Les oubliés de l`amour

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Les oubliés de l`amour
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Les oubliés de l'amour
SEXUALITE – IDENTITE – HANDICAP PHYSIQUE
Par Françoise Vatré et Vincent Fries
In " l'Identité handicapée" Michel Mercier et coll.
Presses universitaires de Namur - 2004
L’exposé qui suit met en œuvre la réflexion d’une sexopédagogue et d’un psychologue spécialiste de la
communication, concerné par le handicap, autour de la question délicate et fondamentale de la sexualité et de la
vie affective de personnes handicapées physiques. Ces deux apports cherchent à fournir une réflexion de fond sur
l’identité affective et sexuelle de la personne handicapée en rapport avec le contexte relationnel et culturel.
1. Le temps est venu de faire un pas de plus !1
L’identité, constitue l’axe central de ce Colloque.
Identité et sexualité, composantes centrales de l’être humain, sont mariées à jamais au nom de l’évidence fondée
sur la genralité : on naît homme ou femme, avant tout.
On est homme ou femme handicapée physique, soit une personne sexuée, sexuelle et désirante.
Un être humain en relation, un être vivant.
Un grand pas de plus est effectivement en marche. Depuis 1981, année du handicap au niveau international, des
paroles novatrices se sont multipliées, des groupes de travail et associations, telle que le SEHP International
deviennent caisse de résonance pour ce thème. L’heure est à l’action.
Un soir, alors que je lisais attentivement le texte de Vincent Fries, j’ai découvert sur mon écran le cadeau d’un
néologisme pertinent de son cru : la validocracie !
Créativité humaine qui n’a cessé de transformer la pensée et la matière depuis l’avènement de l’homo erectus.
Stimulée par ce mouvement de l’esprit, dialogue de nos cerveaux, m’est alors venu le mot suivant : la
verticalocratie.
Serions-nous scindés en deux camps ? Ceux qui marchent debout, avec leurs pieds et ceux qui roulent assis, voire
couchés. Et ce à vie, ils le savent bien, à moins d’une percée technologique incroyable.
Pour les marcheurs, aucune certitude que ce privilège dure éternellement.
Tout à l’heure : l’escalier qui glisse ? la voiture qui dévie ?un virus dans les méninges ? une maladie évolutive qui
s’annonce ?
Nul n’est invulnérable.
Un paradoxe me ferait presque sourire : tous les marcheurs ou presque, se couchent spontanément pour faire
l’amour.
Pourquoi faudrait-il absolument être reconnu d’abord homme ou femme verticalE pour avoir alors droit et
possibilités de… s’ébattre étenduEs ?
Quelles limites a-t-on droit d’imaginer, entre ceux qui peuvent et ceux qui ne pourraient pas… vivre une intimité
sexuelle ?
Qui ne pourraient pas, parce qu’ils ont besoin d’aide tierce pour réaliser leurs désirs.
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Françoise Vatré, sexopédagogue spécialisée ( St Livres-Suisse )
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Qui ne pourraient pas, parce que les autres ont des limites, s’ajoutant aux obstacles.
Où est la limite dans l’inconscient collectif, donc dans celui de tous, valides ou valides autrement
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, entre l’être humain sexé, sexué, aimant, aimable, actif naturellement et l’être humain identique, mais qui ne peut
être aussi actif et rapide du fait d’un obstacle physique ou sensoriel ? Pour qui initier un geste de séduction, une
parole d’amour, un projet de vie à deux lui sont matériellement difficiles voire irréalisables sans appareillage
technique, aides humaines tierces, et encore ressources financières hors normes.
Où serait la limite entre l’humain et ce qu’on pourrait croire : le non-humain ?
Celui, celle, pour qui , vers qui, le chemin de communication serait réduit au minimum ?
A l’extrême comment imaginer le tandem identité et sexualité, quand « le JE ne peut aller vers le TU, parce que je
ne peux me relier à l’autre, quand je ne peux faire passer ma pensée dans la compréhension de l’autre, parce que
je ne vois pas, je n’entends pas, je ne sens pas, ni le contact, ni les odeurs, ni les vibrations,… parce que je ne
peux bouger par moi-même, ni la tête, ni la main, ni le pied, ni le bassin, ni le sexe…. Mais qu’au cœur de mon
âme je sais que je suis ! »
Suis-je humain pour qui ? pour quoi ?
Sera-ce alors que mon humanité adviendra uniquement que si « le TU prend, accepte, décide, a l’envie de venir
vers le JE ? »
La dépendance extrême irait-elle jusque-là ?
Psychologiquement, qu’en est-il pour les valides ?
Ne sommes-nous pas tous, d’une manière ou d’une autre, construits ( et parfois détruits) par les autres ?
Cet exposé est un outil de conscientisation pour que chacun, à sa place et à son rythme fasse aussi un pas de
plus, pour que les choses changent, parce que le temps est venu où parler ne suffit plus.
Innover, informer, analyser les freins, liquéfier les peurs devenues inutiles, prendre des risques, cueillir la richesse
de la rencontre, apprendre à vivre autrement les gestes de l’amour, savoir qu’entrer en relation affective avec une
personne handicapée physique ne signifie pas de devoir tout assumer de son quotidien, de perdre sa propre
autonomie…ni ses droits à bouger ailleurs et plus loin.
Un réseau d’aide à la vie quotidienne doit de plus en plus compter sur cette dimension de la vie, se faire connaître,
se former dans cet accompagnement particulier, et définir les rôles de chacun.
Un tel réseau constituera un appui pour le ou la partenaire valide potentielLE.
Savoir aussi que même en amour on ne peut tout attendre de la même personne !
Oser multiplier et répartir les amitiés, comme tout le monde.
Travailler l’attachement, l’exclusivité et la dépendance affective et psychologique…et l’humour !
Apprendre le corps, le sien et celui de l’autre, leurs géographiques et leurs ressources érotiques.
Revisiter les concepts de normalité en matière de couple, avoir un regard critique sur l’idéalisation de la vie des
autres…oser aborder une autre orientation sexuelle le cas échéant, etc.
Tout un programme très sérieux et passionnant ! c’est ce que nous appelons de l’Education sexuelle.
Mais toutefois mettre la barre très, voire trop haut, est un handicap en soi !
La clé du bonheur intime des personnes physiquement dépendantes est sans conteste aux mains des politiques et
de l’économie.
L ‘égalité des droits et des chances passe par là.
Plus la société saura accepter que l’élan d’amour et/ou le désir sexuel peuvent habiter chaque personne, quel que
soit son état physique et son âge, plus les freins activés pour son bien, dit-on, mais en fait pour s’en protéger
…seront banalisés et éliminés.
C’est l’objectif majeur de l’association internationale du SEHP ( Sexualité et handicap physique) promu via des
formations, via des colloques, via des congrès, pour le moment dans quelques pays francophones.
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autre néologisme du même auteur !
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2.Vivre sa sexualité avec so n handicap 3
Pour ne plus être infirme d’un rêve, pour apprendre à traverser des « apparences » afin de mieux se libérer d’elles et
permettre ainsi à tous, personnes valides et personnes handicapées de faire route ensemble, parce que la solitude
pèse lourd dans les cœurs et que bien des personnes handicapées voudraient être reconnues comme véritables
partenaires sociaux, à part entière, parce que l’égalité des chances est encore, une utopie pour certains et qu’il faut
vaincre les utopies, parce que l’être humain ne vit pas sur terre pour vivre seul et qu’il a besoin, quand la nature l’a
démuni d’une partie de son intégrité physique, de l’autre pour exister « vraiment » et se retrouver, parce qu’il arrive un
moment où on ne supporte plus de toujours s’occuper « égoïstement » de soi-même, nous devions, en tant que
personne handicapée physique, et malgré les quelques difficultés d’objectivité dues à notre vécu personnel, écrire ce
texte qui tentera de dédramatiser un thème important des relations humaines.
Les personnes valides, que sont-elles prêtes à risquer, à donner, à engager de leur personne, sur le plan de la
sexualité, avec les personnes handicapées physiques ? Et nous, qu’avons-nous à offrir ? Là se trouve la clé du
débat.
La problématique de la sexualité des personnes handicapées est encore et toujours un sujet tabou, quoi qu’on en
dise ! Je ne vais pas ici vous parler de ma propre sexualité car elle se résume hélas à bien trop peu de choses
jusqu’ici.
Lorsque dans le cadre de la vie en société, concernant les attitudes entre personnes valides et personnes
handicapées, on soulève des sujets plus « personnels », plus « délicats » à traiter, et que l’on attaque le domaine de
l’affectif, de la sexualité, du mariage, de l’amour, les portes de la tolérance se ferment bien vite. Il y a, encore de nos
jours, certaines limites que les personnes handicapées ne peuvent dépasser.
Le tabou est encore bien solide. Dans « l’amour handicapé », les « règles du jeu sont fixées mais les dés sont pipés »
comme disait Jean-Jacques GOLDMAN dans une de ses chansons.
En réalité, dans le domaine, j’ai encore tout à apprendre, le problème n’étant pas de savoir comment mais surtout
avec qui vivre une sexualité épanouissante pour les deux partenaires. Il est vrai que la sexualité humaine a toujours
été un sujet tabou dans la société même si est apparu une certaine libération des mœurs mais j’ai l’impression que
les mœurs ne sont pas aussi libérés que l’on croit lorsque l’on parle de sexualité des personnes handicapées
physiques ! La sexualité est déjà un domaine difficile à vivre pour tout le monde, alors, vous pensez bien, si l’on
ajoute un handicap...
Par rapport à la sexualité des personnes handicapées, je me pose une question existentielle : quel est mon statut,
mon identité réelle, par rapport à l’autre qui pourrait être mon partenaire ? Souvent, nous les personnes « autrement
valides » sommes soumis à une fin de non-recevoir lorsque que nous voulons un peu plus que de la simple amitié.
Qui d’entre nous n’a jamais été confronté à la phrase assassine « je t’assure, je t’aime bien mais je préfère que l’on
en reste au stade amis » lorsqu’on tombe amoureux et que l’on déclare sa flamme. De nombreuses questions
traversent mon esprit par rapport à cette question. Par exemple, Suis-je aux yeux des autres simplement Vincent, de
surcroît atteint d’une myopathie et dépendant totalement d’une tierce personne, ou bien encore, suis-je aussi Vincent
capable d’aimer et d’être aimé comme n’importe qui ? Suis-je bien toujours un homme ?
Pour moi, la sexualité fait partie de la santé, et l’exercice d’une sexualité épanouie avec le partenaire de son choix est
en réalité, paradoxalement, une preuve de santé mais nous, on ne nous soigne pas !
Est-ce humainement acceptable d’avoir tant de mal à revendiquer et à pratiquer une certaine dimension - en
l’occurrence la sexualité, l’amour, la tendresse,... - de la santé physique alors que cela semble quelque chose de tout
à fait normal pour tout le monde ? Il y a pour moi un principe élémentaire d’égalité des chances qui n’est pas
respecté. Il s’agit peut-être aussi d’aborder cette réalité humaine vitale en termes de bien-traitance.
J’aimerais tant que mon handicap et ma dépendance totale vis-à-vis d’une tierce personne ne soit plus jamais encore
à l’origine d’une non-rencontre et que nous devenions, mais cela est-il une gageure, tout simplement un homme ou
une femme à aimer, à caresser, à cajoler...
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Vincent FRIES, Licencié en psychologie, Belgique
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Arrêtons de croire, une fois pour toutes, que les personnes handicapées physiques sont des êtres asexués comme
des anges !
Avec un corps abimé, je me risque sur le terrain de la re-connaissance affective et sexuelle. Le corps naît, grandit »
meurt, s’épanouit, souffre, aime,... Le notre aussi !
Mais le corps qui nous est présenté, à travers la publicité, la mode ou les mass-média, est un corps idéalisé, détaché.
Il ne représente pas une Personne. Il n’y a pas de garçon ou de fille en voiturette au loft ou à staracademie !
Le corps du handicapé physique, lui, est plus aliéné encore. C’est un corps que, la plupart du temps, on réduit à ses
incapacités, que l’on assiste, porte, manipule, regarde ou touche souvent uniquement médicalement, mais avec
lequel on ne communique pas encore, que l’on n’aime pas encore!
C’est un corps-objet mais pas encore un corps-désir!
Les personnes valides en contact permanent avec une personne handicapée physique, grâce â l’aide personnelle
apportée, grâce au degré de relations entretenues avec elle, relations plus ou moins intimes (au sens le plus large du
terme), relations de confiance psychologique mutuelle, pourraient, par exemple par une approche haptonomique
réciproque des corps, aider la personne handicapée physique à se réunifier et s’aider soi-même, petit à petit, à oser
entrer en contact.
Souvent, « l’oubliée de l’affectivité », par manque de stimulations corporelles, par l’absence souvent, d’un passé,
d’une histoire affective positive, ne connaît en réalité peut-être pas ses capacités corporelles émotionnelles, sexuelles
et affectives propres, en relation duelle. Il lui manque des cartes. Elle en est réduite souvent aux seuls plaisirs
solitaires. Elle se trouve dans la peau d’une personne qui ne se connaîtrait qu’à moitié, en quelques sortes.
Ce type de relations au corps de l’autre peut, de toute évidence, du moins dans un premier temps, aider à s’accepter
l’un l’autre. Certains vont même plus loin, prônant la générosité de la chair !
L’absence d’autonomie physique, pour les handicaps les plus importants, maintient la personne handicapée dans un
état de dépendance vis-à-vis d’autrui, cette dépendance pouvant parfois avoir pour conséquences un isolement ou un
confinement quelquefois quasi-systématique, dans un milieu souvent surprotecteur (famille, institution,...) entravant
ainsi les possibilités de rencontres et/ou d’unions pourtant réelles.
Que de silences, que de solitudes, que de désarroi pour un être humain privé ou ne pouvant espérer une vie
relationnelle et sexuelle comme tout un chacun ! Les conséquences d’une telle injustice peuvent être tout à fait
déséquilibrantes et parfois dramatiques à la longue et risque d’entraîner régression, dépression, résignation, suicide,
humiliation quotidienne d’être dépendant comme un nourrisson quelquefois. Il y a urgence, plus qu’il n’y paraît
parfois.
L’intégration sur le plan de l’affectivité et de la sexualité n’est pas encore réalisée! Et pourtant, la nécessité d’un
épanouissement affectivo-sexuel est de premier ordre pour une personne handicapée.
En situation d’infirmité, sexualité et affectivité, sont, la plupart du temps niées dans la société et sérieusement
entravée par certaines réglementations, insidieusement castratrices en ce qui concerne nos attentes affectives et
sexuelles, auxquelles nous sommes forcément obligés de nous soumettre du fait de notre dépendance totale pour un
certain nombre d’actes de la vie journalière.
Ce sont pourtant deux éléments intensément liés à la relation à autrui, à la relation de corps à corps, d’identité à
identité. Sur le terrain de la culture, de la politique, des loisirs, la personne handicapée physique s’intègre petit à petit
mais en termes de sexualité et d’affectivité, elle apparaît encore comme étrangère et différente, à part.
Si certains affirment que les personnes handicapées physiques éprouvent des difficultés pour s’intégrer, l’expérience
montre que la réadaptation sociale est d’autant meilleure que la vie sexuelle et affective est normale. La sexualité,
c’est avant tout l’affaire de celui, de celle ou de ceux qui la vivent et non pas l’affaire de ceux qui l’observent de
l’extérieur pour mieux « l’éthiqueter », la juger, la contrôler ou la condamner.
Avec ce corps visiblement « différent », la personne autrement valide doit pourtant gagner la confiance de ses
partenaires, valides ou non, potentiels, alors que ceux-ci s’en méfient et qu’ils n’osent pas non plus s’engager de peur
d’être jugés. Ils n’accordent souvent que peu d’intérêt et de crédit à la demande de relation car celle-ci déclenche des
peurs archaïques chez les personnes valides. Et pourtant, cette confiance est tellement possible.
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Elle commence à exister lorsque l’impact psychologique de ces peurs archaïques est atténué. Cela, c’est aussi le rôle
de la personne handicapée physique, qui, avec son apparence, quelquefois différente des normes esthétiques
corporelles habituelles généralement admises, doit arriver à mettre à l’aise les personnes qu’elle rencontre. Petit à
petit, s’établiront alors ce que l’on peut appeler des affinités, et la distance sociale, l’espace interpersonnel, se réduit
par la même occasion. La reconnaissance de l’autre, dans sa « différence », est alors arrivée à maturité.
« Il faisait partie de mon rêve naturellement. Mais moi aussi, je faisais partie du sien. » (Lewis CARROLL)
3.Désir d’être et impossibilité d’être4
Il est difficile d'imaginer des perspectives lorsque l'on vit soi-même le handicap et que, comme tout homme, on
aspire à une vie affective et sexuelle qui, jusqu'à présent, s'est toujours soldée par des échecs.
Souvent, trop souvent, toujours, la sexualité de la personne handicapée est empêchée. Vivre un handicap, c'est
une humiliation permanente, une cicatrice qui a du mal à se refermer. Dans le domaine de la sexualité et de
l'affectivité, la personne handicapée physique est prise entre le désir d'être et l'impossibilité d'être, dans la plupart
des cas. Il y a des moments, nombreux, où en réalité on ne sait plus très bien qui on est. On a parfois l'impression
d'être étranger à la communauté des êtres humains.
Dès que notre corps est meurtri, morphologiquement disharmonieux, ou qu'il est aidé ou soutenu par des
prothèses et des orthèses (fauteuil roulant, cannes, appareil, tableau de communication, synthèse vocale, etc.), la
relation à l'autre est systématiquement perturbée, faussée. Nous sommes amenés à vivre et à être vécus dans un
registre d'infériorité parce que notre différence n'éveille en l'autre spontanément que des images d'impossibilité à
être, physiquement, mentalement et socialement. L'interdit d'être nous frappe alors de plein fouet et le vécu social
de notre corps handicapé déclenche en nous une souffrance plus ou moins intense.
À la longue, cette situation devient invivable. Dans le cadre du travail associatif au niveau national ou international,
il me semble important de développer des méthodes et des outils permettant de modifier les représentations
sociales erronées concernant la sexualité et l'affectivité des personnes handicapées physiques. Il faut casser les
schémas relationnels trop simplistes. Les personnes valides n'ont pas le monopole du coeur ! Un travail
pédagogique approfondi doit donc être entamé. Les méthodes en sociologie, en thérapie corporelles, sexuelles ou
systémiques, etc., sont nombreuses. Il n'est pas toujours nécessaire de vouloir réinventer la roue, parce que la
thématique du handicap est abordée, pour pouvoir obtenir une communication harmonieuse entre les personnes.
Il est important de travailler sur l'assertivité5 masculine et féminine des personnes autrement valides. Chez elles,
celle-ci est aussi d'une certaine façon handicapée, empêchée. Développer son assertivité, cela signifie développer
tout ce qu'un être humain met en route, met en branle, pour souligner, pour mettre en valeur, pour activer le
potentiel de son genre masculin ou féminin, handicapé ou valide de ses atouts de séduction spécifiques, en
fonction de ses attentes et de ses besoins personnels.
Il est certain qu'une personne « autrement valide » peut enrichir son comportement, et peut ainsi sexuer ou érotiser
(avec la finesse choisie) son rapport aux autres, pour donner des pistes, des allusions qui vont aider à éveiller
l'étonnement -peut-être dans un premier temps-, puis la curiosité, puis l'attrait chez autrui. L'autre différent de moi
se dirait alors « Tiens, cet homme-là, ou cette femme, au delà de son handicap, montre qu'il est un homme total,
une femme totale, comme les autres, voire encore mieux que certains autres…qui ne savent pas montrer leur
virilité…, et cet homme-là, cette femme-là, j'ai envie de la connaître, de la séduire et d'être heureux avec, pourquoi
pas ».
Pour une personne qui ne peut pas marcher, ni beaucoup bouger autour de son axe, qui ne peut onduler du
bassin, qui ne peut facilement jouer de mouvements de la tête, etc. il y a tout d'abord :
a) tout le jeu des yeux, de la voix, le ton et le rythme qui peuvent bouger… et secondairement, et ce sera là le
grand chic,
b) la verbalisation de ce que cette personne perçoit de l'autre : l'observer et choisir de dire ce qu'il voit de
sexué, de plaisant, d'attirant, chez l'autre, et le valoriser, le commenter, et l'étape ultime,
c) la verbalisation de ce que cette même personne aimerait montrer de soi « Si je pouvais marcher devant
vous, devant toi, je me pavanerais comme un coq, je gonflerais mon torse, de rugirais comme un lion… »
par exemple….mais ce n'est pas exhaustif et bien sûr à rendre circonstancié selon les situations….
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Vincent FRIES, Licencié en psychologie, Belgique
C'est un ensemble de signaux, regards, intonation de voix, propos, rythmes des paroles, humour, mouvements (ceux que l'on peut faire),
destinés à faire comprendre à l'autre qu'on se sent soi-même fier et à l'aise (même avec une timidité et une retenue à dose homéopathique…)
dans son état de femme ou d'homme sexué.
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Ceci est une manière de remplacer par les mots, avec leur intention et leur sens, ce que les muscles ne peuvent
exprimer pour les raisons que l'on sait. Tout cela peut s'apprendre, sans fausse pudeur déstructurante, ensemble
en relation.
Il n'a jamais été indécent de parler de sexe ou d'affectivité alors que tous les deux font partie intégrante de la
nature humaine et de la santé. Il n'y a pas de honte à exprimer ses sentiments, ses besoins, ses attentes
physiques ou psychologiques. Le constat est valable aussi bien pour les personnes dites valides que pour les
personnes porteuses d'un handicap physique, quels que soient d'ailleurs l'importance de ce handicap. Il est
important d'échanger des idées, des points de vue, même si ceux-ci vont parfois à l'encontre d'une morale souvent
castratrice. Tous, qui que nous soyons, nous pouvons apporter aux autres ce que nous connaissons de notre
propre sexualité. En effet, c'est aussi à travers les autres que nous trouvons des repères, que nous comprenons
notre fonctionnement propre, que nous découvrons ce que nous aimons où ce que nous n'aimons pas, et cela
passe notamment par une relation intime. C'est aussi cela la richesse d'une telle relation. Pourquoi alors nous en
priver ?
Pour atteindre ce degré d'épanouissement, de nombreuses personnes handicapées physiques ont besoin d'aide
pour reprendre confiance en elle notamment dans le domaine de la créativité affective et sexuelle. Un
accompagnement adapté, individuel ou collectif peut s'avérer nécessaire parce que toutes les étapes importantes
de la construction de l'image de soi ou de la relation aux autres ont été entravées par un handicap plus ou moins
important. S'il est nécessaire pour pouvoir récupérer, si nous pouvons-nous exprimer ainsi, le temps perdu, pour
pouvoir se reconstruire sensuellement et psychologiquement, de demander, par exemple, l'aide d'assistante
sexuelle, ou d'utiliser les nombreuses méthodes thérapeutiques liées notamment à l'acceptation du corps. Il faut
oser prendre les risques nécessaires pour reconquérir le chemin de la confiance en soi et envers les autres,
partenaires potentiels, en aidant les personnes handicapées, ou valides, à se projeter dans le futur d'une relation
affective et sexuelles épanouissante, possible et cohérente avec l'autre différent de soi.
Le discours à l'égard de la personne handicapée physique peut selon moi être tenu de la même façon dans la
pédagogie de la personne valide. Il est important de prôner la rencontre dans la confiance mutuelle et le choc des
idées et des sentiments en évitant néanmoins de faire des parallèles car les parallèles de se rencontrent jamais !
Le challenge est énorme mais cela n'en vaut-il pas la peine ! Il est nécessaire maintenant, aujourd'hui, d'oser
révolutionner le silence.
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