LE MYSTIQUE

Transcription

LE MYSTIQUE
GARY TILLERY
GEORGE
HARRISON
LE MYSTIQUE
Table de s ma t iè re s
Note de l’auteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Première partie : La vie dans le monde matériel
Chapitre 1. Liverpool . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre 2. La liberté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre 3. La dernière tournée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Deuxième partie : La création d’un mystique
Chapitre 4. L’éveil spirituel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre 5. Ravi et le Maharishi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre 6. Krishna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre 7. Le point de vue hindou . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Troisième partie : La transmission de la parole
Chapitre 8. Toute chose a une fin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre 9. Le Bangladesh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre 10. Le yogi inavoué . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre 11. Si loin de la maison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Quatrième partie : La lumière intérieure
Chapitre 12. Vers la lumière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre 13. Une goutte de pluie sur une feuille de lotus
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Épilogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Int roduc t ion
La flûte de Krishna nous éveille l’un après l’autre.
Elle accomplit son œuvre de bien des manières1.
GEORGE HARRISON
L
orsque, au printemps de 1965, George Harrison accepta une invitation à dîner de longue date, il ne se doutait pas que sa trajec-
toire religieuse en serait à jamais transformée.
Fils d’une mère catholique et d’un père anglican non pratiquant,
Harrison vivait depuis dix ans très à l’écart des enseignements spirituels qui avaient guidé sa jeunesse. Dès l’âge où il s’était senti capable, à l’imitation de son père, d’éviter sans remords la liturgie
dominicale, il avait fui ce qui, pour lui, avait toujours représenté un
combat contre l’ennui. Les rituels religieux, impressionnants mais
surannés, ne l’intéressaient pas. Comme sa sœur et ses deux frères
aînés avant lui, il s’était laissé glisser dans l’irréligiosité, s’absorbant
plutôt dans les préoccupations habituelles de l’adolescence et dans
le groupe musical qu’il venait de créer avec ses amis Paul McCartney
et John Lennon. Quand les Beatles connurent par la suite un succès
phénoménal et une prodigieuse renommée, il savoura tous les plaisirs que le monde matériel avait à offrir. Les questions de spiritualité
ne l’effleurèrent même pas.
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George Harrison, le mystique
Un jour, pendant le tournage du film Help ! à Londres, Harrison
et sa copine persuadèrent John Lennon et sa femme de les accompagner à un dîner auquel les conviait le dentiste des Beatles. À la fin du
repas, leur hôte leur servit à leur insu du café sucré au LSD. Harrison
en décrira plus tard les effets : « Mon esprit, ma conscience et ma
sensibilité avaient été propulsés si loin que j’avais l’impression d’être
un astronaute qui observe la Terre depuis la Lune ou depuis son
engin spatial ; je ne saurais le décrire autrement. J’observais la Terre
du point de vue de ma conscience2. »
Ce qui se produisit quand sa conscience fut ainsi propulsée « si
loin » fut pour lui une révélation. Dans le ravissement et la lucidité
de cette expérience psychédélique inattendue, il trouva Dieu.
Mais il ne s’aperçut pleinement de cette découverte qu’au bout
de plusieurs mois. En cette soirée de 1965, il ne saisit qu’une chose :
l’émotion étrange et violente qui s’était emparée de lui. Ainsi qu’il le
rappelle : « Je me sentais amoureux, non de quelqu’un ou de quelque
chose en particulier, mais globalement. Tout était parfait, tout baignait dans une lumière idéale, et j’éprouvais un besoin irrépressible
de dire à toutes les personnes présentes [dans la boîte de nuit] – de
parfaits inconnus pour moi – combien je les aimais3. »
Quand il put repenser à cette expérience avec recul et en toute
objectivité, il comprit que, durant ces heures extraordinaires, il avait
embrassé le divin – comme il avait été embrassé par lui. Sa vie ne
serait plus jamais la même. Ce premier pas dans une voie nouvelle
ne fut pas le dernier. Il se découvrit des affinités avec l’Inde lointaine.
Il se lia d’amitié avec Ravi Shankar auprès de qui il étudia le sitar. Il
se mit au yoga et au chant scandé, à l’apprentissage de la méditation
sous la direction du Maharishi Mahesh Yogi, et il appuya la mission
mondiale de Swami Prabhupada. Il devint un adepte de l’hindouisme dont il fréquenta les temples et les lieux saints, et il s’imprégna de ses écrits sacrés. Il voua bientôt un culte à Krishna.
Harrison s’efforça tant qu’il le put de refréner les ardeurs de son
ego et de comprendre la vérité occulte du rêve éveillé où, croyait-il,
14
Introduction
nous évoluons tous. Quand il sut percevoir le monde avec les yeux
d’un mystique, il oscilla entre le besoin de s’en détacher et celui d’y
rester lié. Il préférait l’ombre à la lumière, mais son empathie pour
la souffrance des populations qui vivaient à l’autre bout de la planète l’inspira à organiser le premier grand gala caritatif de l’histoire
du rock’n’roll. Sa relation personnelle avec la divinité le satisfaisait
pleinement, mais il était tenté d’écrire des chansons qui puissent servir
à éveiller les masses « endormies ». Bien qu’il ait été jusqu’à sa mort un
des hommes les plus célèbres du monde, il se réjouissait toujours d’enfiler une salopette et de chausser des bottes de travail pour se joindre
aux ouvriers qui assuraient l’entretien de ses propriétés.
Lorsqu’il quitta ce monde à la suite d’un cancer à l’âge de 58 ans,
les personnes qui, outre sa famille, l’accompagnèrent durant ses dernières heures étaient de celles qui partageaient ses valeurs spirituelles
– des membres de l’Association internationale pour la conscience de
Krishna, et son ami de toujours Ravi Shankar.
La vie de George Harrison, quoique singulière et fascinante, ne
l’arracha pas à ses racines. Il eut beau fréquenter des sommités du
monde des arts, des géants de la finance et de grands chefs d’État, il
n’en demeura pas moins un enfant de Liverpool. S’il pouvait sans
peine deviser avec des sages des Upanishads et de la Bhagavad-Gita,
ce fils d’un chauffeur d’autobus et frère d’ouvriers, qui avait luimême été apprenti électricien chez Blackler’s jusqu’à ce qu’il réponde
à l’appel de sa destinée, garda toujours les pieds sur terre.
John Lennon le qualifia un jour de héros de la classe ouvrière.
George Harrison était un mystique de la classe ouvrière.
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Chapitre 1
L i ver pool
G
eorge Harrison fit son entrée dans notre monde matériel le
24 février 1943, 18 minutes avant minuit, dans la chambre de
l’étage, au 12, Arnold Grove, à Wavertree, un quartier ouvrier du
sud-est de Liverpool.
Ses parents, Harold et Louise, s’étaient mariés dans la funeste
année 1930, sept mois après le krach boursier. Durant cette période
de grande crise planétaire, la famille accueillit, en 1931, une fille qui
reçut le prénom de sa mère et, en 1934, un fils auquel on donna le
prénom de son père. Un deuxième garçon, Peter, vit le jour alors que
la Luftwaffe d’Hitler tentait d’écraser le Royaume-Uni à l’été de 1940.
George, le benjamin de la famille, arriva ainsi au tournant décisif de
la Seconde Guerre mondiale. L’Angleterre et le monde avaient
jusque-là résisté aux ambitions les plus démentes du Führer. Les
forces de l’Axe avaient été bloquées ou repoussées dans le Caucase,
en Afrique du Nord et dans le Pacifique ; et, en Amérique du Nord,
l’« arsenal de la démocratie » commençait à prendre forme à un
rythme que les pays de l’Axe ne pouvaient espérer égaler.
Harold H. Harrison avait été steward à bord de paquebots de
ligne, tout comme Alfred (Freddie) Lennon, le père de John. Mais,
contrairement à Freddie, Harold n’avait pu supporter d’être ainsi
George Harrison, le mystique
séparé de sa femme pendant de longues périodes. Il avait renoncé à
sa vie en mer pour chercher un emploi à Liverpool. Au plus fort de
la crise, ses démarches étaient restées infructueuses pendant 15 mois.
Il avait finalement déniché une place de chauffeur d’autobus qui lui
rapportait à peine de quoi vivre, mais il avait au moins la consolation de retrouver les siens après sa journée de travail.
Liverpool était depuis des siècles une ville ouvrière. En tant que
port majeur de la côte occidentale de l’Angleterre, elle avait été le
premier point de contact des navires de commerce, le premier port
du pays où débarquaient marins, négociants et voyageurs. Des navires en provenance de tout l’Empire britannique y déchargeaient
des matières premières et prenaient dans leurs cales des produits
manufacturés. Profitant de sa situation avantageuse, les raffineries de
sucre et les minoteries s’y étaient multipliées. Elles employaient des
hommes robustes, dont beaucoup d’immigrants. Liverpool fut la
première ville d’Angleterre à avoir une population noire, et c’est là
que s’établit le premier quartier chinois de toute l’Europe. Pendant
la grande famine d’Irlande au milieu du XIXe siècle, elle avait accueilli un très grand nombre d’Irlandais qui en étaient venus à
constituer le quart de sa population. Pendant la jeunesse de George
Harrison, Liverpool était une ville de marins, de débardeurs, d’ouvriers d’usines et de négociants, des gens qui, faisant peu de cas des
80 raids aériens de la Luftwaffe, retournaient aussitôt après au boulot, des gens endurants, impassibles, terre à terre, qui trimaient dur.
Le logement des cols bleus liverpuldiens était rudimentaire. À dix
shillings par semaine, le domicile où George vivait était une simple
maison en brique rouge sise au beau milieu d’une rangée de structures identiques dans une impasse bruyante, une maison comprenant un étage de 19 mètres carrés, ainsi qu’une cuisine et un séjour
de même dimension au rez-de-chaussée. La porte donnait directement sur le trottoir. Il suffisait d’en passer le seuil pour se retrouver
dans le minuscule séjour où il y avait un petit foyer rarement utilisé.
Ensuite, on entrait dans la cuisine réduite, munie d’une cuisinière en
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Liverpool
fonte. Là se trouvait l’escalier menant aux deux chambres. Par la porte
arrière, on accédait aux toilettes extérieures en franchissant une
étroite cour pavée. Pour prendre son bain, on se servait de la baignoire en zinc suspendue au mur4.
Harrison passa là les six premières années de sa vie, s’éveillant
tous les matins d’hiver dans un froid glacial – il devait souvent gratter la glace à l’intérieur des carreaux des fenêtres –, mais réconforté
par les relations chaleureuses qu’entretenait cette famille de six personnes dans ce lieu exigu.
Benjamin de la famille, George en était aussi le point de mire.
Un de ses premiers souvenirs remonte à l’âge de quatre ans. Debout
sur un tabouret au milieu des siens, il avait chanté une chanson intitulée One Meat Ball. Il aimait aussi monter des spectacles de marionnettes. Armé de sa ménagerie de marionnettes animales, il improvisait
des numéros qui faisaient rire ses parents et sa fratrie5.
Il fut baptisé comme sa mère dans la religion catholique, mais,
en raison du baby-boom de l’après-guerre, les écoles primaires
avaient du mal à accueillir les nombreux élèves. Quand vint le moment pour George de commencer ses classes, ses parents l’inscrivirent à l’école publique Dovedale, située près de Penny Lane, où il
y avait encore de la place.
La religion n’était pas au centre des préoccupations de la famille Harrison. Harry, en bon ouvrier du nord, se méfiait de l’Église
et n’assistait pas aux offices. Ainsi que le rappelle George : « On
avait beau dire que, si on n’était pas catholique, c’est qu’on était
anglican, mon père ne me semblait pas appartenir à quelque religion que ce soit. » L’ambivalence de Harry influença le jeune
George. Il accompagnait sa mère à la messe catholique à laquelle
elle s’efforçait d’assister au moins les jours de fêtes importantes,
mais à l’âge de 11 ans, après sa première communion, il emboîta le
pas à son père. George ne fit jamais sa confirmation. « Je me suis dit
je ne me donnerai pas cette peine. Je me confirmerai moi-même
plus tard6. »
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George Harrison, le mystique
Sa sœur Louise, subissant elle aussi l’influence maternelle, fut
pensionnaire dans un couvent, mais elle en vint au bout de quelque
temps à partager les désillusions de George. Elle constata que leur
enfance avait été marquée par la peur de brûler en enfer s’ils refusaient de se conformer aux diktats de l’Église. Plus tard, à mesure
qu’ils vieillissaient et acquéraient une certaine indépendance de
pensée, ils se révoltèrent contre la notion d’un « dieu dément » qui
« frappait tout un chacun de sa foudre ». Un tel dieu, convinrent-ils,
ne méritait pas leur allégeance7.
Bien que les rites et les dogmes du catholicisme ne l’aient pas
attiré, Harrison connut des expériences mystiques dans son enfance.
Sans raison apparente, il lui arrivait d’être brusquement submergé
par une curieuse sensation. Sa perception normale des choses était
alors renversée pour faire place à une sensation de petitesse extrême,
sans qu’il perde pour autant le sentiment de sa complétude. Comme
toute expérience mystique, celle-ci résistait à ses tentatives de définition. « Je ressentais simultanément deux états. Cette chose menue
que j’étais devenu – et la sensation qui m’habitait de part en part –,
cette chose se mettait à tourner sur elle-même et à prendre de l’ampleur. Elle tournait de plus en plus vite, jusqu’à atteindre des proportions et une vitesse stupéfiantes. Je sortais de cette expérience
complètement terrifié. » Après que, devenu adulte, il eut fait usage de
substances psychodysleptiques et pratiqué la méditation, il parvint à
surmonter sa terreur et même à induire cet état à volonté. Durant les
séances d’enregistrement d’Abbey Road, il se réfugiait seul dans une
cabine de son pour le provoquer8.
Lorsque Harrison commença ses classes à l’école Dovedale, un
autre élève, qui le précédait de deux ans, s’y trouvait déjà. George en
viendrait à idolâtrer ce garçon brillant mais rebelle, originaire de la
banlieue plus aisée de Woolton : John Lennon.
George était lui aussi très intelligent. Comme John Lennon, il
développa une aversion pour la routine et la discipline étouffantes
de l’école. Sans doute parce qu’il avait l’habitude de se voir passer
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Liverpool
tous ses caprices à la maison, ou encore en raison de son individualité naissante, il répugnait à se plier aux volontés des autorités
scolaires. Comme Lennon, il réagissait avec insolence. Son insubordination lui valut des retenues, voire la bastonnade9.
Lorsque George obtint son diplôme de Dovedale en 1954 et
s’inscrivit au Liverpool Institute, son dégoût des études se transforma en haine systématique. Il écrira plus tard : « Tout était empreint
d’une telle gravité. Interdiction de sourire, interdiction de faire ceci
ou cela. Viens ici, tiens-toi là, tais-toi, assieds-toi. » Parce qu’il jugeait ce milieu hostile, il se repliait sur lui-même tant psychologiquement que physiquement. Un de ses professeurs de l’époque,
Arthur Evans, se souvient d’un garçon extrêmement silencieux, voire
introverti, qui préférait s’asseoir tout au fond de la classe et ne
jamais lever les yeux10.
Les enseignants du Liverpool Institute semblaient appartenir à
deux catégories : les anciens militaires âgés et les diplômés de fraîche
date et sans expérience. Aucun ne parvenait à faire de son enseignement une expérience stimulante et tous privilégiaient une discipline
sévère. « On nous façonnait à la terreur. Une sorte d’abrutissement
s’installait. On dit que les enfants n’apprennent bien que lorsque
leurs études sont passionnantes, mais quand l’abrutissement prend
le dessus, tout apprentissage cesse, et ils se ferment à tout. » Les enseignants intimidants n’étaient pas rares. Dans certains cas, ils n’hésitaient pas à traiter leurs élèves avec mépris. L’un d’eux obligeait les
adolescents désobéissants à occuper la chaise voisine d’un garçon
célèbre pour ses odeurs corporelles repoussantes. Jugeant ce comportement déplorable, George s’assit délibérément à côté de ce camarade et se lia d’amitié avec lui11.
Il ne faisait pas ses devoirs, ses cheveux étaient longs et hirsutes,
et il se moquait du code vestimentaire de l’établissement. Il boutonnait son blazer sombre pendant les cours pour cacher un maillot de
corps jaune serin emprunté à son frère Harry. Il fusela ses jambes de
pantalons en se servant de la machine à coudre de sa mère et se mit
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George Harrison, le mystique
à porter des chaussures à bout pointu, comme celles des jeunes
voyous de Liverpool, les « Teddy Boys12 ».
Ayant décidé, dès l’âge de 12 ans, qu’il ne voulait rien savoir de
la vie militaire, Harrison restait perplexe face au spectacle des cadets
de l’institut marchant au pas devant l’école tous les lundis et mercredis après-midi. Cette activité le déroutait. Pourquoi avait-elle lieu
dans un établissement d’enseignement ? Il associa plus tard sa réaction à celle du personnage principal d’une série télévisée des années 1960 : « Je n’ai jamais compris pourquoi ces choses étaient
prétendument normales. Elles m’avaient toujours paru aberrantes :
les gens agissaient “normalement”, mais ils me rappelaient les personnages de la série Le prisonnier. On ne savait jamais très bien de
quoi ils parlaient13. »
Son aversion pour les études fit qu’à 15 ans, au moment d’obtenir son certificat général d’éducation (General Certificate of Education), il n’y était pas du tout préparé. Avant de se soumettre aux
examens, il fut contraint de se qualifier dans trois matières lors d’une
« simulation » préalable de l’épreuve. Il se classa dans une seule matière, les arts, et dut redoubler sa dernière année scolaire. Il s’y consacra pendant une heure, puis renonça à se présenter en classe,
préférant fréquenter assidûment les salles de cinéma de la ville. Le
jour du jugement dernier, à la fin de l’année scolaire, il alla chercher
son bulletin et un document destiné à renseigner d’éventuels employeurs sur ses points forts et ses aptitudes. Ses enseignants écrivirent qu’ils le connaissaient à peine. On pouvait lire : « Je ne peux
vous parler de ses travaux, car il n’en a fait aucun. » Harrison brûla
ces papiers avant que ses parents en prennent connaissance. À
16 ans, son éducation institutionnelle venait de prendre fin14.
Sans instruction, sans métier, sans aucune aptitude et vivant
dans une ville ouvrière, George semblait destiné à occuper sa vie
adulte à des métiers inférieurs contre un salaire de subsistance. Il
n’avait qu’une passion, mais elle débouchait sur un schéma de carrière encore plus précaire que les autres.
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Liverpool
Au début de 1956, alors à peine âgé de 13 ans, George s’était mis
à côtoyer Irene, la petite amie de son frère Harry, âgée de 17 ans.
Harry ayant été appelé au service national, elle considéra George un
peu comme un jeune frère, tandis que, pour George, Irene remplaçait sa sœur Louise, partie étudier à l’école normale. Irene prit l’habitude d’inviter George à l’accompagner à des spectacles musicaux au
théâtre Empire, où ils assistèrent, un beau soir, à une représentation
d’une des grandes vedettes britanniques de l’heure, Lonnie Donegan.
Sa spécialité était le skiffle, un style de musique qui reprend, pour les
dynamiser, des chansons du folklore américain telles que Rock Island
Line et John Henry en les marquant d’un tempo plus rapide. Son instrument de prédilection était la guitare.
Quelques jours plus tard, la mère de George surprit son fils à
dessiner des guitares sur le moindre bout de papier qui lui tombait
sous la main. Lorsqu’un camarade d’école proposa de lui en vendre
une pour trois livres sterling, il supplia sa mère de lui donner cette
somme. Elle lui acheta l’instrument, sans savoir que ce cadeau serait
le catalyseur qui transformerait l’existence de son fils. Au cours des
semaines et des mois qui suivirent, George apprit avec application à
en jouer. Son frère Peter s’étant initié à la guitare à peu près en même
temps, les deux garçons décidèrent de former leur propre groupe de
skiffle, comme bon nombre de jeunes du même âge. Ils se firent
appeler les Rebels et obtinrent même un engagement au British
Legion Club, situé à proximité15.
Si Lonnie Donegan avait fait jaillir l’étincelle de la passion de
George, ce qui en attisa la flamme fut la découverte, par les Anglais,
au cours de cette même année, de l’existence au-delà de l’Atlantique
d’un genre musical radicalement différent. La musique populaire
doucereuse de la BBC, la radio d’État, ennuyait George au plus haut
point, comme bien d’autres adolescents fébriles de cette époque.
Mais il pouvait capter le faible signal de Radio Luxembourg, une
station européenne qui diffusait les grands succès de la vague de
rock’n’roll qui déferlait sur les États-Unis. Un jour, George entendit
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George Harrison, le mystique
Elvis Presley interpréter Heartbreak Hotel, et la chanson, dit-il, « s’incrusta en permanence au fin fond de mon cerveau ». Elvis chanta
ensuite des succès au rythme fortement marqué et contagieux,
comme Blue Suede Shoes, Hound Dog et Don’t Be Cruel. Des rockeurs
tout aussi électrisants, notamment Little Richard, Buddy Holly,
Chuck Berry, Jerry Lee Lewis, Carl Perkins et d’autres, lui emboîtèrent
le pas. Une autre révolution grondait de l’autre côté de l’océan, une
révolution non pas politique, mais culturelle.
George apprit avec zèle à jouer de son instrument en imitant ce
qu’il entendait sur les ondes de Radio Luxembourg et en étudiant les
chansons dont il parvenait à obtenir les enregistrements. Il persuada
sa mère de lui procurer une meilleure guitare au prix de 30 livres sterling. Pour la rembourser, il se fit livreur pour une boucherie du voisinage. Il eut la joie de découvrir que le fils d’un des clients de la
boucherie avait fait la connaissance de Buddy Holly durant sa tournée
en Grande-Bretagne et possédait même certains de ses disques. Le garçon les prêta à George, qui put ainsi les écouter et les analyser16.
George Harrison partageait sa passion pour la guitare avec un
autre étudiant du Liverpool Institute, Paul McCartney. Leur parcours
quotidien d’une heure en autobus à l’aller et au retour leur avait
permis de mieux se connaître. Paul avait presque un an de plus que
George et il était beaucoup plus studieux, mais leur emballement
commun pour le rock’n’roll cimenta leur amitié.
La rencontre décisive entre Paul McCartney et John Lennon eut
lieu le 6 juillet 1957, à la suite d’une représentation du groupe de
John, les Quarrymen. John, qui poursuivait ses études au Quarry Bank
High School, après avoir quitté Dovedale, avait formé ce groupe en
mars de la même année. Il avait d’abord eu l’intention de jouer du
skiffle, mais la nouvelle musique rock en provenance des États-Unis le
fascinait et l’avait amené à transformer peu à peu son groupe. Quand
Paul arriva cet après-midi-là à la fête en plein air de l’église St. Peter où
les Quarrymen donnaient un spectacle, John chantait Come Go with
Me, un tube des Del Vikings figurant en bonne place au palmarès des
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Liverpool
Top Forty. Après la représentation, les Quarrymen se reposèrent à
l’intérieur avant la seconde séance prévue pour la soirée. C’est durant cette pause qu’Ivan Vaughan, un ami commun, présenta Paul à
John. La maîtrise de Paul à la guitare fit très bonne impression sur
John qui, peu de temps après, invita le musicien à se joindre à son
groupe. Durant tout l’été, ils se rencontrèrent chez l’un ou chez
l’autre, et leur amitié se consolida encore plus quand, à l’automne,
John s’inscrivit au Liverpool College of Art, à deux pas du Liverpool
Institute. McCartney participa enfin avec les Quarrymen à un engagement professionnel le 18 octobre.
En mars 1958, Paul présenta son copain George aux musiciens
du groupe à Old Roan, banlieue du nord-est de Liverpool. Colin
Hanton, batteur des Quarrymen, se remémore l’événement : « C’était
à la Morgue, une boîte que nous avions l’habitude de fréquenter,
située dans les caves d’une grande et vieille maison décrépite. Ni bar
ni café, seulement des caves sombres et une grosse ampoule bleue
fichée dans la paroi. » À la demande de Paul, George joua Guitar
Boogie Shuffle et s’attaqua aussi au riff obsédant d’une populaire
pièce instrumentale intitulée Raunchy. Il ne fut pas invité sur-le-champ
à se joindre aux autres, mais il établit clairement sa crédibilité. À
compter de ce jour, il fut le bienvenu aux spectacles des Quarrymen
et, si un guitariste faisait faux bond au groupe, il le remplaçait au
pied levé17.
La persévérance de Harrison fut récompensée. Sa personnalité et
ses aptitudes s’accordaient si bien avec celles de Lennon et de
McCartney que ces derniers souhaitèrent le voir remplacer un des
membres fondateurs du groupe, Eric Griffiths. Ils planifièrent une
répétition chez Paul sans en prévenir Griffiths. Ayant eu vent de l’affaire, ce dernier leur téléphona. John et Paul demandèrent à Colin
Hanton, son meilleur ami parmi les musiciens, de lui annoncer officiellement la mauvaise nouvelle.
Le 15 juillet 1958, un drame se produisit. La mère de John
Lennon fut happée par une voiture qui filait à toute allure. Nigel
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George Harrison, le mystique
Whalley, un membre des Quarrymen, avait été témoin de l’accident.
Quelques instants après avoir parlé à la mère de John, il avait entendu un crissement de pneus. Se retournant, il avait vu le corps de
la femme voler dans les airs18.
La perte de sa mère fut particulièrement cruelle pour John,
même s’il ne vivait plus avec elle depuis l’âge de cinq ans, ayant été
élevé par sa tante Mimi. Mais, depuis quelque temps, sa mère et lui
s’étaient rapprochés, et elle encourageait les rêves musicaux de son
fils. Le désespoir de John s’exprima dans la colère et l’humour virulents qu’il déversa sur le monde. Paul McCartney pouvait s’identifier
à la souffrance de son ami, puisqu’il avait lui-même perdu sa mère,
morte d’une embolie consécutive à une mastectomie. George, que
pareil traumatisme avait épargné, ne pouvait qu’imaginer la peine
de ses amis. Ses parents vécurent du reste jusqu’aux années 1970.
George idolâtrait John Lennon dont l’assurance, l’ambition, l’insolence et la vivacité d’esprit l’attiraient. Il en fit un modèle de comportement et savoura chaque seconde passée en sa présence. Moins
timide que jaloux de son intimité, George ne fréquentait cependant
pas encore sérieusement les filles. Il ignorait par conséquent à quel
point il pouvait parfois être casse-pieds. S’il constatait que John
s’évadait en douce du campus en compagnie de Cynthia, sa copine
et future épouse, il sifflait pour les appeler. Désireux de passer
quelques moments ensemble, John et Cynthia le voyaient aussitôt
accourir en disant : « Où allez-vous donc ? Est-ce que je peux vous
accompagner ? » Souvent, lorsque Cynthia persuadait John de l’emmener au cinéma, George y allait aussi et s’asseyait à côté de lui19.
Tout au long de 1958 et 1959, le groupe se débattit pour trouver
des engagements, pendant un certain temps sous le nom de Johnny
and the Moondogs, et, plus tard, sous celui de Silver Beatles.
Au milieu de l’année 1959, George abandonna ses études après
avoir brûlé les preuves de ses échecs. Âgé de 16 ans à peine, il vécut
des maigres ressources que lui rapportaient d’occasionnels engagements et se nourrit des rêves de succès du groupe. Il emprunta de
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Liverpool
l’argent à son père avec une gêne croissante, jusqu’à ce que celui-ci le
secoue : « Tu ne crois pas qu’il serait temps que tu trouves du travail ? »
George posa sa candidature à la municipalité, mais il fut recalé. Il finit par communiquer avec le centre d’emploi pour la jeunesse (Youth
Employment Centre), où on lui dit que le grand magasin Blackler’s
cherchait un employé. Le poste avait déjà été comblé quand il se présenta, mais on le dirigea vers un autre service où il fut engagé à titre
d’apprenti électricien. On ne lui confiait que des bricoles pour lesquelles il recevait un salaire de misère, mais son père, le voyant enfin
engagé dans une carrière prometteuse, lui offrit en guise de cadeau de
Noël un ensemble de tournevis à manche isolant20.
La chance finit par sourire au groupe. John Lennon avait insisté
pour que Stuart Sutcliffe, un ami artiste, se procure une basse et se
joigne à eux. Sutcliffe n’avait aucun talent musical, mais il connaissait Allan Williams, propriétaire d’un café-bar en sous-sol, le
Jacaranda. Charmé par le dynamisme des jeunes et passant outre à
leur manque de finesse, il leur proposa à l’occasion quelques engagements. Étant aussi imprésario, Williams engagea les Silver Beatles
en tant qu’accompagnateurs d’un chanteur local, Johnny Gentle, à
l’occasion d’une tournée de deux semaines en Écosse. Harrison vit
pointer à l’horizon la réussite professionnelle et remit sa démission
à son patron chez Blackler’s 21.
Peu de temps après, un des numéros les plus populaires du
Jacaranda, un orchestre de tambours d’acier des Caraïbes, quitta subrepticement la ville. Williams fit enquête et découvrit que ses artistes s’étaient laissé tenter par un engagement dans une boîte de
nuit de la lointaine Hambourg, en Allemagne. Perplexe, mais flairant la bonne occasion, Williams se rendit à Hambourg pour voir ce
qui avait motivé le départ de ses musiciens. Il y découvrit une vie
nocturne électrisante et s’y tailla vite une place en tant que recruteur
de jeunes talents britanniques. En août 1960, pour le compte de
Bruno Koschmider, propriétaire de deux boîtes de nuit du quartier
Sankt Pauli de Hambourg, Williams organisa un engagement lucratif
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George Harrison, le mystique
pour ses protégés, maintenant rebaptisés The Beatles. Cet engagement allait transformer à la fois leur musique et leur carrière22.
Harrison, qui n’avait que 17 ans, supplia ses parents de lui permettre de profiter de cette occasion. Son père se montra sceptique.
Les deux frères aînés de George avaient d’excellentes places d’ouvriers spécialisés, l’un comme mécanicien, l’autre comme soudeur.
Pour cet homme de la classe ouvrière, ils s’étaient engagés dans la
voie du succès. Faire de la musique n’était qu’un passe-temps, pas
une carrière. Heureusement, Louise Harrison fit preuve d’une plus
grande ouverture d’esprit. Le gamin était encore jeune. Pourquoi ne
pas le laisser vivre son rêve avant que la vraie vie le rattrape23 ?
Sachant seulement qu’il répondait ainsi à un appel indéfinissable, George quitta le nid et mit le cap sur l’Europe continentale.
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Chapitre 2
L a liber té
E
n 1960, loin d’être un haut lieu de spiritualité, le quartier Sankt
Pauli de Hambourg était comme Sodome et Gomorrhe, villes
dont George avait entendu parler dans les sermons des prêtres, en
termes à la fois accablants et envoûtants. Ce tohu-bohu d’iniquités
était le point de rencontre des joueurs, des effeuilleuses, des souteneurs, des prostitués hommes et femmes, des homosexuels, des travestis, des adeptes de la lutte dans la boue et des revendeurs de
drogue. Alcooliques, gangsters et matelots en permission y côtoyaient des hommes d’affaires véreux et des étudiants bohèmes.
L’endroit était un décor rêvé pour la musique du diable – le
rock’n’roll. Herr Koschmider y accueillit les Beatles dans une boîte
qui allait devenir leur Gomorrhe personnelle. Il lui avait donné le
nom d’Indra – un nom prophétique, compte tenu du rôle que la
culture indienne jouerait plus tard dans la vie de Harrison. Indra,
roi des dieux et une des principales divinités du Rigveda (le plus
ancien des grands textes canoniques de l’hindouisme), n’a de cesse
de lutter contre les puissances des ténèbres24.
La principale artère du quartier Sankt Pauli était la Reeperbahn,
un couloir tapageur de néons, de musiques tonitruantes et d’enseignes accrocheuses de Girls ! Girls ! Girls ! Un de ses embranchements
George Harrison, le mystique
était une rue pavée portant le nom de Grosse Freiheit (Grande
Liberté), où le tintamarre s’amenuisait au fur et à mesure qu’on
s’éloignait de la Reeperbahn. Au-delà du Kaiserkeller, la boîte de
nuit la plus importante et la plus populaire de Koschmider, à l’extrémité lugubre de la Grosse Freiheit, Bruno précéda les jeunes et enthousiastes liverpuldiens au bas d’un escalier et les introduisit dans
leur nouveau repaire, l’Indra.
Une ambiance funéraire régnait dans l’ancienne boîte de striptease. Sur la scène exiguë, aucun orchestre ne jouait. Le juke-box
était muet. Seuls deux clients moroses levèrent les yeux vers eux.
Koschmider fanfaronna : « Personne ne vient ici. Mais je sais que
vous attirerez la clientèle. » Il les raccompagna aussitôt dehors et les
conduisit à l’endroit où ils logeraient. Plus loin dans la même rue, ils
longèrent le Bambi Kino, un cinéma où l’on projetait de vieux westerns et d’occasionnels films pornos, puis, tournant le coin, ils marchèrent jusqu’à l’arrière de l’édifice.
En entrant, ils se retrouvèrent dans un couloir d’un noir d’encre,
puis ils pénétrèrent dans une pièce qu’éclairait faiblement une ampoule nue, une pièce presque entièrement occupée par deux lits
simples et un canapé. George vit John Lennon, le premier arrivé,
s’approprier aussitôt un des lits, et Stu Sutcliffe, qui le suivait de
près, réclamer le second. George se hâta alors de réserver pour luimême le canapé. McCartney et Pete Best, le batteur recruté la veille
de leur départ pour Hambourg, se regardèrent, l’air de se demander
s’il leur faudrait coucher par terre. Koschmider les rassura : il y avait
deux autres chambres. À 20 mètres au bout du couloir, à côté des
W.-C. des dames du Bambi Kino, il leur montra deux cagibis sans lumière. Pour y voir quelque chose, de jour comme de nuit, McCartney
et Best devraient se servir d’une lampe de poche ou d’allumettes.
Chaque réduit mesurait environ un mètre cinquante sur deux, tout
juste assez d’espace pour un lit simple. Parlant de sa chambre,
McCartney dit : « On aurait à peine pu y faire tournoyer un chat – à
la condition qu’il n’ait pas de queue. » « Ce n’est que temporaire, ce
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Gary Tillery détient un baccalauréat en études sud-américaines et une maîtrise
en administration internationale. Après avoir codirigé une agence de publicité à
Chicago pendant une vingtaine d’années, il se consacre désormais à ses projets
en tant que sculpteur et écrivain.
ISBN 978-2-89044-827-8
Design de couverture : Nicole Lafond Photo : Getty Images, Michael Ochs Archives
Reconnu comme le plus discret des Beatles, George Harrison
a pourtant influencé toute une génération. Son génie musical, son ouverture sur la culture orientale et son engagement
social en ont fait l’un des artistes les plus accomplis de son
époque. Rien n’aurait pu annoncer que cet enfant des quartiers ouvriers de Liverpool deviendrait une véritable vedette
de la musique, puis une icône spirituelle. Les psychotropes
qu’il a consommés ont sans doute joué un rôle dans son
ascension au mysticisme, mais c’est avec un engagement
conscient qu’Harrison a choisi de découvrir d’autres horizons. Il a voyagé en Inde, a étudié le sitar qu’il a par la suite
introduit dans la musique populaire, a pratiqué le yoga, a
appris la méditation, et est devenu un adepte de l’hindouisme.
Il a appris à maîtriser sa personnalité et à saisir la vérité
au-delà des apparences. Sa grande sensibilité envers la misère
humaine l’a amené à organiser le premier concert caritatif de
l’histoire du rock. Le succès n’a jamais empêché l’homme de
rester l’être authentique et créatif dont l’esprit est toujours
bien vivant aujourd’hui.