Diagnostic et traitement des dysfonctions sexuelles (DFS) chez le
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Diagnostic et traitement des dysfonctions sexuelles (DFS) chez le
Université d’Aix-Marseille. Faculté de médecine. Année 2008-2009. Mémoire pour le D.I.U. de Sexologie Médicale. Diagnostic et traitements des dysfonctions sexuelles chez le patient schizophrène : enquête de terrain, état actuel des connaissances. Présenté par François Maillard. [email protected] Sous la direction du Docteur Mireille Bonierbale. Responsable d’Enseignement, DIU de Sexologie Médicale, Marseille. Objectif du mémoire : Préciser les pratiques des psychiatres de notre C.H. psychiatrique concernant le diagnostic et le traitement des DFS chez leurs patients schizophrènes et faire le point sur l’état actuel des connaissances concernant la compréhension des DFS chez le patient schizophrène, leur diagnostic et leur traitement à partir des données récentes de la littérature et de l’enseignement du DIU de sexologie. Méthodologie : Enquête de terrain auprès de 25 psychiatres hospitaliers à partir d’une interview de 30 mn guidée par un questionnaire. Résultats : Notre enquête retrouve peu de cas de DFS diagnostiqués par les psychiatres interviewés, une attitude ambivalente face à leur diagnostic et leur traitement et un faible taux de plaintes spontanées des patients. Mots clés : schizophrénie, réponse sexuelle, dysfonctions sexuelles, pratiques des psychiatres, antipsychotiques, approche Psychoéducative, ateliers d’éducation sexuelle, iatrogénie, IPDE5. 2009 Diagnostic et traitements des dysfonctions sexuelles (DFS) chez le patient schizophrène (PS) : enquête de terrain, état actuel des connaissances. Maillard François, [email protected]. Diagnostic et traitements des dysfonctions sexuelles (DFS) chez le patient schizophrène : enquête de terrain, état actuel des connaissances. Mémoire pour le D.I.U. de Sexologie Médicale. Université d’Aix-Marseille. Faculté de médecine de Marseille. Année 2008-2009. Objectif du mémoire : Préciser les pratiques des psychiatres de notre C.H. psychiatrique concernant le diagnostic et le traitement des DFS chez leurs patients schizophrènes et faire le point sur l’état actuel des connaissances concernant la compréhension des DFS chez le patient schizophrène, leur diagnostic et leur traitement à partir des données récentes de la littérature et de l’enseignement du DIU de sexologie. Méthodologie : Enquête de terrain auprès de 25 psychiatres hospitaliers à partir d’une interview de 30 mn guidée par un questionnaire. Résultats : Notre enquête retrouve peu de cas de DFS diagnostiqués par les psychiatres interviewés, une attitude ambivalente face à leur diagnostic et leur traitement et un faible taux de plaintes spontanées des patients. Mots clés : schizophrénie, réponse sexuelle, dysfonctions sexuelles, pratiques des psychiatres, antipsychotiques, approche Psychoéducative, ateliers d’éducation sexuelle, iatrogénie, IPDE5. Résumé La schizophrénie et ses traitements constituent un désavantage majeur pour la sexualité des patients schizophrènes (50 à 85 % de DFS à partir de nos données bibliographiques) et donc pour leur qualité de vie. De plus a été avancé un lien entre DFS et observance des traitements. Dés lors se pose la question de leur diagnostic et de leur traitement. Nous avons voulu connaître les pratiques de nos collègues psychiatres à ce sujet grâce à une enquête de terrain auprès de 25 d’entre eux à partir d’une interview de 30 mn guidée par un questionnaire. Notre enquête retrouve peu de cas de DFS diagnostiqués par les psychiatres interviewés, une attitude ambivalente face à leur diagnostic et leur traitement et un faible taux de plaintes spontanées des patients. Il appartiendra donc au praticien d’aborder la question et d’évaluer la DFS. L’orientation thérapeutique dépend de cette évaluation. Elle doit être globale intégrant la dimension plurifactorielle (organique, psychogène et iatrogénique) des DFS. Ces réponses thérapeutiques s’adressent principalement aux patients investis dans une sexualité, il est donc essentiel d’apprécier l’importance que son patient accorde à la sexualité et de la place qu’elle occupe dans sa vie afin de la préserver au mieux. Cette préservation est un facteur d’observance et de qualité de vie. Concernant le traitement et la prévention des DFS, l’observance du traitement antipsychotique, à dose minimale et à l’origine du meilleur niveau de stabilisation et de tolérance apparaît être le premier traitement sexologique et donc le préalable avant d’envisager l’adjonction de réponses sexologiques spécifiques dont font partie les IPDE5. Ils doivent être utilisés comme un outil au sein d’une prise en charge intégrative qui tient compte du sujet, de sa partenaire et de la dynamique du couple. Cependant cette utilisation doit rester prudence (manque de recul et de pratique chez le PS) Enfin l’information adaptée au niveau cognitif des patients devrait avoir aussi une place de choix dans une politique sanitaire vis-à-vis des DFS du schizophrène compte tenu de la fréquence de l’ignorance et des fausses croyances dans cette population qui demeure vulnérable et particulièrement exposée au risque de grossesse non désirée, d’agression sexuelle et d’infections sexuellement transmissibles. 1 Remerciements et gratitude. A ma femme, Marie Laure : pour ton précieux soutien au quotidien. A Mme le Dr Mireille Bonierbale : pour votre engagement dans la sexologie universitaire. C’est un honneur de vous avoir pour directrice de mémoire. A mes collègues du C.H. Edouard Toulouse : merci de votre accueil et de vos stimulantes réflexions à l’occasion de ce travail de mémoire. A Mme le Dr Colson et Mr le Dr Porto : merci de m’avoir offert avec une grande qualité pédagogique votre riche et précieuse expérience. A mes collègues et compagnons de cours de sexologie Audrey Gorin-Lazard-Lazard et Aurélie Bernard : j’ai apprécié la qualité de vos travaux de thèse qui m’ont fourni de précieuses références. 2 PLAN Remerciements et gratitude. ........................................................................................................................ 2 PLAN. .......................................................................................................................................................... 3 Diagnostic et traitements des dysfonctions sexuelles (DFS) chez le patient schizophrène (PS) : enquête de terrain, état actuel des connaissances : objectif de l’étude. .......................................................................... 4 1ère partie : schizophrénie, réponse et dysfonction sexuelle : définitions, physiopathologie........................ 4 I. Introduction : ....................................................................................................................................... 4 II. La Réponse sexuelle et ses dysfonctions : ..................................................................................... 5 A. La réponse sexuelle (RS). .............................................................................................................. 5 1. Les phases de la RS. ................................................................................................................. 5 2. Neuromédiateurs impliqués dans la réponse sexuelle : ............................................................. 5 3. La réponse sexuelle ne résume pas la sexualité. ....................................................................... 6 B. Dysfonctions sexuelles : ................................................................................................................ 6 1. Définition. ................................................................................................................................. 6 2. Les catégories : ......................................................................................................................... 7 III. La schizophrénie. ........................................................................................................................... 7 Définition critérielle. ..................................................................................................................... 7 B. Schizophrène et sexualité. ............................................................................................................. 8 1. Une sexualité entravée. ............................................................................................................. 9 2. Autres facteurs entravant la sexualité des patients schizophrènes. ......................................... 10 IV. DFS et schizophrénie. .................................................................................................................. 10 A. Prévalence de la dysfonction sexuelle : ....................................................................................... 10 1. En population normale. ........................................................................................................... 10 2. Chez le patient schizophrène. ................................................................................................. 11 B. DFS et antipsychotiques conventionnels (APC) et atypiques (APA). ......................................... 12 1. APC : mode d’action et effets secondaires. ............................................................................ 12 2. ATA et effets secondaires sexuels : ........................................................................................ 13 3. APA et Amélioration de la sexualité. ..................................................................................... 14 2ème partie : enquête. .................................................................................................................................. 15 V. Objectifs et Méthodologie. .......................................................................................................... 15 A. Objectif du questionnaire : .......................................................................................................... 15 B. Méthodologie : ............................................................................................................................ 15 C. Questionnaire : ............................................................................................................................ 15 Résultats :............................................................................................................................................... 16 1. Question n°1 : Qualifiez la sexualité du patient schizophrène. ............................................... 16 2. Question n°2 : DFS rencontrées.............................................................................................. 17 3. Question n°3 : circonstances de diagnostic. ............................................................................ 17 4. Question n°4 : pensez-vous utiles de les dépister ? De les traiter ? Pourquoi ? ...................... 17 5. Question n°5 : attitude thérapeutique (réponses utilisées). ..................................................... 18 6. Question n°6 : réponses à développer. .................................................................................... 18 7. Opinions exprimées au décours des interviews : ................................................................... 19 D. Synthèse....................................................................................................................................... 19 1. Peu de cas cités de DFS et peu de plaintes spontanées. .......................................................... 20 2. Sexualité : facteur de décompensation ? ................................................................................. 20 3ième partie : diagnostic et traitements des DFS. ........................................................................................ 21 VI. Diagnostic des dysfonctions sexuelles......................................................................................... 21 A. Aborder la question de la sexualité. ............................................................................................. 21 1. Connaître le lien à la sexualité de son patient : ....................................................................... 21 2. Informer et interroger sur la survenue d’éventuels effets secondaires sexuels. ...................... 21 B. Evaluer les DFS : ......................................................................................................................... 22 1. Explorer la place de la sexualité dans la vie du sujet. ............................................................. 22 2. Situation problème et état sexuel antérieur : ........................................................................... 22 3. Contexte de survenue de la DFS. ............................................................................................ 22 4. Symptôme et couple. .............................................................................................................. 23 5. Le symptôme dans sa dynamique. .......................................................................................... 23 6. Iatrogénie et DSF . .................................................................................................................. 23 C. Examens somatiques et biologiques : .......................................................................................... 24 1. Examen clinique : .................................................................................................................. 24 2. Examen Biologique : .............................................................................................................. 25 3 VII. A. 1. 2. 3. 4. B. 1. 2. 3. C. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. D. 1. 2. 3. VIII. IX. Traitement des dysfonctions sexuelles chez patient schizophrène : quelles réponses ? .............. 25 Pourquoi répondre ? .................................................................................................................... 25 Enjeux éthiques :..................................................................................................................... 25 Préserver la santé sexuelle et la qualité de vie des patients. ................................................... 26 Observance : ........................................................................................................................... 27 Resocialisation : ...................................................................................................................... 28 Eduquer et informer. .................................................................................................................... 28 Informer les patients sur la sexualité. ..................................................................................... 28 L’approche Psychoéducative appliquée à la schizophrénie. ................................................... 28 Des exemples de programmes et d’ateliers d’éducation sexuelle. .......................................... 29 Traiter. ......................................................................................................................................... 30 Traiter la schizophrénie : ........................................................................................................ 30 Traiter Les comorbodités : ...................................................................................................... 30 La psychothérapie. .................................................................................................................. 30 Adaptation du traitement pharmacologique de la schizophrénie. ........................................... 30 Place des médicaments sexologiques...................................................................................... 31 Le recours au sexologue. ........................................................................................................ 33 Sans oublier le couple : ........................................................................................................... 34 En résumé : ............................................................................................................................. 34 Protéger : ..................................................................................................................................... 34 En phase aigue : ...................................................................................................................... 34 Penser à la contraception. ....................................................................................................... 34 Prévenir les Infections Sexuellement Transmissibles (IST). .................................................. 35 Conclusion ................................................................................................................................... 35 Bibliographie. .............................................................................................................................. 36 Diagnostic et traitements des dysfonctions sexuelles (DFS) chez le patient schizophrène (PS) : enquête de terrain, état actuel des connaissances. L’objectif de ce mémoire est de préciser les pratiques des psychiatres de notre C.H. psychiatrique concernant le diagnostic et le traitement des DFS chez leurs patients schizophrènes et de faire le point sur l’état actuel des connaissances concernant la compréhension des DFS chez le patient schizophrène, leur diagnostic et leur traitement à partir des données récentes de la littérature et de l’enseignement du DIU de sexologie. 1ère partie : schizophrénie, réponse et dysfonction sexuelle : définitions, physiopathologie. I. Introduction : La schizophrénie est une pathologie mentale chronique fréquente (1% de la population) invalidante de l’adulte jeune appartenant au groupe des psychoses chroniques (délire, perte du sens de la réalité). Elle retentit de manière massive sur les capacités sexuelles (50 à 85 % de DFS à partir de nos données bibliographiques) et donc sur la qualité de leur vie. De plus a été avancé un lien entre DFS et observance des traitements (Tardieu, 2006). Dés lors se pose la question de leur diagnostic et de leur traitement. Nous avons voulu connaître les pratiques de nos collègues à ce sujet. A l’issue de cette enquête et de notre étude bibliographique nous tenterons de dégager des repères à l’usage des psychiatres en matière de diagnostic et de traitement des dysfonctions sexuelles chez le patient souffrant de schizophrénie. De plus, constatant le retentissement majeur de cette maladie sur le déroulement de la réponse sexuelle, nous avons voulu en préciser les mécanismes physiopathologiques. 4 Les DFS ne représentent qu’une partie des obstacles qui entravent la sexualité et la vie amoureuse des patients souffrant de schizophrénie : nous feront l’inventaire de l’ensemble de ces obstacles qui représentent autant de cibles thérapeutiques. Au préalable nous allons définir les concepts de DFS et de schizophrénie. II. La Réponse sexuelle et ses dysfonctions : A. La réponse sexuelle (RS). Nous sommes physiologiquement doués de la capacité à éprouver du désir, de l’excitation physique (érection, lubrification…) et des orgasmes avec chez l’homme une éjaculation : c’est la réponse sexuelle. Elle peut être perturbée par la pathologie schizophrénique et ses traitements. Ces perturbations définissent les DFS. Il appartient au médecin de les diagnostiquer et de les traiter de manière à ce qu’elles ne viennent pas entraver douloureusement la vie du sujet qui s’en plaint. 1. Les phases de la RS. Cette réponse sexuelle normale est conventionnellement divisée en quatre phases décrites par Master et Johnson dans les années 1970: 1. Excitation : sensations subjectives de plaisir sexuel et modifications physiologiques (érection et lubrification vaginale). 2. Phase de plateau. 3. Orgasme acmé du plaisir sexuel, relâchement des tensions sexuelles. 4. Résolution : relaxation musculaire et sensation de bien-être. Ces phases sont précédées du désir. La classification des DFS reprend ces phases, ainsi nous retrouvons dans le DSMIV : les troubles du désir, de l’excitation de l’orgasme et les troubles avec douleurs (Vaginisme, Dyspareunie). Ces phases se retrouvent dans toute forme de sexualité de la plus simple (masturbatoire) aux plus élaborées (sexualité conjugale intégrant le sentiment amoureux) ces dernières formes supposant des habiletés émotionnelles et relationnelles souvent largement atteintes dans la maladie schizophrénique. 2. Neuromédiateurs impliqués dans la réponse sexuelle : Les phases du cycle sexuel sont sous l’influence du système nerveux autonome et de ses neuromédiateurs. La plupart de ces neuromédiateurs sont aussi impliqués dans la schizophrénie et ses traitements rendant compte de leurs nombreuses interférences avec la réponse sexuelle (dopamine, noradrénaline, sérotonine, acétylcholine, GABA, …). Le désir sexuel serait sous le contrôle de la dopamine. L’excitation des tissus génitaux donnant l’érection chez l’homme, la lubrification chez la femme serait favorisée par l’action de l’acétylcholine et de l’oxyde nitrique, l’orgasme, accompagné de l’éjaculation chez l’homme, est régulé par la sérotonine et la norépinephrine. La iatrogénie sexuelle des antipsychotiques (AP), traitement de prédilection de la schizophrénie, trouve en partie son origine dans cette interférences avec les neuromédiateurs de la réponse sexuelle (Porto, 2007) : • AP Classiques: action antidopaminergique D2 (Haldol®,Moditen®,…..)• AP Nouvelle génération: 5 action antidopaminergique, antisérotoninergique, anticholinergique (Léponex®, Zyprexa®). non-anticholinergique (Risperdal®) Un autre mécanisme de iatrogénie sexuelle des AP est l’élévation du taux de prolactine en effet il existe une corrélation entre hyperprolactélémie et DFS. Cependant il existe un seuil de prolactine (40ng/ml) pour induire une dysérection avec effet sexo-stimulant paradoxal de faibles taux de prolactine (Porto, 2007). A coté des neuromédiateurs cités ci-dessus il existe aussi un grand nombre de substances endogènes inhibant la réponse sexuelle (Porto, 2007): •Agonistes alpha 2 adrénergiques •Peptides VC (Angiotensine II, NPY) •Cortisol •Oestrogènes (chez l’homme)•Mélatonine •M.A.O •Opiacés •Progestérone •Hormones thyroïdiennes 3. La réponse sexuelle ne résume pas la sexualité. La sexualité met en jeu bien plus que la physiologie du cycle de la réponse sexuelle : elle peut mettre aussi en jeu un partenaire, une relation, un imaginaire érotique des sentiments amoureux, la sensorialité… Mais aussi d’autres éléments du fonctionnement sexuel humain : •L’identité sexuelle (sentiment d’appartenance à un sexe donné à l’origine des troubles de l’identité sexuelle). •L’orientation sexuelle (hétérosexuelle, homosexuelle, bisexuelle). •Les pulsions et comportements sexuels (à l’origine des paraphilies ou troubles de la préférence sexuelle). La schizophrénie et ses conséquences ont aussi un impact sur ces éléments qu’il s’agira aussi de prendre en compte mais nous limiterons notre propos dans ce travail de mémoire aux DFS qui font l’objet d’une définition précise et abondante littérature. B. Dysfonctions sexuelles : 1. Définition. Les dysfonctions sexuelles sont caractérisées par une perturbation des processus qui caractérisent le déroulement de la réponse sexuelle décrite ci-dessus ou par une douleur associée aux rapports sexuels. (Dictionnaire de la Sexualité Humaine dirigé par Philippe Brenot, 2004). La CIM 10 définie la dysfonction sexuelle comme les «différentes difficultés avec lesquelles un individu est incapable de participer à une relation sexuelle comme il ou elle le désire». Il faut que cette situation soit fréquente et se manifeste sur une durée de plus de six mois (CIM 10, 1992). Les critères qui nous semblent essentiels pour nous situer dans le domaine de la pathologie (du grec pathos, souffrance) sont la notion de souffrance et celui de « perte ou de limitation de la liberté du sujet à l’égard de ce qu’il fait, sent ou dit ». Nous pourrions alors adopter la définition proposée par Colson MH (2009) du symptôme sexuel comme étant « une souffrance, pouvant reposer sur un élément pathologique organique avéré, mais non exclusivement, et liée à la sensation de manque, de limitation ou de perte intolérable de sa liberté de fonctionnement sexuel. » 6 2. Les catégories : Il existe deux principales classifications concernant les troubles sexuels : la CIM 10 (Classification internationale des maladies, 10ème version) et le DSM IV (Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux, 4ème version). Ces classifications font la distinction entre les «troubles de la fonction sexuelle», les «paraphilies» (troubles de la préférence sexuelle) et les troubles de l’identité (dysphorie de genre allant du travestissement au transsexualisme). Concernant les «troubles de la fonction sexuelle» ou dysfonctions sexuelles (DFS) elles sont résumées dans le tableau ci-dessous : CIM 10 Réf. DSM IV Absence ou perte du désir sexuel. F52.0 Baisse du désir sexuel Désir sexuel hypoactif. Aversion sexuelle. F52.1 Aversion sexuelle Echec de la réponse génitale. F52.2 Dysfonctions orgasmiques. F52.3 Ejaculation précoce. F52.4 Trouble de l’excitation sexuelle Chez la femme : lubrification vaginale inadéquate. Chez l’homme : difficulté à atteindre et à maintenir une érection. Trouble de l’orgasme Anorgasmie ou dysorgasmie féminine ou masculine. Ejaculation précoce Vaginisme F52.5 Vaginisme (Troubles sexuels avec douleurs). Dyspareunies F52.6 Dyspareunie (Troubles sexuels avec douleur). Activité sexuelle excessive F52.7 Activité sexuelle excessive. Ces DFS peuvent être :d’origine organique, iatrogène, psychologique ou mixte (multifactorielle le plus souvent), • primaires ou secondaires, • généralisées ou spécifiques (d’un partenaire, d’une situation). III. La schizophrénie. A. Définition critérielle. Les critères donnés par le DSM4 sont : A. Symptômes caractéristiques : Deux (ou plus) des manifestations suivantes sont présentes, chacune pendant une partie significative du temps pendant une période d’un mois (ou moins quand elles répondent favorablement au traitement) : (1) idées délirantes (2) hallucinations (3) discours désorganisé (c'est-à-dire coq-à-l’âne fréquents ou incohérence) (4) comportement grossièrement désorganisé ou catatonique (5) symptômes négatifs (par exemple : émoussement affectif, alogie ou perte de la volonté). 7 B. Dysfonctionnement social / des activités : Pendant une partie significative du temps depuis la survenue de la perturbation, un ou plusieurs domaines majeurs du fonctionnement tels que le travail, les relations interpersonnelles, ou les soins personnels sont nettement inférieurs au niveau atteint avant la survenue de la perturbation (ou, en cas de survenue dans l’enfance ou l’adolescence, incapacité à atteindre le niveau de réalisation interpersonnelle, scolaire, ou dans d’autres activités auquel on aurait pu s’attendre) C. Durée : Des signes permanents de la perturbation persistent pendant au moins 6 mois. Cette période de 6 mois doit comprenant au moins 1 mois de symptômes (ou moins quand ils répondent favorablement au traitement) qui répondent aux critères A (c'est-à-dire symptômes de la phase active) et peut comprendre des épisodes de symptômes prodromiques ou résiduels. D. Exclusion d’un trouble schizo-affectif et d’un trouble de l’humeur : Un trouble schizo-affectif et trouble de l’humeur avec caractéristiques psychotiques ont été éliminés soit (1) parce qu’aucun épisode dépressif majeur, maniaque ou mixte n’a été présent simultanément aux symptômes de la phase active ; soit (2) parce que si les épisodes thymiques ont été présents pendant les symptômes de la phase active, leur durée totale a été brève par rapport à la durée des périodes actives et résiduelles. E. Exclusion d’une affection médicale générale / due à une substance : La perturbation n’est pas due aux effets physiologiques directs d’une substance (c'est-àdire une drogue donnant lieu à abus, un médicament) ou à une affection médicale générale. F. Relation avec un trouble envahissant du développement : en cas d’antécédent de trouble autistique ou d’un autre trouble envahissant du développement, le diagnostic additionnel de schizophrénie n’est fait que si des idées délirantes ou des hallucinations prononcées sont également présentes pendant au moins un mois quand elles répondent favorablement au traitement. B. Schizophrène et sexualité. Il découle des caractéristiques de la schizophrénie citées ci-dessus les points essentiels suivants : 1. Il s’agit d’une maladie de l’appareil psychique : « premier organe sexuel ». Elle touche donc la capacité à penser, à imaginer, à éprouver, à sentir, à désirer… Le retentissement attendu sur la sexualité est donc majeur : nous verrons ce qu’il en est à travers les données de la littérature. 2. Il s’agit d’une maladie qui isole le patient de partenaires sexuels potentiels. 3. Il s’agit d’une maladie dont le degré de gravité est très variable d’un individu à l’autre donnant une grande variété de situation clinique : tous les degrés d’invalidation et de souffrance sexuelle peuvent donc se rencontrer entre une absence de sexualité et une sexualité vécue comme satisfaisante. 4. L’évolution déficitaire cognitive et émotionnelle font la gravité de la maladie, ils amputent les capacités relationnelles du sujet, le désocialisent et appauvrissent sa sexualité. Ces détériorations cognitives, conséquences de l’évolution de la pathologie, concernent l’attention, la mémoire antérograde, le jugement, la pensée abstraite, l’autocritique, les fonctions d’abstraction et de planification, les fonctions motrices... 5. Il s’agit d’une maladie chronique qui évolue par accès déficitaires ou délirants entrecoupés de phase de rémission. Le suivi régulier et l’observance au long cours sont essentiels afin d’éviter ces accès et cette évolution. Il apparaît que la prise en compte de la sexualité ait un impact favorable sur l'observance (Tardieu, 8 2006) et donc la prévention de ces rechutes qui accentuent l’évolution déficitaire. 6. Les conséquences sur la sexualité sont celles de toute maladie chronique ayant un retentissement sur le quotidien des patients, auxquelles s’ajoutent les nombreuses conséquences spécifiques de la pathologie schizophrénique et ses traitements décrites ci-dessous. 7. Il s’agit d’une maladie qui débute tôt dans la vie (surtout pour les individus de sexe mâle) privant la plupart des malades de leurs premières expériences et apprentissages sexuels : l’apragmatisme et l’ignorance en matière de sexualité sont souvent majeurs. Dés lors il n’est pas étonnant que le Dr Bernard (2009) dans sa revue de la littérature sur la sexualité du schizophrène dégage les caractéristiques principales suivantes : 1. Une sexualité souvent réduite à la masturbation qui serait la dernière activité sexuelle touchée par l’apathie qui caractérise la maladie. 2. Une hyposexualité coïtale. l’équipe de Fortier et al en 2003 citée par le Dr Bernard (2009, p 71) retrouve une moyenne de moins d’un rapport sexuel par mois dans la population de patients schizophrènes. 3. Une Sexualité à risque (Grossesses non voulues, IST, violences sexuelles…) Il est important de souligner que l’absence ou la pauvreté de l’activité sexuelle ne constituent pas en soi une dysfonction sexuelle. 1. Une sexualité entravée. Un rapide inventaire de la symptomatologie schizophrénique montre de nombreuses interférences possible avec une réponse sexuelle coïtale et ceux à toute les étapes de son déroulement (de la rencontre à la jouissance) : • Troubles de la présentation et du contact : maniérisme, bizarreries, discordance, retrait social … • Troubles de l’imaginaire érotique : discordance et pauvreté idéique… • Troubles de la motivation : aboulie, manque d’intérêt… • Trouble des fonctions motrices : apragmatisme sexuel, perte des initiatives, akinésie… • Troubles de l’affectivité : athymhormie (émoussement affectif, diminution de l’élan vital) anhédonie, froideur, détachement (Lemperière, 1993). • Troubles de la capacité à élaborer et à verbaliser un discours amoureux : dissociation mentale, alexithymie (incapacité à identifier ses émotions et ses sentiments, à trouver les mots permettant de les exprimer, avec déficit de la vie imaginaire.)… Selon Kelly and Conley (2004), le syndrome déficitaire et notamment la perte d’intérêt et d’initiative, l’anhédonie et l’appauvrissement des relations sociales pourraient expliquer la perte de motivation et d’activité sexuelles chez le schizophrène. A cette liste non exhaustive on pourrait citer une grande vulnérabilité à l’angoisse que peut susciter la rencontre sexuelle qui fragilise d’autant la réponse sexuelle déjà très vulnérable. Dés lors il n’apparaît pas étonnant de retrouver parmi les patients schizophrènes (GorinLazard, 2008, p32) : • Une surreprésentation du célibat. • Une absence de partenaire sexuel dans 88.5% des cas contre 29.1% en population générale. • Une surreprésentation des séparations et des divorces par rapport à la population générale. 9 Troudi (2006) dans sa revue de la littérature nous montre que la plupart des auteurs constate que la schizophrénie n’exclut cependant pas tout désir ou activité sexuelle et que cette dernière ne prend qu’exceptionnellement une forme désinhibée ou perverse. Mais la sexualité des schizophrènes, dans l’ensemble, ajoute t il présente une nette tendance à l’appauvrissement. L’intérêt pour la sexualité, les rapports sexuels et la satisfaction sexuelle est moindre et décline encore avec l’âge. L’abrasement affectif parait être à l’origine d’une baisse du désir sexuel. Cette baisse survient avant les premiers signes cliniques de la maladie et elle tend à augmenter avec l’âge. La schizophrénie en soi se complique d’une diminution du désir sexuel indépendamment de toute prise d’antipsychotiques (Aizenberg 1995 cité par Troudi 2006). 2. Autres facteurs entravant la sexualité des patients schizophrènes. Le patient souffrant de schizophrénie cumule les facteurs de risque pour les troubles sexuels : • Facteurs socioculturels et économiques : précarité, ignorance, isolement, absence d’espace intime… • Facteurs liés au partenaire et à la relation : choix limité et inapproprié de partenaire avec taux particulièrement élevé de séparation et/ou de divorce et un faible taux de fertilité. (Stekel 1977 cité par Troudi 2006 p 11, Maillard 1995 p 34). • Facteurs physiologiques ou médicaux. : la prévalence des pathologies somatiques à l’origine de DFS est plus importante dans les populations de patients schizophrènes : diabète, hypertension, syndrome métabolique avec surcharge pondérale facteur très fréquent chez le patient traité souffrant de schizophrénie. Les traitements utilisés (notamment neuroleptiques) et les comorbidités psychiatriques expliquent aussi la forte prévalence des DFS chez les patients souffrant de schizophrénie. Parmi les comorbidités psychiatriques à fort retentissement sexuel citons : les addictions, les troubles anxieux (dont phobie sociale) et dépressifs. D’après les résultats de l’étude menée par le Dr Gorin-Lazard dans sa thèse, deux facteurs parmi ceux étudiés seraient particulièrement impliqués dans la survenue de DFS : l’alcool et l’existence d’un syndrome dépressif (Gorin-Lazard, 2008 ; p 74). Nous pourrions continuer la liste des obstacles auxquels peut être aussi confrontés le patients souffrant de schizophrénie, citons encore : l’attachement pathologique (Maillard 1995, p 8), paraphilies, conduites sexuelles compulsives, conflit d’identité de genre, violence et victimisation, problèmes de reproduction, infections sexuellement transmissibles, croyances erronées, ignorance… IV. DFS et schizophrénie. A. Prévalence de la dysfonction sexuelle : 1. En population normale. La prévalence des troubles de la fonction sexuelle en population générale est importante et elle est encore supérieure chez les patients souffrant de troubles psychiatriques. Ce trouble serait largement sous-évalué par les médecins généralistes et par les psychiatres. De plus, nous verrons qu’il est rarement évoqué de manière spontanée par les patients si bien que la prévalence des troubles sexuels est de 14 – 35 % lorsque les sujets en parlent 10 spontanément et de 58 – 69 % s’ils sont interrogés par un médecin (Bernard, 2008, p 34). La prévalence de la dysfonction sexuelle est donc très variable en fonction des différentes études, et se situerait autour de 30% de la population générale. Pour les hommes, la dysfonction érectile (qui augmente en fréquence avec l’âge), les troubles de la libido et l’éjaculation précoce sont les troubles les plus fréquemment retrouvés. Pour la femme, la diminution de la libido arrive en premier mais n’amènerait à consulter à consulter que 3 % des sujets en population générale (De Stoppeleire 2005 cité par le Dr Troudi, 2006, p 6). Ensuite arrivent les dysorgasmies et les dyspareunies. 2. Chez le patient schizophrène. Chez le patient schizophrène traité, en dehors de toute décompensation psychotique et de tout trouble affectif, on recense un taux d’incidence de dysfonction sexuelle qui s’étend de 15 à 88,9% selon les études (Kockott et Pfeiffer 1996, Fortier et al 2003 cité par le Dr Bernard, 2008, p 71). La prévalence des dysfonctions sexuelles dans la population des patients schizophrènes est probablement sous estimée. Les patients rapportent spontanément des troubles sexuels dans 3-33% des cas alors que ce pourcentage s’élève à 58-96% si la question est posée par le médecin (Dossenbach et al, 2006 cité par le Dr Gorin-Lazard, 2008, p 14) » Certaines études plus récentes retrouvent des taux plus élevés (McDonald et al, 2003 ; Dossenbach et al, 2006, cité par le Dr Bernard, 2009, p 71)), allant jusqu’à 80-90% de dysfonctions sexuelles en population schizophrène, quel que soit le sexe du patient. L’augmentation des taux de dysfonctions sexuelles dans les études récentes serait liée à l’utilisation croissante d’auto-questionnaires qui rapportent des chiffres plus élevés. D’une manière générale les études retrouvent plus de 50% des patients souffrent de dysfonctions sexuelles contre 15% en population générale (Kelly and Conley, 2004). Les plaintes sexologiques des patients schizophrènes concernent tous les niveaux du cycle de réponse sexuelle (Kelly and Conley, 2004). On retrouve en effet : 1. Des troubles de la libido, le plus souvent diminuée. 2. Des troubles de l’excitation et de ses manifestations physiques (dysfonction érectile chez les hommes ou a contrario priapisme, sécheresse vaginale et dyspareunie chez la femme) 3. -Des dysfonctions orgasmiques : anorgasmie, orgasme moins satisfaisant, trouble de l’éjaculation (qui peut être précoce, retardée ou rétrograde). 4. Une satisfaction sexuelle inférieure à celle de la population générale. L’étude de Troudi (2006) trouve que les troubles sexuels les plus fréquemment rapportés par les patients sont la baisse du désir sexuel (93,7 % ne ressentent du désir que dans moins que la moitié des cas et 87,5 % le classent de faible à nul), la dysfonction érectile (87,5 % des patients présentent une DE qui est classée comme sévère dans 56,2 % des cas), les troubles de l’éjaculation (35 % n’arrivent a éjaculer que dans la moitié du temps ou moins) et enfin la satisfaction sexuelle (31,2 % d’insatisfaction de la vie sexuelle). 11 B. DFS et antipsychotiques conventionnels (APC) et atypiques (APA). 1. APC : mode d’action et effets secondaires. La théorie monoaminergique de la schizophrénie stipule l’existence d’une hyperdopaminergie mésolimbique responsable des symptômes positifs (ou productifs hallucinatoires et délirants) de la schizophrénie, et d’une hypodopaminergie mésocorticale responsable des symptômes négatifs (ou déficitaires : autistiques selon Bleuler. Les antipsychotiques possèdent une action antagoniste dopaminergique. L’antagonisme dopaminergique s’exerce de manière variable sur les 4 voies dopaminergiques principales, avec des conséquences cliniques différentes : • l’action sur la voie mésolimbique serait responsable de l’action antipsychotique, • l’action sur la voie mésocorticale serait responsable des effets sur les symptômes négatifs, • l’action sur la voie nigrostriatale engendre des effets moteurs extrapyramidaux, • l’action sur la voie tubéroinfundibulaire résulte quant à elle au dessus d’un certain seuil, en une élévation de la sécrétion de prolactine. Les neuroleptiques classiques (ou antipsychotiques conventionnels ou de première génération) agissent sur les symptômes positifs de la schizophrénie par l’intermédiaire d’une action antagoniste sur les récepteurs postsynaptiques de la dopamine D2 au niveau de la voie mésolimbique. Mais leur non spécificité est à l’origine : • d’une aggravation des symptômes négatifs par blocage des récepteurs postsynaptiques D2 de la voie mésocorticale, • d’un syndrome extrapyramidal (SEP) par blocage des récepteurs D2 au niveau des projections postsynaptiques de la voie nigrostriée, • d’une hyperprolactinémie qui est à l’origine de la majorité des effets indésirables sexuels par l’intermédiaire d’une baisse des taux de GnRH et de LH et donc d’une diminution des taux de testostérone chez l’homme, et chez la femme d’une baisse de la sécrétion d’œstrogène à l’origine d’une aménorrhée. Outre le blocage des récepteurs D2, les neuroleptiques classiques sont des antagonistes muscariniques cholinergiques M1, adrénergiques alpha 1 et histaminique H1, à l’origine de plusieurs effets indésirables perturbant la réponse sexuelle. Les principaux effets secondaires généraux de type anticholinergiques (ou atropiniques) sont : sécheresse buccale, troubles de la vision, constipation, trouble de la mémoire et de la concentration, confusion, rétention urinaire. En revanche, les antipsychotiques atypiques sont des antagonistes dopaminergiques et sérotoninergiques ne possédant presque pas d’effets M1, alpha 1 ou H1, donnant donc moins d’effets secondaires. De plus, contrairement aux AP Classiques, les APAtypiques montrent une affinité relativement diminuée vis-à vis du récepteur dopaminergique D2 impliqué dans la régulation de la sécrétion de la prolactine et une affinité très élevée pour le récepteur sérotoninergique 5-HT2a. Le blocage des récepteurs D2 serait à l’origine d’une baisse du désir et des troubles de l’orgasme. L’hyperprolactinémie serait à l’origine de nombreux troubles sexuels (aménorrhée, anovulation, galactorrhée, gynécomastie, métrorragie, trouble du désir, trouble de l’érection, altération de la stéroïdogenèse et de la spermatogenèse). 12 Beaucoup d’antipsychotiques entraînent un blocage de l’activité alpha1-adrénergique, pouvant entraîner des troubles de l’éjaculation. En effet, l’activité adrénolytique des antipsychotiques interfère avec l’éjaculation provoquant soit un simple retard de l’éjaculation, soit une diminution partielle et parfois complète de l’émission du sperme par éjaculation rétrograde liée à l’absence de fermeture du sphincter du col de la vessie. Enfin, certains antipsychotiques possèdent des propriétés sédatives via un antagonisme histaminique H1 pouvant interférer avec la réponse sexuelle. Le bloc alpha 1 est responsable de l’éjaculation rétrograde. Le tableau suivant issu de Compton et Miller 2001 repris par le Dr Bernard (2008) résume les différents mécanismes d’action des antipsychotiques entraînant des effets secondaires sexuels Phase du cycle sexuel Désir Excitation Orgasme Dysfonction sexuelle Selon le DSM IV Mécanisme d’action antipsychotique du traitement • Hyperprolactinémie et hypogonadisme. • Sédation due au blocage histaminique. • Blocage central dopaminergique. • Secondaire aux symptômes négatifs induits. • Facteurs psychologiques dus à la prise de poids ou à la stigmatisation Trouble de • Effet anticholinergique l’excitation sexuelle • Hyperprolactinémie et hypogonadisme Trouble érectile • Blocage dopaminergique central • Blocage adrénergique Trouble orgasmique • Blocage adrénergique Ejaculation perturbée • Hyperprolactinémie et hypogonadisme • Effet anticholinergique Désir hypoactif Aversion sexuelle 2. ATA et effets secondaires sexuels : La Clozapine a été le premier produit entraînant un faible nombre d’effets indésirables extrapyramidaux et n’entrainant pas d’hyperprolactinémie. Du fait du risque élevé d’agranulocytose, ce produit est utilisé en seconde intention dans le traitement de la schizophrénie résistante. La Rispéridone est surtout atypique à faible dose, mais peu devenir plus «conventionnelle» à fortes doses, lesquelles peuvent induire un Syndrome Extra Pyramidal. Bien que la Rispéridone soit un APA, elle augmente les taux de prolactine, tout autant que les neuroleptiques classiques. En revanche, la prise de poids est moindre qu’avec d’autres neuroleptiques atypiques. La forme à libération prolongée (CONSTA) aurait une meilleure tolérance grâce à une meilleure biodisponibilité. L’étude du Dr Troudi (2007) met donc en évidence, sans pouvoir affirmer une relation de causalité, que les patients suivis pour schizophrénie et traités par Risperdal Consta® présentent autant de trouble sexuels, notamment érectiles, que la Rispéridone orale et que les neuroleptiques classiques et donc bien plus que les autres antipsychotiques atypiques. Le changement de forme galénique ne serait donc pas à l’origine d’une diminution aussi importante des effets secondaires de la Rispéridone sur la fonction sexuelle. L’Olanzapine est atypique dans le sens où elle ne provoque pas de SEP, à faible comme à forte dose. Elle entraîne une prise de poids, sans doute à cause de ses 13 propriétés antihistaminiques et antagonistes 5HT2C. Elle n’augmente que rarement le taux de prolactine. Elle a une faible incidence de dyskinésies tardives lors d’une utilisation au long cours. La Quétiapine (Seroquel®) est très atypique dans le sens où elle n’induit pratiquement aucun SEP ni d’augmentation de la prolactine, quelle que soit la dose. Il s’agit donc du neuroleptique atypique préférentiel dans le traitement de la maladie de Parkinson et dans les psychoses. Elle est très efficace dans le traitement des symptômes positifs et négatifs de la schizophrénie. Elle parait aussi améliorer les fonctions cognitives dans la schizophrénie et les démences. L'Aripiprazole agit sur la schizophrénie grâce à son activité d’agoniste partiel sur les récepteurs D2 et 5HT1A et de son activité antagoniste sur les récepteurs 5HT2A. Elle n’induit pas de SEP ni d’augmentation de la prolactine. Elle aurait une indication particulière dans le traitement des symptômes négatifs de la schizophrénie. La Ziprazidone est dite atypique car elle induit peu de SEP et augmente plus ou moins la prolactine. Elle entraîne une faible prise de poids en raison de l’absence de propriétés anti-histaminiques, malgré un effet antagoniste 5HT2C. La Ziprazidone est le seul antipsychotique antagoniste 5HT1D, agoniste 5HT1A et inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, lui donnant ainsi des propriétés antidépressives et anxiolytiques. Elle améliore les patients résistants aux neuroleptiques classiques avec une grande efficacité sur les symptômes positifs mais aussi négatifs et cognitifs de la schizophrénie. 3. APA et Amélioration de la sexualité. Les conséquences iatrogènes néfastes des APA doivent être discutées et mis en balance avec les bénéfices directs et indirects apportés par le traitement. Malgré les effets secondaires des traitements, l’introduction des antipsychotiques a permis d’améliorer le fonctionnement social et la qualité de vie des patients en diminuant la fréquence et la durée des hospitalisations, en favorisant une meilleure intégration dans la société. Aizenberg et son équipe (1995 cité par le Dr Bernard, 2009, p 113) retrouvent une amélioration de la libido, via une augmentation de la fréquence des pensées sexuelles chez le patient traité, lorsqu’il est comparé au patient non traité. Le fonctionnement sexuel est alors favorisé directement par une atténuation voire une disparition des symptômes positifs (délire paranoïde, hallucinations), une meilleure organisation des pensées, et indirectement grâce à un soulagement de l’anxiété psychotique et de la peur dans l’intimité avec le partenaire sexuel. Une diminution du retrait social et affectif peut ainsi être obtenue. Aizenberg à partir de son étude avance de plus que chez le patient non traité, on retrouve une pauvreté des pensées sexuelles et une libido altérée, tandis que chez le patient traité par neuroleptiques, la dysfonction prend un caractère plutôt d’ordre mécanique avec des difficultés centrées sur l’obtention et le maintien d’une érection et des difficultés à l’éjaculation. Enfin l’étude CATIE citée par le Dr Bernard (2009, p 104) relativise les bénéfices sexuels des APA sur les APC en montrant que la fonction sexuelle serait altérée autant sous traitement antipsychotique atypique que classique. Il a déjà été mis en évidence que l’élévation des taux de prolactine et l’abaissement des taux circulants d’hormones gonadiques sous ces traitements sont des facteurs significativement responsables de dysfonctions. En conclusion la schizophrénie et ses traitements constituent un désavantage majeur pour la sexualité des patients. Ce constat incite à leur proposer des réponses sous peine de condamner la plupart d’entre eux au deuil de leur sexualité. Quelle est l’attitude des 14 psychiatres face aux DFS de leurs patients souffrant de schizophrénie ? Tentons d’y répondre par une enquête de terrain présentée dans le chapitre qui suit. 2ème partie : enquête. V. Objectifs et Méthodologie. A. Objectif du questionnaire : Préciser les pratiques des psychiatres concernant le diagnostic et traitement des dysfonctions sexuelles chez leurs patients schizophrènes. Des bénéfices collatéraux nous sont apparus au décours de ces interviews : • Ils ont permis d’initier des échanges nourrissant notre réflexion sur le sujet à partir de points de vue diversifiés tirés de l’expérience pratique de nos collègues. • De plus durant le semestre pendant lequel les interviews se sont déroulées, la question de la sexualité a été remise à l’honneur avec la réalisation en avril d’une table ronde ouverte à l’ensemble du personnel de notre CH autour du sujet : « Ethique et sexualité du patient schizophrène hospitalisé » dans le cadre du Comité éthique du C.H. Edouard Toulouse, 17 avril 2009. • Enfin il nous est apparu que par ces interviews nous donnions l’occasion à nos collègues de s’interroger et de revisiter cette question. B. Méthodologie : Nous avons procédé par rencontre directe des psychiatres de notre C.H. sur RV pour une interview d'une trentaine de minute guidée par un questionnaire (ci-dessous). De Janvier à juin vingt cinq interviews ont été réalisées auprès des psychiatres des services de psychiatrie adulte. Les quatre cinquièmes avaient une activité en pavillon et en CMP, les autres une activité en pavillon exclusive. Le questionnaire est composé de questions ouvertes appelant des réponses brèves et des questions fermées proposant trois options : oui, non et ne se prononce pas. Cette troisième option recouvre des « sans opinions sur la question » et des « ça dépend des situations ». Les réflexions faites par les interviewés au décours des questions ont été notées et restituées pour les plus représentatives d’entre elles sous forme de commentaires au chapitre résultats. Pour la première question visant à préciser les représentations des interviewés sur la sexualité du patient schizophrène nous avons proposés en plus des réponses spontanées, une liste de qualificatifs : Banale, ordinaire, excentrique, bizarre, pauvre, défaillante, déviante, discordante, débridée, désinhibée, à risque, fragile. Nous avons donné le nombre de citations reçu pour chaque qualificatif et ensuite le nombre pour les représentations données spontanément. C. Questionnaire : 1. Comment qualifieriez-vous la sexualité du patient schizophrène : 2. Quelles dysfonctions sexuelles rencontrez-vous dans votre pratique ? 3. Circonstances de diagnostic de ces dysfonctions ? 15 4. Pensez utiles de les dépister ? de les traiter ? Pourquoi ? 5. Quelle est votre attitude thérapeutique face à ces dysfonctions ? 6. Quelles réponses à visée sexologique pensez-vous utiles de développer ? : • dépistage systématique des troubles sexuels au cours de l’entretien psychiatrique, • informations sur la physiologie de la réponse sexuelle, • informations sur la contraception et les IST. • informations sur les effets secondaires sexuels des médicaments, • Atelier de développement des habiletés sociales. • programme psycho -éducatif centré sur la sexualité, • Cs de sexologie, • médicaments sexo actifs, autres … Résultats : 1. Question n°1 : Qualifiez la sexualité du patient schizophrène. Nombre de citations reçu pour chaque qualificatif énoncé à l’interviewé : Banale : 7 Ordinaire : 6 Excentrique : 0 Bizarre : 2 pauvre : 9 Déviante : 0 Défaillante : 3 Discordante : 3 Débridée :1 A risque : 5 (surtout pour les femmes ont ajouté plusieurs interviewés) Fragile : 2 Autres qualificatifs ou expressions exprimés : Homosexuelle : 2 Masturbatoire : 2 Archaïque : 1 Asexuelle : 1 Utilisant la prostitution : 2 A l’origine de choix d’objet sexuel inappropriés (choix intrafamiliaux) : 2 Pulsionnelle : 1 Embarrassante et encombrante : 1 Compliquée : 1 Désorganisée : 1 Empêchée : 1 Dépendante du patient et de la sévérité de sa pathologie : 1 A l’image de sa pathologie : 1 Désérotisée : 1 De décharge opportuniste : 1 Absente : 1 Commentaires : A l’image de la maladie qui est à l’origine d’une grande diversité clinique, une grande variété de qualificatifs sont retrouvés desquels émergent les qualificatifs pauvre ensuite 16 banale ordinaire et à risque. Ce qui est relativement cohérent avec les descriptions retrouvées dans notre revue de la littérature. 2. Question n°2 : DFS rencontrées. Dysérection : 10 Ejaculation prématurée : 2 Baisse libido : 8 Anejaculation : 3 Aménorrhée : 2 Frigidité : 1 Désintérêt : 2 Commentaires : Peu de cas de DSF relaté par les praticiens interviewés ce qui apparaît étonnant au regard des chiffres de prévalence. Ce point est discuté au chapitre suivant et procède probablement du peu de plaintes spontanées exprimées par les patients mais aussi du faible intérêt des psychiatres pour les DFS qui restent très peu investiguées. Les problèmes d’érection et de libido sont très largement en tête. 3. Question n°3 : circonstances de diagnostic. Plaintes spontanées : Seulement la moitié des interviewés relatent des plaintes spontanées. Ce qui confirmerait le faible taux de plaintes spontanées. L’un des interviewés n’était guère étonné et expliquait ce peu de plaintes de DFS par l’absence de sexualité chez la plupart de ses patients qui de plus leur faisait l’économie d’éventuelle souffrance sexuelle et ainsi masquait des DFS potentielles. Un autre pointe que ce sont surtout les femmes qui se plaignent peu sauf quand elles veulent un enfant. L’un des interviewés suggère à partir de son expérience de systématiquement interroger les DFS quand un patient conteste son traitement. Un autre soulignait que derrière une banale plainte « je suis fatigué » pouvait se cacher en réalité : « je suis impuissant » et qu’il appartenait alors au psychiatre d’entendre la plainte derrière une « non plainte ». Derrière une plainte, la difficulté, pointe un autre, est de savoir ce qu’il demande et ce dont il a besoin. Recherche systématique au cours de l’entretien Pour cinq interviewés. Information sur les EII des traitements : pour 7 interviewés. La plupart exprime des réserves sur une telle information : « De toute manière ils lisent la notice » ajoute deux interviewés. Trois ont exprimé leur crainte d’induire une réticence à la prise du traitement voir même d’induire les effets secondaires annoncés au préalable au patient. Informations données par l’équipe soignante : Pour deux interviewés. 4. Question n°4 : pensez-vous utiles de les dépister ? De les traiter ? Pourquoi ? L’ensemble des collègues pense que oui les arguments retrouvés sont : • « Ca participe à l’équilibre général ! » • « Ca fait partie de la vie ! » • « C’est notre travail de soulager la souffrance ! » • « Permettre l’accès à une sexualité. » Malgré ce oui massif plusieurs ont relativisé leur position : un collègue plaidant finalement pour une position de « Neutralité » arguant que les DFS font partie intégrante de la psychose. Un autre finalement s’avère septique sur le dépistage systématique considérant que cela risquait de ramener à la conscience du patient une douleur supplémentaire celle de ses défaillances sexuelles alors même que l’on ne 17 pourrait pas y faire grand chose. De plus ce oui massif est quelque peu discordant avec le peu de moyen diagnostic et thérapeutique mis en œuvre et le peu de cas relaté de DFS par nos collègues lors des interviews ainsi que le peu de succès de la recherche systématique des DFS retrouvé dans notre enquête. • • • • • • • 5. Question n°5 : attitude thérapeutique (réponses utilisées). Diminution du traitement NL (neuroleptique) : pour 20 interviewés. Remplacement d’un NL classique par un APA (antipsychotique atypique:zyprexa, riperdal) : pour 6 interviewés. Consultation de sexologie : pour 3 interviewés. Invitation à patienter : pour 1 interviewé. Rencontre du partenaire sexuelle : pour 2 interviewés Viagra : pour 2 interviewés. Cyalis : pour 1 interviewé. 6. Question n°6 : réponses à développer. dépistage systématique des troubles sexuels au cours de l’entretien psychiatrique : OUI : 3 NON : 10 Ne se prononce pas : 12 : « ça dépend » en particulier de la sévérité de la pathologie psychiatrique : oui si le patient est accessible, non si le patient est en phase de pathologie active m’ont précisé deux interviewés. Informations sur la physiologie de la réponse sexuelle : OUI : 4 NON : 16 l’argument revenant le plus peut s’énoncer : il s’agit d’un problème de désir et non d’information. Ne se prononce pas : 5 Informations sur la contraception et les IST : La plupart des interviewés y sont favorable. Cependant trois non sont retrouvés. Informations sur les effets secondaires sexuels des médicaments : OUI : 8 NON : 5 Ne se prononce pas : 13 Est retrouvée l’ambivalence des interviewés notée au chapitre « Circonstances de diagnostic » trois groupes se dégagent: les tenants du non redoutant l’induction d’effets secondaires et d’inobservance, les réservés qui pensent que c’est affaire de cas particuliers et les tenants du oui considérant le devoir d’information comme essentiel. Programme psycho éducatifs centré sur la sexualité et les habiletés sociales : OUI : 4 NON : 18 Ça dépend : 3 Cette réponse thérapeutique rencontre beaucoup d’hostilité et de réserve probablement due à sa connotation comportementaliste dans un milieu ou la référence analytique est forte (Haon Marie-germaine, 1973). C’est un problème de désir inhérent à la psychose et non d’information ou d’éducation avance un interviewé. Cs de sexologie : OUI : 6 NON : 3 Ne se prononce pas : 16. 18 Les interviewés hostiles considèrent que le spécialiste de la psychose qu’est le psychiatre est le mieux placé pour appréhender les problèmes de sexualité du schizophrène qui sont très spécifiques. La grande majorité n’a jamais eu l’occasion de la prescrire et ne se prononce pas. médicaments sexo actifs : OUI : 4 NON : 10 Ne se prononce pas : 11 Les arguments avancés pour les tenants du non (hostilité très vive pour certain :« certainement pas ») : risque de dépersonnalisation , aggravation psychique, « c’est pas une affaire de médicament », « non ce n’est pas un problème d’érection mais de désir », « si c’est une tentative d’être dans la normalité ça débouchera sur un échec », « y a pas à répondre à toutes les demandes en matière de sexualité », « y a pas d’études ni de recul », « A quoi sert une érection si il n’y a pas le reste avec ?». Parmi les autres commentaires retrouvés : «c’est au sexologue de les prescrire», et « faut veiller à la qualité de la relation de couple quand de tels médicaments sont préconisés». autres : D’autres suggestions sont faites : en parler en réunion communautaire, l’utilisation de vitamines B1B6 (6cp/jr), des permissions pour les patients hospitalisés, alléger d’abord la souffrance due aux symptômes schizophréniques, le recours à l’urologue… Un interviewé insiste sur la globalité et la précocité de la prise en charge tant qu’il y a de la « fluidité » et avant qu’il ne soit « enfermé dans sa pathologie ». A travers les opinons exprimées au sujet des réponses à développer ressort une nette hostilité envers le dépistage systématique et les réponses psycho-éducatives. Plusieurs interviewés ont rappelé l’adaptation des traitements psychotropes mais insistent sur la prudence dés lors qu’il s’agit de toucher aux traitements : la stabilisation de la psychose prime ajoutent ils. 7. Opinions exprimées au décours des interviews : Au décours des interviews a été abordée la question de l’accès au couple et à la parentalité comme potentiel facteur de décompensation (« comme tout changement » ajoute un interviewé): pour certains interviewés la paternité est une épreuve fragilisante. Pour d’autres elle témoigne d’une évolution clinique favorable et elle serait un élément stabilisateur et protecteur. L’amélioration constatée à l’occasion d’une maternité est mis en lien avec l’implication du conjoint et l’intégration de la réalité de la maladie et de sa prise en charge dans le nouvel équilibre familial. Dans la majorité des situations il s’agit de « rester neutre sans vouloir pour l’autre » précise un interviewé. La schizophrénie insiste un autre c’est « la difficulté à la rencontre…Le repli ; le négativisme et l’apragmatisme sont des évitements de la rencontre qui est trop anxiogène ». Si le patient est jeune et a déjà bien fonctionné en couple, meilleure sera le pronostic ajoute un autre, et encore « y a pas à intervenir…ou à vouloir à la place de l’autre… », « Ne faut-il pas les laisser tranquilles avec cette question ?» s’interroge un autre. D. Synthèse. Le polymorphisme et la singularité des situations livrées par les interviewés rend difficile des réponses tranchées et brèves telles que l’exige mon questionnaire. Dans le discours de la plupart des interviewés la question DFS apparaît comme un problème secondaire souvent non abordée directement en consultation en tant que tel. Dans la pratique courante peu de moyens diagnostiques et thérapeutiques semblent être mis en œuvre pour les DFS. 19 1. Peu de cas cités de DFS et peu de plaintes spontanées. Cette enquête retrouve peu de situations de DFS rapportées par les interviewés contrastant avec la forte prévalence des DFS retrouvées par les différentes études. De plus nous trouvons une nette hostilité envers le dépistage systématique et les réponses psycho-éducatives. Hypothèses explicatives : Dans son travail de thèse le Dr Gorin-Lazard (2008, p 13) énumère les raisons suivantes : 1. désintérêt des psychiatres pour la sexualité. 2. Manque de temps et de connaissances sexologiques. 3. crainte qu’aborder la question de la sexualité soit perçue comme un encouragement à la sexualité qui peut être source de décompensations. 4. Les cliniciens estimeraient que parler de sexualité avec les patients schizophrènes n’apporterait pas d’information fiable. 5. D’autres considèreraient que parler d’éventuels effets indésirables sexuels aux patients psychotiques pourrait induire une réticence vis-à-vis du traitement voire que l’information elle-même pourrait contribuer à la survenue de troubles sexuels. 6. l’inutilité et les risques de la démarche : pourquoi dépister des dysfonctions sexuelles que l’on ne saurait traiter ? Nous pourrions rajouter les réflexions suivantes qui sous tendent l’ambivalence rencontrées vis à vis de l’abord de la question de la sexualité en consultation : • C’est à eux d’en parler ! • La sexualité : c’est pour les biens portants ! • Ca peut faire décompenser ! • Laissons les tranquille avec ça !…. • Ca appartient à leur intimité ce n’est pas notre affaire ! • Ca risque d’induire des jeux de séduction ! (quand on est un psychiatre femme le patient peut le vivre comme des avances, nous livre une interviewée). Patin (1998) avance une autre hypothèse au fait que la question de la sexualité est peu abordée en consultation : celle du principe de neutralité affective qui « qualifiée de bienveillante associé à la non directivité définissent la relation thérapeutique. Interroger le patient sur ses relations sexuelles est alors interprété comme une intrusion dans sa vie privée, une entrave à sa liberté ». Nous pouvons faire l’hypothèse que ce faible taux de plaintes spontanées et que le peu de place qu’occupe l’évaluation de la sexualité en consultation sont à l’origine d’une prise en charge insuffisante des dysfonctions sexuelles. Nous formulons aussi l’hypothèse que la place que fera le praticien à la sexualité dans sa consultation dépend de la propre place qu’occupe sa sexualité dans sa vie. Ce faible taux de plainte spontanée des patients, associé à une forte prévalence des DFS doit inciter le praticien à aborder la question. 2. Sexualité : facteur de décompensation ? Certains interviewés appellent à la prudence d’autres témoignent d’amélioration : ce point semble être aussi une source d’ambivalence et de réserve quand à l’investigation du domaine de la sexualité. Il est important de souligner qu’aucune étude ne signale de cas de décompensation psychotique liée à l’instauration d’un tel dialogue. Enfin Il faut 20 préciser que la majorité des études de prévalence s’intéresse aux patients stabilisés et qu’il semble peu approprié d’évaluer le fonctionnement sexuel des Patients délirants (Gorin-Lazard, 2008, p 31). Le tact, le discernement du praticien, sa capacité à nouer et gérer une relation thérapeutique bienveillante prennent là tout leur sens comme nous allons le voir dans le chapitre suivant où seront développés les progrès diagnostics et thérapeutiques en sexologie qui devraient largement profiter à nos patients. 3ième partie : diagnostic et traitements des DFS. Ce diagnostic s’adresse au patient stable, accessible à l’entretien. Il s’agit d’abord d’un diagnostic d’interrogatoire qui sera réalisé avec tact discernement sensibilité. L’entretien se voudra donc non intrusif respectueux des défenses du patient et adapté à ses possibilités cognitives. Dés lors le sujet de la sexualité pourra être abordé avec des questions explicites précises qui pourront ainsi rencontrer la réalité douloureuse de la sexualité du patient schizophrène dont la plainte pourra être exprimée et entendue. Il est important aussi de respecter la non plainte ou la non demande du patient qui alors aura la possibilité d’y revenir ayant repéré l’ouverture de son psychiatre à la question de la sexualité. VI. Diagnostic des dysfonctions sexuelles. A. Aborder la question de la sexualité. La forte prévalence des difficultés sexuelles chez les patients qui de plus s’en plaignent peu spontanément, les répercussions sur la compliance et leur qualité de vie associées au désir de dialogue des patients (Amétépé et al 2003) devraient inciter les cliniciens à évoquer la question de la sexualité avec leurs patients (Kelly and Conley, 2004). 1. Connaître le lien à la sexualité de son patient : Une manière d’aborder la question et d’offrir un espace de disponibilité à son patient au sujet de sa sexualité est de s’intéresser à son « statut sexuel » : quel est son lien à la sexualité ? : A t il une activité sexuelle ? De couple ? Solitaire ? Fréquence ? Sinon a t il des pensées sexuelles ? A t il noté des changements plus ou moins récent dans sa réponse sexuelle (désir, érection, orgasme, éjaculation…). A quoi les attribue t il ? A la maladie ? Au traitement ? A sa partenaire ? A des événements de vie ? S’il n’a pas de sexualité : comment le vit il ? En ressent il le besoin ? Des questions non insistantes mais suffisamment précises permettrons d’orienter vers d’éventuelles DFS et donnerons l’opportunité au patient de se dire au plus prés de sa difficulté et au praticien d’ouvrir la porte de l’échange en laissant libre son patient d’y rentrer. 2. Informer et interroger sur la survenue d’éventuels effets secondaires sexuels. Une autre manière d’aborder la question est de le faire à partir du devoir d’information du psychiatre. En effet ce dernier est tenu de prévenir son patient de l’éventualité de survenue d’effets secondaires, notamment sexuels. Si le psychiatre ne l’informe pas, il est probable que devant son désarroi sexuel souvent vécu avec honte culpabilité et résignation le patient s’enfermera dans son silence et envisagera d’arrêter son traitement. Il s’agit d’avertir le patient que son traitement est susceptible d’interférer avec sa réponse sexuelle afin que le patient ne s’en inquiète pas exagérément et sache en parler : 21 dans la plupart des cas ces désagréments sont passagers et si ils étaient trop gênant et persistant il est important que le patient sache que des solutions existent : dés lors les conditions sont crées pour qu’il en parle à son psychiatre. Dr Bernard (2008, p 195) dans son travail de thèse conclue « Il semble indispensable pour cela de s’autoriser à poser la question au patient afin que celui-ci s’autorise à son tour à évoquer un sujet si intime, mais si lourd de conséquences s’il est altéré. Le patient doit être informé dès la mise en place du traitement voire avant, non seulement des effets secondaires possibles, mais aussi des alternatives thérapeutiques existantes afin d’y remédier. » B. Evaluer les DFS : 1. Explorer la place de la sexualité dans la vie du sujet. Son importance donne tout son sens à l’évaluation sexologique. Le non intérêt pour la sexualité d’un patient ne ressentant pas de souffrance limitera l’entretien d’autant que ce premier abord non intrusif signifiera pour le patient que son psychiatre est ouvert à cette question ainsi il pourra facilement y revenir quand il le souhaitera. A ce propos citons une étude de Friedman et Harrison (1983 cité par Troudi, 2006, p.12) dans laquelle près de 45 % des patients schizophrènes étudiés se disent être satisfait de leurs relations sexuelles (87 % dans le groupe témoin), même si 40 % des patients interrogées disent n’avoir aucun désir sexuel (7 % dans le groupe témoin). Si au contraire cette place de la sexualité est importante: il s’agira de préserver une sexualité vécue comme essentielle pour le sujet, il en va de l’observance et la qualité de vie du patient (Tardieu, 2006). 2. Situation problème et état sexuel antérieur : Comme nous le rappelle MH Colson (2009) : l’une des règles de base en Sexologie, est de faire décrire, très concrètement, la situation qui pose problème en veillant à n’être ni intrusif ni persécuteur s’agissant de patient schizophrène. Il est utile de partir de l’état sexuel antérieur du patient avant d’aborder la description de son symptôme sexuel, cependant la schizophrénie étant une maladie de l’adulte jeune il se peut que la sexualité adulte n’ait pas eu le temps de se mettre en place. L’état sexuel antérieur et la satisfaction qui s’y attache, servent de point de départ et de référence à l’objectif thérapeutique. Une description du symptôme, et plus précisément de l’ensemble de la situation qui pose problème, permettra de mieux le définir, de mieux y accéder, sans oublier qu’un symptôme peut en cacher un autre. 3. Contexte de survenue de la DFS. Concernant le symptôme sexuel MH Colson (2009, p3) poursuit: « Il n’est pas possible de l’analyser sans prendre en compte à la fois l’individu qui en est porteur, le contexte fantasmatique et symbolique, événementiel, social et culturel, dans lequel il prend naissance et va se résoudre ou s’ancrer, et les données affectives et relationnelles qui lui donnent tout son sens » même si ce contexte peut se trouver appauvri par la maladie schizophrénique il est à prendre en compte. Elle nous rappelle que la DFS apparaît chez un individu en relation ou non avec une partenaire, ayant une biographie (carence affective, abandon, traumatismes affectifs et / ou sexuels, deuils …), des croyances, des attentes, des fantasmes…et vivant dans un contexte socio événementiel qui lui est propre. Les évènements de vie source de DFS renvoient le plus souvent à une perte (décès, rupture, perte d’un emploi…) et constituent autant de facteurs de maintien ou de renforcement du symptôme, qu’il faudra explorer minutieusement. 22 Interviennent aussi : les conditions de son apprentissage sexuel, la richesse de son imaginaire sexuel et de son aptitude à diversifier son comportement sexuel, son univers érotique et sensuel. Ces éléments seront autant de facteurs, positifs ou non, d’adaptation et de résolution des problèmes, ainsi que sa capacité relationnelle et de recherche de soutien social. IL s’agira donc systématiquement de recontextualiser la dysfonction du patient : ce contexte qui interfère avec le symptôme sera à préciser et analyser : il donnera sens au symptôme. De cette analyse des pistes psychothérapeutiques pourrons se dégager. 4. Symptôme et couple. Si le symptôme prend naissance au sein d’un couple, c’est au sein de ce couple qu’il pourra s’aggraver ou se résoudre. L’attitude du partenaire face à la dysfonction, sa propre fragilité éventuelle affective, psychologique ou simplement sexuelle, la dynamique de couple et la nature du lien, jouent un rôle majeur dans la possibilité de résolution des difficultés. Il apparaît alors essentiel de proposer de recevoir le partenaire dans le cadre de l’évaluation d’une DFS. Cette consultation pourra déboucher sur des proposition de thérapie de couple. 5. Le symptôme dans sa dynamique. Comme le précise MH Colson (2009, p4) décrire le symptôme, c’est aussi « l’inscrire dans sa durée, lui attribuer un début pour laisser au patient la possibilité d’y entrevoir une fin. C’est l’appréhender dans ses modalités d’expression concrète (où, quand, comment) sans trop chercher à répondre immédiatement au « pourquoi » qui cache derrière le questionnement incessant et culpabilisé du patient son impossibilité à accepter le symptôme. Ses circonstances de survenue, ses modalités de début, son installation primaire ou secondaire, sa répétition, systématique ou occasionnelle, avec quel partenaire …, sont riches d’enseignements sur la présence ou non d’une épine irritative organique, et donnent aussi des éléments d’orientation sur l’étiogenèse des troubles. » 6. Iatrogénie et DSF . La grande fréquence de la iatrogénie sexuelle des médicaments notamment psychotropes amènera systématiquement à la rechercher dans l’évaluation d’une DFS. Citons les classes médicaments les plus souvent en cause dans une DFS : •Psychotropes - Anxiolytiques - Antidépresseurs - Antipsychotiques - Hypnotiques •Anti-cancéreux •Anti-cholinergiques •Anti-histaminiques •Anti-hypertenseurs •Anti-arythmiques •Diurétiques •Hypolipémiants (fibrates) •Hormones / Anti-H. •Opiacés •Drogues illicites •GABA ( benzodiazépines, barbituriques , alcool ) 23 Concernant les psychotropes, ils peuvent affecter la réponse sexuelle à tous les stades. Pour leur imputer le DFS il faut qu’il y aie rapport chronologique avec le début du traitement, ce qui suppose avoir précisé le fonctionnement sexuel antérieur (fréquence des rapports, D.S.préexistante, conjugopathie…) car il n’est pas toujours aisé de distinguer ce qui résulte du traitement de ce qui découle de la maladie elle même ou de ses conséquences sur la/le partenaire ou des facteurs non pharmacologiques contemporains du début (événement de vie, conflits..).La première recommandation, avant d’envisager une adaptation de traitement qui devra très prudente et chez le patient schizophrène stabilisé, est donc de vérifier ce rapport chronologique entre la mise en route du traitement et le début des troubles sexuels. Les Médicaments les plus souvent en cause à coté des psychotropes sont : les médicaments de l’HTA, les Hypolipémiants et les Anti-androgènes. C. Examens somatiques et biologiques : Ils viseront à éliminer les grandes causes somatiques de DFS et seront à discuter en fonctions des éléments d’orientation clinique. Nous rappelons les fréquentes comorbidités somatiques associées à la schizophrénie et en particulier le syndrome métabolique source de DFS. Si besoin le psychiatre pourra s’appuyer sur ses correspondants spécialistes (urologue, cardiologue…) et le généraliste traitant du patient. Peuvent être utiles (Florence Cour et col, 2005) : 1. Examen clinique : Il recherchera : • Troubles du sommeil (apnées du sommeil) • Traitements en cours • Anxiété de performance sexuelle • Événements de vie dans les 3 à 6 mois • Difficultés de couple, absence de partenaire • • • • a) Des Facteurs de risque cardio-vasculaires Surcharge pondérale, Périmètre abdominal, Sédentarité Tabagisme Dyslipidémie b) Une pathologie Uro-génital: • • • • Testicules Pénis TR après 50 ans Seins c) Une pathologie cardio-vasculaire : • • • TA, Pouls périphériques, Souffle artériel, 24 d) Une pathologie neurologique (SEP, parkinson…): • • Réflexes, Sensibilité des membres inférieurs. 2. Examen Biologique : Il appuiera l’examen somatique dans la recherche des comorbidités somatiques souvent associées à la schizophrénie : • Un diabète : glycémie à jeun* + ou – Hb A1C (si diabète connu) • Une dyslipidémie : bilan lipidique* • Une pathologie prostatique : dosage du PSA total si sujet âgé de plus de 50 ans, ou si on envisage une androgénothérapie ou si sujet avec antécédents familiaux de cancer à partir de 45 ans • Un déficit androgénique chez les patients présentant des facteurs de risque tels que maladie chronique (diabète, insuffisance rénale …) ou des signes cliniques évocateurs (diminution du désir sexuel et des érections nocturnes …) Les modalités préconisées pour un tel dosage sont : Dosage de la testostérone biodisponible le matin entre 8h et 11h en dehors de période de pathologie aiguë et avant tout traitement androgénique Si dosage inférieur à la normale faire un contrôle par un deuxième dosage + dosage de la LH 2 à 4 semaines après ? Il est également recommandé de doser la prolactinémie, à cause de l’effet hyperprolactinémiant des neuroleptiques. Sans oublier un bilan sanguin de base : NFS, ionogramme, et bilan hépatique s’il n’y a pas eu de bilan depuis 5 ansLes DFS sont plurifactorielles conjuguant facteurs organiques et psychologiques. Comme le précise MH Colson (2009) « l’élément organique quand il est présent, est un point d’appui sur lequel va s’ancrer le symptôme pour devenir maladie. Les grandes pathologies chroniques comme le diabète, les neuropathies en général, les altérations de la microcirculation, les états dépressifs, les carences hormonales, certains médicaments … agissent sur la sexualité en modifiant les repères sexuels habituels de l’excitation et du plaisir. Face à une perception diminuée ou à une réponse sexuelle différée dans son expression, le sujet est souvent pris au dépourvu et peut avoir du mal à ajuster ses attentes, ses cognitions, son comportement, de manière à s’installer dans une sexualité différente, remodelée dans son expression, et pourtant porteuse du même sens de plaisir partagé et d’échange sensuel, sexuel. » VII. Traitement des dysfonctions sexuelles chez le patient schizophrène : quelles réponses ? A. Pourquoi répondre ? 1. Enjeux éthiques : Au moment ou la législation prône un droit à l’intimité et à la compensation du handicap (loi du 11 février 2005, Loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 relatives aux droits fondamentaux des personnes handicapées) il apparaît opportun de repérer et de lever les obstacles sanitaires à l’exercice de ce droit à l’intimité dans sa dimension sexuelle et amoureuse. De plus nous avons insisté sur le génie évolutif déficitaire de la maladie schizophrénique qui amène un grand nombre de patients à faire le deuil d’une vie 25 professionnelle et familiale. Doit on aussi les laisser faire le deuil leur sexualité alors même que l’état de nos connaissances et réponses médicales permettrait de la préserver ? Nous citerons aussi un extrait de la déclaration d’ANTIGUA 2000 relative au « Comportement sexuel responsable » (PAHO/OMS/WAS) Une communauté favorise des comportements sexuels responsables en fournissant les connaissances, les ressources et en défendant les droits dont les individus ont besoin pour avoir une telle conduite” (PAHO/OMS, WAS, 2000). “Le comportement sexuel responsable », précise la déclaration «est exprimé aux niveaux individuel, interpersonnel et communautaire. Il comprend l’autonomie, la réciprocité, l’honnêteté, le respect, le consentement, la protection et la poursuite du plaisir et du bien-être... » Il s’agira donc de mettre en place des réponses permettant la mise à disposition de ces connaissances et ressources qui permettront « des comportements sexuels responsables ». Les ateliers psychoéducatifs présentés ci-dessous pourraient répondre à cet objectif. Enfin des notions comme la qualité de vie et celle de santé sexuelle commencent à être définies et mises en avant. 2. Préserver la santé sexuelle et la qualité de vie des patients. Désormais l’évaluation de la qualité d’une réponse soignante doit tenir compte du concept de santé globale et non pas simplement du « silence des organes » selon la célèbre formule du chirurgien René Leriche. La santé est « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité » nous précise l’OMS. Dés lors, le concept de qualité de vie devient pertinent comme paramètre d’évaluation des systèmes de soins, notamment pour les patients atteints de pathologies psychiatriques chroniques. La qualité de vie toujours selon l’OMS est « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes ». S’agissant d’une perception son évaluation ne peut alors être que subjective. La santé sexuelle, définie par l’OMS (conférences de Genève de 1972 et 1974) est désormais considérée comme une composante du concept de qualité de vie. Plusieurs études citées par Tardieu (2006) et par le Dr Gorin-Lazard (2008) établissent l’impact des dysfonctions sexuelles sur la qualité de vie des patients schizophrènes (Chan, 2003 ; Hellewell, 2002 ; Lambert et al, 2003) les dysfonctions sexuelles seraient, avec les effets extrapyramidaux et la prise de poids, l’un des facteurs les plus délétères sur la qualité de vie des patients schizophrènes (Ghadirian et al, 1982 ; Mitchell, 1982 ; Smith et al, 2002 ; Lambert, 2004). Enfin, toujours cité par le Dr Gorin-Lazard l’étude de Olfson et al (2005) met en évidence une corrélation entre dysfonctions sexuelles et diminution de la qualité de vie (p=0.01). Ainsi, conclut elle « alors que la politique de soins des patients souffrant de schizophrénie s’oriente désormais vers la réhabilitation sociale et l’amélioration de la qualité de vie, il semble important de tenir compte de leur intimité dans le cadre d’une prise en charge globale. » car déclare Tardieu « l’activité sexuelle et la satisfaction sexuelle contribuent donc de manière importante à la qualité de vie d’un sujet » (Tardieu et al 2006). Dupras (1996) parle de « reconnaître les besoins sexuels des patients hospitalisés si l'on veut améliorer leur qualité de vie ». Mais il précise que « cette reconnaissance se révèle toutefois problématique puisqu'elle dépend grandement des attitudes du personnel face à ce qui est acceptable et approprié »….Dupras poursuit : « une approche axée sur la qualité de vie sexuelle ne cherche pas nécessairement à faire acquérir des attitudes 26 permissives…Elle propose plutôt d'amener l'intervenant à être capable de savoir si l'exercice de la sexualité pour un patient est plaisant ou déplaisant, apaisant ou troublant, structurant ou déstructurant, inoffensif ou dangereux. Les interventions sexologiques du personnel soignant ne cherchent pas à conjurer la sexualité des patients par la réglementation et par la normalisation, mais à éduquer les patients tout en améliorant leur sexualité. Dupras propose l'élaboration d'une politique institutionnelle sur la sexualité à partir d'une conception positive en termes de qualité de vie sexuelle à améliorer. 3. Observance : Nous avons précisé dans la première partie de ce mémoire l’enjeu majeur de l’observance à partir du drame évolutif que peut constituer la rechute qu’induit l’arrêt des traitements antipsychotiques chez le PS (réhospitalisation, aggravation de la symptomatologie déficitaire, désinsertion…). Le suivi régulier et l’observance au long cours sont donc essentiels afin d’éviter ces rechutes et cette évolution. Il apparaît que la prise en compte de la sexualité ait un impact favorable sur l'observance (Tardieu, 2006) et donc la prévention de ces rechutes qui accentuent l’évolution déficitaire. Dans son travail de thèse le Dr Bernard (2009) constate que plus de la moitié de son effectif a perçu que son entrée dans la maladie psychotique avait eu un impact négatif dans sa sexualité. Ils l’attribuent en premier à l’influence néfaste du traitement, avant même d’envisager l’impact de la maladie sur leur sexualité. De là, ce travail a permis également de mettre en lumière le retentissement défavorable du trouble sexuel sur les soins proposés au patient schizophrène. Malgré l’amélioration de la qualité des soins, de la disponibilité de traitements antipsychotiques de mieux en mieux tolérés, la dysfonction sexuelle persiste à une fréquence non négligeable et elle peut être responsable d’une interruption intempestive du traitement antipsychotique. En cas de dysfonction sexuelle, elle constate que la compliance au traitement sera altérée si le patient présente une mauvaise conscience de l’intérêt de son traitement et qu’à l’inverse cette compliance sera favorisée si le patient présente un insight élevé. A partir de quoi le Dr Bernard isole un groupe de patients à risque d’arrêt des soins et donc de rechute : le groupe de patient présentant une dysfonction sexuelle ayant une conscience insuffisante de l’intérêt du traitement. Nous rappelons l’importance d’aborder la question avec son patient de l’éventuelle survenue d’effets secondaires, notamment sexuels. Si le psychiatre ne l’informe pas, il est probable comme nous l’avons dit plus haut que devant son désarroi sexuel souvent vécu avec honte culpabilité et résignation le patient s’enfermera dans son silence et envisagera d’arrêter son traitement. Afin d’améliorer le niveau d’observance du traitement, il est recommandé de rigoureusement respecter les étapes suivantes (Lilleleht et Leiblum 1993 cité par Bernard p 185) : alerter le patient quant aux effets secondaires possibles sous traitement, obtenir l’histoire de la sexualité du patient et de son état actuel, préthérapeutique, encourager le patient à rapporter les effets secondaires sexuels aussi tôt que possible, rassurer le patient le cas échéant et prendre les mesures adéquates pour corriger cet effet indésirable. Nous décrirons ces mesures adéquates dans le chapitre « traiter » ci-dessous. 27 4. Resocialisation : Nous postulons a partir de la conception psychanalytique du désir sexuel c’est à dire de la libido (Brenot, 2004, p 380, Pontalis J.-B., vocabulaire de la psychanalyse, PUF, Paris, 1967) que cette dernière est la principale force resocialisante qui pousse à sortir de soi pour aller vers l’autre et à s’engager dans des activités et des relations sociales. Nous postulons donc que se préoccuper du désir sexuel malmené par la maladie schizophrénique et ses traitements c’est aussi lutter contre le repli social qui fait la gravité de la schizophrénie. B. Eduquer et informer. 1. Informer les patients sur la sexualité. Il s’agit d’une population vulnérable, souvent peu informée quant à la sexualité comme le montre l’étude de Rozensky et Berman (1984, cité par le Dr Bernard, 2009, p 79) qui conclue que la sexualité du patient schizophrène est marquée par l’ignorance et les fausses croyances. Il ressort de cette étude que les patients ne possèdent pas la connaissance de l’anatomie et de la physiologie génitale élémentaire (43% pensent que l’éjaculation survient dans les deux sexes, 22% seulement sont persuadés qu’hommes et femmes possèdent un anus). En 1977, Kempton (cité par Chaussée Caroline, 2006) énonce les droits, sur le plan sexuel, dont doit bénéficier la personne présentant un déficit : Parmi ces droits l’information et l’entraînement aux habiletés sociales figurent en bonne place : • 1. recevoir un entraînement aux comportements socioculturels dans le but de favoriser son intégration sociale; • 2. accéder à toutes les connaissances sexuelles qu’elle est en mesure de comprendre; Auxquels il rajoute : • 3. aimer et être aimé par une personne du sexe opposé, incluant l’accomplissement sexuel; • 4. exprimer ses impulsions sexuelles selon les formes socialement acceptées; • 5. obtenir des services de planification des naissances appropriés à ses besoins; • 6. se marier; • 7. participer à la décision d’avoir ou de ne pas avoir d’enfant; • 8. recevoir des services de soutien lorsque ceux-ci s’avèrent nécessaire à l’expression des précédents droits. L’acquisition d’une telle connaissance pour ses personnes représente un facteur majeur de prévention, de réadaptation et de rémission de la maladie, en leur permettant d’accéder à un fonctionnement social adéquat avec les modèles établis par la société. Elle permet également la prévention de la victimisation sexuelle, autre problème particulièrement présent dans cette maladie (Bernard, 2008, p184). Ainsi, il ne s’agit donc pas uniquement de dépister d’éventuelles dysfonctions sexuelles mais aussi d’offrir aux patients qui le souhaitent un espace de parole et un lieu d’informations voir des approches plus structurée comme l’approche psycho éducative.L’approche psycho éducative appliquée à la schizophrénie. Ce n’est pas une approche spécifique aux DFS mais adjuvante aux réponses médicales détaillées au chapitre « traiter » qui répond à la problématique de déficit relationnel et de l’apragmatisme sexuel du patient schizophrène contingente des DFS. Il nous est apparu intéressant de citer cette réponse car rétablir une fonction tout en laissant un patient dans l’ignorance et l’apragmatisme nous semble ne pas avoir de sens. Ce problème de déficit de connaissances et d’habiletés sociales s’exprime largement dans 28 la sphère sexuelle et peut trouver réponse dans cette voie originale mais très controversée (CF enquête partie II) qu’est l’approche psycho éducative qui souvent doit être précédée de techniques de « remédiation cognitive » qui consistent à ré entraîner les fonctions cognitives déficitaires afin de rendre plus accessible aux patients ces programmes psycho éducatifs. Cette approche englobe l’éducation (pôle pédagogique), l’accompagnement et le soutien émotionnel (pôle psychologique), l’apprentissage d’habiletés pour gérer la maladie et la vie personnelle (pôle comportemental) tirés des techniques cognitivo-comportementales (Maillard, 1992). Divers domaines de compétences sociales sont abordés: mieux comprendre ses symptômes, obtenir de l’information sur les neuroleptiques, résoudre des problèmes interpersonnels (Liberman, 1991 cité par Hervieux, 2008, p 40). A été développé sur Marseille dans le service du Pr Lançon (Hervieux, 2008) le Programme de Renforcement de l’Autonomie et des Capacités Sociales (PRACS). C’est un programme psychoéducatif centré sur les problèmes de la quotidienneté (la gestion de l’argent, la gestion du temps, le développement des capacités de communication et des loisirs, la présentation de soi…). Il apparaît souhaitable que de tels programmes intègrent aussi un module sur la sexualité à partir des thèmes ci-dessous. 3. Des exemples de programmes et d’ateliers d’éducation sexuelle. Mmes Chaussée et Desjardins ont animé des ateliers d’éducation à la vie sociale et sexuelle aux jeunes adultes atteints de schizophrénie dans la région de Montréal. Le programme a été pensée et conçu autour des thèmes suivants (Chaussée Caroline et Desjardins France,2006 )•la séduction, •les différences entre l’amitié et l’amour,. •la communication dans le couple, •l’intimité, •l’égalité dans le couple, le respect de soi et de l’autre dans une relation amoureuse, •l’anatomie, la contraception, la réponse sexuelle, la masturbation, le cycle menstruel, les dysfonctions sexuelles, l’industrie du sexe. Ces ateliers visent plusieurs objectifs : •augmenter la connaissance et le confort en sexualité chez les participants; •aider les participants à identifier et clarifier leurs valeurs et attitudes sur la sexualité; •aider les participants à acquérir l’habileté pour prendre des décisions en lien avec la sexualité; •surmonter les difficultés reliées aux dysfonctions sexuelles versus les médicaments; •prévenir la détérioration de leur fonctionnement sexuel; •améliorer leurs habiletés à l’intimité. Les finalités sont aussi l’accompagnement et la prévention (autant de l’agression que de la victimisation) intégrant des informations sur la contraception et les IST. Pour ces deux derniers thèmes les plannings familiaux peuvent être une ressource pour les patients. Cependant il apparaît essentiel que l’information puisse être adapté au niveau cognitif et aux besoins spécifiques de cette population. 29 C. Traiter. 1. Traiter la schizophrénie : Dans son étude Aizenberg (1995, cité par le Dr Bernard, 2009, p 71) conclue que les effets positifs du traitement neuroleptique sur le fonctionnement psychique permettraient la restauration d’un désir sexuel « normal ». Nous pensons que l’instauration et l’observance du traitement antipsychotique, à dose minimale et à l’origine du meilleur niveau de stabilisation et de tolérance apparaît être le premier traitement sexologique et donc le préalable avant d’envisager l’adjonction de réponses sexologiques spécifiques. L’adaptation par la suite de ce traitement devra se faire avec prudence et discernement au regard des risques de rechute schizophrénique induit par les changements de traitements mais en gardant aussi à l’esprit que ces DFS peuvent être source d’arrêt de traitement par le patient. 2. Traiter Les comorbodités : l’aspect plurifactoriel des dysfonctions sexuelles dont la survenue relève, chez les sujets souffrant de schizophrénie, de facteurs organiques, médicamenteux, psychopathologiques, cognitifs, autobiographiques et relationnels amène à rechercher et traiter l’ensemble des éléments étiologiques détaillés au chapitre ci dessus « évaluer les DFS ». Il est par ailleurs devenu classique de considérer que les DFS ont une fonction "sentinelle" de risques organiques (métaboliques et cardiovasculaires essentiellement (Gorin-Lazard, 2008, p 74). 3. La psychothérapie. Rien ne s’y oppose dés lors que la capacité d’introspection et de verbalisation des patients leur permet de participer à un tel travail. De la même façon qu’en population générale, des évènements de vie stressants voire traumatisants peuvent être à l’origine de symptômes sexuels (exemple des agressions sexuelles auxquelles sont particulièrement exposés les patients psychotiques). Une prise en charge psychothérapeutique traditionnelle peut alors être indiquée. Là encore, l’évaluation anamnestique doit être rigoureuse. La maladie et les traitements psychotropes ne devront pas être « incriminés » de façon systématique. De toute manière elle reste une des réponses principales s’agissant de dysfonctions ayant des origines ou des conséquences psychologiques. 4. Adaptation du traitement pharmacologique de la schizophrénie. Devant une dysfonction sexuelle dont se plaint le patient, en l’absence d’élément étiologique autre que médicamenteux et si l’état psychique du patient le permet, une modification thérapeutique pourra être envisagée selon plusieurs modalités : l’attente de la sédation spontanée des DFS, la fenêtre thérapeutique de 2 à 3 jours (pour les traitements antidépresseurs), la réduction de dose sinon le changement de molécule pour les antipsychotiques atypiques (APA) de manière très prudente particulièrement si la stabilisation psychique du patient a été difficile à obtenir. a) En commençant par les traitements concomitants. Les patients psychotiques sont rarement traités par monothérapie. Or, comme nous l’avons vu précédemment, les traitements concomitants sont inducteurs de troubles sexuels. Qu’il s’agisse d’hypnotiques, d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs, les modifications thérapeutiques à envisager concernent prioritairement ces molécules qui ne constituent pas le traitement de fond de la schizophrénie. Il serait préférable d’en 30 diminuer la posologie puis, en cas d’échec, de changer la molécule au profit d’une mieux tolérée sur le plan sexuel. b) Puis en s’intéressant aux traitements neuroleptiques. Les antipsychotiques atypiques de seconde génération pour une efficacité comparable seraient mieux tolérés que les APC y compris sur le plan sexuel : Ils seront donc à privilégier en première intention et ceux d’autant qu’une sexualité pré existante serait à protéger. Les effets secondaires sexuels sembleraient dose-dépendants. Il est donc conseillé, devant un patient se plaignant de difficultés sexuelles, en l’absence d’autre facteur explicatif, et si son état psychique le permet, de réduire les doses de neuroleptiques dans un premier temps. En cas de persistance, modifier le traitement neuroleptique au bénéfice d’une molécule moins délétère sur la sexualité. Toutefois, la décision d’une éventuelle modification thérapeutique doit prioritairement tenir compte de l’état psychique du patient, de la sévérité psychopathologique et de la difficulté à stabiliser la symptomatologie psychotique. En outre, au-delà de la variabilité intermoléculaire, il ne faut pas oublier que la variabilité interindividuelle fait que chaque molécule pourra entrainer des effets secondaires sexuels différents selon les individus. Ces arbitrages de traitement devront se faire en faveur des antipsychotiques atypiques (Clozapine, Amisulpride,Rispéridone, Olanzapine par exemple), d’activité antipsychotique égale ou supérieure aux neuroleptiques conventionnels, aux prix d’effets secondaires moindres. En raison de leurs propriétés pharmacologiques, qui se distinguent de celles des neuroleptiques conventionnels par : - Une affinité moindre pour les récepteurs dopaminergiques D2 - Une affinité supérieure pour les récepteurs sérotoninergiques 5HT2 - Des hyperprolactinémies induites moins sévères et souvent transitoires - Des effets périphériques alpha bloquants et anticholinergiques moindres, les antipsychotiques atypiques sont sexuellement mieux tolérés que les neuroleptiques conventionnels Ils seraient pourvoyeurs de dysfonctions sexuelles chez 40% de patients contre 60% pour les neuroleptiques conventionnels (Kelly and Conley, 2006) Cette meilleure tolérance sexuelle des antipsychotiques atypiques est probablement moins valable pour la rispéridone qui occasionnerait un taux de dysfonctions sexuelles comparable voire supérieur à celui de l’halopéridol. La clozapine serait l’un des antipsychotiques les mieux tolérés sur le plan sexuel. Selon Bristol-Meyers Squibb Company (2002), les effets secondaires sexuels sont rares sous aripiprazole ce qui fait de l’aripiprazole l’antipsychotique le plus respectueux de la fonction sexuelle des patients Les neuroleptiques de seconde génération seront donc à privilégier en première intention dans le traitement de la schizophrénie en raison de leur meilleure tolérance, d’une meilleure compliance, d’une réduction du risque de rechute. 5. Place des médicaments sexologiques. Ils concernent les patients dont la psychose est contrôlée et stable dont l’adaptation du traitement psychotrope n’est pas suffisante ou non souhaitable et qui sont dans une relation de couple stable.( Florence Cour et col.) et pour qui le traitement étiologie n’est pas envisageable. Si ces conditions sont réunies le clinicien peut décider d’une adjonction médicamenteuse. Plusieurs solutions médicamenteuses d’efficacité variable ont été décrites, mais chacune d’entre elles comporte ses propres effets secondaires (Kelly and Conley, 2004). 31 a) Inhibiteurs de la Phosphodiestérase 5 (IPDE5) Les Inhibiteurs de la PhosphoDiEstérase 5 (IPDE5):trois molécules sont à ce jour disponibles, le sildénafil (Viagra®) commercialisé en 1998, le tadalafil (Cialis®) et le vardénafil (Lévitra®) commercialisés en 2003. la schizophrénie ne constitue pas un contre indication en elle même à leur prescription. Néanmoins les Contre-indications des inhibiteurs de la PDE5 sont a connaître, elles peuvent se rencontrer chez le patient schizophrène : • Dérivés nitrés au long cours ou dans les 24 heures précédentes • Donneurs de NO (molsidomine, nicorandil) • Infarctus du myocarde récent (moins de 6 mois) • Insuffisance hépatique sévère • Hypotension (TA < 90/50) • HTA non contrôlée (TA > 170/100)•Antécédents récents d’AVC • Troubles héréditaires dégénératifs connus de la rétine (rétinite pigmentaire) • Le tadalafil ne doit pas être administré chez les patients qui souffrent de problèmes héréditaires tels qu’une intolérance au galactose, un déficit en lactase de Lapp ou d’une malabsorption du glucose-galactose ou de troubles du rythme. Les IPDE5 sont des facilitateurs de l’érection dont l’efficacité présuppose un désir sexuel préservé. Une amélioration significative a été mis en évidence (Dr Gorin-Lazard, 2008, p 43)de la libido, de l’excitation, de l’orgasme, et de la satisfaction sexuelle globale chez des hommes et des femmes souffrant de difficultés sexuelles sous traitements psychotropes en général : antidépresseurs, thymorégulateurs, benzodiazépines et neuroleptiques. Le sildénafil améliorerait significativement les perturbations sexuelles, quelles que soient la molécule psychotrope utilisée et la nature de la dysfonction sexuelle, indépendamment du sexe ou l’âge du patient. Ainsi, dans le traitement des troubles de l’érection, une étude randomisée, en double aveugle, contre placebo et en cross over (Gopalakrishnana et al, 2006 cité par le DrGorin-Lazard, 2008, p 43) a mis en évidence, quelle que soit la valeur de la prolactinémie : 1. une efficacité significativement supérieure du sildénafil 25 (p<0.05) et 50 mg (p<0.001) par rapport au placebo (taux d’érections permettant un rapport et de rapports sexuels satisfaisants quatre fois supérieurs dans le groupe sildénafil), 2. une bonne tolérance 3. l’absence d’interaction médicamenteuse rapportée entre neuroleptiques et sildénafil. b) Hormonothérapie. En population générale, des patients hommes et femmes ont pu profiter de supplémentation en DHEA ou en testostérone dans des contextes de dysfonctions sexuelles liées à des déficits hormonaux. Les traitements neuroleptiques peuvent induire un hypogonadisme et il est classique de retrouver des déficits en hormones sexuelles chez des hommes et les femmes souffrant de schizophrénie (Kelly and Conley, 2004). c) Autres traitements à visées sexologiques. Cité par le Dr Porto (2008, cours DIU):et donné à titre informatif car ils sont beaucoup moins utilisés depuis l’arrivée des IPDE5 : •Yohimbine : •Cyproheptadine (périactine) •Bethanéchol (Parasympathomimétique) •Amantadine (Mantadix®) 32 •Ginko Biloba (Ginkor®) •Dextroamphétamine •Vasobral® •Buspirone (Buspar®) •Arginine d) Recommandations générales avant de prescrire des medicaments sexo-actifs (cours DIU 2008) : Questionner le patient sur sa vie sexuelle antérieure, et l’existence éventuelle d’antécédents de difficultés sexuelles Évaluer la demande réelle du patient et si possible de son couple, ainsi que sa motivation à un éventuel traitement. Rechercher systématiquement les antécédents ou les symptômes orientant vers une pathologie organique. Établir une liste exhaustive de tous les traitements pris par le patient, afin de rechercher ceux susceptibles d’induire une DFS. Rechercher des signes évocateurs de déficit androgénique. Rechercher systématiquement toute comorbidité psychiatrique, mais également toutes les circonstances socio et psycho-affectives pouvant interférer avec la RS et susceptibles de la générer ou de la pérenniser : •des troubles addictifs : toxicomanie médicamenteuse, alcool, drogues,•un syndrome dépressif, •une anxiété de performance sexuelle, très fréquente, particulièrement en cas de personnalité anxieuse, •un trouble de la personnalité, une pathologie psychotique ou une paraphilie,•des évènements de vie qu’ils soient négatifs (chômage, décès….), mais aussi positifs (promotion, nouvelle rencontre….), survenus dans les 3 à 6 mois avant l’apparition de la DE,•des difficultés de couple, de la simple absence de communication au conflit avéré.•l’absence de partenaire. e) La prescription s’accompagnera : •d’une information sexuelle sur la RS adaptée au niveau cognitif du patient. •Des conseils d’hygiène de vie seront prodigués : régime alimentaire, sevrage du tabac et d’éventuelles autres substances addictives, lutte contre la sédentarité…•Il est possible de proposer le changement des traitements non psychiatriques incriminés, après avoir vérifié le rapport chronologique entre la mise en route du traitement et le début des troubles sexuels : béta-bloquants, diurétiques, anti-dépresseurs, anti-psychotiques f) Optimiser la prescription :Veiller absolument à ne pas laisser son patient s’enfermer dans une programmation de son activité sexuelle, Lui expliquer la mauvaise (programmation) et les bonnes façons d’utiliser un IPDE5 : • Après avoir identifié son désir et celui de sa partenaire, et en prenant son temps, • En essayant de dissocier l’activité sexuelle de la prise du comprimé (traitement à la demande / traitement continu). 6. Le recours au sexologue. Oui mais en restant le médecin traitant suggère les recommandations. Comment s’y prendre ?•En proposant au patient: • Un simple RDV pour avis avec ce spécialiste, (“parce que j’ai besoin de son avis pour pouvoir vous traiter …”) 33 • • De revenir en consultation pour faire le point et débuter la prise en charge En lui expliquant alors l’intérêt de mettre en place une co-thérapie dans laquelle bien sûr le spécialiste prendra toute sa place. 7. Sans oublier le couple : Le partenaire a une place centrale dans la dynamique du symptôme : de manière générale il peut être un facteur causal, d’aggravation d’entretien du symptôme ou bien avoir un impact réparateur. Proposer de recevoir la partenaire peut donc s’avérer déterminant. Cette rencontre permet d’apprécier la qualité de la communication et la nécessité d’une prise en charge du couple. Il permettra de désamorcer les échecs thérapeutiques liés à la dynamique de couple. 8. En résumé : Devant la survenue d’un trouble sexuel iatrogène chez un patient schizophrène traité : • Informer préalablement le patient des EII de son traitement. • Evaluer l’impact de sa DFS dans sa vie. • apprécier la stabilité dans le temps de cette DFS (rémission spontanée possible) • puis dans un premier temps diminuer la dose jusqu’à obtention de la dose minimale efficace. • Supprimer les autres “ inhibiteurs “ possibles. • En cas d’inefficacité changer pour une autre molécule mieux toléré sur le plan sexuel sexuels, • envisager une fenêtre thérapeutique de quelques jours (pour les antidépresseurs). • Ajouter un agent correcteur, tels IPDE5 en cas de trouble érectile, • ceci combiné à une prise en charge sexologique du couple, qui devra tenir compte du trouble mental associé, du ou des deux partenaires. D. Protéger : 1. En phase aigue : Nous avons préciser que concernant les DFS, la démarche diagnostic et thérapeutique s’adressait à des patients stabilisés. A l’inverse quand la maladie schizophrénique est en phase aiguë l’heure est plus à la protection du patient qu’à la restauration des fonctions sexuelles. Dés lors l’hospitalisation rapide éventuellement sous contrainte est à envisager. Elle permettra de protéger le patient d’une désorganisation psycho comportementale qui peut le mettre en péril y compris à travers ses comportements sexuels ou des abus dont il peut faire l’objet dans cette phase de vulnérabilité extrême en particuliers pour les patientes. 2. Penser à la contraception. Avec l’apparition des antipsychotiques atypiques on a pu constater une augmentation des grossesses non planifiées. Le clinicien ne peut aborder la question de l’intimité sans évoquer, en l’absence de désir de grossesse, celle des moyens de contraception. Des mesures informatives et préventives sont donc à mettre en place, d’autant plus que les femmes souffrant de schizophrénie et sans désir de grossesse n’utilisent que rarement des mesures contraceptives ont plus de grossesses non désirées et ont plus souvent recours à l’avortement que les femmes de la population générale 34 De la même façon, les hommes souffrant de schizophrénie sont davantage confrontés à une paternité non désirée que les hommes de la population générale. 3. Prévenir les Infections Sexuellement Transmissibles (IST). D’autre part, avec l’amélioration des symptômes psychotiques, le désir de s’engager dans des relations interpersonnelles et intimes peut se manifester. Or, en raison d’un possible manque de discernement et de possibilités relationnelles limitées, les patients peuvent adopter des comportements sexuels à risque (partenaire HIV, absence de protection contre les IST, partenaires multiples, sexualité « utilitaire » ou prostitution…). Les taux de grossesses non désirées et de contamination par IST représentent un réel problème de santé publique, qui nécessite une prise en charge adaptée. Les programme d’éducation et de réhabilitation sexuelle en dehors des périodes aiguës de la maladie schizophrénique peuvent trouver ici une de leurs raisons d’être. Cependant l’ambivalence des psychiatres par rapport à la sexualité pourrait freiner un engagement dans un politique active de prévention notamment à l’hôpital souligne Patin (1998) « l’interdit de relations sexuelles et l’image de l’hôpital comme lieu de soins s’opposent à un discours sur le préservatif ». VIII. Conclusion Au décours de ce travail nous avons pris conscience du désavantage majeur que constituent la schizophrénie et ses traitements pour la sexualité des patients. Ce constat incite à leur proposer des réponses sous peine de condamner la plupart d’entre eux au deuil de leur sexualité. Ces réponses s’adressent principalement aux patients investis dans une sexualité : il appartient donc au psychiatre traitant d’apprécier l’importance que son patient accorde à la sexualité et de la place qu’elle occupe dans sa vie afin de la préserver au mieux : cette préservation est un facteur d’observance et de qualité de vie. Notre enquête trouve peu de cas de DFS diagnostiqués par les psychiatres interviewés, une attitude ambivalente face à leur diagnostic et leur traitement et un faible taux de plaintes spontanées des patients. Il appartiendra donc au praticien d’aborder la question et d’évaluer la DFS. L’orientation thérapeutique dépend de cette évaluation. Elle doit être globale intégrant la dimension plurifactorielle (organique, psychogène et iatrogénique) des DFS. Concernant le traitement et les préventions des DFS, l’observance du traitement antipsychotique, à dose minimale et à l’origine du meilleur niveau de stabilisation et de tolérance apparaît être le premier traitement sexologique et donc le préalable avant d’envisager l’adjonction de réponses sexologiques spécifiques. Les IPDE5 si ils sont indiqués doivent être considérés et utilisés comme un outil au sein d’une prise en charge intégrative qui tient compte du sujet, de sa partenaire et de la dynamique du couple. L’information adaptée au niveau cognitif des patients devrait avoir une place de choix dans une politique sanitaire vis-à-vis des DFS du schizophrène compte tenu de la fréquence de l’ignorance et des fausses croyances dans cette population qui demeure vulnérable et particulièrement exposée au risque de grossesse non désirée, d’agression sexuelle et de maladies sexuellement transmissibles. De plus traiter les DFS c’est à dire rétablir la fonction sexuelle chez le patient schizophrène devra amené aussi à s’intéresser aux réponses psycho éducatives afin de réduire l’ignorance, l’apragmatisme sexuel et le déficit relationnel qui caractérisent une grande partie des patients schizophrènes de manière à apporter conjointement au rétablissement de la fonction sexuelle des connaissances et des habiletés concernant 35 l’usage de cette fonction restaurée : en effet rétablir une fonction sans en posséder les connaissances ni les habilités n’aurait pas grand sens. En définitif un patient schizophrène peut il avoir une vie amoureuse ? Nous pensons que oui mais beaucoup d’obstacles se présentent à lui ! Épargnons-lui celui des DFS. Les réponses ne manquent pas dés lors que la question est abordée. IX. Bibliographie. Amétépé L, Zorzano T, Faruch C. Neuroleptiques et sexualité chez les patients psychotiques (résultats d’une étude préliminaire transversale). 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