ils sont jeunes, optimistes et en quête de sens
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ils sont jeunes, optimistes et en quête de sens
ILS SONT JEUNES, OPTIMISTES ET EN QUÊTE DE SENS 26 « Tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais ». Le cinéaste Xavier Dolan, en recevant le Prix du Jury lors du dernier Festival de Cannes, lance un émouvant appel à sa génération : aujourd’hui, la jeunesse doit s’accrocher à ses rêves pour changer un monde qui a besoin de l’être. Dans ce numéro, nous l’avons pris au mot et sommes partis à la rencontre de cette jeune génération qui s’engage, innove et met en œuvre des solutions concrètes pour rendre réalité le rêve d’un monde meilleur. Les 50 jeunes sélectionnés pour la 1ère édition de Ticket for Change (lire notre reportage page suivante) avant de décoller pour le changement. SOMMAIRE Déclic et des claques : Socialter embarque à bord du Ticket for Change et vous raconte l’aventure de l’intérieur Entreprendre autrement : Génération social business Dealer de sens : Rencontre avec Christian Vanizette, cofondateur de MakeSense Planétarium : ils sont jeunes et leur invention change le monde Les jeunes, l’emploi et l’ESS : Désir d’avenir et de sens Les enfants syndiqués du Pérou © Malo Richard. Vu d’ailleurs : 27 GÉNÉRATION POSITIVE UN VOYAGE INITIATIQUE POUR JEUNES VOULANT CHANGER LE MONDE Déclic et des claques Pour la première édition de Ticket for Change, 50 jeunes talents ont sillonné la France en bus à la rencontre de pionniers du social business. Le but ? Déclencher en eux le déclic qui leur permettra de monter leur entreprise sociale. Pour vous faire vivre ce périple inédit, Socialter a embarqué à bord du bus Ticket for Change. Carnet de voyage. Baptiste Piroja-Pattarone et Olivier Cohen de Timary V ous voici à bord du bus Ticket for Change. Pendant 10 jours, vous allez sillonner la France en compagnie de 50 jeunes aux parcours divers pour rencontrer des pionniers de l’entrepreneuriat social. Au programme : conférences, échanges, ateliers, mais aussi travail sur soi et séances de « mise en énergie » collectives. Le tout pour inspirer nos entrepreneurs en herbe et favoriser la concrétisation de leurs projets. L’aventure, imaginée par Matthieu Dardaillon, 24 ans, s’inspire du Jagriti Yatra en Inde – un voyage en train qui permet chaque année à 450 jeunes de partir à la rencontre d’entrepreneurs sociaux, pour les inciter à passer à l’action. Ticket for Change a été conçu autour de trois étapes, proches des cycles de la méditation. Une phase d’inspiration pour mettre à jour ses connaissances, un temps réservé à l’introspection dans une ferme pionnière en agroécologie, et enfin, le plus intense pour la fin : le passage à l’action avec l’élaboration concrète des projets. En route ! 28 Matthieu Dardaillon, Joséphine Bouchez, Adèle Galey, Boris Marcel : l’équipe fondatrice du tour. Les Dalton n’ont qu’à bien se tenir. Socialter « Vous allez beaucoup recevoir ». Le ton est donné par l’initiateur du tour, Matthieu Dardaillon. Il s’exprime au micro devant une salle comble. Malgré la tension palpable du côté des participants, il s’agit avec cette entrée en matière de décomplexer. « L’échec améliore la performance, on est fort de ces échecs, plus que de ses succès », confesse Arnaud de Ménibus, le président d’Entreprendre&+, sponsor principal de Ticket for Change. Une fois le tour achevé, les entreprises sociales encore à l’état d’idée devront se concrétiser. « On espère qu’au moins 10 projets prendront forme, et nous les suivrons pendant les 10 mois suivant le tour », précise Matthieu Dardaillon. « Leur business model sera capital, il leur faudra un développement durable et pérenne ». Nos 50 jeunes « pépites » triées sur le volet, qui représentent peut-être l’avenir de l’entrepreneuriat social, devront donc être à la hauteur… Pour inspirer les participants, la journée commence par une conférence avec un Jacques Attali en grande forme. Ses formules choc font mouche dans l’assemblée. « Le plus grand privilège dans la vie, c’est de rendre service », clame-t-il. Ou encore : « L’entreprise la plus importante de votre vie, c’est votre vie. Essayez de concevoir votre vie comme une œuvre d’art ». Rien que ça. C’est ensuite à Jean-Baptiste Roger d’intervenir. Le président de La Fonderie (l’agence numérique d’Île-de-France) se charge lui aussi de booster nos futurs entrepreneurs : « Ceux qui vous disent que la France est en panne, c’est faux. Le vieux monde occupe encore l’espace mais se disloque. (...) Certains secteurs comme la silver economy sont florissants. Foncez ». À bon entendeur. © © JOUR 1 - PARIS EN AVANT LES PÉPITES Malo Richard / Ticket for Change JOUR 2 - PARIS LES PARRAINS Socialter / DR © © Socialter / DR JOUR 5 ET 6 - LES AMANINS L’INITIATION Silence. On écoute la terre et on ouvre son cœur. Vous êtes arrivés à la ferme des Amanins, haut lieu de l’agroécologie et du developpement durable, en plein milieu de la Drôme. « Si je me suis inscrite à Ticket for Change, c’est surtout pour cette étape », confie une participante, déjà conquise par le concept de « sobriété heureuse ». Ici, on travaille l’autonomie, qu’elle soit énergétique, alimentaire ou économique. Née de la rencontre entre le paysan et philosophe Pierre Rabhi – aux allures de Gandhi – et le self-made-man millionnaire Michel Valentin, la ferme est un véritable laboratoire confrontant idéal de société et réalité économique et sociale. « Il faut accepter les imperfections et les difficultés du projet, confesse Olivier, notre guide d’un jour au sein de la ferme. Certaines personnes arrivent avec de grandes attentes, mais repartent assez vite car la vie est très exigeante ici ». On s’attendait à un discours angélique, pas à ce type de réalités sur le management. Pas de tout repos. « Il faut mettre de la respiration dans un projet, c’est vital », poursuit Olivier. Une respiration que vont d’ailleurs prendre les jeunes du tour : séances d’introspection et de « lâcher prise », pour trouver sa voie. Certains participants craquent. D’autres commencent à bâtir un projet. Tous creusent un nouveau sillon. « La vie est un chemin d’initiation », affirme Pierre Rabhi. Socialter / DR Après les discours, le terrain, ou comment l’innovation sociale change concrètement la vie des gens. Visite au petit matin du dispositif « Premières heures » lancé par Emmaüs Défi depuis 2011. Employant plus de 100 salariés en insertion, ce « bricà-brac » donne la possibilité à des personnes dormant dans la rue de retrouver le chemin de l’emploi : en commençant par travailler quelques heures par semaine (réparation de meubles, vente, etc.), elles apprennent progressivement à se réinsérer dans la société. La journée se poursuit avec la rencontre de Saïd Hammouche, fondateur du Mozaïk RH, le 1er cabinet de recrutement et de conseil en RH qui agit en faveur de l’égalité des chances. Un peu plus tard, c’est le chef étoilé Thierry Marx qui vient échanger avec les participants. Il a retiré son tablier pour parler innovation et réussite sans diplôme. Le soir venu, c’est le grand départ. On embarque enfin dans le bus, direction Marseille. La nuit sera courte. Arrivée dans la cité phocéenne, à l’aube. Le joyeux équipage n’est pas encore réveillé que le coach et chorégraphe Ucka Ludovic Ilolo met tout le monde en selle à coup d’activités ludiques mêlant mouvements toniques et ambiance tribale. Commence alors une partie de « chasse aux solutions » : armées d’un plan de Marseille et accompagnées de jeunes d’écoles de la deuxième chance, les équipes sont invitées à aller résoudre des défis d’entrepreneurs sociaux. Ressourceries, ateliers d’insertion, cafés solidaires, mobilité durable… L’étape marseillaise se transforme en séance de brainstormings solidaires aux quatre coins de la ville, sauce Pékin Express. Les jeunes loups solidaires, gonflés à bloc, prennent conscience des enjeux locaux et de leur capacité à résoudre concrètement des problèmes en équipe. © Malo Richard / Ticket for Change © JOUR 3 - PARIS PREMIÈRE PLONGÉE. JOUR 4 - MARSEILLE LA CHASSE EST OUVERTE 29 GÉNÉRATION POSITIVE JOUR 6 - LYON À FOND LA FORME Terminées les échappées sauvages en campagne, le sprint final commence. Alors que les projets sont encore en phase d’incubation, les participants apprennent à « pitcher » leur idée, de manière concise et claire. Auprès de passants ou d’entrepreneurs sociaux, les jeunes tentent d’améliorer leur discours. Ils reçoivent également les conseils de chefs d’entreprise comme Abdel Belmokadem, dont la société Nes & Cité réalise des opérations de médiation dans les zones urbaines sensibles. © Socialter / DR JOUR 7 - STRASBOURG RICHE COMME CRÉSUS © Après une journée de conférences sur les différentes manières de financer son entreprise sociale et une soirée festive dans la gare de marchandises Saint-Sauveur, les participants découvrent Terradeo, le siège du groupe Adeo (Leroy Merlin). Dans un open space ultramoderne, les « pépites » détaillent leur projet devant un jury de spécialistes : un « Wikipédia des savoir-faire » réunissant entre autres les astuces de nos grand-mères, une initiative originale d’implantation de monnaie locale à Strasbourg ou encore la création d’un lieu pour faire le pont entre start-up et grandes entreprises afin de susciter l’innovation et la co-construction. Malo Richard / Ticket for Change JOUR 8 ET 9 - LILLE RESSOURCES, LEADERSHIP ET ACTION Nos 50 jeunes retroussent leurs manches et s’attellent à l’élaboration d’un business plan. À la question « Comment trouver des sources de financement ? », les pionniers du jour répondent par plusieurs conseils avisés : « Oser aller à la rencontre des grandes boîtes », assure Jean-Louis Khiel de CRÉSUS (Chambre Régionale du Surendettement Social), « s’entourer des appuis locaux », soutient quant à lui Pierre Hoerter, qui dirige l’association La Main verte, spécialisée dans l’insertion professionnelle des personnes souffrant d’un handicap mental. Et si l’entreprise sociale venait à mettre la clé sous la porte ? Des entrepreneurs sont là aussi pour dédramatiser et faire part de leur expérience. « Le pire risque quand on monte son entreprise, c’est de ne pas risquer », conclut Stéphane Degonde, auteur d’un livre sur le sujet. © Socialter / DR JOUR 10 - PARIS CE N’EST QUE LE DÉBUT 30 Dernier jour de l’aventure et moment de vérité à l’ESCP Europe devant la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. « Il y a dix jours, on n’avait pas de projet. Aujourd’hui, on pitch devant la ministre », entend-on sur scène. En point d’orgue : Chris, l’une des 50 « pépites », se voit décerner le Ticket for Change d’or grâce à son projet d’impression 3D pour les malvoyants. De ce tour est née pour chaque entrepreneur l’envie « de répondre non pas à un besoin du marché mais à un besoin de société », selon Aymeric Marmorat, directeur exécutif d’Enactus France et coach « boîte à outils » du tour. Et l’aventure ne s’arrête pas là. Un processus d’accompagnement de 10 mois est prévu pour aider les projets à se concrétiser. MATTHIEU DARDAILLON, COFONDATEUR DE TICKET FOR CHANGE Action man À seulement 24 ans, Matthieu Dardaillon a imaginé Ticket for Change pour pousser de nombreux jeunes à entreprendre. D’après lui, il manque à cette génération qui questionne les modèles économiques dominants le fameux déclic qui lui donnera l’envie d’agir. Propos recueillis par Baptiste Piroja-Pattarone et Olivier Cohen de Timary qui cherche à éradiquer la pauvreté aux Philippines. Ticket for Change vise donc à insuffler cet esprit entrepreneurial chez 50 jeunes ? Nous n’attendons pas forcément qu’ils montent une entreprise. Peu importe le statut de la structure en réalité. Selon moi, l’entrepreneur social, c’est quelqu’un qui a une idée, la met en œuvre et entraîne d’autres personnes avec lui pour réaliser cette idée. Il peut s’agir aussi d’intrapreneuriat social, aventure. C’est à ce moment-là que la fondation Entreprendre & + m’a contacté et m’a demandé de faire un business plan. Séduit par l’idée, ils sont devenus partenaires fondateurs. Ensuite, ce projet a vu le jour grâce à une équipe très dynamique, à qui je dois beaucoup. Ce projet s’est enfin concrétisé grâce à de nombreux partenaires privés (Fondation Schneider Electric, Danone Communities, Renault) et publics. À l’issue du tour de Quels enseignements tires-tu de ce voyage ? D’une part, j’ai compris que l’impossible est temporaire et que chacun peut participer au changement. D’autre part, l’émulation collective est super importante. À bord de ce train, tu prends conscience que tu n’es pas le seul à vouloir changer le monde. Cet effet de groupe te donne de l’inspiration et de la motivation. On a aussi rencontré des gens extraordinaires qui te donnent énormément de clés pour passer à l’action toi-même, comme l’entrepreneur social Antonio Meloto © “L’émulation collective est primordiale. Prendre conscience que tu n’es pas le seul à vouloir changer le monde.” Socialter / DR Q u’est-ce qui t’as poussé à lancer Ticket for Change ? En école de commerce, j’étais en quête d’un travail avec du sens et un impact. Avec mon ami Jonas [Guyot], on a décidé de rencontrer des entrepreneurs sociaux à travers le monde. On a travaillé avec eux pour découvrir sur le terrain ce que ça représentait d’être entrepreneur social au-delà de ce qu’on avait lu, notamment dans 80 hommes pour changer le monde de Mathieu Le Roux et Sylvain Darnil. On est parti pendant 9 mois aux Philippines, en Inde, au Sénégal. Entre-temps j’ai participé au Jagriti Yatra : chaque année depuis 1997, 450 jeunes montent dans un train pendant 15 jours et partent à la rencontre des 15 entrepreneurs les plus inspirants du pays. Le but : donner à ces jeunes l’envie de passer à l’action. Après avoir rencontré ces entrepreneurs, qui ont changé potentiellement la vie de 40 millions de personnes, je suis sorti bouleversé. lorsqu’un individu évoluant à l’intérieur d’une entreprise veut améliorer son impact social ou environnemental. Il faut commencer par la création d’initiatives très concrètes dans plusieurs secteurs : éducation, énergie, logement, santé… L’entrepreneuriat social, c’est créer le changement. Le but de ces 10 jours intenses est de débloquer des choses en eux sur la base d’un programme de leadership et d’introspection. Comment est né concrètement Ticket for Change ? Comment es-tu passé à l’action ? Une fois le Jagriti Yatra terminé, je voulais à tout prix le reproduire en France. Dès lors, j’ai écrit un article sur le site de L’Express relatant mon France, commenceront 10 mois d’accompagnement et d’incubation des projets par des entreprises ou des réseaux d’accompagnement plus classiques comme le Réseau Entreprendre, par exemple. 31