archaeonautica - Dernières brèves

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archaeonautica - Dernières brèves
ARCHAEONAUTICA
17 2 01 2
Livre-archaeonautica.indb 3
14/11/12 15:18
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CNRS ÉDITIONS
15, rue Malebranche, F-75005 PARIS
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© CNRS ÉDITIONS, Paris, 2012
ISBN : 978-2-271-07171-2
ISSN : 0513-945
Livre-archaeonautica.indb 4
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SOMMAIRE
HONOR FROST : UNE VIE UNDER THE MEDITERRANEAN ..............................................................
7
Patrice POMEY
LE DOSSIER DE L’ÉPAVE DU GOLO (MARIANA, HAUTE-CORSE) ................................................
11
Patrice POMEY
NOUVELLES CONSIDÉRATIONS SUR LA CARGAISON DE L’ÉPAVE
SANGUINAIRES A (AJACCIO, CORSE DU SUD) ....................................................................................
31
Franca CIBECCHINI, Claudio CAPELLI, Souen FONTAINE, Hervé ALFONSI
L’ÉPAVE LA MADRAGUE DE GIENS (VAR) ET LA PLAINE DE FONDI (LATIUM) .......................
71
Antoinette HESNARD
L’ÉPAVE RICHES DUNES 5 À MARSEILLAN (HÉRAULT) : UN TRANSPORT
D’OBJETS DÉCORATIFS À USAGE DOMESTIQUE AU IIe SIÈCLE APRÈS J.-C. ..........................
95
Hélène BERNARD, Marie-Pierre JÉZÉGOU, Philippe BLANC, Benoit MILLE
L’ÉPAVE DE PAKOŠTANE, CROATIE
(FIN IVe – DÉBUT Ve SIÈCLE APR. J.-C.) .................................................................................................
105
Sous la direction de Giulia BOETTO, Irena RADIĆ ROSSI, Sabrina MARLIER, Zdenko BRUSIĆ
L’EMBARCATION MONOXYLE ASSEMBLÉE DE DOUSSARD / BREDANNAZ
(LAC D’ANNECY, HAUTE-SAVOIE, FRANCE) .......................................................................................
153
Yves BILLAUD, Eric RIETH, avec la collaboration de Marc GINISTY
BATEAUX DE GARONNE ET NAVIRES D’ATLANTIQUE ...................................................................
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Sommaire
Frédéric GERBER
5
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L’EMBARCATION MONOXYLE ASSEMBLÉE
DE DOUSSARD / BREDANNAZ (LAC D’ANNECY,
HAUTE-SAVOIE, FRANCE)
BATELLERIE DES EAUX INTÉRIEURES
À LA FIN DE L’ÉPOQUE MÉDIÉVALE
Yves Billaud *
Eric Rieth **
avec la collaboration de Marc Ginisty ***
CADRE GÉNÉRAL
L’épave de Bredannaz est située dans
la partie méridionale du lac d’Annecy,
encore appelée le « petit lac ». Elle repose
par moins de quinze mètres de fond, sur la
rive occidentale, immédiatement à la sortie
sud du hameau de Bredannaz, commune de
Doussard (fig. 1). Elle a été repérée en 2003
par Noël Dupont, responsable de l’école de
plongée de Talloires, et déclarée à l’antenne
d’Annecy du Drassm (Département des
Yves BILLAUD, Eric RIETH, with Marc GINISTY, The extended logboat of
Doussard/Bredannaz (Lake Annecy, Haute-Savoie). Vessels of internal
waters at the end of the medieval period
Discovered in 2003 in the southern part of Lake Annecy, the Bredannaz
wreck has been entirely cleared during two underwater excavation campaigns that have revealed a good state of preservation. The study, along
with complementary observations made on a similar wreck from Lake
Annecy, has led to the reconstitution of a vessel some 9 metres long and
2.30 metres wide, rectangular in plan and extending to a point at the prow.
The architecture is archaic in principal, being of bottom based construction with the structure of an extended logboat/plank boat. Certain characteristics, such as the use of cramps, lead one to question the eventual
relations between naval and rural architecture. The craft has also been
studied from the point of view of metrology and has revealed the use of the
Savoie foot. Its hydrodynamic characteristics have been examined with the
aid of naval architecture software. The architectural particularities of the
Bredannaz wreck, for which a date of 15th-16th century is proposed, make
it an important milestone in our knowledge of the history of watercraft in
the Alpine lakes.
Recherches Archéologiques Subaquatiques
et Sous-Marines), service appartenant au
Ministère de la Culture.
Fin 2003, une plongée d’expertise avec
l’inventeur permettait d’estimer les dimensions de l’épave et de constater l’importance
de son enfouissement ainsi que l’érosion des
parties visibles. Ces caractéristiques étant
nettement différentes de ce qui s’observe
couramment sur les épaves récentes des lacs,
un échantillon pour datation était également
prélevé. L’hypothèse d’un âge assez ancien
était confirmée par l’analyse radiocarbone
de l’échantillon de bois, avec une attribution aux XVe-XVIe siècles. Fin 2004, une première campagne de fouille d’une dizaine de
jours permettait de dégager une partie de
l’arrière de l’embarcation, montrant la bonne
conservation des parties enfouies (fig. 2). Le
relevé architectural mettait en évidence des
traits archaïques, avec la présence de bordés monoxyles de transition. Une deuxième
campagne à l’automne 2005 portait la surface décapée à 21 m² en dégageant la totalité
de l’épave (fig. 3). Après un relevé intégral
de l’architecture, celle-ci a été recouverte
Yves Billaud, Eric Rieth, avec la collaboration de Marc Ginisty
Résumé
Découverte en 2003 dans la partie sud du lac d’Annecy, l’épave de
Bredannaz a été entièrement dégagée en deux campagnes de fouille subaquatique qui ont montré un bon état de conservation. Son étude permet,
avec des observations complémentaires sur une autre épave similaire du
lac d’Annecy, de reconstituer une embarcation de 9 m de long pour 2,3 m
de large, au plan d’ensemble rectangulaire et prolongée à l’avant par une
pointe. L’architecture est de principe archaïque, avec une construction sur
sole et une structure de type monoxyle-assemblée. Certaines caractéristiques, comme l’emploi de clameaux, amènent à s’interroger sur les éventuelles relations entre architectures navale et rurale.
L’embarcation est également étudiée sous l’aspect de la métrologie, mettant en évidence l’emploi du pied de la Chambre de Savoie. Ses caractéristiques hydrodynamiques sont abordées à l’aide d’un logiciel d’architecture
navale. Les particularités architecturales de l’épave de Bredannaz, pour
laquelle une datation aux XVe-XVIe siècles est proposée, en font un jalon
important pour la connaissance de l’histoire de la batellerie dans les lacs
alpins.
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Annecy
N
Léman
Genève
lac
cy
ne
n
d’A
lac d’Annecy
Roc de Chère
Talloires
Le Bourget
Lyon
Aiguebelette
Bredannaz
sup. à 1500m
Paladru
500-1500m
0-500m
Doussard
50 km
5 km
Grenoble
Fig. 1 : Situation de l’épave de Bredannaz à Doussard, Haute-Savoie.
bordé levée tribord
courbe
rehausse
bordé levée
babord
courbe
Nord
coque
planche
planche
anneau
chaine
clameau
planche
< profil bathymétrique >
clameau
0
Fig. 2 : L’épave en cours de fouille ; marquage des éléments architecturaux en vue
du relevé (Cliché E. Champelovier, MCC-DRASSM).
1
5m
planche
Fig. 3 : Plan général de l’épave, coque et éléments dissociés.
Ouest
Est
surface du lac (446,7 m)
V
0
Archaeonautice 17 – 2012
5
10
0 1
5m
épave
15
Fig. 4 : Profil bathymétrique de la rive du lac d’Annecy au droit de l’épave.
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DONNÉES DE TERRAIN
LA COQUE
Les dimensions maximales conservées de
la coque sont de 7,8 m pour la longueur et
de 2,3 m pour la largeur. Le plan d’ensemble
est rectangulaire avec un prolongement en
pointe à l’avant (fig. 5). L’embarcation présente un fond plat (la sole) et des flancs (les
bordés) rectilignes, peu évasés. L’assemblage
est assuré par des éléments transversaux (les
membrures). L’arrière est fermé par un simple
élément plat, vertical à l’origine (le tableau).
L’avant se relève en formant une levée.
En raison de la position oblique de l’épave
sur la pente, le bordé tribord est conservé sur
40 cm de hauteur mais le bordé bâbord sur
seulement 20 cm de haut. Ces bordés, constitués chacun d’une seule pièce de bois, sont
d’un type particulier dit « bordé monoxyle
de transition » dans lequel la jonction entre le
fond et le flanc s’opère par le biais d’une pièce
monoxyle en forme de cornière (fig. 6). Leurs
longueurs sont de 6,3 m. Longitudinalement,
les bordés sont rectilignes hormis celui de
bâbord qui sur l’avant présente une légère
déviation vers l’intérieur. Transversalement,
le passage entre le fond et les flancs de l’embarcation est nettement marqué, avec un bouchain vif. Les flancs sont légèrement ouverts.
L’angle avec le fond varie de 103° à 120°,
valeurs probablement supérieures à celle
d’origine qui, en se basant sur les courbes,
devait être de l’ordre de 105°.
La distance entre le bouchain et la première
planche de la sole varie de 12 cm à l’arrière
jusqu’à 20 cm vers l’avant. Le joint entre les
bordés monoxyles de transition et les planches
de sole n’est pas régulier mais peut présenter
un écartement centimétrique. Aucun système
de calfatage n’a été observé. Seul un démontage de la sole permettrait de confirmer ou
d’infirmer cette absence de calfatage. Ajoutons
par ailleurs qu’aucune agrafe du type « appe »,
associée traditionnellement au matériau de calfatage des embarcations des lacs alpins, n’a été
découverte lors de la fouille.
Le bois constituant les bordés monoxyles
de transition est remarquable par sa couleur
très sombre et son grain fin. La détermination
proposée est le noyer1, essence paraissant a
priori surprenante pour une utilisation dans
l’eau.
L’écartement entre les bouchains est de
2,05 m à l’arrière et se réduit très légèrement
en allant vers l’avant. La sole elle-même est
constituée de deux parties avec, à l’arrière,
cinq planches de résineux et, à l’avant, quatre
planches semblant de même essence que les
bordés monoxyles mais restant à déterminer.
Les planches de résineux ont des largeurs
de 30 à 45 cm. Les joints sont à peine visibles,
ce qui traduit un assemblage très soigné.
Aucun calfatage n’est visible de l’intérieur.
Un petit sondage de reconnaissance depuis
l’extérieur n’a pas permis d’observer directement les joints. Mais, au moins au toucher,
il ne semble pas exister de calfatage ni de
systèmes tels que joints de recouvrement ou
appes. Les deux planches latérales mesurent
5,25 m de longueur et présentent une découpe
en oblique venant s’imbriquer avec la série
de planches de l’avant (fig. 7). Les joints en
oblique sont très serrés. Par contre, les joints
transversaux sont lâches, avec un écartement
d’un à deux centimètres. Aucun calfatage n’a
été observé. Au niveau du joint, l’épaisseur
des planches est de 4 à 5 cm.
La tenue entre les deux séries de planches
est assurée par sept crampons en fer (fig. 8).
En forme d’agrafe, ils sont à rapprocher des
clameaux utilisés pour l’assemblage des
radeaux. Leur longueur est d’une vingtaine
de centimètres. Disposés à partir de la face
externe de la sole, ils traversent les planches.
Les pointes, lorsqu’elles sont visibles, sont
rabattues. Le tracé sinueux du joint entre les
deux séries de planches de la sole et de la
levée ainsi que le décalage par rapport à la
terminaison avant des bordés monoxyles de
transition participent à la rigidité longitudinale de l’embarcation.
L’extrémité avant est érodée mais les
planches latérales avant ont conservé les
découpes obliques de la pointe permettant
une restitution de cette dernière. Leurs prolongements se croisent à 2,5 m en avant de la
terminaison des bordés monoxyles de transition. Ce croisement ne se fait pas sur l’axe
de symétrie de la sole mais il est décalé de
20 cm sur tribord. Cette asymétrie paraît liée
à la légère déviation vers l’intérieur (ou rentrée) de l’avant du bordé bâbord. La coupe
longitudinale montre que la levée débute au
niveau de la terminaison avant des bordés.
L’angulation est rapide. L’angle de la levée
peut être estimé à 14°.
Les membrures sont de deux types : des
pièces rectilignes, fixées uniquement au fond
(les varangues plates, épars ou rables) et des
pièces formant un angle et fixées au fond et
sur les flancs (les courbes). Dans les deux
cas, elles sont très régulièrement délignées
avec une section de 10 cm par 7 cm (fig. 10).
Entre les deux bordés monoxyles, dix-huit
membrures sont très régulièrement réparties.
L’entre-axe varie peu, autour de 34 cm, ce qui
donne une maille (espace libre entre les membrures) de 27 cm. Depuis l’arrière de l’embarcation les membrures sont ordonnées en trois
séquences constituées de deux rables et un
couple de deux courbes puis deux séquences
de trois rables et un couple de courbes. Les
raisons de cette modification de la distribution
des membrures n’apparaissent pas clairement.
Entre les bordés, les rables vont d’un bouchain à l’autre. Ils sont disposés de chant. À
la base, ils sont traversés par des anguillers
disposés au niveau des jonctions entre les
virures de la sole. L’assemblage avec la sole
est assuré par des chevilles (les gournables)
d’un diamètre de 22 à 27 mm, dont l’essence
est le chêne. Au nombre de douze par membrure, elles sont réparties de part et d’autre des
anguillers. Ces gournables semblent avoir été
majoritairement enfoncées à partir de la face
supérieure de droit (chant) des membrures.
Les chevilles placées aux extrémités des
rables assurent l’assemblage avec les bordés.
Elles sont disposées obliquement, vers l’extérieur. Notons que ce même type d’assemblage
au moyen de gournables se retrouve au niveau
des bordages de surélévation.
Les courbes sont affrontées, c’est-à-dire
alignées en opposition par couple. Leur section augmente légèrement sur les bordés.
Elles sont peu ouvertes, avec un angle de
l’ordre de 105°. Les deux courbes affrontées
d’une même membrure sont espacées sur
la sole de 4 à 5 cm. Pour les trois à l’arrière
(fig. 5 : M 3, M 6 et M 9), cet espace correspond à un joint entre des virures de sole, avec
une alternance d’une membrure à l’autre. Pour
les deux autres (M 13 et M 17), cet espace est
légèrement décalé à tribord de l’axe de symétrie longitudinal de l’embarcation.
Il n’a pas été observé sur les membrures, ni
sur la sole, de structure particulière pouvant
être mise en relation avec une emplanture de
mât. Sur la levée, un seul rable est conservé en
place. Mais les emplacements de trois membrures sont marqués par les trous de gournable et l’érosion différentielle des planches.
L’entre-axe diminue légèrement en passant à
30 cm. L’arrière de l’embarcation est désassemblé. Il est constitué d’une simple planche
formant tableau, assez mal conservée et rabattue. L’essence serait le noyer. L’épaisseur est
de 3 à 4 cm. Le tableau est fixé à la sole à
l’aide de clameaux. Latéralement, il n’a pas
été observé de système de fixation aux bordés.
Mais plusieurs autres clameaux, découverts
immédiatement à proximité, pourraient avoir
assuré cette fonction.
Yves Billaud, Eric Rieth, avec la collaboration de Marc Ginisty
d’un géotextile et d’une couche de sédiment
lacustre.
Le site est éloigné d’à peine une trentaine
de mètres de la rive. À cet endroit, le profil
du fond montre une « beine » (le plateau
sous-lacustre) quasiment inexistante (fig. 4).
L’épave repose sur le « talus » (la pente de
craie), entre 12 et 14 m de profondeur, l’extrémité la plus basse posée sur un léger replat.
L’embarcation est orientée nord-ouest / sudest, obliquement à la ligne de pente. Divers
éléments dissociés, en bois mais aussi en fer,
sont présents sur et à proximité immédiate de
l’épave.
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bordé monoxyle
tribord avant
rd
No
bordé monoxyle,
bâbord avant
pente du fond du lac
[M22]
[M21]
[M20]
M19
M19
Pl 6
Pl 7
Pl 8
Pl 9
M18
M17S
M17N
Pl 6
Pl 7
Pl 8
Pl 9
M16
M15
M15
BS
Pl 1
Pl 7
Pl 8
Pl 9 Pl 5
BN
M14
M13S
M13N
M12
M11
M10
M9N
M9S
M8
rehausse
M7
M6N
M6S
M5
M4
M3S
M3N
M3S
M3N
M2
Pl 5
0
Pl 2
Pl 3
BN
Pl 4
Pl 5
T1
PLAN
1
T1
Pl 4
tale
horizon
Pl 1
Pl 3
Coupes transversales
Archaeonautice 17 – 2012
BN
M1
M1
Pl 1 Pl 2
BN
BS
BS
tale
horizon
Coupe longitudinale
5m
Fig. 5 : Relevé de l’épave (Synthèse Y. Billaud, MCC-DRASSM).
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Fig. 8 : Vue du raccord sole-levée à tribord entre les rables M14 et M16 ; à noter
les deux pointes rabattues de clameaux (Cliché Y. Billaud, MCC-DRASSM).
Fig. 7 : Vue du raccord sole-levée à bâbord (Cliché Y. Billaud, MCC-DRASSM).
Fig. 9 : Vue de l’extrémité avant du bordé monoxyle de transition à bâbord et
du clameau assurant la jonction avec le bordé monoxyle avant, actuellement
désolidarisé ; à noter l’amorce de la découpe en pointe de la levée (Cliché Y. Billaud,
MCC-DRASSM).
LES ÉLÉMENTS DISSOCIÉS
Au cours des deux campagnes de fouille,
plusieurs éléments en bois, mais aussi d’autres
en métal, pouvant se rapporter à l’épave ont
été repérés à sa proximité immédiate (fig. 3).
Positionnés sur un plan d’ensemble, ils ont été
remontés puis dessinés. Ils viennent compléter notre vision de l’embarcation.
Deux pièces de bois étaient particulièrement remarquables en raison de leur longueur. Elles étaient situées vers l’avant de
l’épave, l’une au-dessous et un peu éloignée
et l’autre, au-dessus, au contact de l’avant.
Leurs longueurs respectives sont de 2,65 m
et de 2,60 m. L’essence est la même que celle
des bordés monoxyles de transition, probablement le noyer. Le bois érodé ne permet
pas l’observation des surfaces d’origine. Ces
deux pièces sont interprétables comme les
bordés monoxyles de transition encadrant la
levée.
La pièce la mieux conservée viendrait à
tribord avant (fig. 4). Elle présente le même
profil en L légèrement ouvert, que les bordés
monoxyles de transition associés à la sole. La
forme est trapézoïdale avec, pour la partie
correspondant au flanc, une hauteur passant
d’une extrémité à l’autre, de 10 cm à 40 cm,
soit la hauteur du flanc tribord. Les grands
côtés sont rectilignes. Ils forment un angle de
12°, tout à fait comparable à celui estimé pour
la levée à 14°.
Depuis l’extrémité la plus importante, trois
chevilles sont conservées (diamètres de 25
à 27 mm). Au-delà, deux dépressions sur la
tranche de la pièce, espacées de 30 cm, peuvent être les traces d’autres chevilles. Leur
disposition est cohérente avec celle des membrures de la levée.
L’autre pièce, venant à bâbord avant (fig. 4),
a un flanc très mal conservé, avec au maximum 10 cm présents. La partie horizontale est
un peu mieux conservée. Trois chevilles, et la
trace probable d’une quatrième, sont visibles.
Leur disposition est compatible avec celle des
membrures.
Les longueurs des deux bordés sont cohérentes avec la dimension obtenue graphiquement pour l’avant de l’embarcation. Celle-ci
se terminait donc en seuil étroit (en raison
du raccord entre les deux bordés). Dans cette
configuration, la longueur totale de l’embarcation peut alors être estimée à 9 m.
L’assemblage entre les bordés de chaque
bord était assuré, comme pour les deux séries
de planches de sole, par des clameaux en
fer (fig. 9). Ceux-ci étaient au moins deux
comme l’indique à tribord, un clameau encore
en place et un autre simplement tombé de
Yves Billaud, Eric Rieth, avec la collaboration de Marc Ginisty
Fig. 6 : Vue depuis l’arrière du bordé monoxyle de transition à tribord (noté BN),
rables M1 et M2, courbe M3N (Cliché E. Champelovier, MCC-DRASSM).
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maillons sont au nombre de 21. Seul le treizième en partant de l’anneau, long de 69 mm,
est un maillon simple, ovale. Les autres, longs
de 95 à 140 mm, sont resserrés en leur milieu.
Rappelons que le tableau arrière de la nau
d’Yvoire est muni d’une cheville à boucle portant un croc auquel est accrochée une chaîne
de fer forgé à maillons ovales non pincés
d’une quinzaine de centimètres de long2.
MATÉRIEL ARCHÉOLOGIQUE
Archaeonautice 17 – 2012
Fig. 10 : Vue de la partie centrale de l’épave avec ses membrures ; alternance de séries de trois rables et de paires
de courbes affrontées (Cliché Y. Billaud, MCC-DRASSM).
sa position d’origine. À bâbord, un clameau
est également encore en place et un autre a
été découvert à proximité immédiate dans
l’épave.
Deux courbes très érodées ont été trouvées sur tribord avant. Chacune a un angle
de l’ordre de 105°. La mise en relief des fibres
du bois indique leur débit dans un départ de
branche. L’essence est le châtaignier. Toutes
les courbes étant présentes dans la partie principale de l’embarcation, ces éléments confirment que, comme on pouvait le supposer, au
moins un couple de courbes opposées est présent sur la levée. Bien que ces courbes soient
incomplètes, les traces de chevilles encore
visibles permettent de les replacer sur la membrure M21 (fig. 3). Cette disposition de deux
courbes affrontées permettrait également
d’expliquer la présence particulière des deux
chevilles rapprochées sur la planche Pl 8.
Plusieurs planches ont été découvertes
durant la fouille. Deux du côté bâbord et
une dans l’épave sont très érodées, avec une
forte mise en relief des fibres du bois. Leurs
longueurs sont respectivement de 120 cm,
145 cm et 420 cm. L’essence est la même que
celle des bordés. Ces trois éléments peuvent
correspondre au bordé bâbord dont le flanc
aurait été démantelé à la faveur d’une cassure
longitudinale.
Une autre planche découverte à tribord est
de grande dimension avec une longueur de
4,4 m, pour une largeur maximale de 30 cm.
Elle se distingue des précédentes par son
essence, un résineux, et la présence de plusieurs chevilles. Leur répartition permet de
proposer une position pour cette pièce, entre
les membrures M 3 et M 19 (fig. 4), et d’envisager qu’il s’agisse d’un bordage de surélévation. La hauteur intérieure totale serait alors
d’au moins 70 cm.
Sept pièces métalliques en forme d’agrafe,
similaires à celles assurant la jonction entre
les bordés et entre les parties de sole, ont été
découvertes dans ou à proximité de l’épave
(fig. 11). Elles sont constituées d’un corps rectiligne à section rectangulaire, variant autour
de 3 cm de large pour 1 cm d’épaisseur. La
longueur va de 17,5 cm à 27 cm. Chaque
extrémité porte une pointe pliée perpendiculairement et dont la longueur peut atteindre
10 cm. Ces pointes sont pour la plupart rabattues soit dans l’axe du corps du clameau soit
le plus souvent perpendiculairement. Deux
pièces (fig. 11 / 1 et 7) se distinguent des
autres par l’orientation de l’une des pointes
qui est non pas perpendiculaire au corps mais
déjetée. Il est à noter que ces deux clameaux
ne sont pas identiques mais symétriques et
qu’ils ont été découverts à l’arrière de l’épave,
respectivement sur bâbord et sur tribord. Il est
vraisemblable qu’ils participaient à la fixation
du tableau arrière.
À l’extérieur de la coque, sur tribord
arrière, a été découverte une chaîne en fer
d’une longueur totale de 2,30 m, terminée à
une extrémité par un anneau et à l’autre par
un crochet (fig. 11 / 9). L’aspect de surface
de cette chaîne et la forme de l’anneau, avec
une fixation par deux pattes rabattues, comme
celles des clameaux, permettent de la rattacher, en toute probabilité, à l’embarcation. Les
La fouille de la coque a livré très peu de
matériel pour lequel, par ailleurs, la contemporanéité avec l’embarcation n’est pas établie.
La céramique est représentée par un seul petit
tesson. Il s’agit d’un fragment de fond plat
d’un récipient en pâte brun-rouge couverte,
uniquement à l’intérieur, d’une glaçure rougeorangée (fig. 12 / 1). Il pourrait correspondre
à une « biche », récipient à usages multiples,
encore utilisé il y a peu.
Quatre flotteurs de filet en bois ont été
découverts dans la craie emplissant l’épave
à bâbord (fig. 12 / 5 à 7). Trois sont quadrangulaires à bords arrondis. Ils mesurent
environ 6 cm de côté pour moins de 2 cm
d’épaisseur. Ils sont traversés en leur centre
par une perforation plus ou moins ovalisée, de
14 à 18 mm de plus grand axe. Le quatrième
flotteur est sub-circulaire avec comme plus
grande dimension 77 mm pour une épaisseur
de 33 mm (fig. 12 / 4). Il est traversé par une
perforation de 18 mm. Ces quatre flotteurs de
filet présentaient des restes de cordage dans
leur perforation. Dans la terminologie lémanique, il s’agit du « chalame », cordage bordant le haut du filet et dans lequel sont fixés
les « bignets » ou petits flotteurs3. D’autres
fragments de cordage ont été vus à la fouille
mais, en raison de leur très mauvais état de
conservation, seul un fragment a pu être
prélevé. Il s’agit d’un cordage de diamètre
moyen, de deux centimètres au maximum, et,
semble-t-il pour certains fragments, à deux
torons. Par contre, il n’a pas été vu de cordage
de petit diamètre pouvant se rapporter directement à un filet.
Contre la coque, à tribord arrière, a été
découvert un anneau en fer de 56 mm de diamètre, avec un jonc circulaire, de 3 mm de
diamètre (fig. 12 / 2). Ce type d’anneau est
classiquement interprété comme un élément
de filet de pêche.
Un galet plat, de 11 cm par 6 cm pour une
épaisseur de 2 cm, porte des encoches opposées obtenues par l’enlèvement de quelques
éclats (fig. 12 / 3). Ce type de galet aménagé
rentre dans la grande catégorie des galets
à encoches dont l’utilisation est attestée en
domaine lacustre depuis le Néolithique et qui
sont interprétés comme lests, voire encore plus
précisément comme « pierres à filets »4. Mais
l’emploi de ce type de galet jusqu’au milieu du
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10 cm
9
Fig. 11 : Éléments en fer, clameaux et chaîne à crochet (Dessin Y. Billaud, MCC-DRASSM).
Yves Billaud, Eric Rieth, avec la collaboration de Marc Ginisty
8
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10 cm
Si le tableau arrière est une pièce soumise
à de fortes contraintes et peut être amené à
être changé, dans le cas présent, il est dans la
même essence que les bordés, ce qui plaide
pour une homogénéité de l’ensemble. Malgré
tout, la datation obtenue doit être considérée
comme seulement indicative en attendant de
pouvoir réaliser de nouvelles analyses sur
d’autres éléments architecturaux.
L’ÉPAVE DU ROC DE CHÈRE
3
5
4
6
7
Fig. 12 : Objets divers découverts dans l’épave (Dessin Y. Billaud, MCC-DRASSM).
XXe
siècle est souligné. Ce galet est à rapprocher des « pierres » qui servaient à lester des
filets comme les « montes », sortes de sennes
employées sur le Léman. Le galet est tenu à
l’aide d’une ficelle, la « zie », passant dans les
encoches5.
La totalité de la coque n’a livré qu’un
nombre réduit d’éléments lithiques. Il s’agit
d’une vingtaine de petits blocs de calcaire
dont la longueur ne dépasse pas vingt centimètres. Il est probable qu’une partie de ces
petits blocs ne soit arrivée qu’après la mise
en place de l’épave, en glissant le long de la
pente de craie, comme cela s’observe encore
actuellement.
Archaeonautice 17 – 2012
TAPHONOMIE
À partir des observations de terrain, une
hypothèse peut être proposée pour la mise en
place de l’épave. La dégradation de la coque,
en particulier de la pointe avant, plaide non pas
pour un naufrage mais plutôt pour une évolution en deux temps. L’embarcation est certainement restée échouée sur la berge pendant
quelques années, temps nécessaire pour que
débute l’altération de la proue. Déstabilisée,
par exemple au cours d’une tempête, elle
aurait ensuite glissé sur la pente pour venir
se bloquer à la faveur d’un petit replat visible
sur le profil bathymétrique. Une phase d’évo-
lution sur place se serait alors traduite par le
désassemblage de l’avant, l’érosion des parties
hautes puis le colmatage de la coque par des
sédiments crayeux.
ÉLÉMENTS DE DATATION
ET DE COMPARAISON
ANALYSE RADIOCARBONE
Pour un calage chronologique absolu, la
dendrochronologie n’a pas pu être employée.
En effet, il n’existe pas de courbes de référence pour les essences utilisées pour les
membrures et les bordés monoxyles (respectivement le châtaignier et le noyer). Et s’il
existe des références pour les résineux des
planches de la partie arrière de la sole, les bois
utilisés ici ne permettent pas de constituer une
courbe locale étayée en raison de leur débit
et de la grande largeur des cernes. Il a donc
été fait appel au radiocarbone. Une analyse
effectuée à partir d’un échantillon prélevé
sur le tableau arrière a donné le résultat de :
420 ± 45 BP (ARC2377) soit 1410-1640 cal
AD. L’échantillon est caractérisé par un faible
nombre de cernes, seulement sept en raison
d’un débit sur dosse. Ni le cœur ni l’aubier
n’ont été observés.
D’intéressants éléments de comparaison
ont été récemment obtenus au cours d’une
brève intervention d’évaluation d’une autre
épave du lac d’Annecy. Cette épave est située
dans le « grand lac », sur la rive ouest, au nord
de Talloires (fig. 1). Elle repose par 49 m de
fond au pied des falaises du Roc de Chère.
Découverte dès les années 1960 et redécouverte en 1998, elle est fréquemment visitée
par des plongeurs sportifs. Fin 2006, quelques
plongées, réalisées dans des conditions délicates en raison de la profondeur, du froid et de
l’obscurité, nous ont permis de dresser un état
des lieux, favorisé par un recouvrement sédimentaire très faible (resp. Y. Billaud).
L’embarcation repose à plat sur le fond. Elle
est tout à fait comparable à celle de Bredannaz
tant en terme de morphologie (avec un plan
d’ensemble rectangulaire fermé à l’arrière
par un tableau et prolongé à l’avant par une
pointe), d’architecture (avec une sole et des
bordés monoxyles de transition ainsi que
l’utilisation de clameaux) que de dimensions
(avec des dimensions maximales de 9,3 m
pour la longueur et de 2,55 m pour la largeur).
Sa conservation permet de préciser certains
points qui n’ont pu être observés à Bredannaz.
L’extrémité avant est d’une largeur totale
de 50 cm (fig. 13). Il est à noter qu’elle est
totalement ouverte. De plus, elle présente un
prolongement de l’une des virures avec une
découpe et une large perforation permettant
très probablement un amarrage. Pour les
flancs, la hauteur conservée est de 40 cm pour
la pièce monoxyle. Ils sont complétés par une
rehausse de 35 cm. Ces dimensions sont là
aussi similaires à celles observées sur l’épave
de Bredannaz. Quelques clichés pris par les
inventeurs montrent qu’en 1988 ces rehausses
étaient en place. Malheureusement il n’en est
plus de même à ce jour, la fréquentation par
les plongeurs ayant fortement porté atteinte
aux structures. Malgré tout, il est encore possible d’observer que la rehausse avant paraît
ployée et recouvre la jonction entre le bordé
monoxyle principal et celui de la pointe
(fig. 14).
Une caractéristique étonnante de cette
épave est que, malgré son naufrage, elle a
conservé son chargement constitué de tuiles.
Hormis quelques tuiles creuses de grande
dimension (50 cm), il s’agit uniquement de
160
Livre-archaeonautica.indb 160
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Fig. 13 : Vue de l’extrémité avant de l’épave du Roc de Chère à Talloires, lac d’Annecy,
Haute-Savoie ; à noter le prolongement d’une des virures de la levée (Cliché A. Pinot).
tableau
Fig. 14 : Vue depuis l’avant de la partie centrale et du chargement de tuiles plates à
crochet de l’épave du Roc de Chère à Talloires, lac d’Annecy, Haute-Savoie ; à noter
le ploiement de la rehausse (Cliché A. Pinot).
bordage de surélévation (rehausse)
bordé monoxyle de transition
bordé monoxyle de transition
a : coupe longitudinale
0
1
5m
bordage de surélévation (rehausse)
rable
courbes opposées
virure de sole
b : coupes transversales
bordé monoxyle de transition
tuiles plates à crochet et à terminaison en
pointe. Leurs dimensions sont de 34 cm pour
la longueur (soit un pied de la Chambre de
Savoie) et de 15 cm pour la largeur. Leur
module et leur mode de fabrication ne sont
pas incompatibles avec une datation au XVe ou
XVI e siècle6.
Bien que présentant quelques différences
de détail avec l’embarcation de Bredannaz
(essences utilisées, disposition des virures
de sole), l’épave du Roc de Chère paraît donc
tout à fait relever d’un même modèle de chaland lacustre utilisé au moins durant le XVe
ou le XVIe siècle et pour lequel une reconstitution peut être proposée à titre d’hypothèse
(fig. 15).
CARACTÉRISTIQUES
ARCHITECTURALES
STRUCTURE
La coque de l’épave de Bredannaz est
caractérisée par un principe de construction
« sur sole » et une structure monoxyle-assemblée. C’est, en effet, à partir de la surface plate
de la sole constituée des cinq virures en résineux Pl 1 à Pl 5 et des deux bordés monoxyles
de transition en noyer BS et BN, que la structure générale de la coque a été réalisée. Cette
première partie du bateau, correspondant à
son corps, est prolongée sur l’avant par une
levée ployée se terminant en un seuil étroit.
La structure de la levée reprend le même
principe que celui du corps, à savoir quatre
virures en noyer Pl 6 à Pl 9 et deux bordés
monoxyles de transition en noyer (éléments
11 et 8). En toute vraisemblance, quatre bordages disposés à franc-bord sur le can supérieur des bordés monoxyles de transition, et
dont un élément a été partiellement conservé
(planche 34) à l’extérieur de l’épave, venaient
surélever à l’origine la coque.
L’ensemble de ces éléments est organisé
selon une logique architecturale longitudinale dans laquelle les bordés monoxyles de
transition taillés en cornière à bouchain vif
légèrement ouvert (angle d’environ 105°)
Yves Billaud, Eric Rieth, avec la collaboration de Marc Ginisty
Fig. 15 : Proposition de restitution de l’embarcation de Bredannaz (Dessin Y. Billaud, MCC-DRASSM).
161
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Archaeonautice 17 – 2012
assurent la rigidité et le renfort longitudinaux
de la sole, de la levée et des flancs. À cette
logique longitudinale primaire vient se superposer une logique architecturale transversale
secondaire matérialisée par les membrures en
châtaignier M 1 à M 27 (varangues plates et
courbes). Celles-ci sont destinées essentiellement à assurer l’assemblage, la cohésion et la
rigidité transversale de l’ensemble des pièces
longitudinales de la coque. Quatre caractéristiques particulièrement importantes sont à
souligner.
Premièrement, les bordés monoxyles de
transition BS et BN appartenant au corps de
la coque ont leur extrémité antérieure qui se
relève à partir de la membrure M 18 en amorçant le relèvement de la levée. Cette mise
en forme de l’extrémité antérieure des deux
bordés monoxyles de transition suppose, en
toute logique, que le constructeur avait une
perception des formes d’ensemble de la coque
(corps et levée) dès les premières phases du
chantier. Deuxièmement, la liaison entre les
virures de la sole et celles de la levée est localisée à environ 1,15 m en arrière du départ
de l’inclinaison de la levée. Cet intervalle
important séparant le niveau d’assemblage
entre les virures de la sole et de la levée d’une
part, et le niveau de ployage des virures de
la levée d’autre part, réduit dans une large
mesure, les risques de rupture d’une zone fragilisée en raison des contraintes (tension et
compression) exercées sur les fibres ployées.
Troisièmement, les deux écarts en forme
d’empatture formant un encastrement entre
les virures Pl 1-Pl 5 de la sole et Pl 7-Pl 9 de
la levée d’un côté et les écarts francs, sans
encastrement, des bordés monoxyles de
transition BS-B1 et BN-B2 de l’autre sont
décroisés de manière à éviter toute ligne de
faiblesse. Ce décroisement est d’autant plus
important du point de vue structural que certains écarts se trouvent localisés à des niveaux
de fortes contraintes mécaniques. C’est le
cas, par exemple, des écarts situés entre les
bordés monoxyles de transition de la sole
et ceux de la levée. Quatrièmement, enfin,
deux procédés de fixation des pièces sont
employés. Les membrures (varangues plates
et courbes) sont systématiquement assemblées aux virures de la sole et de la levée, aux
bordés monoxyles de transition et aux bordés
de surélévation par des gournables qui semblent avoir été enfoncées, majoritairement, à
partir de la face supérieure de droit (le chant)
des membrures. Si cette première technique
d’assemblage n’est en rien exceptionnelle, la
deuxième, en revanche, l’est beaucoup plus.
Des crampons en fer, comparables morphologiquement à des clameaux, servent à fixer un
certain nombre d’éléments de l’embarcation.
Dans le cas de la liaison des bordés
monoxyles de transition de la sole et de la
levée d’une part, et de celle entre les virures
de la sole et celles de la levée d’autre part, la
question se pose de savoir si ces crampons
n’avaient pas été utilisés à titre de pré-assemblage avant l’introduction et la fixation des
membrures ou, tout au moins, d’une partie
d’entre elles. Il n’est pas impossible, non plus,
que ces mêmes crampons aient été employés
pour renforcer des assemblages soumis à des
efforts importants. Il est certain, en tout cas,
que les sept crampons localisés au niveau de
la jonction entre les virures de la sole et celles
de la levée, comme les cinq fixant le bas du
tableau arrière, ont été disposés à partir de la
face extérieure de la sole et de la levée. Cette
mise en place suppose soit que la coque était
surélevée par rapport au niveau du sol pour
permettre l’enfoncement des pointes des
crampons, soit qu’elle était inclinée sur un
flanc. En l’occurrence, ces deux positions
d’une coque à fond plat en cours de construction ou de réparation correspondent à des pratiques techniques attestées dans les chantiers
navals traditionnels.
Si l’utilisation des clameaux est classique
dans l’architecture rurale de la région des
Alpes, elle apparaît exceptionnelle dans le
cadre de la construction navale. Il est vrai que
les épaves fouillées dans les lacs de Savoie et
de Haute-Savoie sont très rares et que la documentation demeure, donc, très fragmentaire.
Les deux seules attestations archéologiques, à
notre connaissance tout au moins, proviennent
du lac Léman. La première est celle de l’épave
de la nau d’Yvoire (Haute-Savoie), datée de
la fin du XVIIIe-début du XXe siècle, dont les
bordés sont assemblés intérieurement par des
crampons en forme de U pour certains, similaires à ceux de l’épave de Bredannaz, et en
forme de L pour d’autres7. La deuxième attestation est celle de l’épave (ou des épaves) du
Bouveret (Suisse) dont trois fragments sont
datés par le radiocarbone du VIIe siècle après
J.-C.8. Dans une étude récente consacrée aux
épaves du Léman, Carinne Bertola indique
« que des pièces métalliques (clameaux et
clous) étaient attachées à certains fragments
[du Bouveret] »9. Ces éléments métalliques
viennent d’être récemment « redécouverts »
dans les réserves des Musées de Nyon ». Parmi
les attestations archéologiques situées hors
du contexte alpin, on peut citer le cas d’une
pirogue monoxyle provenant du lac Chiem,
en Bavière (Allemagne), dont les nombreuses
réparations ont été réalisées au moyen de
crampons en fer du type clameaux10.
L’une des questions soulevées par l’emploi
de ces crampons dans la construction des
bateaux est celle des relations éventuelles
entre architecture rurale et architecture
navale. Seraient-elles limitées à un simple
usage d’un même moyen d’assemblage ou
pourraient-elles traduire, plus largement,
des pratiques de construction partagées entre
charpentiers de maisons et de bateaux ? Peutêtre des éléments de réponse pourraient-ils
être trouvés dans des marchés de construction
mentionnant les noms et les métiers des charpentiers dans l’hypothèse où des marchés,
pour des constructions de bateaux de la taille
de celui de Bredannaz, donnaient lieu à un
acte écrit devant notaire, pratique qui semblerait loin d’être fréquente. D’autres éléments de
réponse pourraient peut-être aussi être découverts dans les registres paroissiaux des villages riverains du lac d’Annecy.
À titre de comparaison, la région du
Chablais oriental peut fournir quelques éléments de réponse et axes d’étude. Selon les
résultats, encore inédits, des recherches
conduites par l’historien de l’architecture
navale lémanique Paul Bloesch11 de nombreux
charpentiers de « bateaux plats », à architecture « sur sole » conceptuellement analogue
à celle de l’embarcation de Bredannaz, sembleraient posséder une solide expérience de
charpenterie de maisons. Plusieurs de ces
constructeurs de « bateaux plats », qui se distinguaient de ceux travaillant à la construction
des barques du Léman bâties sur quille selon
des techniques similaires à celles en usage
dans les chantiers navals maritimes méditerranéens, paraîtraient avoir souvent fait leur
premier apprentissage loin des rives du lac
Léman. C’est ainsi qu’un certain Guerhard
Bieler, arrivé à Morges peu avant 1700, venait
de Morat où il avait acquis sa formation de
charpentier en travaillant dans les chantiers de la ville. Au début du XVIIIe siècle, un
dénommé André Hadorn venait de la région
de Thun tandis qu’un certain Jean Lodé,
quant à lui, arrivait de Château-d’Oex. Selon
Paul Bloesch, il semblerait que la construction des « bateaux plats » ne permettait pas
toujours d’assurer la subsistance régulière des
familles de charpentiers. Guerhard Bieler se
plaignait ainsi de cette situation qui le conduisait à travailler soit pour la ville de Morges,
soit au château.
Outre l’usage de clameaux pour certains
assemblages du bateau de Bredannaz, Paul
Bloesch a attiré notre attention sur un autre
marqueur archéologique susceptible de témoigner de cette relation entre architecture rurale
des régions alpines et architecture navale
lacustre de ces mêmes territoires, à savoir
les bordés monoxyles de transition. En effet,
certains petits édifices ruraux en bois, notamment les greniers à grains ou à fromages, des
XVI e et XVIIe siècles, possèdent deux sablières
taillées en forme de bordés monoxyles de
transition angulaires12. Dans la perspective
d’un apprentissage du métier de charpentier
de bateaux auprès de charpentiers de maisons,
cet emploi de pièces de charpente morphologiquement, structuralement et fonctionnellement comparables semblerait d’autant plus
envisageable que la géométrie développable
du sol, des parois et du toit d’un grenier en
bois, à base de droites, présente certaines
analogies avec la géométrie développable de
la sole, de la levée avant, du tableau et des bor-
162
Livre-archaeonautica.indb 162
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du fond dénué de calfatage ». Rien n’interdit
de s’opposer à un processus de montage du
bateau de Bredannaz conduisant à fermer la
sole et la levée avec un serrage similaire rendant les coutures auto-étanches.
Notons une dernière remarque à propos de
la structure de la coque. Le décalage entre
la ligne d’assemblage des virures de la sole
à celles de la levée et le départ de la virure
ployée de manière à éviter toute zone de faiblesse d’une part, la symétrie des deux écarts
en forme d’empatture entre les virures latérales de la sole et de la levée d’autre part,
sont révélateurs d’une très bonne maîtrise
des techniques d’assemblage de la part du
constructeur. Dans ce contexte technique, le
recours aux bordés monoxyles de transition
relève-t-il d’un choix favorisé par des facilités d’approvisionnement du chantier naval en
bois de noyer suffisamment échantillonné ou,
au contraire, a-t-il été imposé par les difficultés d’assemblage et d’étanchéité rencontrées
dans la réalisation d’un bouchain composite ?
MORPHOLOGIE
Cette étude est basée sur la restitution de la
coque qui, soulignons-le, comporte une part
d’hypothèse très réduite concernant principalement la manière dont la virure de surélévation s’achève sur la levée, avec ou sans
réduction de la largeur. Au regard de cette
restitution, la principale caractéristique morphologique de l’embarcation est une géométrie de formes planes presque intégralement
développables.
En plan, la coque, d’une longueur horstout de 9,10 m, se décompose schématiquement en un corps trapézoïdal de 6,40 m de
long (correspondant à la dimension des bordés monoxyles de transition BS et BN) pour
2,06 m de largeur moyenne intérieure arrière
et 2 m de largeur intérieure moyenne avant.
Le corps de la coque est prolongé sur l’avant
par une levée trapézoïdale de 2,60 m de long
pour 2 m de largeur à sa grande base et 0,40 m
à sa petite base. Remarquons que cette forme
trapézoïdale du corps de la coque se retrouve
également dans l’épave de la nau d’Yvoire
qui, comme nous le verrons dans un prochain
paragraphe, se rattache à la même grande
famille architecturale. En section transversale, la coque se caractérise par un fond plat
et des flancs rectilignes dotés, dans le corps
de la coque, d’une ouverture constante de
l’ordre de 105°. En élévation, le tableau arrière
est vertical. Le fond, horizontal sur 6,25 m de
long, se prolonge par une levée de 2,75 m de
long qui présente une inclinaison d’environ
12 degrés. Le plat-bord est horizontal et parallèle à la plus grande partie du fond. Il se relève
ensuite d’environ 5° au niveau de la levée.
Ces formes géométriquement développables et architecturalement simples sont
constituées de surfaces planes et d’éléments
architecturaux rectilignes, y compris la levée
ployée dont la courbure est peu sensible.
Comme le fait observer François Beaudouin15,
« cette géométrie particulière constitue l’essentiel de la technique du bateau fluvial » et
lacustre ajouterons-nous. L’une des conséquences de cette géométrisation poussée est
de permettre l’utilisation de planches délignées et non brochetées. À la simplicité des
formes s’ajoute une simplicité de débitage des
planches de la sole, de la levée, du tableau
arrière et des bordés. Cette même simplicité
de réalisation se retrouve au niveau des bordés
monoxyles de transition, ceux de la sole tout
au moins, dont l’ouverture reste constante sur
toute leur longueur.
Dans le contexte lacustre alpin, l’un des
meilleurs documents de comparaison repéré
au stade d’avancement de notre recherche est
un détail d’une gravure de Robert Gardelle,
datée de la première moitié du XVIIIe siècle,
figurant l’entrée du port de Genève16. Le
naviot représenté au premier plan montre
une silhouette générale très proche de celle
de l’embarcation de Bredannaz : fond plat,
levée avant marquée de l’ordre de 15 degrés,
tableau arrière vertical. Un examen attentif
de la gravure fait apparaître quelques différences. C’est ainsi que le naviot du Léman
a des dimensions plus réduites. Sa longueur
peut être estimée à environ 6 m pour une
hauteur de l’ordre de 0,40 m. Sa largeur, plus
difficile à estimer en raison de la représentation en perspective de l’embarcation, pourrait
se situer entre 1 m et 1,50 m. Par ailleurs, la
liaison entre le corps horizontal du naviot et
la levée semble plus angulaire que dans le cas
de l’épave de Bredannaz. Cette même caractéristique de l’embarcation du Léman paraît
se retrouver, en l’occurrence, au niveau du
bordé. Enfin, l’extrémité de la levée semble
s’achever en pointe plutôt qu’en seuil étroit.
Mais hormis ces différences, la morphologie
générale des deux bateaux semble bien se rattacher à une même grande famille architecturale, aux « branches » variées, qui est attestée
sur le Léman depuis la fin du Moyen Âge tant
par l’iconographie (carte du Léman du syndic Duvillard datée de 1588, plan de la ville
de La Tour-de-Peilz daté de 1700, plan de la
paroisse de Lutry daté de 170517) que par l’archéologie (l’épave de la nau d’Yvoire). Sans
doute une recherche iconographique limitée
aux lacs d’Annecy et du Bourget permettraitelle de retrouver d’autres modèles plus locaux
de cette grande famille architecturale.
DIMENSIONS
C’est principalement sous l’aspect de la
métrologie que cette question sera envisagée.
L’élément dimensionnel le mieux conservé
de l’épave et le plus objectif au niveau de la
Yves Billaud, Eric Rieth, avec la collaboration de Marc Ginisty
dés d’une coque monoxyle-assemblée du type
de celle de l’épave de Bredannaz.
Une caractéristique singulière de l’épave de
Bredannaz est l’absence apparente, déjà constatée en 2004, de tout vestige de matériau d’étanchéité des coutures de la coque. Au niveau de la
sole, il avait été observé que les joints internes
entre les planches étaient si serrés qu’il était
difficile de les distinguer. Extérieurement,
des sondages ponctuels n’avaient pas permis,
par ailleurs, de déceler de traces de calfatage.
Cependant, le caractère très partiel de ces
observations sur la face extérieure de la coque
doit nous conduire à une certaine prudence. En
2005, au niveau de la levée où les coutures des
virures sont légèrement ouvertes, aucun indice
d’un calfatage n’a été relevé en dépit d’un examen attentif et systématique des vestiges. Dès
lors se pose la question de l’absence effective
de calfatage en relation avec une mise en place
forcée d’une ou de plusieurs virures de la sole
et de la levée aboutissant à une auto-étanchéité
des joints. La difficulté d’identification des coutures de la sole pourrait être l’un des marqueurs
d’une telle procédure qui, en l’occurrence, n’est
pas exceptionnelle dans la construction « sur
sole ». C’est le cas, par exemple, du bateau nantais de la première moitié du XXe siècle13 dont
la construction du fond débutait par les virures
latérales (les douces), était suivie par les autres
virures de la sole dont la dernière à être disposée, celle du centre (le perclos), l’était en force,
« à la masse, afin d’obtenir un bon serrage de
l’ensemble ». Cette introduction forcée de la
dernière virure n’est rendue possible que par
la fixation provisoire des douces du fond au
chantier de construction. Dans le cas de l’épave
de Bredannaz, l’introduction en force de la
virure centrale de la sole Pl 3 et de la virure
de la levée Pl 17 ou Pl 18 supposerait que les
deux bordés monoxyles de la sole et de la levée
étaient provisoirement assemblés à un chantier
de traverses. Aucun indice archéologique d’un
tel assemblage, indispensable techniquement
à une telle procédure, n’a pu être identifié.
Ajoutons que dans la construction du bateau
nantais, les virures de la sole sont reliées, au
niveau de leur can, par des gournables (les
goujons) chassées horizontalement, et que les
coutures sont étanchées intérieurement par
palâtrage.
Un autre exemple de mise en place forcée de
virures de sole, mais sans aucune liaison entre
les planches ni aucun calfatage des joints,
est celui de la lasse de Marennes, embarcation traditionnelle du bassin de la Seudre, en
Charente-Maritime14. La lasse possède deux
caractéristiques particulières, une sole dotée
d’une « quille » beaucoup plus large que haute
et des bordages disposés transversalement.
Ces pièces sont clouées à la virure centrale
formant « quille » en « laissant trois ou quatre
vides, qui seront fermés par des planches
enfoncées en force. Ces clores feront clés en
serrant l’ensemble pour assurer l’étanchéité
163
Livre-archaeonautica.indb 163
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Tableau 1 : Dimensions restituées de l’embarcation de Bredannaz, exprimées en mètres et en pieds.
Dim. métriques
plan restitué
Nature des mesures
Archaeonautice 17 – 2012
Longueur hors-tout
Longueur sole (bordés monoxyles de transition BS et BN)
Largeur intérieure (bouchain à bouchain)
Largeur intérieure (virures Pl1 à Pl5)
Creux
Longueur (bordés monoxyles de transition 8 et 11)
Largeur intérieure au départ de la levée (bouchain à bouchain)
Largeur intérieure au sommet de la levée (bouchain à bouchain)
Creux à la base de la levée
Creux au sommet de la levée
prise des mesures est la valeur de l’intervalle
d’axe en axe entre les membrures (varangues
plates et courbes) de la sole qui est régulièrement de 0,34 m. Il s’agit, soulignons-le, d’une
valeur non restituée. Au niveau de la levée,
en revanche, cet intervalle, plus irrégulier,
se réduit à une trentaine de centimètres. Au
regard de l’entre axe de 0,34 m des membrures
du corps de la coque, le rapprochement avec
la valeur de 0,3394 m du pied de Chambre de
Savoie semble s’imposer18. Selon le système de
numérotation duodécimale, le pied se divise
classiquement en douze pouces eux-mêmes
divisés en douze lignes. Les grandes dimensions restituées du corps et de la levée de la
coque ont été considérées en pieds pleins, en
référence à ce système régional de mesures
(tableau 1).
Dans les limites d’une comparaison basée
sur un plan restitué de l’épave, la bonne
concordance générale (écarts les plus importants toujours inférieurs à 5 %) entre les
équivalences métriques des valeurs en pieds
pleins de Savoie d’une part et les valeurs, en
système métrique, des grandes dimensions
restituées du corps et de la levée de la coque
d’autre part, semblerait conforter l’hypothèse
d’une utilisation du système de numérotation
duodécimale en pieds de Chambre de Savoie
dans la conception dimensionnelle de l’embarcation de Bredannaz. En outre, le fait que
l’intervalle d’axe en axe entre les membrures
de la sole corresponde précisément à la valeur
du pied de Chambre de Savoie vient renforcer
cette interprétation. Dans les pratiques traditionnelles de constructeurs de bateaux à fond
plat tout particulièrement, il était fréquent, en
effet, qu’un modèle déterminé d’embarcation
soit désigné simplement par une dimension
de base, la longueur de la sole, reposant sur
la valeur de l’entre axe entre les membrures
qui agit, en quelque sorte, comme référence
dimensionnelle19. Ainsi, x intervalles d’axe en
axe correspondent-ils à x membrures et à une
longueur de sole de x pieds de long.
Dimensions
pieds de Savoie
9,10 m
6,40 m
2,03 m
1,70 m
0,72 m
2,60 m
2,02 m
0,40 m
0,72 m
0,35 m
PROPULSION
Aucun vestige ni même aucune trace d’un
dispositif d’emplanture de mât n’a été observé
au niveau des membrures qui, rappelons-le,
sont remarquablement conservées. Sauf à
envisager une emplanture mobile simplement
encastrée sur les membrures, sans aucun
assemblage, complétée en partie supérieure
par un bau-étambrai destiné à créer un second
point d’appui au mât, l’hypothèse d’un usage
de la voile semblerait devoir être écartée.
Ajoutons par ailleurs que les efforts de compression verticale qui s’exercent habituellement au niveau du pied d’un mât se traduisent,
en règle générale, par un écrasement des
fibres du dos des membrures. Aucun indice de
marques de cette nature n’a été relevé sur les
membrures.
Les deux autres modes de propulsion possibles sont la perche et la rame. La perche,
qui fonctionne par appui sur le sol, implique
une navigation par faible profondeur. Dans le
secteur de l’épave, la « beine » qui correspond
à cette zone de navigation est très proche du
rivage. Ce mode de propulsion n’implique
aucun aménagement particulier de la coque
et ne laisse, par conséquent, aucune trace
archéologiquement identifiable au niveau des
vestiges. La rame, dont le fonctionnement par
appui n’est pas limité à une profondeur déterminée, suppose un dispositif et de support et
de pivotement du manche dans le haut de la
coque qui, en contexte lacustre alpin, prend
souvent la forme, dans la batellerie traditionnelle, d’une estrope (boucle de cordage) passée dans une perforation aménagée dans la
partie supérieure du bordé. Compte tenu du
mauvais état de préservation du seul fragment
d’un des bordés de surélévation de l’épave
de Bredannaz, l’absence de trace de ce type
d’aménagement n’est pas significative.
27 pieds
19 pieds
6 pieds
5 pieds
2 pieds
8 pieds
6 pieds
1 pied
2 pieds
1 pied
Equivalences
métriques
9,16 m
6,44 m
2,06 m
1,69 m
0,68 m
2,71 m
2,03 m
0,34 m
0,68 m
0,34 m
CARACTÉRISTIQUES
HYDROSTATIQUES
L’étude des caractéristiques hydrostatiques
du bateau a été réalisée par Marc Ginisty,
architecte naval professionnel, concepteur
et constructeur de voiliers multicoques et
d’embarcations hauturières à rames, qui a été
associé au cours de ces dernières années à
plusieurs programmes de recherche archéologique : épave du caboteur mérovingien de
Port Berteau II (Charente-Maritime) ; épave
du milieu du XVe siècle de l’embarcation à clin
d’Urbieta (Gipuzkoa, Espagne) ; épaves des
pirogues monoxyles Pg 2 et Pg 3 du lac de
Paladru (Isère) et de Mortefon 2 (CharenteMaritime). Le premier objectif de cette étude
architecturale de dimension strictement technique est de fournir, à partir d’un plan des
formes, un ensemble de données numériques,
en terme de poids, de surface, de volume
Le deuxième objectif est de permettre de
construire, à partir de ces données techniques, une analyse de dimension historique.
Dans cette perspective de recherche, la collaboration entre architecte naval et archéologue
est fondamentale.
Le document de base utilisé par Marc
Ginisty pour établir le plan des formes, transversal et longitudinal (fig. 16), est le plan restitué de l’embarcation établi selon les principes
de la « minimum reconstitution » tels qu’ils ont
été définis récemment par les archéologues
Ole Crumlin-Pedersen et Seán McGrail20, à
savoir : un recours aux seules données de la
fouille de l’épave considérée et à des données
de comparaison empruntées à des bateaux de
même famille architecturale, excluant toute
hypothèse architecturale, tout emprunt à des
épaves appartenant à d’autres familles architecturales et tout apport anachronique. Le
plan des formes et les calculs hydrostatiques
ont été élaborés au moyen du logiciel d’architecture navale Prolines Vacanti.
164
Livre-archaeonautica.indb 164
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1m
c
b
a
Fig. 16 : Plan des formes, transversal et longitudinal, avec indication de trois positions de la ligne de flottaison ; a : tirant d’eau 10 cm, déplacement 1 225 kg ;
b : tirant d’eau 25 cm, déplacement 3 450 kg ; c : tirant d’eau 50 cm, déplacement 7 650 kg (D’après document M. Ginisty).
Tableau 2 : Devis de poids de la coque.
Type des pièces
Bordés monoxyles de transition BN, BS, B1, B2
Virures de sole Pl1 à Pl 5
Virures de levée Pl6 à Pl8
Tableau arrière
Bordés de surélévation
Membrures
Total bois
Crampons en fer
Total coque
Essence
Noyer
Résineux
Noyer
Noyer
Noyer
Châtaignier
Densité
0,67
0,46
0,67
0,67
0,67
0,59
Volume
0,54 m³
0,54 m³
0,17 m³
0,06 m³
0,22 m³
0,38 m³
Poids
360 kg
250 kg
114 kg
40 kg
147 kg
226 kg
1 137 kg
6 kg
1 143 kg
Tableau 3 : Données numériques des embarcations charentaises prises comme éléments de comparaison.
Embarcation
Longueur
Largeur
Creux
Poids coque lège
Port maximum
Mortefon
9,08 m
0,88 m
0,47 m
649 kg
1 800 kg
Orlac
15,50 m
2,10 m
0,42 m
4 000 kg
8 200 kg
Port Berteau II
14,29 m
4,80 m
1,20 m
5 736 kg
10 500 kg*
LE DEVIS DE POIDS DE LA COQUE
Le devis de poids de la coque a été réalisé
à partir du plan restitué de l’épave en prenant
en compte les différentes essences de bois
utilisées dans la construction de la coque
(tableau 2). La coque, d’un poids total de
1 143 kg, se décompose de la manière suivante :
360 kg pour les bordés monoxyles de transition, 364 kg pour les virures de la sole et de
la levée, 40 kg pour le tableau arrière, 147 kg
pour les bordages de surélévation, 226 kg
pour les membrures, 6 kg pour les crampons.
Ce devis de poids est une évaluation qui, de
ce fait, ne se confond pas avec celui du bateau
de Bredannaz au moment de sa mise à l’eau il
y a plusieurs centaines d’années. Toutefois, la
part réduite de restitution du plan de l’épave
par rapport aux vestiges conservés rend cette
évaluation sans doute relativement proche du
devis de poids d’origine. Par ailleurs, les densités considérées sont des densités ne prenant
pas en compte le taux d’imprégnation en eau
du bois lié à l’utilisation de l’embarcation. Ce
devis de poids correspond donc au bateau au
moment de son lancement.
POIDS ET STRUCTURE
Si l’on traduit ces chiffres en termes de
pourcentage, on constate tout d’abord que
les bordés monoxyles de transition constituent à eux seuls 31,5 % du poids total de la
coque. Ces mêmes pièces représentent près
de 65 % du poids de l’ensemble constitué par
les virures de la sole et de la levée, les bordés
de surélévation et le tableau arrière. Ces deux
pourcentages sont révélateurs de l’importance
structurale des bordés monoxyles de transition.
Les membrures, quant à elles, ne représentent
que 19,75 % du poids total de la coque, pourcentage qui souligne leur fonction structurale
secondaire. Ajoutons que les éléments métalliques d’assemblage constituent à peine 0,5 %
du poids total de la coque, chiffre révélateur
d’une culture technique du bois dominante
dans la construction du bateau de Bredannaz.
Il n’est pas inintéressant de comparer le poids de la coque lège du bateau de
Bredannaz avec ceux d’autres embarcations
pour lesquelles nous possédons des données numériques précises (tableau 3). Nous
avons choisi trois cas de bateaux provenant
du même bassin fluvial, celui de la Charente,
et relevant de trois architectures différentes :
monoxyle avec l’épave de la pirogue 2 de
Mortefon (Charente-Maritime) 21 ; monoxyle
assemblée avec le chaland d’Orlac (CharenteMaritime)22 ; intégralement assemblée avec le
caboteur fluvio-maritime de Port Berteau II
(Charente-Maritime) 23.
Suivant le point de vue adopté par Ole
Crumlin-Pedersen et Athena Trakadas24,
comparons le poids représenté par une section
de coque d’un mètre de long (tableau 4). Ces
chiffres appellent trois observations principales. Premièrement : le rapport le plus élevé
concerne le caboteur fluvio-maritime de Port
Berteau II. Le principe architectural de ce
voilier de charge – construction intégralement
assemblée de principe « proto membrure
Yves Billaud, Eric Rieth, avec la collaboration de Marc Ginisty
* Il s’agit du port maximum en charge de navigation maritime
165
Livre-archaeonautica.indb 165
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Tableau 4 : Comparaison de l’embarcation de Bredannaz avec embarcations fluviales charentaises.
Embarcation
Poids pour un mètre de coque
Charge morte / charge utile
première » –, ses formes de carène (bouchain
en forme) et son milieu de navigation mixte
impliquant une coque (charpente longitudinale, charpente transversale, bordé) résistante
aux contraintes mécaniques imposées par une
navigation en milieu maritime, se traduisent
par une coque fortement échantillonnée et à
structure lourde. Deuxièmement, le rapport le
plus faible est associé à une coque monoxyle
dont les capacités nautiques demeurent
cependant limitées en termes de milieu de
navigation et de port. Troisièmement, le rapport du chaland monoxyle-assemblé d’Orlac
est révélateur d’une construction – choix ou
contrainte ? – lourde en comparaison avec le
rapport de l’embarcation monoxyle-assemblée de Bredannaz qui est égal à un peu plus
de la moitié de celui d’Orlac. Au regard de
ces différences de valeurs, la construction
monoxyle-assemblée du bateau de Bredannaz
semble pouvoir être interprétée comme la
résultante d’un choix architectural, celui de
construire une coque à structure légère. Ces
différentes valeurs sont révélatrices, également, de la diversité morphologique et structurale de l’architecture monoxyle-assemblée.
Archaeonautice 17 – 2012
POIDS ET FONCTION
Considérons à présent les résultats des
calculs hydrostatiques (tableau 5) qui fournissent une série de données selon trois configurations de déplacement : coque lège armée
(avec matériel d’armement évalué à 80 kg)
correspondant à un déplacement en eau douce
de 1 225 kg pour un tirant d’eau de 10 cm et
un franc-bord central de 65 cm ; coque chargée correspondant à un déplacement en eau
douce de 3 450 kg et une capacité de charge de
2 225 kg pour un tirant d’eau de 25 cm et un
franc-bord central de 50 cm ; coque chargée
correspondant à un déplacement de 7 650 kg
et une capacité de charge de 6 425 kg pour un
tirant d’eau de 50 cm et un franc-bord central
de 25 cm.
Avec un port minimum de 2 225 kg, le rapport entre la capacité de charge et le poids de
la coque armée est de l’ordre de 55 %. Avec
un port maximum de 6 425 kg, par contre, le
rapport entre la capacité de charge et le poids
de la coque armée s’établit autour de 19 %.
Précisons que dans cette configuration, les
normes de sécurité apparaissent satisfaisantes
dans le cadre d’une navigation littorale par
conditions météorologiques moyennes.
Dans une perspective d’économie des
transports, le rapport de 19 % – charge morte/
Mortefon
71,50 kg
36,00 %
Orlac
258,00 kg
48,75 %
Port Berteau II
401,50 kg
54,65 %
charge utile – apparaît, bien évidemment,
beaucoup plus favorable en termes de rentabilité du bateau que le premier et tendrait plutôt à privilégier, dans cette configuration de
rapport de poids, une fonction dominante de
transport. L’utilisation de la perche, voire de
la rame, ne s’oppose pas à une telle fonction
de transport même si, en termes de rentabilité, la propulsion à la voile, n’impliquant pas
de « moteur humain », apparaît beaucoup plus
favorable. Dans la deuxième configuration où
le rapport charge morte/charge utile est sensiblement égal, il semble alors que la fonction
de pêche apparaît plus favorable. L’absence
de toute trace d’emplanture de mât et la
découverte dans l’épave de flotteurs de filets
avec des restes de cordage (ralingue supérieure), d’un anneau métallique et d’un galet
en forme de « pierre à filet » (lest de ralingue
inférieure), sembleraient plutôt appuyer cette
seconde hypothèse fonctionnelle. Cependant,
cette interrogation est à examiner avec prudence dans la mesure où l’on ignore l’articulation chronologique entre ce mobilier de pêche
et l’épave.
Il n’est pas inintéressant de comparer ces
rapports de poids du bateau de Bredannaz
avec ceux d’autres embarcations pour lesquelles nous possédons des données numériques précises. Nous avons repris pour ce
faire le choix précédent de l’architecture
monoxyle avec l’épave de la pirogue 2 de
Mortefon, de l’architecture monoxyle-assemblée avec le chaland d’Orlac et de l’architecture intégralement assemblée avec le caboteur
fluvio-maritime de Port Berteau II. Les rapports poids de la coque lège/port maximum
ou charge morte/charge utile sont traduits en
termes de pourcentage (tableau 4).
Il ne fait aucun doute que le rapport économiquement le plus favorable est celui de
l’embarcation de Bredannaz. Il faut toutefois
relativiser quelque peu ces valeurs brutes
nous semble-t-il. En effet, en termes d’interprétation historique des données, ces valeurs
doivent être resituées dans le contexte de
l’économie régionale des transports par eau
variable selon les époques et les milieux nautiques considérés. Il apparaît évident, à cet
égard, que l’économie des transports sur le lac
d’Annecy à la fin du Moyen Âge et au début
de l’époque moderne ne se confond pas, par
exemple, avec celle du bassin de la Charente
aux premiers temps de la féodalité. N’oublions
pas qu’un bateau, quel qu’il soit, est avant
tout, au-delà de ses caractéristiques architecturales et techniques, l’expression matérielle
d’une situation géo-historique déterminée que
Bredannaz
134,00 kg
19,00 %
l’analyse archéologique a pour objet d’essayer
de restituer.
CONCLUSION
Avec les épaves de la nau d’Yvoire et de la
barque-cochère Neptune de Saint-Gingolph,
l’épave de Bredannaz est la troisième, hormis
les épaves de pirogues monoxyles, à avoir été
fouillée dans un lac alpin. De la même manière
que les fouilles des épaves d’Yvoire et de SaintGingolph avaient conduit à un apport important
de données inédites, celle de Bredannaz a mis
en évidence des particularismes architecturaux jusqu’alors peu ou mal connus qui contribuent, d’une façon déterminante, à enrichir
notre connaissance de l’histoire de la batellerie
lacustre des Alpes en général et de celle du lac
d’Annecy en particulier.
Un aspect notablement intéressant à examiner concerne la place de l’embarcation dans
l’histoire de l’architecture navale régionale.
L’analyse des vestiges a montré que tant au
niveau du débitage régulier des matériaux
(délignage à la scie des virures de la sole et de
la levée par exemple) qu’à celui de la conception maîtrisée de la structure monoxyleassemblée et de la géométrie des formes de
la coque construite « sur sole », le bateau de
Bredannaz suppose, en termes de chaîne opératoire et de logique constructive, que sa mise
en chantier, dans un contexte technique spécialisé, se rattache à une tradition architecturale bien établie. Les questions sous-tendues
par cette interprétation des données archéologiques sont celles portant sur le passé et le
devenir de cette tradition d’une part et de son
étendue régionale d’autre part. Peut-être des
réponses à ces interrogations sur les savoirfaire et les savoirs des charpentiers locaux
pourront-elles être fournies par deux autres
épaves de bateau à fond plat situées dans les
eaux du lac d’Annecy, épaves dont l’étude sera
cependant très difficile en raison de leur situation à 49 m de profondeur pour celle précédemment citée et à 59 m pour une autre.
Dans une large mesure, l’archéologie subaquatique de la batellerie de nos lacs en est
encore à ses débuts. Nous espérons que le
présent travail a montré les potentialités de ce
domaine pour lequel on peut espérer des développements semblables à ceux de la batellerie fluviale au cours de ces trente dernières
années.
166
Livre-archaeonautica.indb 166
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Tableau 5 : Caractéristiques hydrostatiques de l’embarcation de Bredannaz pour trois valeurs de tirant d’eau
(M. Ginisty, logiciel Prolines Vacanti). Cette série de données numériques sert à déterminer, en les quantifiant
précisément, les caractéristiques hydrostatiques d’une coque. Toutes ces valeurs correspondent aux critères
actuels de définition technique adoptés en architecture navale. Ces valeurs permettent d’établir des comparaisons
entre différents bateaux sur des bases objectives, identifiées et contrôlables.
REMERCIEMENTS
Saltwater
1 261.268 Kgs
3 550.797 Kgs
7 878.668 Kgs
Fresh Water
1 225.700 Kgs
3 450.665 Kgs
7 556.490 Kgs
Prismatic Cp
0.912
0.865
0.781
Block Cb
0.842
0.818
0.727
Waterplane Cw
0.962
0.917
0.838
65.164 Kg-m
80.024 Kg-m
106.328 Kg-m
144.01
159.494
181.797
Nous souhaitons adresser nos profonds
remerciements à Paul Bloesch qui, avec sa
générosité habituelle, a répondu à toutes nos
questions en nous adressant des informations
inédites extraites de ses recherches dans les
fonds d’archives et dans les bibliothèques.
Nos remerciements vont également à Étienne
Champelovier, technicien au Drassm, qui a
assuré l’encadrement technique des chantiers
subaquatiques ainsi qu’à Alain Pinot qui a
aimablement mis à notre disposition ses clichés pris dans des conditions difficiles sur
l’épave du Roc de Chère. Enfin, il est à noter
que le texte a bénéficié de la relecture attentive faite par Louis Bonnamour.
NOTES
Tirant d’eau
10 cm
25 cm
50 cm
Displacement
Coefficients
Mom To Trim l cm
KG:Cm Immer
Ratios
242.008
331.768
3.029
3.255
3.596
Length/Draft
66.351
29.676
17.423
Beam/Draft
21.903
9.117
4.846
VCG of Hull
0.140 M Below LWL
-0.010 M Below LWL
-0.260 M Below LWL
LCG of Hull
5.238 M Aft "0''
5.238 M Aft "0''
5.238 M Aft "0''
LCB
6.008 M Aft "0''
5.848 M Aft "0''
5.637 M Aft "0''
VCB
0.045 M Below Lwl
0.117 M Below Lwl
0.232 M Below Lwl
Gmt
4.093 Meters
1.700 Meters
1.010 Meters
Bmt
4.278 Meters
1.807 Meters
1.037 Meters
Load Waterline
6.647 Meters
7.423 Meters
8.715 Meters
Length Over All
9.133 Meters
9.133 Meters
9.133 Meters
Waterline Beam
2.194 Meters
2.280 Meters
2.424 Meters
Deck Beam
2.571 Meters
2.571 Meters
2.571 Meters
Max Freeboard
0.890 Meters
0.740 Meters
0.490 Meters
Fairbody Draft
0.100 Meters
0.250 Meters
0.500 Meters
Waterplane
14.027 SqMt
15.525 SqMt
17.696 SqMt
Lateral Plane
-0.378 SqMt
-0.310 SqMt
3.691 SqMt
Wetted Hull Aera
15.293 SqMt
18.875 SqMt
24.743 SqMt
Total Hull Surface
31.371 SqMt
31.371 SqMt
31.371 SqMt
3.371 BHP
9.489 BHP
21.054 BHP
Centers
Transverse Metacenters
Length-Width-Heigth
Aeras
Required Power
Brake Horse Pwr
Centers of Action
5.897 M aft "0''
5.668 M aft "0''
5.370 M aft "0''
0.124 M Below LWL
0.237 M Below LWL
0.232 M Below LWL
5.944 M aft "0"
4.580 M aft "0"
5.346 M aft "0"
Gml
34.344 M
16.729 M
11.762 M
Bml
34.530 M
16.836 M
11.789 M
Long. Ctr of Float
Vertical CLP
Longitudinal CLP
Longitudinal Metacenters
*
Ingénieur de recherche, Ministère de la Culture,
Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines, 147 plage de l’Estaque,
13016 Marseille, France.
** Directeur de recherches, Département d’Archéologie Navale, CNRS-LAMOP (UMR 8589), Musée
National de la Marine, 17 place du Trocadéro, 75116
Paris, France.
*** Architecte naval, MGM, 1 rue Katell Cornic,
29000 Quimper, France.
1. Les essences de bois ont été déterminées par C.
Dormy, Archéolabs.
2. Rieth 1997, p. 84-85.
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17. Documents reproduits dans Rieth 1997, p. 94 ;
18. Doursther 1840, p. 416 ; Dhélens 1989, p. 27.
19. Vence 1897, p. 90.
20. Crumlin-Pedersen, McGrail 2006, p. 57.
21. Rieth 2003.
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23. Rieth, Carrierre-Desbois, Serna 2001.
24. Crumlin-Pedersen, Tradakas 2003, p. 205.
Yves Billaud, Eric Rieth, avec la collaboration de Marc Ginisty
119.690
Length/Beam
Disp'men/Length
167
Livre-archaeonautica.indb 167
14/11/12 15:23
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