des prix. Ces prix sont amenés à fluctuer. ils deviennent volatiles. Et ça, c'est une catastrophe, notamment pour les entreprises.
C'est très beau le principe de l'ouverture des marchés, des prix libres, de l'offre
et la demande qui se rencontrent. Mais on entend tous les jours à la radio que le
dollar a perdu de sa valeur par rapport à l'euro. À chaque heure ça bouge, à chaque
minute, à chaque seconde. Et ça, c'est problématique pour une entreprise.
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Prenons l'exemple régional d'Airbus. Quand Airbus construit des avions, il a
des coûts qui sont en euros, parce qu'on paye les salaires à Toulouse en euros.
Mais les ventes se font en dollars, parce que le marché international de l'aéronautique se fait en dollars. imaginons qu'Airbus doive livrer dans un an des avions à
une compagnie. il fait sa prévision sur un dollar à tant. Ses coûts il les connaît à
peu près en euros. il pense à une marge normale. Mais si le dollar s'effondre
entre-temps, la marge qu'il pensait faire se transforme en perte. Uniquement par le
jeu des mécanismes des changes. Ça peut être aussi des gains. Mais vous comprenez bien qu'il est impossible de faire des prévisions à partir du moment où le
taux de change euro/dollar varie de seconde en seconde. Sur l'ensemble de la planète, en tout point de la planète, vous pouvez connaître le taux de change
euro/dollar et il fluctue en permanence. Et c'est la même chose pour les taux d'intérêt. ils fluctuent en permanence tout autant.
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Je n'entre pas dans les techniques, mais les entreprises ont plutôt intérêt à
s'endetter en taux variables, parce que cela leur coûte moins cher, plutôt qu'en
taux fixes. Mais quand on s'endette en taux variable on accepte un certain risque:
c'est que le taux remonte. Prenons l'exemple d'une remontée des taux de 3 à 5 %,
ou à 6 %. Ça ne semble pas énorme. En réalité, c'est une catastrophe, non seulement pour une entreprise mais aussi pour un ménage. Quand on passe de 3 à
6 %, la mensualité de remboursement, si elle était de 1 000 €, passe à 2000 €.
Les gens ne le perçoivent pas. Les mensualités deviennent monstrueuses dès qu'il
y a des variations de taux d'intérêt un peu importantes. Là aussi, ça peut jouer
dans un sens comme ça peut jouer dans l'autre: on peut gagner si les taux d'intérêt baissent.
Dans ces conditions, si une entreprise s'endette à taux variable, (et son banquier lui explique qu'elle a intérêt le faire), comment voulez-vous qu'elle maîtrise
son financement si en permanence ses mensualités fluctuent au gré du temps.
Alors très rapidement, les entreprises ont dit que c'était insupportable, et comme
les marchés sont, comme on dit, très innovants, ils ont créé des produits tout à
fait spécifiques pour répondre à ce besoin d'assurance des entreprises, ce besoin de
couverture du risque.
Les nouveaux marchés
Ainsi à la fin des années 80 se sont développés des marchés très particuliers
qu'on appelle les marchés de produits dérivés, ou de produits de couverture, ou
encore de produits d'assurance. La différence avec un contrat d'assurance que vous
pouvez prendre chez votre assureur avec des primes correspondantes, c'est que ces
produits peuvent s'échanger sur les marchés - tandis que le contrat que vous avez
pour vous assurer contre un risque quelconque, vous ne pouvez pas l'échanger,
bien entendu.
Évidemment, dans ces conditions, la vie de l'entreprise devient un peu plus
normale. Si Airbus vend des avions dans un an, il voudrait être sûr du taux de
change qu'il aura dans un an. C'est ça son problème, pour garantir sa marge.
Donc il va prendre un produit de couverture qui va lui assurer, quelle que soit
l'évolution du dollar, à la hausse comme à la baisse, un taux favorable. Évidemment le risque ne disparaît pas : c'est la banque qui le prend.
Une dernière étape de ce processus a eu lieu au milieu des années 90 avec un
mouvement de libéralisation des capitaux à l'échelle internationale. Les frontières
s'ouvrent davantage et les capitaux circulent plus facilement de pays à pays, surtout de pays dits émergents à pays développés et réciproquement. C'est la dernière
phase de libéralisation des marchés.
La si tuati on actuel l e
J'en arrive maintenant à la situation actuelle des marchés monétaires et financiers.
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françoIs morIn
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Tout d'abord une observation. Les marchés, aujourd'hui, sont complètement
globalisés à l'échelle de la planète. il y a une très forte organisation de ces marchés à l'échelle internationale qui fait qu'en tout point de la planète et à tout
moment du temps on peut connaître les taux de change des monnaies entre elles
et faire des opérations, en passant par une banque ou directement par internet.
C'est vrai pour les marchés des changes mais aussi pour les marchés de l'argent,
c'est-à-dire les marchés obligataires. Tous ces marchés sont interconnectés. Par
exemple, le marché obligataire américain, qui est le plus important, est le marché
directeur pour l'ensemble du monde entier: les taux d'intérêt qui se forment sur ce
marché sont des taux directeurs pour tous les autres.
Même chose pour les bourses. Quand la bourse de New York baisse, comme
par hasard la bourse parisienne baisse aussi. Les mouvements vont exactement
dans le même sens. il est rare qu'ils ne soient pas corrélés. Ces corrélations sont
aujourd'hui très fortes, et de plus en plus fortes entre marchés boursiers.
Donc les marchés sont globalisés, mais les acteurs aussi. Les acteurs sont des
acteurs globaux. ils développent des stratégies à l'échelle de ces marchés globaux.
Les plus grandes banques, ou les plus grands investisseurs institutionnels du
monde, développent leur action à l'échelle mondiale. BNP Paribas intervient dans
cent cinquante-huit pays du monde en permanence.
Ce qu'on appelle « les salles de marchés » dans ces grandes banques sont des
outils devenus tout à fait considérables et qui permettent la connexion avec tous
les acteurs de la planète financière. J'étais l'autre jour dans la salle de marché de la
Banque Natexis, qui est la quatrième banque française: imaginez une salle paysagée, tout le monde se voit, il y a quatre cents personnes, chacune avec trois
écrans devant elle, et cela sur quatre étages. Mille six cents personnes. Voilà ce
qu'on appelle « une salle de marché ». Ce n'est pas simplement dix personnes
dans un coin avec quelques ordinateurs, mais d'une connexion avec le monde
entier. Et il s'agit simplement de la quatrième banque française.
Le résultat de tout cela est impressionnant : depuis douze ans, on a changé de
planète, je vais défendre cette thèse devant vous. D'abord je vais vous donner
quelques chiffres qui vous montreront qu'on est dans un univers qu'on n'imagine
pas. J'ai actualisé ces chiffres pour l'année 2005, ce sont des chiffres inédits.
Les chi ffres
D'abord essayons de comprendre le poids de l'économie réelle aujourd'hui dans
le monde. Au niveau de notre planète, la richesse produite pendant un an, (et en
l'espèce durant l'année 2005) est le PiB mondial, le Produit intérieur Brut mondial. C'est la production de biens et de services pendant une période d'un an. Ce
n'est pas un stock, ce n'est pas quelque chose qu'on observe à un moment donné,
c'est un flux qu'on peut mesurer à travers des transactions sur bien et services qui
se déroulent pendant un an. Cela correspond donc à la production de richesses
pendant une année.
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Pour exprimer les chiffres de cette économie réelle de biens et de services,
dans la présentation des grandeurs qui décrivent les éléments de la sphère financière, je vais utiliser l'unité du Téra-dollar (T$). Vous savez qu'en grec il y a le
kilo, le méga, le giga et après il y a le Téra. Giga-octet, méga-octet, cela dit
quelque chose à certains d'entre vous. Le méga c'est le million, le giga c'est le
milliard, et le Téra c'est le millier de milliards. Pour les mathématiciens c'est
1012, 1 suivi de douze zéros. C'est l'unité de base pour appréhender l'économie
mondiale dans ses différentes dimensions.
La producti on de ri chesses pendant l'année 2005 pour l'économie mondiale était de 44 Téra-dollars (autrement dit 44 000 milliards de dollars). On agrège
les PiB de 198 pays, (on a le droit de le faire d'un point de vue économique,
même si on peut discuter de ce qu'est un PiB). La Banque mondiale agrège tout
cela et donne le chiffre de 44 Téra-dollars.
Ensuite je vous donne un second chiffre important : l es transacti ons sur
l es marchés fi nanci ers, c'est-à-dire l'ensemble des transactions sur actions et
obligations. Si on prend la planète financière, (l'ensemble des marchés financiers
du monde), l'ensemble des transactions durant la même année 2005 atteint le chiffre un peu plus important de 51 Téra-dollars.
Puis intéressons nous a un marché dont je vous ai parlé tout à l'heure: l e
marché des changes, ce fameux marché où les yens s'échangent contre des
euros ou contre des dollars et réciproquement. Dans la même année 2005, l'ensemble des transactions arrive à 566 Téra-dollars. Ça commence à être important.
Surtout comparé aux seuls 11 Téra-dollars de consacrés aux échanges de biens et
de services entre pays pendant la même période. C'est dire que l'économie réelle
n'est que de 11 Téra-dollars pour les échanges mondiaux. Donc sur les 566 il n'y
en a que 11 pour l'économie réelle. Alors le reste c'est quoi ? Je vais y revenir.
Enfin il y a le marché des produits dérivés, ces produits d'assurance, qui
n'existaient pas avant 1990, (ou très peu, de l'ordre de 1 Téra-dollar). Ces produits
ont pris une extension phénoménale en raison de la nécessité de se couvrir contre
les risques liés aux variations de taux d'intérêt. La même année 2005, l'ensemble
des transactions sur ces produits dérivés était de 1 406 Téra-dollars, ce qui est proprement vertigineux.
Les marchés i nterbancai res
Une chose importante est qu'on peut additionner tous les chiffres que je viens
de vous donner (ce qui va nous permettre de comprendre la crise financière
actuelle): on obtient 2 069 Téra-dollars. Ce chiffre, on l'observe concrètement. Ce
sont des transactions que l'on peut mesurer très précisément. On les observe sur
ce qu'on appelle les marchés interbancaires (on dit aussi marchés monétaires).
C'est sur ces marchés interbancaires que la crise actuelle a pris forme.
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Pourquoi peut-on additionner ces chiffres ? Parce que toutes les transactions
dont je viens de vous parler transitent par les Banques centrales et par les marchés
interbancaires : il y a autant de marchés interbancaires qu'il y a de Banques centrales. Autour de la Banque centrale européenne il y a un marché interbancaire.
Aux États-Unis il y a un marché interbancaire, et au Japon, et en Angleterre, etc.
Qu'est-ce qui se passe sur ces marchés interbancaires ? Toutes les banques de la
place, de la zone monétaire, se réunissent tous les jours (ce sont évidemment des
contacts sur électronique).
Prenons l'exemple très simple d'un achat de voiture. Nous avons notre banque,
le garagiste a également la sienne, qui n'est pas forcément la même. il va donc y
avoir des transactions entre nous qui avons notre propre banque et les fournisseurs
chez qui nous achetons des biens et des services. Cela crée des relations entre
banques. il y a des banques dont les dépôts vont être tirés, sous forme de chèques
ou de cartes bancaires, pour allez vers d'autres banques et réciproquement.
Et tous les jours en fin de journée on fait les compensations entre ces transactions, puisque chaque banque doit de l'argent à beaucoup d'autres et vice versa. On
compense tout ça. Et il y a par conséquent des soldes. il y a des banques qui vont
avoir reçu davantage que d'autres. il y a des soldes positifs pour certaines et des
soldes négatifs pour d'autres. Et celles qui se trouvent avec des excédents en liquidités vont prêter à celles qui en manquent. On a ainsi un marché.
Cela implique un taux d'intérêt : même entre banques on ne se fait pas de
cadeaux. Et ce taux c'est le taux d'intérêt au jour le jour. C'est le taux d'intérêt le
plus court. Tous les jours il y en un qui se forme dans chaque zone monétaire.
Ensuite il y a un acteur qui intervient sur ce marché, c'est la Banque centrale,
qui y est présente tous les jours. Le rôle de la Banque centrale, techniquement, va
être d'apporter aussi des liquidités, ou d'en retirer. Généralement elle en apporte.
Parce que les économies croissent, il y a de plus en plus de transactions à assurer
et donc il y a, en bonne logique, besoin de plus en plus de liquidités pour le fonctionnement de l'économie. Et ce besoin de liquidités se retrouve sur le marché
interbancaire, à travers les banques qui y sont présentes. Et donc, assez naturellement, la Banque centrale, toutes les semaines, par différents mécanismes, notamment des appels d'offres, va fournir la liquidité dont l'économie a besoin. La BCE
apporte grosso modo 30 à 40 milliards d'euros chaque semaine. « On apporte » :
c'est une façon de parler. il faut payer, il faut présenter des garanties, ou il faut
même vendre des titres que les banques ont, pour obtenir des liquidités.
Les conséquences
Si on prend l'ensemble des marchés interbancaires du monde entier et qu'on
regarde l'ensemble des transactions de ces marchés sur l'année 2005, on observe le
volume de 2 069 Téra-dollars que je vous ai indiqué. Premier constat : l'économie
réelle occupe à peine 3 % des transactions de ces marchés. C'est une donnée qu'il
faut avoir en tête. Les banquiers centraux le savent.
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Alors imaginons maintenant qu'il y ait un choc dans la sphère financière. Par
exemple une banque fait faillite et du jour au lendemain elle ne peut plus satisfaire ses engagements. Très vite il peut y avoir un effet de domino, parce que la
banque qui ne peut plus faire face à ses engagements peut entraîner immédiatement dans son sillage la faillite d'autres banques à cause des relations qui se
nouent sur le marché interbancaire. Et c'est comme ça que commencent les crises
financières bancaires. On est en plein dedans en ce moment.
2. L'impact sur l'économie réelle
L'épargne-retrai te
Les acteurs sont devenus globaux, et notamment ceux qu'on appelle les
grands investisseurs institutionnels, qui manipulent des sommes d'argent considérables. Une des formes de leurs placements c'est évidemment les placements en
bourse sous forme d'actions. Et ces investisseurs ont vu leur rôle s'accroître à la
fin des années 80 en raison de la globalisation des marchés mais aussi en raison
de réformes fiscales très importantes intervenues aux États Unis qui ont modifié
complètement le régime des retraites et de l'épargne-retraite.
Par la fiscalité d'une part et par les modalités de collecte de l'épargne d'autre
part ces réformes ont modifié radicalement le comportement de ces grands investisseurs. Je n'ai pas le temps de rentrer dans les détails, mais sachez simplement
que jusqu'alors les investisseurs avaient des obligations de résultats vis-à-vis de
ceux qui apportaient leur épargne. Le futur retraité apportait ses liquidités et quand
il prenait sa retraite il savait à peu de choses près ce qu'il allait toucher.
L'investisseur qui plaçait cette épargne sur le marché était obligé d'agir de telle
sorte qu'il puisse fournir cette rente due.
Après les réformes fiscales, la règle du jeu change complètement. On passe
d'une obligation de résultats à une obligation de moyens. C'est-à-dire que ces
investisseurs s'engagent à faire le mieux possible au niveau des résultats et à
offrir les meilleures rentabilités à l'épargne apportée. Simplement ils ne prennent
plus de risque. Si ça marche c'est très bien, mais si ça va moins bien c'est celui
qui a apporté son épargne qui prend le choc.
Ce système a bien marché parce que, d'une part, il a été encouragé fiscalement, mais surtout parce que, en plus, il y a eu une lutte féroce entre les grands
investisseurs pour collecter cette épargne. Et pour l'obtenir ils avançaient des
résultats extraordinaires : des rentabilités de 15 % à 20 % sur l'épargne qui leur
était confiée. C'était mirifique. On est très loin des livrets A que nous avons ici
en France. Et comme c'était l'objet d'une bataille, ces résultats étaient bien là.
Ces investisseurs étaient déjà importants avant mais ils vont alors prendre du
poids très vite. Et ils vont surtout exercer une influence par leurs placements
dans les entreprises où ils investissent, en exigeant des rentabilités financières
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très importantes. Et tout cela se passe aux États-Unis à la fin des années 80 et
cela entraîne un changement radical dans les méthodes de gouvernance des entreprises. Ces investisseurs, qui sont très professionnels, vont avoir des exigences
de rentabilité exorbitantes. Au départ c'est 15 %, aujourd'hui c'est plus. Quand ils
investissent dans des entreprises non cotées c'est 25 %. Et si on ne leur garantit
pas a priori une telle rentabilité, ils n'apportent pas leurs liquidités. Et s'ils n'apportent pas leurs liquidités, tout le monde le sait, c'est évidemment un indice de
défiance pour l'entreprise en question
On entre donc dans une nouvelle logique des placements financiers, mais
aussi dans une nouvelle logique de gouvernance des entreprises. Le risque qui
était supporté autrefois par les investisseurs, ou plus largement par les actionnaires, pour justifier leurs profits, ils ne le prennent plus, ils le reportent intégralement sur les entreprises en exigeant des rentabilités très élevées.
À partir du milieu des années 90 les sociétés cotées d'abord, puis ensuite progressivement les autres, voient leur gouvernance complètement changer. Les
entreprises sont obligées de s'adapter à cette nouvelle donne. Et à ce moment-là
on parle de « nouvelle gouvernance » d'entreprises. il faut alors pour les firmes se
recentrer sur le cœur de métier, il faut externaliser les activités jugées périphériques et finalement reporter le risque sur les salariés, avec toutes les formes qui
se sont développées très vite: précarisation du travail sous toutes ses formes.
C'est donc non seulement l'organisation de l'activité économique qui est changée, la façon de concevoir stratégiquement des activités, mais c'est tout le monde
du travail qui est bouleversé.
26
La spécul ati on
il y a d'autres effets qui sont tout autant redoutables, mais je n'ai pas le temps
de m'étendre. il y en a un dont je voudrais dire un mot, c'est le développement de
la spéculation.
il y a un développement phénoménal du marché des couvertures. Et il faut
bien comprendre que ces marchés des couvertures sont en même temps des marchés de la spéculation. En termes financiers, quand on couvre quelqu'un c'est
contre un risque, mais le risque ne disparaît jamais, par définition, et c'est celui
qui propose une couverture qui reçoit le risque. La banque qui propose une couverture prend le risque pour elle.
Mais les banques n'aiment pas le risque. Quand une banque prend un risque,
elle agit en fait aussi vis-à-vis d'autres entreprises de la même façon. Elle va
prendre des risques liés aux variations de changes, ou de taux d'intérêt. Puis elle
consolide ces risques pour en faire un produit financier nouveau, par rapport
auquel elle va se couvrir à son tour. Pendant un temps elle va accepter le risque,
mais très vite elle va essayer de s'en dégager et de se couvrir elle-même auprès
d'une autre banque. Et l'autre banque va faire la même chose.
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il va y donc avoir des phénomènes de couvertures de couvertures. Mais le
risque ne disparaît jamais pour autant. Et ceux qui acceptent de prendre le risque
ce sont les spéculateurs. Speculare en latin, c'est deviner l'avenir. Le spéculateur
c'est celui qui croit deviner l'avenir et qui joue avec cette croyance.
Tant que la banque ne se couvre pas, elle est dans une position spéculative.
Elle prend le risque que cela se passe bien, ou même qu'elle va gagner. Mais si
elle se couvre, en bout de scène il y a toujours des acteurs qui acceptent de prendre des risques, et qui ne se couvrent pas. Vous les connaissez, on en parle souvent, ce sont les fameux hedge funds, qui sont des acteurs hautement spéculatifs.
Vous comprenez bien que dans cette sphère financière, à chaque fois qu'il y a
une opération de couverture, il y a des commissions qui sont touchées par une
banque, il y a aussi des gains spéculatifs, des pertes spéculatives. Mais étant
donné l'énormité de cette sphère, il est clair que ces commissions, ces gains, ces
plus-values, tout ça, ça finit par peser sur l'économie réelle. Ce sont des formes
de prélèvements de valeur qui s'effectuent sur l'économie réelle.
Le résultat de tout cela c'est une hypertrophie des charges financières par rapport à la sphère de l'économie réelle. C'est quelque chose de très récent.
En outre c'est un changement radical de la gouvernance des entreprises, c'est
un monde du travail qui se trouve complètement bouleversé. On a souvent appelé
les nouvelles pratiques des dirigeants « le management par la peur ». Les
dépenses de santé croissent à toute vitesse à cause d'un stress au travail qu'on ne
connaissait pas avant. Tout ça, ce sont les conséquences essentielles de cette globalisation financière. On arrive à des choses extrêmement lourdes. Le délitement
du lien social trouve probablement une de ses sources dans toutes ces pratiques.
La fai bl esse des États
il faut voir que parallèlement, les États connaissent un endettement qui n'a
pas cessé de croître, ce qui fait que leurs marges de manœuvre se rétrécissent,
alors que, de l'autre côté, il y a des banques internationales ou de grands investisseurs institutionnels qui engrangent des profits absolument colossaux.
Cette année un peu moins que d'habitude, parce qu'il y a la crise financière,
les profits des grandes banques se comptent encore en milliards de dollars. Les
capacités de réaction des États par rapport à ces phénomènes, ou même simplement leur prise de conscience, les laissent désarmés et démunis pour essayer
d'imaginer des contre-pouvoirs à cette nouvelle puissance.
Prenez le principal investisseur institutionnel du monde, qui est le groupe
Fidelity, il gère dans le monde entier plus de mille milliards de dollars, soit plus
de un Téra-dollar de placements. C'est son stock, ce sont les liquidités dont il dispose. L'État français n'a pas ces capacités-là.
Les Idées contemporaInes
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françoIs morIn
Conclusion
28
Je conclus en disant que par rapport à ce monde nouveau, on est désemparé.
Les États font preuve d'impuissance. il y a une espèce de prise de conscience par
les banquiers centraux de l'instabilité actuelle des systèmes financiers internationaux. ils savent qu'il faut les réformer. ils ont vu où se trouvait un des dangers,
puisque les trois derniers G8 ont été consacrés essentiellement à ces questions, à
savoir la question des hedge funds : comment maîtriser ces acteurs, qui sont tous
logés dans des paradis fiscaux non transparents, et qui jouent en même temps un
rôle considérable sur l'ensemble des marchés monétaires ? Angela Merkel est particulièrement attentive à cette question. il y a des contradictions entre les Grands
sur ce qu'il faudrait faire, mais c'est un des points sur lesquels il faudrait réagir.
A mon avis, il faut une réforme du système de régulation de ces marchés
monétaires et financiers à l'échelle mondiale, mais cela suppose qu'on mette en
place des outils qui puissent être efficaces à cette échelle, et cela suppose donc que
les Banques centrales perdent une partie de leur indépendance et de leurs pouvoirs
au profit d'institutions globales. À mon avis, elles ont déjà perdu le pouvoir par
rapport à cette finance globalisée. Les plus grands acteurs de cette finance sont
parfaitement organisés entre eux, une sorte de lobby qu'on voit fonctionner.
Quel est, de fait, le rôle des Banques centrales ? C'est seulement de fournir la
liquidité nécessaire au fonctionnement de ces marchés monétaires. Leur action en
matière de taux d'intérêt est pratiquement nulle aujourd'hui. Ce serait une illusion
de croire que ce sont les Banques centrales qui mènent le jeu. Ce sont les marchés
qui imposent finalement la façon dont cette régulation doit se faire.
J'ai eu récemment avec Jean-Claude Trichet, que je connais bien, des courriers
sur cette question. Évidemment il a un point de vue différent puisqu'il défend son
institution, mais ayant vu de l'intérieur comment fonctionne une Banque centrale,
je pense qu'elles ont perdu la main. S'attaquer à l'indépendance et au pouvoir des
Banques centrales et croire que comme ça, on va résoudre les problèmes, comme
beaucoup le pensent, même au sein du gouvernement actuel, je pense que ce n'est
pas la solution, car le véritable lieu de pouvoir n'est plus là.
Je terminerai simplement en disant et en répétant qu'on a changé de planète, et
que, de la même façon qu'on a pris conscience du risque écologique, il y a
aujourd'hui des risques financiers majeurs, dont il faut prendre conscience, qui
pèsent sur cette planète et sur la vie de chaque citoyen.
Et je remercie le GREP du travail qu'il fait sur tous ces désordres mondiaux. il
y a un travail de formation, d'information, d'instruction populaire, qui devient
urgent, comme il a été fait pour la question écologique.
Les Idées contemporaInes
troubLes dans Le sy stème fInancIer InternatIonaL
débat
Un parti ci pant - Ces profits colossaux, que ce soient ceux des investisseurs
institutionnels ou ceux de spéculateurs, qu'est-ce qu'ils deviennent ? ils ne restent
pas dans les banques ou dans des coffres-forts, je suppose? ils sont réinjectés
quelque part ? Dans un marché? Lequel ? N'y a-t-il pas là un circuit qui se crée et
qui sert quand même à quelque chose? Ou pas du tout ?
Françoi s Mori n - Les banques sont généralement détenues elles-mêmes par
d'autres investisseurs institutionnels. il y a là une logique de capitalisme de marché financier.
Où ça va? En partie dans les systèmes de capitalisation de retraite. Une bonne
partie des retraites du monde anglo-saxon est alimenté par ces profits. Une autre
partie est réinjectée dans les circuits de nouveaux placements, dans ces produits de
couverture qu'il faut pouvoir financer.
Mais il y a aussi d'autres paramètres qu'il faut prendre en compte. il faut bien
voir qu'on est dans un système qui forme en permanence des bulles financées à
crédit. Les profits servent à alimenter les fonds propres de banques et leur permettent de faire du crédit. Plus une banque a de fonds propres, plus elle fait de profit,
plus elle peut accorder de crédit. Une banque ne peut pas faire des crédits indéfiniment, sinon les masses monétaires exploseraient littéralement. On est dans un
système où ce crédit sert à financer des bulles : des bulles financières, ou des
bulles immobilières, ou des bulles de matières premières. Aujourd'hui on est dans
une bulle immobilière après avoir été dans une bulle financière. La bulle financière a commencé en 1995. Elle a explosé au début des années 2000.
Comment se crée une bulle? Vous allez comprendre. Vous êtes un particulier
et vous avez des actions. Ces actions sont une garantie pour le banquier et vont
vous permettre d'emprunter de l'argent. Vous obtenez un crédit mettons dont le
taux d'intérêt est de l'ordre de 5 %. Avec l'argent que vous collectez de cette façonlà vous investissez de nouveau en actions. Cela se pratiquait beaucoup aux États
Unis au milieu des années 90 : les ménages réinvestissaient en actions. D'un seul
coup votre portefeuille augmente. Et votre crédibilité auprès du banquier également, puisque vos actions rapportent 15 % alors que vous ne payez que 5 % de
crédit. Profit net : 10 %. Non seulement vous allez pouvoir rembourser facilement votre crédit, mais votre surface financière de garantie a augmenté. Et
comme la demande de titres croît, les cours s'accroissent en même temps et vos
gains spéculatifs s'accroissent aussi.
Voilà des mécanismes qui font que les profits servent pour les banques à alimenter leur activité. Et en même temps cela sert à augmenter le prix des actions.
Évidemment cela ne dure pas indéfiniment.
Au bout du compte, les banques deviennent extrêmement puissantes. Elles
ont alimenté leurs fonds propres par les profits qu'elles font. Par ailleurs, une
Les Idées contemporaInes
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françoIs morIn
partie des profits des investisseurs institutionnels alimentent les retraites par
capitalisation des salariés du monde anglo-saxon. Avec tous les risques que cela
comporte, parce que le jour où il y a un krach boursier, il y a des retraités qui perdent pratiquement tout.
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Un parti ci pant - Les États Unis ont fait des règlements permettant des prêts
à taux usuraires, ces prêts ont asséché l'argent qui se trouvait sur le marché du travail, et pour finir, cet argent qui manque, puisqu'ils ne peuvent plus payer, a fait
tomber de grands établissements. Le coup de poker a complètement raté.
Françoi s Mori n - Aux États Unis, qu'est-ce qui s'est passé exactement ? On
ne peut pas dire qu'il y ait eu des taux de crédit usuraires, peut-être un peu sur les
fameux crédits immobiliers, les subprime. Mais il y a eu surtout des taux variables.
Un crédit subprime, c'est un crédit fait par une banque, ou un organisme de
crédit, à un ménage particulièrement fragile en pensant que sa capacité de remboursement serait maintenue tout au long du prêt en raison du boom immobilier.
Cela a commencé après les événements du 11 septembre et s'est amplifié à partir
de 2004. Ces crédits ont été faits parce que les taux d'intérêt étaient extrêmement
bas, de l'ordre de 3 %, et ils sont même descendus un moment à 1 %. Avec ça,
vous comprenez que si on peut faire dans l'immobilier des profits qui peuvent
rapporter 15 %, il ne faut pas se gêner. On est promoteur, on va construire et on
va gagner beaucoup d'argent. C'est ce qui s'est passé.
Si un ménage rencontre des difficultés ce n'est pas très grave parce que le prix
de l'immobilier augmente et il y a une demande d'achat importante. À partir de
2000 et surtout de 2004, le prix de l'immobilier a augmenté très fortement. il
s'est donc formé une bulle immobilière et les organismes de crédit, qui dépendent
de banques aux États Unis, ont proposé de plus en plus de crédits risqués. À leurs
yeux pas du tout risqués puisque le prix de l'immobilier augmentait. On peut prêter à des ménages qui n'ont pas le sou dans la mesure où, s'il y a un problème de
remboursement, on revendra toujours le bien immobilier et on se remboursera,
comme on dit, sur la bête. Donc, pas de problème.
A partir de 2004, les crédits de ces organismes, dont les taux d'intérêt étaient
variables, sont allés à des ménages fragilisés. Évidemment, les problèmes surgissent lorsque la bulle explose, fin 2006. Surtout qu'en même temps les taux d'intérêt augmentent. J'ai expliqué ce qui se passe quand on relève les taux de 3 % à
6 %: d'un seul coup, en six mois, un million de ménages n'ont plus pu payer
leurs échéances et ont été obligés de vendre.
Avec l'éclatement de la bulle, le prix de l'immobilier baisse brutalement.
Donc il y a eu des pertes dans les organismes de crédit. Mais les organismes de
crédit américains sont adossés à des banques, comme je vous l'ai dit. Et les
banques ont commencé à souffrir à partir de mars de la même année. Puis le mouvement s'est amplifié pour atteindre un point culminant le 15 août dernier.
Les Idées contemporaInes
troubLes dans Le sy stème fInancIer InternatIonaL
Là, il faudrait entrer dans les détails techniques. Les grandes banques ont
voulu se défausser du risque, en même temps qu'elles prenaient ces crédits à travers les organismes de crédit, elles faisaient des opérations qu'on appelle « titrisation ». P our expliquer ce terme technique, il faut revenir aux marchés
interbancaires. Titriser une créance, qu'est-ce que ça veut dire ? Quand vous
empruntez auprès d'une banque pour l'achat d'un bien immobilier vous avez un
contrat, et ce contrat vous ne pouvez pas le vendre, la banque ne peut pas le vendre non plus. C'est un contrat entre vous et la banque.
Que vont faire alors les banques ? Comme pour les produits d'assurance, elles
en font un titre financier. Comment ? Elles logent toutes leurs créances dans une
nouvelle société située dans un paradis fiscal, qu'on appelle « un véhicule particulier ». Ensuite, en fonction du degré de risque de ces créances (ce n'est pas la
même chose si on prête à un fonctionnaire ou à un chômeur) elles les classent.
Enfin, cette société émet des obligations sur le marché financier.
Ces opérations de titrisation, transformation des créances en titres financiers
échangeables sur les marchés, commencent à se faire au début des années 2000.
Le problème c'est qu'il y a quand même toute une gestion des créances et des
titres financiers. Alors on crée d'autres véhicules qui permettent d'assurer le bon
fonctionnement de ce système, en s'alimentant régulièrement sur le marché interbancaire. Voilà de nouveau le marché interbancaire.
La crise est venue du fait que, parce que des banques étaient en difficulté, et
surtout parce que certains de ces véhicules étaient en difficulté, il y a eu des
appels de liquidité sur les marchés interbancaires pour continuer à assurer le fonctionnement du système. Le 15 août le système était extrêmement tendu et les difficultés montaient de toutes parts parce que des appels très importants sur le
marché interbancaire en termes de liquidités étaient lancés par les banques pour
leur éviter tout simplement de se retrouver elles-mêmes en grande difficulté. il
fallait permettre au système de titrisation de fonctionner avec les liquidités qui lui
étaient nécessaires.
C'est comme cela que la Banque centrale européenne a été obligée, du jour au
lendemain, et à plusieurs reprises, d'injecter l'équivalent de trois cents milliards
d'euros sur le marché interbancaire. Et encore aujourd'hui il lui arrive d'injecter
des liquidités considérables pour permettre à ces banques de ne pas tomber en faillite.
C'est là où les banques centrales sont prises dans une contradiction formidable
et qu'il y a un débat chez les économistes libéraux et ultralibéraux. il y en a qui
disent : les banques ont spéculé, elles ont fait de mauvaises affaires, qu'elles se
« cassent la figure ». Et puis d'autres qui disent : attention, s'il y a une grande
banque qui fait faillite, il y a un risque systémique qui se développe, c'est l'effet
domino et le système bancaire mondial qui s'effondre, il n'est donc pas question
de laisser une grande banque couler, il faut alimenter en liquidités les banques qui
se retrouvent en difficulté.
Les Idées contemporaInes
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françoIs morIn
Ce débat était particulièrement riche en Grande Bretagne en septembre à propos
de la Banque Nothern Rock qui avait de façon très indirecte titrisé énormément. La
Banque d'Angleterre et le gouvernement britannique sont intervenus pour sauver
cette banque. il y a eu des critiques extrêmement violentes de cette intervention et
un débat a eu lieu de façon publique entre libéraux et ultralibéraux.
Une parti ci pante - Une question très courte: ces trois cents milliards de
dollars qui sont injectés d'où viennent-ils ? Si la Banque centrale joue à l'ambulance par rapport aux hedge funds quand il y a un match entre les deux, comment
ça se passe?
Françoi s Mori n - D'abord pour les trois cents milliards, la Banque centrale
ne prête pas de l'argent comme ça. Elle les prête contre des titres ou si on présente des garanties suffisantes. Le problème de toutes les grandes banques, cet été,
cela a été de réunir dans des portefeuilles particuliers des titres suffisamment
solides pour accéder au marché interbancaire et pouvoir avoir cet argent dont elles
avaient besoin. il y a eu des problèmes au sein des banques. Je ne pense pas que
la Banque centrale ait fermé les yeux, ce n'est pas du tout son genre, mais il fallait que les banques puissent reconfigurer à travers leurs différents fonds des portefeuilles éligibles auprès du marché interbancaire.
Mais en réalité, ce qui s'est passé, ce qu'on n'a pas vu et que certains économistes ont assez bien réalisé, c'est que les Chinois sont entrés dans la danse. Les
Chinois, comme vous savez, ont beaucoup de devises américaines grâce à leurs
exportations, et ils transforment ces devises en titres d'État américains pour financer les déficits américains. ils se retrouvent donc avec énormément de titres américains et ils se sont servis de ces titres pour acquérir des liquidités. ils ont ainsi
récupéré beaucoup des liquidités injectées par les Banques centrales, et avec ces
liquidités ils ont acheté des actions de grandes compagnies internationales.
il y a beaucoup de choses qui se sont passées depuis la mi-août sur ces marchés interbancaires. C'est un des mécanismes qu'il faut avoir à l'esprit quand on
pense au fonctionnement de ces marchés.
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Une parti ci pante - Vous dites que tous les fonds spéculatifs sont basés dans
les paradis fiscaux. Est-ce que ces paradis sont à ce point consubstantiels au système capitaliste libéral qu'il soit impossible de les supprimer?
Françoi s Mori n - C'est une question qu'on pose souvent et la réponse est
assez simple. Des hedge funds il s'en crée tout le temps et il en disparaît tout le
temps aussi. En 2005, je crois qu'il y a eu à peu près 800 hedge funds créés et
400 qui ont disparu. Leur majorité dans le monde, pratiquement 80 %, sont logés
dans des paradis fiscaux. Pour deux raisons essentielles : des raisons fiscales,
naturellement, mais aussi pour des raisons d'opacité, de non transparence.
Dernier élément aussi : la plupart de ces hedge funds sont détenus par des
banques, leurs sociétés de gestion sont des banques. Ces hedge funds manipulent
des fonds énormes, mais ce sont des fonds apportés par des tiers, qui sont des
Les Idées contemporaInes
troubLes dans Le sy stème fInancIer InternatIonaL
banques ou des investisseurs institutionnels. Le ticket d'entrée est toujours très
élevé. Vous comme moi, nous ne pourrions pas apporter notre argent dans un
hedge fund. Le ticket d'entrée c'est 500 000 $ ou un million de dollars, mais c'est
plus souvent 10 millions de dollars. Donc ce sont des fonds relativement fermés
et qui sont détenus dans leur société de gestion par les banques. Par exemple,
BNP-Paribas a plusieurs hedge funds, Natexis, toutes les banques françaises ont
leurs hedge funds dans les paradis fiscaux.
Maintenant pour répondre à votre question, on ne peut pas supprimer ces
paradis fiscaux parce qu'il s'y trouve des intérêts liés aux grandes banques internationales. Les grandes banques, dans leur gestion de grands fonds, et notamment à
travers leurs fonds spéculatifs, n'ont pas du tout intérêt à ce que les choses changent.
Pourquoi cette opacité ? Ces fonds fonctionnent avec ce qu'on appelle des
effets de levier considérables. Eux aussi, ils empruntent, et ceux qui y investissent, des investisseurs, de grandes entreprises, vont placer de l'argent dans ces
fonds spéculatifs pour le compte de tiers. Et la société de gestion va emprunter de
l'argent. Les dirigeants cherchent à « superformer » le marché, à faire le meilleurs
résultat possible. Mais si on connaît la composition de ces fonds, si on connaît
les méthodes mises en œuvre par ces fonds, on détruit leur savoir-faire. C'est
comme le secret industriel. Donc opacité oblige.
Quand ça marche ils font des résultats, ils font des profits pharamineux. Or
souvent ça marche, on est au-delà des 25 %. Si un hedge fund marche, il peut
doubler son capital en un an. Mais quand un fonds échoue c'est dans le même
ordre de grandeur. Le dernier grand fonds qui s'est cassé la figure, en septembre
dernier, c'était Amaranthe, un fond de l'ordre de 9 milliards de dollars, et en l'espace de trois jours il a perdu 6 milliards. Alors là ça a été la panique, parce qu'il y
a des fonds de pensions qui sont dans ces hedge funds et d'un seul coup des retraités californiens se retrouvent sans rien.
Vous avez compris pourquoi on ne supprime pas ces paradis fiscaux. On est
dans une logique qui s'inscrit dans le fonctionnement du système même.
Un parti ci pant - Je voudrais un éclaircissement. J'ai vu dans la presse économique que les prêts qu'on avait accordés à ces ménages fragiles étaient des crédits avec un taux variable indexé sur le prix de l'immobilier. Et c'était tellement
avantageux que les grandes banques mondiales se sont ruées sur ce crédit, elles
sont entrées en compétition pour s'emparer de ce crédit.
Franço i s Mo ri n - il y avait effectivement des rentabilités absolument
exceptionnelles liées à ces crédits subprimes, vous avez raison. À taux variable, à
partir du moment où ça se retourne, ça devient effrayant. On estime qu'il y a un
peu plus d'un million d'emprunteurs ruinés aujourd'hui et que ça risque de monter
à deux millions l'année prochaine.
Les Idées contemporaInes
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françoIs morIn
Le parti ci pant - Une précision sur les hedge funds : c'étaient uniquement
des retraités ?
Françoi s Mori n. - Ah non. Ça n'a rien à voir. Le ménage américain ou le
futur retraité ne met pas son argent dans les hedge funds. Je vous ai dit que le
ticket d'entrée est tout à fait hors de sa portée.
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Le parti ci pant - On a dit aussi que beaucoup de fonds de pension avaient
investi dans les emprunts.
Françoi s Mori n - Les fonds de pension s'investissent dans les hedge funds,
comme investisseurs. Mais ce n'est pas le ménage qui va directement dans les
hedge funds. Le ménage américain investit dans des fonds qui sont gérés par des
investisseurs institutionnels ou par des banques. On n'est pas habitué à cette
notion de fonds en France, parce qu'on n'a pas de retraites par capitalisation. Mais
un grand investisseur institutionnel, c'est une société de gestion avec quelques
personnes pour gérer; mais c'est surtout des fonds très différents, apportés par des
tiers (en général des banques ou des investisseurs financiers) qui portent des
risques différents selon que c'est placé en actions, en obligations, en monétaire.
Les grandes banques peuvent aussi gérer directement une épargne apportée par des
tiers ; BNP-Paribas par exemple gère plusieurs dizaines de fonds différents, en
fonction de leurs profils de risque, et où les ménages peuvent apporter leur
épargne.
Et que fait l'investisseur institutionnel une fois cette épargne dans ses mains ?
il faut bien qu'elle soit placée. Et c'est là où cette épargne peut aller soit dans les
entreprises à travers un placement en actions, avec cette fameuse rentabilité financière a priori exigée, soit dans des hedge funds. Voilà le mécanisme.
Un parti ci pant - Vous avez signalé la nécessité de réforme du système de
régulation. En quoi pourrait consister une telle régulation ? On a l'impression que
l'on a affaire à des millions de parasites qui vivent sur l'économie réelle et qui la
font fonctionner dans ce sens. Comment faire pour tout ramener au profit de ceux
qui sont à la base de la production des vraies richesses en biens et en services ? Le
système que vous décrivez est assez effrayant. Je vais repartir d'ici avec la trouille
au ventre. J'ai l'impression que cela ne peut pas durer. Est-ce que vous pouvez
faire une prospective?
Franço i s Mo ri n - Qu'est-ce qu'on peut faire, et est-ce qu'on peut faire
quelque chose par rapport à un système qui semble aller droit dans le mur? Est-ce
que les Banques centrales peuvent encore faire quelque chose? Est-ce qu'elles ont
encore du poids ? On peut penser qu'elles en ont encore un quand voit l'action de
la Banque fédérale américaine.
On peut bien sûr réfléchir à une nouvelle architecture du système monétaire et
financier international. Keynes, à la fin de la seconde guerre mondiale s'y était
essayé. il envisageait une nouvelle monnaie internationale, le « bancor ». C'est
une idée qui peut revenir à l'ordre du jour. Je sais bien que beaucoup sont contre
Les Idées contemporaInes
troubLes dans Le sy stème fInancIer InternatIonaL
l'euro. ils seraient donc également contre le bancor. Une monnaie internationale
cela résoudrait évidemment tous les problèmes de change qui peuvent exister,
mais cela supposerait aussi en même temps une autorité de régulation à l'échelle
internationale. Vous voyez tout de suite les problèmes : quel type de légitimité?
Déjà avec la BCE, une certaine contestation existe, notamment en France: quel
est son contrôle politique alors que son poids économique est énorme? Alors
vous imaginez bien les réactions possibles si la communauté internationale se
mettait en tête de créer un régulateur des marchés monétaires et financiers à
l'échelle mondiale!
Pourtant, à terme cette voie semble à peu près inévitable. Mais il faudrait
fonder une autorité dont la légitimité démocratique soit la plus forte possible. De
plus il faudrait qu'elle agisse en inter-régulation avec d'autres régulateurs qui
seraient un peu plus spécialisés. il peut y avoir un régulateur des marchés financiers à l'échelle mondiale et puis un autre qui s'occuperait des questions prudentielles, celles qui ont trait à la santé des banques. On voit bien que les banques
sont au cœur du système. Et tout ça en inter-régulation avec quelqu'un qui pourrait coordonner l'action de ces super-régulateurs.
Mais une telle idée n'est pas du tout dans l'air du temps pour l'instant. Et on
peut dire que si elle avançait ici ou là davantage, elle rencontrerait immédiatement
des résistances très fortes. Des résistances, bien sûr, des grandes banques internationales, puisque pour l'instant leur action se déploie sans entraves à cette échelle
globale. Mettre un super-régulateur c'est mettre des freins, des contraintes, des
nouvelles règles du jeu qui s'imposeraient à elles. Et ces banques sont particulièrement puissantes, particulièrement bien organisées pour faire front.
il y aurait aussi la résistance des Banques centrales elles-mêmes, qui verraient
une partie de leurs prérogatives disparaître. S'il y avait quelqu'un au-dessus d'elles
qui imposait des règles, leur pouvoir ne serait plus le même. il y a aurait là aussi
une ligne de défense.
Et puis il y aurait surtout la résistance des États Unis. Les États Unis
aujourd'hui profitent assez manifestement du fonctionnement du marché monétaire.
On le sait à propos du financement de leur déficit : aujourd'hui les Américains sont
particulièrement endettés. ils ont des déficits à la fois de leurs finances publiques et
de leur balance commerciale, et la façon dont fonctionnent les marchés leur permet
de se financer à bon compte, grâce à des taux d'intérêt encore relativement bas par
rapport à ce qu'ils devraient être s'il s'agissait d'un autre pays. Et puis on ne voit
pas très bien les États Unis imaginer au-dessus de leur tête une autorité qui pourrait
leur dire: gérez un peu autrement votre économie.
On peut avoir cette idée d'un nouveau système de régulation, d'une nouvelle
architecture financière internationale qui exercerait des contre-pouvoirs par rapport
à la finance globale. Mais vous le voyez bien, ce n'est pas du tout dans l'air du
temps. il faudra encore des prises de conscience, ou d'autres crises que celles qu'on
a connues ou qu'on connaît actuellement, des crises plus graves peut-être.
Les Idées contemporaInes
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Quand on raisonne de cette façon-là on est à l'échelle planétaire et cela nous
dépasse un peu. Probablement qu'il y a d'autres pistes. On l'a bien vu en matière
écologique. Les problèmes se posaient aussi à l'échelle planétaire, et pourtant au
niveau de chacun d'entre nous, ou de chaque citoyen, il s'avère qu'on est quand
même capable de faire quelque chose par rapport aux questions qui sont posées.
Peut-être qu'ici aussi il faudra réfléchir à ce qu'on peut faire. il y a des experts
qui, très explicitement, se mettent en marge de ce fonctionnement pour dire qu'il
y a une autre façon de travailler ou de générer de l'activité économique. Je pense à
tout le secteur de l'économie sociale. il est traversé aussi de contradictions. il y a
beaucoup de choses sur lesquelles on peut discuter, mais il y a des noyaux durs et
il y a des expériences, notamment à l'étranger, en Espagne, au Canada, où les
gens vivent vraiment leur activité en étant parfaitement conscients que le monde
dans lequel on vit va à sa perte si on continue sur la même lancée. il y a là une
conscience politique très forte.
En France c'est plus compliqué parce que le secteur mutualiste ou coopératif
est traversé de temps en temps par des tentations de type capitaliste, créant des
filiales qui vont faire de la rentabilité, en introduisant des méthodes de travail qui
s'apparentent de plus en plus à celles qu'on rencontre dans les autres secteurs.
Au niveau de chacun d'entre nous il faut réfléchir à la façon dont on veut
s'inscrire dans la société. Mais vous voyez bien que les enjeux sont considérables. il ne s'agit pas simplement de faire un tri dans les déchets. il faut repenser
son activité professionnelle. Je pense qu'on n'est pas encore mûrs pour avancer
sur ces terrains de façon crédible face à une opinion publique qui se sent écrasée
par ce qui lui arrive. On voit bien les problèmes sociaux, les problèmes de santé,
les endettements qui gonflent, les États qui deviennent impuissants, les profits
énormes qui s'accumulent, les salaires insuffisants… Tout ça c'est lié à la globalité financière. Et on a du mal à faire émerger une prise de conscience suffisamment globale pour adapter la réponse qu'il faudrait faire à cette situation de plus
en plus infernale. On commence à le sentir dans nos chairs, sur toute la planète.
il ne faut pas non plus être complètement négatif et sortir d'ici avec un sentiment catastrophique. On commence à voir les solutions, même si elles sont
imparfaites. C'est par des prises de conscience citoyennes qu'on arrivera à faire
bouger les choses.
toulouse, le 14 novembre 2007
(françois morin a présenté la même conférence à l'antenne commingeoise du
Grep à saint-Gaudens. on trouv era ci-après des ex traits du débat commingeois qui ne
font pas trop doublon par rapport au débat toulousain)
Les Idées contemporaInes
troubLes dans Le sy stème fInancIer InternatIonaL
débat commingeois
Une parti ci pante - Comme vous l'avez souligné, l'approche mutualiste,
particulièrement en France, cherche à s'opposer à l'approche financiarisée de l'économie qui résulte du néo-libéralisme. Pourtant, les mutuelles font l'objet de
nombreuses attaques, et on leur demande en particulier de prouver leur pertinence
en affichant des résultats économiques aussi bons que ceux du secteur libéral, ce
qui est bien sûr (et naturellement, par principe même) impossible. Lors, comment peuvent-elles se défendre sans s'aligner sur le modèle dominant ?
Françoi s Mori n - Que ce soit dans le domaine agricole ou ailleurs, c'est
vrai que la tendance aujourd'hui est, malheureusement, de transformer les entreprises coopératives ou mutualistes en entreprises « standards », avec une professionnalisation des dirigeants qui sortent des plus hautes écoles et qui ont une
vision de l'entreprise, qu'elle soit du domaine social ou autre, assez prédéfinie. On
peut donc déjà rencontrer des problèmes au niveau des structures techno-dirigeantes. Et l'on assiste en plus (surtout chez les plus grandes mutuelles) à la tentation de créer des filiales de type capitaliste, avec des critères de gestion qui ne
ressortent plus de l'esprit mutualiste. Et comme les mutuelles travaillent dans un
environnement non-mutualiste, et qu'on attend d'elles (ce qui est normal) une certaine efficacité, on voit s'introduire des modèles de management qui mettent en
avant la rentabilité financière. Et on s'éloigne ainsi petit à petit des logiques qui
avaient présidé à la création de ces sociétés mutualistes. Et cela n'a pas lieu qu'en
France: j'ai participé avec le Ministère de l'agriculture à une étude importante de
la mutualité agricole: on a bien vu que les plus grands groupes se transforment
en entreprises capitalistes. Mais heureusement qu'il y a beaucoup de diversité
dans le monde mutualiste, et qu'on essaie de résister à cette tendance lourde.
C'est vrai aussi que ces sociétés ont souvent dû s'endetter pour assurer leur
croissance, ce qui les soumet aux pressions directes du système bancaire. Un gros
problème des mutuelles, c'est leur accès aux fonds propres pour leur développement, avec donc une tentation de céder aux logiques capitalistes. Je connais des
Scop qui sont prêtes à garantir un rendement financier de 8,5 % à des apporteurs,
sous forme de titres très particuliers qui n'empiètent pas sur la propriété du capital social (des billets de trésorerie), ce qui va bien au-delà des taux du crédit bancaire courant (mais ce niveau est pourtant jugé insuffisant par les grands fonds
dont j'ai parlé tout à l'heure): cette obtention de fonds propres leur permettrait
alors d'obtenir de leurs banques des prêts classiques à bonnes conditions. C'est
que les banques veulent des garanties, qui, pour une scop, ne peut être fournie que
par des fonds propres, qu'il faut donc élargir.
Un parti ci pant - On peut se poser la question : existe-t-il encore réellement
un pouvoir politique, ou le pouvoir financier n'a-t-il pas pris la totalité du pouvoir réel ?
Les Idées contemporaInes
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françoIs morIn
F ranço i s Mo ri n - C'est vrai que les endettements des États (la dette
publique) ont partout augmenté, comme je vous l'ai montré, à cause de cette nouvelle organisation des marchés financiers. Et le service de la dette (les intérêts que
l'État paye chaque année aux détenteurs de titres d'État) représente aujourd'hui le
2e poste budgétaire français, ce qui est considérable, et qui limite d'autant les
marges de manœuvres de l'État.
Et surtout, le pouvoir financier est devenu global, les banques agissent à
l'échelle planétaire. BNP PARiBAS est la dixième banque du monde, et elle agit
dans plus de 150 pays, et sur l'ensemble des marchés monétaires et financiers de
la planète (ce sont les Américains, les Japonais et les Anglais, et aussi les
Chinois, qui occupent les 9 premières places). Tous ces marchés sont interconnectés, et sont donc globaux, avec des acteurs qui développent des stratégies globales. Face à cela, les États ont du mal à exister. Même les banques centrales
n'agissent que sur leur propre zone monétaire, et pas du tout à l'échelle de la planète, et c'est un vrai problème.
Le pouvoir politique ne peut donc qu'afficher ses faiblesses, de plus en plus
grandes, par rapport à ce monde de globalisation économique et surtout financière. il ne peut que proposer des expédients pour traiter les dégâts sociaux de
plus en plus visibles, avec un monde du travail désemparé et qui ne comprend pas
cette situation.
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Une parti ci pante - La Banque Mondiale n'aurait-elle pas un rôle positif à
jouer dans ce domaine?
Françoi s Mori n - Si je n'ai pas parlé beaucoup des institutions internationales, c'est qu'elles sont manifestement dépassées par les problèmes que je viens
d'aborder. La Banque Mondiale a pour mission principale d'aider les pays les plus
pauvres à se développer davantage. Or les inégalités de développement se sont
accrues de façon considérable (et aussi à l'intérieur même des pays développés
l'inégalité croît). Quelques pays s'en sortent pourtant mieux, grâce à leur croissance économique: l'Amérique du Sud, et de nombreux pays du Sud-est asiatique
(mais avec là aussi le creusement des inégalités internes).
La Banque Mondiale n'a aucun pouvoir sur le fonctionnement des marchés
monétaires et financiers, même si elle a un peu de pouvoir au niveau de l'économie réelle pour les pays les plus pauvres. Le FMi, lui, est là pour gérer les problèmes de stabilité financière dans le monde, mais il se limite aux déséquilibres
des balances de paiement entre pays, où il peut intervenir pour aider à « éponger » ces déséquilibres. Mais de nombreux pays du tiers-monde ont aujourd'hui
réussi à redresser leurs comptes parce qu'ils se sont éloignés des préceptes du FMi
et ont restauré leurs marges de manœuvres (surtout en Amérique du Sud). Ainsi le
FMi voit son rôle se réduire fortement (et donc son financement !).
Alors si on voulait changer de système de régulation pour mettre en place des
institutions ayant des contre-pouvoirs effectifs, il faut bien voir qu'on se heurte-
Les Idées contemporaInes
troubLes dans Le sy stème fInancIer InternatIonaL
rait à de très fortes oppositions. D'abord de la part des banques centrales, dont
l'indépendance est hautement revendiquée (même si en France l'indépendance de la
BCE est de plus en plus critiquée). Cette indépendance serait donc amoindrie par
l'existence de régulations à l'échelle globale. Mais les plus grandes banques privées s'y opposeraient aussi, car aujourd'hui elles bénéficient d'un énorme espace
dérégulé où elles peuvent agir à leur guise. Elles sont d'ailleurs organisées en lobbies, elles se réunissent dans des comités (en particulier à Bâle où siège la Banque
des Règlements internationaux), et elles feront tout pour s'opposer à des réglementations nouvelles qui s'imposeraient à elles, avec des moyens de pression
considérables (BNP-Paribas a fait 11 milliards d'euros de bénéfices l'an dernier, et
c'est environ 80 milliards pour l'ensemble des banques françaises : c'est colossal
si on le rapproche du budget de l'État. Et c'est la même chose dans tous les
grands pays.)
il faudra compter aussi avec la résistance des USA qui s'opposeront idéologiquement à la mise en place d'institutions internationales ayant un réel pouvoir
sur eux, d'autant plus qu'ils sont les grands bénéficiaires du système actuel qui
leur permet de financer à bon compte leurs déficits : on les voit mal accepter une
tutelle internationale qui leur demanderait d'apurer leurs déficits comme on le
demande aux petits pays. En fait aujourd'hui, grâce au rôle mondial que joue le
dollar, qui reste une monnaie très demandée, ils peuvent afficher des taux d'intérêt
beaucoup plus bas qu'ils ne devraient être, ce qui revient à faire payer leurs déficits par le reste du monde.
Un parti ci pant - Est-ce que la Chine et l'inde, nouveaux venus dans la cour
des grands, et qui ne sont pas spécialement favorisés par ce système, ne risquent
pas de le remettre en question ?
Françoi s Mori n - Oui bien sûr : de nombreux économistes et hommes
politiques craignent que le volcan sur lequel on est assis (le déséquilibre de la
balance américaine) n'explose un jour, car ces déficits ne cessent de s'accroître,
alors que Chine, inde, et aussi Japon, grâce à leurs ventes aux USA récupèrent
des dollars en grand nombre, et les replacent sur le marché américain (ce qui permet de financer ce déficit). Si les Chinois (on en parle) décidaient de diversifier
leurs réserves de change (qui sont considérables) pour se reporter sur l'euro, on
assisterait alors à un effondrement encore plus drastique du dollar (qui ne serait
plus soutenu): il faudrait alors un fort relèvement des taux d'intérêts américains
pour rendre le dollar attractif, avec des conséquences redoutables pour l'économie
américaine, et donc une crise mondiale inéluctable compte tenu de l'interconnexion de toutes les économies.
Une parti ci pante - vous parlez de cette crise au futur, mais on est pourtant
bien (si on lit les journaux) en pleine crise financière, et ce sont malheureuse-
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françoIs morIn
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ment les plus pauvres qui risquent d'en faire les frais, les riches sauront toujours
en profiter pour s'enrichir!
Françoi s Mori n - il faudrait effectivement que je vous parle de la crise
financière actuelle. Elle est partie du marché américain de la subprime. Jusqu'en
2006, il y a eu aux USA une bulle immobilière, avec des prix qui s'envolaient,
parce que les taux d'intérêt étaient très bas depuis 2004. Et les investisseurs
financiers (les banques en particulier) ont prêté énormément d'argent au secteur
immobilier. Les crédits subprime concernaient les ménages aux revenus
modestes et donc très fragiles, auxquels ont prêtait pourtant en se disant qu'en
cas de difficulté de remboursement on pourrait toujours vendre le bien immobilier pour récupérer les sommes prêtées sans problèmes vu la montée des prix
dans l'immobilier. Cela a concerné près de 6 millions de personnes aux USA.
Et en fin 2006 le marché immobilier s'est retourné car on avait peut-être trop
construit. Et simultanément il y a eu une hausse des taux d'intérêts. Or tous
ces crédits subprimes étaient à taux d'intérêts variables, ce qui a fait très mal
aux emprunteurs (quand le taux passe de 3 à 5 %, une mensualité de 1 000 dollars passe à 1 666 dollars). Donc il y a eu énormément d'impossibilités de remboursement, d'où saisie et vente des biens immobiliers pour se rembourser.
Mais comme l'immobilier s'était retourné, les prix se sont effondrés, et de
nombreux organismes de crédit américains se sont retrouvés en faillite début
2007. Or ces organismes trouvaient leurs crédits auprès de banques, qui ont
donc été touchées à partir de mars 2007. Et c'est là qu'on entre dans des mécanismes financiers assez tordus et difficilement compréhensibles. Les banques
avaient transformé ces créances sur les sociétés de crédit en titres financiers, ce
qu'on appelle la titrisation des crédits. Normalement, quand vous souscrivez un
crédit auprès de votre banque, vous signez un contrat, qui n'est pas destiné à
être vendu. Mais depuis quelques années, les banques (mais aussi des entreprises) ont pris l'habitude de transformer ces créances en titres financiers échangeables sur les marchés financiers. Cela se passe souvent dans des structures
logées dans des paradis fiscaux : on classe les créances par risque en fonction de
la qualité (financière) des emprunteurs, et pour chaque catégorie on émet des
titres obligataires avec des taux de rendement plus ou moins élevés en fonction
du risque. Cela permet aux banques qui se débarrassent ainsi de leurs créances de
se développer en proposant de nouveaux crédits, puisqu'elles se sont défaites des
anciens crédits qui n'apparaissent plus dans leur bilan. Comme elles ont toujours les mêmes fonds propres, elles peuvent (en respectant la réglementation
de Bâle qui limite le total des crédits octroyés à une certaine proportion des
fonds propres) proposer de nouveaux crédits. Mais il y a un risque de « cavalerie » car les institutions (les véhicules, en jargon financiers), installées dans les
paradis fiscaux où les banques logent ces créances, sont en fait sous le contrôle
direct de ces mêmes banques qui s'en servent pour démultiplier leur activité. A
partir de là, ces titres ont circulé. Mais les créances réelles existent toujours, et
quand des défauts apparaissent de façon importante, ces véhicules connaissent de
Les Idées contemporaInes
troubLes dans Le sy stème fInancIer InternatIonaL
gros problèmes, ce qui oblige les banques qui les ont créés à faire appel au marché interbancaire pour avoir les liquidités nécessaires pour permettre à ces véhicules de fonctionner normalement. C'est ce qui s'est passé au mois d'août
dernier, de façon massive, ce qui a entraîné une crise de liquidités (la BCE a dû
injecter 300 milliards d'un seul coup, autant aux USA et au Japon), et depuis
on continue régulièrement à injecter des liquidités dans le système. On voit
apparaître des pertes énormes dans les résultats des banques, et les banques entre
elles ne se font plus confiance (or cette confiance est nécessaire au fonctionnement du marché financier, comme je vous l'ai expliqué). Le marché interbancaire est donc très perturbé, les banques qui possèdent quelques liquidités les
gardent, ce qui aggrave encore les tensions. Tout cela se répercute sur le marché
des actions (le CAC40) car quand les taux d'intérêts montent, le cours des
actions chute.
Une parti ci pante - Quelle peut être l'incidence des fonds souverains sur
cette situation ?
Françoi s Mori n - On parle beaucoup en effet des fonds souverains chinois
ou arabes. De quoi s'agit-il ? Je vous ai expliqué par exemple que la Chine détient
des réserves de change importantes, essentiellement en dollars. Et la chute du dollar lui pose donc des problèmes, cela lui fait perdre beaucoup d'argent chaque jour.
Avec ces dollars, elle finance le déficit américain en achetant des titres américains.
Mais, elle peut utiliser ces titres pour aller sur le marché interbancaire américain
et récupérer des liquidités. Et on dit dans les salles de marché que les liquidités
injectées par les banques centrales pour soutenir le marché vont en grande partie
chez les Chinois au lieu de servir aux banques américaines en difficultés. Et les
Chinois utilisent ces liquidités, à travers leurs fonds souverains (c'est-à-dire des
fonds détenus par l'État), pour faire « leur marché » sur les actions et deviennent
ainsi propriétaires d'une partie de plus en plus importante du capital des grandes
entreprises occidentales (elles les achètent « en solde » en profitant de la baisse).
Un parti ci pant - Votre schéma sur le passage en quelques années d'un marché financier basé sur l'économie réelle au marché d'aujourd'hui où l'économie
réelle ne représente plus que quelques pourcents me fait penser à la lampe
d'Aladin : on a voulu faire sortir le Génie pour qu'il nous apporte ses bienfaits,
mais c'est maintenant le génie qui a pris le pouvoir. On voudrait bien le faire rentrer dans la lampe, mais çà parait impossible : faudra-t-il attendre qu'il enfle
encore et qu'il explose pour pouvoir reprendre le contrôle de la situation ?
Françoi s Mori n - Votre image est malheureusement excellente. On a en
effet « libéré » des forces très puissantes en ouvrant les marchés monétaires et
financiers, il y a maintenant un peu plus de trente années. Cette libéralisation a
entraîné dans les années 90 la création d'une finance totalement globalisée dans
ses activités. Celle-ci surplombe actuellement, de tout son poids, l'économie
réelle. il a suffi qu'une toute petite partie se porte mal (le segment des subLes Idées contemporaInes
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françoIs morIn
primes), pour que non seulement le risque systémique se développe à la planète
financière, mais déborde maintenant à l'économie dans son ensemble. Les solutions ne passent évidemment pas par de remèdes techniques. C'est à une prise de
conscience citoyenne qu'il faut maintenant faire appel.
saint-Gaudens, le 10 novembre 2007
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