Restauration collective
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Restauration collective
102 | CONCEPTS Restauration collective LA CANTINE SELON MAMIE COCOTTE Stéphanie Ayral et Laurent Marguerite, les fondateurs de Mamie Cocotte, ont bousculé les codes traditionnels de la cantine, sur le fond comme sur la forme. Le premier restaurant interentreprises (RIE) du genre a été ouvert au cœur du parc d’affaires Carré 92, à Gennevilliers, en 2012. Trois ans plus tard, le concept fait des petits. Mamie Cocotte de par sa capacité à assumer l’intégralité de la prestation, de l’aménagement à l’exploitation du restaurant, est en passe de devenir un opérateur qui compte sur le marché de la restauration collective. officeETculture #37 Au pays de la gastronomie, plus de la moitié des salariés français sont toujours fortement attachés à leur pause déjeuner en étant assis au moins une demi-heure et, de préférence, avec des collègues. Peu enclins à déjeuner sur le pouce comme les anglosaxons, ils y viennent néanmoins par obligation ou par nécessité. La lunch-box, (beaucoup plus chic que la gamelle d’autrefois), les food trucks, le très tendance brown bag lunch (heureux remplaçant du plateau repas de base) et tous les autres modes de restauration rapide de qualité remportent un succès certain auprès des travailleurs nomades, pressés ou, simplement, isolés qui veulent manger plus sain et/ou à moindre coût. Signe des temps ou effet de mode, toujours est-il que ce phénomène témoigne de la nécessité de leur proposer, pour y déjeuner, un lieu de détente, confortable, convivial et garant de leur équilibre alimentaire. Dans ce contexte, le concept des espaces de restauration constituent un critère essentiel du choix de l’entreprise pour s’implanter dans un immeuble ou un complexe tertiaire. Laurent Augros, directeur Copropriété & Restaurants Interentreprises chez CBRE Asset Services, confirme l’enjeu majeur que représentent les RIE pour de nombreux acteurs, à commencer par les employeurs et les propriétaires. En effet, pour les entreprises, la présence d’un RIE est un des premiers services demandés au bailleur, car elles misent sur leur offre de restauration pour répondre au besoin de bien-être exprimé par leurs salariés et aussi, parfois, adoucir les conséquences d’un déménagement. Quant aux propriétaires, ils y voient un atout majeur pour séduire et fidéliser des locataires plus volatiles en période de crise. Pour toutes ces raisons, les cantines en sous-sol d’antan ont disparu pour laisser la place à des espaces de restauration spacieux et lumineux, pensés comme des lieux de vie par des stylistes et architectes d’intérieur. Les menus et les plats n’ont pas la prétention de rivaliser avec les restaurants gastronomiques, mais les opérateurs redoublent d’effort pour offrir variété, qualité et esthétique, goût et saveur. C’est à partir de ces constats et en s’appuyant sur la connaissance du secteur de la restauration lifestyle de Stéphanie Ayral d’une part, et de celle de l’immobilier d’entreprise de Laurent Marguerite d’autre part, que le concept de Mamie Cocotte a vu le jour, en 2012. Et pour pallier le manque d’entreprises utilisatrices, notamment en période de crise, il est ouvert au public. La présence d’un RIE est un atout pour les professionnels de l’immobilier d’entreprise, mais peut aussi être un frein à la commercialisation, les entreprises CONCEPTS | 103 Le grand patio de Mamie Cocotte Gennevilliers craignant de devoir supporter des charges fixes plus élevées lorsque le nombre de locataires est inférieur à celui pour lequel le RIE a été calibré. De plus, les exploitants ne paient pas de loyer pour le local mis à disposition et la loi limite à 10 % du nombre total d’utilisateurs l’accès au RIE de clients extérieurs, moyennant un droit d’entrée. Pour la première fois, un opérateur propose aux bailleurs un système innovant et rentable. « Nous leur disons, explique Stéphanie Ayral., que si leur immeuble n’est pas occupé à 100 %, nous allons chercher des clients ailleurs et nous sommes capables, sur la partie commerciale, de leur reverser un pourcentage de loyer variable en fonction des sites et de leur dimensionnement. » Pour cela, il a fallu mettre en place une plateforme d’encaissement entièrement dématérialisée qui puisse faire la distinction entre restauration sociale, porteurs de titres restaurants, salariés des entreprises adhérentes au RIE, et restauration commerciale pour les clients extérieurs. L’application qui a été développée et mise au point avec Chèque Déjeuner, une Bar à vin et pâtisseries, Mamie Cocotte Gennevilliers #37 officeETculture 104 | CONCEPT LA CANTINE SELON MAMIE COCOTTE Le cadre juridique de la restauration d’entreprise En France, le rituel de la pause déjeuner revêt toujours une importance particulière, pour les salariés comme pour les employeurs. Break de la mi-journée pour les uns, respect de la réglementation et enjeu de la qualité de vie au travail pour les autres, ce moment particulier est rigoureusement encadré par le Code du travail. C’est dans les années 1960 que la restauration collective a commencé à se développer sous l’impulsion des entreprises et des syndicats qui désiraient offrir aux salariés une solution pratique et économique pour déjeuner. Ainsi, depuis lors, conformément à la loi, l’employeur choisit le mode de restauration le plus pertinent pour son entreprise. Il existe quatre modes de restauration possibles : le local aménagé (réfrigérateur, micro-onde, tables), les titres-restaurant, le restaurant d’entreprise et l’adhésion à un restaurant interentreprises (RIE). Le code du travail stipule également que les salariés en déplacement doivent être remboursés de leurs repas, au titre de leurs frais professionnels. Concernant la durée de la pause-déjeuner et le financement des repas, l’entreprise n’a aucune obligation légale. Et, si elle n’est pas tenue d’autoriser un temps spécifique, elle doit, au minimum, accorder une pause à l’issue de six heures de travail consécutives (art. L220-2 du code du travail). Ces dispositions sont accompagnées d’exonérations de charges sous certaines conditions, qu’il s’agisse des titres-restaurant ou des restaurants d’entreprise. Dans les deux cas, la contribution de l’entreprise est généralement comprise entre 50 % et 60 % de la valeur forfaitaire décidée par l’administration. Au-delà, cette participation est considérée comme un avantage en nature et, par conséquent réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales. La restauration collective entre dans les œuvres sociales et à ce titre sa responsabilité incombe au Comité d’entreprise qui peut exploiter le restaurant en propre ou en autogestion. Dans la majorité des cas, il préfère sous-traiter à un prestataire spécialisé. Dans ce cadre juridique bien établi, il s’agit donc le plus souvent de se prononcer pour le titre-restaurant ou la cantine d’entreprise, interne ou en RIE. Le premier est simple, souple et adapté aux TPE et PME de moins de 300 salariés, situées dans un environnement commerçant et /ou dont les collaborateurs sont plutôt mobiles. Le restaurant d’entreprise, plus complexe dépend de la taille de l’entreprise, de sa localisation géographique et de la volonté des décideurs de s’appuyer sur ce service pour en faire un objectif de bien être des salariés. officeETculture #37 Salle à manger, Mamie Cocotte Boulogne des premières entreprises installées sur le Parc 92 à Gennevilliers, garantit une absolue étanchéité entre les catégories d’utilisateurs. Un impératif indispensable à la crédibilité et la viabilité du système. Les bornes placées à l’entrée du restaurant permettent de récupérer et de recharger son badge, puis sur les écrans tactiles installés sur les ateliers, l’utilisateur commande sa formule, règle son repas et édite sa facture. Désormais, plus de queue en caisse, plus d’attente au service et un trafic fluide. Entre l’entrepôt industriel branché et les références nostalgiques aux cuisines d’autrefois, l’architecture du premier restaurant interentreprises Mamie Cocotte a été conçue par Jean-Jacques Ory et la décoration vintage signée par la styliste Amélie Baudin. Le look général est soigné et l’aménagement savamment pensé. De beaux volumes facilitent la circulation et les différents lieux de restauration Diversité la rupture de l’espace. Une manière d’inviter des espaces assurent l’utilisateur à changer d’espace chaque jour pour éviter et variété la monotonie. Dans l’espace central du rez-de chaussée, une bibliothèque trompe l’œil en papier peint de six des mets mètres de haut encourage le visiteur, à la recherche du meilleur emplacement, à circuler librement. La deuxième salle à manger est franchement vintage, avec son mobilier chiné. A l’étage, la grande salle à manger équipée de deux cheminées s’affiche très cosy. Et puis, on découvre un salon « privé » pour trente couverts, servis à l’assiette qu’il est possible de réserver, ainsi que le menu pour une réunion de travail qui requiert calme et confidentialité. Aux fourneaux, un chef, Philippe Deschamps que son parcours à la croisée des chemins entre la restauration gastronomique et la restauration d’entreprise a naturellement mené aux commandes de Mamie Cocotte. Avec son équipe, il combine à l’infini les ingrédients du jour et les décline selon les saisons sous forme de cocottes, soupes, salades, tartines, pâtes, crêpes, planchas, grillades, woks, burgers, fromages et pâtisseries que l’on trouve dans les différents ateliers. L’ensemble des recettes sont, « comme à la maison », préparées et mijotées. Mamie Cocotte oblige. Le bar à salades permet de composer soi-même, son plat fraîcheur sur-mesure, le bar à sandwiches propose d’agrémenter, sur le même 106 | CONCEPT LA CANTINE SELON MAMIE COCOTTE Mamie Cocotte Gennevilliers principe, son pain du jour et de l’emporter à l’atelier express. Pour les amateurs de douceur et de chaleur, chaque jour, des soupesmaison sont disponibles. L’atelier cocotte, quant à lui, revisite les recettes traditionnelles de nos grands-mères pour remettre au goût du jour des plats oubliés qui nous ramènent en enfance à l’instar de la blanquette de veau. À base de viande ou de poisson, des recettes gourmandes sont servies dans des cocottes en verre pour préserver l’ensemble des saveurs. L’atelier minute propose, tous les jours, au choix une grillade de Solidarité et éthique viande et une plancha de poisson, accompagnées environnementale d’un gratin de légumes Enfin, pour finir le déjeuner sur une note sucrée, la pâtissière, propose un large choix de gâteaux, tartes verrines, fruits de saison sous toutes leurs formes et des glaces artisanales. « Une cuisine digne d’un restaurant au prix d’une cantine ! », clame Stéphanie Ayral. Les formules varient entre 9,30 euros pour les adhérents, avec une participation employeur de 5 euros, soit 4,50 euros pour l’utilisateur et 11,90 euros pour la formule visiteur. Avec le recul, Stéphanie Ayral se félicite du succès de la formule Mamie Cocotte « totalement en adéquation avec les attentes des utilisateurs » et insiste sur les valeurs de solidarité et de préservation de l’environnement qui l’animent. Un acte fort et symbolique est sans doute celui d’avoir engagé des femmes de plus de 50 ans pour confectionner et servir les repas à Gennevilliers. Un geste citoyen d’aide intergénérationnelle qui engage la marque, tout comme la volonté de se fournir en produits locavores (c’est-à-dire locaux et de saison). Aujourd’hui, les acteurs de l’immobilier voient dans l’approche de Mamie Cocotte une alternative qui répond à leurs préoccupations et les appels d’offres se multiplient, en double exploitation, en restaurant d’entreprise classique comme pour le siège d’Artélia qui vient d’ouvrir ou encore en simple rénovation de locaux vieillissant. Composante incontournable du bien être et de la santé au travail, la restauration d’entreprise est en pleine mutation. Avec son concept clé en main, de l’aménagement, la décoration à l’exploitation se distingue en réinventant la cantine. Agnès Melon officeETculture #37 La terrasse à Gennevilliers À propos des fondateurs Passionnée et créative, Stéphanie Ayral développe depuis plus de quinze ans des concepts autour du lifestyle. Titulaire d’une licence de droit à la Sorbonne, elle démarre son premier projet en 1998, en créant Trendy, une agence de communication événementielle, spécialisée dans les lieux insolites proposant une régie intégrée au sein des établissements partenaires. En parallèle, en 2004, elle donne naissance au concept de restauration Trendy’s. Il s’agit alors d’une nouvelle approche de la restauration autour des 5 sens, véritable «bulle de décompression» pour un déjeuner réconfortant. Laurent Marguerite, diplômé de l’ICH et titulaire d’un Master en Ingénierie Immobilière, évolue depuis douze ans dans le monde de l’immobilier d’entreprise (Auguste Thouard, BNP PARIBAS Immobilier, CBRE). En 2010, ils fondent ensemble Mamie Cocotte.