commentaire du mégacode du travail sur la délégation unique du
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Livre blanc | Loi relative au dialogue social COMMENTAIRE DU MÉGACODE DU TRAVAIL SUR LA DÉLÉGATION UNIQUE DU PERSONNEL, ARTICLE L. 2326-1 DU MÉGACODE DU TRAVAIL par Christophe Radé, Professeur à l’Université de Bordeaux et Magali Gadrat, Maître de conférences à l’Université Paris 13 Télécharger le livre blanc sur la Loi Rebsamen relative au dialogue social © Éditions Dalloz 2015 Livre blanc | Loi relative au dialogue social MÉGACODE DU TRAVAIL 2016 CHAPITRE VI DÉLÉGATION UNIQUE DU PERSONNEL SECTION PREMIÈRE MISE EN PLACE Art. L. 2326-1 o Dans les entreprises de moins de (L. n 2015-994 du 17 août 2015, art. 13I) «trois cents [ancienne rédaction: deux cents]» salariés, l'employeur peut décider que les délégués o du personnel constituent la délégation du personnel au comité d'entreprise (L. n 2015-994 du 17 août 2015, art. 13-I) «et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Il prend cette décision après avoir consulté les délégués du personnel et, s'ils existent, le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.» o La faculté de mettre en place une délégation unique est ouverte lors de la constitution (L. n 2015994 du 17 août 2015, art. 13-I) «de l'une des institutions mentionnées au premier alinéa ou du renouvellement de l'une d'entre elles. «La durée du mandat des délégués du personnel, des membres du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut être prorogée ou réduite dans la limite de deux années, de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de la délégation unique. «Lorsque l’employeur met en place une délégation unique du personnel au niveau d’une entreprise comportant plusieurs établissements, une délégation unique du personnel est mise en place au sein de chaque établissement distinct, au sens de l’article L. 2327-1.» COMMENTAIRE Mise en œuvre du cadre juridique. Répondant à une demande régulière du patronat de simplification de l'architecture des institutions représentatives du personnel et d'allégement des coûts induits par leur mise en place dans les petites et moyennes entreprises, la loi no 93-1313 du 20 décembre 1993 a créé la délégation unique du personnel (DUP): les délégués du personnel constituant de plein droit la délégation du personnel au comité d'entreprise. Depuis lors, la loi no 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a élargi la faculté de mettre en place une DUP aux entreprises de moins de trois cents salariés et intégré le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de cette instance. Champ d'application. La faculté de mettre en place une DUP est réservée aux seules entreprises ou UES employant moins de trois cents salariés, à l'exclusion des établissements de moins de trois cents salariés appartenant à une entreprise franchissant ce seuil d'effectif. Décision unilatérale de l'employeur. La décision de mettre en place la DUP appartient exclusivement à l'employeur qui est seulement tenu de consulter les délégués du personnel et, s'ils existent, le comité d'entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur ce projet. La mise sous tutelle patronale des modalités de mise en œuvre du droit fondamental des salariés de participer par l'intermédiaire de leurs délégués à la gestion de l'entreprise (Préambule de la Constitution du 27 oct. 1946, al. 8) a fait l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel en 1993. Celui-ci a déclaré constitutionnel le principe de l'institution de la DUP sur décision unilatérale de l'employeur au motif, d'une part, que le principe de participation implique seulement que ses modalités de mise en œuvre soient déterminées en concertation avec les salariés ou leurs représentants, ce que prévoit la loi du 20 décembre 1993 puisque la mise en place de la DUP est subordonnée à la consultation préalable des représentants élus; et, d'autre part, que cette loi assure le respect de l'ensemble des attributions des délégués du personnel et du comité d'entreprise lorsque est instituée une DUP (Cons. const. 16 déc. 1993, no 93-328 DC, Dr. soc. 1994. 139, obs. Prétot ). Après avoir consulté les représentants du personnel sur la mise en place de la DUP et en dépit d'un avis contraire de leur part, l'employeur peut donc décider d'instituer cette délégation unique. Cette décision ne peut être prise qu'au moment de l'institution ou du renouvellement de l’une des instances représentatives du personnel (art. L. 2326-1), les effectifs de l'entreprise étant dans cette hypothèse appréciés au jour du premier tour (V. note 2 ss. art. L. 2326-1). Si nécessaire, la durée du mandat des membres des différentes instances peut être prorogée ou réduite, dans la limite de deux ans, pour que leur échéance coïncide avec la mise en place de la DUP (art. L. 2326-1). Modalités de mise en place. La décision d'instaurer la DUP relève du seul chef d'entreprise. Cependant, depuis l’entrée en vigueur de la loi no 2015-994 du 17 août 2015, l'organisation de son élection est soumise aux règles définies par le code du travail pour l'élection des membres du comité d'entreprise (art. L. 2326-2), et non plus des délégués du personnel, comme c’était le cas antérieurement (V. note 4 ss. art. L. 2326-1): le personnel sera donc réparti en trois, et non plus deux, collèges électoraux dès lors que les conditions du dernier alinéa de l’article L. 2324-8 du code du travail sont remplies. Aucun des collèges ne pourra être exclusivement composé de salariés non éligibles à la DUP (V. note 4 ss. art. L. 2314-3-1). L'employeur est donc tenu d'inviter les organisations syndicales visées à l'article L. 2324-4 à négocier le protocole d'accord préélectoral (V. Comm. ss. cet art.), peu important que celles-ci aient manifesté leur désaccord à l'instauration de la DUP (V. note 3 bis ss. art. L. 2326-1). Si, depuis 2008, les conditions de validité du protocole d'accord préélectoral étaient l'objet d'un régime particulièrement complexe puisqu'elles sont fonction de l'objet des différentes stipulations, la loi no 2014-288 du 5 mars 2014 est venue simplifier les dispositions relatives aux conditions de validité du protocole d’accord préélectoral en posant en principe que, sauf dispositions légales contraires, la double majorité prévue à l’article L. 2324-4 du présent code est requise (V. Comm. ss. art. L. 2324-4). En cas d'échec des négociations, la saisine du juge est facultative; il appartient à l'employeur de déterminer unilatéralement les modalités d'organisation et de déroulement du scrutin. Toutefois, si le tribunal d'instance est saisi pour fixer les modalités du scrutin, il peut statuer sur ces questions en dernier ressort en la forme des référés (art. R. 2324-2). Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014, ni le juge judiciaire, ni l'employeur ne pouvaient en l'absence de protocole d'accord préélectoral reconnaître la qualité d'établissement distinct pour la mise en place de la DUP ou répartir le personnel dans les différents collèges électoraux, cela relevait de la compétence exclusive de l'autorité administrative (art. L. 2322-5 et L. 2314-11) et ce quel que soit le motif de l’absence de protocole d’accord préélectoral: non-ouverture de la négociation faute d’organisation syndicale ayant répondu à l’invitation à négocier, désaccord entre les parties à la négociation, non-satisfaction de la condition de double majorité, etc. Désormais, l’employeur n’est tenu de saisir l’administration du travail pour qu’elle procède au découpage de l’entreprise en établissements distincts et/ou à la répartition du personnel dans les différents collèges qu’en l’absence de disposition du protocole d’accord électoral. Pour simplifier le processus électoral, les articles L. 2322-5 et L. 2324-13 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi du 5 mars 2014, autorisent donc l’employeur à déterminer unilatéralement le découpage de l’entreprise en établissements distincts et la répartition du personnel dans les collèges électoraux lorsque aucune organisation syndicale n’a répondu à son invitation de négocier le protocole d’accord préélectoral (sur les répercussions de la saisine de l’administration sur les mandats en cours et le processus électoral, V. Comm. ss. art. L. 2314-3). La Cour de cassation a récemment décidé que, à la condition d'être intégré de façon étroite et permanente à la communauté de travail de l'entreprise utilisatrice et de satisfaire aux conditions de l'article L. 2314-18-1 du présent code, un travailleur mis à disposition peut exercer son droit de vote et de candidature à la DUP de l'entreprise utilisatrice (V. note 4 bis ss. art. L. 2326-1). Il pourra ainsi siéger au comité d’entreprise, alors même qu’en l’absence de DUP, la loi a privé ces mêmes salariés mis à disposition de la possibilité d’être élus au comité d’entreprise, pour éviter la fuite d’informations sensibles concernant l’entreprise; cette dualité de solutions est difficilement compréhensible et pourrait bien poser de délicats problèmes de confidentialité. Niveau de mise en place de la DUP. Sous l’empire des dispositions antérieures à la loi no 2015-994 du 17 août 2015, la DUP était instituée en principe au niveau de l'entreprise ou de l'UES, mais elle pouvait également l'être dans le cadre des établissements distincts au sens de la législation sur les comités d'établissement, à l'exclusion des établissements distincts au sens de la législation sur les délégués du personnel. Ainsi, si l'entreprise n'était composée que de tels établissements, la DUP était instituée au niveau de l'entreprise et faisait obstacle à l'organisation d'élections de délégués du personnel au sein des établissements distincts (V. note 6 ss. art. L. 2326-1). A l'inverse, si l'entreprise était exclusivement constituée d'établissements distincts au sens de la législation sur les comités d'établissement, la DUP était instaurée dans chaque établissement. Enfin, si elle était constituée à la fois d'établissements distincts au sens des délégués du personnel et au sens des comités d'établissement, la circulaire DRT no 94-9 du 21 juin 1994 préconisait le regroupement des établissements distincts au sens des délégués du personnel pour former un ou plusieurs établissements au sens des comités d'établissement et favoriser l'implantation de la DUP dans tous les établissements. Toutefois, en dépit des prescriptions administratives, la Cour de cassation a implicitement reconnu la possibilité que la DUP ne soit instituée que dans certains établissements (V. note 7 ss. art. L. 2326-1). Désormais, afin de simplifier le recours à la DUP quel que soit le «découpage» de l’entreprise, l’article L. 2326-1 du code du travail prévoit expressément que, lorsque l’employeur met en place une DUP au niveau d’une entreprise comprenant plusieurs établissements, une DUP est mise en place au sein de chaque établissement distinct au sens de la mise en place des comités d’établissement (art. L. 2327-1). Sous l’empire des dispositions antérieures à l’entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, le nombre de membres de la DUP était fixé à l'article R. 2314-3 en fonction de l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement. Il était en tout état de cause inférieur au nombre de représentants du personnel qui auraient été élus dans l'entreprise à effectif égal en cas de mise en place de délégués du personnel et d'un comité d'entreprise. Depuis lors, un décret adopté en Conseil d’État est attendu pour fixer le nombre de représentants du personnel constituant la DUP, nombre qui devrait également être fonction de la taille de l’entreprise ou de l’établissement. En tout état de cause, ce nombre pourra être augmenté par accord (art. L. 2326-2-1). Cumul des attributions. La DUP ne réalise pas une fusion des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT: ses membres exercent cumulativement l'intégralité des attributions des trois institutions en respectant les règles propres à chacune d'elle (art. L. 2326-3), sous réserve des adaptations prévues à l’article L. 2326-5 du présent code issu de la loi no 2015-994 du 17 août 2015. La mise en place de la DUP se distingue de l'hypothèse dans laquelle, faute de comité d’entreprise ou de CHSCT, les délégués du personnel suppléent celui-ci dans l'exercice de certaines de ses attributions (art. L. 2313-13 s.). Les membres de la DUP remplissent, en effet, l'ensemble des missions des délégués du personnel, du comité d'entreprise mais aussi du CHSCT: ils doivent donc être informés et consultés sur l'ensemble des projets soumis à la consultation du comité d’entreprise et du CHSCT et sont titulaires du monopole de la gestion des activités sociales et culturelles de l'entreprise. Ils disposent à ce titre des ressources allouées au comité: subvention de fonctionnement (art. L. 2325-43) et contribution patronale aux activités sociales (art. L. 2323-86), et de l'ensemble des moyens accordés au comité parmi lesquels le possible recours à un expert rémunéré par l'entreprise. Sous l’empire des dispositions antérieures à l’entrée en vigueur de la loi no 2015-994 du 17 août 2015, ils ne disposaient que de vingt heures de délégation par mois pour exercer l'ensemble des attributions dévolues aux délégués du personnel et au comité (art. L. 2326-3). Désormais, l’article L. 2326-6 du code du travail définit les règles relatives en matière de crédit d’heures de délégation, dont l’ampleur devrait être fixée par un décret adopté en Conseil d’État. Dans les entreprises ayant mis en place une DUP avant l’entrée en vigueur de la loi «Rebsamen», l’employeur peut décider, après avoir recueilli l’avis de ses membres, de maintenir une DUP exerçant les seules attributions des délégués du personnel et du comité d’entreprise, conformément aux règles applicables avant l’entrée en vigueur de la loi no 2015994 du 17 août 2015, dans la limite de deux cycles électoraux suivant la fin des mandats en cours à la date d’entrée en vigueur de cette loi (L. no 2015-994 du 17 août 2015, art. 13-VI). Copyright 2015 - Dalloz – Tous droits réservés © Éditions Dalloz 2015