et Police Sécurité Privée - Crime

Transcription

et Police Sécurité Privée - Crime
Police
et Sécurité
Privée
NOTES DU COURS
CRI 6226
CRIME-REG.COM/POLICE6226
PROFESSEUR : STÉPHANE LEMAN-LANGLOIS
ÉCOLE DE CRIMINOLOGIE
UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL
C OU R S
a
b
12 : É VOLUTION
DE L ’EN VIR O N N EM EN T
(2) : LA « G LO CALISATIO N »
1
la « glocalisation » objective
La glocalisation c’est un m ouvem ent dipôle vers à la fois une internationalisation des
problém atiques crim inelles et des organisations chargées de notre sécurité et la
« localisation » d’une foule d’autres facteurs d’influence.
(1)
Globalisation
!
lors de l’invention de la police, elle était sensée fonctionner dans une version
relativem ent sim ple de l’État-nation (frontières géographiques claires et
population ethniquem ent hom ogène).
!
la globalisation, en général, c’est l’internationalisation du com m erce, des
échanges culturels, accom pagnés de grands m ouvem ents de population.
L’État-nation est de m oins en m oins significatif, à ses deux niveaux
(frontières et ethnie). Site le plus m anifeste de globalisation : le cyberespace.
!
ceci signifie que les m enaces à notre sécurité intérieure peuvent venir d’un
peu partout dans le m onde. Ce ne sont pas des m enaces extérieures
classiques, au tem ps où un autre État pouvait nous m enacer, m enant
potentiellem ent à la guerre (ce qui est une m enace de type m ilitaire). Nous
ne som m es pas m enacés par d’autres États, m ais bien par des groupes et
des individus situés à l’étranger :
(i)
blanchim ent d’argent
(ii)
pornographie juvénile
(iii)
détournem ents de fonds
(iv)
arnaques internationales (les 419)
(v)
vol d’inform ation (réseaux inform atiques)
(vi)
trafiquants (arm es, biens licites et illicites, personnes)
(vii) im m igration illégale
(viii) terrorism e
(ix)
tourism e sexuel
Bref, la police doit m aintenant faire face à des m enaces qui ne se situent pas dans le
territoire où elle a juridiction (et pour des raisons évidentes, on ne peut pas envoyer
l’arm ée non plus).
!
résultat : on signe des accords de coopération policière internationale. En
fait, et ceci est capital, se sont nos polices qui signent ces accords et non les
politiciens (représentants des citoyens). Ces accords ressem blent aux traités
et autres qui lient les nations au sujet du libre échange, de la défense, etc.
— sauf en (encore) m oins dém ocratique. Exem ples :
(i)
Interpol (Organisation internationale de police crim inelle, OIPC)
http://www.interpol.int/
37/ 40
(ii)
!
c
d
a
Europol
(échange
e n tr e
le s
p o lic e s
européennes)
http://www.europol.eu.int/
(iii)
Schengen : accord signé perm ettant aux forces de police d’Europe de
traverser les frontières dans le cadre de certaines activités. SIS :
Schengen Inform ation System .
(iv)
m ultiples accords officiels et officieux entre les ÉU et le Canada.
(v)
Les polices étatsuniennes sont présentes dans la plupart des nations.
Le FBI a des accords variables avec des centaines d’organisations
policières. La DEA travaille dans 60 pays. Dans plusieurs de ces pays
(la Colom bie, par exem ple), la relation policière est beaucoup plus
im portante que les relations com m erciale et diplom atique.
notes im portantes :
(i)
la plupart de ces accords visent l’échange d’information.
(ii)
AUCUN de ces systèm es n’a à rendre de com ptes à qui que ce soit,
et aucun standard d’opération n’existe. On y va au cas par cas pour
les abus (par exem ple, affaire Maher Arar, http://www.m aherarar.ca/)
Localisation
!
C’est le m ouvem ent contraire, qui se fait surtout au niveau tactique. Com m e
on l’a déjà vu, la police de proxim ité, de résolution de problèm es, de gestion
des risques fonctionne au m icroscopique. En fait, m algré le pôle résolum ent
attractif de la globalisation, de la grande crim inalité, des ententes policières
internationales, etc., il n’en reste pas m oins que pour l’im m ense m ajorité des
citoyens, les problèm es qui nécessitent l’intervention de la police sont locaux.
Ainsi, la « glocalisation » dénote une double tendance à penser la sécurité à la fois en
term es de risques locaux et de m enaces extérieures.
2
La « glocalisation » organisationnelle
Des tendances politiques en m atière de sécurité sont égalem ent à la source (peut-être
davantage, surtout dans le cas de problém atiques com m e le terrorism e, au Canada) de
tensions entre le local et le global :
(1)
globalisation :
!
professionnalisation de la police
!
culture des best practices, ou m eilleures pratiques en m atière de lutte à la
crim inalité
!
l’idée que nous vivons dans une société de l’inform ation, d’où découle notre
richesse/prospérité, fait que l’inform ation devient un objet convoité, donc à
protéger... dans un réseau global
!
la pression m édiatique, dûe au côté extrêm em ent sexy des nouvelles
technologies, qui assure leur présence dém esurée dans la fiction et dans
l’actualité
!
Les technologies de l’inform ation et de la com m unication (TIC) sont
égalem ent une pression majeure vers la globalisation, puisqu’elles im pliquent
la construction de réseaux où les frontières nationales ne jouent qu’un rôle
secondaire. Ceci est vrai pour la sphère privée autant que pour la sphère
publique ainsi que toutes les form es d’hybridation interm édiaire.
!
la m ilitarisation de la police est égalem ent une influence m ajeure, puisqu’elle
im plique une dissém ination de savoirs, de techniques et bien sûr de
technologies m ilitaires sans frontières.
(2)
localisation
!
le principe de résolution de problèm es, tant dans un contexte com m unautaire
(SARA, par exem ple) que dans un contexte de police intensive ou de
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!
!
!
!
a
b
a
b
c
renseignem ent crim inel (m anifeste dans la géom atique policière) tire très fort
vers l’ultra-local
la crim inalité individuelle, surtout violente (la violence crim inelle est dans une
forte m esure le sym bole de la crim inalité dans son ensem ble) reste locale et
im portante dans les m édias et représente toujours une part dom inante de la
victim isation réelle de citoyens
la surveillance physique, surtout soutenue par des technologies à la m ode,
continue de dom iner l’univers pratique de la police et de la sécurité privée.
les préoccupations des citoyens continuent de porter, dans la presque
totalité, sur des problém atiques locales (qu’elles soient à proprem ent parler
crim inelles ou non).
enfin, la globalisation, c’est dur ! Les budgets, la form ation/com pétence, les
cadres réglem entaires, etc. sont souvent insuffisants ou inadaptés.
L’expérience du policier m oyen reste résolum ent axée vers le local.
3
la société à sécurité maximale (Gary M arx)
la sécurisation grandissante de la société est à la base de poussées « glocalisantes ».
D’une part, la société program m ée, am assant des dossiers, actuarielle, poreuse,
soupçonneuse et glorifiant l’auto-surveillance (ou gestion des risques personnels) se
penche sur l’individuel et le com portem ent de l’agent;
D’autre part, elle pousse égalem ent vers une norm alisation de plus en plus globalisée des
com portem ents et des règlem ents (entres autres, à cause de l’augm entation des
échanges com m erciaux), et vers une m ise en réseaux du savoir.
4
militarisation (Peter Kraska)
la m ilitarisation de la police contribue à une pensée glocalisante sous deux aspects. D’une
part, la force écrasante qu’im pliquent les m éthodes et les technologies m ilitaires contribue
à une conception du contexte opérationnel com m e zone de guerre (contre le crim e), et
donc localise l’effort tactique.
D’autre part, la guerre contre le crim e est souvent aussi conçue com m e une guerre
classique, c’est-à-dire, internationale. Ceci est particulièrem ent m anifeste dans le
phénom ène concom itant de la « policisation de l’arm ée », lorsque des équipem ents et
personnels m ilitaires sont affectés à une surveillance du territoire visant à détecter les
trafiquants et autres crim inels transfrontaliers. Mais c’est aussi le cas des activités antiterroristes de la police, qui forgent des alliances internationales autour du concept de
guerre au terrorism e.
Enfin, notons que la m ilitarisation passe par l’em ploi de technologies m ilitaires (en
particulier celles qui visent la neutralisation de l’ennem i (plutôt que l’arrestation d’un
citoyen), qui entraînent une hom ogénéisation des stratégies policières à travers l’espace,
et une hom ogénéisation des stratégies policières et m ilitaires (qui visent
traditionnellem ent, dans les pays anglosaxons du m oins, les m enaces extérieures,
transnationales).
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