L`Université n`entend donner aucune approbation ni

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L`Université n`entend donner aucune approbation ni
L'Université n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans cette thèse. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
Publicité et droit des marques
Remerciements
Je souhaiterais remercier en premier lieu mon directeur de recherches, Monsieur le
Professeur Jacques LARRIEU, pour ses précieux conseils ainsi que pour sa disponibilité et
son accompagnement. Je souhaiterais aussi remercier Madame Élisabeth TARDIEUGUIGUES, Madame Pascale TRÉFIGNY-GOY et Madame le Professeur Francine
MACORIG-VENIER pour avoir bien voulu faire partie de mon jury de thèse. Ma
reconnaissance va aussi vers Monsieur Stéphane MAGNE pour les bons conseils qu'il m'a
donnés dans un domaine que je connaissais peu, le marketing.
Je remercie tout particulièrement ma mère pour ses relectures et ses remarques
pertinentes.
Enfin, je souhaiterais remercier l'ensemble des collaborateurs des cabinets KPMG et
FIDAL Brive pour m'avoir accueillie tout au long de mes années d'études ainsi que pour leur
aide spontanée dans mon travail de recherche.
1
Publicité et droit des marques
Sommaire
Introduction............................................................................................................................5
Première partie :
Les synergies entre les marques et la publicité........................................................... 32
Titre 1. La publicité : un instrument utile aux marques................................................... 35
Chapitre 1. La marque : un actif de l'entreprise créé par la publicité.............................................. 38
Chapitre 2. La publicité : un outil au service de cet actif............................................................... 71
Titre 2. La reconnaissance de la fonction publicitaire de la marque par le droit..........104
Chapitre 1. La fonction de garantie d'identité d'origine : pendant longtemps la seule
fonction reconnue par le droit................................................................................................... 107
Chapitre 2. La reconnaissance d'autres fonctions telles que celles de communication,
d'investissement et de publicité................................................................................................. 142
Seconde partie :
Des usages problématiques........................................................................................ 175
Titre 1. Le référencement payant sur Internet................................................................. 178
Chapitre 1. Les problèmes soulevés par le référencement payant sur Internet............................... 181
Chapitre 2. La question de la responsabilité des prestataires de service de
référencement payant............................................................................................................... 208
Titre 2. La publicité comparative...................................................................................... 245
Chapitre 1. Un assouplissement des conditions de licéité dans le but de favoriser la
publicité comparative............................................................................................................... 248
Chapitre 2. Une évolution au détriment des droits exclusifs conférés par la marque...................... 280
Conclusion générale.........................................................................................................315
2
Publicité et droit des marques
Table des principales abréviations
al.
: alinéa
aff.
: affaire
AOC
: appellation d'origine contrôlée
AOP
: appellation d'origine protégée
Bull. civ.
: Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
c/
: contre
CA
: cour d'appel
Cass. civ.
: arrêt d'une chambre civile de la Cour de cassation
Cass. com.
: arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation
CE
: Conseil d'État
cf.
: conférer
chron.
: chronique
CJCE
: Cour de justice des communautés européennes
CJUE
: Cour de justice de l'Union Européenne
coll.
: collection
comm.
: commentaire
Comm. com. électr.
: revue Communication et commerce électronique
Contr. conc. conso.
: revue Contrats concurrence consommation
D.
: Recueil Dalloz
éd.
: édition
et s.
: et suivantes
fasc.
: fascicule
Gaz. Pal.
: Gazette du Palais
ibid.
: ibidem (au même endroit)
IGP
: indication géographique protégée
INPI
: Institut national de la propriété industrielle
J.-Cl.
: Jurisclasseur
JCP E
: Semaine juridique édition entreprises
JCP G
: Semaine juridique édition générale
3
Publicité et droit des marques
JO
: Journal officiel
JOUE
: Journal officiel de l'Union européenne
LPA
: Les Petites Affiches
n°
: numéro
obs.
: observations
OHMI
: Office de l'harmonisation dans le marché intérieur
op. cit.
: Opere citato, cité précédemment
p.
: page
Propr. industr.
: revue Propriété industrielle
Propr. intell.
: revue Propriétés intellectuelles
Rec.
: Recueil de la jurisprudence de la Cour de justice
Rép. Com. Dalloz
: Répertoire commercial Dalloz
Rev. Lamy dr. Aff.
: Revue Lamy droit des affaires
RJDA
: Revue de jurisprudence de droit des affaires
RLC
: Revue Lamy de la concurrence
RLDI
: Revue Lamy droit de l'immatériel
RTD com.
: Revue trimestrielle de droit commercial
s.
: et suivant(s)
suppl.
: supplément
T. com
: tribunal de commerce
TGI
: tribunal de grande instance
TI
: tribunal d'instance
4
Publicité et droit des marques
INTRODUCTION
5
Publicité et droit des marques
1.
« On peut considérer la marque comme la principale raison d'être de l'entreprise
moderne, et la publicité comme l'un des véhicules de cette raison d'être dans le monde » a
écrit l'auteur de No Logo1. En effet, la marque, élément incorporel de l'entreprise, ne saurait
parvenir à constituer pour cette dernière une grande source de valeur, voire son actif le plus
important, sans l'aide de la publicité. C'est la communication autour de la marque qui lui
permet de devenir ce que l'on appelle une marque forte, une marque susceptible d'attirer les
consommateurs et de générer ainsi une plus-value pour l'entreprise qui en est titulaire.
2.
La marque, autant que la publicité, a spectaculairement évolué depuis sa première
apparition. Aucune des deux n'avait à l'origine de vocation mercantile. Pourtant, aujourd'hui,
elles sont devenues des instruments marketing qui ont pour objet la séduction des
consommateurs et ainsi le profit (du moins s'agissant de la publicité commerciale). Ainsi, la
marque doit parvenir à obtenir la préférence des consommateurs et elle ne saurait y arriver
sans la publicité qui entretient sa notoriété, met les qualités de ses produits en valeur mais
aussi lui construit une image.
3.
Malgré la montée en puissance des marques de distributeurs (MDD)2 et du « hard
discount », la marque conserve toute son importance dans notre société. Tout d'abord, elle
rassure le consommateur en constituant à ses yeux un gage de qualité mais aussi une garantie
quant à l'origine des produits. En outre, elle remplit une fonction sociale notamment en ce
qu'elle permet au consommateur de signifier grâce à elle, volontairement ou non, le groupe
social (ou la tendance pour les plus jeunes) auquel il entend se rattacher mais aussi
d'indiquer qu'il partage ses valeurs.
La marque n'est pas seulement composée d'éléments tangibles : elle comprend des
« dimensions symboliques »3. Elle a une image qui est constituée à partir de sa réputation,
des valeurs qu'elle véhicule, de son univers. Ces éléments ne pourraient être matérialisés
sans la publicité. C'est cette dernière qui guide les perceptions que nous avons d'une marque,
qui construit son histoire et son univers et donc la marque elle-même. En effet, la marque est
davantage qu'un signe apposé sur un produit ayant pour fonction d'indiquer au
1 N. Klein, No Logo, J'ai lu, coll. J'ai lu essai, 2007, p. 29
2 Une marque de distributeurs est une marque propre à une enseigne et dont les produits sont exclusivement
vendus dans celle-ci
3 C. Lai, La marque, Dunod, Coll. Les topos, 2e éd., p. 19
6
Publicité et droit des marques
consommateur son origine ; souvent ce n'est pas le produit que le client achète mais la
marque elle-même. Sans la publicité, la marque ne serait qu'un nom. C'est pourquoi il est
nécessaire de ne pas négliger le rôle de la communication de la marque, qui, autant que la
qualité des produits ou des services, permettra de séduire et de fidéliser les consommateurs.
4.
Il convient donc de définir ces deux notions de marque et de publicité, notamment afin
de pouvoir constater l'importance du lien qui les unit (I). On est ensuite conduit tout
naturellement à s'intéresser à leur rôle dans l'entreprise (II), ce qui nous amène à conclure
que la relation entre ces deux instruments n'est pas sans ambiguïté (III).
I. La marque et la publicité
5.
La marque qui est un actif de l'entreprise ne saurait prendre toute sa puissance sans
l'aide de la publicité. Les définitions de ces notions (A) vont nous permettre de mieux saisir
les raisons pour lesquelles ces deux outils du commerce sont indissociables (B).
A- Définitions
► La marque :
6.
La marque est traditionnellement définie comme un signe ou un nom apposé sur un
produit et ayant pour objet d'identifier et de distinguer les produits ou services proposés par
une entreprise de ceux de la concurrence4. La marque telle que nous la connaissons ne doit
pas être réduite à cette simple définition car elle est bien davantage : elle est un condensé de
sa réputation, de son histoire mais aussi des valeurs qu'elle véhicule.
4 J. Azéma et J.-Ch. Galloux, Droit de la propriété industrielle, Dalloz, coll. Précis Dalloz, 6e éd., p. 743 ; J.
Schmidt-Szalewski et J.-L. Pierre, Droit de la propriété industrielle, Litec, coll. Manuels, 4e éd., p. 193 ; C.
Bernault et J.-P. Clavier, Dictionnaire de droit de la propriété intellectuelle, Ellipses, coll. Dictionnaires de
Droit, 2008, p. 254
7
Publicité et droit des marques
7.
La pratique du marquage existe depuis des millénaires. Déjà, dans l'Antiquité, les
artisans apposaient leur signature sur les poteries. Cette pratique, quelque peu tombée en
désuétude au Moyen-Âge, retrouva une certaine place avec les corporations de l'Ancien
Régime. Le marquage attestait alors que les produits qui en étaient revêtus avaient bien été
conçus dans le respect du règlement de l'organisation professionnelle. C'est avec la
révolution industrielle que les marques individuelles commencèrent à se développer. La
production de masse rendit en effet les produits uniformes et il fallut alors les différencier.
En outre, la disponibilité de biens produits par des entreprises plus ou moins lointaines eut
pour conséquence de rendre les marques nécessaires afin d'indiquer l'origine des produits.
8.
La fonction distinctive de la marque a toujours existé. En effet, dès l'Antiquité, la
pratique du marquage avait pour objet d'indiquer l'origine du bien et de distinguer les
produits les uns des autres. De nos jours, cette fonction est reconnue tant par le marketing
que par le droit. Ainsi, l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que la
marque est un signe « servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique
ou morale ».
9.
Pour autant, bien que cette fonction distinctive de la marque soit très importante et
permette de définir la marque par son objet, il ne faut pas résumer la marque à cette seule
fonction. En effet, la marque est devenue bien plus qu'un simple signe distinctif. Ainsi,
aujourd'hui, les marques ne constituent plus seulement de simples noms ou signes apposés
sur des produits. Elles sont devenues des symboles en ce qu'elles reflètent des valeurs, une
histoire, un mode de vie. Elles ont en quelque sorte une personnalité qui leur est propre, du
moins une identité et une image.
Ainsi, la marque est davantage qu'un signe distinctif ; elle est un instrument
marketing qui est source de valeur et de richesse pour l'entreprise. En effet, la marque
permet de vendre mieux et plus cher les produits qui en sont revêtus car c'est souvent la
marque et non les produits eux-mêmes que les consommateurs achètent en réalité. En outre,
la marque peut constituer l'actif le plus important d'une société et engendrer ainsi une
importante plus-value. C'est la publicité, en créant un univers autour de la marque et en
développant sa notoriété, qui la valorise.
8
Publicité et droit des marques
► La publicité :
10.
La publicité est un mode de communication dont l'objet est de promouvoir un
produit, un service ou bien encore une marque5. Cette définition est assez récente car le
terme de « publicité » qui est apparu au XVIIe siècle désignait au départ l'action de porter
quelque chose à la connaissance du public, notamment les décisions rendues par les
autorités.
Avec le développement de l'industrialisation et du commerce, la publicité est
devenue un outil au service de la communication des marques. Elle n'a cependant pas
toujours un objectif marchand. En effet, elle peut aussi viser la promotion de causes,
d'associations ou encore de partis politiques.
11.
La publicité existe depuis aussi longtemps que les marques mais c'est l'arrivée de
l'imprimerie au XVe siècle qui marqua un tournant et permit à la publicité de connaître un
véritable essor bien que l'affichage demeura jusqu'à la Révolution française le monopole de
la Couronne et de l'Église. Puis vint l'ère de la réclame dans laquelle les produits étaient
souvent présentés comme dotés de facultés extraordinaires. En France, ce n'est qu'à partir des
années 1960 que la publicité commença à intégrer des dimensions psychologiques et
sociologiques et ainsi à se démarquer de la réclame.
12.
La publicité est un moyen d'information et de persuasion avec un objet économique :
elle a pour but de vendre en attirant l'attention du consommateur sur un produit ou une
marque. La publicité informe alors les consommateurs de la disponibilité d'un produit mais
surtout elle va tenter d'influencer leur choix. Pour cela, elle utilise des moyens
psychologiques, de sorte que le consommateur n'a pas conscience que son choix est guidé.
Afin de promouvoir les produits, la publicité ne se contente pas de mettre en avant
leurs qualités ; elle les place dans un certain contexte afin de susciter une attirance de la part
du consommateur. Elle crée, autour du produit ou de la marque, un univers fantasmé et
suggère au consommateur cible qu'il pourra y avoir accès en acquérant le produit en
5 La publicité est définie dans l'ouvrage Publicitor comme une « communication de masse partisane faite
pour le compte d'un émetteur clairement identifié qui paie des médias pour insérer ses messages
promotionnels dans des espaces distincts du contenu rédactionnel et les diffuser ainsi aux audiences des
médias retenus » : J. Lendrevie, A. de Baynast, C. Emprin, Publicitor, Dunod, 7e éd., p. 98
9
Publicité et droit des marques
question. La publicité a ainsi pour objet de rendre le produit attrayant.
13.
Cependant, le plus souvent, ce n'est pas sur le produit lui-même que la publicité doit
concentrer ses efforts mais sur la marque. C'est notamment grâce aux campagnes
publicitaires que la marque se construit une image, une réputation et qu'elle arrive à
s'imposer dans le quotidien des consommateurs.
B- Deux éléments indissociables
14.
La publicité est en quelque sorte indissociable des marques car c'est en majorité elle
qui construit leur notoriété et leur image. Ce n'est cependant pas la seule raison pour laquelle
ces deux éléments sont étroitement liés.
La marque est devenue un instrument marketing et sert elle-aussi à promouvoir le
produit qui la revêt. Ainsi, au même titre que la publicité, la marque contribue à développer
son image et tente d'attirer les consommateurs, notamment pas le biais d'éléments tels que le
logo, le packaging, etc. En outre, dans l'esprit des consommateurs, la marque porte en elle
ses précédentes campagnes de communication et les empreintes qu'elles ont laissées.
Les marques remplissent elles aussi une fonction publicitaire : « par leur rôle dans
la personnalisation d'un produit, par le jeu des couleurs, par l'élégance qu'elles peuvent lui
donner, les marques remplissent, si elles ont acquis une certaine notoriété, une fonction
autonome de publicité »6.
15.
La fonction publicitaire de la marque est sans doute plus importante lorsque l'on est
en présence de marques « de luxe ». En effet, certains noms renommés, notamment dans les
domaines de la haute couture et des cosmétiques, de par leur apposition sur les produits,
suffisent à promouvoir ces derniers. Dans un grand nombre de cas, comme nous l'avons dit,
ce que le client achète, ce n'est pas vraiment le produit mais la marque et ainsi l'univers qui a
été construit autour de celle-ci en grande partie par le biais de ses campagnes publicitaires.
6 Y. Plasseraud, M. Dehaut, C. Plasseraud, Marques : création, valorisation, protection, Francis Lefebvre,
coll. Dossiers pratiques, 1994, p. 20
10
Publicité et droit des marques
Lorsque la marque atteint un certain niveau de notoriété et qu'elle bénéficie d'une bonne
image, sa seule signature suffit à susciter la préférence du consommateur. En effet, les
publicités antérieures dont elle a fait l'objet demeurent à l'esprit du consommateur, du moins
de manière inconsciente, et la marque les porte alors en elle.
Cela n'est cependant pas toujours vrai et il convient de ne pas négliger le rôle de la
publicité car le consommateur peut avoir la mémoire courte. Certes, une fois qu'une marque
aura obtenu sa préférence et aura su fidéliser le client, ce dernier pourra être considéré
comme « acquis » (à condition tout de même que la qualité des produits demeure constante),
néanmoins, dans le cas d'un produit peu impliquant pour le consommateur et pour lequel la
concurrence est importante, la marque doit redoubler d'efforts de communication si elle veut
rester compétitive, voire garder une position de leader le cas échéant. Il serait en effet très
dangereux de minimiser le rôle de la publicité dans la tentative de séduction des
consommateurs par les marques.
II. La marque, un instrument utile aux consommateurs mais au service de
l'entreprise
16.
Parmi les fonctions de la marque, certaines sont au service des consommateurs telles
que celles de garantie d'origine ou de garantie de qualité. Néanmoins, c'est bien au service de
l'entreprise qu'est la marque. En effet, la marque a avant tout une finalité économique :
générer la plus grande richesse possible pour l'entreprise qui en est titulaire. Le
consommateur est alors la cible de la marque qu'elle parvient à toucher grâce à la publicité
(A) et c'est à l'entreprise que profitera la faveur des clients pour la marque (B).
11
Publicité et droit des marques
A- Le consommateur, cible de la communication de la marque
17.
Le consommateur, défini à l'article 2, b) de la directive n° 93/13 7 comme « toute
personne physique qui (…) agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité
professionnelle », tient un rôle central à la fois s'agissant des objectifs de la marque et de sa
politique de communication mais aussi de la protection accordée aux marques. Il est alors au
cœur du droit des marques8 et il est la cible de la publicité, ce qui justifie qu'on essaie de
mieux l'identifier. La marque et la publicité, pour parvenir à toucher le consommateur,
doivent le comprendre. Or, il existe une multitude de consommateurs, facteur que la marque
devra prendre en compte afin que sa communication séduise le plus grand nombre.
Il n'existe pas un seul type de consommateurs mais plusieurs (1°). Néanmoins,
l'objectif de la marque, par le biais de sa communication, est quoi qu'il en soit de parvenir à
séduire le plus grand nombre et à fidéliser ses clients (2°).
1°- Quel consommateur ?
18.
Il n'existe pas une seule sorte d'acheteurs et c'est pourquoi il convient de s'interroger
sur ce qu'est réellement un consommateur. Le législateur et la jurisprudence font souvent
référence au « consommateur moyen » mais, tout comme il n'existe pas de type de
consommateurs unique, il ne saurait exister un consommateur moyen d'autant que chacun
d'entre nous peut constituer différentes sortes de consommateurs en fonction de l'achat
envisagé.
7 Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les
consommateurs : JOUE L. 95 du 21 avril 1993, p. 29-34
8 J. Passa, Le droit des marques et le consommateur in Le consommateur au pays des propriétés
intellectuelles,actes du colloque organisé par l'Université Lyon II, 22 nov. 2004 : Rev. Lamy dr. aff., déc.
2004, n° 77, suppl. ; voir aussi J. Julien, Marque et droit de la consommation in Les métamorphoses de la
marque : Actes du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 67 et s.
12
Publicité et droit des marques
a) La notion de consommateur moyen
19.
Il est souvent fait référence tant par le législateur que la jurisprudence à la notion de
« consommateur moyen »9 afin de déterminer si une publicité est trompeuse ou non et afin
d'apprécier l'existence d'un risque de confusion entre des signes distinctifs 10. Il paraît évident
que le consommateur moyen n'existe pas mais il convient tout de même de s'interroger sur
cette notion. Par ailleurs, la prise en compte de cette notion semble particulièrement justifiée
s'agissant de l'appréciation du risque de confusion car, comme le relève Vincent MAURIAC,
« le consommateur est la victime du risque de confusion qui peut exister entre un signe et
une marque antérieurement déposée. Il est logique qu'il soit utilisé comme instrument de
référence afin de qualifier un comportement d'atteinte au droit de marque »11.
20.
Le consommateur moyen pris en compte « est censé être normalement informé et
raisonnablement attentif et avisé »12. Cette définition du consommateur moyen est la même
s'agissant à la fois de l'appréciation du risque de confusion et du caractère trompeur d'une
publicité. Dans cette seconde hypothèse, cette vision optimiste13 permet « de ne pas
sanctionner la publicité hyperbolique ou exagérée »14. Ainsi, la Cour de cassation a refusé de
sanctionner l'annonceur qui vantait la solidité de ses valises et a considéré qu'il fallait se
référer à « l'optique du consommateur moyen et en tenant compte du degré de discernement
et du sens critique de la moyenne des consommateurs »15.
Le consommateur moyen n'est pas « un incapable dont il convient de prendre en
charge tous les actes, même les plus banaux de la vie quotidienne »16. Il faut responsabiliser
9 Voir notamment, directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des
entreprise vis à vis des consommateurs dans le marché intérieur, JOUE L. 149, 11 juin 2005, p. 22-39;
CJCE 25 nov. 2007, aff. C-48/05, Adam Opel : Rec. 2007, I, p. 01017 ; Propr. industr. 2007, N° 3, comm.
18, A. Folliard-Monguiral ; CJCE 25 mars 2010, aff. C-278/08, Die BergSpechte : Propr. industr. 2010,
comm. 39, A. Folliard-Monguiral
10 Voir notamment CJCE, 11 nov. 1997, aff. C-251/96, Sabel : Rec. 1997, I, p. 06091 dans lequel la CJCE a
rappelé que « la perception des marques qu'a le consommateur moyen du type de produit ou service en
cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion (...) »
11 V. Mauriac, Le consommateur et le droit des marques, Thèse, Strasbourg 2010, p. 243
12 CJCE, 22 juin 1999, aff. C-342/97, Lloyd : Rec. 1999, I, p. 03819
13 Lamy droit économique 2011, n° 5104
14 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents, 1ere
partie, RLC 2007/13, n° 949
15 Cass. crim., 21 mai 1984, n° 83-92.070, Bull. Crim. N° 185 : D. 1985, jur., p. 105, note S. Marguery
16 TI Poitiers, 20 juin 2008, James G. c/ Gaz de France : Contr. conc. conso. 2008, n° 8, comm. 215, G.
Raymond
13
Publicité et droit des marques
le consommateur ; il doit agir comme un bon père de famille17.
21.
Par ailleurs, le niveau d'attention du consommateur est « susceptible de varier en
fonction de la catégorie de produits ou services en cause »18. En effet, l'attention du
consommateur n'est pas la même suivant le produit ou service en cause, selon qu'il s'agit d'un
achat fréquent ou non, impliquant ou non, etc. Ainsi comme le note Linda ARCELIN19, la
jurisprudence opère une distinction selon le type d'achat et, s'agissant d'achats peu réguliers,
il faut prendre en compte le consommateur attentif. C'est le cas notamment pour l'achat de
montres où il a été jugé par le TPICE que le degré d'attention du consommateur moyen à
prendre en compte devait être considéré « comme supérieur au degré normal d'attention et,
partant, comme plutôt élevé »20.
22.
Bien que cette notion de consommateur moyen se soit imposée, il convient de
noter, à l'image de Denis DARPY et Pierre VOLLE, qu'il ne peut exister de consommateur
moyen car les consommateurs n'ont ni les mêmes caractéristiques socio-culturelles (ils n'ont
pas le même niveau de vie, ni les mêmes caractéristiques sociologue-démographiques ou
géographiques)
ni
les
mêmes
caractéristiques
psycho-culturelles
(caractéristiques
psychologiques, les valeurs, le style de vie et la culture)21.
Pour Bernard CATHELAT, c'est « une erreur fondamentale » que de « ne pas
distinguer entre les différentes catégories d'acheteurs, [de] les considérer arbitrairement
comme pratiquement tous construits sur le même modèle, qui est alors appelé
"consommateur standard" ou "moyen" ». Il considère que « le consommateur concret se
trouve inséré dans des micro-cultures : groupes familiaux, cercles professionnels, classes
sociales, qui subdivisent et structurent le cadre général de la consommation »22.
La notion de consommateur moyen ne veut rien dire en fin de compte. Qu'est-ce
qu'un consommateur moyen ? Monsieur tout le monde ? Il semble préférable d'utiliser,
17 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents, 1ere
partie, op. cit.
18 CJCE, 22 juin 1999, aff. C-342/97, Lloyd, op. cit
19 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents, 1ere
partie, op. cit.
20 TPICE, 12 janvier 2006, aff. T-147/03, Devinlec Développement innovation Leclerc SA c/ OHMI : Rec.
CJCE 2006, II, p. 11
21 D. Darpy et P. Volle, Comportement du consommateur, op. cit., p. 287 et 314
22 B. Cathelat, Publicité et société, Petit bibliothèque Payot, 2001, p.135-136
14
Publicité et droit des marques
comme le font les juridictions nationales, la notion de consommateur d'attention moyenne
bien que, comme le relève Daphné PEISSON, les notions de « consommateur normalement
informé et raisonnablement attentif et avisé » ou de « consommateur d'attention moyenne »
soient « des descriptions imprécises qui font appel à des concepts abstraits et ne nous font
pas vraiment progresser »23.
b) Un individu : plusieurs consommateurs
23.
Comme nous l'avons dit, il n'existe pas de consommateur moyen car il y a en réalité
différentes sortes de consommateurs qui sont souvent fonction de facteurs sociopsychologiques mais aussi du degré d'implication dans les achats. En outre, chaque
consommateur constitue lui-même plusieurs sortes de consommateurs.
Le niveau d'attention d'un consommateur peut varier en fonction de la catégorie de
produits ou de services dont il est question. Le consommateur peut être avisé et informé
s'agissant de certains produits mais totalement ignorant s'agissant d'autres. Dans ce dernier
cas, il devra davantage prêter attention aux caractéristiques du produit. Les centres d'intérêt
mais aussi l'implication du consommateur influent sur son degré d'information et ainsi sur
son degré d'attention.
24.
Nous sommes tous différents acheteurs à la fois, souvent selon que l'achat est
impliquant ou non. En effet, dans ce dernier cas, nous sommes moins attentifs et pouvons
nous tourner vers des « premier prix ». C'est lorsque l'achat est impliquant que le
consommateur a tendance à se tourner vers les marques. C'est en cela que la marque remplit
une fonction de garantie : elle rassure le consommateur.
L'achat est essentiellement impliquant lorsqu'il est à risque. Il peut s'agir d'un risque
physique, psychologique ou encore social. Ainsi, très souvent les achats ayant un caractère
impliquant concernent la nourriture, les cosmétiques mais aussi les produits de luxe. La
marque sert alors de repère : elle assure au consommateur qu'il ne prend en principe pas le
23 D. Peisson, Regards croisés du juge et du publicitaire sur le consommateur moyen, Thèse, Montpellier
2008, p. 2
15
Publicité et droit des marques
risque de se tromper. Par ailleurs, la marque diminue le risque social. Dans une société où le
paraître importe beaucoup, la marque permet à l'acheteur de se situer, d'affirmer son
appartenance à un groupe, à une classe sociale.
Le consommateur n'a pas le même degré d'implication selon les achats qu'il réalise.
Lorsque l'implication est faible, il peut arriver au consommateur de se tourner vers les
marques de distributeurs (MDD) ou le hard discount. Au contraire, lorsque l'achat est
important ou coûteux, la marque retrouve son importance. Bien sûr, le fait que le produit soit
marqué aura pour effet d'augmenter la dépense mais c'est là le prix à payer pour l'assurance
d'une certaine qualité.
25.
La marque permet donc de guider le consommateur dans son choix et de simplifier
ce dernier. Pour autant, il ne s'agit pas là du seul rôle de la marque du point de vue des
consommateurs.
2°- Le rôle de la marque et l'influence de sa communication sur le consommateur
26.
La marque, outre sa fonction de garantie de provenance, a pour objet de séduire le
consommateur. Cette séduction passe à la fois par des facteurs tangibles et des facteurs
intangibles, fruits de sa communication, tels que les valeurs qu'elle véhicule et l'univers qui
est construit autour d'elle. La marque doit alors parvenir à persuader le consommateur que
ses produits répondront à ses attentes mais elle doit aussi parvenir à les fidéliser.
a) La persuasion
27.
Tout comme la publicité, la marque, de par sa fonction publicitaire, a pour objet de
tenter de séduire le consommateur. Les efforts de communication de la marque vont tous
dans le sens de la rendre la plus attrayante possible et de la mettre en avant par rapport à la
concurrence. Cette démarche de séduction passe par différents moyens : il convient de rendre
16
Publicité et droit des marques
ce qui entoure le produit attirant (le packaging, la forme, ou encore le logo, etc.) mais aussi
de construire autour de la marque un univers susceptible de séduire le consommateur.
28.
Si elle veut obtenir la préférence du consommateur, la marque ne doit pas seulement
miser sur les attributs qualitatifs de ses produits car sans une bonne communication, ses
efforts auraient des chances de demeurer vains. Les caractéristiques objectives des produits
seront davantage utiles afin de fidéliser le consommateur lorsque celui-ci aura accordé sa
préférence à la marque. L'objectif est donc, dans un premier temps, de parvenir à convaincre
le consommateur que le produit ou le service proposé par la marque parviendra à le
satisfaire, voire même à rendre sa vie plus agréable. Certes, cette dernière promesse semble
quelque peu exagérée, pourtant c'est souvent cet engagement que la publicité met en avant
car elle vend avant tout du rêve.
Ainsi, grâce à la publicité et à l'univers dans lequel elle les présente, certains produits
dont l'achat ne procure normalement aucun plaisir, notamment ceux de la vie quotidienne
tels que les produits d'entretien, parviennent à devenir « glamour ». Et c'est justement
l'univers ainsi créé qui va attirer les consommateurs. L'objectif persuasif de la marque et de
la publicité passe ainsi par la mise en avant d'attributs intangibles (et souvent irréels). La
publicité vend alors une part de rêve car il s'agit de convaincre le consommateur que le
produit en question est ce qui va combler ses attentes et rendre sa vie meilleure. C'est
notamment le cas s'agissant des achats à caractère social.
29.
Pour autant, présenter le produit d'une manière avantageuse ne suffit pas car il sera
certes ainsi rendu attrayant mais il ne faut pas oublier que ce n'est pas seulement la part de
rêve suggérée par la publicité qui parviendra à engendrer la préférence du consommateur sur
le long terme. La marque doit alors aussi miser sur les attributs concrets du produits et les
mettre en avant.
b) La création d'une relation de confiance
30.
Comme le souligne Stéphane MAGNE, la marque constitue un repère en s'appuyant
sur des valeurs tangibles telles que la qualité du produit ou son prix mais aussi sur des
17
Publicité et droit des marques
valeurs intangibles24.
31.
La marque permet aux consommateurs de connaître l'origine des produits ou des
services mais donne aussi une idée de la qualité attendue du produit. Ainsi, l'indication de
l'origine des produits ne constitue pas son seul rôle aux yeux des consommateurs. Certes, les
acheteurs potentiels aiment connaître l'entreprise dont sont issus les biens qu'ils envisagent
d'acheter mais, en réalité, les consommateurs ne savent pas toujours quelle entreprise se
cache derrière la marque qu'ils affectionnent et, bien souvent, cela ne les intéresse pas.
La marque permet aussi au consommateur d'avoir une idée de la qualité du produit.
La marque génère dans l'esprit du public une idée de constance : dans l'esprit du
consommateur, lorsqu'il réitère l'achat d'un produit, celui-ci, puisqu'il porte la même marque,
provient de la même entreprise et est fabriqué selon le même mode de fabrication ; il doit
donc avoir des caractéristiques et une qualité identiques. La marque diminue alors le risque
perçu par le consommateur.
Par ailleurs, la marque constitue le lien entre le client et l'entreprise. C'est alors elle
qui garantit, à la place du producteur, le maintien d'une certaine qualité. C'est cette constance
qui pourra fidéliser le consommateur car la fidélité à la marque découle de la qualité perçue
par le client. Néanmoins, en réalité, ce n'est pas vraiment au produit que le consommateur est
attaché et fidèle mais à la marque elle-même car la marque, fonctionnant comme un label,
institue un contrat de confiance entre le client et l'entreprise.
En outre, ce n'est pas seulement en raison de la constance dans la qualité des produits
que le consommateur est fidèle mais parce que la marque continue à lui renvoyer une image
de lui-même conforme à celle qu'il attend.
32.
Les marques sont importantes pour les consommateurs. Elles constituent alors pour
eux des fonctions de garantie d'origine et de qualité. Bien que le consommateur soit pris en
compte afin de déterminer s'il existe un risque d'atteinte aux fonctions de la marque, il ne
peut se prévaloir des fonctions de garantie de la marque. En effet, en France, la marque n'a
pas pour vocation de protéger les consommateurs mais a pour objet de permettre aux
24 S. Magne, Marque et marketing : construire la personnalité d'une marque in Les métamorphoses de la
marque, Actes du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 39
18
Publicité et droit des marques
entreprises de les attirer25.
B- L'entreprise, véritable bénéficiaire de la communication de la marque
33.
La marque est un outil, non pas au service du consommateur mais au service de
l'entreprise. Comme le relève Monsieur le Professeur Jacques LARRIEU, du fait de la
reconnaissance de la fonction de garantie de provenance comme fonction essentielle de la
marque, on pourrait croire à tort que la marque constitue un instrument au service du
consommateur. Néanmoins, c'est pour l'entreprise qui en est titulaire qu'elle constitue une
valeur, une « richesse »26.
En effet, la marque, actif immatériel de l'entreprise, peut apporter une grande plusvalue à cette dernière (1°), notamment grâce à la publicité qui permet d'accroitre sa valeur
(2°).
1°- La marque : une valeur de l'entreprise
34.
La marque, alors même qu'elle ne figure pas toujours au bilan des entreprises, peut
constituer leur plus grande richesse. Elle a ainsi une finalité économique et c'est pour cette
raison que ses fonctions sont bien au service de l'entreprise.
a) Un élément incorporel source de valeur
35.
La marque constitue un élément important du fonds de commerce. Ce dernier qui «
peut être défini comme un ensemble de biens mobiliers affectés à l'exploitation d'une
25 J. Azéma et J.-Ch. Galloux, op. cit., p. 752
26 J. Larrieu, Les nouvelles fonctions de la marque in Les métamorphoses de la marque : Actes du colloque du
4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 56
19
Publicité et droit des marques
entreprise commerciale »27, est composé de différents éléments, corporels et incorporels,
« destinés à attirer la clientèle »28. Néanmoins, tous les biens de l'entreprise n'en font pas
partie (notamment les immeubles). Parmi, les éléments corporels, figurent notamment le
matériel et le mobilier. S'agissant des éléments incorporels, l'article L. 142-2 du Code de
commerce donne la liste suivante : « l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la
clientèle et l'achalandage, le mobilier commercial, le matériel ou l'outillage servant à
l'exploitation du fonds, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et
modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle qui y sont
attachés ».
La marque est donc un bien incorporel de l'entreprise. Elle a une valeur qui lui est
propre et qui est représentée par la notion de « capital marque ». Cette notion, apparue dans
les années 1980, correspond à la valeur ajoutée par la marque aux produits et services qui en
sont revêtus et ainsi à l'entreprise elle-même. Les marques permettent alors d'augmenter la
valeur des entreprises. Cette valeur apportée à l'entreprise est appelée « goodwill » ou
« survaleur ». Il s'agit de la différence entre le prix d'achat d'une entreprise et sa valeur nette
comptable ; cette différence correspond alors à la plus-value que la marque apporte à
l'entreprise29.
36.
La marque peut augmenter de manière significative l'évaluation de l'entreprise qui en
est titulaire. Il convient alors de ne pas la négliger. Elle peut en effet constituer l'actif le plus
important d'une société. C'est pour cette raison que certaines entreprises sont parfois
acquises pour des montants très supérieurs à leur valeur comptable. En outre, un fort capital
marque permet d'augmenter les résultats de l'entreprise. En effet, le capital marque constitue
l'estimation des surplus de bénéfices que la marque seule parviendra à générer.
La marque, si elle est forte, permet de vendre les produits plus cher grâce à
la « prime de marque » qui constitue le surplus que les acheteurs sont prêts à payer pour
acheter un produit de la marque par rapport à un produit non marqué ou d'une autre marque.
27 J.-B. Blaise, Droit des affaires : commerçants, concurrence, distribution, LGDJ, coll. Manuels, 2e éd., p.
239
28 J. Larrieu, D. Krajeski, A. Mendoza-Caminade, R. Seraiche, C. Mangin, M. Daeron, A.-L. de Grandi, L.
Soulé, Le fonds de commerce, une notion en évolution in Qu'en est-il du Code de commerce 200 ans après ?
État des lieux et projections : actes du colloque des 27 et 28 oct. 2007, Les travaux de l'IFR, LGDJ, 2009, p.
232
29 Ibid., p. 238
20
Publicité et droit des marques
Bien sûr, la marque doit pouvoir justifier cet écart de prix notamment par une bonne qualité
de ses produits ou un certain mode de fabrication. En outre, elle doit bénéficier d'une bonne
réputation et d'une clientèle fidèle. Si elle ne justifie pas ses prix élevés, elle risque de voir sa
clientèle lui échapper.
37.
Comme le relèvent les auteurs de l'ouvrage Publicitor30, une marque forte constitue
un actif négociable, un fonds de commerce mais aussi un moyen de vendre plus cher.
L'entreprise a donc tout intérêt à mettre les moyens nécessaires en œuvre pour bénéficier
d'une marque forte car celle-ci permettra non seulement d'augmenter la valeur de l'entreprise
mais aussi ses bénéfices.
b) Des fonctions de la marque au service de l'entreprise
38.
Comme nous l'avons vu, parmi les fonctions de la marque, on peut trouver la
fonction distinctive qui a pour objet d'identifier le produit et d'en indiquer l'origine. Ainsi,
bien que les consommateurs ne connaissent pas toujours (voire rarement) l'entreprise qui
commercialise les produits, la marque constitue un repère qui leur permet de penser que le
produit marqué provient toujours de la même entreprise ou, du moins, d'une entreprise liée.
En outre, la marque a aussi une fonction de garantie de qualité en ce qu'elle symbolise la
constance dans l'élaboration et la qualité des produits. Ces deux fonctions ne sont pas les
seules et d'autres sont davantage au service de l'entreprise titulaire de la marque. Comme le
relève Monsieur le Professeur Michel VIVANT, « la première fonction de la marque,
économique (…), est bien sûr, du point de vue de son titulaire, de lui assurer la maîtrise d'un
marché »31.
Cependant, il est souvent cru à tort que les fonctions de la marque sont au service du
consommateur. Or, la marque est un actif de l'entreprise à son service. Il est vrai que
certaines fonctions telles que celles de garantie de qualité et d'indication de provenance
profitent aux consommateurs, néanmoins, elles n'engagent pas l'entreprise. En réalité, la
30 J. Lendrevie, A. de Baynast, C. Emprin, Publicitor, op. cit., p. 145
31 M. Vivant, Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXI e siècle :
Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, Collections du CEIPI, Litec, 2010, p. 147
21
Publicité et droit des marques
marque est un instrument uniquement au service de son titulaire.
Cette vision se rapproche de celle que relève l'avocat général Jääskinen au sujet de la
théorie de la dilution de la marque notoire « selon laquelle la finalité propre d'une marque
devrait être de protéger les efforts et les investissements effectués par le titulaire de la
marque et la valeur indépendante (goodwill) de la marque »32 (« approche basée sur la
propriété »). Cette approche est à distinguer de celle « basée sur l'idée de la tromperie, que
la marque protège avant tout la fonction d'origine dans le but d'éviter aux consommateurs et
aux autres utilisateurs finaux de se tromper sur l'origine commerciale des produits et
services »33.
39.
Néanmoins, la jurisprudence européenne, depuis l'arrêt Terrapin du 22 juin 1976,
considère que la fonction essentielle de la marque consiste à garantir l'identité d'origine du
produit aux consommateurs34.
Or, la marque n'est pas un instrument de protection des consommateurs mais un outil
marketing au service de son titulaire. Elle lui permet en premier lieu de se distinguer de la
concurrence mais aussi de séduire les consommateurs car la marque, par ses campagnes de
communication antérieures et sa réputation, devient un outil publicitaire autonome35. Par
ailleurs, comme nous l'avons dit plus haut, la marque constitue une valeur financière ; elle
comprend alors un aspect pécuniaire important pour l'entreprise qui en est titulaire. En effet,
non seulement, elle permet d'augmenter l'évaluation de l'entreprise mais aussi les prix de
ventes des produits qui en sont couverts. Elle a ainsi un double aspect bénéfique pour
l'entreprise. En outre, elle fait l'objet d'investissements afin d'accroitre ou de conserver sa
force.
40.
Ainsi, il apparaît que, bien que la marque soit utile pour les consommateurs en tant
qu'indicateur de l'origine et de la qualité des produits, ses fonctions sont avant tout au profit
de son titulaire. Dès lors, la vision de la CJUE selon laquelle la fonction essentielle de la
marque est d'indiquer l'origine des produits semble dénaturer la vocation de la marque en
32 Conclusions de l'avocat général Jääskinen, 24 mars 2001, aff. C-323/09, Interflora c/ Marks & Spencer,
point 50
33 Ibid.
34 CJCE, 22 juin 1976, aff. 119-75, Terrapin c/ Terranova : Rec. 1976, p. 1039
35 Y. Plasseraud, M. Dehaut, C. Plasseraud, Marques : création, valorisation, protection, op. cit., p. 20
22
Publicité et droit des marques
tant qu'instrument marketing et générateur de valeur pour l'entreprise.
Néanmoins, la Cour vient d'effectuer une importante avancée dans le sens d'une
vision plus réaliste des fonctions de la marque en reconnaissant enfin d'autres fonctions que
celle dite essentielle de garantie de provenance qu'il convenait tout autant de protéger contre
les atteintes et parmi lesquelles figurent les fonctions de communication, de publicité et
d'investissement. La reconnaissance de ces fonctions constitue un alignement sur une
approche socio-économique de la marque en vertu de laquelle celle-ci est avant tout un
instrument marketing au service de son titulaire.
Dans l'arrêt Interflora rendu il y a peu, la CJUE a précisé que la (récente) protection
accordée aux autres fonctions indiquée tant par le législateur que par elle-même depuis
200236 résultait de la prise en compte « de la circonstance qu’une marque constitue souvent,
outre une indication de la provenance des produits ou des services, un instrument de
stratégie commerciale employé, en particulier, à des fins publicitaires ou pour acquérir une
réputation afin de fidéliser le consommateur »37.
41.
La marque n'a de valeur que grâce aux efforts d'investissement et de communication
de son titulaire. Une marque forte est le fruit d'un travail important et qui passe
principalement par la construction d'une image et d'une réputation favorable et ce, en grande
partie par le biais de la communication de la marque.
2°- Une valeur accrue par la communication de l'entreprise
42.
Le titulaire d'une marque, s'il entend faire de sa marque une marque forte, doit miser
sur la communication. En effet, le meilleur des produits, s'il reste dans l'ombre, ne suscitera
pas d'attrait de la part du consommateur et la marque ne pourra alors jamais devenir
puissante. Il convient par conséquent de communiquer sur la marque et les produits ou
36 CJCE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal FC, Rec. CJCE 2002, I, p. 10273; Propr. Intell. 2003, n° 7, obs.
G. Bonet; D. 2003, 755, note P. de Candé, RTD Com. 2003, p. 415, note M. Luby
37 CJUE, 22 sept. 2011, aff. C-329/09, Interflora, point 39
23
Publicité et droit des marques
services qu'elle couvre.
Originellement, la publicité avait pour objectif premier d'informer le public de la
disponibilité d'un produit ou d'un service. C'est toujours le cas mais il faut y ajouter un
objectif de persuasion et de séduction. En outre, la communication de la marque a pour rôle
d'augmenter la notoriété de la marque et de lui conférer la meilleure image possible.
La notoriété de la marque constitue une assurance pour le consommateur : si la
marque est connue c'est qu'elle le mérite. Ainsi, le consommateur est davantage susceptible
de choisir un produit d'une marque connue qu'un produit dont la marque n'évoque aucun
souvenir. S'agissant de l'image de la marque, elle est très importante car elle constitue un
résumé des perceptions et des sentiments qu'elle génère chez le consommateur. Ces deux
éléments que sont la notoriété et l'image constituent les deux principaux leviers du capital
marque38.
43.
Le rôle de la publicité est quoi qu'il en soit toujours économique et ses bénéfices se
situent à un double niveau. C'est en faisant en sorte que leurs marques séduisent les
consommateurs et en augmentant ainsi les ventes que les entreprises retireront davantage de
bénéfices et c'est parce que leurs ventes seront importantes que leur marque deviendra forte.
La publicité influe alors sur le capital marque car c'est elle qui intervient afin
d'augmenter la notoriété d'une marque et de rendre son image la plus avantageuse possible.
Certes, certaines marques pourraient se passer de publicité et parvenir à conserver malgré
tout leur notoriété et leur image mais ces marques sont très rares. Par ailleurs, si elles
peuvent se le permettre c'est parce qu'à un moment, leur communication a fait d'elles des
marques réputées et qui demeurent incontournables (C'est essentiellement et seulement le
cas de certains produits de luxe dans les cosmétiques, dans la joaillerie, de certaines marques
de vêtements ou de ce que l'on appelle les lovemarks).
44.
Ainsi, la plupart du temps, c'est bien sur la publicité que les entreprises doivent miser
pour parvenir à générer un important capital marque. Elles ont compris que la publicité
constituait le meilleur allié des marques et c'est pour cette raison qu'elles sont prêtes à
investir de très grosses sommes dans des campagnes de communication.
38 B. Heilbrunn, La marque, Puf, coll. Que-sais-je ?, 2e éd., p. 113
24
Publicité et droit des marques
III. Publicité et marques, une relation ambiguë ?
45.
Les marques et la publicité semblent ainsi converger dans le même sens : permettre à
l'entreprise de conquérir et de garder une large clientèle et ainsi de faire de sa marque une
source de valeur importante. Néanmoins, il convient de s'interroger sur la vraie nature de la
relation qui existe entre les marques et la publicité. En effet, contrairement à ce que l'on
pourrait croire au premier abord, tout n'est pas parfait. Quels sont donc les rapports
qu'entretiennent ces deux instruments ?
La publicité, alors même qu'elle constitue un instrument incontournable au
développement de la marque (A), peut s'avérer être un outil dangereux pour les droits
exclusifs conférés par la marque en raison de l'usage fait de cette dernière par des tiers afin
de promouvoir leurs propres produits ou services (B).
A- La publicité, un allié de la marque...
46.
Comme nous venons de le voir, la publicité permet à la marque d'avoir une valeur
forte. Elle lui assure une présence à l'esprit du public en lui permettant d'accroitre sa
notoriété, et ce notamment en mettant en avant son histoire et en rappelant aussi parfois
qu'elle fait partie du quotidien des consommateurs. Bien que son rôle soit moindre lorsque le
risque perçu par le consommateur est nul, la publicité permet d'entretenir la notoriété39.
C'est la publicité qui construit la marque, qui la matérialise. Ainsi, comme le constate
très justement Philippe MOUILLOT, « bien que les marques soient totalement intangibles,
elles se matérialisent systématiquement dans l'esprit du consommateur [et] c'est la publicité
qui est à l'origine de cette matérialisation »40.
39 J. Lendrevie, A. de Baynast, C. Emprin, Publicitor, op. cit., p. 80
40 Ph. Mouillot, Publicités, Gualino éditeur, Coll. Mémentos LMD, 2006, p. 52
25
Publicité et droit des marques
En outre, elle façonne son image et la rend agréable en l'entourant d'une aura
flatteuse. Sans la publicité, la marque ne serait qu'un simple signe apposé sur un produit,
doté éventuellement d'une certaine réputation (positive comme négative). La publicité place
la marque dans un certain contexte, véhicule un message, des valeurs.
47.
La clientèle de la marque constitue un élément que le titulaire de la marque ne peut
négliger. Il aura beau faire d'importants investissements en matière d'innovation, de
communication, si ceux-ci ne lui permettent pas de séduire les clients, sa marque ne
parviendra pas à survivre. L'entreprise doit alors chercher à comprendre ce qu'attend le
consommateur et le lui donner par le biais de la publicité. En effet, un produit seul ne peut
combler pleinement un consommateur ; c'est ce que la publicité en fait qui va permettre ce
résultat.
C'est en renvoyant au consommateur l'image de lui-même qu'il attend, en lui laissant
croire que l'acquisition de l'objet dont elle vante les mérites fera de lui un homme (ou une
femme) comblé(e) que la publicité va parvenir à le séduire (en effet, il ne suffit pas de mettre
les qualités objectives du produit en avant).
La publicité peut en outre jouer un rôle dans la fidélisation de la clientèle. Bien que
la fidélité des clients s'acquière par la constance de la qualité des produits et de manière plus
générale par une satisfaction des consommateurs, la publicité demeure importante et elle doit
notamment, comme le rappelle Armand DAYAN, « maintenir, voire augmenter la
notoriété (…), véhiculer l'image, si elle est de qualité, en le rappelant [et] elle doit
contribuer à l'actualisation, à l'aggiornamento du produit, de la marque, de la firme...»41.
48.
La publicité permet aussi à la marque d'amorcer un virage difficile car la vie d'une
marque est faite de hauts et de bas et connait ainsi un certain nombre de rebondissements. En
outre, grâce à la publicité, la marque évite de tomber en désuétude, de devenir obsolète. C'est
en calquant ses campagnes sur les tendances que la marque parvient à rester toujours
compétitive. Parfois, au contraire, ce sont elles qui créent les tendances.
49.
La publicité accompagne ainsi la marque depuis sa naissance et la soutient dans les
épreuves qu'elle peut traverser. Elle l'aide à survivre aux évolutions des tendances, des
41 A. Dayan, La publicité, Puf, coll. Que-sais-je ?, 9e éd., p. 33
26
Publicité et droit des marques
modes de consommation. A l'heure où les consommateurs sont davantage tentés d'effectuer
leur choix en fonction des prix, la communication autour de la marque est plus que jamais
nécessaire. En effet, que différencie une marque de distributeur (MDD) ou de hard
discount d'une grande marque, outre bien souvent les caractéristiques qualitatives ? C'est
l'image qu'elle véhicule, l'univers que la publicité a su construire autour d'elle ! Les MDD et
les marques de hard discount n'ont en règle générale pas d'image. Elles n'inspirent aucune
émotion au consommateur lorsqu'il les voit et le laissent indifférent lorsqu'il acquiert un de
leurs produits. La différence résulte alors de la capacité de la grande marque à générer du
rêve. Et ce rêve est le fruit de la communication de la marque. C'est en cela que la publicité
constitue le meilleur allié d'une marque : elle la met en valeur et permet de différencier ses
produits des autres. Ainsi, la marque aura un plus fort pouvoir d'attractivité auprès du public
et sera davantage susceptible d'avoir un important capital marque.
50.
Néanmoins, il convient de relever que, bien que l'imagination des publicitaires et les
moyens qu'ils déploient soient en général mis au service des marques, certaines techniques
publicitaires peuvent avoir pour effet de porter préjudice aux marques ainsi qu'aux droits
exclusifs qu'elles confèrent à leurs titulaires.
B- … qui lui cause parfois du tort
51.
La publicité, lorsqu'elle est faite par un tiers par rapport au titulaire de la marque, est
à l'origine de certaines atteintes qui peuvent être portées aux droits de ces derniers. En effet,
bien que l'article 5, §1 de la directive 2008/95 rapprochant les États membres sur les
marques42 dispose que « la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif », il
existe certaines hypothèses où un tiers peut en faire un usage contraire aux intérêts du
titulaire.
52.
Les dispositions de l'article 5, §1 de la directive 2008/95 énoncent que « le titulaire
42 Directive 2008/95/CE du 22 oct 2008 rapprochant les États membres sur les marques : JOUE 2008 L 299, 8
nov. 2008, p. 25-33
27
Publicité et droit des marques
est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la
vie des affaires :
a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux
pour lesquels celle-ci est enregistrée ;
b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en
raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque
et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque
d’association entre le signe et la marque ».
53.
Ainsi, le titulaire d'une marque dispose en principe d'un droit exclusif sur l'usage de
celle-ci.
Néanmoins, l'article 6 de la même directive qui prévoit des limitations à ce
monopole dispose notamment, dans son paragraphe 1, sous c), que le titulaire d'une marque
ne peut s'opposer à un tel usage lorsque la marque « est nécessaire pour indiquer la
destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou pièces
détachées, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en
matière industrielle et commerciale».
Cette disposition a pour effet de permettre à un tiers, y compris un annonceur,
d'utiliser la marque d'un concurrent ou d'un tiers afin de signaler au public que ses produits
constituent des accessoires des produits de la marque ou encore qu'ils sont compatibles avec
eux43.
54.
Cet usage d'une marque par un tiers à des fins informatives44 n'est cependant pas
propre à la publicité et ne constitue pas la seule ni la plus importante hypothèse de limitation
des effets de la marque dans le cadre de publicités. En effet, des techniques publicitaires
assez récentes ont eu pour conséquence des atteintes au droit exclusif conféré par la marque.
C'est notamment les cas du référencement payant sur Internet et de la publicité comparative,
dont les procédés conduisent à mettre la marque d’une entreprise au service de la
propagande de son concurrent.
43 Par exemple, un tiers peut préciser que les lames de rasoirs qu'il commercialisent sont compatibles avec le
rasoir d'une autre marque comme c'était le cas dans CJCE, 17 mars 2005, aff. C-228/03, Gillette : Rec.
2005, I, p. 02337 ; Propr. industr. 2005, n° 5, comm. 37, A. Folliard-Monguiral
44 J. Monteiro et V. Ruzek, L'usage du signe à des fins autres que celle de distinguer les produits et services
d'un opérateur économique, Propr. industr. 2007, n° 4, ét. 9
28
Publicité et droit des marques
Le référencement payant est une activité des moteurs de recherche qui consiste à
vendre à des annonceurs des publicités qui apparaissent à côté des résultats dits naturels,
dans une rubrique distincte appelée « liens commerciaux », « liens sponsorisés » ou encore
« liens promotionnels ». Le fonctionnement du référencement payant est le suivant : les
titulaires de sites internet sélectionnent des mots clés et enchérissent dessus afin que, suite à
une requête lancée par un internaute portant sur ces mots clés, le lien vers leur site apparaisse
parmi les premiers résultats.
Les problèmes nés du référencement payant sont apparus en raison de la sélection
par certains annonceurs de mots clés correspondant à des marques enregistrées par des tiers.
Ainsi, afin de détourner les internautes des sites des titulaires de marques, certains
annonceurs n'hésitent pas à choisir comme mots clés les marques d'autrui (voire à les
associer avec des mots clés tels que « copies », « imitations », etc.). Or, comme nous l'avons
vu, la directive 2008/95 prévoit que la marque confère à son titulaire un droit exclusif. Par
ailleurs, il convient de constater que le référencement implique un double usage de la
marque : un usage de la part de l'annonceur mais aussi un usage de la part du moteur de
recherche qui met les mots clés correspondant à la marque à la disposition de ses clients.
Les titulaires de marques ont alors très souvent poursuivi tant les annonceurs que les
moteurs de recherche sur différents fondements : publicité trompeuse, concurrence déloyale
mais aussi contrefaçon. S'agissant de ce dernier fondement, bien qu'il ne puisse être contesté
que l'usage par un annonceur de mots clés correspondant à une marque remplisse en principe
les conditions posées par l'article 5, §1 de la directive sur les marques permettant au titulaire
de la marque d'interdire un tel usage, la question subsiste s'agissant du moteur de recherche.
En effet, il a souvent été avancé qu'il ne faisait pas un usage de la marque au sens de la
directive.
On ne peut que critiquer une telle position car c'est bien le moteur de recherche qui
propose les mots clés aux annonceurs et il ne saurait alors être contesté qu'il fait ainsi un
usage de la marque45. Quand bien même on pourrait admettre qu'il ne s'agit pas d'un usage au
sens de la directive puisqu'il ne fait alors pas un usage pour des produits ou des services
45 Cf. infra : seconde partie, titre 1, chap. 2 (« La question de la responsabilité des prestataires de service de
référencement payant »)
29
Publicité et droit des marques
identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée (bien qu'il rende un tel usage
possible à ses clients), il n'en demeure pas moins la possibilité de poursuivre le moteur de
recherche sur les fondements de la concurrence déloyale et des pratiques commerciales
trompeuses. Encore faut-il pour cela démontrer que le moteur de recherche n'a pas joué un
rôle neutre et passif, la CJUE ayant reconnu aux moteurs de recherche la possibilité du
bénéfice du régime dérogatoire de responsabilité des hébergeurs sur Internet. Le titulaire de
la marque victime de l'usage indu ne pourra alors que très difficilement voir les prestataires
de services de référencement être condamnés.
55.
Le référencement payant n'est malheureusement pas pour les titulaires de marques la
seule technique publicitaire pouvant porter atteinte à leur droit exclusif. En effet, la publicité
comparative constitue une exception à celui-ci. Cette forme de communication qui a pour
objet de mettre en comparaison les caractéristiques de produits répondant au même besoin
ou ayant le même objectif a été reconnue en France et en Europe dans les années 1990 afin
de stimuler la concurrence et de permettre une meilleure information des consommateurs.
L'article 2, c) de la directive 2006/11446 définit la publicité comparative comme
« toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou
services offerts par un concurrent ». Un annonceur peut alors citer la marque d'un tiers dans
une publicité dans laquelle il met en comparaison ses produits ou services et ceux du titulaire
de la marque. Bien que cette pratique soit très encadrée, elle n'en demeure pas moins une
exception au droit des marques, l'article 5, §1 de la directive 2008/95 conférant au titulaire
d'une marque un droit exclusif sur celle-ci. Cette exception est, pour le législateur, justifiée
par le fait qu' « il peut être indispensable, afin de rendre la publicité comparative effective,
d'identifier les produits ou services d'un concurrent en faisant référence à une marque dont
ce dernier est titulaire ou à son nom commercial »47.
Bien que cette forme de communication constitue déjà en soi une exception au droit
exclusif conféré par la marque (assez encadrée il est vrai), l'interprétation toujours plus
souple des conditions de licéité par la Cour de justice a eu pour effet de voir cette exception
devenir dans certains cas une véritable atteinte au droit des marques. En effet, la Cour de
46 Directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative,
JOUE L 376 du 27 déc. 2006, p. 21-27
47 Considérant 14 de la directive 2006/114, op. cit.
30
Publicité et droit des marques
justice considère que « la nécessité de favoriser la publicité comparative [commande] de
limiter dans une certaine mesure le droit conféré par les marques »48.
56.
Il ressort de ce que nous venons de voir que la publicité peut s'avérer dangereuse
pour les marques. Pour autant, il ne faut pas oublier qu'elle constitue un instrument que les
entreprises doivent privilégier afin de parvenir à augmenter ou à maintenir leur capital
marque. Ainsi, les rapports entre les marques et la publicité apparaissent assez équivoques en
ce que la publicité peut constituer à la fois le meilleur allié des marques mais aussi, dans la
période récente, l'une de leurs plus grandes menaces.
D'une part la publicité se présente comme un auxiliaire important pour les entreprises
titulaires de marques car elle leur permet de faire de celles-ci des marques fortes, source de
valeur pour l'entreprise. Marques et publicité sont d'autant plus étroitement liées que la
marque remplit elle-même une fonction publicitaire (première partie : Les synergies entre
les marques et la publicité).
D'autre part, en dépit du caractère symbiotique entre la publicité et la marque,
certaines techniques publicitaires récentes comme que le référencement payant sur Internet
et la publicité comparative sont porteuses de dérives compromettant le caractère exclusif des
droits conférés par la marque (seconde partie : Les usages problématiques).
48 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 : Rec. CJCE 2008, I, p. 4231; Europe 2008, comm. 231, note L.
Idot ; Gaz. Pal. 2008, n° 341, note V. Staeffen et J. Dulucenay, point 39
31
Publicité et droit des marques
Première partie :
Les synergies entre les marques et la
publicité
32
Publicité et droit des marques
57.
Les marques et la publicité sont deux ensembles indissociables. De nos jours, les
marques ne seraient rien sans la publicité et parallèlement, la publicité n'aurait pas de raison
d'être sans les marques. La publicité constitue un outil au service de ces dernières et permet
notamment de construire leurs images.
Les marques sont certes bien davantage que de simples noms ou signes, néanmoins,
c'est la publicité qui leur donne vie et qui leur crée un univers qui leur est propre. C'est en
grande partie grâce à la publicité que la marque acquiert de la notoriété. En outre, c'est
encore la publicité qui permet de rendre la marque sympathique, de faire en sorte que les
consommateurs s'y identifient.
58.
Il est nécessaire pour les entreprises de prendre soin de leurs marques car ce sont
elles qui constituent leur principal actif. En effet, bien que cet actif soit immatériel et que
l'on ait mis longtemps avant de lui reconnaître toute son importance, il est fondamental car il
peut apporter une grande plus-value à l'entreprise, et ce à plusieurs niveaux.
Il est par conséquent primordial d'apporter aux marques la plus grande attention. C'est
la communication, et en particulier la publicité, qui permet de donner toutes les chances à la
marque d'avoir une valeur forte (Titre 1). Ainsi, la publicité, qui accompagne la marque
depuis sa création (sa « naissance »), fait en sorte de la rendre vivante. Elle lui crée une
histoire, des valeurs, une image et une identité. En outre, il ne faut pas oublier que la
publicité reste l'héritière de la propagande et qu'elle permet aussi de vanter les produits de la
marque et ainsi de pousser le consommateurs à les préférer à ceux des concurrents. Elle
permet ainsi de démarquer les produits revêtus de la marque qu'elle promeut.
59.
Or, c'est précisément l'objet des marques que de permettre l'identification et la
différenciation des produits, notamment en indiquant l'origine des produits. En effet, depuis
l'origine des marque (qui remonte à avant même l'Antiquité), leur fonction première est de
permettre d'identifier les biens qui les portent. Pour autant, les marques ont tout de même
d'autres fonctions tout aussi importantes telles que les fonctions publicitaire et de garantie de
qualité. Cependant, c'est celle de garantie d'origine que le droit européen a consacré comme
la fonction essentielle de la marque et qu'il entend protéger contre les atteintes qui pourraient
y être portées. Jusqu'à il y a peu, la CJCE n'envisageait pas d'accorder de protection aux
autres fonctions de la marque et ne reconnaissait d'ailleurs pas leur existence. C'est en 2002
33
Publicité et droit des marques
qu'elle a reconnu l'existence d'autres fonctions de la marque. Néanmoins, elle ne les nomma
pas et il fallut attendre un arrêt de 2009 pour qu'elle en cite quelques-unes dont celles de
communication et de publicité. La jurisprudence européenne semble enfin prête à accorder
l'importance qu'elles méritent aux fonctions qui jusqu'alors n'étaient reconnues que par les
professionnels du marketing. De la fonction d'indication d'origine qui est la première
fonction de la marque reconnue par le droit, on est parvenu à la reconnaissance d'autres
fonctions qui ont trait aux valeurs de la marque (Titre 2). C'est là l'objectif de la publicité :
permettre à la marque de passer de l'état de simple indicateur à celui de valeur.
34
Publicité et droit des marques
Titre I
La publicité : Un instrument utile aux marques
35
Publicité et droit des marques
60.
La marque est un signe ou un nom dont l'objet est d'identifier et de distinguer un
produit ou un service conçu par une entreprise. Elle sert de repère au consommateur et lui
donne des indications sur ce qu'il va acheter. En effet, si la marque n'est pas le produit, elle
est souvent ce qui pousse le consommateur à l'achat. Par conséquent, il est nécessaire pour
les entreprises de soigner leur marque autant qu'elles soignent la qualité de leurs produits ou
de leurs services.
61.
La marque ne peut néanmoins pas remplir son rôle de repère sans la publicité. C'est
cette dernière qui lui permet d'acquérir sinon un certain prestige, du moins une certaine
notoriété. La publicité a pour finalité de mettre en avant la marque, de l'envelopper d'une
image flatteuse. Elle peut lui construire une histoire et mettre en avant les valeurs qu'elle
promeut. Le rôle de la publicité est de rendre la marque populaire en mettant tout en œuvre
pour qu'elle soit aimée du plus grand nombre.
62.
La marque est un bien précieux pour l'entreprise car elle fait partie de ses actifs. A ce
titre, elle a une valeur qui est susceptible d'entrainer une plus-value de l'entreprise. Cette
valeur constitue ce que l'on appelle le capital marque. Cette notion est apparue récemment et
a attiré l'attention des investisseurs mais aussi l'intérêt des consommateurs. En effet, un
capital marque élevé augmentera à la fois la valeur de l'entreprise et l'attrait des
consommateurs pour la marque.
Le capital marque prend du temps à se construire. Il résulte des actions de la marque,
de l'intérêt qu'elle suscite. La prise en compte des consommateurs est primordiale et en faire
abstraction aurait pour effet de les désintéresser de la marque. La façon dont les
consommateurs voient celle-ci est un levier important de sa valeur et elle permet de prendre
la mesure du capital marque. En effet, nous verrons que, au moyen de la notoriété de la
marque, de son image ou encore de la fidélité qu'elle génère, indicateurs sur lesquels la
publicité a une grande influence nous pouvons nous faire une idée de la force de la marque
(chapitre 1).
63.
La publicité l'a bien compris et a pour objectif, outre d'informer les consommateurs,
de mettre la marque en valeur et de lui conférer une aura positive et attirante. La
personnification de la marque est un moyen d'y parvenir. Ainsi, la publicité va s'attacher
construire une histoire et un passé à la marque, c'est-à-dire une identité. Elle pourra alors
36
Publicité et droit des marques
faire vivre cette dernière tout en essayant de la rendre indispensable à la vie quotidienne des
consommateurs et en faisant d'elle un compagnon de la vie de tous les jours (chapitre 2).
37
Publicité et droit des marques
Chapitre 1
La marque : un actif de l'entreprise créé par la publicité
64.
« Le produit est ce que l'entreprise fabrique, la marque est ce que le client achète »49.
Ainsi, la marque n'est pas le produit mais elle lui donne un sens, notamment par le biais de
ses campagnes publicitaires. C'est en général à la marque, et non au produit, que les clients
sont attachés. C'est la marque qui fait vendre. Elle impacte par conséquent les résultats de
l'entreprise de manière durable et peut, à ce titre, être considérée comme un actif. Bien que
n'apparaissant que rarement dans les états financiers, elle est pourtant l'un des actifs les plus
importants en ce que celui-ci crée de la valeur pour l'entreprise. Au même titre que les
brevets et les licences, la marque est un actif incorporel50.
65.
Une notion est apparue dans les années 1980 afin de désigner la plus-value (ou, plus
rarement, la moins-value) apportée par la marque aux produits en étant dotés. Cette notion
est celle de brand equity ou capital marque en français. Elle peut être définie « comme
l'ensemble des atouts et des handicaps qui sont liés à la marque, à son nom et à ses
symboles, et qui ajoutent de la valeur ou au contraire en soustraient à un produit ou à un
service »51. Le capital marque peut donc représenter une valeur ajoutée pour l'entreprise. En
effet, une marque forte aura des répercussions positives sur les ventes car, de sa force, naitra
dans l'esprit des consommateurs une confiance dans les produits de la marque. En outre, le
capital marque peut représenter une valeur non négligeable aux yeux des investisseurs
comme aux yeux des repreneurs éventuels (section 1).
66.
Le capital marque se construit au moyen de plusieurs éléments. On peut citer
notamment, le choix des composantes (y compris visuelles) de la marque, le marketing et les
associations avec d'autres entités telles que des entreprises, des vedettes, des personnages
fictifs, etc.52 La valeur que la marque acquiert aux yeux des consommateurs reste pour
49
50
51
52
G. Michel, Au cœur de la marque, Dunod, 2e éd., p. 10
J.-M. Lehu, L'encyclopédie du marketing, Éd. D'Organisations, 2004, p. 478
D. Aaker, J. Lendrevie, Management du capital-marque, Dalloz, gestion marketing, 1994, p. 291
P. Kotler, K. Keller, D. Manceau, B. Dubois, Marketing-Management, Pearson Education, 13° éd., p. 340
38
Publicité et droit des marques
l'essentiel fondée sur des éléments subjectifs, irrationnels. Elle va reposer sur les valeurs que
véhicule la marque, l'image qu'elle renvoie à ses consommateurs, notamment grâce à la
publicité. On peut alors se faire une idée du capital marque par le biais de plusieurs
indicateurs, notamment la notoriété de la marque, son image, la fidélité de la clientèle ou
encore la qualité perçue (section 2).
Section 1. La notion de capital marque
67.
La notion de capital de marque est apparue au début des années 1980. La prise de
conscience de l'existence de ce capital marque ou brand equity en anglais est due à un
mouvement important de cessions et de restructurations qui se produisit durant cette période
et qui permit la mise en lumière de l'importance de la valeur financière des marques 53. Lors
de ce mouvement, des entreprises ont été acquises pour des montants très supérieurs à leur
valeur comptable. On a pu observer ces derniers temps, que certains rachats d'entreprises
avaient pour objectif unique, ou du moins principal, de racheter la marque (et non pas
l'entreprise elle-même). Ce phénomène est dû aux avantages que peut représenter
l'acquisition d'une marque forte, dotée d'un capital marque fortement positif.
68.
Le capital marque est le résultat des interactions entre la marque et les
consommateurs54. Il représente la valeur de la marque. L'ouvrage Mercator définit le capital
marque comme « la valeur de la marque due à sa capacité à générer des opinions, des
attitudes et des comportements spécifiques auprès de ses clients (tels que la notoriété, la
fidélité, l’affinité, la qualité perçue, la différenciation...), qui lui permettent de vendre à un
prix supérieur, de générer des revenus de licence, ou d’obtenir des volumes plus
importants »55.
69.
De manière plus générale, on peut définir le capital marque comme l'ensemble des
53 J. Lendrevie et B. Brochand, Publicitor, Dalloz gestion série marketing, 5° éd., 2001, p. 189
54 P. Kotler, K. Keller, D. Manceau, B. Dubois, Marketing-Management, Pearson Education, 13e éd., p. 319
55 J. Lendrevie, A. de Baynast, C. Emprin, Mercator, Dunod, 7° éd., p. 1165
39
Publicité et droit des marques
éléments, qu'ils soient d'actif ou de passif, qui sont attachés à la marque ou à ses attributs et
qui peuvent avoir pour conséquence une plus-value ou une moins-value sur les produits et
les services couverts par la marque. Le capital marque est donc la valeur qui est ajoutée ou
ôtée par la marque aux produits et services qui sont dotés de celle-ci (§1). Cette valeur
ajoutée ou diminuée l'est essentiellement aux yeux des consommateurs. Ainsi, pour les
professionnels du marketing, le capital marque peut être déterminé par la réaction des
consommateurs face au marketing de la marque en question56. Néanmoins, il existe
différents moyens d'évaluer cette valeur (§2).
§1. Une valeur ajoutée pour l'entreprise
70.
Comme nous venons de le voir, le capital de la marque peut être défini comme la
valeur ajoutée que celle-ci apporte aux produits et aux services qu'elle couvre (A). Le
produit offre des bénéfices fonctionnels tandis que la marque augmente la valeur par des
éléments irrationnels. Le capital marque représente ainsi une « performance supplémentaire
que la marque apporte au produit57 ». Cette plus-value apportée par la marque est la
conséquence de sa valeur. Celle-ci peut être essentiellement de deux natures. Elle peut être
d'ordre financier ou d'ordre commercial. En effet, la marque peut apporter une valeur
supplémentaire à ses produits mais aussi à l'entreprise qui en est titulaire.
71.
Par ailleurs, la valeur de la marque peut être quantifiée (B). C'est à cette fin
qu'intervient le concept anglo-saxon de goodwill qui détermine la valeur de la marque.
Celle-ci correspond alors à la différence entre la valeur comptable de l'entreprise et le
montant qu'un repreneur serait prêt à payer pour elle. Bien que la notion de goodwill
corresponde à la valeur que la marque apporte à l'entreprise, il ne faut pas oublier pour
autant que la marque n'a pas la même valeur selon la personne qui la lui détermine. Ainsi,
elle varie selon les consommateurs mais aussi selon les investisseurs.
56 Marketing-Management, op. cit., p. 340
57 Au cœur de la marque, op. cit., p. 10
40
Publicité et droit des marques
A- La valeur de la marque
72.
La marque peut être considérée comme une valeur en soi58. En effet, la croyance
selon laquelle la marque a une valeur qui lui est propre est aujourd'hui avérée. La valeur de
la marque provient notamment des représentations qui lui sont associées auxquelles la
publicité contribue mais aussi des avantages concurrentiels qui sont procurés par la
marque59. Bien qu'immatérielle, cette valeur a pour conséquence d'augmenter de manière
significative l'évaluation des entreprises titulaires d'une marque forte. Ainsi, on a pu voir des
sociétés en faillite dotées de fortes marques qui ont été acquises dans le (seul) but d'exploiter
la notoriété de ces marques60. Une notion est apparue il y a un peu plus d'une vingtaine
d'années : celle de brand equity ou valeur financière de la marque. Néanmoins, nous verrons
que ce n'est pas la seule valeur de la marque car elle a aussi une valeur commerciale.
1) La valeur financière
73.
La marque est un actif financier. L'equity est la valorisation financière de la marque
qui permet d'analyser la force d'une marque et de la comparer avec d'autres marques du
même segment de marché61. La brand equity isole la part des bénéfices présents et futurs due
exclusivement à la marque elle-même et désigne ainsi la valeur financière de la marque. Il
est intéressant de relever, comme le souligne Jean-Noël KAPFERER62, que le fait d'accoler
un concept financier, l'equity à une notion purement marketing, brand, c'est-à-dire la
marque, indique la prise de conscience dans les années 1980 de la valeur financière des
marques. Le terme d'equity correspond en français à la notion de capital et doit donc, à ce
titre, figurer au passif du bilan. Or, le capital marque (brand equity) figure à l'actif.
Il convient de rappeler qu'avant les années 1980, dans le cadre des fusions et des
58
59
60
61
62
A. Beltran, S. Chauveau, G. Galvez-Behar, Des brevets et des marques, Fayard, éd. 2001, p.189
Ibid., p.192
B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 101
G. Lewi et C. Rogliano, Mémento pratique du branding, Village mondial Pearson éducation, 2006, p. 70
J.-N. Kapferer, Les marques, capital de l'entreprise, Eyrolles, Editions d'Organisation, 4e éd., p. 745
41
Publicité et droit des marques
acquisitions, il était d'usage d'utiliser la méthodes des multiples. Il s'agissait d'acquérir les
entreprises pour un montant en moyenne égal à sept ou huit fois leurs résultats. Dans les
années 1980, on a commencé à voir des multiples supérieurs à 20. Jusque là, les prix
d'acquisition étaient fonction des résultats de l'entreprise cédée. On ne prenait pas en compte
la valeur de la marque pour fixer le prix d'acquisition car elle était considérée comme incluse
dans les résultats. Cette augmentation spectaculaire des multiples révèle la prise en
considération d'un élément nouveau de détermination du prix d'acquisition d'une entreprise :
la marque63.
74.
La valeur de la marque peut être déterminée facilement en cas d'acquisition d'une
entreprise. Il s'agira au maximum de la différence entre le montant payé par le repreneur et la
valeur de l'actif net (mais il ne faut pas omettre de prendre en compte les effets de
surenchère)64. Quand le vendeur et l'acquéreur établissent la valeur financière de la marque,
ils tiennent compte des sources de revenus supplémentaires apportés par la présence d'une
marque forte. La différence entre les surplus de revenus et les coûts qui découlent de la
politique de marque (investissements, coûts de publicité, de dépôts juridiques...) exprime la
valeur financière de la marque. Par ailleurs, on peut noter que le capital de la marque est
constitué de la notoriété de la marque, de sa personnalité, de son positionnement et de sa
perception par les consommateurs notamment.65. Bien que le capital de la marque ait pour
conséquence d'entrainer une certaine autonomie de la marque avec les produits qui en sont
dotés et permette ainsi une extension de gamme66, il serait faux de considérer la marque
comme un actif complètement indépendant de l'activité sur laquelle elle s'est développée.
Ainsi, bien qu'il s'agisse d'un actif financier, il paraît difficile d'envisager un marché de
marques comme c'est le cas des produits financiers67.
75.
La valeur financière de la marque n'est pas son unique valeur. En effet, la marque a
aussi une valeur commerciale en ce qu'elle permet de séduire et fidéliser le client, et ainsi, de
vendre plus. Néanmoins, la valeur financière de la marque et celle aux yeux du
consommateur doivent être distinguées car il est des cas où cette dernière pourra être très
63
64
65
66
67
Ibid., p. 12
Ibid., p. 754
Des brevets et des marques, op. cit., p. 195
Ibid.
B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 103
42
Publicité et droit des marques
importante alors même que la valeur financière sera quasi nulle.
2) La valeur commerciale
76.
Certains acquéreurs sont prêts à acheter à un prix supérieur à leur valeur des
entreprises dotées de marques fortes, car plus que l'entreprise ou la marque elle-même, ce
qu'ils acquièrent, ce sont des positions dans l'esprit des consommateurs68. En effet, le brand
equity ou capital marque est une estimation de la capacité future des marques à générer un
surplus de bénéfices du seul fait de leur nom, c'est-à-dire de toutes les valeurs auxquelles ce
dernier est associé dans l'esprit du public69. La valeur de la marque résulte du capital de
confiance que la marque a su susciter auprès des différents acteurs du marché70.
La valeur de la marque comprend notamment la perception que le public a de la
marque. Elle laisse une empreinte dans l'esprit du consommateur, notamment par le biais de
ses différentes campagnes de communication. Ainsi, le consommateur sera plus facilement
susceptible d'acheter un produit de la marque qui a su retenir son attention. Par ailleurs,
certaines marques parviennent à justifier des prix plus élevés que ceux de la concurrence aux
consommateurs. Il s'agit de la prime de prix ou prime de marque (equity en anglais) qui peut
se définir comme le supplément de prix qui est lié à la marque et que le consommateur
accepte de payer, c'est-à-dire comme le différentiel de prix que la marque autorise par
rapport à un produit non marqué. En d'autres termes, il s'agit du surcoût qu'est prêt à payer
un consommateur pour avoir un produit de la marque en question plutôt qu'un produits
standard71. Cette prime de marque est un élément objectif de l'attachement des
consommateurs envers leur marque. Leur disposition à payer plus cher un produit pourvu de
la marque démontre ainsi l'unicité ou la supériorité de la marque à leurs yeux72.
77.
La marque, si elle est forte, permet donc de vendre plus cher des produits que ceux
des concurrents alors même que la qualité est équivalente. A ce sujet, comme le relève Jean-
68
69
70
71
72
Des brevets et des marques, op. cit., p. 195
Les marques, capital de l'entreprise, op. cit. p. 276
B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 102
Mémento pratique du branding, op. cit., p. 71
Ibid. p. 72
43
Publicité et droit des marques
Noël KAPFERER, « la marque est source de profit par la prime de prix qu'elle est en droit
d'exiger de ceux qui valorisent ses qualités et veulent payer le prix pour être surs de
retrouver cette qualité partout et à tout moment. La marque supprime la variabilité : cela a
un prix »73. Il faut néanmoins souligner que lorsqu'une entreprise applique des prix plus
élevés pour ses produits en comparaison de produits similaires mais non pourvus de
marques, il faut que ceux-ci disposent d'une qualité supérieure ou il faut justifier ces prix
par un investissement en publicité. Au contraire, si la marque est faible, elle devra justifier
ces écarts de prix par des prestations supplémentaires74.
78.
La marque a réellement une valeur commerciale, et ce pour plusieurs raisons. Tout
d'abord, la marque est un fonds de commerce car elle fidélise la clientèle. Ensuite, comme
nous venons de le dire, elle permet de vendre les produits plus chers que s'ils étaient
dépourvus de marque75. Ce sont aux marques plus qu'aux produits ou aux entreprises qui les
commercialisent que les clients sont attachés et fidèles. Néanmoins, la marque est le trait
d'union entre l'entreprise et les clients76. L'importance de la marque a tendance à amoindrir le
rôle du distributeur mais elle permet à l'industriel de recréer des liens plus proches avec le
consommateur malgré l'écran du distributeur et de créer ainsi une relation intime en ce que la
marque entre dans les habitudes du foyer.
B- Une valeur quantifiable
79.
La marque constitue donc une valeur pour l'entreprise. Il peut être utile de prendre la
mesure de celle-ci, encore faut-il y parvenir. La notion anglo-saxonne de goodwill nous
permet de nous en faire une idée. Néanmoins, il serait faux d'affirmer que la marque n'a
qu'une valeur car les investisseurs, les consommateurs et les titulaires de la marque ne lui
accorderont pas la même.
73
74
75
76
J.-N. Kapferer, FAQ La marque, Dunod, 2006, p. 66
Mercator, op. cit., p.762
Ibid.
J. Watin-Augouard, Marques de toujours, Larousse 2003, préface de M. Lévy
44
Publicité et droit des marques
1) Le goodwill
80.
La valeur de la marque est bien définie par le terme anglais goodwill (survaleur en
français). Cette notion renvoie à la différence comptable entre le prix payé pour l'acquisition
de la marque et la valeur comptable de l'entreprise77. Le goodwill peut être défini comme la
différence entre l'actif du bilan d'un entreprise et la somme de son capital immatériel et
matériel valorisée à la valeur de marché. Il s'agit donc de la différence entre le prix d'achat
d'une entreprise et la valeur nette comptable de celle-ci. Le goodwill correspond alors à « la
valorisation de l'activité et de la capacité d'organisation du commerçant »78. Cette valeur de
la marque fut révélée par les opérations de fusion et d'acquisition qui ont été réalisées dans
les années 1980.
81.
En effet, comme nous l'avons déjà vu, les années 1980 ont vu apparaître des
acquisitions pour des valeurs supérieures à 20 fois le montant du résultat net des entreprises
cédées, ce qui était assez inhabituel, l'usage étant alors d'utiliser des multiples de sept ou
huit. Pour Jean-Noël KAPFERER, cette hausse des multiples est la conséquence du passage
d'une vision dans laquelle seuls les actifs tangibles avaient de la valeur à une vision où l'on a
réalisé que le vrai capital de l'entreprise était intangible en ce qu'il résidait dans les
marques79. Ainsi, comme il le relève, il ne s'agit plus seulement d'acquérir une capacité de
production mais une place dans l'esprit et le cœur des consommateurs. La valeur de la
marque est appréciée indépendamment de la valeur de l'entreprise. Le goodwill comptable
est l'évaluation monétaire du goodwill psychologique que la marque a su, à force d'efforts et
de temps, d'investissements et de constance, focaliser sur son nom (ce que les anglais
nomment le name goodwill80). On notera que le terme anglais peut être traduit comme
bienveillance. La hausse des multiples est seulement la conséquence de la prise en compte
financière de la valeur de ce goodwill qui apporte la bienveillance des distributeurs et assure
ainsi la présence des produits dans les rayons mais aussi la prédisposition des
consommateurs à acheter les produits.
77 B. Heilbrunn, La marque, op. cit. p. 102
78 J. Larrieu, et al. Le fonds de commerce, une notion en évolution in Qu'en est-il du Code de commerce 200
ans après ? État des lieux et projections op. cit., p. 238
79 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 11
80 J. Larrieu et al., Le fonds de commerce, une notion en évolution in Qu'en est-il du Code de commerce 200
ans après ? État des lieux et projections, op. cit., p. 243
45
Publicité et droit des marques
82.
La valeur des marques étant immatérielle, mais surtout difficilement évaluable
hormis l'hypothèse d'un rachat de l'entreprise qui permet alors de la faire apparaître, elle
n'apparait pas dans l'actif net des sociétés acquises. Le repreneur comptabilisera alors la
marque sous le terme de goodwill, parmi les valeurs consolidées.
83.
La valeur de la marque n'est, en réalité, pas unique. En d'autres termes, il n'existe pas
vraiment une seule valeur de la marque. La valeur dépend du point de vue selon lequel on se
place et des intérêts qui sont en jeu.
2) Une ou plusieurs valeurs ?
84.
Comme le souligne Benoît HEILBRUNN, la marque a en réalité plusieurs valeurs 81:
elle a une valeur liquidative en cas de vente forcée, une valeur comptable pour les comptes
sociaux, une valeur en cas de fusion ou d'acquisition, etc. L'évaluation de la marque dépend
alors des raisons pour lesquelles elle est faite. Par ailleurs, on peut aussi dire que la marque a
plusieurs valeurs en raison d'une autre constatation. En effet, la valeur de la marque qui
importe n'existe que dans les yeux de l'acheteur. Différents acheteurs n'accorderont pas la
même valeur à la marque. De même, le vendeur l'évaluera encore différemment des
acquéreurs potentiels. La marque dispose donc, non pas d'une valeur, mais de plusieurs
valeurs (selon les plans de développement et les ressources des acquéreurs potentiels). Les
chiffres varient aussi en fonction de la finalité de l'évaluation financière qui produira des
estimations conservatrices ou au contraire audacieuses82. Un exemple assez intéressant et
révélateur de cette pluralité de valeurs est celui souvent cité par Jean-Noël KAPFERER. Il
s'agit de l'acquisition d'Orangina par Coca-Cola83. Ce dernier fit une offre d'un milliard de
dollars pour acquérir Orangina car il voulait en faire une marque mondiale. Pepsi-Cola, au
contraire, ne proposa rien car la marque ne valait rien à ses yeux.
85.
La valeur de la marque est une chose abstraite. Elle varie selon le point de vue duquel
on se place. La marque n'aura pas la même valeur aux yeux du consommateur qu'aux yeux
81 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 102
82 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 742
83 Voir notamment FAQ La marque, op. cit., p. 78 et Les marques, capital de l'entreprise, précité, p.742
46
Publicité et droit des marques
de l'investisseur. De même, elle aura différentes valeurs suivant les motivations des
repreneurs. Néanmoins, le capital marque peut être évalué et comptabilisé à l'actif de
l'entreprise.
§2 L'évaluation et la comptabilisation du capital marque
86.
La marque apporte une plus-value ou une moins-value aux produits et affecte ainsi de
manière significative l'activité de l'entreprise. Il s'agit donc d'un actif incorporel et, de ce fait,
sa valeur est difficilement évaluable. Pourtant, cette évaluation peut s'avérer nécessaire,
notamment dans le cas de cessions d'entreprises. Plusieurs méthodes d'évaluation peuvent
alors être utilisées (A). La conséquence de cette difficulté d'évaluation est notamment la
réticence des règles comptables françaises à immobiliser les marques créées par l'entreprise
(B). Cette interdiction d'inscrire la valeur de la marque au bilan lorsque celle-ci a été créée
par l'entreprise découle de l'application du principe de prudence comptable et est justifiée par
l'impossibilité d'identifier la marque, c'est-à-dire le bien à immobiliser.
A- L'évaluation
87.
Comme nous venons de le voir, la marque acquiert une valeur financière. Elle devient
donc une valeur en soi pour l'entreprise. La valorisation de la marque peut s'avérer
nécessaire, notamment dans le cas de cessions d'entreprises. Il existe plusieurs méthodes
d'évaluation du capital marque. Celles-ci varient en fonction de la perspective que l'on
adopte. Ainsi, la méthode ne sera pas la même selon que l'on se place du point de vue
comptable, financier ou encore du marketing.
88.
On a vu apparaitre de nombreux cabinets spécialisés dans l'évaluation financière des
marques. Interbrand, leader mondial en matière de conseil et de création de marque, est le
47
Publicité et droit des marques
plus connu. Il publie chaque année le classement des 100 marques qui ont la plus grande
valeur. Le classement qu'il établit se base sur la valeur des meilleures marques mondiales. La
valeur de la marque est alors déterminée selon la Brand Valuation qui est une méthode
d'évaluation des marques en tant qu'actif intangible de l'entreprise. Il s'agit de la valeur
financière d'une marque qui correspond à la valeur nette des revenus que la marque seule
génèrera dans le futur. La valorisation de chaque marque se fait grâce à 3 indicateurs : les
revenus nets liés à la marque, son attraction dans le secteur concerné et enfin la force de la
marque (notamment sa capacité à se développer).
89.
On peut aussi citer le modèle de l'agence de publicité Young & Rubicam. Il s'agit du
modèle Brand Asset Valuator (BAV). Il consiste à réaliser des études de marché auprès de
500.000 consommateurs dans 44 pays à partir desquelles le BAV va proposer des mesures
comparatives du capital marque sur des milliers de marques dans des centaines de catégories
de produits. Cette méthode prend en compte cinq éléments : la différenciation qui évalue en
quoi la marque est perçue comme différente des autres marques, la pertinence qui prend en
compte son degré d'attractivité, l'estime qui évalue la reconnaissance et le respect de la
marque par les clients, l'énergie qui évalue l'élan de la marque et enfin, la connaissance qui
évalue le degré de familiarité des consommateurs avec la marque84. Pour Géraldine
MICHEL, cette méthode mesure le capital marque au travers de deux « dimensions » : La
force qui est définie selon la différenciation et la pertinence de la marque perçues par le
consommateur et la réputation de la marque qui se fonde sur l'estime et la connaissance du
consommateur envers la marque85.
90.
Par ailleurs, deux autres modèles d'évaluation peuvent être également cités. Le
premier est le modèle Brandz qui a été créé par Millward Brown Optimor qui évalue la
valeur financière des marques sur la base des revenus futurs qu'elles pourront générer. Il
analyse les relations entre le consommateur et la marque et utilise pour cela une pyramide
qui représente les étapes séquentielles de ces relations. Il y a cinq étapes. La première, au bas
de la pyramide est celle de la « présence à l'esprit » (la connaissance de la marque). La
seconde est celle de la pertinence, puis viennent la performance, l'avantage (de la marque par
rapport aux marque concurrentes) et enfin le lien qui peut être assimilé à la notion de
84 Marketing-Management, op. cit., p. 315
85 Au cœur de la marque, op. cit., p. 16
48
Publicité et droit des marques
fidélité.
Le modèle de la résonance de la marque a aussi pour support une pyramide avec des
étapes séquentielles mais qui sont au nombre de quatre. Il s'agit, de bas en haut, de
l'identification, la signification, la réponse et enfin la relation qui conduit, comme c'est le cas
selon le modèle Brandz à une très grande fidélité à la marque.
En outre, on peut citer le modèle d'Aaker qui place comme élément essentiel de la
valeur de la marque l'identité de celle-ci. David AAKER considère par ailleurs qu'il existe
cinq méthodes d'évaluation de la valeur de la marque : L'évaluation à partir du prix de vente
que la marque autorise, la méthode qui consiste à évaluer l'impact de la marque sur la
préférence des consommateurs, l'évaluation par la méthode des coûts de remplacement,
l'évaluation basée sur la valeur boursière de la marque et enfin, l'évaluation en fonction du
potentiel de profits pouvant être générés par la marque86.
91.
Plus généralement, les méthodes les plus utilisées sont : L'évaluation par les coûts
historiques (coûts qui ont été générés par l'entreprise pour construire sa marque), l'évaluation
par les coûts de remplacement, l'évaluation par les bénéfices potentiels, l'évaluation par le
prix du marché et l'évaluation réelle de la prime de marque.
92.
Pour Chantal LAI87, il existe deux sortes d'approches pour évaluer le capital marque:
les approches monocritères et les approches multicritères. S'agissant des premières, on y
trouve:
►L'approche par comparaison: Il s'agit d'une méthode d'évaluation par le marché (on prend
en compte les prix pratiqués lors de transactions récentes portant sur des marques du même
marché)
►Les approches patrimoniales: Il s'agit de la méthode des coûts historiques (coûts
effectivement supportés dans le passé pour obtenir ou créer la marque) et de celle des coûts
de remplacement (dépenses qu'il faudrait supporter pour reconstituer une marque
équivalente)
►Les approches par les flux parmi lesquels on trouve l'évaluation par les flux nets de
trésorerie, l'évaluation par les flux de redevance, l'évaluation par le différentiel de marge et
86 Management du capital-marque, op. cit., p. 27 et s.
87 C. Lai, La marque, op. cit., p. 63
49
Publicité et droit des marques
la méthode fondée sur la valeur boursière.
93.
S'agissant des approches multicritères qui tiennent compte des indicateurs financiers
comme des indicateurs qualitatifs, on peut citer, à titre d'exemple, la méthode Brand
Valuation d'Interbrand ou encore la méthode Brandz.
94.
Hormis l'intérêt de savoir où se situe la marque sur un marché par rapport à ses
concurrents, l'évaluation d'une marque de l'entreprise n'est pas obligatoire. Néanmoins, d'un
point de vue comptable, la valeur de la marque pourra être prise en compte et donc reconnue
dans le cas des marques acquises. En effet, ce sont souvent les cessions qui révèlent la valeur
de la marque, valeur qui, semble-t-il, peut d'ailleurs augmenter de plusieurs millions en
quelques jours88!!
B- La comptabilisation
95.
Comme nous l'avons dit, la marque est un actif immatériel. En effet, la marque « sert
de façon durable l'activité de l'entreprise et ne se consomme pas par le premier usage »89.
De cette constatation découle la nécessité de s'intéresser au traitement comptable (et fiscal)
de la marque. Celui-ci diffère selon que la marque a été créée ou acquise. Néanmoins, la
comptabilisation pose des difficultés dans les deux hypothèses90. La question qui se pose est
celle de la possibilité ou non d'immobiliser les dépenses engagées pour la création ou
l'acquisition des marques.
96.
En principe, les éléments incorporels ne se déprécient pas avec le temps et ne
peuvent donc pas être amortis. Néanmoins, certains droits incorporels ont une durée limitée
88 cf. CE 10 déc. 2010, n° 308050, 10e et 9e s.-s., SARL Prunus où le Conseil d'État a considéré que ne
constituait pas un acte anormal de gestion la cession d'une marque pour 1 franc à une filiale suivie de la
cession de cette filiale, dont l'actif était principalement composé de cette marque, pour 11 millions de francs
quelques jours plus tard. Le Conseil d'État a considéré que le prix de cession de la filiale ayant été justifié
par des éléments postérieurs à la cession de la marque à la filiale (la prise de contrôle d'un concurrent par
l'acquéreur), cette cession pour un franc n'était pas constitutive d'un acte anormal de gestion.
89 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 14
90 La revue fiduciaire, hors-série 2010-2, juin 2010, p. 495
50
Publicité et droit des marques
dans le temps (en raison de leur dépérissement juridique) et sont alors amortis sur leur durée
de validité91. Les marques pourraient en principe être amorties si l'on considérait qu'elles ont
une durée de vie. Or, on ne peut pas déterminer à l'avance cette durée. Les marques ne sont
donc en principe pas amortissables, notamment puisque leur protection n'est pas limitée dans
le temps (contrairement aux brevets qui peuvent être amortis sur 5 ans bien que la durée du
monopole soit de 20 ans). Elles peuvent néanmoins faire l'objet d'une dépréciation en cas de
baisse de leur valeur. Le fait que les marques ne puissent être amorties ne les prive
cependant pas de la possibilité d'être immobilisées. C'est sur cette possibilité que les régimes
des marques créées et acquises diffèrent.
1) Les marques créées
97.
Le plan comptable général (PCG) ne permet pas l'inscription des marques créées en
interne à l'actif. En effet, l'article 311-3-3 du PCG prévoit que les dépenses engagées en
interne pour créer des marques ne peuvent pas être distinguées du coût de développement de
l'activité dans son ensemble. Par conséquent, les dépenses ne peuvent être évaluées de
manière fiable. Il s'agit tout simplement de l'application du principe de prudence comptable
car on ne sait ce que vaut une marque créée et on ne peut donc pas l'immobiliser à sa juste
valeur.
98.
Les critères de comptabilisation des immobilisations incorporelles sont les suivants :
- L'élément doit être identifiable ;
- il doit être porteur d'avantages économiques futurs ;
- il doit être contrôlé par l'entreprise ;
- enfin, son coût doit être évalué avec une fiabilité suffisante.
La première et la dernière conditions n'étant pas remplies, les frais constitutifs du
coût de création de la marque en interne doivent donc être enregistrés en charges. Ainsi, les
dépenses engagées avant le dépôt pour la création de la marque (dépenses pour la création
du logo par exemple), celles relatives au dépôt tout comme celles postérieures à celui-ci
91 M. Cozian, Précis de fiscalité des entreprises, Litec, 30°éd., p.71
51
Publicité et droit des marques
doivent être comptabilisées en charges92. Ainsi, les coûts de renouvellement sont également
inscrits en charges puisqu'il s'agit de coûts ultérieurement engagés relatifs à ces dépenses
internes ne pouvant être distinguées du coût de développement.
99.
Fiscalement, il en va de même. L'administration fiscale s'est alignée sur la règle
comptable. Les coûts doivent être déduits en charges. Cette solution prive ainsi d'effet la
jurisprudence rendue par le Conseil d'État et la cour administrative d'appel de Paris selon
laquelle les frais de dépôt et de renouvellement des marques créées par l'entreprise devaient
être immobilisées. Par conséquent, les frais de recherche d'antériorité et de dépôt de marque
à l'INPI ou ceux de renouvellement liés au marques développées en interne doivent être
déduits immédiatement en charges93.
Avant que l'administration fiscale ne s'aligne sur les règles comptables, le Conseil
d'État avait considéré que les marques créées et déposées par les entreprises constituaient des
immobilisations incorporelles. Celles-ci devaient alors être portées à l'actif pour leur prix de
revient qui comprenait les frais de recherche d'antériorité et de dépôt à l'INPI. Les dépenses
d'études préalables et de marketing qui s'inscrivaient dans le processus de création de la
marque constituaient, quant à elles, des charges par nature. Il pouvait donc sembler
paradoxal d'immobiliser les frais engagés à l'issue de ce processus alors que ceux-ci étaient
le plus souvent bien inférieurs à ceux engagés en amont.
100.
Par ailleurs, il existait un autre inconvénient à l'immobilisation des marques : celles-
ci ne pouvaient être amorties car, à la différence des brevets, elles bénéficient d'une
protection juridique illimitée, leur enregistrement se renouvelant par période de 10 ans de
manière indéfinie.
2) Les marques acquises
101.
Contrairement aux marques créées en interne, les marques acquises doivent être
comptabilisées en immobilisations (compte 205 « concessions et droits similaires, brevets,
92 Memento comptable Francis Lefebvre, § 1655, p. 709
93 Documentation pratique Francis Lefebvre, Feuillet 51, BIC-IV-16870 s.
52
Publicité et droit des marques
licences, marques, procédés, logiciels, droits et valeurs similaires »), les critères de
comptabilisation d'une immobilisation corporelle étant en principe remplis. En effet, leur
coût peut, en principe, être déterminé de manière fiable. Elles sont donc comptabilisées pour
leur coût d'acquisition. En revanche, les coûts de renouvellement sont à passer en charges car
ils ne sont jamais immobilisables, que la marque ait été acquise ou créée94.
102.
Le droit fiscal, tout comme pour les marques créées en interne, s'est aligné sur les
règles comptables. Par conséquent, les frais engagés pour l'acquisition d'une marque ne
peuvent pas être enregistrés en charges et doivent donc être immobilisés. Les marques
acquises à titre gratuit par des entreprises qui en disposaient moyennant le versement d'une
redevance annuelle doivent être comptabilisées à l'actif pour leur valeur vénale. Par ailleurs,
en l'absence de contrepartie au passif, il faut constater un profit imposable.
103.
S'agissant du caractère amortissable de ces immobilisations, comme nous l'avons
déjà relevé, les éléments incorporels ne se déprécient en principe pas avec le temps. Ils ne
devraient donc pas être amortissables. En effet, la protection décennale de la marque
pouvant être renouvelée, cette protection est considérée comme illimitée dans le temps. Les
marques peuvent tout de même faire l'objet d'une dépréciation qui viendra en déduction des
résultats imposables. Bien que la possibilité d'amortir la marque ne soit pas garantie, elle
demeure possible. La condition est alors que la durée de consommation des avantages
économiques attendus de la marque puisse être déterminée. L'utilisation d'un actif est
déterminable lorsque l'usage attendu de celui-ci est limité dans le temps95. Les actifs
incorporels qui bénéficient d'une protection juridique ont une durée de consommation des
avantages économiques attendus déterminable. Ils sont par conséquent amortissables, la
durée de consommation étant en principe fonction de la protection juridique. La date de
départ de l'amortissement devra alors correspondre à la date de mise en service.
104.
Néanmoins, la solution n'est pas la même dans l'hypothèse d'une marque entretenue.
En effet, le Conseil national de la comptabilité (CNC) a indiqué que la durée de
consommation des avantages économiques n'était pas déterminable à l'acquisition de la
marque. Celle-ci ne doit donc pas faire l'objet d'un plan d'amortissement dans ce cas 96. De
94 Memento comptable Francis Lefebvre, § 1726, p. 737
95 La revue fiduciaire, hors-série 2010-2, juin 2010, p.498
96 Memento comptable Francis Lefebvre, § 1726, p. 737
53
Publicité et droit des marques
même, lorsque la durée d'exploitation de la marque est liée à l'activité de l'entreprise dans
son ensemble, elle ne peut pas faire l'objet d'un amortissement. Par ailleurs, il faut préciser
que, en cas de décision d'arrêter l'utilisation de la marque à une échéance donnée, le plan
d'amortissement commence alors à compter de cette décision, et ce jusqu'à la date
d'échéance prévue. De la même manière, si une marque n'est pas amortissable à son
acquisition, elle peut le devenir en cours d'utilisation à partir du moment où la durée
effective d'utilisation sera connue97.
105.
Comme nous venons de le voir, le capital marque constitue un actif de l'entreprise qui
peut être évalué et donc comptabilisé. Pour autant, il n'est pas condamné à rester immuable.
Certains éléments qui peuvent être des indicateurs du capital marque peuvent, en outre, en
être des leviers. La croissance de la valeur de la marque, tout comme son maintien, nécessite
une attention permanente et passe par les consommateurs et leur rapport à la marque, celui-ci
étant le résultat tant de l'expérience du consommateur avec les produits de la marque que de
l'influence de la publicité.
Section 2. Les indicateurs du capital marque
106.
Les principaux leviers de création de valeur de la marque sont la notoriété et l'image
(§1). En effet, la connaissance de la marque par les clients permet d'augmenter les ventes et
l'image qu'ils s'en font joue aussi un rôle très important dans leur décision d'achat. Bien que
complémentaires, ces deux notions ne sont pourtant pas égales. La marque doit déjà avoir
une certaine notoriété avant de s'intéresser plus particulièrement à son image auprès des
consommateurs. La notoriété constitue le passage obligé vers l'obtention d'une marque forte.
L'image, quant à elle, correspond au résumé des impressions que le consommateur se fait de
la marque et de ses produits. Néanmoins, s'agissant des de ces deux leviers, la publicité
apparaît comme un outil incontournable car c'est bien elle qui va permettre d'augmenter la
97 Ibid.
54
Publicité et droit des marques
notoriété de la marque et de façonner son image.
107.
La notoriété et l'image sont des indicateurs reflétant bien la valeur de la marque et
donc le capital marque mais ils ne sont néanmoins pas les seuls auxquels on peut avoir
recours. Ainsi, d'autres indicateurs tels que le capital client, qui est une notion récente, ou la
fidélité à la marque peuvent être aussi révélateurs de la valeur de la marque. Le capital client
et la fidélité sont deux concepts assez proches et complémentaires et ils font partie des
éléments constitutifs du capital marque (§2).
§1 La notoriété et l'image
108.
La notoriété et l'image permettent aux consommateurs de réduire la complexité du
choix qui s'offre à eux et d'aller plus vite vers des propositions certaines et rassurantes98.
Elles sont deux moyens d'évaluer le capital marque mais elles ne répondent pas à la même
question. La notoriété est une mesure quantitative (A) tandis que l'image est une mesure
qualitative (B). Ainsi la première répond à la question du nombre de consommateurs qui
connaissent la marque alors que l'image répond à celle de la manière dont la marque est
perçue. Pour Benoît HEILBRUNN, la notoriété est une mesure quantitative qui sert à
évaluer le degré de présence d'une marque à l'esprit des consommateurs99. Néanmoins, « La
notoriété ne préjuge pas du niveau de connaissance des activités ou de l'histoire de la
marque ni des jugements de valeur portés sur la marque. On peut avoir une grande
notoriété et une mauvaise image, ou vice versa »100.
98 FAQ La marque, op. cit., p. 25
99 B. Heilbrunn, La marque, op. cit. p. 113
100 Mercator, op. cit., p. 774
55
Publicité et droit des marques
A- La notoriété
109.
La Convention de Paris101, dans son article 6 bis, définit la marque notoire comme
celle « notoirement connue comme étant déjà la marque d'une personne ». La notoriété est
une notion que l'on retrouve tant en marketing qu'en droit. Néanmoins, s'agissant de ce
dernier domaine, il convient de noter qu'une notion voisine est par la suite apparue
notamment dans la directive 89/104102 : la notion de marque renommée. Bien que celle-ci
soit assez proche de la notoriété, il semble s'agir de deux notions différentes. En effet,
l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle distingue la marque renommée de la
marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris. Sans nous
attarder sur cela ni nous interroger sur l'opportunité d'une telle distinction, on peut
simplement relever que la doctrine est divisée à ce sujet103.
110.
Selon Chantal LAI104, la notoriété de la marque peut être définie « comme le degré de
connaissance d'une marque et [elle] se mesure par la présence à l'esprit d'une marque pour
un individu dans une catégorie de produits donnée ». En simplifiant à l'extrême, la notoriété
se situe entre le souvenir et l'image de la marque. La notoriété de la marque est une mesure,
sous forme de score, de la tendance des consommateurs à citer la marque, soit de manière
spontanée soit de façon assistée. Plus la notoriété d'une marque sera forte, plus les
consommateurs seront exposés à celle-ci et plus ils auront de chance de devenir des clients
potentiels.
1) Les différents niveaux de notoriété
111.
La notoriété de la marque est exprimée sous la forme d'un score : le taux de notoriété.
101 Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, 20 mars 1883, telle que modifiée le 28
sept. 1979 : www.wipo.int
102 Directive 89/104/CEE du 21 déc. 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques,
JOUE L 40, 11 fév. 1989, p. 1-7
103 Voir notamment J.-Ch. Galloux, Définition de la marque notoire, RTD Com. 2000, p. 87 au sujet de l'arrêt
CJCE, 14 sept. 1999, aff. C-375/97, General Motors ; P. Vivant, Marque notoire et marque renommée : une
distinction à opérer, JCP E 2008, n° 30, 1968
104 C. Lai, La marque, op. cit., p.49
56
Publicité et droit des marques
Il s'agit du pourcentage de personnes, dans un public donné, qui connait l'existence de la
marque et sait, en plus, la catégorie de produits ou le secteur économique auxquels elle
appartient. Le taux de notoriété peut alors aller de zéro lorsque personne ne connait la
marque à un taux de 100%.
Il existe trois niveaux de notoriété:
●La notoriété assistée
●la notoriété spontanée
●le top of mind.
112.
S'agissant de la notoriété assistée, le taux est le pourcentage de personnes qui disent
connaître une marque présentée dans une liste préalable portant sur un secteur déterminé. La
notoriété assistée est donc celle d'une marque simplement reconnue. Cet indicateur de
notoriété n'est cependant pas fiable car il n'est pas possible d'établir avec certitude que les
consommateurs connaissent réellement les marques qui figurent sur la liste. Il est néanmoins
nécessaire lorsque la notoriété de la marque est trop faible ou dans le cas de certains marchés
tels que celui des produits durables. Le taux de notoriété assisté est souvent le plus élevé et
c'est par conséquent celui que les industriels ont le plus tendance à mettre en valeur mais il
est essentiellement intéressant lorsque l'on est en présence de produits peu impliquants105. La
notoriété spontanée correspond au pourcentage de personnes qui citent spontanément et sans
aide extérieure la marque lorsque l'on évoque son secteur d'activité. Ce niveau de notoriété,
lorsqu'il est atteint, n'est pas acquis définitivement. Ainsi, cette notoriété peut retomber en
cas de cessation des actions de communication106. Enfin, la notoriété top of mind (ou
notoriété spontanée de premier rang) est la même que la précédente, à la différence qu'il
s'agira du pourcentage de personnes qui citent la marque en premier. Ces deux derniers
niveaux correspondent à des marques fortes que le consommateur connait bien car elles lui
viennent facilement à l'esprit.
113.
Les trois indicateurs de notoriété ne fonctionnent pas de la même manière. Ainsi, en
ce qui concerne les notoriété spontanée et top of mind, les consommateurs ne citent que très
peu de marques, contrairement aux mesures de notoriété assistée où les réponses peuvent
être nombreuses. La communication joue un rôle important sur le taux de notoriété
105 Publicitor, op. cit., p. 159
106 Ibid.
57
Publicité et droit des marques
spontanée où la marque, pour se faire une place, doit en chasser une autre de l'esprit du
consommateur, celui-ci n'en retenant que peu. A l'inverse, lorsque la communication se fait
moins présente, ce taux diminue rapidement. De ce constat, résulte l'importance d'avoir une
communication constante107.
114.
Il faut néanmoins faire attention à la fausse notoriété, notamment à la fausse notoriété
assistée car « il peut y avoir confusion entre des marques ou des appellations proches »108.
Par ailleurs, il faut faire attention au type de notoriété que l'on choisit si l'on veut que cet
indicateur soit pertinent. En effet, si une marque a un taux de notoriété assisté très faible, les
autres taux seront d'autant plus faibles voire nuls, il faudra donc utiliser comme indicateur de
la notoriété le taux de notoriété assisté pour suivre l'évolution de la marque. A l'inverse, si le
taux de notoriété top of mind est très important, il sera le seul à être pertinent.109
2) L'intérêt de la notoriété
115.
En premier lieu, il est important de préciser qu'il ne faut pas négliger la notoriété car
elle constitue un préalable à l'image de la marque. Il s'avère nécessaire de développer la
notoriété de la marque avant de développer son image. En effet, créer une image de la
marque serait sans intérêt si la marque n'est pas encore connue des consommateurs.
116.
La notoriété présente plusieurs avantages, notamment celui d'avoir pour effet de
développer le choix du consommateur pour les produits de la marque 110. La notoriété rassure
le consommateur et le laissera plus facilement croire en la qualité du produit. Par ailleurs, la
notoriété conforte le consommateur en ce que, pour lui, elle atteste du sérieux et de la
pérennité de la marque. A ces yeux, si la marque est connue, c'est qu'elle le mérite. La
notoriété provoque un sentiment de familiarité chez le consommateur. En effet, elle laisse
croire en une qualité des produits et en une légitimité à être connue. Cette croyance peut être
déterminante dans le processus d'achat. Il faut néanmoins préciser que bien que la notoriété
soit nécessaire à l'élaboration de l'image de la marque, elle n'est pas obligatoirement
107 Ibid.
108 Mercator, op. cit., p. 775
109 Ibid., p. 777
110 Ph. Malaval, J.-M. Décaudin, Ch. Bénaroya, Pentacom, Pearson éducation, 2° éd., p.288
58
Publicité et droit des marques
positive. Ainsi, des marques peuvent être notoires mais ne pas être aimées des
consommateurs car ceux-ci se rappellent également des marques qu'ils n'apprécient pas. Par
ailleurs, la notoriété d'une marque doit s'apprécier en fonction de celle des autres marques
concurrentes. En effet, le score obtenu par une marque ne signifie rien s'il n'est pas mis en
comparaison avec ceux obtenus par des marques du même marché. De même, ce score doit
être apprécié en fonction d'une cible visée déterminée.
117.
Il est important de ne pas oublier que les marques qui ont la plus forte notoriété sont
en général les plus anciennes. En effet, la notoriété est le résultat d'un long travail de
communication. La construction de la notoriété peut prendre du temps car les
consommateurs peuvent mettre du temps à se familiariser avec une marque.
3) Comment développer la notoriété ?
118.
Il existe plusieurs facteurs qui contribuent au développement de la notoriété d'une
marque. En effet, la notoriété ne se construit pas seulement par la publicité bien que celle-ci
soit un élément nécessaire à son développement. Ces facteurs sont de deux ordres : ceux qui
tiennent à la présence physique de la marque sur son marché mais aussi les agents qui
construisent la notoriété tels que la publicité.
119.
Si elle veut développer sa notoriété, la marque doit d'abord avoir une forte identité
attachée à la catégorie de produits correspondant au secteur de la marque111. Pour David
AAKER, la marque peut améliorer sa notoriété de plusieurs manières, notamment en étant
différente et facile à mémoriser, à l'aide de slogans ou de jingles, avec des symboles visuels,
etc.112. Par ailleurs, la notoriété s'acquiert par la puissance et la durée d'exposition 113 et cette
puissance d'exposition s'acquiert en grande partie grâce à la publicité. En effet, la notoriété
nécessite la répétition, et ce sur du long terme. Par ailleurs, il ne faut pas omettre de faire un
choix du type de notoriété à privilégier en fonction du niveau des taux de notoriété. Les
efforts à faire afin de développer la notoriété ne seront pas les mêmes selon que la marque a
111 Management du capital-marque, op. cit., p. 85
112 Ibid., p. 85 et s.
113 G. Lewi, La marque, Vuibert, coll. Explicit, 3e éd., p. 11
59
Publicité et droit des marques
déjà un taux de notoriété top of mind élevé ou au contraire un taux de notoriété assisté très
faible.
B- L'image
120.
L'image est une mesure qualitative qui permet d'appréhender la vision que les
consommateurs ont de la marque. Il est nécessaire de lui accorder une grande attention car
c'est elle qui donne un sens à la marque.
1) Définition
121.
L'image de la marque correspond à l'ensemble des perceptions, évocations mentales
ou associations des consommateurs à propos de cette marque. Il s'agit d'un indicateur
qualitatif, contrairement à la notoriété qui est un critère quantitatif qui se borne à mesurer la
connaissance de la marque seulement. Toute marque a une image. Celle-ci « habille la
marque, l'enrichit de significations, spécifie ses sens »114. Les marques sont intangibles.
Néanmoins, les consommateurs s'en font une image et de ce fait, les matérialisent dans leur
esprit115. C'est la publicité qui contribue à façonner cette image en mettant en avant l'histoire
de la marque, ses valeurs. Par ailleurs, la création de l'image dans l'esprit du consommateur
se fait à partir des connaissances qu'il a sur la marque, de ses expériences avec celle-ci et
plus généralement de son histoire avec elle. Elle a pour conséquence une prise de distance du
consommateur envers le produit lui-même qui résulte de la valeur qui est ainsi donnée à la
marque par le client. L'image de la marque résulte de divers éléments, notamment des
produits eux-mêmes, de la communication de la marque, de son histoire mais aussi de ses
consommateurs.
114 M. Bassani, S. Sbalchiero, K. Ben Youssef, S. Magne, Brand Design, De Boeck, 1è éd., p. 88
115 Ph. Mouillot, Publicités, op. cit., p. 52
60
Publicité et droit des marques
122.
L'ouvrage Mercator donne quatre caractéristiques de l'image de la marque116. Tout
d'abord, comme nous venons de le voir, elle est un ensemble de « représentations mentales ».
Elle est aussi sélective et simplificatrice puisqu'elle résume les sentiments et perceptions des
clients sur la marque. Par ailleurs elle est personnelle et subjective en ce qu'elle varie d'une
personne à une autre. Enfin, la quatrième caractéristique est que l'image est assez stable car
elle résulte des attitudes du consommateur à un certain moment et celles-ci sont en principe
stables. Cette caractéristique a pour effet une tolérance du client fidèle envers la marque qui
commet un faux pas. A l'inverse, le client sera d'autant plus critique et sévère vis à vis de la
marque qu'il n'aime pas. Ainsi, la stabilité de l'image peut être un avantage (et donc un
certain répit) tout comme un handicap.
123.
David AAKER considère qu'il y a onze éléments qui composent l'image de la
marque, onze dimensions117 :
● Les attributs du produit : il s'agit des caractéristiques tangibles.
● Les caractéristiques intangibles : elles sont moins susceptibles de souffrir des attaques des
concurrents puisqu'elles relèvent de l'immatériel, contrairement aux caractéristiques
tangibles qui, elles, peuvent être surpassées.
● Les bénéfices-consommateurs : ils peuvent être de deux ordres, rationnels (basés sur des
éléments objectifs) ou psychologiques.
● Le prix relatif : une marque doit nécessairement se positionner dans une catégorie de prix
(bas de gamme, moyenne gamme, haut de gamme, luxe)
● Les utilisations de la marque : elle doit se positionner sur ses modes et ses occasions
d'utilisation.
● Les acheteurs et les utilisateurs : la marque peut se positionner sur un certain type
d'acheteur (par exemple, le « WASP » de la classe moyenne supérieure pour Tommy
Hilfiger)
● Les célébrités et les personnages attachés à la marque : ceux-ci, qui peuvent être réels ou
imaginaires transfèrent leur notoriété à la marque et deviennent ainsi des éléments de l'image
de la marque
● La personnalité et le « style de vie » de la marque
● La catégorie de produits à laquelle appartient la marque
116 Mercator, op. cit., p. 778
117 Management du capital-marque, op. cit., p. 120 et s.
61
Publicité et droit des marques
● Les concurrents
● L'aire géographique et la nationalité de la marque
124.
Comme on peut donc le voir, l'image de la marque résulte en grande partie du
positionnement choisi par celle-ci. Pour autant, ce qu'elle mesure, ce sont bien les sentiments
des consommateurs envers elle-même.
2) Le rôle de l'image
125.
L'image joue un rôle important dans le choix des consommateurs. En effet, tout
d'abord, elle permet de synthétiser l'ensemble des perceptions que le consommateur a de la
marque. Il reste donc de ces perceptions un "résumé" favorable ou non qui simplifiera le
sentiment envers la marque qui, autrement, pourrait être complexe.
126.
L'image de la marque a plusieurs effets sur la marque. En premier lieu, comme nous
l'avons déjà dit, elle constitue une synthèse de l'ensemble des perceptions des
consommateurs et crée ainsi des sentiments, ou du moins des prédispositions, favorables ou
au contraire défavorables. De ce fait, elle peut donner des raisons d'acheter ou non. Ensuite,
elle permet de différencier la marque de celles des concurrents118.
Un autre effet de l'image est que celle-ci va être transférée aux clients de la marque.
Ainsi, de la même manière que les consommateurs peuvent s'identifier à la marque, ellemême et les clients potentiels peuvent se faire une image d'elle par le biais de ceux qui la
consomment.
Enfin, l'image de la marque va orienter les éventuelles extensions de marque. En
effet, l'image est la limite à ne pas dépasser et à prendre en compte lorsqu'une entreprise
envisage une extension. Une marque de luxe briserait son image en proposant une gamme
plus accessible. Il faut donc veiller à maintenir une certaine cohérence entre la marque et les
nouveaux produits qu'elle envisage de lancer.
118 Publicitor, op. cit., p. 163
62
Publicité et droit des marques
127.
L'image de la marque crée de la valeur. En effet, c'est l'image qui donne du sens à la
marque. C'est elle qui aide le consommateur en lui donnant des raisons d'acheter et en
différenciant la marque de celles des concurrents. Si un consommateur choisit une marque,
c'est qu'il adhère à ses valeurs, à ce qu'elle représente. L'image de la marque est ce qui reste
de l'ensemble de ses politiques de vente et de communication dans l'esprit du public. Il est
donc primordial d'accorder la plus grande attention à la construction et au maintien d'une
bonne image de la marque.
§2 Les autres indicateurs
128.
Un des indicateurs du capital marque est la qualité perçue. Celle-ci différencie la
marque et donne des raisons d'acheter ses produits. En effet, si le consommateur est
conscient de la qualité du produit, il sera susceptible de le racheter. Aussi, il sera moins
réticent à payer le produit plus cher qu'un produit concurrent mais dont la qualité, à ses yeux
sera moindre. Le prix, s'il est élevé, doit être justifié par la qualité (supérieure) du produit. A
l'inverse, le prix peut aussi influer sur la qualité perçue. En effet, il sert de référence lorsqu'il
est difficile d'évaluer le produit ou encore lorsque la possession du produit peut informer sur
le statut social du client119 (ou du moins celui qu'il veut faire paraitre). La qualité perçue
résulte de la qualité objective du produit mais pas seulement. En effet, il faut aussi prendre
en compte les dimensions, même irrationnelles qui sont importantes aux yeux des
consommateurs120. Ainsi, il faut prendre en compte des aspects tels que le prix,
l'environnement du produit (emballage, lieu de vente) ou encore l'image (ou l'imaginaire)
autour de la marque. Cette notion de qualité perçue est à rapprocher de la notion juridique de
fonction de garantie de qualité jouée par la marque et récemment reconnue par la
jurisprudence communautaire. La marque représente en effet une qualité qu'elle garantit au
consommateur afin que celui-ci soit assuré de retrouver la même chaque fois qu'il rachète un
produit dont il a été satisfait.
119 Management du capital-marque, op. cit., p. 292
120 Ibid.
63
Publicité et droit des marques
129.
Une marque forte réside dans sa relation avec les consommateurs. Ainsi, comme on
l'a vu, la notoriété et l'image sont des indicateurs importants du capital marque. La qualité
perçue joue, elle aussi, un rôle essentiel. Il existe néanmoins deux autres facteurs importants.
Il s'agit du capital client (A) qui est une notion assez récente mais aussi de la fidélité à la
marque (B) qui permettra d'assurer des ventes régulière et donc la pérennité de la marque.
A- La notion de capital client
130.
La notion de capital client est apparue récemment, elle aussi, mais elle reste floue. Le
capital client peut être défini comme la « différence provoquée par la marque dans la
manière dont les consommateurs réagissent au produit et à son marketing »121. De plus en
plus, on entend que le client constitue le vrai capital de l'entreprise. En effet, c'est bien le
client qui apporte à l'entreprise son chiffre d'affaire. Pour Georges LEWI, pour qui le capital
client est le nombre de clients fidèles, il s'agit même du capital le plus important car c'est
celui qui légitime les efforts de la marque122. Ainsi, s'est développée la notion de capital
client (ou customer equity) et celle de customer lifelong value (cette dernière envisageant la
valeur du client sur l'ensemble de son cycle et non sur des opérations ponctuelles123).
C'est le client qui fait vivre la marque. Les professionnels du marketing en ont pris
conscience et ont commencé à prendre les consommateurs en compte. Une idée a alors
commencé à faire sa place dans les esprits : celle que la marque n'est rien sans les clients qui
achètent ses produits. Ainsi, comme le rappelle Jean-Noël KAPFERER, « il n'y a pas de
marques sans clients »124.
131.
Aujourd'hui, lorsque l'on parle de brand equity, il peut s'agir de deux choses : La
121 Marketing-Management, op. cit., 13° éd, p. 312
122 G. Lewi, La marque, op. cit., p.18
123 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 191
124 Ibid., p. 192
64
Publicité et droit des marques
customer equity (ou consumer based brand equity) ou la financial brand equity appelée plus
simplement brand equity125. La dernière évalue les actifs de la marque, du point de vue
financier, tandis que la seconde prend en compte les clients. Il est nécessaire de bien saisir la
différence qui existe entre la valeur de la marque aux yeux du consommateur et la valeur
financière. Ces deux valeurs de la marques sont indépendantes et doivent donc être
différenciées. En effet, une marque peut avoir une valeur importante aux yeux du
consommateur mais ne rien valoir financièrement126. Le capital client prend en compte la
manière dont les consommateurs perçoivent la marque et les conséquences de cette
perception sur l'acte d'achat. Ainsi, si la réaction des clients au produit est plus favorable
lorsque la marque est identifiée, le capital sera positif. Dans le cas contraire, il sera
négatif127. Certaines méthodes d'évaluation du capital marque se basent sur une approche qui
prend en compte la perception de la marque par les clients. C'est notamment le cas des
méthodes BAV et Brandz.
132.
Bien que le capital client de la marque joue un rôle important, il semble néanmoins
faux d'affirmer, comme certains le font, que le vrai capital de l'entreprise est le capital client
et non le capital marque car comme on l'a dit, bien des marques disposant d'un fort capital de
marque auprès des clients ont une force de marque peu importante.
133.
La notion de capital client est à rapprocher de celle de fidélité à la marque. En effet,
on peut conclure de ce que disent certains auteurs, que ces deux notions ne sont pas sans
ressemblances. On l'a vu, Georges LEWI considère que le capital client correspond au
nombre et au pourcentage de clients fidèles. Jean-Noël KAPFERER, quant à lui, va plus loin
encore lorsqu'il dit que le vrai capital de l'entreprise est celui de la fidélité à la marque128.
125 Ibid., p. 745
126 FAQ La Marque, op. cit., p. 75
127 Marketing-Management, op. cit., p. 312
128 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 194
65
Publicité et droit des marques
B- La fidélité à la marque
134.
La fidélité à la marque est un indicateur très intéressant du capital marque. En outre,
elle se rapproche et dépend, en quelque sorte, d'un autre indicateur. En effet, la fidélité, qui
est une preuve de l'attachement des clients à la marque, résulte de leur satisfaction vis à vis
des produits. Cette satisfaction découle, par ailleurs, de la qualité perçue. On peut en
conclure que de la qualité perçue découle la fidélité à la marque. Néanmoins, la qualité
perçue n'est pas le seul élément conduisant les consommateurs à la fidélité. Comme nous
l'avons déjà relevé, le client est, en fait, davantage fidèle à la marque elle-même qu'à ses
produits. Par conséquent, une déception sur les produits, si elle reste rare, n'aura pas
d'incidence sur l'attachement à la marque et donc sur la fidélité. Il existe, par ailleurs, un
attachement très supérieur à la fidélité. Il s'agit de celui qui est porté à certaines marques. Le
sentiment qui est alors celui des consommateurs envers la marque relève clairement de
l'amour. Ces marques sont alors appelées lovemarks.
1) La notion de fidélité à la marque
135.
La fidélité à la marque « traduit une attitude favorable à l'égard d'une marque
spécifique résultant en un achat répété de cette marque au cours du temps »129. Elle est le
plus souvent acquise pour des produits impliquants et très rarement pour des produits de
grande consommation qui sont fortement soumis à la sollicitation de la concurrence130.
136.
La fidélité est, par ailleurs, un indicateur du capital marque car elle permet de se
rendre compte de la force de la marque. Elle est aussi un levier du capital marque. En effet,
les clients fidèles constituent une véritable plus-value en ce qu'ils sont plus rentables et
moins sensibles au prix que les clients non attachés à la marque. Pour David AAKER, la
fidélité des clients est l'élément essentiel du capital marque notamment car elle permet de
réduire les dépenses de marketing, attire de nouveaux clients et donne du répit pour répondre
129 Au cœur de la marque, op. cit., p.32
130 A. Dayan, La publicité, op. cit.., p. 33
66
Publicité et droit des marques
aux attaques des concurrents131.
137.
Plus la marque est forte, plus le taux de fidélité des consommateurs a de chances
d'être important. La fidélité permet non seulement d'assurer une continuité dans la vente de
produits ou services mais elle permet aussi d'accorder du répit en cas de défaillance de
produits132. Ainsi, un client fidèle ne tournera pas le dos à une marque qui l'a déçu si
auparavant il lui était attaché. La fidélité donne ainsi, comme on l'a déjà dit, un répit mais
aussi une certaine latitude quant aux prix. Néanmoins, il faut préciser que les
consommateurs ne sont pas fidèles à la marque à n'importe quel prix. Ainsi, si les produits de
la marque connaissent des hausses de prix injustifiées trop importantes, les clients, même
fidèles, risquent de s'en détourner. En effet, la fidélisation passe notamment par un bon
rapport qualité-prix. Cependant, force est de constater que, quand bien même un client se
détourne d'un produit lorsque le prix augmente de manière trop importante, il n'en demeure
pas moins attaché à la marque133. Cette constatation trouve son explication dans le fait que le
consommateur n'est pas particulièrement fidèle aux produits eux-mêmes mais plutôt à la
marque dont ils sont pourvus. La fidélité des clients à la marque repose sur plusieurs facteurs
comme leur satisfaction, leur relation affective avec la marque ou encore les différences de
prix avec la concurrence134. Par ailleurs, il faut noter que, selon la catégorie de produits et
l'implication du consommateur, l'importance accordée à la marque ne sera pas la même135.
138.
Pour Jean-Noël KAPFERER, il existe un quasi-contrat entre les marques et les
consommateurs. Ainsi, il y a un engagement réciproque qui engage la marque à être
constante dans ses prestations et le client à lui rester fidèle. C'est pour cette raison que le
consommateur pardonnera une erreur de la part de la marque et lui restera attaché136. Cet
engagement est ce que certains auteurs appellent « contrat de marque » que Georges LEWI
définit comme le « contrat tacite passé entre la marque et ses clients, fondé sur les repères
qui induisent la fidélité des clients à la marque »137.
139.
Il existe différents niveaux de fidélité à la marque que l'on peut classer par ordre
131 Management du capital-marque, op. cit., p. 292 et 293
132 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 49
133 Ibid., p. 67
134 Management du capital-marque, op. cit., p. 293
135 Au cœur de la marque, op. cit., p. 31
136 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 49
137 G. Lewi, La marque, op. cit., p.23
67
Publicité et droit des marques
croissant d'attachement. Le premier est l'infidélité qui se traduit par une irrégularité des
achats de produits de la marque. Ensuite, vient la fidélité occasionnelle caractérisée par
l'achat de produits de la marque parmi des marques leaders en fonction du prix. Le troisième
niveau correspond à la fidélité partagée, hypothèse où le client achète des produits de
plusieurs marques dans la catégorie de produits donnée. Enfin, le plus haut niveau est celui
de la fidélité indivise où le consommateur achète presque exclusivement des produits de la
marque dans une catégorie de produits.138
140.
La fidélité des clients s'obtient de plusieurs manières. Il convient que la marque
maintienne une certaine constance à la fois dans la qualité (et la qualité perçue) de ses
produits, mais aussi dans ses prix. La publicité, par l'imaginaire qu'elle peut créer autour de
la marque peut aussi s'avérer utile dans la fidélisation de la clientèle. La fidélité représente
plusieurs avantages : comme on l'a déjà dit, elle laisse du répit pour répondre aux attaques de
la concurrence, mais pas seulement. En outre, elle réduit les dépenses marketing, elle donne
du pouvoir aux producteurs quant à leurs exigences en matière de référencement et enfin,
elle peut attirer de nouveaux clients par imitation des clients fidèles139.
141.
Au delà de la notion de fidélité, il existe un sentiment très fort que les consommateurs
peuvent éprouver pour la marque. Il s'agit d'un attachement qui relève presque de l'amour.
Les marques qui sont l'objet de tels sentiments sont appelées lovemarks.
2) La lovemark
142.
Il s'agit d'une théorie mise au point par Kevin ROBERTS, président de Saatchi &
Saatchi monde. Il appelle lovemark « les produits ou services envers lesquels les
consommateurs font preuve d'une fidélité qui dépasse la raison »140. Cette notion est née de
la constatation que, dans la plupart des marchés, les produits coexistaient et, en conséquence,
les marques aussi. Les produits ne présentent plus vraiment de différences objectives, les
produits étant, depuis l'émergence de nos sociétés de consommations, de plus en plus
138 Au cœur de la marque, op. cit., p. 33
139 Pentacom, op. cit., p. 291
140 www.saatchi-ch.com/fr/lovemarks
68
Publicité et droit des marques
similaires. Pour Kévin ROBERTS, il est donc devenu nécessaire « de passer d'une logique
de transaction à une logique de relation »141. Il compare cette relation avec les relations
entre individus. Il se crée alors un lien émotionnel entre le client et la marque où le rationnel
ne trouve plus sa place. La marque n'appartient alors plus à l'entreprise mais à ceux qui
l'aiment. On peut considérer qu'une marque est une lovemark lorsqu'elle est irremplaçable,
c'est-à-dire lorsqu'on ne pourrait pas la remplacer par une autre si elle venait à disparaître.
143.
Dans le cas des lovemarks comme dans les relations humaines, amicales ou
amoureuses, les qualités objectives ne suffisent pas à créer la préférence142. Par ailleurs, la
relation entre la marque et les consommateurs, comme c'est le cas entre personnes, repose
sur le respect et la confiance mutuelle, ainsi que sur l'amour. En effet, « La lovemark compte
sur les règles sociales et psychologiques de la réciprocité : aime moi puisque je t'aime »143
144.
Le statut de lovemark nécessite plusieurs éléments. La marque doit, certes, provoquer
la confiance et l'admiration mais le respect et la passion sont deux conditions primordiales.
Néanmoins, les trois éléments essentiels à réunir pour susciter et entretenir l'amour sont le
mystère, la sensualité et l'intimité avec les consommateurs.
Il existe plusieurs étapes pour accéder au rang de lovemark. Les marques qui n'ont ni
respect ni amour sont les trademarks (c'est le cas des produits de base ex: les MDD), celles
sans respect mais avec amour sont les missmarks (on les aime bien mais on ne les respecte
pas), celles sans amour mais avec respect sont les trustmarks (Elles méritent notre confiance
et on les respecte pour les performances et le sérieux de leurs produits mais elles ne dégagent
pas d'émotion (ex: microsoft) et enfin celles qui génèrent respect et amour sont les
lovemarks (ex: Nike).
145.
Le statut de lovemark présente de nombreux avantages. En effet, il augmente la
valeur perçue de la marque, permet à la marque de mieux résister aux crises et joue un rôle
important dans la fidélisation de la clientèle144.
146.
Comme on vient de le voir, il existe des leviers de création de valeur puissants.
141 Publicitor, op. cit., p. 220
142 Ibid.
143 J.-N. Kapferer, Ce qui va changer les marques, Editions d'Organisation, 2e éd, p. 277
144 Publicitor, op. cit., p. 220
69
Publicité et droit des marques
Néanmoins, certains éléments ou faits peuvent nuire à la valeur de la marque. Ainsi, des
extensions de marques incohérentes peuvent diminuer la valeur de la marque. De même, si la
marque se met à ressembler à ses concurrents, elle perdra de la valeur aux yeux de ses
clients145. La marque est donc un actif de l'entreprise instable. Il faut pouvoir maintenir, voire
augmenter, la valeur de la marque. C'est en cela que le publicité peut être un outil nécessaire
à la marque. La publicité est en premier lieu un moyen d'information mais pas seulement :
elle permet notamment d'accroitre la notoriété de la marque et de définir son image. Elle est
également un outil indispensable dans le positionnement de la marque et dans l'élaboration
de son identité.
145 FAQ La marque, op. cit., p. 83
70
Publicité et droit des marques
Chapitre 2
La publicité : Un outil au service de cet actif
147.
Comme nous l'avons dit plus haut, la marque a besoin de la publicité pour obtenir une
notoriété mais aussi pour pouvoir créer une image, un univers autour d'elle. Ne pas
communiquer serait une erreur pour la marque car cela aurait pour conséquence de la faire
disparaître du panorama visuel et mental. Or c'est la continuité de la communication qui va
permettre à la marque de rester à l'esprit des consommateurs. En outre, la publicité contribue
à l'élaboration d'une histoire de la marque, d'une légende. Elle peut ainsi rappeler les origines
de la marque ainsi que les valeurs qu'elle prône. La publicité permet de faire de la marque ce
qu'elle veut devenir. Elle lui apporte la reconnaissance et lui confère de la valeur tant au
regard des consommateurs qu'à celui des investisseurs. En cela, elle est un outil essentiel à la
construction du capital marque.
148.
La publicité est avant tout un moyen de communication (section 1). Depuis toujours,
la réclame, puis la publicité, a eu pour objet d'informer les consommateurs de la présence
d'une offre sur un marché. Cette information avait pour objet d'attirer l'attention du client et
donc d'être plus susceptible d'obtenir sa préférence. Avec l'apparition de la production de
masse, la publicité a vu son rôle de communication s'élargir à une tentative de persuasion. La
publicité a commencé à façonner un univers autour de la marque afin de mettre le produit
dans un contexte favorable, propice au rêve. Le produit est alors devenu le symbole d'un
mode de vie auquel la majorité des consommateurs aspire. Ainsi, acquérir le produit
permettrait de se rapprocher d'une vie meilleure. Les publicistes utilisent dans cette optique
des visions optimistes censées représenter un schéma d'une vie idéale et fantasmatique.
149.
Par ailleurs, la publicité peut s'avérer être un instrument utile pour positionner la
marque sur un marché (section 2). En effet, lorsque la marque est positionnée, il convient
d'en informer les consommateurs. Il faut permettre aux consommateurs de situer le produit
sur le marché et par rapport à la concurrence. Une fois la marque positionnée, le travail de la
publicité ne s'arrête par pour autant. Il faut communiquer sur la marque tout au long de sa
71
Publicité et droit des marques
vie, notamment pour informer des évolutions ou pour corriger une image devenue négative.
Enfin, la publicité est indispensable à la conception de l'identité de la marque, qui de la
même manière que pour un être vivant, va constituer la carte de visite de la marque ; ce qui
fait qu'elle va attirer ou non les consommateurs.
Section 1. Un outil de communication
150.
La publicité, au sens de porter un fait à la connaissance du public, a toujours existé. A
l'origine, il s'agissait essentiellement de rendre publiques des décisions qui relevaient des
autorités. Petit à petit, l'usage s'est répandu avant de devenir l'apanage des commerçants et
des industriels. Sa définition a, de ce fait, évolué pour prendre le sens qu'on lui donne
aujourd'hui, c'est-à-dire, l'action de promouvoir un produit et d'inciter à l'achat (§1).
151.
Cette évolution de la publicité s'est faite en plusieurs siècles et a eu plusieurs
conséquences. Ainsi, la publicité ne constitue plus seulement un moyen d'information. Elle
tente de convaincre les consommateurs que l'acquisition des produits de la marque dont elle
vante les mérites va améliorer leur vie (§2). Elle met alors le produit au sein d'un
environnement idéal qui incite à l'achat. On prête au produit des vertus qui font de lui un
élément indispensable à la réalisation de la vision ainsi projetée. Il devient le symbole d'une
appartenance à un statut social ou à un groupe de personne. Détenir ce produit permet, selon
le message de la publicité, de se rapprocher de son soi idéal, de la vie à laquelle aspire la
cible. La publicité vend donc du rêve ; elle s'attache à créer un imaginaire autour de la
marque, dans lequel elle véhicule ses valeurs.
§1 Définition et évolution de la publicité
152.
La publicité, telle que nous la connaissons aujourd'hui est relativement récente.
72
Publicité et droit des marques
Lorsque les produits ont commencé à devenir identiques, il a fallu trouver le moyen de les
différencier. C'est dans ce but que la publicité moderne a vu le jour. De nos jours, l'objet de
la publicité est de mettre en avant un produit ou une marque et ainsi d'inciter les
consommateurs à l'acheter (A).
153.
La publicité n'a pas toujours été le domaine des industriels et des publicistes. Son
sens premier, ou du moins les usages qui n'en revêtaient pas encore le nom, était simplement
de rendre public. On trouve encore aujourd'hui des restes de cette définition qui était la
sienne (l'action de rendre public et opposable aux tiers), notamment avec la publicité
foncière. Néanmoins, le développement des procédés industriels et, de ce fait, de l'offre sur
le marché ont fait de ce terme de publicité ce qu'il est aujourd'hui (B). Les commerçants se
sont appropriés cette méthode dans le but de faire connaître leurs produits. La publicité est
ainsi devenue une méthode mercantile. Pourtant, on peut remarquer à titre anecdotique
qu'elle redevient aussi un moyen de communication à des fins non lucratives en ayant été
récupérée par certaines associations et par le monde de la politique. Ainsi, se rapproche-telle un peu d'une pas si lointaine cousine : la propagande.
A- Définition
154.
La publicité est un mode de communication qui a pour objet de promouvoir un
produit, un service ou encore une marque. De la réclame, qui est en quelque sorte son
ancêtre, la publicité a gardé certaines méthodes. Néanmoins, les progrès en matière de
sciences humaines ont eu pour effet de voir la publicité leur emprunter certaines techniques.
La publicité a ainsi évolué pour devenir une discipline un peu plus scientifique, notamment
en se servant de méthodes relevant de la psychologie.
1) Qu'est-ce que la publicité ?
155.
Le dictionnaire Larousse définit la publicité comme une « activité ayant pour objet
73
Publicité et droit des marques
de faire connaître une marque, d'inciter le public à acheter un produit, à utiliser un service,
etc. » ainsi que comme l'« ensemble des moyens et des techniques employés à cet effet ».
L'ouvrage
Publicitor
donne
une
définition
plus
technique
:
c'est
une
« communication de masse partisane faite pour le compte d'un émetteur clairement identifié
qui paie des médias pour insérer ses messages promotionnels dans des espaces distincts du
contenu rédactionnel et les diffuser ainsi aux audiences des médias retenus »146. Bernard
CATHELAT, quant à lui, considère que « la notion moderne de publicité est celle d'une
"psychosociologie de l'information appliquée à des objectifs marchands" »147.
156.
La publicité correspond à toute forme de communication qui vise la promotion d'un
produit, d'une marque ou même d'une organisation ou d'une cause ( par exemple : les
campagnes anti-tabac). Les moyens de communication peuvent être divisés en deux
catégories :
► La communication médias qui correspond à la publicité et qui se fait au moyen de la
presse, de la télévision, de l'affichage, de la radio et du cinéma. Ces supports sont
généralement appelés « grands médias ». Aujourd'hui, on a tendance à en ajouter un
sixième : Internet.
► Le hors-médias qui comprend toutes les formes de communication autres que la publicité
(par exemple : le parrainage, les salons et les foires, les promotions, etc.). Ces médias sont
généralement très utiles lorsqu'il s'agit d'une communication industrielle ou professionnelle
mais sont qualifiés de « hors médias » lorsqu'il s'agit de produits ou services destinés au
grand public148.
157.
La publicité est restée pendant longtemps le principal outil de communication des
marques. Ce mode de communication a des caractéristiques précises. En effet, il a en
principe un émetteur clairement identifié et s'adresse à un public généralement large. Par
ailleurs, la publicité est partisane et, comme on vient de le voir, se trouve dans les médias de
masse149. Toutefois, bien que l'on puisse relever les caractéristiques générales de la publicité,
il est nécessaire de préciser qu' « il n'existe pas une publicité mais des pratiques
146
147
148
149
Publicitor, op. cit., p. 98
B.Cathelat, Publicité et Société, op. cit., p. 47
A. Dayan, La publicité, op. cit., p. 58
Publicitor,, op. cit., p. 102
74
Publicité et droit des marques
publicitaires »150.
158.
La publicité est fondamentalement optimiste. Elle embellit la réalité. Elle montre
quasiment toujours des personnages sympathiques et heureux. Le chômage, les problèmes
d'argent n'existent pas (sauf pour les publicités pour les organismes de crédit bien sûr mais
celles-ci apportent alors la solution qui va tout régler!!). Les personnages vivent dans des
quartiers paisibles ; leur famille se rapproche du modèle de la famille idéale (parents mariés,
deux ou trois enfants généralement) et tout va alors pour le mieux dans le meilleur des
mondes. Néanmoins, comme le souligne Bernard CATHELAT, « plus les individus portent
attention à la publicité, plus ils nient la crise »151 mais le bonheur fait vendre ; il apporte une
part de rêve et c'est ce dont les gens, surtout en tant de crise, ont besoin.
159.
En outre, il est intéressant de relever que l'on voit de plus en plus de publicités
diffusées à des fins non marchandes. Ainsi, on peut voir des publicités qui promeuvent des
associations, qui incitent à certains comportements ou encore qui servent la politique. Elles
se rapprochent alors de la propagande152. L'objectif premier de la publicité reste néanmoins
commercial. La publicité a pour objet d'attirer l'attention du consommateur sur les produits
de la marque ou sur celle-ci plus généralement afin de les inciter à l'achat.
2) Le mode opératoire de la publicité
160.
L'objectif de la publicité est économique mais elle utilise des méthodes qui relèvent
de la psychologie. Elle opère par le biais de moyens visant à agir, sans intermédiaire, sur le
plus grand nombre de consommateurs. Afin de vendre les produits, elle va tenter de
démontrer leurs qualités ainsi que leur capacité à satisfaire les besoins réels ou imaginaires
des consommateurs à qui elle s'adresse153.
La publicité joue alors un rôle sur le comportement du consommateur. En
effet, elle doit informer mais surtout inciter à l'achat. Elle a pour but d'attirer l'attention des
150
151
152
153
Publicité et Société, op. cit., 103
Ibid., p. 13
Publicitor,, op. cit., p. 102
Publicité et Société, op. cit., p. 48
75
Publicité et droit des marques
consommateurs sur les produits de la marque ou sur la marque elle-même. Dans ce dernier
cas, il s'agit d'une publicité dite « de marque » car elle ne cible aucun produit ou service mais
la marque dans son ensemble.
161.
La publicité peut utiliser deux chemins pour atteindre sa cible. Le premier, le chemin
psychologique, consiste à considérer que le message fera appel à des notions dont la cible
n'est pas toujours consciente, à ses émotions. Le second, le chemin technique, s'intéresse au
support même du message (sans avoir forcément de cible spécifique)154. Ainsi, un message
publicitaire comprend généralement deux aspects. Le premier est informatif et repose sur des
éléments rationnels. Le second aspect est suggestif et est constitué de symboles latents155.
L'objectif de cet aspect est donc d'inciter à l'achat en utilisant la suggestion.
162.
Pour Armand DAYAN, la publicité peut être divisée en deux catégories, selon la
nature du message qu'elle véhicule156. Ainsi, il distingue la publicité dénotative de la
publicité connotative. La première informe et argumente pour convaincre en s'adressant à la
raison. Elle ne se contente pas d'informer mais tente aussi de convaincre par le
raisonnement. La publicité connotative, quant à elle, suggère et s'adresse à l'émotion en
procédant par l'association d'idées. Bien que la majorité des publicités choisisse d'utiliser l'un
ou l'autre, certaines mêlent les deux modes d'expression. On appelle aussi cette forme de
publicité « publicité suggestive ». Elle est principalement utilisée pour les produits
impliquants et « dont la fonction utilitaire est atrophiée »157.
Armand DAYAN établit une seconde différenciation. Il oppose la publicité dure
(hard selling) qui a un objectif à court terme : influencer l'achat immédiat, à la publicité dite
douce (soft selling) qui cherche, outre à faire connaître le produit, à lui donner une image
favorable. Cette dernière est en principe connotative car elle vise à toucher les émotions et
l'affectivité.
163.
La publicité doit parfois user de moyens spécifiques pour attirer l'attention des
consommateurs. Elle peut recourir à des méthodes de « publicité imposée » (la réclame qui
est fondée sur la répétition, les emails, le démarchage...) ou à des méthodes accrocheuses
154
155
156
157
Publicités, op. cit., p. 27
Publicité et Société, op. cit., p. 155
La publicité, op. cit., p. 9
Publicitor, op. cit. p. 73
76
Publicité et droit des marques
telles que la transgression d'interdits, la présence de femmes nues, l'intrigue (au long des
messages publicitaires), etc.158. La publicité, pour promouvoir les produits, utilise des
éléments subjectifs. Comme on l'a dit, elle utilise des moyens psychosociologiques. Elle
tente alors de placer le produit dans un schéma de la vie sociale des consommateurs.
L'objectif de la publicité est de présenter au consommateur l'image de lui qu'il attend (et
espère). Comme nous le verrons plus loin, la publicité vend, en réalité, plus qu'un produit
mais un mode de vie. Le rôle de la publicité est donc de donner un sens au produit, de le
mettre dans un certain contexte, de le rendre encore plus attractif. Bien qu'elle ne crée pas
réellement de nouveaux besoins, elle répond aux attentes inconscientes des consommateurs
afin, notamment, de leur renvoyer l'image d'eux à laquelle ils aspirent.
B- Histoire de la publicité
164.
La publicité existe depuis l'antiquité mais c'est grâce aux avancées industrielles, au
développement des médias de masse mais aussi à l'amélioration de notre qualité de vie
qu'elle a pu devenir ce qu'elle est aujourd'hui. Ainsi, comme le souligne Bernard
CATHELAT, l'action publicitaire n'est possible que dans une société d'abondance : quand la
surproduction industrielle s'accompagne d'une hausse du pouvoir d'achat159.
165.
De gravures sur les murs, elle est passée aux annonces orales, avant de faire l'objet
d'affiches de plus en plus complexes et de publications par voie de presse . Par la suite,
l'arrivée de la radio et celle de la télévision lui ont donné des supports qui lui ont permis de
se développer et ont fait d'elle cet instrument « culturel » que l'on connait aujourd'hui.
1) Les prémices de la publicité
166.
Les premières traces de publicité remontent à plus de 5.000 ans avant J.C. où des
158 Ibid., p. 82 et s.
159 Publicité et société, op. cit., p. 56
77
Publicité et droit des marques
inscriptions vantaient les mérites d'artisans. On trouve d'autres traces de publicité dans
l'Antiquité. Par exemple, on a retrouvé des affiches annonçant des combats de gladiateurs.
Au Moyen-Age, la grande majorité des sujets du Royaume ne sachant pas lire, les
ordonnances royales, mais aussi certaines annonces commerciales, étaient rendues publiques
grâce à des crieurs. L'arrivée de l'imprimerie, à partir du XV ème siècle, marque la naissance
du support de la publicité moderne. L'affiche ainsi que les tracts deviennent des supports de
la réclame. On a, par exemple, retrouvé une affiche de 1482 annonçant un pèlerinage160.
167.
Le mot « publicité » est apparu en 1689 avec le sens « d'action de porter à la
connaissance du public ». Par ailleurs, il est intéressant de noter que le terme anglais de
publicité « advertising » vient du français « avertir »161 ou du concept d' « entr'avertir » créé
par Montaigne au début du XVIIème siècle162. C'est d'ailleurs sur les conseils de ce dernier que
Théophraste Renaudot, en 1628, eut l'idée de créer « le bureau de rencontre et d'adresse »
chargé de collecter et de diffuser les petites annonces163.
168.
Le terme de publicité désignait au départ l'acte de rendre publique une décision de
justice ou les délibérations des représentant du peuple. L'affichage demeurait cependant le
monopole de la Couronne et de l'Église et il fallait, jusqu'à la Révolution, disposer d'un
privilège pour pouvoir publier. En conséquence, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, l'affiche fut
un outil de « propagande plus que de réclame commerciale »164. En 1722, l'affichage devint
un métier reconnu par ordonnance royale. Néanmoins, la publicité demeurait encore
informative, et non pas suggestive.
169.
Puis, pendant la Révolution française, des textes de propagande révolutionnaire sont
diffusés notamment par voie d'affiche. C'est aussi à cette période que l'on assiste à la
première rencontre réelle du journal et de l'annonce165.
160 Ibid., p. 52
161 Publicitor, op. cit., p. 102
162 N. Blanc et J. Vidal, Publicité et psychologie, Edition In Press, 2009, p. 21
163 Ibid.
164 Publicité et société, op. cit., p. 52
165 Ibid.
78
Publicité et droit des marques
2) De l'ère de la réclame à la publicité
170.
L'ancêtre le plus visible de la publicité était la réclame. Celle-ci consistait en une
espèce d'apologie souvent mensongère d'un produit par l'annonceur. Elle a vu son apogée à
un moment où la fabrication en série était encore loin de dominer complètement le
marché166.
171.
Sous la Restauration (1814-1830), la presse se voit frapper de lourdes taxes. Ces
mesures, dont l'objectif est de réprimer la presse, ont pour effet de faire apparaître l'achat
d'espaces par les publicitaires, et donc le début des relations publicité-presse167. En juin
1836, Émile de Girardin eut l'idée d'insérer dans La Presse, son journal, des annonces
commerciales. Celles-ci lui permirent de baisser le prix du journal et donc de gagner de
nouveaux lecteurs. Cette idée fut alors immédiatement copiée par ses concurrents. Les
premières annonces commerciales sont apparues au milieu du XIXème siècle. Ainsi alors que
le terme publicité désignait l'acte de rendre une chose publique, celui-ci va progressivement
consister à « montrer la chose à vendre sous l'angle le plus favorable »168. Cette évolution est
la conséquence de l'évolution économique et sociologique.
172.
Jusqu'au milieu du XIXème siècle, les annonces concernaient essentiellement des
offres d'emploi, des spectacles ou encore des évènements mondains. La seconde moitié du
XIXème siècle voit, quant à elle, apparaître des publicités, ou plutôt des réclames, vantant des
produits, essentiellement des médicaments, des produits financiers et des produits de luxe. Il
s'agit des premières campagnes de marketing de masse169. De nombreuses inventions
(miraculeuses pour beaucoup!) apparaissaient en permanence. Il fallait donc informer les
gens de leur existence et les persuader que leur vie serait alors améliorée.
173.
Pendant longtemps, les biens de consommation étaient rares. La publicité n'était alors
pas indispensable, l'existence en elle-même des inventions constituant la meilleure publicité.
Néanmoins, la publicité pouvait servir à intégrer ces nouveautés dans le mode de vie des
gens. Ainsi, l'arrivée de nombreuses nouveautés sur le marché conduisit les publicitaires à
166
167
168
169
F.Bernheim, Guide de la publicité et de la communication, Larousse stratégies, 2004, p. 8
Publicité et société, op. cit., p. 53
Guide de la publicité et de la communication, op. cit., p. 8
No logo, op. cit., p. 29
79
Publicité et droit des marques
essayer de les insérer « dans des schèmes de consommation courante »170. Il fallait informer
les consommateurs de l'arrivée sur le marché de ces nouveautés et les persuader qu'ils
amélioreraient leur vie quotidienne.
Les progrès techniques ont, par ailleurs, eu pour conséquence de voir les productions
des industriels devenir excédentaires. Comme le relève Bernard CATHELAT, « l'abondance
a succédé à la pénurie »171. Les industriels, qui se préoccupaient jusqu'alors de produire
davantage afin de pouvoir faire face à la demande, durent tenter de vendre plus pour éviter
de devoir réduire leur production devenue excédentaire. La publicité devint alors un outil
indispensable afin d'éviter les surplus de production.
La publicité doit donc son émergence à la révolution industrielle. C'est, en effet,
parce que la production a augmenté de manière significative, mais aussi avec des produits
semblables, que la publicité est devenue un outil essentiel au commerce. Ainsi, durant la
révolution industrielle, avec la croissance de la distribution, vint l'usage de la publicité pour
informer le consommateur de la disponibilité des produits172.
174.
En outre, l'industrialisation et la production de masse ont eu pour conséquence de
voir arriver sur le marché des produits uniformes. Il fallut donc les distinguer les uns des
autres. C'est aussi à cette fin que la publicité s'est avérée utile. Elle ne se contentait plus
d'informer de l'existence et de la disponibilité du produit mais d'élaborer une image autour
de la marque afin de la démarquer173. C'est à cette époque là, vers les années 1880, que l'on
vit apparaître les premiers logos. Néanmoins, la publicité ne se trouvait encore qu'au stade
de la réclame. Les annonces vantaient les mérites des produits en s'appuyant sur des
bénéfices et des effets relevant presque du miracle. La fin du XIX ème siècle marque
l'évolution des méthodes publicitaires. Ainsi, on a pu voir les slogans et les formules vantant
ces produits miracles fondés sur des théories pseudo-scientifiques se transformer petit à petit
en argument d'une nature plus subjective faisant appel aux sentiments et aux motivations des
cibles visées. On a vu, en outre, les publicitaires faire appel à des artistes, comme ToulouseLautrec, afin de rendre les annonces plus attrayantes, en introduisant une part de rêve,
170
171
172
173
B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 8
Publicité et société, op. cit., p. 55
R. Merges , J. Ginsburg, Foundations of intellectual property, Foundation Press 2004, p. 448
No Logo, op. cit., p. 29
80
Publicité et droit des marques
d'imaginaire174. En effet, à partir de la fin du XIXème siècle, l'utilisation des affiches a
commencé à se développer considérablement, notamment grâce à la possibilité de faire des
affiches en couleur et en grand format (depuis les années 1840).
175.
Les messages publicitaires, qui se contentaient, jusqu'alors, de vanter les qualités du
produit, se sont alors mis à introduire une part de subjectivité en incorporant « des idéaux
sociétaux liés aux aspirations des individus qui n'ont plus qu'un lien extrêmement ténu avec
leurs bénéfices fonctionnels »175. En outre, les messages ne se sont par contentés de s'aligner
sur les aspirations des clients visés mais ont commencé à tenter de (et à réussir à) faire
adhérer ces derniers aux propres idéaux et visions de la marque. Par ailleurs, le
développement des médias de masse a joué un rôle important dans l'évolution de la publicité
et a contribué à en faire ce que nous connaissons aujourd'hui. La radio a ainsi diffusé les
premiers spots publicitaires dans les années 1920. Puis à la fin des années 1960, les
premières publicités télévisuelles ont été diffusées en France.
3) L'avènement de la publicité moderne
176.
Contrairement à la réclame qui ne tient pas compte du consommateur et qui se
contente de promouvoir les produits par la répétition, la publicité s'intéresse à lui et tente de
le comprendre afin de répondre à ses besoins. C'est à la fin du XIXème siècle que se
développent vraiment les marques commerciales grâce à la production de biens en série.
Cette émergence des marques ainsi que l'arrivée de moyens modernes de presse et
d'affichage ont « permis à la publicité d'être définie comme "le fait d'exercer une action sur
le public à des fins commerciales" » 176.
177.
Dans les années 1940, les publicitaires comprirent que la marque était plus qu'une
image ou une formule mais qu'elle pouvait avoir une identité. De cette constatation découla
un abandon progressif des produits en faveur de la recherche du sens même des marques et
de leur place dans le mode de vie des individus. En effet, comme le souligne Naomi KLEIN,
174 Publicité et société, op. cit., p. 54
175 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 8
176 Publicitor, op. cit., p. 102
81
Publicité et droit des marques
« si les entreprises fabriquent des produits, ce sont les marques que les consommateurs
achètent »177.
178.
En France, la publicité mettra du temps à se détacher de sa mauvaise réputation. Les
consommateurs étaient méfiants et, pour d'autres raisons, les professionnels aussi. En effet,
les commerçants la voyaient comme une rivale qui allait énoncer les arguments de vente
avant eux et donc les priver d'une partie de leur rôle178. Cette évolution des méthodes
commerciales a eu pour conséquence de voir les fabricants s'émanciper des commerçants.
Puis, à partir des années 1960, la France va rapidement passer de la réclame (qui était encore
en pratique) à la publicité dite « scientifique », puisque basée sur des études de marché.
Cette forme de publicité, que connaissaient déjà les pays anglo-saxons, va commencer à
s'imposer en France179. Ainsi, c'est à partir des années 1950, qu'en France, les publicitaires se
mirent à s'intéresser à la psychologie et à la sociologie.
179.
Les années 1970 ont vu apparaître des personnages-types qui avaient pour fonction
de donner une dimension historique aux produits modernes. Puis les années 1980 ont
apporté le spectacle et l'optimisme à la publicité180. Par ailleurs, dans les années 1980, la
publicité a commencé à représenter un outil utile pour des motifs autres que mercantiles. En
effet, elle a commencé à être utilisée par des associations, des responsables politiques, etc.
Ainsi, des « activités réputées pures et désintéressées [se sont vues] néanmoins condamnées,
dans une société de médias, aux règles de la notoriété et du positionnement culturel »181.
180.
Pour Philippe MOUILLOT, depuis les années 1990, la publicité télévisuelle a évolué
pour se rapprocher du court métrage182. Ainsi, d'un souci d'information puis de tentative de
persuasion, le publicité est passée à un message résolument optimiste en général, et de
fiction même.
177
178
179
180
181
182
No Logo, op. cit., p. 29
Guide de la publicité, op. cit., p. 8
Publicité et société, op. cit., p. 6
Ibid., p. 33 et 34
Ibid., p. 26
Publicités, op. cit., p. 17
82
Publicité et droit des marques
§2 Un moyen d'information mais pas seulement
181.
Comme le souligne Benoît HEILBRUNN, « le développement de la marque est
inextricablement lié à l'essor de la publicité qui représente dès lors une facette importante
de la stratégie de communication et de valorisation d'une marque »183. La publicité est un
moyen de communication dont l'objectif est avant tout d'informer le consommateur de la
disponibilité des produits, d'attirer leur attention sur ceux-ci mais aussi de les inciter à les
acheter et de les persuader que ces produits vont répondre à leurs besoins mais aussi qu'ils
sont de meilleure qualité que ceux de leurs concurrents. En 1985, plus de 60% des français
considéraient que la publicité informait et distrayait plus qu'elle ne les manipulait184 En 1993,
ils n'étaient plus que 46%, dont 30% qui considéraient qu'elle informait, et 49 qui
considéraient qu'elle les manipulait185. Ces chiffres résultent de la prise de conscience du rôle
réel de la publicité. Ses deux fonctions principales sont d'informer et de persuader186. Son
objectif est ainsi d'informer mais aussi d'inciter le consommateur à l'achat et elle peut donc
être amenée à recourir à des méthodes proches de la manipulation(A).
182.
La publicité utilise des moyens de persuasion mais elle tente en outre de faire adhérer
le consommateur à la vision de la marque. L'objet de la publicité n'est donc plus seulement
de faire vendre, contrairement à son ancêtre la réclame, mais de rendre la marque
indispensable dans notre mode de vie (B).
A- Un moyen d'information et de persuasion
183.
Du point de vue purement économique, informer est la seule fonction utile de la
publicité. « Un marché parfait nécessite un éclairage parfait de ceux qui achètent et
183
184
185
186
B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 8
Sondage IPSOS-Le Point, août 1985
Ibid., mai 1993
Foundations of intellectual property, op. cit., p. 475
83
Publicité et droit des marques
vendent »187. Sans la publicité, les consommateurs auraient des difficultés à savoir quels sont
les produits disponibles sur le marché. La publicité rend ainsi l'achat plus facile et donc plus
rapide pour les consommateurs.
184.
La première fonction de la publicité est de faire connaître le produit. Elle informe le
client de la disponibilité du produit mais peut aussi contenir des informations sur l'évolution
de celui-ci, de sa qualité, de son packaging ou de son nom. Elle permet de donner au
consommateur toutes les informations nécessaires pour l'éclairer dans ses choix, de lui
donner les éléments pour lui permettre de faire le choix du produit vanté. Par ailleurs, le
message publicitaire peut donner des informations qui ne touchent pas forcément aux
produits, par exemple une ouverture de magasins, une baisse de prix, etc. Elle peut aussi
informer des actions promotionnelles afin de tenter de gagner une nouvelle clientèle188.
185.
La principale fonction de la publicité est économique. Elle informe les
consommateurs afin de faciliter le processus d'achat mais aussi de rendre le produit
davantage susceptible d'être choisi. En réalité, la plupart des publicités ont pour objectif
premier, non pas simplement d'informer, mais surtout d'inciter le consommateur à acheter les
produits qu'elle vante.
La publicité a, le plus souvent, des aspects persuasifs et on parle alors de publicité
persuasive. En effet, la majorité des publicités ont pour objectif d'influencer le choix des
consommateurs. La publicité a ainsi une finalité économique car elle a des intentions
commerciales qui sont de vendre. Elle utilise alors des moyens de persuasion tout en veillant
à ce que le consommateur continue de penser que ses choix, ses préférences ne résultent que
de sa propre réflexion.
186.
La publicité, par la répétition, permet de développer la notoriété de la marque et de
rendre son nom familier. Il s'agit de la dimension cognitive de la publicité. Ce type de
publicités, que l'on appelle parfois obsessionnelles, est notamment utile pour les produits peu
impliquants189. Pour Julien VIDAL, « la publicité est un acte cognitif, car pour s'adresser à
l'homme, elle doit communiquer avec son esprit »190. De ce fait, aujourd'hui, la publicité
187
188
189
190
Foundations of intellectual property, op. cit., p. 473
La publicité, op. cit., p. 35
Mercator, op. cit., p. 503
Publicité et psychologie, op. cit., p. 33
84
Publicité et droit des marques
s'adresse davantage à notre inconscient car elle a compris que le moteur réel du choix du
consommateur résidait dans ses motivations profondes, souvent inconscientes et non,
comme on l'a longtemps cru, dans ses besoins objectifs. La publicité a, par ailleurs, une
dimension affective en ce qu'on lui attribue le rôle de faire aimer la marque. Elle tente de la
rendre sympathique, notamment par le biais de l'humour, mais aussi de la rendre attirante191.
Enfin, elle a une dimension conative car elle cherche à pousser le consommateur à l'achat en
mettant en valeur le « bénéfice consommateur » qui peut résulter d'éléments objectifs ou
subjectifs192.
187.
Les produits sont aujourd'hui similaires, voire identiques d'un point de vue qualitatif.
Il faut pouvoir les différencier autrement que par leurs caractéristiques objectives. C'est à
cette fin que la publicité peut s'avérer utile. Elle utilise alors des techniques qui relèvent de la
psychologie afin d'obtenir la faveur des consommateurs. Elle va tenter d'atteindre le plus
grand nombre de cibles. Par ailleurs, les besoins des consommateurs n'étant pas fixés, la
publicité va s'atteler à en créer des nouveaux. Elle va alors stimuler la cible pour la
convaincre que l'achat du produit va lui être utile. Ainsi, l'objet de la publicité, outre la
démonstration de la qualité supérieure des produit par rapport à ceux des concurrents, est de
démontrer au consommateur que l'achat va le rendre plus heureux ou va faciliter sa vie
quotidienne. La publicité est alors suggestive car elle incite le consommateur à acheter le
produit en faisant appel à ses motivations profondes, à ses besoins193. En effet, les choix des
consommateurs sont le plus souvent les résultats de ses désirs profonds.
188.
La publicité a pour mission de provoquer l'achat. Néanmoins, elle a aussi pour
objectif de rendre celui-ci régulier et donc de fidéliser le client. Quand bien même la
publicité arrive à provoquer l'achat d'impulsion, la fidélité au produit n'en est pas pour autant
assurée. Ce sont les qualités objectives de ce dernier qui prennent alors le relais et qui
doivent inciter le consommateur à réitérer l'achat. La publicité en vue d'une première
acquisition du produit joue sur des codes psychologiques qui vont conduire la cible à penser
que cet achat lui procurera une grande satisfaction. Le message publicitaire consistant à
fidéliser la clientèle doit, quant à lui, mettre l'accent sur l'image de la marque et s'occuper du
maintien de la notoriété de celle-ci.
191 Mercator, op. cit., p. 504
192 Ibid.
193 Publicité et société, op. cit. p. 112
85
Publicité et droit des marques
189.
En outre, le prix joue un rôle important, tant dans le processus du premier achat que
dans celui de la fidélisation. Pourtant, on remarque que les consommateurs sont prêts à payer
davantage pour un produit qui fait l'objet d'une campagne de publicité que son équivalent qui
n'en fait pas l'objet.
190.
Le rôle premier de la publicité est de vendre. Dans ce but mais aussi dans celui de
parvenir à faire aimer la marque, elle offre aussi un imaginaire, un modèle de vie et elle
invite au rêve. Ainsi, l'objectif de la publicité n'est plus seulement de faire vendre mais de
faire exister la marque et de construire notre inconscient collectif194.
B- La création d'un imaginaire autour de la marque
191.
La publicité donne du sens aux marques. Les marques construisent des récits que la
publicité alimente195. Ainsi, le consommateur s'identifie à l'image que la marque veut
véhiculer. La publicité est devenue, en quelque sorte, un miroir de la société et des
consommateurs. Comme on l'a déjà relevé, la publicité emprunte ses méthodes aux
disciplines des sciences humaines, telles que la psychologie ou la sociologie afin de toucher
plus aisément les consommateurs. La publicité va alors tenter de montrer le produit qu'elle
vante comme indispensable au décor qu'elle présente et au mode de vie parfait qu'elle tente
d'imposer au consommateur.
192.
Le consommateur est convaincu que ses choix ne résultent que de lui, de sa propre
réflexion. Pourtant, comme le relevait déjà Edward BERNAYS en 1928, il obéit à de
redoutables dictateurs. Ainsi, « un homme qui s'achète un costume s'imagine choisir un
modèle qui lui plait, conforme à ses goûts et à sa personnalité. En réalité, il y a de grandes
chances pour que, ce faisant, il se plie aux ordres d'un grand tailleur londonien
anonyme »196.
194 Publicités, op. cit., p. 18
195 Publicitor,, op. cit., p. 104
196 E. Bernays, Propaganda, Zone, éd. 2007, p. 51
86
Publicité et droit des marques
En outre, M. BERNAYS rappelle que les consommateurs désirent certaines choses,
non pas pour leur qualités objectives ou réelles, mais parce que leur inconscient y voit le
symbole d'autre chose dont ils ne veulent pas reconnaître le désir. L'exemple le plus parlant
est sans doute la voiture qui, outre les qualités en matière de sécurité ou de performance,
attire fréquemment le consommateur au motif souvent inavoué qu'elle sera un symbole de
réussite et de son statut social, ou du moins, celui auquel il veut appartenir 197. La satisfaction
qui résulte des aspects subjectifs est aussi importante que celle qui résulte des qualités
objectives, des aspects utilitaires et fonctionnels du produit. Ainsi, le produit a trois
dimensions : une dimension fonctionnelle qui est rationnelle, une dimension symbolique qui
comprend la « valeur ajoutée » de nature sociale et symbolique, et enfin une dimension
imaginaire qui répond aux aspirations profondes du consommateur198.
193.
La publicité va mettre en valeur ces dimensions du produit. Elle va alors choisir de
mettre l'accent sur les attributs concrets du produit, ses caractéristiques, ou le bénéfice
consommateur ou encore les valeurs, le territoire ou la vision de la marque199. La publicité
est notamment très influente en ce qui concerne les achats à caractère social tels que les
vêtements, les produits de luxe, les voitures. Elle va placer le produit dans l'univers auquel
aspire le consommateur. Elle va présenter le produit comme étant indispensable à ce mode
de vie.
194.
Lorsqu'elle promeut un produit technologique, la publicité se borne à décrire ses
qualités objectives, ses aspects novateurs (le « plus puissant », le « moins bruyant », etc.).
Au contraire, s'agissant de produits autres, où l'irrationnel intervient dans l'appréciation, la
publicité va s'appliquer à créer un univers autour de la marque, un imaginaire qu'elle tente de
rendre attractif aux yeux des consommateurs. Ainsi, bien que la marque soit une chose
intangible, la publicité contribue à la rendre matérielle dans l'esprit des consommateurs afin
de les toucher plus aisément200. L'objet tend souvent à disparaître derrière les attributs
intangibles de la marque. On n'achète plus un produit, mais la marque et les symboles qu'elle
véhicule.
197 Ibid., p. 63
198 Publicité et société, op. cit., p. 41
199 Publicitor, op. cit., p. 166
200 Publicités, op. cit., p. 52
87
Publicité et droit des marques
195.
La publicité est résolument optimiste. Elle présente au consommateur une image
parfaite de la vie, du travail et des relations sociales et familiales. Elle tente d'inciter le
consommateur à essayer de se rapprocher de cette vision et met alors en avant les
caractéristiques psychologiques du produits201. La publicité nie ainsi la crise afin d'apporter
du rêve aux consommateurs et ainsi une valeur ajoutée au produit en lui conférant des
attributs extraordinaires et en mettant entre parenthèses ses caractéristiques objectives202.
196.
Ainsi, aujourd'hui, l'objet de la publicité n'est pas seulement d'informer de l'existence
d'un produit, mais d'élaborer une image autour de la marque qu'il revêt 203. La publicité met
donc l'accent sur les attributs irrationnels de la marque qui participent à l'élaboration de son
image dans l'esprit des consommateurs, au sens que ceux-ci lui confèrent ainsi qu'à la place
qu'ils lui attribuent dans leur mode de vie.
197.
La publicité propose, par ailleurs, « une image du consommateur type auquel elle
s'adresse »204. Cette représentation a pour objectif que la cible s'identifie au produit mais
aussi à la clientèle de celui-ci. La publicité doit ainsi prendre en compte la façon dont le
consommateur se perçoit ainsi que la situation sociale à laquelle il aspire. L'homme a un fort
instinct grégaire205. La publicité le sait et en joue. Elle compte sur cette volonté d'un grand
nombre de consommateurs d'appartenir à un groupe.
De plus, elle tente d'imposer les valeurs de la marque, son idéologie. Dans ce but,
elle crée des styles de vie206. La publicité crée des tendances, promeut des valeurs et est ainsi
un acteur culturel de la société. Elle convainc le consommateur que l'achat du produit lui
permettra de se conformer à l'image qu'il se fait de lui même ou à celle à laquelle il aspire.
Les messages publicitaires suggèrent, en outre, des modèles sociaux et culturels. La publicité
ne se contente pas de s'aligner sur les modes de vie ou les valeurs des consommateurs, elle
devient un acteur de la création des tendances. Ainsi, « le sujet véritable de communication
est le mode de vie suggéré ; et le produit en devient le support, le symbole, la justification
201 Comportement du consommateur et de l'acheteur, N. Guichard, R. Vanheems, Bréal, coll. Lexifac
Economie et Gestion, p. 110
202 Publicité et société, op. cit., p. 33
203 No logo, op. cit., p. 30
204 Publicité et société, op. cit. p. 170
205 La publicité, op. cit., p. 21
206 Publicité et société, op. cit., p. 229
88
Publicité et droit des marques
rationnelle »207. La publicité est un miroir de la société. Elle est l'image de sa culture, de ses
modes de vie. Corrélativement, elle influence la société. En transformant « la chose
commerciale en style de vie ou part de rêve »208, elle a vocation à convaincre les
consommateurs d'adopter le style de vie qu'elle promeut. La question qui peut se poser est la
suivante : est-ce la publicité qui influence la société ou l'inverse ?
198.
La publicité ne se contente désormais donc plus d'informer le consommateur de la
disponibilité des produits et de l'intérêt de leur acquisition d'un point de vue purement
pratique. Elle construit un univers autour du produit et de la marque et réussit à persuader le
consommateur que l'achat du produit répondra à ses attentes sociales, à ses aspirations
profondes. La publicité crée ainsi des « tensions consuméristes » en mettant tout en œuvre
pour que le consommateur soit sans cesse sollicité par l'univers merveilleux qu'elle présente
et qu'il tende ainsi « vers la jouissance de l'acquisition matérielle »209.
Section 2. Une finalité économique
199.
La publicité a, certes, en premier lieu une vocation informative mais celle-ci résulte
en réalité de son objectif premier : vendre. C'est cet objectif économique qui est le moteur de
l'action publicitaire. La marque a ainsi besoin de la publicité pour exister car si elle ne
parvient pas à faire vendre les produits qui en sont pourvus, elle n'aura plus de raison d'être.
Comme on vient de le voir, la publicité a pour objectif d'informer les clients mais surtout de
les pousser à l'achat. Elle a donc une finalité économique. Pour parvenir à cet objectif, la
publicité doit réussir à rendre la marque stable.
200.
Les aspects informatifs et persuasifs ne sont en réalité que les faces visibles de
l'iceberg car, en arrière plan, la publicité s'attèle à construire la marque, à en faire une entité
207 Ibid., p. 266
208 Publicité et société, op. cit., p. 33
209 M. Bénilde, On achète bien les cerveaux, Editions Raisons d'Agir, 2007, p. 58
89
Publicité et droit des marques
stable sachant résister au temps. C'est en cela que la publicité parvient à remplir sa vocation
première, sa vocation économique. Promouvoir les produits n'est pas suffisant. Il faut avant
tout positionner la marque et lui permettre de résister au temps. La publicité joue ainsi un
rôle dans le positionnement de la marque mais aussi dans la capacité de la marque de
traverser le temps. Pour ce faire, la marque doit communiquer sur ses évolutions et ne pas
hésiter à avoir recours à la publicité lorsqu'elle traverse une phase difficile (§1).
201.
En outre, une marque qui dure est une marque avec une forte identité (§2). Cette
identité comprend les éléments concrets de la marque mais aussi ceux, plus subjectifs, qui
font d'elle ce qu'elle est devenue. Il est nécessaire de communiquer sur cette identité, à la
fois pour la mettre en valeur, c'est-à-dire mettre en valeur les fondements et l'esprit de la
marque, mais aussi afin de la faire évoluer lorsque le besoin s'en fait sentir.
§1 Le positionnement et le développement économique de la marque
202.
Avant d'arriver sur un marché, la marque doit déterminer ses cibles, ses concurrents.
Elle doit se positionner (A). Ce positionnement est indispensable. La marque doit savoir à
qui elle s'adresse et à qui elle se mesure. Une absence de positionnement aurait pour
conséquence un éparpillement de la marque et nuirait à son identité. La communication sur
ce positionnement sera ensuite incontournable afin de toucher les consommateurs. Par
ailleurs, une fois positionnée, la marque devra tout de même continuer à communiquer, et ce
notamment sur ses évolutions, ses innovations. Une marque ne doit pas rester immobile. Elle
doit évoluer au gré des tendances et des avancées technologiques et surtout le faire savoir au
risque de se laisser dépasser par une concurrence plus réactive (B).
90
Publicité et droit des marques
A- Le positionnement
203.
Le positionnement de la marque se fait notamment par rapport à la concurrence car la
marque doit se démarquer en démontrant en quoi elle diffère des autres acteurs du même
marché. En outre, elle doit savoir à quel type de clients potentiels elle s'adresse. Une fois ces
éléments déterminés, le positionnement devra faire l'objet d'une communication. En effet, il
est nécessaire de préciser aux consommateurs en quoi la marque va les satisfaire mais aussi
les raisons pour lesquelles les produits de la marque doivent être préférés à ceux des
concurrents.
1) Définition
204.
La marque doit, sur le marché dans lequel elle est implantée, présenter ses produits
comme constituant la meilleure réponse aux attentes des consommateurs. Ainsi, elle se
positionne en mettant en avant ce qu'elle a de plus que ses concurrents ou en quoi ses
produits sont supérieurs aux leurs. Le positionnement est un acte, un choix stratégique.
205.
Pour Jean-Noël KAPFERER, le positionnement peut être défini comme la « mise en
avant de caractéristiques distinctives par rapport à la concurrence visée et motivantes vis à
vis du public »210. Pour lui, le positionnement constitue une « démarche analytique » qui a
pour objet de répondre à quatre questions :
● La marque pour quoi ? Cette question correspond à l'angle du bénéfice consommateur, de
la promesse faite par le produit.
● La marque pour qui ? Il s'agit ici de s'interroger sur la cible des produits.
● La marque pour quand ? Cette question a pour objet de déterminer les occasions
d'utilisation des produits.
● La marque contre qui ? L'intérêt de cette question est de définir la concurrence.
206.
L'objectif du positionnement est de déterminer à la fois la clientèle visée mais aussi
210 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 221
91
Publicité et droit des marques
le marché sur lequel on veut s'implanter et donc la concurrence qu'il faut ainsi dépasser. Afin
de capter la clientèle, la marque doit mettre en avant les qualités de ses produits, qu'elles
soient objectives ou non. Si le positionnement se fait sur les caractéristiques objectives des
produits, il se bornera à mettre en avant les qualités tangibles du produit.
207.
Le positionnement peut se faire sur différents éléments. Il peut ainsi mettre en avant
la qualité des produits, leur prix inférieur à celui de la concurrence pour une qualité
identique ou encore leur caractère innovant. Néanmoins, ce dernier cas est risqué car les
concurrents pourront toujours se montrer encore plus innovants211. Le positionnement de la
marque peut en réalité se faire sur tout ce qui définit la marque : sa cible, sa nationalité,etc.,
et bien sûr la concurrence.
208.
Le positionnement de la marque peut sembler proche des concepts d'identité et
d'image. Néanmoins, ce qui différencie ces notions est la prise en compte ou non de la
concurrence. En effet, l'identité et l'image de la marque sont des attributs de la marque sur
lesquels la concurrence n'a aucun impact. Au contraire, le positionnement se fait en fonction
de la concurrence et il est donc nécessaire de mettre en avant ce en quoi le produit est
meilleur que celui des concurrents et donc pourquoi il mérite d'être choisi.
209.
Le positionnement définit un avant et un après l'arrivée de la marque et doit donc
créer une rupture avec les produits existants jusqu'alors en établissant une nouvelle norme212.
La communication est donc un allié précieux.
2) Le rôle joué par la publicité
210.
La marque, une fois positionnée, doit communiquer sur ce positionnement afin
d'informer les consommateurs sur ses caractéristiques et ainsi leur dire en quoi elle se
différencie de ses concurrents. Cette tache lui incombe car les consommateurs ne
chercheront pas forcément à faire la démarche de la comparer aux autres acteurs déjà en
place sur le marché. Plusieurs cas de figures peuvent se présenter. La publicité peut jouer un
211 Management du capital marque, op. cit., p. 123
212 G. Lewi, La marque, op. cit., p. 23
92
Publicité et droit des marques
rôle dans le positionnement à la fois lorsque la marque est créée sur un marché existant ou
sur un marché qu'elle ouvre, mais aussi dans l'hypothèse où la marque existe déjà mais
qu'elle lance un nouveau produit. Dans la première hypothèse, le but de la publicité sera de
faire exister la marque mais aussi de la positionner. Il faut alors différencier la marque de ses
concurrents non seulement par ses produits mais aussi par sa vision213. Dans la deuxième
hypothèse, l'objectif est aussi double. La publicité doit faire connaître la marque et proposer
au consommateur un nouveau produit214. Enfin, dans le cas d'une marque existante qui lance
un nouveau produit, la communication aura pour objet de faire connaître le nouveau produit,
de faire émerger ses spécificités et de le mettre en cohérence avec la marque mère215.
211.
Positionner un produit consiste à le présenter comme pouvant répondre aux besoins
des consommateurs, et ce mieux que ceux de ses concurrents. La publicité doit donc mettre
en avant les qualités du produits. Néanmoins, les produits sont très souvent d'une qualité
similaire. Il faut alors communiquer sur d'autres aspects que les aspects objectifs. Ainsi, les
caractéristiques qui seront mises en avant seront davantage psychologiques (sociales par
exemple)216.
212.
Par ailleurs, il est important de communiquer régulièrement sur les caractéristiques
des produits et sur leurs qualités afin que la marque reste à l'esprit des consommateurs. En
effet, une marque, même respectée et aimée, peut voir ses clients se détourner d'elle si elle
reste inactive et cesse de communiquer.
B- La nécessité de communiquer sur la vie et l'évolution de la marque
213.
Il est important de communiquer sans cesse sur la marque, sur ses évolutions ou ses
innovations. En outre, la vie d'une marque n'est pas linéaire ni paisible. Les marques peuvent
notamment connaître certaines difficultés et traverser ainsi des crises. Il faut alors envisager
213 Publicitor,, 7° éd., op. cit., p. 171
214 Ibid., p. 169
215 Ibid., p. 174
216 La publicité, op. cit., p. 35
93
Publicité et droit des marques
de définir un nouvel environnement et une nouvelle vision de la marque. La publicité a alors
pour mission de communiquer la nouvelle vision de la marque. Par ailleurs, il peut être
opportun d'étendre la marque à d'autres produits que ceux pour lesquels elle est connue.
214.
Les marques ont des cycles de vie : elles sont créées, se développent, déclinent et
peuvent disparaître. Elles peuvent néanmoins rester au sommet si l'on prend soin d'innover et
de communiquer. L'innovation peut se faire à plusieurs niveaux : au niveau du produit luimême (en l'améliorant), au niveau de l'emballage ou encore au niveau de la communication.
La marque doit innover pour plusieurs raisons, notamment pour rester concurrentielle mais
aussi pour répondre aux attentes des consommateurs. Le développement est nécessaire à la
survie de la marque. Néanmoins, sans communication, peu importe le degré d'innovation de
la marque car si le consommateur n'en est pas informé, les efforts risqueront d'avoir été
fournis en vain.
1) Le renouvellement de la marque
215.
La marque, si elle ne fournit pas des efforts constants à la fois en matière
d'innovations mais aussi s'agissant de sa communication, peut voir ses clients se détourner
d'elle. Il faut donc communiquer en permanence sur la marque, quand bien même elle (ou
ses produits) resterait inchangée. En outre, certains éléments peuvent lui être défavorables.
C'est le cas notamment en cas d'innovations de la part de la concurrence ou lorsque les
attentes des consommateurs évoluent. L'immobilisme est un danger pour la marque.
216.
Un des moyens de lutter contre le risque de tomber en désuétude consiste à
s'interroger sur l'identité de la marque et à procéder à un retour aux racines 217. Il faut se
demander ce qui a séduit au départ les consommateurs et tenter de « rallumer la flamme »,
de les attirer de nouveau en communiquant sur les valeurs oubliées de la marque.
Néanmoins, cette reconquête de la clientèle n'est pas toujours possible. Parfois, il est trop
tard et la solution est alors plus drastique. Il arrive que la marque ait perdu de ce qui faisait
son identité, de son image et que les clients s'en détournent. La marque peut aussi devenir
217 Marketing-management, op. cit., p. 328
94
Publicité et droit des marques
obsolète et avoir du mal à se défaire de cette image ringarde qui lui colle à la peau. Il faut
alors envisager de reconquérir l'affection du public, et ce par le biais de la communication
notamment. Certaines situations sont plus graves encore que le fait que les marques soient
démodées. Certaines marques peuvent se retrouver au cœur d'un scandale. Cela peut être le
cas du fait de certaines actions ou certains modes de vie des dirigeants de l'entreprise, en cas
de révélation de la dangerosité des produits, etc. Dans ces cas là, il faut avoir recours à la
communication dite « de crise »218.
217.
La marque peut aussi avoir tout intérêt à élargir sa clientèle en cas de déclin. La
publicité jouera alors un rôle capital pour faire sortir la marque de l'image dans laquelle elle
était cantonnée. Ce changement de cible peut s'opérer soit, en premier lieu, par un
élargissement des gammes de produits afin de toucher une clientèle plus vaste et ensuite
communiquer dessus, soit directement par la publicité qui peut présenter tout simplement le
produit d'un angle différent, dans un nouveau contexte. La première hypothèse est celle de
l'extension de la marque que nous verrons un peu plus loin.
218.
La communication peut aussi avoir pour objectif, non pas d'élargir la clientèle mais
de reconquérir celle déjà existante. Certaines marques n'y arrivent cependant pas. C'est le cas
notamment de l'exemple cité par Philippe MOUILLOT219: La marque Chevignon n'a pas su
défendre sa marque qui est devenue petit à petit une marque pour adolescents. Ainsi, plutôt
que de redoubler d'efforts pour reconquérir un public plus âgé, la marque a choisi de sortir
des produits destinés exclusivement à une clientèle adolescente tels que des trousses, des
cartables, etc. La conséquence fut alors de voir cette jeune clientèle se détourner de la
marque une fois entrée dans le monde adulte.
219.
A l'inverse, la marque Petit Bateau a réussi le pari de conquérir une clientèle sortie de
l'enfance alors que ses produits étaient au départ exclusivement destinés à une clientèle ne
dépassant pas l'âge de la puberté. Néanmoins, Petit Bateau a décidé de conserver les tailles
enfants et de ne pas dépasser la taille « 18 ans » et c'est peut être là la clé du succès de
l'élargissement de sa clientèle. En effet, si la marque avait créé des modèles destinés
exclusivement aux adultes avec des tailles classiques (du 36 au 44 par exemple), elle aurait
218 Publicitor, op. cit., p. 181
219 Ibid., p. 167
95
Publicité et droit des marques
perdu ce qui constituait son identité : une marque pour enfants. Or, c'est précisément ce qui
en fait aussi le succès chez les adultes : Petit Bateau est une marque pour enfants!
2) Le changement de nom de la marque
220.
Une marque peut, au cours de son existence, se voir contrainte de changer de nom, et
ce pour plusieurs raisons. Le changement de nom peut être assez perturbant pour la clientèle
qui devra alors s'accoutumer à cette nouvelle identité nominale. L'enjeu est alors de
conserver les consommateurs fidèles.
221.
La future dénomination pourra être celle de la marque-cible ou non. Il existe
plusieurs méthodes. Les plus fréquentes sont le cautionnement qui consiste à accoler le nom
de la marque-caution à celui de la marque cible (par exemple Éléphant qui est devenu
Elephant de Lipton), la simplification (par exemple Milka de Suchard est devenu Milka) ou
la substitution (par exemple Bio de Danone est devenu Activia de Danone). L'intérêt du
cautionnement est comme son nom l'indique de cautionner le produit de la marque cible qui
est, le plus souvent, plus faible que celui de la marque caution. La simplification consiste à
éliminer un des deux noms (marque-prénom et marque-caution) qui composent la marque.
Enfin, la substitution peut avoir pour objectif de réduire le nombre de marques d'une
entreprise, de transférer la clientèle d'une marque à une autre, notamment quand la marque
initiale veut s'implanter dans un pays où elle est inconnue, ou peut résulter de raisons
juridiques comme ce fut le cas pour la gamme de yaourts Bio de Danone220.
222.
Hormis les hypothèses de la simplification de l'identité nominale, qui peut passer
inaperçue, et de cautionnement, il faut veiller à accompagner le consommateur durant le
processus de substitution. Il est nécessaire de communiquer sur ce changement de nom et de
laisser penser au consommateur qu'il va s'avérer bénéfique ou du moins qu'il ne changera
rien. Il faut lui assurer que les produits vont rester les mêmes et que seule la dénomination
change. Il peut être opportun que des étiquettes sur les produits rappellent l'ancienne identité
de la marque ou que le logo mêle les deux marques ou leurs logos pendant un certain temps.
220 C. Lai, La marque, op. cit., p. 108 à 122
96
Publicité et droit des marques
Néanmoins, bien que le changement ne doive pas se faire trop brutalement, il ne sert à rien
qu'il traine en longueur ; un simple temps d'adaptation assorti d'une bonne communication
est suffisant.
3) L'extension de la marque
223.
L'extension de marque consiste à utiliser une marque déjà connue afin d'introduire
des produits de catégories différentes de celle pour laquelle elle est connue. Elle est à
différencier de l'extension de gamme qui consiste simplement à introduire des produits dans
une catégorie où la marque est déjà présente. L'extension peut présenter certains avantages
pour la marque, notamment afin de revitaliser une marque fatiguée, mais aussi pour ses
nouveaux produits qui vont alors bénéficier de l'image et de la notoriété de la marque.
Néanmoins, il faut faire attention à ce que l'extension ait un lien logique avec la marque et
rester en conformité avec son image. Dans le cas contraire, le produit est voué à l'échec. En
atteste l'extension ratée de la marque de stylos et de briquets Bic à des parfums...221
224.
On peut trouver différents types d'extensions de marque. L'extension peut se faire à
partir des produits et de leurs attributs, du savoir-faire de la marque, du bénéfice (par
exemple l'entretien de la minceur avec la marque Taillefine) ou de la vision de la marque222.
Par ailleurs, Chantal LAI opère notamment une distinction entre les extensions continues qui
se font sur la base des compétences fonctionnelles de la marque des extensions discontinues
qui utilisent les éléments purement symboliques de la marque-mère. Ainsi, de manière plus
générale, on peut dire que l'extension peut se faire sur la base du bénéfice et des
caractéristiques objectives des produits d'origine ou sur la personnalité de la marque.
225.
L'extension d'une marque n'est pas sans risque car elle peut se terminer par un échec
voire affaiblir le capital marque. Il faut veiller à ce que l'extension présente un lien logique
avec les produits d'origine. La diversification peut nuire à l'image de la marque et la
décrédibiliser aux yeux des consommateurs. Le lancement d'un produit trop éloigné de la
gamme des produits habituels de la marque peut perturber le consommateur et ainsi nuire à
221 Marketing-management, op. cit., p. 336
222 Publicitor, op. cit., p. 178 et s.
97
Publicité et droit des marques
l'image de la marque. Les clés du succès d'une extension de marque sont une marque forte,
une cohérence entre la marque et le nouveau produit mais aussi une bonne communication.
Il faut démontrer aux consommateurs que le nouveau produit sera conforme à l'image qu'il
se fait de la marque et que cette extension ne nuit en rien à l'identité de la marque. Il faut que
la communication de lancement du produit montre bien le produit au sein de l'univers de la
marque. Le rôle de la publicité s'avère donc crucial car si elle ne parvient pas à rendre
cohérente l'extension de la marque, le produit risque de ne pas trouver sa place et donc être
rejeté par les consommateurs, même fidèles à cette marque.
§2 L'élaboration de l'identité de la marque
226.
Comme le relève Géraldine MICHEL, « la marque utilise de plus en plus d'outils
marketing pour promouvoir son histoire »223, et ce dans le but de séduire les consommateurs.
La marque n'est, au départ, qu'un nom parfois assorti d'un logo ou d'un slogan. Néanmoins,
avec le temps, elle se construit une histoire, une légende. Elle se dote d'attributs intangibles,
elle véhicule des valeurs. Ces éléments vont contribuer à l'élaboration de l'identité de la
marque (A).
Cette identité va servir la marque. De nos jours, les consommateurs ne cherchent plus
seulement à acheter un produit pour ses attributs objectifs, ils cherchent à faire partie d'une
aventure. En achetant des produits de la marque, ils participent à son histoire, ils adhèrent à
ses valeurs et ils se sentent proches d'elle. La marque est personnifiée. Preuve en est, elle
peut être au cœur d'une réelle relation affective (la lovemark). Il est donc normal qu'elle ait
une identité.
227.
Les marques puissantes le sont grâce à une forte identité. C'est l'identité de la marque
qui permet au consommateur de l'apprécier réellement et à sa juste mesure. Les publicistes
l'ont bien compris et c'est pourquoi la publicité joue un rôle important à la fois dans la
création de cette identité mais aussi dans sa constance (B).
223 Au cœur de la marque, op. cit., p. 7
98
Publicité et droit des marques
A- Qu'est-ce que l'identité de la marque ?
1) Définition
228.
Le concept d'identité de marque est apparu dans les années 1980 et a commencé à
réellement se développer dans les années 1990. L'identité de la marque définit son être ; elle
est constituée de l'ensemble des éléments qui font de la marque ce qu'elle est. La marque,
tout comme l'homme, a une identité qui lui est propre. Parmi ces éléments, on trouve son
nom bien sûr, mais aussi ses valeurs, son positionnement, sa stratégie de communication, son
histoire, etc. Pour Georges LEWI, l'identité de la marque peut être définie « comme
l'ensemble des attributs proposés qui font que cette marque est bien la marque recherchée,
voire préférée par la cible visée »224. L'identité de la marque est composée des fondements
de la marque, des produits d'origine qui l'ont lancée225.
229.
Cette notion ne doit pas être confondue avec celle d'image de marque ; l'image
correspond à la vision que l'on a de la marque, l'identité est ce qui la définit. L'identité de la
marque est un concept bien « plus complexe qu'une simple image publicitaire »226; c'est elle
qui crée la cohérence de la marque. En outre, l'identité est un concept d'émission alors que
l'image est un concept de réception227. L'identité a ainsi pour objectif de donner un sens à la
marque, de définir son être alors que l'image correspond à la représentation que se font les
consommateurs du produit ou de la marque.
230.
Par ailleurs, l'identité de la marque doit aussi être différenciée du positionnement. En
effet, l'identité est une notion plus large qui englobe les associations de la marque, ses
engagements228 alors que le positionnement se fait essentiellement sur le produit lui-même,
la concurrence et la cible. Le positionnement est en quelque sorte basé sur des considérations
plus concrètes. L'identité peut alors être vue comme le complément du positionnement229. En
outre, le positionnement fait partie des éléments qui constituent l'identité de la marque.
224 Mémento pratique du branding, op. cit., p. 13
225 Publicités, op. cit., p.53
226 Brand Design, op. cit., p. 37
227 Mémento pratique du branding, op. cit., p. 15
228 Ibid., p. 14
229 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 315
99
Publicité et droit des marques
231.
Pour Jean-Noël KAPFERER, « l'identité exprime les spécificités tangibles et
intangibles essentielles de la marque, celles qui font que la marque est ce qu'elle est, sans
lesquelles elle serait une autre »230. A ses yeux, l'identité de la marque comprend six facettes
qui forment le « prisme d'identité »:
► Le physique qui correspond à l'ensemble des caractéristiques objectives
► La personnalité qui représente les traits de personnalité que l'on associe à une marque
► La culture qui correspond à l'ensemble des valeurs et des croyances de la marque
► La relation qui existe avec les clients
► Le reflet qui correspond à l'image que la marque renvoie de ses consommateurs
► La mentalisation qui renvoie à l'image que les consommateurs de la marque ont d'euxmêmes
232.
Par ailleurs, Jean-Noël KAPFERER donne des clés pour déterminer l'identité d'une
marque. Il s'agit alors de se poser certaines questions qui vont définir la marque et en
constituer la charte. Ainsi, « quelles sont : sa vision, son projet, son impérieuse nécessité ?
Sa différence ? Sa permanence ? Sa ou ses valeurs ? Son héritage, son histoire, sa vérité ?
Ses signes de reconnaissance ? »231.
2) Le rôle de l'identité de la marque
233.
Il est devenu nécessaire de s'intéresser à l'identité des marques pour plusieurs motifs.
Notamment, les produits sont de plus en plus semblables. Ainsi, quand une marque innove,
elle est souvent suivie par ses concurrentes. Par ailleurs, la publicité elle-même contribue à
renforcer les ressemblances car de nombreux secteurs mettent en avant les mêmes attributs.
C'est, par exemple, le cas des banques qui insèrent le mot « vie » dans la majorité de leurs
campagnes publicitaires232.
En outre, la diversification, elle aussi, menace l'identité de la marque. Les extensions
de marque, par exemple, peuvent perturber le consommateur et ainsi altérer l'identité de la
230 Ibid., p. 223
231 Ibid., p. 217
232 Ibid., p. 219
100
Publicité et droit des marques
marque à ses yeux. Par ailleurs, la multiplication des produits d'une marque, s'ils n'ont qu'un
faible rapport, peuvent conduire le consommateur à s'interroger sur l'origine réelle des
produits et s'ils sont bien issus de la même entreprise.
234.
Comme on l'a vu, l'identité précède l'image. L'identité de la marque est constituée de
tout ce qui la définit. Pour Benoît HEILBRUNN, la marque articule deux niveaux : le niveau
du signifiant qui correspond aux émanations matérielles de la marque et le niveau du signifié
qui correspond aux significations véhiculées par la marque233. Le niveau du signifiant
comporte les éléments concrets de la marque tels que le packaging, la forme du produit, la
marque elle-même, le logo, etc. Le niveau du signifié, quant à lui, englobe les aspects
narratifs de la marque mais aussi ses valeurs, le contrat de marque, les performances du
produit, etc.
235.
L'identité de la marque est nécessaire aux consommateurs. Elle leur permet de savoir
ce qu'il achètent. L'identité englobe la vision ainsi que les valeurs de la marque. Elle se
matérialise par les attributs matériels tels que le packaging ou le logo mais sa définition ne
s'y limite pas. En effet, c'est davantage ce que l'on ressent et non ce que l'on voit qui
détermine à nos yeux l'identité de la marque. L'identité de la marque sert de repère dans la
relation de la marque avec les consommateurs. Ils peuvent s'y identifier car aimer une
marque c'est adhérer à ses valeurs. Le consommateur peut ainsi s'identifier à la marque.
L'identité de la marque joue un rôle important dans l'identification du consommateur à la
marque. Les marques peuvent alors être associées à l'image que le consommateur se fait de
lui-même ou à celle qu'il pense renvoyer. En cela, l'identité de la marque, au même titre que
l'image, est primordiale dans la conquête de la clientèle. L'image de la marque découlera de
l'identité qui la caractérise, la définit.
B- Comment la publicité crée et entretient l'identité de la marque
236.
La marque sémantise les produits en leur donnant un sens. En effet, « les produits
233 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 29
101
Publicité et droit des marques
sont muets, c'est la marque qui leur donne un sens »234. Elle leur confère une valeur qui va au
delà de la simple valeur d'usage235. Bien que les marques soient intangibles, elles se
matérialisent dans l'esprit du consommateur, et ce grâce à la publicité236. L'identité de la
marque se construit notamment par le biais de la narration de la marque qui est elle-même le
fruit du travail de la publicité. Cette narration est nécessaire et essentielle afin de conférer au
produit mais surtout à la marque ses dimensions symboliques. L'identité de la marque est le
résultat de son histoire et elle véhicule ainsi des symboles. La publicité a alors la tâche de
faire le récit de cette histoire et elle permet ainsi de matérialiser l'essence de la marque, son
identité.
237.
Il est nécessaire de veiller à maintenir une certaine cohérence dans les différentes
campagnes publicitaires afin de construire une forte identité de la marque. En effet, la
publicité doit refléter la personnalité de la marque et un manque de cohérence aurait pour
conséquence de perturber et d'amoindrir l'identité de la marque aux yeux des
consommateurs237. Or l'identité de la marque est un repère pour les consommateurs. La
modifier aurait pour effet de perturber, brouiller leur perception de la marque et pourrait
entrainer un détournement de la clientèle. La fidélité est le fruit du respect d'un contrat passé
entre le consommateur et la marque. Ce contrat est basé sur une certaine continuité. En
perturbant l'identité de la marque, la continuité est rompue et le consommateur pourra alors
être tenté de s'éloigner de la marque.
238.
Néanmoins, il est parfois nécessaire de faire évoluer l'identité de la marque lorsque
celle-ci devient obsolète. A titre d'exemple, on peut reprendre celui énoncé par Naomi
KLEIN238. Les années 1990 ont vu les marques tenter de devenir « cool ». Cette
transformation ne passait pas seulement par le marketing. Il fallait que les marques se
fassent les témoins de cette génération. Elles ont ainsi dû se façonner de nouvelles identités
afin d'être en harmonie avec cette nouvelle culture.
239.
Outre l'évolution des produits au gré des tendances et des nouvelles technologies, il
est important que l'identité de la marque évolue aussi. En effet, dans certaines hypothèses,
234 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 48
235 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 29
236 Publicités, op. cit., p. 52
237 Brand design, op. cit., p. 101
238 No Logo, op. cit., p. 99
102
Publicité et droit des marques
quand bien même les produits d'une marque évolueraient, si l'identité de la marque restait la
même, la marque pourrait alors se voir attacher une étiquette obsolète et pourrait alors
tomber en désuétude. L'entreprise doit donc sans cesse veiller sur sa marque afin qu'elle
demeure un actif et qu'elle continue à créer de la valeur s'agissant à la fois des produits et de
l'entreprise elle-même.
240.
Comme on vient de le voir, la marque peut constituer une valeur ajoutée pour les
entreprises qui savent en prendre soin. Elle devient le reflet de la politique de l'entreprise et
véhicule ses valeurs, notamment par le biais de la publicité. Par ailleurs, elle remplit d'autres
fonctions reconnues tant par le marketing que par le droit. Le rôle premier de la marque est
de permettre d'identifier et de différencier les produits qui en sont revêtus de ceux de la
concurrence. Depuis toujours, ces fonctions ont constitué la raison d'être des marques. Par
ailleurs, une autre fonction toute aussi importante et qui constitue le corollaire de ces
dernières a, par la suite, fait sa place : celle d'indication d'origine des produits.
241.
C'est d'ailleurs cette fonction que le droit, dans le souci de protéger les titulaires de
marques enregistrées, a consacrée et a reconnue comme fonction essentielle de la marque.
Le droit veille ainsi à ce qu'il ne lui soit pas porté atteinte. Malheureusement, la
reconnaissance de cette fonction essentielle s'est faite au détriment des autres fonctions de la
marque. En effet, la protection dont elle bénéficie n'était pas accordée, jusqu'à il y a peu, aux
autres fonctions de la marque qui étaient alors totalement négligées à la fois par les textes de
loi mais aussi par la jurisprudence tant nationale qu'européenne. L'absence de prise en
compte des autres fonctions de la marque n'était alors pas conforme à la pratique ainsi qu'à
l'objet même des marques. En effet, un tel rejet consistait notamment à amoindrir la fonction
publicitaire des marques. Or, comme nous venons de le voir, la publicité et les marques sont
deux éléments complémentaires. La publicité contribue à la construction d'une marque et à
sa notoriété ; elle permet de forger son identité ainsi que son image. Pourtant, jusqu'à il y a
peu, la fonction de publicité n'était pas protégée. Il a fallu attendre 2009 pour que la CJCE
reconnaisse réellement et nommément cette fonction et lui accorde une certaine protection239.
239 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : Rec. 2009, I, p. 05185 : JCP G 2009, note 108 ; JCP G 2009,
note 180, L. Marino ; Propr. indust. 2009, comm. 51, A. Folliard-Monguiral ; RLDI 10/2009, comm. 1749,
note B. Humblot
103
Publicité et droit des marques
Titre II
La reconnaissance de la fonction publicitaire de
la marque par le droit
104
Publicité et droit des marques
242.
Les marques ne sont pas un phénomène récent. Elles ont presque toujours existé et
des traces de marques remontant à l'Antiquité ont été retrouvées. Néanmoins, elles n'ont pas
toujours rempli le même rôle que celui qui leur est aujourd'hui attribué. Il est par conséquent
nécessaire de se pencher sur l'histoire des marques afin de retracer leur évolution.
243.
Une fonction de la marque semble avoir tout de même toujours existé. En effet, la
pratique du marquage a toujours eu pour objectif de permettre d'identifier la provenance ou
la propriété d'un bien. Cette fonction d'identification a pour corollaire celle de différenciation
car c'est bien la possibilité d'identifier un bien qui permet de le distinguer des autre et de
garantir sa provenance. La personne qui acquiert un bien marqué peut être assurée que celuici a été fabriqué dans le respect d'un savoir-faire et dans des conditions identiques aux autres
produits de la même marque.
Pendant longtemps, le droit n'a reconnu que cette fonction. Le droit des marques ne
jouait alors son rôle protecteur que lorsqu'il était porté atteinte à la fonction dite essentielle
de garantie d'origine. Le dixième considérant de la directive 89/104240 précisait ainsi que le
but de la protection conférée par la marque était notamment de garantir la fonction d'origine
de celle-ci (chapitre 1).
244.
Néanmoins, ne reconnaître que cette seule fonction de garantie d'identité d'origine a
pour effet de minimiser le rôle des fonctions de communication et de publicité de la marque
auxquelles les professionnels du marketing accordent pourtant une place importante. Bien
que la garantie de provenance de la marque soit une fonction très importante de celle-ci, elle
ne constitue pas la seule. D'autres fonctions représentent de plus grands enjeux pour les
titulaires de marque. En effet, outre la fonction de garantie qui intéresse davantage les
consommateurs, la marque a une fonction publicitaire et de communication notamment en ce
qu'elle constitue un outil de séduction et de persuasion du consommateur. Par ailleurs, grâce
aux campagnes de communication, la marque se dote d'une image et représente des valeurs
ainsi qu'un univers et ces éléments deviennent partie intégrante de la marque. La marque et
son image sont le fruit d'investissements de la part de l'entreprise qui en est titulaire.
La jurisprudence récente de la Cour de justice vient donc de faire un grand pas en
240 Directive 89/104/CEE du 21 déc. 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques,
op. cit.
105
Publicité et droit des marques
reconnaissant à la marque des fonctions autres que celle de garantie de provenance
auxquelles il fallait veiller afin qu'il ne leur soit pas porté atteinte. En effet, après avoir
reconnu à plusieurs reprises l'existence d'autres fonctions mais sans les citer, la CJUE en a
récemment donné quelques exemples parmi lesquelles figurent les fonctions de
communication et de publicité précisément. Cette jurisprudence constitue ainsi (et enfin) la
reconnaissance juridique de l'importance du lien qui unit la publicité aux marques (chapitre
2).
106
Publicité et droit des marques
Chapitre 1
La fonction de garantie d'origine : pendant longtemps la
seule fonction reconnue par le droit
245.
La marque, en tant qu'outil commercial, possède plusieurs fonctions. Depuis
l'apparition des premières marques, ces fonctions ont évolué. Néanmoins, une des fonctions
premières de la marque a toujours été d'attester l'origine d'un bien. Il est nécessaire de
retracer l'histoire des marques afin de mieux comprendre les enjeux qu'elles représentent de
nos jours. D'un simple nom apposé sur un bien, la marque est passé à un ensemble complexe
d'éléments définissant son identité. La marque véhicule une image, des valeurs ainsi que tout
l'environnement que l'on a construit autour d'elle. Elle est un gage de qualité et elle atteste du
savoir-faire de l'entreprise qui en est titulaire et qui l'appose sur ses produits.
246.
Cette fonction d'indication de provenance est depuis longtemps reconnue
juridiquement et le juges veillent à ce qu'aucune atteinte lui soit portée. C'est au
consommateur que cette fonction de garantie de provenance est en réalité utile car c'est à lui
qu'elle évite un risque de confusion. Certes, l'absence de risque de confusion peut permettre
d'éviter les détournements de clientèle mais cette garantie de provenance a essentiellement
pour effet d'assurer au consommateur que le produit qu'il achète provient d'une certaine
entreprise et non d'une autre (section 1). Cette fonction distinctive de la marque est reconnue
juridiquement. Ainsi, l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle définit la
marque comme « un signe (…) servant à distinguer les produits ou services ». La fonction
d'indication d'origine, « inhérente au caractère distinctif de la marque »241, bien que ne
constituant pas la seule fonction de la marque, est celle que les juges qualifient depuis
longtemps d'essentielle (section 2).
241 A. Bouvel, Marque et renommée in Les défis du droit des marques au XXIe siècle : Actes du colloque en
l'honneur du Professeur Yves Reboul,, Collections du CEIPI, Litec, 2010, p. 130
107
Publicité et droit des marques
Section 1. Les fonctions historiques
247.
Les marques ont presque toujours existé. Tout comme l'idée de la propriété est née
avec la main-d'œuvre où il fallut attribuer les fruits du travail à celui qui l'avait accompli242,
le principe du marquage est apparu avec la nécessité d'attribuer l'origine d'un produit à celui
qui l'avait conçu. Les premières traces de marquage se trouvent sur le bétail. Cette pratique
démontrait la nécessité d'exposer la propriété. La marque a donc toujours servi de repère,
tant pour attester de la propriété d'un bien que de son origine (§ 1).
248.
Le marquage a par la suite évolué au gré des pratiques et des règlementations pour
devenir ce que nous appelons aujourd'hui la marque. Cette dernière a ainsi connu une grande
évolution et ne ressemble plus vraiment à ce qu'elle a pu être, même dans un passé
relativement récent. Néanmoins, les fonctions de la marque n'ont, quant à elles, pas tant
évolué. Une des raisons d'être de la marque a toujours été (et demeure) de permettre une
différenciation quelle qu'elle soit ; que ce soit en matière de bétail, s'agissant de l'artisan ou
du fabricant du produit, ou encore entre les produits eux-mêmes. La marque a alors pour
objet d'indiquer l'origine du produit et cet objectif est devenu primordial du fait de plusieurs
facteurs tels que la multiplication des échanges, les exportations et les importations toujours
plus importantes, etc. Le client n'est plus en rapport direct avec le fabricant ; il lui faut alors
d'autres garanties. La marque joue le rôle de l'intermédiaire entre le fabricant et le
consommateur. Elle informe ce dernier sur le produit lui même, par le biais de l'image et de
la réputation qu'elle entretient, mais aussi sur son origine (§2).
§1 Histoire des utilités de la marque
249.
Les marques existent depuis très longtemps car la nécessité d'indiquer la propriété
242 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755, GF
Flammarion 2008, p. 121
108
Publicité et droit des marques
d'un bien ou l'origine d'un produit semble avoir émergé dès la préhistoire (A). Des gravures
sur les poteries dans l'Antiquité aux logos présents sur les biens de consommation courante
que nous achetons aujourd'hui, la marque a bien changé. Néanmoins, son rôle est toujours le
même : indiquer la provenance d'un produit, le différencier des autres et rassurer le client
potentiel.
250.
La marque a ainsi toujours eu pour objectif d'attester l'origine d'un produit mais, à
partir de la révolution industrielle, son rôle s'est peu à peu élargi pour englober une
dimension marketing (B). De nos jours, la marque sert toujours à identifier un produit mais
elle a aussi pour fonction d'inciter le consommateur à l'achat. Elle n'est plus un simple mot
ou signe apposé sur le produit ; grâce à la publicité, elle entoure le produit d'un imaginaire
qu'elle veut conforme à l'image qu'elle renvoie. En effet, avec l'émergence de
l'industrialisation et la production de masse, les produits ont commencé à être identiques.
Leur différenciation a alors dû se faire grâce à des arguments subjectifs, irrationnels et la
marque a dû s'appliquer à construire un imaginaire autour de ses produits.
A- Les premières traces des marques
251.
La marque, contrairement à ce que l'on pourrait penser, existe depuis des centaines
voire des milliers d'années. Ainsi, des marques sur des poteries datant de 1 300 ans avant J.C. ont été retrouvées243. Néanmoins, les premières traces de marquage étaient celles du
bétail. En anglais, le mot brand dérive du verbe anglo-saxon brenen qui signifie bruler244 (et
qui a donné to burn en anglais) ou du mot allemand brand qui signifie le tison (et qui a
donné le mot brandon en français)245. Des peintures murales remontant à la Préhistoire (Age
de pierre et Age de bronze) montrent ainsi des animaux avec des marques sur le flanc 246. Le
mot français « marque » dériverait de l'ancien français « merchier » qui désigne un signe mis
243 B. Heilbrunn., La marque, op. cit., p. 5
244 Foundation of intellectual proprety, précité, p. 444, Pentacom, op. cit., p. 278
245 C. Lai, La marque, op. cit., p. 8
246 Foundation of intellectual proprety, op. cit., p. 444
109
Publicité et droit des marques
sur un objet pour pouvoir attester de la propriété247 ou du mot d'origine germanique marka248
qui désigne aussi un signe. L'objectif de la marque était déjà à l'époque de pouvoir identifier
et différencier les produits.
252.
La trace écrite la plus ancienne de la pratique du marquage se trouve dans la Bible.
En effet, on y trouve des références au marquage. Notamment, quand Caïn fut chassé du
jardin d'Eden après avoir tué Abel, Dieu le marqua : « Yahvé mit un signe sur Caïn, afin que
le premier venu ne le frappât point »249. Pour Robert MERGES et Jane GINSBURG, celui
qui a écrit ce passage de la Bible connaissait donc la pratique du marquage (du moins chez
les animaux)250.
253.
Dans l'Antiquité, le nom des artisans était parfois gravé sur les poteries, souvent au
niveau de la anse. Les marques prenaient alors la forme d'un nom ou d'une image, d'un
symbole. Leur objet était de permettre l'identification du producteur ou du vendeur. En
Égypte, certaines briques portaient des mentions relatives au Pharaon régnant et permettaient
de savoir que la construction avait été édifiée pour lui ou sous son règne. En chine, sur la
porcelaine, on pouvait trouver l'année de fabrication qui permettait alors de déterminer
l'empereur sous le règne duquel la pièce avait été fabriquée251. Le développement de
l'apposition de signes sur les biens produits trouve en partie son explication dans le
développement du commerce et des échanges. Le marquage permettait d'assurer une
traçabilité des produits. Des lampes à huile, des fromages, du vin mais aussi des remèdes
pouvaient ainsi être identifiés grâce à la mention du lieu de production ou du fabricant.
254.
Puis, durant le Moyen-Age, la pratique du marquage tomba un peu en désuétude avec
le déclin de l'apprentissage. Les artisans ne savaient pas même écrire ou lire les inscriptions
les plus simples et il semble que seules les armes portaient des marques252.
255.
L'usage économique de la marque apparaît au XVème siècle et c'est aussi à cette
période qu'apparait le mot français de marque (1456)253. En outre, l'apprentissage devient
247 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 6
248 Pentacom, op. cit., p. 278
249 Gn 4,15
250 Foundations of intellectual property, op. cit., p. 444
251 Ibid.
252 Ibid., p. 446
253 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 6
110
Publicité et droit des marques
plus fréquent et on assiste à une croissance des échanges et du commerce. L'usage des
marques, néanmoins simples et sous la forme de monogrammes, refait son apparition.
Corrélativement, l'usage de la contrefaçon émerge lui aussi. Par ailleurs, on ne vît pas
seulement apparaître des marques de fabrique. En effet, de nombreuses marques avaient
pour objectifs d'identifier des personnes, telles que les armoiries et les sceaux. On vît aussi
apparaître des enseignes sur les façades des maisons, afin d'indiquer le nom de la famille qui
y résidait, ainsi qu'au dessus des portes des ateliers d'artisans ou des auberges. En outre,
d'autres marques avaient pour but d'indiquer la propriété d'un bien, comme le bétail qui était
marqué254.
256.
Avec l'apparition de l'imprimerie, apparait la pratique du filigrane afin d'indiquer
l'identité du fabricant du papier (bien que le filigrane soit réellement apparu au XIIIème siècle
à des fins décoratives). De plus, le recours à la marque sur les livres, qui découlait de la
grande rivalité entre les imprimeurs, se fait de plus en plus fréquente. L'usage de la marque
permettait alors de déterminer l'origine de l'ouvrage255.
257.
Sous l'Ancien Régime, de plus en plus, on utilise la marque afin de distinguer les
produits et d'en indiquer la provenance. Ainsi, les tissus portaient le sceau de la ville dans
laquelle ils ont été fabriqués. Les pièces d'orfèvrerie portaient des poinçons, notamment afin
de pouvoir identifier l'artisan. Par exemple, en 1378, Charles V ordonna que toutes les pièces
d'orfèvrerie devraient porter deux poinçons : un indiquant la maison commune et l'autre
l'orfèvre (avec ses initiales et la date). Les appositions de marques et de poinçons donnaient
lieu à la perception d'une taxe256.
258.
La marque, outre sa fonction d'indication de provenance, permettait d'assurer que le
produit avait bien été fabriqué dans le respect d'une tradition et d'un savoir-faire. Elle
attestait que le produit présentait les caractéristiques fixées par les règlements de la
corporation. Ainsi, la marque des corps de métiers permettait d'assurer au consommateur que
le produit avait la qualité attendue. Cet usage de la marque afin d'attester du respect de règles
de fabrication fut néanmoins peu à peu concurrencé par des usages commerciaux à partir de
254 Foundations of intellectual property, op. cit., p. 446
255 Ibid., p. 447
256 Des brevets et des marques, op. cit., p. 180
111
Publicité et droit des marques
la fin du XVIIème siècle257.
259.
A partir de la Révolution française, la marque commence à devenir de plus en plus ce
qu'elle est aujourd'hui, notamment grâce à la suppression des taxes sur les marques et les
poinçons et à l'institution de la liberté de commerce et d'industrie. En effet, le Décret
d'Allarde du 2 et 17 mars 1791 abolit les corporations, et ainsi les taxes y afférant, et dispose
à l'article 7 « qu'il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle
profession, art ou métier qu'elle trouvera bon ». Ce décret a eu pour conséquence de voir les
anciennes marques des corporations perdre leur intérêt et la marque n'a alors plus eu qu'une
fonction d'indication de provenance.
260.
A partir du XVIIIème siècle, les progrès industriels mais aussi l'évolution dans le
domaine des transports vont avoir pour incidence de voir les marchés s'ouvrir et se
développer. Les marques, puisqu'elle permettent de connaître l'origine du produit, sont des
repères et elles vont, à ce titre, s'imposer comme un outil permettant aux fabricants de se
différencier de la concurrence.
B- La marque de la révolution industrielle à nos jours
261.
Avec les progrès techniques, que ce soit dans les domaines de la production ou des
transports, les produits ont vu leur disponibilité augmenter. D'une production artisanale
réduite, on est passé à une production de masse où les produits se sont uniformisés. L'intérêt
des marques s'est alors fait sentir afin d'indiquer la provenance des produits. En outre, les
activités de fabrication et de distribution se sont séparée et le lien entre le fabricant et le
client s'est alors rompu. Il fallait donc permettre au consommateur d'identifier l'origine du
produit, surtout en cas de malfaçon.
262.
Jusqu'au milieu du XIXe siècle, il n'existait aucune loi permettant de lutter contre les
contrefaçons. C'est la loi du 23 juin 1857 qui a conféré une protection aux marques et qui a
257 Ibid., p.180 et 181
112
Publicité et droit des marques
ainsi permis à celles-ci d'assurer pleinement leur fonction d'identification et de
différenciation des produits. Ce droit sur la marque était acquis par le premier usage (et non
par le dépôt) et était perpétuel (à condition de le renouveler). Par la suite, la loi du 31
décembre 1964, dans son article 4, prévit que la propriété de la marque serait obtenue par
son dépôt. Dans certains pays, comme les États-Unis, les droits sur la marque s'acquièrent
toujours par l'usage. C'est grâce à la révolution industrielle que les marques se sont vraiment
développées. Certaines de ces marques, qui étaient le plus souvent patronymiques, existent
toujours aujourd'hui (par exemple la marque Heineken créée en 1864, Maggi en 1884,
Michelin en 1889).
263.
La marque a longtemps eu des composantes assez simples. Ainsi, le plus souvent,
elle consistait en des noms, des symboles. Les premiers logos commencent à apparaître à la
fin du XIXème siècle258. En outre, c'est grâce à l'émergence de la publicité que les marques ont
évolué. Elles sont ainsi devenues davantage que de simples marques de fabrique. Elles
véhiculent des valeurs, une vision de la vie et mettent en valeur ces caractéristiques par le
biais de la publicité. Elles modifient nos perceptions. Un exemple parlant est celui de CocaCola qui est parvenu à nous imposer l'image du Père Noël que nous avons aujourd'hui.
Certes, il était déjà représenté en rouge et blanc (dans les pays anglo-saxons) depuis le
milieu du XXème siècle, mais c'est Coca-Cola qui popularisa, dans les années 1930, cette
image de « Santa Claus » aux couleurs de la marque et avec l'air sympathique que l'on lui
connait aujourd'hui.
264.
Au XXème siècle, les biens sont de plus en plus fabriqués en série. On assiste, par
ailleurs, à une consommation de plus en plus importante. Les niveaux de vie augmentent à
partir des trente glorieuses et on voit émerger une société de consommation.
265.
Avec la communication de masse, les produits sont devenus similaires et, avec les
progrès techniques, sont apparues sur le marché des innovations. La marque a donc permis
de différencier les produits mais aussi de servir de repère lorsque les consommateurs ne
connaissaient pas le produit. Ainsi, on peut dire que la marque rassure en ce qu'elle offre une
certaine sécurité aux clients car ils lui font confiance.
258 No logo, op. cit., p. 30
113
Publicité et droit des marques
266.
A partir de la fin des années 1970, avec la crise économique, la consommation
diminue et se voit critiquée. Cette période est alors difficile pour les marques et elles doivent
se réinventer et se montrer plus à l'écoute des consommateurs mais aussi insister sur la
qualité de leurs produits afin de parvenir à se différencier de la concurrence 259. C'est à cette
période que l'on voit émerger les marques de distributeurs (MDD) qui proposent des produits
beaucoup moins chers que ceux des marques dites nationales.
267.
Les marques ont toujours constitué un gage de qualité. Les consommateurs acceptent
alors de payer plus cher un produit marqué. C'est pour cette raison que même en cas de
phénomène de rejet des marques (ou de la société de consommation en général), les clients,
du moins pour les produits impliquants, restent attachés aux marques. En outre, la prime de
marque rassure. Lorsqu'un produit marqué paraît bon marché, le consommateur risque de
s'en méfier260.
268.
Les marques sont entrées dans notre univers culturel. Elles créent des tendances et se
doivent aussi de les suivre afin ne pas être rapidement dépassées par la concurrence. Depuis
la seconde moitié du XXème siècle, et ce grâce au développement de la publicité, la marque
ne se contente plus de d'être un nom ou un signe sur un produit ; elle véhicule des valeurs et
des visions. La marque est devenue créatrice de tendances et elle se doit de veiller à ce que
ce nouveau rôle soit bien rempli.
269.
S'agissant du nom de la marque, il peut être patronymique, faire référence au lieu de
fabrication ou rappeler sa composition. En outre, dans certains cas, il peut témoigner de son
époque : par exemple, les suffixes en -ex étaient très prisés car à la mode dans les années
1950 (Spontex, Moulinex, Kleenex...)261. Le nom de la marque joue un rôle important. Il est
nécessaire de bien le choisir. Néanmoins, un risque pour la marque est d'être victime de son
succès et d'entrer dans le langage courant, ce qui fut le cas de Kleenex (qui vient de « clean
express »), Frigidaire (Frigid Air c'est-à-dire air glacé), Sopalin, Scotch, Bic...
270.
Les marques et les célébrités sont devenues des alliées. Depuis longtemps, des
personnalités dotées d'une importante renommée aident les marques en s'y associant. En
259 Des brevets et des marques, op. cit., p. 197
260 Ibid.
261 Ibid., p. 190
114
Publicité et droit des marques
effet, de nombreuses marques se choisissent des égéries, notamment issues du cinéma, de la
chanson ou du sport. Cette association entre une star et la marque permet d'augmenter la
notoriété de la marque et a pour objectif d'augmenter les ventes. Et cela marche! Pour preuve
le spot Nespresso avec George Clooney qui a permis à la marque d'enregistrer une forte
augmentation des ventes. Ces associations de la marque avec les stars ne constituent pas un
phénomène récent. Déjà, dans les années 1950, les marques choisissaient leurs égéries parmi
les célébrités du sport ou du cinéma. L'utilisation d'une star ne fonctionne pas toujours pour
autant. Il faut choisir une célébrité appréciée et dont l'image est en adéquation avec la
marque. En outre, la marque qui compte choisir une star doit faire attention aux autres
contrats publicitaires de la future égérie. Un trop grand nombre de contrats dans des secteurs
très différents pourrait causer une confusion dans l'esprit du consommateur et nuire ainsi à
l'image de la marque. Par exemple, une marque de luxe n'aura ainsi pas intérêt à choisir une
vedette sous contrat avec une marque de charcuterie... Le recours à l'association de la
marque avec une star peut s'avérer très utile. Ainsi, une célébrité à la mode peut aider une
marque à se débarrasser d'une image un peu vieillotte.
Par ailleurs, la relation entre les marques et les stars ne marche pas que dans un sens.
En effet, on peut rappeler à titre anecdotique que certaines célébrités (surtout issues de la télé
réalité telles que Loana, ou qui ont créé des « buzz » ou des scandales telles que Zahia) font
de leur nom des marques déposées à l'INPI. Ainsi, les marques deviennent aussi des
tremplins pour des « starlettes » qui pensent que leur petite notoriété pourra s'avérer
vendeuse.
271.
Les marques dépassent aujourd'hui les frontières et deviennent mondiales262. Selon
Interbrand, une marque, pour être mondiale, doit être disponible dans un grand nombre de
pays, réaliser au moins un tiers de ces ventes en dehors de son pays d'origine et avoir des
valeurs universelles. Cette mondialisation a pour effet de voir les petites marques locales ne
pas parvenir à survivre. Elles sont souvent acquises par des marques ayant plus facilement
vocation à s'exporter.
272.
Ainsi, comme on peut le voir, les marques d'aujourd'hui semblent être assez
éloignées de celles d'avant la révolution industrielle. Néanmoins, outre cette nouvelle
262 Publicitor, op. cit., p. 146
115
Publicité et droit des marques
fonction de création de tendances, elle conserve les mêmes fonctions originelles : celle de
permettre l'identification des produits et d'en indiquer l'origine.
§2 La fonction distinctive de la marque
273.
Chantal LAI définit la marque comme « un signe (…) qu'on appose sur un produit ou
un service pour l'identifier, le distinguer et le différencier des autres »263. Cette définition a
toujours été à peu près la même. En effet, le principe d'apposer des signes sur des produits a
toujours été de permettre de les différencier, que ce soit pour en indiquer la propriété ou la
provenance.
274.
La marque a pour fonction d'indiquer l'origine des produits ou services. Ainsi, le
produit ou le service pourra être identifié et distingué des autres (A). Cette fonction est très
importante notamment aux yeux du producteur en ce qu'elle le protège contre la concurrence
qui pourrait tenter de commercialiser ses propres produits en provoquant une confusion dans
l'esprit du public. Néanmoins la fonction d'indication de provenance est tout aussi
importante aux yeux du consommateur qui peut connaître l'origine des produits non
seulement grâce à la marque mais aussi grâce à des labels (B).
A- La fonction d'identification et d'indication de provenance
275.
La première fonction de la marque est de permettre de distinguer le produit des
autres et d'informer sur son origine. Ainsi, si l'on se base sur les étymologies, à la fois des
termes anglais « brand » et français « marque », on peut déduire que l'objet premier du
marquage était d'identifier et de différencier. La marque a eu pour rôle dans un premier
263 C. Lai, La marque, op. cit., p. 9
116
Publicité et droit des marques
temps d'indiquer le propriétaire d'une bête puis de différencier une pièce d'artisanat d'une
autre. Ainsi, dans l'Antiquité, la marque avait valeur de signature et indiquait le lieu de
fabrication (mais aussi un savoir-faire)264.
276.
Par la suite, la marque indiquait notamment, lorsque les corporations définissaient les
règles de fabrication, que le bien avait été conçu dans le respect d'une certaine tradition et
d'un certain savoir-faire. L'objet du marquage était certes d'assurer le respect d'un mode de
fabrication mais il permettait aussi de savoir que le produit revêtait bien les qualités
attendues. Or, c'est précisément ce que l'on attend d'une marque.
277.
La fonction d'identification de la marque a pour objectif de permettre au
consommateur de savoir ce qu'il achète, de l'identifier. La marque renseigne sur l'origine
d'un produit, ce qui peut être rassurant, notamment pour les produits pouvant comporter une
certaine dangerosité. La marque permet d'assurer une fonction de traçabilité. Ainsi, en 1266,
en Angleterre, une loi imposa aux boulangers d'apposer leur marque sur les miches de pain
afin de trouver le fautif en cas d'erreur sur le poids de celles-ci265. Dans l'Ancien Régime,
nous l'avons vu, les tissus mais aussi les pièces de métal indiquaient le lieu de fabrication du
produit par le biais de sceaux ou encore de poinçons.
278.
De nos jours, la marque a gardé ces fonctions. Elle permet de s'assurer que le produit
revêtu de la marque a bien les caractéristiques propres à la marque. On transfère, outre la
réputation, l'image de la marque au produit. Ainsi, les représentations que le consommateur a
de la marque vont aussi être attribuées au produit. A qualité similaire, la préférence sera
souvent accordée à un produit marqué. En effet, ce qui différencie par exemple, des lunettes
Gucci de lunettes de qualité mais sans marque, est justement le logo de la marque apposé sur
les branches. Ce logo garantit au client la qualité des lunettes, la mise en œuvre d'un savoirfaire made in Italy. Pourtant, l'autre paire de lunettes peut être tout aussi esthétique et
protectrice mais elle ne dispose pas d'un signe en assurant l'acheteur.
La connaissance de l'origine d'un produit permet de le différencier des autres qui
n'ont pas la même. En outre, les qualités que l'on prête à un produit du fait de sa provenance
(notamment dans le domaine alimentaire) ne se retrouveront ainsi pas forcément chez les
264 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 6
265 Ibid.
117
Publicité et droit des marques
produits concurrents. Dans bien des cas, ce que le consommateur achète, ce n'est pas le
produit mais la marque. Par conséquent, l'indication sur le produit qu'il a été fabriqué sous le
contrôle du titulaire de la marque suffit à le différencier des autres.
279.
Par ailleurs, il convient de noter que la marque constitue pour l'industriel une
signature. Celle-ci permet de garantir l'origine. La marque constitue ainsi une protection
légale contre les copies et elle permet de différencier les produits de ceux des concurrents.
Le produit ainsi revêtu d'une marque a son identité d'origine précisée. Le consommateur sait
alors ce qu'il achète et est en mesure d'identifier le producteur du bien.
280.
La marque a une fonction distinctive, une fonction d'identification en ce qu'elle
permet d'informer le consommateur sur l'origine du produit qu'il va acheter, sur l'entreprise
qui le produit. C'est à cette fin d'identification que les marques se dotent, outre d'un nom,
d'une identité visuelle (le logo, le design du produit, etc.)266. Ces éléments permettent alors
de distinguer les produits de la marque et contribuent à accroitre sa valeur. La charte
graphique de la marque permet de faciliter le repérage des produits. La marque ne se limite
donc pas à une identité nominale ; elle a aussi une identité graphique avec un logo, des
couleurs, des formes, etc. Ces éléments doivent être cohérents et permettre au consommateur
de distinguer facilement la marque parmi d'autres.
Ces éléments matériels et immatériels constituent l'identité de la marque. Ce n'est pas
tant le logo qui permet d'identifier une marque, c'est de manière plus large, tout ce qui la
constitue. L'identification présente à la fois un intérêt pour le consommateur qui va voir son
processus de choix simplifié mais aussi pour l'entreprise fabricante car elle va pouvoir se
démarquer de ses concurrents. Or, c'est précisément l'objet des marques. Elles permettent
aux fabricants de se démarquer les uns des autres. C'est la marque qui a permis au
producteur de s'affranchir des commerçants. Elle constitue un lien direct entre le producteur
et le consommateur. Il est donc nécessaire qu'elle attire le consommateur vers elle, comme
un commerçant aurait attiré l'attention d'un consommateur sur un bon produit.
La marque doit ainsi appeler le consommateur à elle. Elle doit être facilement
repérable et il est important que tous ses attributs soient cohérents pour créer une identité
266 Publicitor, op. cit., p. 105
118
Publicité et droit des marques
forte. La marque joue bien une fonction d'identification mais ce n'est pas réellement la
marque elle-même qui va jouer ce rôle, mais plutôt tous les éléments, tangibles ou non, qui
la composent. Une marque n'est rien sans une identité, qu'elle soit concrète, visuelle ou
encore le fruit de ses actions et de ses campagnes de communications.
En outre, la marque reflète sa propre histoire. Elle informe sur ce qu'a été l'entreprise
et sur ce qu'elle est devenue. Elle véhicule ses valeurs. L'histoire des marques est alors
utilisée comme un outil de marketing. On n'hésite pas à préciser l'année de création de la
marque. L'histoire de la marque est un élément qu'il peut être intéressant de mettre en avant.
Le fait que la marque existe depuis longtemps rassure le consommateur. A ses yeux, si elle
perdure, c'est qu'elle est fiable. Le consommateur a davantage tendance à faire confiance à
une marque qui est ancienne, qu'il a toujours connue et vue. Les marques l'ont compris et
rappellent souvent leur ancienneté, leur évolution.
La marque permet donc au producteur d'attirer le consommateur et de le fidéliser.
Elle permet aussi de rassurer le consommateur en lui garantissant l'origine du produit.
B- L'indication d'origine : une fonction importante pour le consommateur
281.
L'indication de provenance constitue une fonction importante de la marque pour le
consommateur car elle lui garantie un certain mode de fabrication ou une certaine qualité.
Néanmoins, la marque ne semble pas toujours suffisante pour garantir ces éléments et des
labels ont été créés.
C'est parce que l'origine d'un produit peut constituer pour les consommateurs
l'assurance d'une certaine qualité mais aussi du respect d'un savoir-faire qu'il semble
intéressant de nous arrêter un peu sur les appellations d'origine. Il s'agit de labels mis en
place afin d'assurer au consommateur le respect de savoir-faire. Ils permettent d'attester de la
provenance des produits et du respect d'un savoir-faire régional dans leur processus de
fabrication. Ils ont ainsi pour objet de certifier la qualité des produits et leur authenticité.
119
Publicité et droit des marques
Bien que n'étant pas des marques, ces appellations qui sont des droits collectifs reconnus aux
producteurs d'une même région, constituent la garantie du respect d'un mode de fabrication
ainsi que des qualités attribuées à certains produits régionaux. Elles confirment alors
l'importance accordée par les consommateurs à l'origine des produits, notamment en raison
du gage de qualité que celle-ci peut constituer.
1) L'intérêt pour le consommateur
282.
La fonction d'indication d'origine permet de rassurer le consommateur sur ce qu'il
s'apprête à acheter. La marque constitue un gage de qualité, ou du moins du respect d'un
savoir-faire dans l'élaboration des produits. Cette qualité est alors attribuée aux produits
d'une même origine. Ainsi, un consommateur content d'un produit s'attendra à retrouver la
même qualité s'il l'achète de nouveau. L'indication de provenance lui assure alors en principe
que le produit a été fabriqué de la même façon et que, par conséquent, ses qualités seront les
mêmes. La fonction de garantie d'origine a ainsi un lien étroit avec la garantie de qualité.
Cependant, comme nous le verrons plus loin, cette fonction de garantie de qualité, bien que
connue du marketing n'a été que récemment admise par le droit.
283.
La fonction de signature de la marque atteste du savoir-faire de l'entreprise et c'est
bien l'objet de la marque que de garantir la qualité que l'on prête aux produits de l'entreprise
titulaire. Pour reprendre l'exemple cité plus-haut, le consommateur s'attend à ce que des
lunettes Gucci soient fabriquées en Italie et c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles il va
les payer cinq fois plus cher qu'une paire de lunettes basique. Néanmoins, ceci n'est plus
toujours vrai. Bien des marques, notamment de vêtement, réputées assez « chic » ne
garantissent plus vraiment un savoir-faire. Par exemple, la marque Tommy Hilfiger qui cible
pourtant à la base la upper middle class américaine et dont on pourrait penser que la
production est plus ou moins locale, fabrique ses vêtements en Turquie ou encore en Inde.
Que doit-on alors penser de la fonction d'indication d'origine de la marque ? En réalité, celleci veut aujourd'hui seulement dire que, en cas de défaut de fabrication ou de défaillance du
produit, le consommateur pourra se retourner contre l'entreprise titulaire de la marque et
sous la responsabilité de laquelle est placée la production. L'entreprise est réellement la seule
origine du produit dont le consommateur a connaissance.
120
Publicité et droit des marques
Outre les vêtements, bien des exemples existent. Des vins ne sont pas mis en
bouteille dans le domaine viticole, des eaux minérales ne sont pas embouteillées à la
source... La fonction d'indication d'origine a ainsi parfois perdu de son intérêt. En réalité,
cette fonction a pour objet de déterminer l'identité du fabricant, d'indiquer la « paternité du
produit ou du service »267. En droit, on parle d'indication d'identité d'origine. Nous nous y
attarderons un peu plus bas. Néanmoins, on peut se demander ce que cette notion veut
réellement dire pour un consommateur. Quelle est l'identité d'origine qui l'intéresse ? En
réalité, cela dépend. Une personne voulant afficher son appartenance à une certaine classe
sociale sera intéressée par le logo de la marque apposé sur le produit. Une personne ayant
une forte conscience « sociale » sera intéressée par l'origine géographique et par les
méthodes de fabrication du produit afin de ne pas acheter un produit fabriqué dans des
conditions de travail scandaleuses ou dans une entreprise employant des enfants par
exemple. Néanmoins, bien que le rôle d'indication de provenance de la marque ait perdu de
son sens en raison dans un premier temps de l'industrialisation puis de la mondialisation, la
fonction distinctive de la marque demeure une fonction fondamentale de la marque.
2) Les appellations d'origine : un indice de l'importance accordée par le
consommateur à l'origine des produits
284.
Les appellations d'origine (AOC en France et AOP et IGP selon le droit européen)
sont des signes distinctifs collectifs (contrairement aux autres droits de la propriété
industrielle) qui s'appliquent essentiellement aux produits agricoles et aux denrées
alimentaires. L'article 2 de l'arrangement de Lisbonne268 définit les appellations d'origine
comme « la dénomination géographique d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à
désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus
exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels
et les facteurs humains ».
Ces signes constituent pour les consommateurs la garantie d'un certain
267 R. Kovar, J. Larrieu , Marque, Rép. Comm. Dalloz, août 2009, p. 9
268 Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d'origine et leur enregistrement
international, 31 oct. 1958
121
Publicité et droit des marques
savoir-faire et donc d'une certaine qualité269. En effet, comme le note Mélanie GROS270,
« l'appellation d'origine est caractérisée par un lien indissociable avec un terroir [au sein
duquel] s'est construite au cours de l'histoire une communauté humaine amenant un savoirfaire intellectuel collectif. Ainsi l'appellation d'origine est le fruit d'une interaction entre un
milieu physique et biologique et un ensemble de facteurs humains, conférant une typicité et
une réputation pour un produit originaire de ce terroir ».
285.
En France, l'article L. 115-1 du code de la consommation prévoit que « constitue une
appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à
désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au
milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains ».
286.
Le droit européen distingue l'appellation d'origine protégée (AOP) et l'indication
géographique protégée (IGP)271. Les trois conditions de l'AOP sont :
►Il s'agit du nom d'une région, d'un pays ou d'un lieu déterminé dont le produit est
originaire
►les qualités ou les caractères du produits doivent être dus essentiellement ou
exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains
►la production, la transformation et l'élaboration du produit doivent avoir lieu dans l'aire
géographique délimitée.
287.
Les conditions de l'AOP sont semblables à celles de l'AOC (appellation d'origine
contrôlée) française. Le consommateur peut être pleinement rassuré sur l'origine et sur le
processus de fabrication du produit qui est revêtu d'une telle appellation. Au contraire, le
consommateur peut être trompé s'agissant de produits estampillés IGP dont les conditions
sont les suivantes:
►Il s'agit du nom d'une région, d'un pays ou d'un lieu déterminé dont est originaire le
produit
►une qualité déterminée, la réputation ou d'autres caractéristiques du produits peuvent être
attribuées à cette origine géographique
269 Les appellations d'origines doivent en cela être distinguées des indications de provenance qui indiquent
seulement le lieu de fabrication du produit mais ne se réfèrent pas à sa qualité.
270 M. Gros, Les signes d'origine et de qualité des vins, thèse UT1 Capitole, 2009, p. 77
271 Règlement CE n° 510/2006 du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des
appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, JO L 93, 31 mars 2006, p. 12-25
122
Publicité et droit des marques
►la production et/ou la transformation et/ou l'élaboration du produit doit avoir lieu dans
l'aire géographique délimitée.
288.
Comme on peut le voir, les conditions à remplir pour bénéficier de l'IGP sont
beaucoup moins contraignantes que celles de l'AOP (ou de l'AOC) et le lien avec le territoire
est beaucoup moins fort. Qu'en penser ? En réalité, cette appellation, qui a pour objet de
rassurer le consommateur et de lui assurer le respect d'un certain savoir-faire régional ou
d'une certaine qualité des produits inhérente à l'environnement d'origine, a plutôt pour effet
de l'embrouiller. Certes, le produit, pour bénéficier de cette indication, doit respecter un
cahier des charges qui constitue alors une garantie importante pour les consommateurs.
Néanmoins, ces derniers peuvent se méprendre sur ce qu'indique cette IGP. Ainsi, un produit
bénéficiant de l'appellation IGP peut ne pas avoir été entièrement produit, transformé et
élaboré dans la région indiquée. Ainsi, un jambon de Bayonne peut être élaboré à partir de
cochon venant du Limousin par exemple. La fiche du jambon de Bayonne que l'on peut
trouver sur le site de l'institut national de l'origine et de la qualité (INAO) prévoit que la
zone de production des porcs comprends les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, et PoitouCharentes ainsi que les départements limitrophes, c'est-à-dire la Haute-Vienne, la Corrèze, le
Cantal, l'Aude et les Pyrénées-Orientales. La zone de transformation des jambons est, quant
à elle, plus restreinte et ne comprend que le département des Pyrénées-Atlantiques ainsi
qu'une partie des départements du Gers, des Hautes-Pyrénées et des Landes. La zone de
transformation est conforme à l'appellation. Néanmoins, combien de consommateurs savent
que le cochon utilisé ne provient pas obligatoirement des alentours de Bayonne ? Certes,
beaucoup se diraient que l'appellation leur garantit tout de même le respect du savoir-faire
mais une partie peut se sentir dupée. L'IGP peut ainsi induire les consommateurs en erreur.
289.
Quel est l'intérêt de mettre en place deux appellations dont la seule différence est
basée sur un cahier des charges qui sera plus ou moins contraignant selon qu'il s'agit d'une
AOP ou d'une IGP ? Certes, cela va permettre à davantage de produits de revêtir une
appellation mais qu'en est-il du consommateur ? Il risque d'être encore une fois la victime. Il
est probable que la majorité des consommateurs européens ne connaissent pas la nuance
entre les deux appellations et risquent de se méprendre sur ce que l'IGP implique. En effet,
l'IGP, aux yeux du consommateur, va être un gage du respect du savoir-faire typique d'un
terroir alors que ce n'est pas forcément le cas. En outre, sa vigilance aurait pu être plus
123
Publicité et droit des marques
importante en l'absence d'un tel label. Ce dernier peut avoir pour effet de pousser le
consommateur à acheter le produit les yeux fermés, en se fiant à une seule étiquette.
290.
Néanmoins, outre l'IGP, les appellations d'origine sont utiles. Elles permettent de
compléter la marque dans son rôle d'indication de provenance. La marque constitue alors la
référence, l'entreprise en qui avoir confiance ou vers qui se retourner en cas de défaut du
produit, mais l'appellation d'origine atteste de la mise en œuvre et du respect d'un savoirfaire. En outre, lorsque le consommateur n'a pas accordé sa préférence à une marque dans
une catégorie de produits donnée et ne sait alors pas lequel choisir, l'appellation d'origine
joue le rôle de guide et de garantie que le produit respecte les méthodes traditionnelles d'une
région renommée pour son savoir-faire. Les appellations d'origine complètent alors la
marque dans l'exercice de deux de ses fonctions : celle de garantie de qualité, reconnue
juridiquement seulement récemment et celle (bien sûr) d'indication d'origine que le droit a
qualifiée d'essentielle.
Section 2. La fonction juridique de garantie d'identité d'origine
291.
Les dispositions conférant au titulaire d'une marque enregistrée un droit exclusif sur
celle-ci ont notamment pour objet de le protéger contre les atteintes qui pourraient être
portées à la fonction de garantie de provenance de la marque. Cette fonction que l'on qualifie
généralement de fonction essentielle de la marque n'a cependant pas toujours été considérée
comme l'objet principal du droit de marque par la jurisprudence européenne (§1).
Aujourd'hui, le onzième considérant de la directive 2008/95/CE rapprochant les États
membres sur les marques272 dispose que la protection conférée par la marque enregistrée a
notamment pour but de garantir la fonction d'origine de la marque. Ce considérant précise
272 Directive 2008/95/CE du 22 oct. 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques,
JOUE L 299 du 8 nov. 2008, p. 25-33
124
Publicité et droit des marques
que cette protection « est absolue en cas d'identité entre la marque et le signe et entre les
produits ou services ». Cependant, dans le cas d'une simple similitude entre les signes ou
entre les produits ou les services, cette protection ne peut être mise en jeu que lorsqu'il est
démontré que cette similitude entraine un risque de confusion dans l'esprit du public (§2).
§1 La reconnaissance de la fonction de garantie d'identité d'origine
292.
La fonction de garantie d'identité d'origine de la marque n'a pas toujours été
considérée par la CJCE comme la fonction essentielle de la marque. Le premier objet
historiquement reconnu au droit de marque fut la fonction de réservation de l'usage (en
1974) (A). Néanmoins, seulement deux ans plus tard, c'est la fonction d'indication d'origine
qui fut consacrée et reconnue comme fonction essentielle de la marque par la CJCE. Depuis,
c'est toujours à la fonction de garantie d'identité d'origine (ou garantie de provenance) que la
CJCE se réfère lorsqu'elle parle de la fonction essentielle du droit des marques (B).
A- Le premier objet reconnu au droit de marque : la réservation de
l'usage
293.
La Cour de justice des communautés européennes a, dans un premier temps,
considéré que l'objet du droit de marque consistait dans la réservation de l'usage du signe au
titulaire de la marque. Ainsi, la marque lui conférait un monopole d'exploitation de ce signe
pour la désignation dans le commerce de certains produits ou services273.
294.
La première fonction historiquement reconnue par le droit communautaire a donc été
celle consistant à réserver l'usage de la marque à son titulaire. Ainsi la CJCE, dans l'arrêt
273 J. Passa, Les conditions générales d'une atteinte au droit sur la marque, Propr. industr. n°2, fév. 2005, ét. 2
125
Publicité et droit des marques
Centrafarm du 31 octobre 1974, a énoncé que « en matière de marques, l'objet spécifique de
la propriété commerciale est notamment d'assurer au titulaire le droit exclusif d'utiliser la
marque, pour la première mise en circulation d'un produit et de le protéger ainsi contre les
concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en
vendant des produits indûment pourvus de cette marque »274.
Dans cet arrêt, la Cour rappelle que des dérogations à la libre circulation des
marchandises sont admises par l'article 36 du traité CE (du 25 mars 1957) à la condition que
ces dérogations soient justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet
spécifique de la propriété industrielle et commerciale. Ainsi, elle fut amenée à préciser cet
objet spécifique et c'est à cette occasion qu'elle reconnut la fonction de réservation de
l'usage.
295.
Cette fonction pourrait, encore aujourd'hui, être considérée comme l'objet spécifique
de la marque. En effet, elle garantit au titulaire de la marque qu'il ne sera pas porté atteinte à
son monopole sur celle-ci. Cette fonction garantit ainsi l'exclusivité de l'usage du signe au
titulaire. Cependant, la CJCE a rapidement délaissé cette fonction au profit d'une autre : celle
de la garantie d'identité d'origine en la désignant comme la fonction essentielle et en
subordonnant la qualification de contrefaçon à l'existence d'une atteinte à celle-ci. Pour
Madame le Professeur Joanna SCHMIDT-SZALEWSKI et Monsieur le Professeur Jean-Luc
PIERRE, « la notion de fonction essentielle de la marque est apparue comme
complémentaire de celle d'objet spécifique, qui s'est révélée insuffisante pour traiter des
hypothèses complexes »275.
296.
Comme le relève Monsieur le Professeur Georges BONET, « cette jurisprudence
(Centrafarm) a suscité de nombreuses critiques, insistant sur la nécessité de reconnaître
aussi à la marque un fonction de garantie »276. Il relève par ailleurs que la reconnaissance de
cette fonction de garantie d'origine permet au titulaire d'une marque de s'opposer, après la
première mise en circulation du produit, à l'usage de son signe par un tiers qui susciterait un
risque de confusion277.
274 CJCE, 31 oct. 1974, aff. 16/74, Centrafarm c/ Winthrop : Rec. CJCE, p. 1183, point 8
275 J. Schmidt-Szalewski et J.-L. Pierre, op. cit., p. 333
276 G. Bonet, La protection de la marque dans la jurisprudence de la Cour de justice in Les défis du droit des
marques au XXIe siècle : Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, précité, p. 106
277 Ibid., p. 107
126
Publicité et droit des marques
B- La prééminence de la fonction de garantie de provenance
297.
Deux ans seulement après avoir reconnu la fonction de réservation de l'usage , la
CJCE, dans un arrêt du 22 juin 1976, consacre la fonction d'indication d'identité d'origine278
qu'elle désigne comme la fonction essentielle de la marque 279. Dans cet arrêt, la CJCE, afin
de déterminer l'objet spécifique de la propriété commerciale et l'applicabilité de l'article 36
du traité CE, a indiqué très clairement que la fonction essentielle de la marque consistait à
garantir aux consommateurs l'identité d'origine du produit (point 6).
298.
La Cour Suprême des États-Unis avait reconnu dès 1916 cette fonction comme la
fonction essentielle de la marque : « la véritable fonction fondamentale d'une marque est
d'identifier l'origine ou la propriété du bien sur lequel elle est apposée »280.
299.
En 1978, une nouvelle question relative aux dérogations à la libre circulation des
marchandises a conduit une nouvelle fois la CJCE à définir cette fonction essentielle du droit
des marques. Ainsi, dans l'arrêt Hoffmann-La Roche du 23 mai 1978281, la Cour rappelle
dans un premier temps la première fonction reconnue historiquement et reprend l'attendu de
l'arrêt Centrafarm de 1974 : « l'objet spécifique du droit de marque est notamment d'assurer
au titulaire le droit exclusif d'utiliser la marque... » (point 7). Néanmoins, au paragraphe
suivant, elle réaffirme qu' « il faut tenir compte de la fonction essentielle de la marque, qui
est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit
marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont
une autre provenance ».
300.
Par la suite, la directive 89/104/CE a énoncé, dans son dixième considérant, que « la
protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la
fonction d'origine de la marque ». En outre, la CJCE a considéré (dans un arrêt de 2001282)
que « le législateur communautaire [avait] consacré cette fonction essentielle de la marque
278 CJCE, 22 juin 1976, aff. 119/75, Terrapin c/ Terranova : Rec. CJCE 1976, p. 1039
279 D. Poracchia, La reprise des emblèmes sportifs et la fonction de la marque, Rev. Lamy dr. aff., janv. 2003,
n°56, Chron.
280 Cour suprême américaine, 6 mars 1916, Hanover Star Milling co c/ Metcalf, 240 U.S. 403
281 CJCE, 23 mai 1978, aff. 102/77, Hoffmann-La Roche c/ Centrafarm : Rec. CJCE 1978, p. 1139
282 CJCE, 4 oct. 2001, aff. C-517/99, Merz & Krell : Rec. CJCE, I, p. 06959
127
Publicité et droit des marques
en disposant, à l'article 2 de la directive, que les signes susceptibles d'une représentation
graphique ne [pouvaient] constituer une marque qu'à la condition qu'ils soient propres à
distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises » (point
23). En effet, les signes impropres à remplir la fonction essentielle de la marque ne peuvent
bénéficier de la protection que confère l'enregistrement. C'est pour cette raison que l'article
3, §1, sous d) de la directive 89/104 prévoit que seront « refusées à l'enregistrement les
marques composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le
langage courant ou dans les habitudes commerciales ». Ainsi, comme l'a relevé la CJCE, la
fonction essentielle de la marque résulte « du libellé et de l'économie des diverses
dispositions de la directive concernant les motifs du refus d'enregistrement »283.
301.
Dans l'arrêt « Hag II » du 17 octobre 1990284, la Cour rappelle le principe selon
lequel le droit de marque « constitue un élément essentiel du système de concurrence non
faussé que le traité entend établir [et que] dans un tel système, les entreprises doivent être
en mesure de s'attacher la clientèle par la qualité de leurs produits ou de leurs services
(…). » Puis la Cour ajoute : « Pour que la marque puisse jouer ce rôle, elle doit constituer la
garantie que tous les produits qui en sont revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d'une
entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité »285.
302.
Néanmoins, une chose peut frapper à la lecture de cet arrêt car la Cour poursuit ainsi
« par conséquent, l'objet spécifique du droit de marque est notamment d'assurer au titulaire
le droit exclusif d'utiliser la marque, pour la première mise en circulation d'un produit, et de
le protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la
réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de cette marque » (point
22). Il semble donc que le première fonction historique ait été absorbée par la seconde
fonction reconnue, que cette fonction de réservation de l'usage découle, aux yeux de la
CJCE, de la fonction de garantie de provenance. En effet, quelques lignes plus bas, la CJCE
affirme une nouvelle fois que la fonction essentielle de la marque est de garantir au
consommateur l'identité d'origine des produits (point 24).
303.
Par la suite, toute une série d'arrêts sont allés dans le sens de cette reconnaissance de
283 CJCE, 18 juin 2002, aff. C-299/99, Philips : Rec. 2002, I, p. 05475
284 CJCE, 17 oct. 1990, aff. C-10/89, Hag II : Rec. 1990, I, p. 03711, point 13
285 Voir aussi CJCE, 11 nov. 1997, aff. C-349/95, Ballantine : Rec. CJCE 1997, I, p. 6227
128
Publicité et droit des marques
la fonction de garantie d'identité d'origine en tant que fonction essentielle de la marque.
Ainsi, notamment, la CJCE, dans l'arrêt Anheuser-Busch du 16 novembre 2004 286, a énoncé
que « un nom commercial peut constituer un signe au sens de l'article 16, paragraphe 1,
première phrase, de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui
touchent au commerce (ADPIC) (…) [et que] cette disposition vise à attribuer au titulaire
d'une marque le droit exclusif d'empêcher qu'un tiers en fasse usage si l'usage en cause
porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment
à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ».
304.
Deux ans avant, en 2002, dans l'arrêt Arsenal287, la CJCE a eu l'occasion qu'elle n'a
pas voulu saisir de revenir sur la définition de la fonction essentielle et ouvrir à nouveau la
porte à la première fonction historiquement reconnue. Ainsi, au point 50, elle a considéré
que « pour que cette garantie de provenance, qui constitue la fonction essentielle de la
marque, puisse être assurée, le titulaire de la marque doit être protégé contre des
concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en
vendant des produits indûment pourvus de celle-ci ».
Néanmoins, au point suivant, la Cour a jugé que l'exercice du droit exclusif prévu à
l'article 5, §1, sous a) devait être « réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un
tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et
notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance
des produits ». Nous étudierons un peu plus loin les conditions de l'exercice de ce droit
exclusif mais nous pouvons dès à présent relever que la Cour a reconnu qu'il existait d'autres
fonctions auxquelles il peut être porté atteinte.
305.
La fonction d'indication de provenance a complètement absorbé, dans l'esprit de la
CJCE, la première fonction historiquement reconnue, celle de réservation du signe consacrée
par l'arrêt Centrafarm à l'époque où la Cour rejetait de manière nette la fonction de garantie
d'identité d'origine288. En effet, en 1974, dans l'arrêt « Hag I »289, la Cour disposait que « si
286 CJCE, 16 nov. 2004, aff. C-245/02, Anheuser-Busch : Rec. CJCE 2004, I, p. 10989
287 CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC : Rec. CJCE 2002, I, p. 10273; Propr. Intell. 2003, n° 7, obs.
G. Bonet; D. 2003, 755, note P. de Candé, RTD Com. 2003, p. 415, note M. Luby
288 J. Passa, L'usage de marque dans la jurisprudence récente de la CJCE, RJDA 3/03, Etudes et doctrines,
Chronique.
289 CJCE, 3 juil. 1974, aff. 192/73, Hag : Rec. CJCE, p. 731
129
Publicité et droit des marques
(…) l'indication de l'origine d'un produit de marque est utile, l'information, à ce sujet, des
consommateurs peut être assurée par des moyens autres que ceux qui porteraient atteinte à
la libre circulation des marchandises ».
Si la fonction d'indication d'origine a absorbé la fonction de réservation de l'usage,
cette dernière devrait tout de même pouvoir conserver un certain intérêt lorsque le
concurrent qui profite de la réputation de la marque s'applique à n'engendrer aucune
confusion quant à l'origine ou à la dissiper. Néanmoins, la Cour ne semble pas disposée à
fonder une condamnation sur une atteinte à cette fonction et préfère démontrer une atteinte
pourtant moins évidente à la fonction de garantie de provenance (comme ce fut le cas dans
l'affaire Arsenal290).
§2 La mise en jeu de cette fonction
306.
Aujourd'hui, la question de l'atteinte à la fonction essentielle de la marque n'est
généralement plus soulevée en matière de libre circulation des marchandises. Cette fonction
trouve toute son utilité dans le cadre de l'action en contrefaçon. Ainsi, la CJCE a indiqué à
plusieurs reprises qu'un signe ne peut constituer une contrefaçon que s'il porte atteinte à la
fonction essentielle de la marque291.
307.
Le onzième considérant de la directive 2008/95/CE292 dispose que « la protection
conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la fonction
d'origine de la marque, est absolue en cas d'identité entre la marque et le signe et entre les
produits ou services ; [que] la protection vaut également en cas de similitude entre la
marque et le signe et entre les produits ou services ; qu'il est indispensable d'interpréter la
notion de similitude en relation avec le risque de confusion... ».
290 J. Passa, Les conditions générales d'une atteinte au droit sur la marque, op. cit.
291 Voir notamment CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC, op. cit.
292 Directive 2008/95/CE du 22 oct. 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, op.
cit.
130
Publicité et droit des marques
308.
L'article 5 « droits conférés par la marque » de la directive 89/104 prévoit dans son
premier paragraphe les conditions de l'atteinte à la marque (A) en énonçant que « la marque
enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout
tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :
a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou services identiques à ceux pour
lesquels celle-ci est enregistrée ;
b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en
raison de l'identité ou la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le
signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque
d'association entre le signe et la marque ».
309.
Comme la Cour l'a relevé à plusieurs reprises, « la protection conférée à l'article 5,
§1, sous a), de la directive est (…) plus étendue que celle prévue au même article 5, §1, sous
b), dont la mise en œuvre exige l'existence d'un risque de confusion et donc la possibilité
d'une atteinte à la fonction essentielle de la marque »293. « En effet, en vertu du dixième
considérant de la directive 89/104, la protection conférée par la marque enregistrée est
absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services, alors
que, en cas de similitude entre la marque et le signe ainsi qu’entre les produits ou services,
le risque de confusion constitue la condition spécifique de la protection »294. Ainsi, dans
l'hypothèse de l'article 5, §1, a), le risque de confusion est automatiquement caractérisé du
fait de l'identité des signes et des produits ou services.
Ce risque de confusion est quoi qu'il en soit la condition d'une atteinte à la fonction
essentielle de la marque. Or, la protection accordée aux marques enregistrées a notamment
(et essentiellement) pour objet de garantir leur fonction de garantie de provenance (B).
293 Voir notamment CJCE, 9 jan. 2003, aff. C-292/00, Davidoff : Rec. CJCE 2003, I, p. 00389, point 28;
CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings (point 57) : Rec. CJCE 2008, I, p. 4231; Europe 2008,
comm. 231, note L. Idot ; Gaz. Pal. 2008, n° 341, note V. Staeffen et J. Dulucenay
294 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit.
131
Publicité et droit des marques
A- Les conditions de l'atteinte au droit des marques
310.
Dans l'arrêt Arsenal, la Cour a considéré que constituait une atteinte à la fonction
d'indication d'origine un usage « de nature à accréditer l'existence d'un lien matériel dans la
vie des affaires entre les produits concernés et le titulaire de la marque » (point 56).
Néanmoins, certaines conditions doivent être remplies afin que le titulaire d'une marque
enregistrée puisse exercer son droit exclusif et interdire ainsi à un tiers l'usage d'une signe
similaire ou identique à sa marque.
1) Les conditions communes aux articles 5, §1, a), et b), de la directive 2008/95
311.
Le titulaire d'une marque peut s'opposer à l'usage de celle-ci par un tiers mais cette
possibilité est subordonnée à plusieurs conditions qui découlent de l'article 5, §1, sous a) et
sous b) de la directive 2008/95 (ancienne directive 89/104). Ces conditions sont au nombre
de trois :
►L'usage en cause doit avoir lieu dans la vie des affaires,
►il doit être fait sans l'autorisation du titulaire de la marque,
►pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée.
312.
L'arrêt Arsenal apporte des précisions sur ces conditions. Il s'agissait dans cette
affaire d'un litige opposant le club de football anglais Arsenal (Arsenal F.C.) à Matthew
Reed, un commerçant. Le club de football est titulaire des marques « Arsenal » et « Arsenal
Gunners ». Monsieur Reed, quant à lui, vend, depuis 1970, des produits dérivés de football
non officiels revêtus des signes enregistrés par le club. Néanmoins, dans l'échoppe de M.
Reed, figurait un grand panneau précisant que les logos reproduits sur les produits
n'impliquaient aucun lien avec les fabricants et que seuls les produits portant des étiquettes
attestant qu'il s'agissait de produits officiels d'Arsenal en étaient. La High Court of Justice
(Angleterre et Pays de Galle), saisie, a décidé de sursoir à statuer, notamment au motif que
l'état du droit sur la question de la notion d'usage de la marque à titre de marque était
incertain et a posé les questions préjudicielles suivantes à la CJCE :
132
Publicité et droit des marques
1) « Dans une situation où une marque est régulièrement enregistrée et :
a) un tiers utilise dans le cadre de ses activités commerciales un signe identique à ladite
marque et l'appose sur des produits identiques à ceux pour lesquels ladite marque est
enregistrée, et
b) le tiers ne peut invoquer pour sa défense les dispositions de l'article 6, §1, de la directive
89/104/CEE,
ce tiers peut-il invoquer des limitations aux effets de la marque au motif que l'usage qui lui
est reproché ne comprend aucune indication d'origine (à savoir un lien dans la vie des
affaires entre les produits et le titulaire de la marque) ?
2) Dans l'affirmative, le fait qu'une telle utilisation soit perçue comme un signe de soutien,
de loyauté ou d'attachement au titulaire de la marque est-il susceptible de constituer un lien
suffisant ? »
La Cour a jugé que, dans une situation où un tiers utilisait dans la vie des affaires un
signe identique à une marque enregistrée pour des produits identiques à ceux pour laquelle la
marque est enregistrée, le titulaire pouvait, dans l'hypothèse du litige, s'opposer à un tel
usage conformément à l'article 5, §1, a), de la directive et que cette conclusion ne saurait être
remise en cause par la circonstance que le signe pourrait être perçu comme un témoignage
de soutien, de loyauté ou d'attachement au titulaire de la marque.
313.
Nous reviendrons sur la notion d'usage dans la vie des affaires plus loin, lorsque nous
nous intéresserons plus particulièrement aux problématiques soulevées par le référencement
payant, mais nous pouvons dès à présent relever que la Cour a apporté une importante
précision en considérant que « l'usage d'un signe identique à la marque a bien lieu dans la
vie des affaires, dès lors qu'il se situe dans le contexte d'une activité commerciale visant à
un avantage économique et non dans le domaine privé » (point 40).
314.
Par ailleurs, il convient de nous arrêter sur la notion d'usage de la marque « en tant
que marque » (ou « à titre de marque ») qu'ont utilisée Arsenal FC et la juridiction de renvoi
et qui a soulevé des interrogations quant à sa signification. Néanmoins, la Cour relève au
point 32 que la Commission a « fait valoir que le droit que tire le titulaire d'une marque de
l'article 5, §1, de la directive est indépendant de la circonstance que le tiers n'utilise pas le
signe en tant que marque... ».
133
Publicité et droit des marques
L'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer, dans ses conclusions295, considère
qu'« affirmer que le titulaire de la marque peut interdire à un tiers d'utiliser "la marque en
tant que marque", c'est parler pour ne rien dire » (point 41). En outre, comme le note
Monsieur le Professeur Jérôme PASSA (et comme l'a considéré la Commission), il semble
falloir considérer que cette notion étrangère au droit européen (et au droit français) et qui a
contribué aux difficultés de cette espèce englobe les conditions d'usage dans la vie des
affaires afin de distinguer des produits et des services296. En outre, il ressort de la formulation
de la question posée par la High Court of Justice que l'usage est fait à titre de marque
lorsqu'il a pour objet d'indiquer la provenance des produits ou services. A contrario, si
l'usage n'est pas fait dans ce but, il ne peut s'agir d'un usage en tant que marque et le titulaire
ne pourrait en principe pas s'y opposer.
Par ailleurs, l'avocat général relève que cet usage à titre de marque peut être présumé
dans les cas d'identité de marques et de produits pour les mêmes raisons que le risque de
confusion peut l'être en cas d'identité (point 52). Ainsi, c'est parce que la protection est
absolue en cas d'identité, c'est-à-dire qu'elle existe indépendamment d'un risque de
confusion, celui-ci étant présumé, que l'usage à titre de marque l'est de la même manière.
315. Néanmoins, il convient de relever que cette référence à l'usage de la marque en tant
que marque commence à s'implanter en France. Il semble alors que la condamnation pour
contrefaçon soit subordonnée à l'existence d'un usage de la marque à titre de marque. En
effet, dans une décision du 1er octobre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a
considéré que le titulaire d'une marque n'était habilité à interdire l'usage par un tiers d'un
signe identique ou similaire à sa marque que si cet usage était fait à titre de marque et
affectait ainsi la fonction de garantie de provenance297. Quelques semaines plus tard, le TGI
de Paris298 a refusé de qualifier d'acte de contrefaçon l'usage d'une reproduction ou d'une
imitation de marque à titre de méta-tag mais aussi à titre de nom de domaine au motif que de
tels usages n'étaient pas faits à titre de marque puisque ni les méta-tags, n'étant pas visibles
par les internautes, ni le nom de domaine, celui-ci n'apparaissant pas sur le site et n'étant
utilisé qu'en tant que chemin d'accès technique, ne pouvaient alors remplir la fonction de
295 Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jalabo Colomer, 13 juin 2002, Arsenal FC : Rec. 2002, I, p. 10273
296 J. Passa, L'usage de la marque dans la jurisprudence récente de la CJCE, op. cit.
297 TGI Paris, 3e ch., sect. 2, 1er oct. 2010, n°09/07583, Sté Place des Tendances c/ Promod
298 TGI Paris, 3e ch, sect. 3, 29 oct. 2010, Free c/ Osmozis
134
Publicité et droit des marques
marque. De même, dans un arrêt du 16 mars 2011299, la Cour d'appel de Paris a rejeté la
qualification de contrefaçon dans un litige opposant la Fédération française de Rugby (FFR)
à l'agence VIP Consulting notamment au motif que l'usage n'était pas fait à titre de marque.
316. Lorsque les conditions que nous venons de voir sont remplies, le titulaire d'une
marque peut s'opposer à l'usage d'un signe similaire ou identique à sa marque pour des
produits ou services identiques ou similaires mais dans le cas d'une simple similarité, il
devra démontrer qu'il résulte de cet usage un risque de confusion dans l'esprit du public.
2) Le risque de confusion de l'article 5, §1, b)
317.
Dans l'hypothèse de l'article 5, §1, b), il faut ajouter une quatrième condition : celle
d'un risque de confusion engendré par la similitude des signes et des produits. Ce risque de
confusion doit porter ou être susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. Ainsi
le onzième considérant de la directive 2008/95 (dixième de la directive 89/104) dispose que
« le risque de confusion, dont l'appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de
la connaissance de la marque sur le marché, de l'association qui peut en être faite avec le
signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les
produits ou services désignés, devrait constituer la condition spécifique de la protection ».
318.
La CJCE, dans l'arrêt Medion300, a considéré que « le dixième considérant de la
directive souligne que la protection conférée par la marque enregistrée a pour but de
garantir la fonction d’origine de la marque et que, en cas de similitude entre la marque et le
signe et entre les produits ou services, le risque de confusion constitue la condition
spécifique de la protection » (point 24). Puis elle a ajouté que « l’article 5, paragraphe 1,
sous b), de la directive n’[avait] ainsi vocation à s’appliquer que si, en raison de l’identité
ou de la similitude et des marques et des produits ou services désignés, il [existait], dans
l’esprit du public, un risque de confusion ». Enfin elle a précisé que « [constituait] un risque
de confusion au sens de cette disposition le risque que le public puisse croire que les
produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant,
299 CA Paris, , Pôle 5 ch. 1, 16 mars 2011, FFR c/ VIP Consulting
300 CJCE, 6 oct. 2005, aff. C-120/04, Medion : Rec. 2005, I, p. 855, points 24 à 271
135
Publicité et droit des marques
d’entreprises liées économiquement ».
319.
Dans l'arrêt O2, la Cour a rappelé la jurisprudence constante selon laquelle le risque
de confusion correspond à celui que le public puisse penser que « les produits et les services
en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant d'entreprises liées
économiquement » avant d'ajouter que « ainsi, l’usage du signe identique ou similaire à la
marque qui fait naître un risque de confusion dans l’esprit du public porte atteinte ou est
susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque »301.
320.
Il peut être utile de préciser que la CJCE a jugé que le risque d'association ne pouvait
remplacer celui de confusion bien que les articles 4, §1, b) et 5, §1, b) de la directive 89/104
précisent que le « risque de confusion [qui] comprend le risque d'association ».
Le risque de confusion a pour conséquence une possibilité que le public ne puisse
distinguer deux signes similaires au point de les confondre ce qui peut avoir pour effet une
perte d'affaires de l'entreprise titulaire de la marque ou une atteinte à l'image de la marque.
L'hypothèse du risque d'association, bien que pouvant entrainer les mêmes atteintes, n'est pas
la même. En effet, ce risque correspond à l'éventualité que le public établisse un lien entre
les deux signes, sans pour autant les confondre.
Pour la CJCE, il découle de la formulation de l'article 4, §1, b), que « la notion de
risque d'association n'est pas alternative à la notion de risque de confusion, mais (…) sert à
en préciser l'étendue. Les termes mêmes de cette disposition excluent donc qu'elle puisse
être appliquée s'il n'existe pas dans l'esprit du public, un risque de confusion »302.
321.
Par ailleurs, pour Benoît HUMBLOT, il convient de s'interroger sur l'opportunité de
fonder la protection des marques sur l'existence ou non d'un risque de confusion. En effet,
les consommateurs moyens ne savent souvent pas quelle entreprise se cache derrière les
produits qu'ils achètent. Ainsi, au sujet de l'arrêt Ferrero, il s'interroge sur la part des
consommateurs qui sait que les produits vendus sous les marques "Nutella", "Kinder", "Tic
Tac", "Duplo", etc. proviennent de l'entreprise Ferrero303.
301 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings, op. cit., point 59
302 CJCE, 11 nov. 1997, aff. C-251/95, Sabel : Rec. 1997, I, p. 06191 , point 18
303 B. Humblot, Droit des marques : risque de confusion autour du risque de confusion. L'exemple de l'arrêt
Ferrero, RLDI, 2008/43, n° 1404
136
Publicité et droit des marques
322.
En outre, l'exigence d'un risque de confusion uniquement dans le cas d'une simple
similitude entre les signes ou entre les produits ou services, et non en cas d'identité entre
ceux-ci, semble critiquable. C'est pourtant ce qu'a rappelé la Cour dans l'arrêt L'Oréal304. Elle
a rappelé qu'en vertu du dixième considérant de la directive 89/104, contrairement à
l'hypothèse d'une double identité de signes et de produits ou services où la protection est
absolue, « en cas de similitude entre la marque et le signe ainsi qu'entre les produits ou
services, le risque de confusion constitue la condition spécifique de la protection ». C'est
pourquoi, l'existence d'un risque de confusion est exigée dans l'hypothèse visée par l'article
5, §1, b) et non dans l'hypothèse du même article sous a), la protection étant dans ce cas «
plus étendue ».
Pour Monsieur le Professeur Jérôme PASSA, une lecture différente de ce considérant
conduirait à considérer que le risque de confusion est la condition spécifique de la protection
dans les deux hypothèses de stricte identité et de simple similitude305. En effet, le considérant
énonce que « la protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de
garantir la fonction d'origine de la marque, est absolue en cas d'identité entre la marque et
le signe et entre les produits ou services » puis indique que la protection s'applique aussi aux
hypothèses de similitude entre les signes ou entre les produits ou services avant d'ajouter que
« le risque de confusion (…) constitue la condition spécifique de la protection ». Cette
lecture quelque peu différente de celle de la CJCE a pour effet de voir le risque de confusion
être une condition de l'exercice du droit exclusif prévu par l'article 5, §1, sous a) et b). Ainsi,
pour M. PASSA, le considérant indique que la protection conférée par la marque est absolue
en cas de stricte identité entre les signes et les produits ou services, non pas afin d'indiquer
qu'elle ne dépend pas de l'existence d'un risque de confusion mais seulement pour indiquer
que celui-ci est présumé.
Cette affirmation va dans le sens des considérations de l'avocat général R.-J. Colomer
en 2002306 qui étaient les suivantes : « lorsque la directive dit que la protection est absolue
dans les cas d'identité, il convient d'entendre que, compte tenu de l'objet et de la finalité du
droit de marque, le terme "absolu" signifie que la protection est assurée au titulaire
304 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal c/ Bellure : Rec. 2009, I, p. 05185
305 J. Passa, Caractérisation de la contrefaçon par référence aux fonctions de la marque : la Cour de justice sur
une fausse piste, Propr. Industr. n°1., janv. 2011, ét. 1
306 Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jalabo Colomer, 13 juin 2002, Arsenal FC, op. cit.
137
Publicité et droit des marques
indépendamment du risque de confusion parce qu'en pareilles situations, il existe une
présomption qu'il en soit ainsi et non pas, au contraire, que la protection serait assurée au
titulaire à l'égard de tous et en toutes circonstances » (point 51).
Pour Pierre VIVANT307, le « risque de confusion est nécessairement présent en cas
d'identité de signes et de produits » et c'est pour cette raison que cette condition ne figure pas
dans l'article 5, §1, a) de la directive. Pour lui, il convient de ne pas parler d'action en
contrefaçon sans risque de confusion dans l'hypothèse d'une identité de signes et de produits
et avec risque de confusion dans l'hypothèse de similitudes mais plutôt de « contrefaçon
avec présomption irréfragable de risque de confusion » pour l'article 5, §1, a) et de
« contrefaçon avec risque de confusion à prouver » pour l'article 5, §1, b)308.
Cette interprétation nous paraît évidente car il est indéniable qu'une identité de signes
et de produits ou services entraine un risque de confusion dans l'esprit du public. La marque
ne peut alors jouer son rôle distinctif et il est ainsi porté atteinte à sa fonction d'indication
d'origine. Il semble alors que ce soit justement parce que ce risque de confusion constitue
une conséquence automatique de la double identité de signes et de produits ou services que
l'article 5, §1 a) de la directive ne l'exige pas.
323.
Nous reviendrons sur le risque de confusion plus tard néanmoins on peut noter que le
dixième considérant de la directive 89/104 qui est devenu le onzième de la directive 2008/95
a été sensiblement modifié. Ainsi alors que le considérant 10 était rédigé de la manière
suivante : « le risque de confusion (…) constitue la condition spécifique de la protection », le
onzième de la nouvelle directive énonce que « le risque de confusion (…) devrait constituer
la condition spécifique de la protection ». Néanmoins, cette très légère modification ne
devrait pas avoir d'incidence.
324.
Ainsi, la CJCE a indiqué à plusieurs reprises qu'un signe ne peut constituer une
contrefaçon que s'il porte atteinte à la fonction essentielle de la marque.
307 P. Vivant, Le risque de confusion : une notion inhérente à la contrefaçon de marque ?, Gaz. Pal., nov.
2008, n° 311, p. 18
308 Il était question dans cette étude de P. Vivant des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété
intellectuelle
138
Publicité et droit des marques
B- Une nécessaire atteinte à la fonction essentielle de la marque
325.
La CJCE subordonne la qualification de contrefaçon de la marque à la condition que
soit établie l'existence d'une atteinte ou d'un risque d'atteinte à la fonction essentielle de la
marque. En effet, la protection conférée au titulaire d'une marque enregistrée a pour objet de
protéger les marques des atteintes qui pourraient être faites à leur fonction essentielle, celle
de garantie d'identité d'origine. Ainsi, dans l'arrêt O2309 notamment, la CJCE rappelle qu'il
résulte de sa jurisprudence310 que le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage par un
tiers d'un signe identique ou similaire à sa marque, en application de l'article 5, §1, b), que si
quatre conditions sont réunies : l'usage doit avoir lieu dans la vie des affaires, sans le
consentement du titulaire de la marque, être fait pour des produits ou services identiques ou
similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée et enfin « il doit porter atteinte ou
être susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir
aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d'un risque de
confusion dans l'esprit du public ».
326.
L'article 5, §1, b) prévoit que le titulaire d'une marque peut interdire à un tiers de
faire usage d'un signe similaire à sa marque pour des produits similaires à ceux pour lesquels
la marque est enregistrée s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public. Ainsi,
comme on vient de le voir, dans cette hypothèse, contrairement à celle du même article sous
a), la victime d'une contrefaçon doit démontrer l'existence de ce risque de confusion dans
l'esprit du public311. Au contraire, en cas de stricte identité de signes et de produits ou
services et comme l'a clairement dit la CJCE, « l'article 5, §1, sous a), de la directive n'exige
pas la preuve d'un tel risque [de confusion] pour accorder une protection absolue en cas
d'identité du signe et de la marque ainsi que des produits ou des services »312.
Pourtant, il convient de relever que, bien que l'atteinte à la fonction essentielle soit en
principe présumée en cas d'identité de signes et de produits ou services, cette présomption
309 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings, op. cit., point 57
310 Cf. notamment CJCE, 12 nov. 2002, Arsenal, précité, CJCE, 16 nov. 2004, Anheuser-Bush, op. cit., CJCE,
25 janv. 2007, aff. C-48/05 , Adam Opel : Rec. 2007, I, p. 01017
311 R. Kovar, J. Larrieu , Marque, op. cit., p. 23
312 CJCE, 20 mars 2003, aff. C-291/00, LTJ Diffusion : Rec. 2003, I, p. 02799
139
Publicité et droit des marques
n'est pas irréfragable. En effet, la Cour, dans l'arrêt Opel313, a exclu qu'une telle identité soit
présumée causer une atteinte à la fonction de garantie de provenance dans le cas de logos
reproduits sur des jouets constituants des modèles réduits de voitures bien que la marque
Opel ait été enregistrée pour des jouets314 (« c'est à la juridiction de renvoi de déterminer,
par référence au consommateur moyen de jouets en Allemagne, si l'usage en cause au
principal porte atteinte aux fonctions du logo Opel en tant que marque enregistrée pour des
jouets » point 25).
Aux yeux de la Cour, il faut prendre en considération la perception du public visé.
Ainsi, si la juridiction de renvoie juge que le consommateur moyen, normalement informé et
raisonnablement attentif et avisé ne se méprend pas sur l'origine de la miniature, elle n'aura
d'autre choix que de considérer qu'un tel usage ne peut porter atteinte à la fonction
essentielle de la marque.
327.
L'étendue de la protection conférée par le droit des marques est définie par rapport
aux limites des fonctions de la marque. Ainsi, la CJCE semble avoir considéré, notamment
dans l'arrêt Arsenal315, qu'un signe n'est susceptible de porter atteinte à un droit sur la marque
et constituer une contrefaçon que s'il porte atteinte aux fonctions de la marque et notamment
à sa fonction essentielle.
328.
Il est assez intéressant de relever, qu'en l'espèce, il aurait été plus logique de fonder
la condamnation sur l'atteinte à la fonction de réservation de l'usage316. En effet, le panneau
dans l'échoppe de M. Reed permettait de dissiper les risques de confusion quant à l'origine
des produits. La Cour, en considérant qu'il y avait atteinte à la fonction d'indication d'origine
n'a pas choisi la solution la plus évidente. Néanmoins, depuis des années, il est de
jurisprudence constante que la fonction essentielle de la marque est celle de garantie de
provenance. Or, on sait que cette fonction a plus ou moins absorbé la fonction de réservation
de l'usage. Pourtant, c'est précisément cette dernière qui aurait été la plus appropriée pour
justifier la contrefaçon. La Cour n'a pas voulu s'y référer et a préféré fonder sa décision sur
l'atteinte à la fonction de garantie de provenance tout simplement.
313 CJCE, 25 janv. 2007, aff. C-48/05, Adam Opel, op. cit.
314 Comm. de l'arrêt Adam Opel : A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt Opel : Tout est relatif, même la
protection absolue, Propr. industr. 2007, n°3, comm. 18
315 CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC, op. cit.
316 J. Passa, Les conditions générales d'une atteinte au droit sur la marque, op. cit.
140
Publicité et droit des marques
329.
La CJCE, dans cet arrêt, a rappelé que « le droit exclusif prévu à l'article 5, §1, sous
a), de la directive a été octroyé afin de permettre au titulaire de la marque de protéger ses
intérêts spécifiques en tant que titulaire de la marque, c'est-à-dire d'assurer que la marque
puisse remplir ses fonctions propres. L'exercice de ce droit doit dès lors être réservé aux cas
dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte
aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux
consommateurs la provenance du produit » (point 51).
330.
C'est dans cet arrêt que la Cour a reconnu pour la première fois que les titulaires de
marques devaient être protégés contre les atteintes qui pourraient être portées, outre à la
fonction dite essentielle, aux autres fonctions de la marque. Cet arrêt constitue ainsi une
petite avancée vers la vision marketing de la marque en vertu de laquelle la marque a
notamment une fonction publicitaire.
141
Publicité et droit des marques
Chapitre 2
La reconnaissance d'autres fonctions telles que celles de
communication, d'investissement et de publicité
331.
La CJCE, dans l'arrêt Arsenal, a énoncé que l'exercice du droit exclusif prévu par
l'article 5,§1, a) de la directive 89/104 devait « être réservé aux cas dans lesquels l'usage du
signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la
marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la
provenance du produit »317. C'est ainsi que la Cour reconnaît pour la première fois qu'il
existe d'autres fonctions de la marque que la fonction de garantie d'origine et que le droit des
marques doit protéger les titulaires contre les atteintes qui pourraient être portées à ces
fonctions.
332.
Cette reconnaissance des autres fonctions constitue la prise en compte par le droit de
ce qu'est réellement la marque. La marque n'est ainsi pas une simple indication de
provenance. Comme nous l'avons vu plus haut, la marque constitue une valeur ajoutée pour
l'entreprise. En outre, elle incarne la politique, l'histoire et les valeurs de la marque. Elle
génère des sentiments chez les consommateurs (amour, haine, indifférence). Ainsi, bien que
l'indication de provenance du produit soit une fonction importante de la marque, il ne faut
pas oublier que ce que le client achète, ce n'est le produit, mais la marque. Cette simple
constatation reflète le rôle de la marque : certes le consommateur attend du produit une
certaine qualité, le respect d'un mode de fabrication mais, souvent, ce qu'il souhaite acquérir,
c'est l'univers de la marque, les éléments intangibles qui font du produit qui en est revêtu ce
qu'il est.
333.
La marque ne représente pas les mêmes intérêts selon le points de vue duquel on se
place. Ainsi, le consommateur, cible de la politique de la marque, attend d'elle qu'elle en
remplisse certaines fonctions qui sont différentes de celles qu'a la marque aux yeux du
fabricant ou du distributeur (section 1).
317 CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC, op. cit., point 51
142
Publicité et droit des marques
334.
La CJCE, en reconnaissant de « nouvelles » fonctions à la marque et en leur
accordant une protection, admet ainsi que la marque représente davantage qu'une indication
de provenance mais constitue une valeur pour l'entreprise. En effet, la notoriété et l'image de
la marque sont le fruit d'un travail et d'investissement permanents. L'entreprise doit donc
sans cesse prendre soin de sa marque car c'est elle qui sert d'intermédiaire avec les
consommateurs et pourra ainsi influer sur leur choix afin d'obtenir leur préférence. La
reconnaissance par la Cour de justice, en 2009, des fonctions de publicité et de
communication constitue donc une importante avancée et l'on peut alors voir dans cet arrêt
la reconnaissance par le droit de l'existence d'une relation étroite entre la publicité et les
marques (section 2).
Section 1. Les utilités reconnues par les différents acteurs de la vie
économique
335.
Bien que les fonctions de différenciation et d'indication d'origine soient des fonctions
importantes de la marque, elles ne sont pas les seules. En effet, la marque représente
notamment une valeur pour son titulaire. En outre, selon le point de vue duquel on se place,
la marque ne représente pas les mêmes enjeux. Il est donc nécessaire de ne pas limiter le rôle
de la marque à la fonction de garantie d'origine ou au rôle qu'elle occupe pour celui qui en
est titulaire, car chaque acteur de la vie économique lui attribue différentes fonctions.
Ainsi, pour le consommateur, la marque n'a pas le même intérêt que pour
le fabricant ou le distributeur. Le consommateur a besoin d'être rassuré, de savoir ce qu'il
acquiert et ce qu'il consomme. La marque est porteuse d'une promesse, ou du moins d'un
engagement. Elle représente une qualité et permet au consommateur de faire un choix. En
outre, elle représente des valeurs et un certain mode de vie auquel elle invite le
consommateur (§1).
336.
Par ailleurs, comme nous le verrons, la marque n'a pas non plus les mêmes fonctions
pour le fabricant et pour le distributeur (§2). Pour l'un, elle représente un moyen de se
143
Publicité et droit des marques
différencier de la concurrence mais aussi une plus-value en ce qu'elle apporte une valeur
ajoutée à l'entreprise et qu'elle lui permet de réaliser de plus importants bénéfices. Pour
l'autre, elle constitue un outil pour attirer la clientèle, et ce à moindre frais.
§1 Les utilités du point de vue des consommateurs
337.
La marque permet de différencier les produits mais pas seulement. Pour Jean-Noël
KAPFERER318, la marque présente neuf fonctions pour les consommateurs : une fonction de
repérage, une fonction de praticité (elle permet un gain de temps), une fonction de garantie,
une fonction d'optimisation (la certitude d'acheter le meilleur dans une catégorie de
produits), une fonction de personnalisation, une fonction de permanence, une fonction
hédoniste (satisfaction liée à l'esthétique de la marque), une fonction de stimulation et enfin
une fonction éthique. Pour simplifier, on peut considérer que la marque comprend deux
ensembles de fonctions aux yeux des consommateurs : une fonction de garantie et de
simplification en ce qu'elle rassure le consommateur et facilite le processus de choix (A) et
un fonction d'identification et de valorisation, le consommateur attendant d'un produit qu'il
lui renvoie une image positive de lui même (B).
A- Les fonctions de garantie et de simplification
338.
La marque sert de repère au consommateur. Elle lui permet d'acheter un produit en
toute confiance mais elle lui permet aussi de faire un choix plus rapide. Le consommateur,
grâce à la marque, sait en principe à quelle qualité s'attendre. La marque lui permet alors de
gagner du temps car, s'il le souhaite, il n'a alors pas à s'interroger sur les différents produits
offerts à la vente. Il peut choisir de faire confiance à la marque qui ne l'a pas déçu ou, du
318 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 19
144
Publicité et droit des marques
moins, qui lui est connue. La marque peut alors permettre de simplifier le processus de
choix.
1) La fonction de garantie de qualité
339.
Bien que la marque ne soit « pas destinée en droit français à contrôler l'origine ou la
qualité des produits ou services qu'elle accompagne »319, aux yeux des consommateurs, la
marque a bel et bien pour fonction de garantir l'origine et la qualité des produits. Elle permet
de diminuer le risque perçu par le client. La marque rassure car elle est un contrat de
confiance et elle garantit ainsi une qualité stable des produits quel que soit le lieu d'achat.
Elle doit donc, dans un premier temps, parvenir à gagner la confiance des consommateurs.
Le rôle qu'elle joue peut être très important quand l'achat du produit présente un risque aux
yeux du consommateur. Dans le cas contraire, elle perd de son utilité et se limite à un simple
nom sur une étiquette320.
340.
L'intérêt de cette fonction se fait surtout ressentir lorsque le produit en question est
impliquant car le client ne veut pas se tromper et prendre un produit de mauvaise qualité. La
marque joue ainsi un rôle important pour certaines catégories de produits pour lesquelles le
consommateur est impliqué telles que le café, les cosmétiques ou encore les aliments. En
effet, cette fonction de garantie est aussi très importante en ce qui concerne les denrées
alimentaires. Le consommateur a le besoin justifié d'être rassuré sur ce qu'il va ingérer mais
aussi (et surtout) sur ce qu'il va donner à manger à ses enfants. Or, les marques ont la
réputation d'être très pointilleuses sur la qualité de leurs produits et cette réputation garantit
que le produit commercialisé a fait l'objet de tous les contrôles nécessaires qui assurent une
complète sécurité. C'est ainsi que la marque Charal a su s'imposer lors de la crise bovine en
garantissant la qualité et la traçabilité de ses produits.
A l'inverse, pour certaines catégories de produits, le risque perçu est moindre et c'est
pour celles-ci que les marques perdent de leur importance. C'est le cas notamment des jus de
fruits, du lait, de l'essuie-tout. S'agissant de ces produits, les marques de distributeurs
319 J.-Ch. Galloux,Droit de la propriété industrielle, Dalloz, coll. Cours Dalloz, 2e éd., p. 380
320 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 15
145
Publicité et droit des marques
(MDD) occupent une grande part de marché.
341.
En outre, si le consommateur n'a pas les connaissances pour évaluer la qualité du
produit ou si le conditionnement l'en empêche, la marque jouera encore une fois le rôle de
garant de la qualité. Ainsi, une personne ayant peu de connaissances en informatique sera
tentée de se tourner (même sans le conseil d'un professionnel) vers un ordinateur dont la
marque a la réputation d'être solide.
342.
Lorsque l'achat est impliquant ou à risque, par exemple lorsqu'il s'agit d'une dépense
importante, la marque réduit le niveau du risque perçu. Le consommateur aura tendance à
aller vers une marque qu'il connait, soit parce qu'il l'a déjà testée, soit parce qu'il en a eu de
bons échos. La marque permet de réduire le risque d'une mauvaise surprise. Ce risque n'est
pas seulement celui de faire l'achat d'un produit peu performant, il peut consister en un
risque physique (un danger pour l'utilisateur), psychologique (une insatisfaction quant à la
consommation du produit) ou encore social comme nous le verrons plus loin321.
343.
Néanmoins, comme le relève Benoît HEILBRUNN, cette fonction de garantie a
perdu de sa pertinence car, de nos jours, la plupart des produits que l'on trouve sur le marché
sont marqués322. Par ailleurs, le hard discount a vu sa part de marché augmenter. Qu'en
conclure ? Que le consommateur n'est plus attaché autant qu'avant à la qualité promise par
les marques ? Que tous les produits se valent ?
En réalité, la marque a perdu, du moins dans certains domaines, de sa capacité
à assurer au consommateur que ses produits sont de meilleure qualité. Par conséquent, le
public ne croit plus vraiment à une différence significative323. Or, c'est précisément l'objectif
des marques. Elles doivent garantir une qualité supérieure et c'est pour cela que les
consommateurs sont prêts à payer plus cher pour leurs produits. Les marques doivent alors
apporter une prestation objectivement bien supérieure à celle des magasins de hard discount
(ou du low cost en général) si elles veulent parvenir à garder leur clientèle. Ainsi, une
marque moyenne gamme ne tiendra pas la comparaison avec un produit hard discount qui
présentera alors des qualités similaires à un prix moins élevé. Il faut une réelle valeur
321 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 70
322 Ibid., p. 69
323 FAQ la marque, op. cit., p. 25
146
Publicité et droit des marques
ajoutée.
344.
Enfin, il est nécessaire de constater que la marque a une influence sur la perception
des qualités intrinsèques des produits324. S'ils sont marqués, le consommateur leur prêtera des
qualités supérieures aux produits sans marque (ou de marque moins prestigieuse) à ce seul
motif. Ainsi, le diamant sera plus pur, la voiture plus puissante, ou encore le textile de
meilleure qualité. Ces considérations sont le plus souvent justifiées. Néanmoins, le
consommateur aura cette conviction avant même d'avoir pu se faire une idée précise et par
lui-même de la qualité du produit.
345.
La marque permet alors au consommateur d'être rassuré sur les qualités d'un produit
et il va, de ce fait, préférer ce dernier à ceux des concurrents sans forcément avoir fait une
comparaison. Par conséquent, la présence de la marque sur un produit va constituer, outre un
gage de qualité, un élément de simplification du choix et donc de l'achat et ainsi permettre
un gain de temps.
2) La fonction de simplification
346.
La marque est constituée d'éléments différenciateurs tels que le logo, les formes ou
les couleurs qui permettent aux clients de la repérer plus facilement. Cette fonction de la
marque est très importante car elle permet non seulement de rappeler au consommateur son
choix antérieur mais aussi car cela accélère le processus de choix, ce qui est important étant
donné que les consommateurs passent en moyenne entre 5 et 12 secondes seulement dans un
rayon afin de choisir une marque dans une catégorie donnée325. Le consommateur souhaite
passer le moins de temps possible devant un rayon. La marque lui permet de se simplifier la
tâche en allant vers les marques qu'il connait. Il peut s'agir de marques qu'il a testées et
appréciées ou de marque dont il connait la réputation. Ainsi, la notoriété et l'image de la
marque sont importantes dans le processus de choix du consommateur.
La marque permet au client de retrouver facilement un produit qu'il a apprécié. Il ne
324 Marketing-management, op. cit., p. 304
325 C. Lai, La marque, op. cit., p. 22
147
Publicité et droit des marques
cherchera alors pas forcément à en essayer un autre. Pour cette raison, la fonction
d'identification de la marque est importante car le consommateur ne veut pas s'embarrasser
de doutes. Il veut aller au plus simple. La marque lui permet de gagner du temps avec un
risque moindre. Ainsi, il peut se créer une sorte de « conduite routinière »326. Les marques
doivent donc tout mettre en œuvre pour être celles qui auront la préférence du
consommateur, et ce le plus tôt possible. Les consommateurs n'aiment pas spécialement le
changement, notamment lorsqu'ils sont attachés à la marque. Il faut donc parvenir à les
atteindre avant de les fidéliser.
347.
Néanmoins, la fonction de repère de la marque peut s'avérer utile même lorsque le
client ne l'a jamais testée. Dans ce cas, c'est la notoriété et l'image qui sont importantes et il
en va de même lorsque l'on est en présence d'un produit peu impliquant qui ne générera pas
obligatoirement un comportement fidèle.
348.
La marque sert donc de repère. Cette fonction peut notamment s'avérer utile en cas
de voyage à l'étranger327. Une marque connue (ou reconnue) dans les rayons facilite le
processus de choix, surtout quand on ne connait pas les produits étrangers et qu'on ne parle
pas la langue. De plus, la marque promet les mêmes prestations quel que soit le lieu d'achat.
Outre son aspect rassurant, la marque présente d'autres caractéristiques et fonctions. En effet,
elle permet au consommateur de s'identifier à la marque ou à sa clientèle et ainsi de tenter de
se rapprocher de « l'image de soi » à laquelle il aspire.
B- La fonction d'identification et de valorisation
349.
La marque joue un rôle à la fois d'un point de vue psychologique mais aussi d'un
point de vue social. En effet, les caractéristiques de la marque permettent au consommateur
de signifier son appartenance à un groupe ou de se sentir valorisé en acquérant un produit en
étant revêtu328. Ainsi, comme le dit Jean-Noël KAPFERER, « dis-moi ce que tu consommes,
326 Mercator, op. cit., p. 760
327 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 69
328 C. Lai, La marque, op. cit., p. 22
148
Publicité et droit des marques
je te dirai qui tu es »329. La marque permet ainsi au consommateur d'afficher et de
revendiquer sa personnalité. En effet, « l'identité se définit de plus en plus par un mode de
vie, une façon de consommer »330.
350.
Par le biais de la marque, le consommateur indique qu'il partage les valeurs de celle-
ci ou qu'il tente de se les approprier. On parle alors d'identification (lorsque les valeurs de la
marque et du consommateur sont communes) ou de projection (lorsque le consommateur
veut s'approprier l'image de la marque)331. Ainsi, le consommateur peut acheter un produit de
la marque parce qu'elle constitue un signe de reconnaissance au sein de sa "tribu" ou de celle
à laquelle il veut appartenir. Il y a donc deux hypothèses : par exemple, je porte du Nike
parce que je fais partie de la tribu hip-hop ou bien je porte du Nike parce que je veux que
cette communauté là m'accepte et je veux les persuader que j'ai bien ma place au sein de leur
groupe.
Ainsi, on peut distinguer deux sortes d'identification à la marque332 :
► L'identification globale à la marque : le consommateur partage les valeurs de la marque
► L'identification à la clientèle de celle-ci : le consommateur assimile alors sa personne au
client type de la marque
351.
La marque permet au consommateur d'exprimer sa personnalité et ses valeurs. Les
produits deviennent alors des biens « positionnels » car ils « permettent à l'individu de
prendre position dans son environnement social »333 . Ceci est d'autant plus vrai dans le
domaine vestimentaire et notamment s'agissant de consommateurs adolescents. Ils cherchent
ainsi à exprimer leurs valeurs et à montrer leur appartenance à une catégorie de personnes, à
un mode de vie ou de pensée (les hippies, les punks, les surfeurs, etc.).
La marque diminue le risque social car elle permet au consommateur de ne pas se
tromper, ou du moins de réduire ce risque, dans l'achat d'un produit ostentatoire. La marque
peut jouer un rôle important dans l'identification du consommateur. Il convient de rappeler
que l'homme a un fort instinct grégaire. La marque lui permet alors de s'affilier à un groupe,
329 FAQ la marque, op. cit., p. 25
330 D. Darpy et P. Volle, Comportement du consommateur, op. cit.., p. 2
331 Publicitor, op. cit., p. 145
332 Au coeur de la marque, op. cit., p. 26
333 Comportement du consommateur, op. cit., p. 3
149
Publicité et droit des marques
à une "tribu". Elle remplit ainsi une fonction identitaire.
352.
Lorsqu'un achat comporte des enjeux importants pour le consommateur, la marque se
montre rassurante et justifie les choix du consommateur. Elle réduit le risque de se tromper
et d'être critiqué. Pour reprendre l'exemple très parlant cité dans l'ouvrage Mercator, une
personne invitée à un diner apportera une bouteille revêtue de l'étiquette d'un grand cru334.
Ainsi, non seulement il a de moins grandes chances de se tromper, surtout s'il n'est pas un
grand connaisseur, mais, en outre, son hôte y verra sans doute une preuve de bon goût. La
marque permet donc de diminuer le risque perçu et évite souvent les faux pas. Ceci est
essentiellement vrai dans les cas d'achats ostentatoires ou lorsqu'il faut avoir certaines
connaissances pour effectuer un choix. La marque permet de rassurer le consommateur sur la
pertinence de son choix mais aussi de laisser penser qu'il a bon goût ou qu'il est connaisseur
dans le domaine en question.
353.
Lorsqu'il s'agit d'un achat ostentatoire, la marque est primordiale. Par exemple,
lorsque l'on achète des vêtements, ceux-ci peuvent représenter bien plus qu'un simple style
vestimentaire ; ils peuvent indiquer aux tiers l'appartenance d'une personne à une certaine
classe sociale. Un costume Armani, par exemple, pourra indiquer que la personne qui le
porte appartient à une classe aisée. Ceci est également vrai s'agissant des bijoux et des
montres. Tout le monde se souvient de ce qu'a dit le publicitaire Jacques Séguéla : « si à 50
ans on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie ». Cette phrase maladroite a tout de
même le mérite de mettre en valeur une certaine vérité. Les gens jugent leurs pairs en
s'arrêtant à des signes extérieurs (de richesse). En cela, la marque a une fonction valorisante
mais aussi identitaire : je t'accepte parce que tu es mon égal. Tu es à mon niveau et par
conséquent je te respecte. Le témoignage du succès et l'appartenance à une certaine classe
(ou caste?!) passe très fréquemment par la possession de signes ostentatoires de réussite.
354.
Par ailleurs, un produit de marque vaut plus cher qu'un produit en étant dépourvu.
Cet écart de prix résulte en théorie de la différence de qualité mais pas seulement car elle
permet de renvoyer une image de lui-même valorisante au consommateur. Ainsi, il considère
qu'il dépense plus car il le mérite335. La marque et son prix supérieur à la concurrence le
334 Mercator, op. cit., p. 760
335 Publicitor, op. cit., p. 144
150
Publicité et droit des marques
valorisent : pour le consommateur, la qualité du produit et la satisfaction de se dire qu'il a
acquis un produit d'un bon standing sont mérités. Non seulement, il y a droit, mais, en plus,
il y met le prix. Cette constatation est d'autant plus vrai dans les achats impliquants,
notamment en ce qui concerne encore une fois les vêtements, les voitures et les produits
cosmétiques. Ainsi, comme le dit David AAKER336, « savoir que la montre que l'on porte à
son poignet vient de chez Cartier la rend, pour beaucoup, plus agréable à porter ». Cette
phrase traduit très bien l'attachement des consommateurs aux marques : un produit peut être
aussi performant ou beau que possible, néanmoins, s'il n'est pas marqué, il n'apportera pas la
même satisfaction.
355.
Il résulte de ces observations que les marques représentent une valeur pour les
consommateurs. Néanmoins, c'est essentiellement aux yeux des producteurs et des
distributeurs que la marque possède la plus grande valeur. En effet, autant les marques
peuvent constituer un gage de qualité pour les consommateurs, autant elles vont constituer
aux yeux des industriels et des commerçants un chiffre d'affaire, une plus-value et c'est bien
cet objectif qui pousse les entreprises à dépenser de très grosses sommes en investissements
publicitaires et marketings.
§2 Les utilités du point de vue des producteurs et des distributeurs
356.
La marque a des fonctions différentes selon que l'on se place du point de vue du
fabricant ou de celui du distributeur. Comme nous l'avons vu, le fabricant a pour objectif de
se démarquer de la concurrence mais ainsi de faire en sorte d'augmenter (ou du moins de
stabiliser) son chiffre d'affaires (A). Le distributeur, quant à lui, voit aussi en la marque un
moyen d'augmenter ses bénéfices, et ce non seulement grâce à la marge que la vente des
produits de fabricants lui assurent mais aussi en ce qu'elle permettra d'attirer les clients vers
son enseigne. Ils seront alors ainsi plus susceptibles de se tourner vers les produits de sa
propre marque (B).
336 Management du capital-marque, op. cit., p. 21
151
Publicité et droit des marques
A- L'intérêt pour le producteur : la valeur ajoutée par la marque
357.
La marque permet au fabricant de se différencier de la concurrence. Il doit donc faire
en sorte que sa marque soit facilement identifiable et donc distinguable. Cette identification
passe bien évidemment par des moyens graphiques mais pas seulement. C'est aussi l'histoire
de la marque, ses valeurs qui la rendent unique. L'identité de la marque permet alors
d'augmenter sa valeur, tant financière que commerciale. Les clients seront davantage enclins
à dépenser plus pour acheter les produits de la marque.
358.
Ainsi qu'on l'a déjà vu, la marque est un actif de l'entreprise et elle a une valeur
financière. Celle-ci correspond au goodwill qui permet de déterminer la valeur propre de la
marque, indépendamment de celle de l'entreprise. Un fort capital marque peut constituer une
très grande plus-value pour cette dernière. Non seulement le capital marque va permettre une
plus grande évaluation de l'entreprise titulaire, mais aussi, il va permettre d'augmenter la
valeur de la marque, notamment aux yeux des consommateurs. Ainsi, une marque ayant une
valeur importante à leurs yeux va permettre de vendre davantage et plus cher.
359.
Avoir une marque forte est important afin de séduire de nouveaux consommateurs
mais aussi afin de conserver les clients de la marque. En outre, elle peut constituer un fonds
de commerce stable car, on l'a vu, une marque forte confère un certain répit à l'entreprise en
cas d'attaques de la concurrence ou en cas de défaillance temporaire.
360.
C'est la marque qui incite le consommateur à acheter le produit. Pour des produits de
qualité équivalente, le produit marqué sera le plus souvent celui qui aura la préférence des
consommateurs, et ce non seulement parce que la marque est un indicateur de qualité, mais
aussi parce que le consommateur pourra se projeter dans l'univers de la marque. Cette
univers est une construction du marketing et notamment de la publicité. Elle promet
davantage au consommateur que la simple satisfaction qu'entraine la consommation du
produit ; elle lui offre une part d'imaginaire et c'est ce qui légitime des prix plus élevés.
361.
La marque permet de vendre plus cher les produits. C'est ce que l'on appelle la prime
de marque. Elle doit donc être en mesure de justifier cet écart de prix en veillant à la qualité
152
Publicité et droit des marques
de ses produits mais aussi à l'image de la marque. C'est cette image qui autorise la marque à
vendre plus cher ses produits. Cette possibilité de vendre les produits à un prix supérieur à la
concurrence résulte du fait que, pour le consommateur, la marque est bien plus qu'un nom.
Elle représente un ensemble de valeurs et un imaginaire. En outre, elle représente un savoirfaire et donc une qualité supérieure. Néanmoins, une marque forte va tout de même
permettre une prime de marque quand bien même les produits concurrents seraient de qualité
similaire grâce à la confiance qu'elle suscite. C'est pour cela qu'il faut veiller à l'image de la
marque et tout mettre en œuvre pour fidéliser la clientèle car une marque forte nécessite que
les consommateurs y soient attachés.
B- L'intérêt pour le distributeur
362.
Les marques ne présentent pas seulement un intérêt pour les producteurs qui en sont
titulaires. Elles présentent aussi des avantages pour les distributeurs. Néanmoins, ces
derniers, depuis quelques dizaines d'années, ne commercialisent plus seulement des produits
de marques dites "de fabricants". En effet, de nos jours, le distributeur a, dans ses rayons,
deux sortes de marques : les marques de fabricants et les marques dites de distributeurs
(MDD). Les premières lui assurent la présence des consommateurs qui leur sont attachés.
Les secondes, bien que moins renommées, présentent tout de même certains avantages pour
les distributeurs.
1) Les grandes marques
363.
Nous allons appeler "grandes marques" les marques de fabricants c'est-à-dire les
marques qui ne sont pas spécifiques à une enseigne et que l'on appelle parfois encore
marques nationales bien qu'à l'heure de la mondialisation cela ne soit plus vraiment
pertinent. Elles sont les plus anciennes. Il s'agit de celles dont nous avons étudié l'évolution
et qui sont les héritières des signatures d'artisans. Elles jouissent, pour certaines, d'une
153
Publicité et droit des marques
grande notoriété et permettent aux distributeurs d'attirer les clients. Ainsi, un consommateur
qui désire acheter du Coca-Cola n'irait pas chez Leader Price qui vend exclusivement des
produits de sa marque propre. En outre, les grandes marques permettent aux distributeurs de
réduire leurs efforts commerciaux337. Ce sont les marques qui promeuvent leurs propres
produits. Les distributeurs n'ont pas à le faire. Ils se contentent de distribuer des prospectus
précisant les promotions en cours. Les consommateurs savent qu'ils trouveront les grandes
marques dans les supermarchés sans que ces derniers aient besoin de communiquer.
364.
Par ailleurs, elles permettent aux enseignes d'avoir de fortes marges car, outre les
marges avant qui sont les marges commerciales classiques sur la vente des produits, les
marges arrières peuvent être très importantes. Ces dernières correspondent aux frais facturés
et perçus, sous forme de remises, par l'enseigne pour le référencement du produit d'un
fournisseur et la communication y afférent338. Les grandes marques permettent aussi de
transférer les risques de l'enseigne vers l'industriel339 car le contrat de confiance ne lie que le
titulaire de la marque et non le distributeur. En outre, en cas d'insatisfaction ou tout
simplement d'interrogations de la part du client, des moyens sont mis en œuvre pour qu'il
puisse s'adresser directement au service-consommateur de celle-ci, sans passer
nécessairement par le distributeur (par exemple grâce au développement des numéros
d'appel pour les consommateurs). Enfin, elles permettent de fidéliser la clientèle.
Néanmoins, on peut se demander à qui le consommateur est fidèle : à la marque ou à
l'enseigne ?
2) Les marques de distributeurs (MDD)
365.
Les MDD ont commencé à se développer réellement à partir des années 1970.
Pourtant, le phénomène est plus ancien. En effet, les premières marques de distributeurs sont
apparues au Royaume-Uni durant la seconde moitié du XIXème siècle (grâce aux enseignes
Sainsbury et Mark & Spencer).
337 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 84
338 Néanmoins, il convient de préciser que depuis la loi de modernisation de l'économie (LME), les marges
arrières doivent apparaître sur les factures et peuvent être répercutées sur les prix de vente.
339 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 84
154
Publicité et droit des marques
Elles peuvent être définies comme des marques développées par une enseigne de
distribution, qui fabrique elle-même les produits ou qui sous-traite à un fabricant, dont les
produits sont vendus exclusivement chez ce distributeur340. Ainsi, la Loi NRE du 15 mai
2001 énonce à l'article 62 qu' « est considéré comme produit vendu sous la marque de
distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l'entreprise, ou le groupe
d'entreprises, qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous
laquelle il est vendu »341.
366.
Il existe différents types de MDD : les marques-enseignes qui portent seulement le
nom de l'enseigne (Carrefour), les noms cautionnés par l'enseigne (Monoprix la Forme), ou
les marques-propres qui ne portent pas le nom de l'enseigne mais qui sont exclusivement
distribuées par elle (Monique Ranou chez Intermarché).
367.
Les MDD comportent plusieurs avantages pour les distributeurs. Tout d'abord, elles
permettent à ces derniers d'avoir des marges plus importantes qu'avec les produits de
marques de fabricants. En effet, les produits de MDD font souvent l'objet de moins
d'investissement en recherche et développement que les produits de marque nationale ainsi
qu'en marketing. Les MDD permettent aussi d'être dans une meilleure position face aux
fabricants des grandes marques. Les distributeurs peuvent ainsi avoir un atout de poids pour
ne pas accepter des exigences excessives de la part de leurs fournisseurs et peuvent ainsi
riposter (par exemple en les menaçant de déréférencement). Enfin, les MDD peuvent
permettre de fidéliser les consommateurs. Leurs produits ont un coût de revient inférieur à
ceux des marques de fabricants et peuvent donc être proposés à des prix moins élevés, ce qui
peut attirer une certaine clientèle. Par ailleurs, le client, s'il est satisfait des produits, est
susceptible de s'attacher à l'enseigne. Les produits de MDD que le consommateur
affectionne n'étant disponibles que dans l'enseigne à laquelle ils appartiennent, il devra
revenir dans celle-ci pour pouvoir les trouver. De plus, le consommateur est assuré de la
constance de la qualité des produits car le distributeur, en apposant sa "signature" sur le
produit, le cautionne. Il s'agit là d'un des objets de la marque : la garantie de qualité des
biens ou services, fonction qui, bien qu'ayant toujours existé, ne fut juridiquement reconnue
que récemment comme nous le verrons plus loin.
340 C. Lai, La marque, op. cit., p. 25
341 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE), JORF n° 113 du
16 mai 2001, p. 7776
155
Publicité et droit des marques
368.
Les distributeurs, en misant en général sur des produit d'une qualité moyenne à des
prix inférieurs à ceux des grandes marques, ont permis de toucher une clientèle moins
attachée à des produits en particulier et qui recherche de bons rapports qualité-prix. Ceci est
d'autant plus vrai pour certains types de produits. Ainsi, les consommateurs vont davantage
vers les produits de distributeurs pour les achats peu impliquants qui présentent un faible
risque. Il faut tout de même préciser que certains produits de MDD sont aujourd'hui d'une
qualité au moins égale à des produits de grandes marques et sont parfois plus chers.
Certaines MDD misent aujourd'hui sur la qualité et tentent de devenir des marques fortes
avec une personnalité qui leur est propre (par exemple : Escapades Gourmandes chez
Carrefour, Sélection Gourmande chez Intermarché).
369.
Ainsi, comme nous venons de le voir, la marque possède différentes fonctions selon
le point de vue duquel on se place. Parmi celles que nous venons de voir, figure la fonction
de garantie de qualité. Celle-ci fait partie des fonctions récemment reconnues par la Cour de
justice. En effet, dans un arrêt de 2009, elle a reconnu l'existence de fonctions telles que
celles de garantie de qualité, de communication, d'investissement et de publicité.
Section 2. Les fonctions nouvellement reconnues par le droit
370.
La CJCE, dans l'arrêt Arsenal342, a énoncé que le droit exclusif prévu par l'article 5,
§1, a) de la directive 89/104 devait « être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par
un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et
notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance
du produit ».
371.
Ainsi, la marque doit être protégée contre les atteintes qui pourraient être portées à sa
fonction essentielle mais celle-ci ne constitue plus l'unique fonction que la CJCE entend
342 CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC, op. cit.
156
Publicité et droit des marques
protéger. Toutefois, dans le cas d'atteintes à des fonctions autres que la fonction de garantie
de provenance, le titulaire de la marque ne peut faire cesser ces atteintes qu'à la condition
que le signe en cause ainsi que les produits ou les services concernés soient strictement
identiques à sa marque et aux produits ou aux services pour lesquels elle est enregistrée (et
non seulement similaires) (§1).
En 2009, dans l'arrêt L'Oréal343, la Cour de justice a enfin cité quelques unes des
fonctions de la marque : les fonctions de garantie de qualité, de communication,
d'investissement et surtout de publicité. Cette reconnaissance, notamment des fonctions de
communication et de publicité de la marque va enfin dans le sens de la vision qu'en ont les
professionnels du marketing et consacre le lien étroit qui existe entre la marque et la
publicité (§2).
§1 D'autres fonctions que la fonction essentielle
372.
Comme nous l'avons vu, la marque a, aux yeux de la jurisprudence européenne, pour
fonction essentielle de garantir l'identité d'origine des produits ou des services. Néanmoins,
elle ne constitue pas la seule fonction de la marque. La marque a notamment pour fonction
de réserver au titulaire l'usage du signe enregistré. En outre, la marque remplit des fonctions
économiques, sociologiques ou psychologiques344.
373.
La CJCE, en 2002, a reconnu l'existence de ces autres fonctions et a considéré que le
titulaire d'une marque pouvait interdire l'usage d'un signe identique à sa marque lorsque cet
usage portait atteinte ou était susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque
(A). Bien que la reconnaissance de ces autres fonctions soit déjà une grande avancée il ne
faut cependant pas négliger leur importance. En effet, ça serait amoindrir leur rôle que de
persister à vouloir caractériser l'atteinte à la fonction de garantie d'identité d'origine lorsque
l'atteinte est en réalité portée à l'une des autres fonctions de la marque (B).
343 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal c/ Bellure, op. cit.
344 OHMI, 14 sept. 2000, Uniliver, R 436/1999-1, PIBD 2001, 724-III-367
157
Publicité et droit des marques
A- L'existence d'autres fonctions
374.
La marque n'a pas pour seule fonction l'indication d'origine des produits. On l'a vu,
elle a des fonctions économiques et véhicule des valeurs, des visions. En effet la marque
représente une qualité et une réputation aux yeux des consommateurs 345. Pour l'entreprise, la
marque a une valeur qui lui est propre car elle génère une plus-value.
375.
Ainsi, la marque n'a pas comme seule fonction celle de garantir la provenance des
produits ou des services. Elle représente des fonctions différentes pour l'entreprise et pour les
consommateurs. En outre, la jurisprudence européenne avait reconnu en premier lieu la
fonction de réservation de l'usage. Toutes ces constatations nous confirment que la fonction
de garantie d'identité d'origine n'est pas la seule fonction de la marque.
376.
Pour Benoît HUMBLOT, la fonction d'indication de provenance « n'est socialement
et linguistiquement pas la fonction essentielle de la marque mais en vérité une fonction très
secondaire »346. Ainsi, il considère que « la fonction sociale des marques est de nommer
individuellement des produits ou des services et non d'indiquer leur entreprise de
provenance
; le regard de l'industriel n'est pas celui du consommateur. L'exigence
d'absence de distinction des entreprises d'origine des produits ou des services marqués est
donc sans lien nécessaire avec l'économie sociale et linguistique des marques. Cela a pour
conséquence que dans des hypothèses d'association possible entre marque imitatrice et
marque imitée (…), la jurisprudence n'hésite pas à condamner sur la base de raisonnements
quelque peu "plaqués", forcés, voire artificiels »347.
377.
L'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a considéré qu'il semblait « simpliste et
réducteur de limiter la fonction de la marque à une simple indication d'origine ». En effet, il
relève que « les consommateurs ignorent généralement l'identité des biens qu'il consomment
[et que la marque] exprime une qualité, une réputation et même, dans certains cas, une
345 D. Poracchia, La reprise des emblèmes sportifs et la fonction de la marque, op. cit.
346 B. Humblot, Droit des marques : apports essentiels de la CJCE autour de la fonction essentielle de la
marque. Regard sur les enseignements de l'arrêt « L'Oréal » du 18 juin 2009, RLDI, 2009/53, p. 8-14
347 B. Humblot, Droit des marques : risque de confusion autour du risque de confusion. L'exemple de l'arrêt
Ferrero, op. cit.
158
Publicité et droit des marques
conception de la vie ». Il ajoute alors que le signe distinctif peut indiquer la provenance mais
aussi la réputation du titulaire ou encore la qualité des produits. Pour ces raisons, l'avocat
général considère qu'il n'y a « aucune raison qui empêcherait de protéger uniquement la
fonction d'indication de l'origine des biens ou des services »348.
La Cour a suivi l'avocat général et a considéré que « le droit exclusif prévu
à l'article 5, §1, de la directive a été octroyé afin de permettre au titulaire de la marque de
protéger ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de cette marque, c'est-à-dire d'assurer
que cette dernière puisse remplir ses fonctions propres et que, dès lors, l'exercice de ce droit
doit être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est
susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction
essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits »349.
378.
La Cour reconnaît enfin d'autres fonctions que le fonction essentielle à la marque et
considère que le droit exclusif prévu par l'article 5, §1 de la directive 89/104 peut être mis en
œuvre lorsqu'il est porté atteinte à ces autres fonctions. Un peu plus loin, elle ajoute
d'ailleurs que « le titulaire ne pourrait pas interdire l'usage d'un signe identique à la marque
pour des produits identiques à ceux pour lesquels sa marque a été enregistrée si cet usage
ne peut porter préjudice à ses intérêts propres en tant que titulaire de la marque eu égard
aux fonctions de celle-ci »(point 54). La Cour reconnaît alors que la contrefaçon ne résulte
pas seulement d'une atteinte à la fonction essentielle de la marque. Le titulaire peut alors
interdire l'usage par un tiers d'un signe identique à sa marque dès lors que, quand bien même
cet usage ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de sa marque, il porte atteinte à
d'autres fonctions.
348 Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jalabo Colomer, 13 juin 2002, Arsenal FC, op. cit., points 46 et 47
349 CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC, précité, pnt 51 et voir aussi CJCE, 25 janv. 2007, aff. C48/05, Adam Opel, op. cit. ; CJCE, 16 nov. 2004, aff. C-245/02, Anheuser-Busch, op. cit.
159
Publicité et droit des marques
B- Des fonctions importantes mais pourtant négligées
379.
Il est important de ne pas négliger la première fonction reconnue historiquement. En
effet, il peut s'avérer dangereux de laisser des atteintes être portées à la fonction de
réservation de l'usage. Le titulaire d'une marque peut ainsi se trouver impuissant face à des
utilisations de ses signes, qui, bien que n'entrainant pas de confusion dans l'esprit du public,
peuvent constituer des atteintes à son monopole350. Ainsi, pour Pascale TREFIGNY-GOY, il
conviendrait « de revenir à l'essentiel, à l'origine en quelque sorte, en rétablissant la
fonction d'exclusivité comme premier critère pour apprécier un acte à la lumière d'un droit
de marque "raisonnable" »351.
380.
Comme on l'a vu, la fonction de garantie de provenance a, d'une certaine façon,
absorbé la fonction de réservation de l'usage. Ainsi, dans l'arrêt Arsenal, la Cour a préféré
fonder la condamnation sur l'existence d'une atteinte à la fonction de garantie d'identité
d'origine. Or, le panneau dans l'échoppe semblait permettre de dissiper les doutes possibles
quant à l'origine des produits. Il semble davantage que l'atteinte ait consisté en la
reproduction de signes enregistrés. Pourtant, la Cour a jugé que « l'usage de ce signe [était]
de nature à accréditer l'existence d'un lien matériel dans la vie des affaires entre les
produits concernés et le titulaire de la marque » (point 56).
381.
Bien que la Cour, dans cet arrêt reconnaisse que la protection conférée au titulaire de
la marque doit être mise en œuvre quelle que soit la fonction à laquelle il est porté atteinte,
elle semble vouloir éviter de fonder la condamnation sur une fonction autre que la fonction
essentielle. On peut alors s'interroger sur l'opportunité de cette reconnaissance des autres
fonctions.
382.
Par ailleurs, dans l'arrêt Google352, la CJUE a considéré que « dans l'hypothèse, visée
350 P. Tréfigny-Goy, L'incidence de la fonction sur la portée de la protection de la marque, Propr. industr., oct.
2010, n°10, dossier 5
351 Ibid.
352 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google; Europe 2010, comm. 181, L. Idot; JCP G 2010, note
642, L. Marino; Cont. Conc. Conso. 2010, comm. 132, M. Malaurie-Vignal; Propr. industr. 2010, comm. 38,
A. Folliard Monguiral; Comm. com. électr. 2010, étude 12, G. Bonet; Comm. com. électr. 2010, comm. 70,
note Ch. Caron; Comm. com. électr. 2010, comm. 88, note Ph. Stoffel-Munck
160
Publicité et droit des marques
aux articles 5, §1, sous a), de la directive 89/104 et 9, §1, sous a), du règlement n°40/94, où
l'usage par un tiers d'un signe identique à la marque est fait pour des produits ou des
services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, le titulaire de la marque
est habilité à interdire cet usage si celui-ci est susceptible de porter atteinte à l'une des
fonctions de la marque, qu'il s'agisse de la fonction d'indication d'origine ou de l'une des
autres fonctions » (point 79).
Il semble falloir en conclure que la marque n'est protégée contre les atteintes qui sont
portées à ses fonctions autres que celle de garantie de provenance que lorsqu'il y a une
double identité de signes et de produits ou services. Ainsi, comme le relève très justement
Monsieur le Professeur Jérôme PASSA, « sur le fondement du a) de l'article 5, §1, de la
directive, la qualification de contrefaçon suppose la preuve d'une atteinte à l'une des
fonctions de la marque, quelle qu'elle soit, alors que, sur le fondement du b), au motif que
cette disposition exige la démonstration de l'existence d'un risque de confusion, cette
qualification serait subordonnée en toute hypothèse à la preuve d'une atteinte à la fonction
de garantie d'identité d'origine »353.
On ne peut alors que seulement se réjouir à moitié de la reconnaissance tant attendue
des autres fonctions de la marque. En effet, certes, cette reconnaissance constitue une grande
avancée et rejoint ainsi davantage la vision du marketing, néanmoins, la fonction de garantie
d'identité d'origine conserve selon la jurisprudence européenne toute sa suprématie.
383.
En outre, bien que la Cour de justice considère que l'article 5, §1 de la directive doive
protéger les marques contre les atteintes qui peuvent être portées à ses fonctions, elle ne
précise pas ces dernières. Il faut attendre 2009, pour que la CJCE nomme certaines fonctions
telles que celles de communication, de publicité et d'investissement354.
353 J. Passa, Caractérisation de la contrefaçon par référence aux fonctions de la marque : le Cour de justice sur
une fausse piste, op. cit.
354 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal c/ Bellure, op. cit.
161
Publicité et droit des marques
§2 Les apports de l'arrêt L'Oréal
384.
L'arrêt L'Oréal du 18 juin 2009 a apporté quelque précisions sur les fonctions de la
marque autres que celle de garantie d'identité d'origine (A). En effet, dans cet arrêt, la CJCE
a reconnu que les fonctions de la marque comprenaient, outre celle dite essentielle de
garantie de provenance, « celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce
service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité »355.
385.
La Cour va ainsi dans le sens de l'arrêt Arsenal en considérant que le droit exclusif du
titulaire de la marque peut trouver à s'appliquer lorsque l'usage de la marque en cause porte
atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque. Néanmoins,
cet arrêt opère une importante distinction entre l'hypothèse de l'article 5, §1, a), de la
directive 89/104 et celle de l'article 5, §1, b). La Cour ne reconnaît la possibilité pour le
titulaire de la marque de s'opposer à l'usage de son signe par un tiers lorsque cet usage est
susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque seulement si ce signe est
strictement identique à la marque et que l'usage a lieu pour des produits ou des services
identiques (B).
A- L'arrêt
386.
Le litige opposait les sociétés du groupe L'Oréal aux sociétés Bellure Malaika et
Starion qui fabriquaient et commercialisaient des imitations de parfums de luxe, tels que
Trésor, Anaïs Anaïs, Noa ou Miracle. Les sociétés Bellure Malaika et Starion utilisaient des
tableaux de concordance qu'elles communiquaient aux détaillant et dans lesquels elles
précisaient le nom des marques des parfums imités. Par ailleurs, les flacons et les emballages
ressemblaient fortement aux produits copiés. Les sociétés Lancôme, Garnier et L'Oréal ont
355 Ibid., pnt 58
162
Publicité et droit des marques
alors attaqué pour contrefaçon de marque les sociétés Bellure Malaika et Starion.
387.
La Court of Appeal (Angleterre et Pays de Galles) a été amenée à demander des
éclaircissements à la CJCE et lui a posé les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Lorsqu'un commerçant, dans une publicité pour ses propres produits ou services, fait
usage d'une marque enregistrée détenue par un concurrent afin de comparer les
caractéristiques (…) de produits ou de services qu'il commercialise avec les caractéristiques
(…) des produits ou des services commercialisés sous cette marque par ledit concurrent, et
de manière telle que l'usage concerné ne provoque pas de confusion ou ne porte pas atteinte
à la fonction essentielle de la marque consistant à indiquer la provenance, l'usage concerné
relève-t-il soit de l'article 4, §1, sous a), soit de l'article 5, §1, sous b), de la directive
89/104?
2) Lorsqu'un commerçant, dans la vie des affaires (en particulier dans une liste
comparative), fait usage d'une marque enregistrée notoirement connue afin de désigner une
caractéristique de son propre produit (...) de telle manière que :
a) cela ne crée aucun risque de confusion d'aucune sorte;
b) cela n'affecte pas la vente des produits sous la marque enregistrée notoirement connue;
c) cela ne porte ni préjudice à la fonction de la marque enregistrée consistant à indiquer la
provenance, ni atteinte à la réputation de cette marque, que ce soit en ternissant son image,
par dilution ou d'une quelconque autre manière;
d) cela joue un rôle significatif dans la promotion du produit du commerçant,
l'usage concerné relève-t-il de l'article 5, §1, sous a), de la directive 89/104?
3) Aux fins de l'article 3 bis, sous g), de la [directive 89/104], quel est le sens de l'expression
"tire (…) indûment profit de" et en particulier, lorsqu'un commerçant, dans une liste
comparative, compare son produit avec un produit commercialisé sous une marque
notoirement connue, tire-t-il en cela indûment profit de la notoriété attachée à cette
marque ?
4) Aux fins de l'article 3 bis, sous h), de ladite directive, quel est le sens de l'expression
"présente (…) un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction" et, en
particulier, cette expression concerne-t-elle le cas dans lequel, sans provoquer de confusion
ni de tromperie, une partie fait simplement savoir de manière honnête que son produit
contient une caractéristique essentielle (l'odeur) similaire à celle d'un produit notoirement
connu protégé par une marque ?
163
Publicité et droit des marques
5) Lorsqu'un commerçant fait usage d'un signe similaire à une marque enregistrée qui jouit
d'une renommée et que ce signe ne ressemble pas à la marque au point de provoquer une
confusion, de telle manière que :
a) la fonction essentielle de la marque enregistrée consistant à indiquer la provenance n'est
ni altérée ni menacée ;
b) il n'y a pas de ternissement, ni de confusion concernant la marque enregistrée ou sa
renommée, ni de risque que cela se produise ;
c) cela n'affecte pas les ventes du titulaire de la marque ;
d) le titulaire de la marque n'est privé d'aucun des bénéfices liés à la promotion, à la
préservation ou au développement de sa marque ;
e) le commerçant tire toutefois un avantage commercial de l'usage de son signe en raison de
sa similitude avec la marque enregistrée,
l'usage concerné revient-t-il à tirer "indûment profit" de la notoriété attachée à la marque
enregistrée au sens de l'article 5, §2, de la [directive 89/104]? »
388.
Cet arrêt présente un intérêt à la fois s'agissant de la publicité comparative sur
laquelle nous nous attarderons plus loin, mais aussi s'agissant des fonctions de la marque. Ce
sont ici les deux premières questions qui nous intéressent plus particulièrement dans ce
chapitre. Ces deux questions sont traitées ensemble par la CJCE qui énonce : « par sa
première question, la juridiction de renvoi demande si l'article 5, §1, sous a) ou b), de la
directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d'une marque enregistrée est
habilité à faire interdire l'usage par un tiers, dans une publicité comparative, d'un signe
identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels
ladite marque a été enregistrée, lorsque cet usage n'est pas susceptible de porter atteinte à
la fonction essentielle de la marque, qui est d'indiquer la provenance des produits ou des
services. Par sa deuxième question, qu'il convient d'examiner ensemble avec la première,
ladite juridiction demande, en substance, si le titulaire d'une marque notoirement connue
peut s'opposer à un tel usage, au titre du §1, sous a), de cet article, lorsque l'usage n'est pas
susceptible de porter atteinte à la marque ou à l'une des fonctions de cette dernière, mais
joue néanmoins un rôle significatif dans la promotion des produits ou des services du
tiers »(point 51).
389.
Bien que nous aborderons plus tard sur la publicité comparative, il nous faut tout de
164
Publicité et droit des marques
même noter que cet arrêt relève des dispositions de la directive 84/450356 et qu'il en résulte
certaines conséquences. Ainsi, l'utilisation par un annonceur d'un signe identique ou
similaire à la marque d'un concurrent dans une publicité comparative constitue bien un usage
visé par l'article 5, §1 de la directive 89/104 et peut ainsi être interdit sur ce fondement.
Néanmoins, la Cour a jugé que le titulaire d'une marque enregistrée n'était pas habilité à
interdire un tel usage dans une publicité comparative qui satisfaisait à toutes les conditions
de licéité énoncées par l'article 3 bis, §1, de la directive 84/450 (points 53 et 54). Par ailleurs,
la Cour relève que l'usage en cause dans ce litige relève de l'article 5, §1, a) de la directive
89/104 et non du même article 5, §1, sous b), Malaika et Starion ayant utilisé les marques
verbales enregistrées par L'Oréal et non des signes seulement similaires (points 55 et 56).
390.
Ce sont les développements suivants qui nous intéressent ici plus particulièrement.
La CJCE rappelle la jurisprudence constante selon laquelle le droit exclusif prévu à l'article
5, §1, a), de la directive 89/104 a pour objectif d'assurer que la marque remplisse ses
fonctions propres et que l'exercice de ce droit « doit être réservé aux cas dans lesquels
l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions
de la marque ». Puis, elle énonce que « parmi ces fonctions figurent non seulement la
fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du
produit ou du service, mais également les autres fonctions de celle-ci, comme notamment
celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de
communication, d'investissement ou de publicité » (point 58).
391.
La Cour considère ainsi qu' « il convient de répondre aux première et deuxième
questions que l'article 5, §1, sous a), de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens
que le titulaire d'une marque enregistrée est habilité à faire interdire l'usage par un tiers,
dans une publicité comparative qui ne satisfait pas à toutes les conditions de licéité
énoncées à l'article 3 bis, §1, de la directive 84/450, d'un signe identique à cette marque
pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque a été
enregistrée, même lorsque cet usage n'est pas susceptible de porter atteinte à la fonction
356 Directive 84/450/CEE du 10 sept. 1984, relative au rapprochement des dispositions législatives,
règlementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse (JO L250, 19 sept
1984, p. 17-20) modifiée par la directive 97/55/CE du 6 oct. 1997, modifiant la directive 84/450/CEE afin
d'y inclure la publicité comparative : JO L 290, 23 oct. 1997, p. 18-23 (aujourd'hui codifiée par la directive
2006/114/CE du 12 déc. 2006, en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative : JO 376 du 27
déc. 2006, p. 21-27)
165
Publicité et droit des marques
essentielle de la marque, qui est d'indiquer la provenance des produits ou services, à
condition que ledit usage porte atteinte ou soit susceptible de porter atteinte à l'une des
autres fonctions de la marque » (point 65).
B- Les incidences de cet arrêt
392.
La CJCE, dans l'arrêt L'Oréal, considère que le droit exclusif prévu à l'article 5, §1,
a), doit être réservé aux cas où l'usage en cause porte atteinte aux fonctions de la marque. La
reconnaissance par la CJCE d'autres fonctions que la fonction essentielle de la marque avait
déjà eu lieu dans l'arrêt Arsenal en 2002. La nouveauté de cet arrêt est que la Cour énonce
les fonctions auxquelles il peut être porté atteinte. Ainsi, elle nomme les fonctions de
garantie de la qualité, de communication, d'investissement et de publicité. Il convient de
préciser qu'elle a utilisé l'adverbe « notamment » ce qui laisse penser qu'il en existe d'autres
bien que l'adverbe figure devant la fonction de garantie de qualité. La reconnaissance de ces
autres fonctions de la marque constitue la prise en compte d'une réalité. Néanmoins, bien
que cette reconnaissance semble a priori n'être que positive, sa mise en œuvre suscite
quelques réserves.
1) Les fonctions reconnues par la CJCE
393.
La Cour a retenu que l'atteinte pouvait être portée à la fonction essentielle de garantie
de provenance mais aussi à deux sortes de fonctions : la fonction de garantie de qualité et
celle de communication, d'investissement ou de publicité. Bien qu'énonçant de nouvelles
fonction, la Cour ne les définit pas. Il nous faut donc tenter de trouver ailleurs ce en quoi
celles-ci consistent.
394.
S'agissant de la fonction de garantie de qualité, l'OHMI a considéré que la marque
remplissait cette fonction « en suscitant chez le consommateur une attente que le produit
166
Publicité et droit des marques
qu'il achètera demain aura la même qualité que le produit qu'il a acheté hier »357. Ainsi,
comme on l'a vu, le client satisfait d'un produit voudra retrouver la même qualité lorsqu'il
réitèrera son achat et c'est la marque, en ce qu'elle constitue une indication de provenance,
qui lui assure cette constance dans la qualité. Cette indication de provenance lui assure une
qualité de produits en principe toujours égale.
Par ailleurs, pour Monsieur le Professeur Michel VIVANT, « la marque devient (...)
un élément d'incitation à la qualité » car elle identifie le produit qui doit être de qualité pour
se vendre au mieux358.
395.
Cette fonction de la marque, est semble-t-il à rapprocher de la fonction d'indication
d'origine. En effet, comme il a été dit plus haut, la marque représente une qualité, un savoirfaire dans l'élaboration des produits. Par ailleurs, comme le note Arnaud FOLLIARDMONGUIRAL au sujet de l'arrêt Opel359, « la garantie de qualité serait (...) une fonction
"dérivée" qui, à défaut d'être inhérente à la marque, devrait être acquise par l'usage et la
reconnaissance sur le marché ».
396.
Pour l'avocat général Mengozzi360, cette garantie de qualité ou de « constance », qui
est tout au plus un aspect de la garantie d'identité d'origine, ne peut pas être invoquée par le
consommateur car le droit exclusif conféré par la marque ne protège que les intérêts du
titulaire de celle-ci. En effet, comme le rappellent Messieurs les Professeurs Jacques
AZEMA et Jean-Christophe GALLOUX, en France, la marque « est conçue non comme un
instrument de protection du consommateur mais comme un moyen pour les industriels et les
commerçants d'attirer et de retenir une clientèle »361.
En effet, la marque ne garantit pas la qualité du produit ou du service car le titulaire
de la marque est libre de faire évoluer cette qualité. Néanmoins, la marque donne au
consommateur « une idée de la qualité du produit »362.
357 OHMI, 14 sept. 2000, Uniliver, op. cit., pt 17
358 M. Vivant, Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXIe siècle :
Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, op. cit., p. 154
359 A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt Opel : tout est relatif, même la protection absolue, op. cit.
360 Conclusions de l'avocat général Mengozzi, 10 fév. 2009, L'Oréal : Rec. 2009, I, p. 05185, point 53
361 J. Azéma et J.-Ch. Galloux, Droit de la propriété industrielle, Précis Dalloz, 6e éd., p. 752
362 N. Bouche, L'objet spécifique du droit de marque, Rec. Dalloz 2000, p. 103
167
Publicité et droit des marques
397.
S'agissant de la fonction de publicité, celle-ci a été définie dans un arrêt plus récent :
l'arrêt Google363. Dans celui-ci, la Cour a été amenée à se prononcer sur trois affaires. Nous
nous attarderons ici seulement sur les première question dans l'affaire C-236/08, première
question dans l'affaire C-237/08 et première et deuxième questions dans l'affaire C-238/08
posées par la juridiction de renvoi qui interroge la Cour afin de savoir si, en vertu de l'article
5, §1, sous a) ou sous b), le titulaire d'une marque pouvait interdire l'usage par un tiers d'un
mot clé identique ou similaire à sa marque sur un service de référencement payant
permettant d'afficher des annonces sur Internet pour des produits ou des services identiques
ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée.
Afin de répondre à cette question, la Cour se penche sur les conditions de l'usage de
ce droit par le titulaire de la marque et est ainsi amenée à se concentrer sur la condition de
l'atteinte aux fonctions de la marque. Elle rappelle ainsi que l'usage de ce droit exclusif doit
être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers est susceptible de porter
atteinte aux fonctions de la marque, ces dernières pouvant être la fonction essentielle
d'indication d'origine ou ses autres fonctions telles que celles de garantie de la qualité, de
communication, d'investissement ou de publicité. La Cour s'intéresse en particulier à la
fonction de publicité et considère que le titulaire d'une marque peut avoir comme objectif,
outre d'indiquer par le biais de celle-ci l'origine de ses produits ou services, « d'employer sa
marque à des fins publicitaires visant à informer et à persuader le consommateur » (point
91). Dès lors, il y a atteinte à la fonction de publicité lorsque l'usage en cause « porte
atteinte à l'emploi de la marque, par son titulaire, en tant qu'élément de promotion des
ventes ou en tant qu'instrument de stratégie commerciale » (point 92).
Pour Monsieur le Professeur Georges BONET, cette fonction de publicité se
rapproche de celle de garantie de provenance en ce que « la marque a une fonction
publicitaire parce qu'elle garantie au consommateur que les produits ou services marqués
proviennent d'une entreprise déterminée, à laquelle s'attache une réputation »364. Certes, on
peut considérer que les deux fonctions sont proches, néanmoins, elles doivent être
distinguées car la fonction publicitaire implique davantage que la simple réputation de la
marque. En effet, à elle seule, la marque véhicule des valeurs, le respect d'un certain mode
363 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit.
364 G. Bonet., Publicité sur Internet et référencement selon la Cour de justice : contrefaçon de marque ou
directive n° 2000/31/CE, Comm. com. électr. N°6, juin 2010, ét. 12
168
Publicité et droit des marques
de fabrication. En outre, la marque, par son image, constitue un condensé de toutes ses
campagnes publicitaires ; elle les incarne. La marque est un « véhicule publicitaire »365.
398.
S'agissant de la fonction de communication, les conclusions de l'avocat général
Mengozzi nous donnent quelques pistes366. Ainsi, il relève, s'agissant de celle-ci, que la
marque véhicule diverses informations auprès des consommateurs concernant le produit qui
en est revêtu et que ces informations peuvent être transmises par le signe qui composent la
marque mais aussi par les informations « accumulées » sur la marque au moyen d'actions
publicitaires. Pour ces raisons, il considère que « cette aptitude de la marque en termes
d’information mérite protection, y compris lorsque l’usage de la marque par un tiers n’est
pas de nature à provoquer de confusion quant à la provenance des produits ou des
services ».
399.
Enfin, s'agissant de « l'énigmatique »367 fonction d'investissement dont on pouvait
considérer qu'elle prenait en compte les coûts engagés par le titulaire de la marque en vue
d'accroitre la notoriété et l'image de celle-ci mais aussi, plus largement, son goodwill , ce
n'est que très récemment que la CJUE a donné quelques éclaircissements.
Ainsi, dans l'arrêt Interflora du 22 septembre 2011368, la Cour a précisé que « outre sa
fonction d'indication d'origine et, le cas échéant, sa fonction publicitaire, une marque
[pouvait] également être employée par son titulaire pour acquérir ou conserver une
réputation susceptible d'attirer et de fidéliser des consommateurs » (point 60). Elle ajoute
que bien que cette fonction puisse sembler se confondre avec celle de publicité, elle en
diffère en ce que « l'emploi de la marque pour acquérir ou conserver une réputation
s'effectue non seulement au moyen de la publicité, mais également au moyen de diverses
techniques commerciales ».
Il a alors été jugé par la CJUE que l'usage, dans le cadre d'un service de
référencement payant, par un concurrent, d'un signe identique à la marque pour des produits
365 Michel Vivant, Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXIe siècle :
Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, op. cit., p. 158
366 Conclusions de l'avocat général Mengozzi, 10 fév. 2009, L'Oréal, op. cit., point 54
367 Michel Vivant, Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXIe siècle :
Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, op. cit., p. 147
368 CJUE, 22 sept. 2011, aff. C-323/09, Interflora
169
Publicité et droit des marques
ou services identiques à ceux couverts par celle-ci portait atteinte à sa fonction
d'investissement « s'il [gênait] de manière substantielle l'emploi, par [le] titulaire, de sa
marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser des
consommateurs » (point 66).
2) Les impacts de cette jurisprudence
400.
Comme on l'a vu, la qualification de contrefaçon de marque est subordonnée à la
constatation d'un risque de confusion qui est présumé en cas de double identité de signes et
de produits et services. L'article 5, §1, b), qui énonce les conditions de la protection accordée
à la marque en cas d'usage par un tiers d'un signe ou de produits ou services, non pas
identiques, mais seulement similaires, subordonne la qualification de contrefaçon à
l'existence d'un risque de confusion qui est la condition de l'existence d'une atteinte à la
fonction essentielle de la marque. Or, le même article sous a), qui vise les cas où les signes et
les produits ou services sont identiques, n'exige pas la démonstration de ce risque.
401.
Par ailleurs, il ressort de l'arrêt Arsenal que le droit exclusif prévu par l'article 5, §1,
a), de la directive 89/104 pourrait trouver à s'appliquer dès lors qu'il serait porté atteinte ou
qu'il serait susceptible d'être porté atteinte à l'une des fonctions de la marque. Il semblerait
alors qu'il y ait désormais deux poids, deux mesures. En effet, dans l'hypothèse d'une double
identité de signes et de produits ou services, une atteinte à l'une quelconque des fonctions de
la marque sera suffisante pour que la contrefaçon soit démontrée (si les autres conditions
sont remplies bien sûr) alors que dans l'hypothèse d'une simple similitude, l'existence d'un
risque de confusion est impérative et la qualification de contrefaçon est subordonnée à une
atteinte à la seule fonction essentielle de la marque.
402.
L'arrêt L'Oréal, bien qu'il constitue une réelle avancée en ce qu'il nomme certaines
des autres fonctions de la marque, appelle certaines critiques. Tout d'abord, la Cour, au point
59, énonce que « la protection conférée à l'article 5, §1, sous a), de la directive 89/104 est
ainsi plus étendue que celle prévue au même article 5, §1, sous b), dont la mise en œuvre
exige l'existence d'un risque de confusion et donc la possibilité d'une atteinte à la fonction
essentielle de la marque ». Comme on l'a vu plus haut, l'exigence de l'existence d'un risque
170
Publicité et droit des marques
de confusion semble en réalité être commune aux deux hypothèses de l'article 5, §1, sous a)
et b) et la différence se trouve dans la présomption de ce risque dans les cas d'identité des
signes et des produits ou services. En effet, le risque de confusion semble être évident dès
lors qu'à la fois les signes et les produits ou services sont similaires. Au contraire, dans
l'hypothèse d'une simple similitude, c'est parce qu'il n'existe pas d'identité entre les signes et
les produits ou services, qu'il faut rechercher s'il existe un risque de confusion369.
403.
Le risque de confusion constitue le fondement de l'atteinte à la fonction de garantie
de l'identité d'origine. S'il n'y a pas de risque de confusion possible, il ne pourra y avoir
d'atteinte à la fonction essentielle de la marque car ce risque constitue la condition de la
protection. C'est précisément cette constatation qui pousse la CJCE à ne protéger le droit
exclusif du titulaire de la marque contre les atteintes aux autres fonctions qu'en cas de stricte
identité. Aux yeux de la Cour, l'existence d'un risque de confusion n'est indispensable que
dans l'hypothèse d'une simple similitude. De ce fait, étant donné qu'en cas d'identité entre les
signes et entre les produits ou services, il n'y a pas cette exigence, la protection vaudra quelle
que soit la fonction de la marque à laquelle il sera porté atteinte.
404.
La CJCE semble vouloir faire de cette nécessité de l'existence d'un risque de
confusion un élément de différenciation entre l'hypothèse de l'article 5, §1, sous a) et celle du
même article sous b). Par conséquent, il ressort de cet arrêt que la qualification de
contrefaçon nécessite obligatoirement la preuve d'une atteinte à la fonction essentielle de la
marque dans l'hypothèse de l'article 5, §1, sous b) alors que cette même qualification n'est
subordonnée qu'à la démonstration d'une atteinte à l'une des fonctions de la marque dans
l'hypothèse de l'article 5, §1, sous a), la démonstration de l'existence d'un risque de
confusion n'étant dans ce cas là pas requise.
405.
Cette différenciation est très critiquable. En effet, tout d'abord, comme on l'a vu, le
risque de confusion constitue la condition de la protection de la marque, et ce que les signes
et/ou les produits ou services soient strictement identiques ou simplement similaires. Fonder
des conditions différentes de cette protection sur l'exigence ou non de la démonstration d'un
tel risque apparaît alors absurde. En outre, considérer que la mise en œuvre du droit exclusif
369 J. Passa, Caractérisation de la contrefaçon par référence aux fonctions de la marque : le Cour de justice sur
une fausse piste, op. cit.
171
Publicité et droit des marques
prévu par l'article 5, §1, sous b), de la directive 89/104 est subordonnée à l'existence d'une
atteinte à la fonction essentielle de la marque seulement, c'est amoindrir le rôle des autres
fonctions. Pourquoi enfin reconnaître d'autres fonctions pour ne leur accorder un rôle que
dans une hypothèse très limitée ? Certes, la fonction de garantie de provenance est une
fonction importante de la marque mais, comme l'a reconnu la CJCE, elle n'est pas la seule!
D'autres fonctions telles que celles de communication, d'investissement et de publicité sont
fondamentales. Dès lors, pourquoi limiter leur protection ? En effet, si l'on en juge à partir de
l'arrêt L'Oréal, les atteintes à ces fonctions ne sont susceptibles de qualification de
contrefaçon qu'en cas d'identité entre les signes et les produits ou services. Doit-on en
conclure qu'en cas de simple similarité, même poussée, ces fonctions perdent tout d'un coup
toute leur importance ?
A partir du moment où le risque de confusion est démontré, ces fonctions devraient
elles-aussi être protégées. En effet, en cas de similitude entre la marque et le signe ou encore
entre les produits ou services entre eux, s'il y a un risque de confusion dans l'esprit du public,
un tel usage semble tout autant pouvoir porter atteinte à la fonction de publicité qu'à celle de
garantie d'identité d'origine.
172
Publicité et droit des marques
Conclusion de la première partie
406.
La marque est un actif important de l'entreprise. Elle a une valeur qui lui est propre
qui peut s'avérer supérieure à celle de l'entreprise elle-même. C'est la publicité qui contribue
pour beaucoup à cette valeur. En effet, c'est elle qui permet à la marque d'obtenir un bon
niveau de notoriété, une image avantageuse et de fidéliser les consommateurs, contribuant
ainsi à augmenter son capital marque. C'est la publicité qui fait de la marque ce qu'elle est :
outre son rôle d'information et de persuasion du consommateur, elle a pour objet d'entourer
la marque d'un halo favorable ; elle s'attache à lui façonner une image, une histoire, véhicule
les valeurs qu'elle promeut et veille à lui construire une identité, lui permettant ainsi de
devenir une marque forte, source de valeur pour l'entreprise.
407.
La marque laisse alors une empreinte dans l'esprit des consommateurs. Son image est
le résultat de toutes ses actions et notamment de ses campagnes de communication. Bien
qu'il soit indéniable que la fonction d'indication de la marque soit très importante, il ne faut
cependant pas oublier ses autres fonctions telles que celle de publicité. La jurisprudence
récente de la CJUE va désormais dans ce sens puisqu'elle vient d'affirmer que « la fonction
d'indication d'origine de la marque n'[était] pas la seule fonction de celle-ci digne de
protection contre des atteintes par des tiers [et] qu'une marque [constituait] souvent, outre
une indication de la provenance des produits ou des services, un instrument de stratégie
commerciale employé, en particulier, à des fins publicitaires ou pour acquérir un réputation
afin de fidéliser le consommateur »370.
La reconnaissance par le droit de cette fonction publicitaire est la consécration d'une
vision plus « marketing » de la marque. En effet, la marque est certes encadrée par des règles
juridiques mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit avant tout d'un outil commercial et que ses
enjeux sont sans doute mieux appréhendés par les professionnels du marketing et de la
communication.
408.
Pour autant, la marque fait l'objet d'une protection juridique car c'est un droit qu'il
370 CJUE, 22 sept. 2011, Interflora, op. cit., point 39
173
Publicité et droit des marques
faut protéger. De nombreuses atteintes peuvent lui être portées et le droit doit évoluer en
conséquence. Le domaine de la publicité, son alliée pourtant, a notamment soulevé
récemment certains problèmes et le droit a dû réagir. Ainsi, deux nouvelles formes de
pratiques publicitaires font l'objet d'une attention particulière car, si elles ne sont pas
encadrées par des règles « de bonne conduite », elles peuvent être préjudiciables au droit des
marques. Nous allons donc nous intéresser à deux formes de communication relativement
récentes et qui ont soulevé (et soulèvent toujours) quelques difficultés : le référencement
payant sur les moteurs de recherche et la publicité comparative. Malheureusement pour le
droit des marques, nous allons voir que ces formes de communication, bien qu'encadrées,
portent de plus en plus atteinte au droit des marques et ce, notamment en raison de la
souplesse d'interprétation des conditions de licéité par la CJUE.
174
Publicité et droit des marques
Seconde partie :
Des usages problématiques
175
Publicité et droit des marques
409.
Comme nous venons de le voir, la publicité est bénéfique aux marques. Elle leur
permet de construire leur image et d'accroitre leur notoriété. Elle renforce la fidélité des
consommateurs et façonne notre imaginaire ainsi que notre mode de vie. En outre, la CJUE a
reconnu aux marques une fonction de publicité. Cette reconnaissance va dans le sens de la
prise en compte de la réalité. La marque a en effet une fonction publicitaire : comme le note
la CJUE, le titulaire d'une marque peut avoir pour objectif « d'employer sa marque à des fins
publicitaires visant à informer et à persuader le consommateur »371. La marque et la
publicité, ainsi unies permettent d'apporter une valeur ajoutée à l'entreprise car ce sont elles
qui rendent les produits attrayants et qui font vendre.
La publicité est donc l'alliée principale de la marque. Néanmoins, elle peut parfois se
révéler préjudiciable. Certaines pratiques publicitaires récentes ont en effet mis à mal le droit
des marques. Ainsi, le référencement payant sur Internet et la publicité comparative, alors
même qu'ils auraient pu être utiles aux marques, ont généré des dérives causant des atteintes
à celles-ci. Néanmoins, ce ne sont pas tant ces modes de communication qui sont
responsables de ces atteintes, mais plutôt la souplesse d'interprétation des textes par les juges
comme nous allons essayer de le démontrer.
410.
S'agissant du référencement sur Internet (Titre 1), cette pratique consiste pour un
moteur de recherche à vendre à des annonceurs des mots clés afin que leurs annonces
commerciales apparaissent à l'écran à la suite de la saisie de ces mots clés par un internaute
lors d'une recherche. Ces annonces figurent alors dans une rubrique spéciale (souvent
appelée « liens commerciaux » ou « liens sponsorisés ») au dessus ou à coté des résultats dits
« naturels ». Les annonceurs, qui choisissent des mots clés correspondant à des marques
appartenant à des tiers afin de détourner les internautes, ainsi que les prestataires des services
de référencement, qui leur permettent un tel usage de ces marques, se sont souvent vus
condamnés sur les fondements de la contrefaçon, de la concurrence déloyale ou encore de la
publicité trompeuse372.
Cependant, un arrêt récent de la CJUE373 a quelque peu remis en question la
jurisprudence française en écartant la responsabilité du moteur de recherche pour
371 CJUE 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit.
372 Cf J. Larrieu, Droit de l'Internet, Ellipses, coll. Mise au point, 2e éd., p. 178 et s.
373 Ibid.
176
Publicité et droit des marques
contrefaçon mais aussi en lui reconnaissant la possibilité du bénéfice du régime dérogatoire
de responsabilité des hébergeurs. Nous verrons ainsi que des entorses au droit de la propriété
intellectuelle sont tolérées en raison semble-t-il de l'importante utilité des moteurs de
recherche.
411.
S'agissant de la publicité comparative (Titre 2), cette forme de communication, très
encadrée quant à sa mise en œuvre, voit les juges interpréter ses conditions de licéité de
manière très souple en raison de l'intérêt qu'elle peut représenter en matière d'information du
consommateur et de stimulation de la concurrence. Son champ d'application devient ainsi de
plus en plus large et de nombreuses atteintes aux marques sont tolérées. La CJCE a, à
plusieurs reprises, rappelé que le législateur communautaire avait entendu favoriser la
publicité comparative bien que cela ait pour conséquence de limiter les droits conférés par la
marque qui ne recouvrent alors leurs effets que lorsqu'il existe un risque de confusion dans
l'esprit du consommateur entre les produits de l'annonceur et ceux couverts par la marque.
Dans les autres hypothèses d'atteintes, les juges se montrant très flexibles dans l'appréciation
des critères de licéité, le droit des marques ne peut pas assurer son rôle protecteur face à la
publicité comparative, le droit de la consommation se voyant accorder la priorité sur le droit
des marques.
177
Publicité et droit des marques
Titre I
Le référencement payant sur Internet
178
Publicité et droit des marques
412.
Internet occupe une place de plus en plus importante dans notre vie. Cet outil, qui
nous donne accès à une multitude d'informations, a rendu nos recherches plus aisées. Les
démarches administratives sont simplifiées ; nos questions, quel qu'en soit le domaine
trouvent facilement des réponses et il ne nous est plus nécessaire de sortir de chez nous pour
effectuer des achats. Une grande partie de ces navigations sur Internet se fait par le biais des
moteurs de recherche. Très souvent, c'est d'ailleurs un moteur de recherche qui constitue
notre page d'accueil lorsque l'on ouvre Internet.
Ces moteurs de recherche ont deux activités : celle, gratuite, de moteur de recherche
qui propose à l'internaute des résultats naturels classés en général en fonction de leur
pertinence et celle, rémunérée, de référencement payant qui consiste à vendre à des
annonceurs des publicités qui apparaissent dans une rubrique distincte. Les internautes se
voient donc proposer deux sortes de résultats : les résultats naturels qui s'affichent par ordre
décroissant de pertinence et les liens promotionnels qui sont le fruit des services du
référencement payant et qui apparaissent dans la rubrique « liens commerciaux » qui se situe
généralement à droite de l'écran ou au dessus des résultats naturels. Ainsi, le service
AdWords de Google, par exemple, permet aux opérateurs économiques, après avoir
sélectionné des mots clés, de faire apparaître un lien vers leur site lorsque ces mots clés sont
identiques à ceux de la requête de l'internaute qui effectue la recherche. Ces liens
commerciaux ont une nature « hybride » car il s'agit à la fois d'une publicité et d'un outil de
positionnement sur les moteurs de recherche374.
Une rémunération du service de référencement payant est due par l'annonceur pour
chaque clic sur le lien. Pour reprendre la définition donnée par Nathalie DREYFUS et
Guillaume JOBBE-DUVAL375, le référencement payant est la pratique consistant, pour un
moteur de recherche, « à monnayer aux annonceurs l'ordre d'apparition de leur site parmi
les résultats d'une recherche sur certains mots-clés prédéfinis ».
413.
Cette activité, présentée de cette manière, ne semble poser aucun problème. Pourtant,
c'est le cas et de nombreux litiges sont nés de cette pratique. En effet, les annonceurs,
lorsqu'ils choisissent des mots clés peuvent le faire librement. Les prestataires du service de
374 C. Viot, Le e-marketing à l'heure du web2.0, Gualino, 2e éd., p. 206
375 N. Dreyfus et G. Jobbe-Duval, Publicité sur Internet et droit des marques : Propr. indust., janv. 2006, n° 1,
ét. 1
179
Publicité et droit des marques
référencement payant n'effectuent pas de contrôle de la licéité de l'usage des mots
sélectionnés. C'est ainsi que certains titulaires de droits de marque ont constaté que des
concurrents, voire des distributeurs de contrefaçons de leurs produits, avaient choisi comme
mots clés des signes identiques à leurs marques.
414.
Ainsi, nous allons voir que Google, leader du marché de la publicité en ligne liée aux
recherches qui suscite des interrogations en matière de concurrence, a été l'outil qui a permis
à des tiers, et notamment aux concurrents de titulaires de marques, de faire un usage
contrefaisant de ces dernières mais aussi de se rendre coupable de concurrence déloyale ou
encore de pratique commerciale trompeuse (chapitre 1).
Le moteur de recherche, qui s'enrichit grâce à ce système de publicité notamment
fondé sur l'usage non autorisé de marques de tiers, a lui aussi vu sa responsabilité recherchée
sur les mêmes fondements. Aussi, a-t-il cherché à échapper aux condamnations en se
prévalant du régime applicable aux hébergeurs qui stockent des données sur Internet dont le
bénéfice lui fut souvent refusé jusqu'à l'arrêt Google de la CJUE (chapitre 2).
180
Publicité et droit des marques
Chapitre 1
Les problèmes soulevés par le référencement payant sur
Internet
415.
Comme nous venons de le dire, les moteurs de recherche ont rendu Internet plus riche
et les recherches des internautes plus aisées. Néanmoins, ils ont soulevé des problèmes dans
différents domaines du droit et c'est la pratique du référencement payant qui est à l'origine de
nombreux litiges. Des différends résultant du service de référencement se retrouvant alors
tant en matière de concurrence déloyale que de contrefaçon de marque ou encore de pratique
commerciale trompeuse, il peut être intéressant de se pencher de manière globale sur la
pratique du référencement payant. Ainsi, se placer du point de vue du domaine de la
concurrence peut être utile afin de mieux appréhender les enjeux du référencement payant
sur Internet.
416.
Le leader du marché du référencement payant est Google. Il possède, outre son
activité de moteur de recherche, un système de publicité dénommé AdWords qui permet aux
annonceurs d'afficher les annonces pour leurs sites à côté des résultats naturels. Les
annonceurs n'ont qu'à sélectionner des mots clés et les annonces s'afficheront en réponse à la
saisie de ces mots clés sur le moteur de recherche. C'est sur cette activité publicitaire ainsi
que sur la compatibilité de ses pratiques avec le droit de la concurrence que s'est
particulièrement intéressée l'Autorité de la concurrence dans son avis sur le fonctionnement
concurrentiel de la publicité en ligne rendu en décembre 2010376 (section 1).
417.
Par ailleurs, c'est notamment sur le fondement de la concurrence déloyale que des
annonceurs, clients de Google, ont vu leur responsabilité engagée. Néanmoins, d'autres
fondements tels que la contrefaçon et la publicité trompeuse ont justifié des condamnations
(section 2).
376 Avis n° 10-A-29 du 14 déc. 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne
181
Publicité et droit des marques
Section 1. L'avis n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 de l'Autorité de la
concurrence
418.
Nous allons nous intéresser, dans cette section, à l'avis rendu par l'Autorité de
concurrence377 sur la publicité en ligne. Bien qu'il ne s'agisse pas de droit des marques mais
de droit de la concurrence, cet avis apporte des éclaircissements sur la publicité en ligne et
notamment sur le référencement sur Internet. En effet, cet avis, outre l'apport qu'il constitue
quant à la définition du marché de la publicité en ligne, et au sein de celui-ci du marché de la
publicité liée aux recherches, apporte un éclairage très intéressant qui nous permet de mieux
appréhender le fonctionnement de Google, leader de ce dernier marché. Notamment, les
modes de tarification y sont énoncés, indice qui pourra s'avérer utile dans la suite de notre
étude lorsque nous nous interrogerons sur le bénéfice ou non par Google du régime des
hébergeurs sur Internet.
419.
L'Autorité de la concurrence avait été saisie, par une lettre du 17 février 2010 du
ministre de l'Economie, des finances et de l'emploi au sujet du fonctionnement concurrentiel
dans le secteur de la publicité en ligne, notamment afin que celle-ci se prononce sur le
points suivants :
- « la segmentation éventuelle du marché de la publicité en ligne entre annonces
contextuelles et "display";
- les barrières techniques à l'entrée sur le marché des moteurs de recherche, de nature à
conférer au principal acteur de ce marché une position de force vis-à-vis des tiers ;
- les relations contractuelles entre éditeurs de sites, d'une part, et moteurs de recherche
agissant comme régies, d'autre part ;
- les risques pouvant résulter de l'intégration verticale des activités de moteur de recherche
et d'éditeurs de site ;
377 L'Autorité de la concurrence est une autorité administrative indépendante créée par la loi LME n° 2008776 du 4 août 2008 afin de succéder au Conseil de la concurrence. Elle a à la fois une fonction consultative
et une fonction décisionnelle (à ce titre, elle a un pouvoir répressif) et est « spécialisée dans le contrôle des
pratiques anticoncurrentielles, l'expertise du fonctionnement des marchés et le contrôle des opérations de
concentration. Au service du consommateur, elle a pour objectif de veiller au libre jeu de la concurrence et
d'apporter son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et
international » (www.autoritedelaconcurrence.fr).
182
Publicité et droit des marques
- la nature des remèdes aux risques éventuels d'atteinte à la concurrence qui pourraient être
envisagés en vue de garantir une bonne régulation concurrentielle de la publicité en ligne. »
420.
L'Autorité s'est alors appliquée à définir les contours de ce qui est devenu un outil de
communication indispensable : la publicité en ligne, au sein de laquelle le référencement
payant s'est fait une place importante (§1).
L'Autorité s'est ensuite intéressée au marché de la publicité en ligne mais aussi à
celui de « la publicité liée aux recherches » qui constitue un marché pertinent distinct. C'est
au sein de ce marché que Google, par le biais de son service Adwords, détient une position
dominante (§2).
§1 Les moteurs de recherche : un outil de communication en ligne
421.
Comme le relève l'Autorité, la publicité en ligne est un secteur en pleine expansion
(A). Selon les estimations de la Commission européenne, les dépenses mondiales de la
publicité en ligne ont doublé entre 2005 et 2008 (elles étaient estimées à 13 milliards d'euros
en 2005 et devaient atteindre 26 milliards en 2008). La publicité, qu'elle soit sur Internet ou
en dehors, a toujours les mêmes objectifs : accroître la notoriété et favoriser l'élaboration
d'une bonne image de marque mais aussi accroître le profit en augmentant les ventes. La
publicité sur Internet a néanmoins un avantage par rapport à la publicité classique : il est plus
aisé de savoir si la cible a bien été en contact avec la publicité.
422.
Le référencement payant est un outil particulièrement efficace s'agissant du ciblage.
Il permet de toucher l'internaute en lui proposant des liens commerciaux en rapport avec sa
recherche (active), et donc en rapport avec ses centres d'intérêt. Le prestataire sera alors payé
à chaque fois qu'un internaute cliquera sur le lien commercial ainsi affiché (B).
183
Publicité et droit des marques
A- Les contours de la publicité en ligne
423.
La publicité en ligne peut se faire de différentes manières. Notamment, les formats
publicitaires ne sont pas les mêmes : il peut s'agit d'un lien textuel qui renvoie à la page de
l'annonceur, d'images ou de vidéos mais aussi de bannières qui sont une adaptation des
bandeaux publicitaires que l'on trouve dans la presse378. L'annonce peut se situer sur la page
internet ouverte ou apparaître par exemple entre deux pages, sur une page transitoire qui
disparait après un moment ou si l'on clique pour la fermer. L'annonce peut aussi surgir dans
une nouvelle fenêtre (pop-up). Outre ces différentes possibilités dans le choix du format, la
publicité en ligne a pour avantage d'avoir un ciblage efficace. Celui-ci peut notamment se
faire en fonction de la page ouverte par l'internaute, cette dernière permettant d'avoir une
idée de ses goûts, de ses intérêts ou en fonction des sites que l'internaute a visités.
424.
La publicité sur Internet est divisée en plusieurs segments, parmi lesquels on trouve
notamment le "display" (l'affichage), le "search" (les moteurs de recherche) et les annuaires
(on trouve aussi l'e-mailing, les comparateurs de prix...). De plus, une nouvelle forme de
publicité a fait son apparition sur les téléphones portables. Bien que les modes publicitaires
soient le plus souvent identiques à ceux présents sur Internet, certains sont propres aux
téléphones. C'est le cas notamment des publicités sur les applications. En outre, il faut
désormais compter avec les pratiques de plus en plus répandues de géolocalisation qui
permettent alors de prendre en compte la situation géographique de l'utilisateur afin de
répondre au mieux à ses besoins en jouant sur la proximité des biens ou services offerts.
Le display correspond à l'affichage de publicités graphiques qui peuvent être des
images ou bien des vidéos. Le search correspond aux liens commerciaux des moteurs de
recherche qui sont sous la forme « de liens textuels renvoyant à une page du site de
l'annonceur et accompagnés d'un bref message commercial ». Les liens commerciaux
s'ajoutent aux résultats naturels mais sont souvent plébiscités par les internautes en cas de
recherches commerciales alors que les résultats naturels sont utilisés pour tous les types de
recherches379. Les liens sponsorisés contribuent à hauteur de 10 % au trafic de visiteurs vers
378 J. Lendrevie, A. de Baynast, C. Emprin, Publicitor, op. cit., p. 323
379 Ibid., p. 325
184
Publicité et droit des marques
les sites internet et le référencement naturel à hauteur de 20 %. Ainsi, 30 % du trafic vers les
sites se fait par le biais des moteurs de recherche380. L'Autorité distingue deux sortes de liens
commerciaux : la publicité liée aux recherches qui apparaît, suite à une requête d'un
internaute sur un moteur de recherche, sur la page de résultat de ce dernier et les liens
contextuels qui s'affichent sur une page en fonction du contenu de celle-ci. Les liens
contextuels apparaissant alors qu'aucune recherche n'a été lancée par l'internaute, certains
peuvent y voir une raison de ne pas les classer dans la même catégorie que la publicité liée
aux recherches, et ce bien que leur format et leur mode de tarification soit identique. Enfin,
les annuaires sont des services de référencement (comme ceux des liens commerciaux sur les
moteurs de recherche) qui permettent aux entreprises, moyennant rémunération (sous forme
de forfait), d'améliorer leur position dans le classement ou de rendre les informations les
concernant plus complète. Les mots clés sont alors des rubriques des différentes professions.
A titre de comparaison, le chiffre d'affaire généré en France en 2009 par les liens
commerciaux était, selon une étude de 2010 de l'Observatoire de l'e-Pub, de 880 millions
d'euros, celui du display de 480 millions et celui des annuaires de 449 millions. Ces chiffres
montrent qu'un grand nombre d'entreprises a été séduit par cette forme de communication.
En effet, celle-ci a l'avantage de ne pas être contraignante pour les entreprises, à la fois parce
qu'elle est très abordable financièrement mais aussi en raison de sa simplicité de
fonctionnement.
B- Le fonctionnement du référencement payant
425.
L'Autorité s'intéresse en particulier au cas du leader Google. Nous allons donc
reprendre certaines de ses observations. Google est une société américaine créée en 1998 et a
rapidement su se démarquer de ses concurrents grâce à l'algorithme de classement des sites
internet. Le référencement des résultats naturels suite à une recherche faite par un internaute
est fondé sur cet algorithme qui a pour objet de classer les pages internet selon la pertinence
380 Ibid.
185
Publicité et droit des marques
de celles-ci par rapport à la requête.
426.
En parallèle, Google a une activité rémunérée qui consiste dans la vente de publicité
liée aux recherches en ligne. Le moteur de recherche affiche alors, à coté des résultats
naturels, des liens commerciaux qui apparaissent lorsque l'internaute a entré dans sa requête
les mots clés sélectionnés par l'annonceur. La mise en œuvre de ces liens commerciaux se
fait au moyen du service AdWords. L'annonceur peut alors choisir d'associer un ou plusieurs
mots clés à son annonce commerciale. Il enchérit sur des mots clés afin que son lien
commercial apparaisse à coté des résultats naturels lorsque ces mots clés sont saisis par
l'internaute. Les enchères peuvent se faire sur un nombre illimité de mots clés car ce sont les
annonceurs et non les moteurs de recherche qui choisissent ces derniers. L'Autorité relève en
outre que les enchères permettent aux annonceurs de profiter du phénomène de « long tail » :
« des requêtes rares apportent peu de clics, toutefois, si l'annonceur a enchéri sur beaucoup
de mots-clés rares, cela peut générer des ventes importantes ».
La tarification se fait au coût par clic (CPC), c'est-à-dire que l'annonceur paie à
chaque fois qu'un internaute clique sur son annonce. Néanmoins, le coût par clic maximal
indiqué par l'annonceur n'est pas le seul élément pris en compte dans le classement des
annonces. En effet, le nombre de clics générés pour une impression (c'est-à-dire pour un
affichage de l'annonce) influe aussi sur le classement. Comme le souligne l'Autorité, « il est
en effet naturel d'afficher en meilleure position un annonceur qui n'est prêt à payer qu'un
euro par clic, mais qui a un taux de clic élevé, qu'un annonceur qui est prêt à payer 10
euros, mais dont les annonces ne génèrent aucun clic ». Le classement des enchérisseurs
prend donc en compte le CPC mais aussi un score de qualité basé sur le taux de clic. Ainsi,
comme le souligne l'Autorité, Google dispose de certains moyens pour influencer les prix.
Les liens commerciaux, du fait qu'ils sont vendus au coût par clic, « permettent un
contrôle facile du retour sur investissement et une maîtrise très précise du budget (CPC
maximal et budget maximal sont fixés par l'annonceur) ». En outre, cette forme de
communication a l'avantage de ne pas être contraignante : l'annonceur peut annuler sa
campagne avant qu'elle débute; il peut choisir la durée de celle-ci et les coûts
supplémentaires de création du message publicitaire ne sont pas très importants. Le
référencement convient donc à tous les types d'annonceurs. Néanmoins, il y a un bémol :
186
Publicité et droit des marques
l'annonceur ne peut pas savoir à l'avance quels seront les concurrents qui apparaitront dans
les liens commerciaux suite à une requête par un internaute qui aura entré les mots clés pour
lesquels il a enchéri. L'annonceur ne peut donc pas avoir « le contrôle de l'environnement
concurrentiel dans lequel l'annonce sera proposée ».
427.
Outre Adwords, Google a étendu son offre de liens commerciaux au moyen de deux
autres services. Le premier, le service AdSense for Search (AFS) propose la fourniture d'un
moteur de recherche sur la page internet d'un site partenaire qui affiche à la fois des résultats
naturels et des liens commerciaux. Les revenus engendrés sont alors partégés entre Google et
le site partenaire. Le second service est le programme AdSense for Content (AFC). Il permet
l'affichage de publicités pertinentes en fonction du contexte de la page d'un site partenaire
adhérent au réseau AdSense. Ce service de Google sert d'intermédiaire entre le site
partenaire d'AdSense et l'annonceur utilisant AdWords et souhaitant recourir à ce type de
publicité.
428.
Il convient essentiellement de retenir des éléments que l'on vient de voir que Google
détient une place importante dans le domaine de la publicité sur Internet qui lui permet
d'exercer des pressions sur ses clients annonceurs sans craindre de les perdre et ainsi
bénéficier d'une certaine marge de manœuvre quant à ses méthodes, notamment en matière
de classification des annonces. En effet, l'Autorité relève que Google, de par l'opacité de son
fonctionnement, a la possibilité de manipuler les enchères et de « [minorer] le rôle du taux
de qualité dans le classement si cela peut lui être profitable »381. Ainsi, il apparaît, et cela
aura son importance dans la suite de nos développements, que Google ne semble pas jouer
un rôle purement technique, passif et neutre.
429.
Néanmoins, le référencement payant sur Internet semble avoir encore de beaux jours
devant lui. L'importance qu'a prise ce mode de communication l'a rendu impossible à
remplacer. La publicité liée aux recherches est ainsi devenue un marché pertinent dans lequel
règne Google.
381 D. Bosco, Google et le droit de la concurrence : avis de tempête !, Comm. com. électr. 2011, n° 4, ét. 7
187
Publicité et droit des marques
§ 2 Le marché du référencement sur Internet
430.
L'Autorité s'est interrogée sur la question de savoir s'il fallait définir un marché
pertinent de la publicité liée aux recherches, au sens du droit de la concurrence. Elle s'est
aussi interrogée sur la possibilité de distinguer le search du display (A). Au sens du droit de
la concurrence, un marché se définit comme le lieu où se rencontrent l'offre et la demande
pour un produit ou un service spécifique et où les biens offerts sont parfaitement
substituables pour les consommateurs qui peuvent alors choisir entre ceux-ci. Cette
substituabilité a pour effet que chaque offreur est soumis à la concurrence par les prix des
autres acteurs du même marché.
L'Autorité de la concurrence, consciente qu'une substituabilité parfaite est très rare,
considère que sont substituables et donc sur un même marché « les produits ou services dont
on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens
alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande ». Il ressort
de l'étude faite par l'Autorité qu'aucun mode de communication ne peut se substituer au
référencement payant sur Internet. Par ailleurs, il est aussi apparu évident que Google, leader
sur ce marché, détenait une position dominante (B).
A- Le search : Un marché pertinent
431.
En premier lieu, l'Autorité s'est penchée sur la question de savoir s'il existait un
marché unique de la publicité comprenant la publicité sur Internet et celle en dehors.
Néanmoins, elle a considéré que bien qu'il existe une certaine substituabilité entre ces deux
sortes de publicité, cela ne signifiait pas qu'elles étaient sur le même marché pertinent au
sens du droit de la concurrence. En effet, l'Autorité considère que cette substituabilité entre
les différents médias était insuffisante et rejette ainsi les arguments avancés par Google en
faveur d'un marché unique (Google avait notamment avancé en ce sens que la baisse des
188
Publicité et droit des marques
dépenses de communication hors ligne coïncidait avec le développement sur Internet).
432.
Après avoir considéré que la publicité en ligne constituait un marché pertinent
distinct de celui de la publicité hors ligne, l'Autorité a voulu déterminer s'il y avait plusieurs
marchés pertinents au sein de celui de la publicité en ligne. Elle répète alors ce qu'elle avait
déjà rappelé dans sa décision n° 10-MC-01 du 30 juin 2010382, à savoir qu'elle avait « déjà
reconnu l'existence d'un marché de la publicité en ligne, distinct des autres supports
publicitaires » et qu'elle avait considéré que « dans l'attente d'un examen approfondi au
fond, la publicité en ligne liée aux recherches [était] susceptible de constituer un marché
pertinent, au sein du secteur plus vaste de la publicité en ligne ».
L'Autorité rappelle que la délimitation d'un marché se fait en deux étapes. Il faut
d'abord identifier les biens et les services offerts sur ce marché avant de définir la zone
géographique. On peut néanmoins relever dès à présent que le marché géographique de la
publicité liée aux recherches est national. L'Autorité s'attache alors à démontrer que le
search constitue bien un marché pertinent. En premier lieu, elle relève que les besoins
satisfaits par la publicité liée aux recherches ne sont pas les mêmes que ceux satisfaits pas le
display. La première constatation est que les annonceurs préfèrent avoir recours au search
lorsque l'objectif poursuivi est de pousser les consommateurs à l'achat immédiat en ligne. Au
contraire, ils se tournent vers le display lorsqu'ils veulent accroitre leur notoriété et
développer leur image. Le recours au search dans l'intention d'inciter le consommateur à
l'achat trouve sa logique dans le fait que l'internaute est déjà dans une démarche de recherche
active au cours de laquelle il a précisé ses préférences. Ce type de publicité « apparaît ainsi
très en aval dans le "tunnel de décision" ». Au contraire, s'agissant du display, ce genre de
publicité a pour objectif de susciter un intérêt chez le consommateur en amont de l'acte
d'achat. Le public visé est alors plus large mais aussi moins ciblé. Il résulte de ces
observations que le ciblage des prospects n'est pas le même.
Par ailleurs, l'Autorité avance un autre argument : le search permet des campagnes
plus abordables (pas de coût d'entrée, pas de minimum d'achat et l'annonceur peut limiter le
CPC ainsi que le budget global alors que le display demande des frais nettement supérieurs
382 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-MC-01, 30 juin 2010, relative à la demande de mesures
conservatoires présentées par la société Navx
189
Publicité et droit des marques
et il y a très souvent un minimum d'achat).
433.
Après avoir étudié la substitualité entre le display et le search, l'Autorité a voulu
vérifier si d'autres modes de publicité proches du search en terme de ciblage de prospects
tels que la publicité contextuelle, le référencement naturel ou encore Facebook ne pouvaient
pas y être substitués. Elle est néanmoins parvenue à la conclusion que ces nouveaux modes
de publicité ne pouvaient se substituer à la publicité liée aux recherches. L'Autorité a alors
pu considérer que la substitualité entre le search et les autres types de publicité sur Internet
était faible, notamment en raison de son ciblage particulier mais aussi en raison de l'absence
d'une réelle alternative.
B- Google en situation de position dominante
434.
Après avoir considéré que la publicité liée aux recherches constituait bien un marché
pertinent, l'Autorité de la concurrence a voulu se pencher sur la situation de Google au sein
de ce marché. Elle est alors parvenue à la conclusion que Google détenait une position
dominante. Cette constatation, comme nous allons le voir, va avoir une incidence sur la
politique d'achat de mots clés du moteur de recherche, indice qui pourra être utile à notre
raisonnement ultérieur.
435.
Nous allons reprendre les différents arguments avancés en ce sens par l'Autorité. En
premier lieu, il convient de relever que Google détient en France une part du marché du
search de plus de 90 %. L'Autorité précise ensuite que le chiffre d'affaire mondial de Google
sur les trois premiers trimestres de 2010 était de 21 milliards de dollars avec un revenu
d'exploitation de 7 milliards de dollars, soit un ratio de 35 % (sur l'année complète le chiffre
d'affaire de 2010 a dépassé les 29 milliards de dollars). En outre, il est noté que les tarifs de
CPC de Google sont supérieurs à ceux de la concurrence. Cette constatation peut s'expliquer,
selon l'Autorité, par le pouvoir d'attraction de Google auprès des annonceurs, celui-ci
résultant de son importance et de son omniprésence sur Internet.
190
Publicité et droit des marques
436.
En second lieu, l'avis s'intéresse au pouvoir de marché susceptible d'être exercé par
Google. Après avoir relevé qu'il pourrait être avancé que Google ne détient pas un fort
pouvoir de marché au motif que le moteur de recherche ne maitrise pas les prix des liens
commerciaux puisqu'ils sont fonction des enchères faites par les annonceurs, l'Autorité note
que Google peut tout de même influencer les prix. Notamment, certains des acteurs du
marché interrogés relèvent que Google est, grâce au manque de transparence du
fonctionnement des enchères, en mesure de manipuler ces dernières. Puis l'Autorité
s'intéresse aux relations avec les annonceurs et certaines des pratiques de Google démontrent
son fort pouvoir de marché. En effet, le moteur de recherche ne craint pas les réactions des
clients car malgré certains de ses agissements, il ne risque pas d'en perdre beaucoup.
L'Autorité cite ainsi plusieurs des comportements de Google parmi lesquels on trouve la
possibilité de maintenir des dysfonctionnements dans la communication avec les clients
annonceurs (réponses divergentes ou même absence de réponse aux demandes formulées), la
possibilité de menacer de fermer les comptes au motif d'une violation du règlement mais
aussi la possibilité de les fermer définitivement.
Par ailleurs, l'exemple de la possibilité de Google de « s'abstraire de la pression
concurrentielle (…) dans le cadre des relations contractuelles qu'il noue avec ses clients »
qui nous intéresse plus particulièrement concerne sa politique d'achat de mots clés. En effet,
l'Autorité relève que le moteur de recherche peut notamment « mettre en œuvre une politique
d'achat de mots-clés contre l'avis des médias et des annonceurs ». Ainsi, comme le souligne
l'avis, suite à l'arrêt Google de la CJUE383, le moteur de recherche a annoncé, qu'à compter
du 14 septembre 2010, il « n'empêcherait plus l'utilisation des noms de marque comme
mots-clés dans le texte des annonces et même comme mots-clés sur lesquels des entreprises
autres que l'entreprise détentrice de la marque souhaitent enchérir ». Google peut alors, et
c'est bien là le comble, contraindre les titulaires de marques à augmenter leurs dépenses pour
l'achat du mot clé correspondant à leur marque. En conséquence, comme nous le verrons,
suite à l'arrêt Google, non seulement, les titulaires de marques ne peuvent que difficilement
engager la responsabilité de Google au titre de l'usage fait de leur marque mais, en outre, s'ils
veulent que leur annonce soit visible, ils doivent surenchérir sur le mot clé correspondant à
leur propre marque. Le géant Google ne semble donc pas être le meilleur allié des titulaires
383 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit.
191
Publicité et droit des marques
de marques !
437.
Enfin, pour revenir à l'étude des éléments démontrant la position dominante de
Google, il convient de s'intéresser aux barrières à l'entrée. Sur le marché biface qu'est la
publicité liée aux recherches, il apparaît que Google a une position très importante sur le coté
des internautes. Selon le moteur de recherche, la concurrence est « à un clic » puisque
l'internaute (comme l'annonceur) n'a qu'à lancer une requête dans sa barre de recherche pour
trouver un autre moteur (et cliquer dessus) et ainsi en changer sans aucun coût. Néanmoins,
Google détenant une part de marché supérieure à 90 %, les annonceurs ne peuvent pas se
permettre de quitter celui-ci. Google peut alors centrer ses efforts sur la partie moteur de
recherche afin de contenter les internautes sans en faire autant pour les annonceurs car « il
est assuré que ceux-ci resteront tant que le moteur attirera l'essentiel des requêtes ». En
conséquence, la concurrence « à un clic » existe peut-être mais pas pour les annonceurs.
438.
Par ailleurs, l'Autorité constate qu'il existe des barrières à l'entrée pour concurrencer
le moteur de recherche de Google mais aussi son activité de search. S'agissant de l'activité de
moteur de recherche, plusieurs éléments peuvent freiner l'entrée de la concurrence. Tout
d'abord, les coûts fixes de la création d'un moteur de recherche généraliste sont très élevés,
notamment en raison du coût du développement de l'algorithme mais aussi du coût
d'hébergement des pages. En outre, l'amélioration des algorithmes, et surtout de leur
pertinence, ne peut se faire qu'à partir d'un certain nombre de requêtes. Enfin, il convient de
souligner le fait qu'il est établi que Google possède un nombre de pages indexées très
nettement supérieur à la concurrence, ce qui peut aussi être un handicap pour les concurrents
(actuels ou futurs). En outre, comme nous l'avons vu, les autres moteurs de recherche ont
une fréquentation bien moins importante que celle de Google. De ce fait, le principal frein
est que leur activité de publicité liée aux recherches est forcément moins lucrative.
439.
Tous ces éléments ont conduit l'Autorité à conclure que Google se trouvait bien en
situation de position dominante. En effet, elle affirme que « la profitabilité de Google, sa
part de marché très importante qui se maintient depuis plusieurs années, le fait que Google
puisse s'abstraire assez largement de l'insatisfaction des annonceurs dans le cadre des
relations contractuelles qu'il noue avec eux, l'existence de barrière à l'entrée, à la fois sur le
côté « internautes » et le côté « annonceurs » du marché biface de la recherche sur Internet,
192
Publicité et droit des marques
sont autant d'éléments qui convergent dans le sens d'une position dominante de Google sur
le marché de la publicité liée aux recherches ».
440.
L'Autorité rappelle plus loin que cette position dominante n'est pas condamnable en
soi et bien qu'elle ait analysé les éventuels abus d'éviction qui auraient pour effet d'écarter les
concurrents et les éventuels abus d'exploitation qui permettraient à Google d'imposer des
conditions « exorbitantes » à ses clients ou à ses partenaires (notamment en refusant de
garantir un minimum de transparence), elle précise que, s'exprimant à titre consultatif et non
contentieux, elle n'a pas à se prononcer sur la licéité de telles pratiques. De plus, elle précise
que la Commission européenne a engagé des investigations approfondies au sujet de Google
suite à des accusations portées par des annonceurs mécontents, afin de déterminer si le
moteur de recherche avait abusé de sa position dominante s'agissant du classement des
services verticaux dans les résultats naturels. En effet, il est reproché à Google d'avoir
abaissé le rang de certains services et mis en avant les siens.
Par ailleurs, l'Autorité a, à plusieurs reprises, rappelé que les griefs à l'encontre de
Google ne relevaient pas seulement du droit de la concurrence. La possibilité pour les
annonceurs de sélectionner des mots clés identiques à des noms de marques enregistrées a
suscité le mécontentement de nombreux titulaires de marques qui ont alors poursuivi les
annonceurs (mais aussi bien sûr les moteurs de recherche), et ce essentiellement sur le
fondement d'une atteinte au droit des marques.
Section 2. L'usage indu de mots clés correspondant à des marques par
les annonceurs
441.
Le référencement payant sur Internet, bien qu'étant un outil très utile à la fois pour les
annonceurs et pour les internautes, ne fait pas l'unanimité quant à son fonctionnement. Il lui
est notamment reproché de favoriser des actes de concurrence déloyale en ce qu'il permet
193
Publicité et droit des marques
aux annonceurs de détourner la clientèle des titulaires de marques. En outre, ces derniers lui
reprochent aussi de rendre possible certaines atteintes aux droits exclusifs des titulaires de
marques sur celles-ci ou encore d'être à l'origine de publicités pouvant induire en erreur.
C'est ainsi sur les fondements de contrefaçon, de concurrence déloyale ou encore de
publicité trompeuse que les annonceurs, clients des prestataires de service de référencement
payant et souvent concurrents des titulaires des marques dont ils font usage, ont souvent été
condamnés (§1). Puis, la CJUE, dans son arrêt Google384, a jugé, sans pour autant exclure les
fondements de concurrence déloyale et de pratique commerciale trompeuse, que l'usage par
un annonceur de mots clés correspondant à la marque d'un tiers était susceptible de porter
atteinte aux fonctions de cette marque et constituait ainsi un usage contrefaisant (§2).
§1 Les terrains de condamnation de l'annonceur avant l'arrêt Google
442.
Dans le cadre de leur usage de mots clés correspondant à des marques afin de
déclencher l'affichage de liens commerciaux, les annonceurs ont parfois été condamnés. Ces
condamnations n'ont néanmoins pas forcément le même fondement. Ainsi, les annonceurs
ont pu voir leur responsabilité engagée sur le fondement de la concurrence déloyale ou
encore de la publicité trompeuse (A) mais aussi au titre de la contrefaçon (B).
A- Les terrains de la concurrence déloyale et des pratiques commerciales
trompeuses
443.
Les annonceurs qui utilisent comme mots clés dans le cadre du référencement sur
Internet des marques enregistrées ont souvent été condamnés sur le fondement de la
384 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit.
194
Publicité et droit des marques
concurrence déloyale ou sur celui des pratiques commerciales trompeuses notamment parce
que de cet usage découle un détournement de clientèle.
444.
Les condamnations pour concurrence déloyale trouvent leur fondement dans les
articles 1382 et 1383 du Code civil qui énoncent respectivement que « tout fait quelconque
qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et
que « chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais
encore par sa négligence ou par son imprudence ». L'article 10 bis de la convention de Paris
pour la protection de la propriété industrielle385 énonce que « constitue un acte de
concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière
industrielle et commerciale ». Elle ajoute que devront notamment être interdits les faits « de
nature à créer une confusion par n'importe quel moyen avec l'établissement, les produits ou
l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent ; les allégations fausses, dans
l'exercice du commerce de nature à discréditer l'établissement, les produits ou l'activité
industrielle ou commerciale d'un concurrent ; les indications ou allégations dont l'usage,
dans l'exercice du commerce, est susceptible d'induire le public en erreur sur la nature, le
mode de fabrication, les caractéristiques, l'aptitude à l'emploi ou la quantité des
marchandises ».
445.
S'agissant des pratiques commerciales trompeuses, l'article L. 115-33 du Code de la
consommation dispose que « les propriétaires de marques de commerce, de fabrique ou de
service peuvent s'opposer à ce que des textes publicitaires concernant nommément leur
marque soient diffusés lorsque l'utilisation de cette marque vise à tromper le consommateur
ou qu'elle est faite de mauvaise foi ». L'article L. 121-1 du même code énonce qu'une
pratique commerciale est trompeuse « lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou
service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent » mais
aussi « lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de
nature à induire en erreur » et portant notamment sur la nature des produits ou leur origine.
Les condamnations sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses n'ont,
dans l'hypothèse du référencement payant, pas réellement vocation à protéger le
385 Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, telle que modifiée le
28 sept. 1979 : www.wipo.int, op. cit.
195
Publicité et droit des marques
consommateur mais plutôt à lutter contre le détournement de clientèle qui résulterait de d'une
méprise de la part des internautes. En effet, il peut résulter d'une telle pratique que les
consommateurs se méprennent sur l'origine des produits ou croient de manière erronée qu'il
existe un lien entre l'entreprise titulaire de la marque et celle dont l'annonce apparaît suite à
leur requête dans le moteur de recherche. Ce fondement permet alors de lutter contre ces
pratiques qui constituent, outre un risque pour le consommateur d'être trompé, un
comportement déloyal envers les entreprises titulaires des marques utilisées comme mots
clés.
446.
Plusieurs décisions ont condamné les annonceurs, clients de prestataires de service de
référencement payant sur les fondements de publicité trompeuse et de concurrence déloyale.
Ainsi, le tribunal de grande instance de Lyon, dans une décision du 13 mars 2008386, a
condamné un annonceur sur le fondement de la concurrence déloyale au motif que
l'utilisation d'un signe afin de générer l'affichage d'annonces pour des sites concurrents était
« constitutif d'une faute tendant au détournement de la clientèle ».
447.
Le tribunal de commerce de Paris, dans une décision du 23 octobre 2008387, a
considéré que la société qui avait choisi comme mot clé la dénomination sociale ainsi que le
nom de domaine d'un concurrent avait commis des actes de concurrence déloyale à l'égard
de celui-ci. La société HCS qui exerçait la même activité que la société Cobrason avait
choisi comme mot clé la dénomination sociale et le nom de domaine de cette dernière de
sorte que lorsqu'un internaute effectuait une recherche en entrant dans sa requête le mot clé
"Cobrason", un lien commercial vers le site de le société HCS apparaissait. Or, cette société
ne pouvait ignorer le risque de confusion qu'elle créait et il en résulte un détournement de
clientèle potentiel. Par ailleurs, le tribunal a aussi considéré que l'annonceur (ainsi que
Google) avait engagé sa responsabilité au titre de la publicité trompeuse. Les juges ont
retenu que l'intitulé « liens commerciaux » était trompeur car il pouvait laisser l'internaute
croire en un lien commercial entre le site de l'annonceur et celui du titulaire de la marque
« de sorte que ce dernier peut penser en s'adressant à une entreprise inscrite sous la
rubrique lien commercial que celle-ci dispose de produits identiques voire qu'elle
commercialise les produits [du titulaire de la marque] ». L'annonce publicitaire est alors de
386 TGI Lyon, 13 mars 2008, : RLDI 2008, n° 1134, L. Costes et J.-B. Auroux
387 T. com. Paris, 15e ch., 23 oct. 2008, Cobrason c/ Google : Propr. indust. 2009, comm. 8, J. Larrieu
196
Publicité et droit des marques
nature à induire le consommateur en erreur.
Outre, ces fondements, le grief de la contrefaçon a souvent été avancé par les
titulaires de marques.
B- Le terrain de la contrefaçon
448.
La responsabilité des annonceurs a aussi souvent été engagée sur le fondement de la
contrefaçon. En effet, il peut résulter de l'affichage d'annonces généré à la suite de la saisie
d'un mot clé correspondant à une marque un risque de confusion dans l'esprit de l'auteur de
la recherche entre l'annonceur et le titulaire de la marque.
449.
Les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoient que
« sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : la reproduction, l'usage ou l'apposition
d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation,
genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services
identiques à ceux désignés dans l'enregistrement » et que « sont interdits, sauf autorisation
du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public la
reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque
reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».
L'article L. 716-1 du même code énonce que « l'atteinte portée au droit du propriétaire de la
marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur [et que]
constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux
articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4 ».
450.
C'est sur le fondement de ces articles que les tribunaux condamnent souvent les
annonceurs qui font un usage de la marque de tiers dans le cadre du référencement payant.
Très souvent, les titulaires de marques ont reproché aux annonceurs d'avoir commis des actes
contrefaisants par le biais des liens commerciaux. Les annonceurs choisissent parfois comme
mots clés des marques enregistrées par des tiers afin que leurs annonces apparaissent suite à
197
Publicité et droit des marques
une requête dans laquelle un internaute aura entré ces mots clés. Bien que les marques en
cause ne soient pas toujours citées dans les annonces commerciales accompagnant le lien
sponsorisé et n'apparaissent pas, l'usage de la marque en tant que mot clé suffit à justifier la
condamnation388.
Ainsi, en décembre 2005, la société Cartephone a vu sa responsabilité engagée sur le
fondement de la contrefaçon pour avoir, afin de commander l'affichage de ses annonces dans
le cadre d'un service de référencement payant, utilisé comme mots clés des marques
enregistrées pour des services identiques à ceux qu'elle proposait389.
De même, dans un arrêt du 23 mars 2006, la cour d'appel de Versailles 390 a considéré
que constituait une contrefaçon de marque l'usage du mot "eurochallenges", utilisé comme
mot clé par un annonceur, pour des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels est
enregistrée la marque "Eurochallenges", et ce quand bien même le signe n'apparaissait ni
dans les liens commerciaux, ni dans leur titre, contenu ou adresse URL. La cour a en effet
considéré que bien que le mot clé n'apparaisse pas lors de l'affichage des liens commerciaux,
il n'en demeure pas mois visible pour l'internaute qui l'a entré dans sa recherche, les mots de
sa requête restant affichés à l'écran en même temps que les résultats de sa recherche. En
outre, le fait que les liens vers les sites des annonceurs apparaissent dans une colonne
séparée sous le titre de "liens commerciaux" n'a pas pour effet d'« éviter tout risque de
confusion pour un internaute moyennement attentif » qui pourra alors faire le lien entre le
site de l'annonceur et le mot clé "eurochallenges" entré dans la requête.
451.
C'est sur ce fondement de contrefaçon que la CJUE, dans l'arrêt Google du 23 mars
2010391, a considéré que les annonceurs qui utilisaient des mots clés correspondant à des
marques enregistrées par des tiers devaient être condamnés.
388 Voir notamment CA Versailles, 12e ch., sect. 1, 2 nov. 2006 : Propr. Industr. 2007, n° 4, ét. 11, B. Fay
389 TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 8 déc. 2005, Sté Kertel c/ Google et Cartephone : Propr. industr. 2006, n° 3,
comm. 24, P. Tréfigny
390 CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 23 mars 2006, Google c/ CNRRH
391 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/06 à C-238/08, Google, op. cit.
198
Publicité et droit des marques
§2 L'usage par l'annonceur de mots clés correspondant à des marques : un
acte constitutif de contrefaçon pour la CJUE
452.
La Cour de cassation, qui a été amenée à trancher trois litiges opposant des titulaires
de marques à des annonceurs clients de Google et au moteur de recherche lui-même, a
décidé de sursoir à statuer et a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de
l'Union européenne notamment afin de savoir si les usages des marques faits par les
annonceurs étaient constitutifs de contrefaçon.
453.
Comme nous l'avons vu, c'est notamment sur ce fondement que les titulaires de
marques tentent de lutter contre la sélection de mots clés correspondant à leurs marques faite
par des annonceurs afin de diriger les internautes vers leurs propres sites. En outre, comme le
souligne la CJUE, « s'il s'avère ainsi que la responsabilité d'annonceurs sur Internet peut, le
cas échéant, être engagée en application de règles d'autres domaines du droit, telles que
celles de la concurrence déloyale, il n'en demeure pas moins que le prétendu usage illicite
sur Internet de signes identiques ou similaires à des marques se prête à un examen sous
l'angle du droit des marques »392.
454.
La CJUE a alors jugé que l'usage de mots clés correspondant à des marques
enregistrées constituait bien un acte constitutif de contrefaçon (A), position qu'elle a eu
l'occasion de confirmer peu de temps après l'arrêt Google (B).
A- La responsabilité de l'annonceur engagée au titre de la contrefaçon
455.
Par la première question de l'affaire C-238/08, la Cour de cassation demandait à la
CJUE si « la réservation par un opérateur économique, par voie de contrat de
référencement payant sur Internet, d'un mot clé déclenchant en cas de requête utilisant ce
392 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit., point 87
199
Publicité et droit des marques
mot l'affichage d'un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin
d'offrir à la vente des produits ou des services, d'un signe reproduisant ou imitant une
marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques ou similaires, sans
l'autorisation du titulaire de cette marque, [caractérisait] en elle-même une atteinte au droit
exclusif garanti à ce dernier par l'article 5 de la directive 89/104 ».
456.
L'article 5, §1 de la directive 89/104393 dispose que « la marque enregistrée confère à
son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de
son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :
a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour
lesquels celle-ci est enregistrée ;
b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en
raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et
le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque
d'association entre le signe et la marque ».
457.
Ainsi, dans ces conditions, le titulaire de la marque enregistrée peut interdire l'usage
d'un signe identique à sa marque lorsque cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter
atteinte aux fonctions de la marque. Nous allons donc reprendre l'analyse de la CJUE afin de
savoir si ces conditions sont remplies.
● Un usage dans la vie des affaires :
458.
La Cour, après avoir rappelé quelques précisions apportées par la jurisprudence
antérieure en énonçant que l'usage avait bien lieu dans la vie des affaires lorsqu' « il se
[situait] dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique et
non dans le domaine privé »394, relève que l'annonceur fait bien un usage dans la vie des
affaires en achetant le service de référencement et en choisissant en tant que mot clé un signe
identique à la marque d'autrui, ce mot clé constituant l'outil qui déclenche l'affichage
publicitaire. Il ne peut donc s'agir d'un usage dans le domaine privé.
Pourtant, pour l'avocat général395, un tel usage de la marque par les annonceurs n'a
393 Directive 89/104/CEE du 21 déc. 1988 rapprochant les États membres sur les marques, op. cit.
394 Voir notamment CJCE, 12 nov. 2002, précité, pt 40 et CJCE, 11 sept. 2007, aff. C-17/06, Céline : Rec.
2007, I, 7041, pt 17
395 Conclusions de l'avocat général Poiares Maduro, 22 sept. 2009, aff. C-236/08 à C-238/08, Google
200
Publicité et droit des marques
pas lieu dans la vie des affaires car les annonceurs agissent en tant que consommateurs en
sélectionnant les mots clés. Il s'agit donc pour lui d'un usage privé. Par ailleurs, il considère
qu'il serait contradictoire d'exclure l'atteinte à la marque dans le cas de l'usage fait par
Google, comme il le recommande à la Cour, et de l'admettre dans le cas de l'usage fait par les
annonceurs en sélectionnant les mots clés. Pour lui, « cela reviendrait à dire que Google est
libre d'autoriser la sélection de mots clés que personne ne pourra sélectionner » (point 151).
Néanmoins, il relève que les titulaires de marque ne restent pas démunis et qu'ils pourront
toujours agir lorsque les annonces sont affichées à l'attention des internautes et qu'elles
engendrent un risque de confusion. Ainsi, il avait recommandé à la CJUE de retenir que « la
sélection par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur
Internet, d'un mot clef déclenchant, en cas de requête utilisant ce mot, l'affichage d'un lien
proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d'offrir à la vente des
produits ou services, d'un signe reproduisant ou imitant une marque enregistrée par un tiers
afin de désigner des produits identiques ou similaires, sans l'autorisation du titulaire de
cette marque, ne [constituait] pas en soi une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier en
vertu de l'article 5 de la première directive 89/104 ».
La Cour n'a donc pas suivi les conclusions de l'avocat général en considérant que les
annonceurs n'agissaient pas en tant que consommateurs lors de la sélection de mots clés et en
affirmant qu'il s'agissait alors bien d'un usage dans la vie des affaires et non d'un usage privé.
● Un usage « pour des produits ou des services » :
459.
La Cour rappelle que les comportements énumérés aux articles 5, §3 de la directive
89/104 et 9, §2 du règlement n° 40/94, c'est-à-dire l'apposition du signe sur les produits ou
leurs conditionnement, l'offre à la vente des produits ou des services sous le signe,
l'importation ou l'exportation sous le signe et l'utilisation du signe dans les papiers d'affaires
et la publicité, constituent bien des usages pour des produits ou services. S'agissant de
l'affaire C-236/08, le signe est utilisé dans la publicité mais dans les deux autres affaires, il
n'y a pas d'usage de signes identiques dans les annonces. La Cour considère alors que
l'énumération de la directive et du règlement n'est pas exhaustive et que, par conséquent,
bien que le signe utilisé n'apparaisse pas dans l'annonce, cette circonstance ne saurait
201
Publicité et droit des marques
justifier que cette utilisation soit étrangère à la notion d'usage pour des produits ou services
(point 65). En outre, elle précise que, comme il a été jugé en matière de publicité
comparative, l'usage d'un signe identique ou similaire à la marque afin d'identifier les
produits ou services offerts par un concurrent constitue un usage pour des produits ou
services. La Cour en déduit que, sans s'interroger sur la qualification ou non de publicité
comparative, il convient de considérer que, de même, « l'usage que l'annonceur fait du signe
identique à la marque d'un concurrent pour que l'internaute prenne connaissance non
seulement des produits ou des services offerts par ce concurrent mais également de ceux
dudit annonceur, est un usage pour les produits ou les services de cet annonceur » et ce,
quand bien même cet usage aurait pour vocation d'induire les internautes en erreur quant à
l'origine des produits ou services. La Cour conclut alors sur ce point en énonçant qu'« il
résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que l'emploi par l'annonceur du
signe identique à la marque en tant que mot clé dans le cadre d'un service de référencement
sur Internet relève de la notion d'usage "pour des produits ou des services" au sens de
l'article 5, §1, sous a), de la directive 89/104 » (point 73).
● Un usage susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque :
460.
L'exercice du droit exclusif prévu par l'article 5, §1, a) de la directive 89/104 qui a
pour objectif d'assurer que la marque puisse exercer ses fonctions propres doit être réservé
aux cas dans lesquels l'usage d'un signe identique à la marque porte ou est susceptible de
porter atteinte aux fonctions de la marque. La Cour rappelle alors la fonction essentielle qui
est celle d'indication d'origine des produits mais aussi les autres fonctions reconnues
récemment qui sont celles de communication, d'investissement ou de publicité. Elle
considère qu'il convient en l'espèce de s'interroger sur le risque d'une atteinte à la fonction
d'indication d'origine et à celle de publicité.
► S'agissant du risque d'une atteinte à la fonction de publicité :
Après avoir rappelé la reconnaissance récente par la jurisprudence européenne d'une réalité
consistant en ce que le titulaire d'une marque pouvait avoir comme objectif, outre d'indiquer
grâce à sa marque la provenance de ses produits ou services, d'employer celle-ci « à des fins
publicitaires afin d'informer mais aussi de persuader les consommateurs », la CJUE
202
Publicité et droit des marques
considère néanmoins que l'usage d'un signe identique à une marque d'autrui dans le cadre
d'un service de référencement n'est pas susceptible de porter atteinte à la fonction de
publicité de la marque. En effet, le titulaire d'une marque est habilité à interdire l'usage d'un
signe identique à celle-ci lorsque cet usage porte atteinte à l'emploi de la marque en tant
qu'outil de promotion des ventes ou d'instrument de stratégie commerciale. Bien que la Cour
ne rejette pas l'éventualité qu'un tel usage ait des répercussions sur l'emploi publicitaire de la
marque ou sur la stratégie commerciale de son titulaire, elle considère que ces répercussions
ne constituent pas une atteinte à la fonction publicitaire de la marque. Cette position de la
CJUE a pour fondement le fait que le site internet du titulaire de la marque apparaît, suite à
une recherche par un internaute, dans la liste des résultats naturels, et ce en principe sur l'un
des premiers rangs de celle-ci. Il en découle une certaine visibilité des produits du titulaire de
la marque indépendamment de la place que le titulaire parvient à occuper dans la liste des
liens commerciaux (le prix par clic n'étant pas le seul élément pris en compte pour
déterminer l'ordre d'affichage des annonces). Ainsi, pour la Cour, il résulte de ces
constatations que l'usage par un tiers d'un signe identique à une marque enregistrée ne porte
pas atteinte à la fonction de publicité de celle-ci.
Cette position est critiquable car le titulaire d'une marque qui souhaite figurer, outre
dans les résultats naturels, dans les liens commerciaux est obligé de surenchérir sur le mot
clé correspondant à sa propre marque. Cela semble aberrant qu'il soit obligé de dépenser
davantage pour tirer profit de sa propre marque. Par ailleurs, la Cour considère qu'il y a
atteinte à la fonction de publicité de la marque lorsque l'usage en cause « porte atteinte à
l'emploi de la marque, par son titulaire, en tant qu'élément de promotion des ventes ou en
tant qu'instrument de stratégie commerciale » (point 92). Or, le fait que le titulaire doive
surenchérir sur son propre signe afin de pouvoir obtenir un meilleur classement dans le
référencement ne peut semble-t-il que porter atteinte à l'emploi de la marque « en tant
qu'élément de promotion des ventes ».
► S'agissant du risque d'une atteinte à la fonction d'indication d'origine :
La CJUE rappelle que la fonction de la marque est de garantir au consommateur l'identité
d'origine des produits en lui permettant de les distinguer de ceux ayant une autre provenance.
Elle s'interroge ensuite afin « de savoir s'il y a atteinte à cette fonction de la marque
lorsqu'est montrée aux internautes, à partir d'un mot clé identique à une marque, une
203
Publicité et droit des marques
annonce d'un tiers, tel qu'un concurrent du titulaire de cette marque ». Pour la Cour, la
réponse dépend de la façon dont cette annonce est présentée car il y a atteinte quand
« l'annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute normalement
informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits visés par l'annonce proviennent
du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée » (point 84). Ainsi,
l'atteinte peut résulter du fait que l'usage par un tiers d'un signe identique à la marque
accrédite l'existence d'un lien matériel dans la vie des affaires entre les produits ou services
en cause et le titulaire de la marque. La Cour considère alors que le titulaire d'une marque
doit être habilité à interdire l'affichage des annonces d'un tiers lorsque les internautes
risquent de penser à tort qu'elles émanent de lui. Ainsi, lorsque l'annonce d'un tiers laisse
croire en l'existence d'un lien économique entre ce tiers et le titulaire de la marque, les
juridictions nationales doivent en conclure qu'il y a atteinte à la fonction essentielle de la
marque.
461.
La Cour considère donc que les annonceurs peuvent voir leur responsabilité engagée
au titre de la contrefaçon du fait de leur sélection comme mots clés de marques enregistrées
par des tiers. En effet, un tel usage d'un signe identique par l'annonceur, s'il est fait pour des
produits ou des services identiques à ceux couverts par la marque, porte atteinte à la fonction
d'indication d'origine de la marque et caractérise la contrefaçon. Deux jours après avoir
rendu l'arrêt Google, la Cour a eu l'occasion de confirmer cette position et a considéré une
nouvelle fois que cet usage par l'annonceur pouvait être interdit par le titulaire de la marque
s'il ne permettait pas à l'internaute de déterminer l'origine des produits visés par l'annonce.
B- Les arrêts Die BergSpechte et Portakabin de la CJUE
462.
La CJUE, dans l'arrêt Die BergSpechte du 25 mars 2010396 puis dans l'arrêt
Portakabin du 8 juillet 2010397, a été amenée de nouveau à se prononcer sur l'usage par un
396 CJUE, 25 mars 2010, aff. C-278/08, Die BergSpechte : Propr. indust. 2010, comm. 39, A. FolliardMonguiral
397 CJUE, 8 juill. 2010, aff. C-558/08, Portakabin : Europe 2010, n° 10, comm. 340, L. Idot ; Propr. industr.
204
Publicité et droit des marques
annonceur de mots clés correspondant à des marques enregistrées dans le cadre d'un service
de référencement payant sur Internet.
463.
S'agissant de l'arrêt Die BergSpechte, la Cour suprême autrichienne, peu après la
Cour de cassation française, a interrogé elle-aussi la CJUE (CJCE) sur le liens sponsorisés et
lui a notamment demandé si l'article 5, §1 de la directive 89/104 devait « être interprété en
ce sens qu'une marque est utilisée d'une manière réservée au titulaire de la marque lorsque
ladite marque ou un signe similaire (par exemple, l'élément verbal d'une marque figurative
et verbale) est utilisée comme mot clé dans un moteur de recherche et que par conséquent,
lorsque ladite est marque est entrée comme terme de recherche dans le moteur de recherche
en cause, une publicité pour des marchandises ou des prestations analogues apparaît à
l'écran ?
464.
La Cour a relevé que le titulaire d'une marque ne pouvait s'opposer à l'usage par un
tiers d'un signe identique ou similaire à celle-ci que si les conditions prévues à l'article 5, §1
de la directive 89/104 étaient remplies. La Cour rappelle l'arrêt Google et considère que
l'annonceur fait bien un usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services au
sens de l'article 5, §1 de la directive 89/104 lorsque s'affiche, à partir d'un mot clé identique
ou similaire à une marque enregistrée qu'il a sélectionné dans le cadre d'un contrat de
référencement sur internet sans l'accord du titulaire de la marque, une annonce pour des
produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée. Néanmoins,
il reste à apprécier l'existence d'une atteinte aux fonctions de la marque ou du moins d'une
atteinte à la fonction dite essentielle de d'indication d'origine ainsi que l'existence d'un risque
de confusion selon que les signes sont identiques ou simplement similaires (les activités sont
quant à elles identiques en l'espèce). Pour la Cour, les signes en cause sont seulement
similaires car « un signe est identique à une marque seulement lorsqu’il reproduit, sans
modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans
son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues
aux yeux d’un consommateur moyen » (point 25). Considérant néanmoins qu'il appartient à
la juridiction nationale d'apprécier l'identité entre les deux signes, la Cour s'interroge à la fois
sur l'existence d'une atteinte aux fonctions de la marque et sur l'existence d'un risque de
confusion.
2010, n° 10, comm. 64, A. Folliard-Monguiral
205
Publicité et droit des marques
465.
S'agissant d'une atteinte aux fonctions de la marque, celles que la Cour considère
comme étant pertinentes à examiner sont celles de publicité et d'indication d'origine. La
CJUE constate, tout comme elle l'a fait de façon critiquable dans l'arrêt Google, que l'usage
d'un signe identique à une marque enregistrée dans le cadre d'un service de référencement
sur internet n'est pas susceptible de porter atteinte à la fonction de publicité de la marque
(points 33 et 34). En ce qui concerne une éventuelle atteinte à la fonction dite essentielle
d'indication d'origine, la Cour rappelle une fois encore la solution de l'arrêt Google selon
laquelle il y a atteinte lorsque l'annonce suggère l'existence d'un lien économique ou, ne
suggérant pas un tel lien, elle reste tellement vague quant à l'origine des produits ou des
services en cause qu'un « internaute normalement informé et raisonnablement attentif » ne
peut déterminer si l'annonceur est un tiers par rapport au titulaire de la marque ou s'il lui est
économiquement lié (point 36). Néanmoins, il convient de préciser, comme le souligne
Arnaud FOLLIARD-MONGUIRAL398, que lorsque le mot clé identique ou similaire à la
marque enregistrée n'apparait ni dans le lien hypertexte ni dans le message publicitaire, il
semble qu'il soit moins évident de démontrer l'atteinte à la fonction de garantie d'origine car
l'usage du mot clé est alors invisible aux yeux de l'internaute. Dans l'hypothèse d'une simple
similitude entre les signes, la Cour juge qu'il incombe à la juridiction nationale de retenir
l'existence d'un risque de confusion si l'annonce qui apparaît à partir d'un mot clé similaire à
une marque ne permet pas ou difficilement à l'internaute « normalement informé et
raisonnablement attentif » de savoir si les produits ou services visés proviennent du titulaire
de la marque, d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou d'un tiers (point 39).
466.
La Cour a alors jugé que le titulaire d'une marque est habilité à interdire à un
annonceur, en vertu de l'article 5, §1 de la directive 89/104, de faire, à partir d'un mot clé
identique ou similaire à cette marque que l'annonceur a sélectionné dans le cadre d'un service
de référencement sur internet sans l'accord du titulaire, de la publicité pour des produits ou
services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque cette publicité ne
permet pas ou permet difficilement à un internaute « normalement informé et
raisonnablement attentif » de savoir si ces produits ou services proviennent du titulaire de la
marque, d'une entreprise économiquement liée ou d'un simple tiers.
398 A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt BergSpechte : Droit des marques et internet (2) : la responsabilité de
l'annonceur, Propr. Indust. n° 6, juin 2010, comm. 39
206
Publicité et droit des marques
467.
Quelques mois après s'être prononcée s'agissant de l'affaire Die BergSpechte, la
CJUE a rendu un autre arrêt ayant trait à la question de la licéité de l'usage par les
annonceurs de mots clés identiques à des marques enregistrées. Il s'agissait encore une fois
de déterminer si le titulaire d'une marque pouvait interdire un tel usage de celle-ci par un
tiers annonceur. En l'espèce, la Cour a confirmé sa position quant au condition de l'exercice
du droit exclusif du titulaire en relevant que l'usage de la marque par l'annonceur qui avait
bien lieu « dans la vie des affaires », puisque le signe était ainsi utilisé « pour déclencher
l'usage de son annonce » (point 27) et « pour des produits ou services de l'annonceur »
(point 28), portait atteinte à la fonction d'indication d'origine de la marque puisqu'il était
difficilement possible pour l'internaute de déterminer « si les produits ou les services visés
par l'annonce [provenaient] du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement
liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers » (point 38).
468.
Cette position protectrice des droits de marque de la CJUE quant à l'usage par les
annonceurs de mots clés correspondant à des marques n'a pas été appliquée aux moteurs de
recherche. En effet, là où l'on peut être étonné s'agissant de l'arrêt Google, c'est au sujet du
refus de condamnation du moteur de recherche, position contraire à celle majoritaire des
juges français, mais aussi et surtout de la reconnaissance par la CJUE du bénéfice par
Google du statut d'intermédiaire technique.
207
Publicité et droit des marques
Chapitre 2
La question de la responsabilité des prestataires de service
de référencement payant
469.
C'est
du côté du prestataire du service de référencement qu'il faut se tourner pour se
rendre compte du nombre de condamnations antérieures à l'arrêt Google. En effet, l'on peut,
à l'image de Monsieur le Professeur Christophe CARON399, s'étonner du peu d'assignations
des annonceurs. Il relève que c'est souvent le moteur de recherche qui est directement
assigné puisque c'est lui qui fournit les moyens, grâce à ses services, de causer un préjudice à
autrui.
Certes, il est vrai que c'est l'annonceur qui joue un rôle actif en choisissant les mots
clés et qui peut ainsi être condamné mais le prestataire du service de référencement se trouve
lui aussi souvent assigné. Pourtant, on peut lire sur le site de Google l'avertissement suivant :
« le générateur de mots clés recense de façon automatique une liste de requêtes courantes
effectuées sur le moteur de recherche de Google, en rapport avec le mot clé que vous avez
saisi. Les termes énumérés ne vous sont pas conseillés ni recommandés et Google ne peut
garantir que ces mots clés amélioreront les performances de votre campagne. Nous nous
réservons également le droit de désapprouver tout nouveau mot clé sélectionné. Vous êtes
seul responsable des mots clés que vous sélectionnez et devez vous assurer que leur
utilisation n’enfreint aucune législation ni ne porte atteinte aux droits de tiers, notamment
au regard du droit des marques et de la concurrence déloyale. Avant de sélectionner un mot
clé, vous devriez vérifier qu’il ne s’agit pas d’un terme protégé (marque, nom commercial,
dénomination sociale) en consultant un registre des marques (ex : www.icimarques.com) et
des sociétés (ex : www.euridile.com) ».
Malgré cette « décharge » de la part de Google, c'est bien la responsabilité du moteur
399 Ch. Caron, Les liens sponsorisés à l'honneur, Comm. com. électr. 2009, n° 1, comm. 4
208
Publicité et droit des marques
de recherche qui est recherchée. Aussi ce dernier a-t-il tenté de se réfugier derrière le statut
d'hébergeur, même si celui-ci, jusqu'à il y a peu, lui était souvent refusé.
470.
Ainsi, la tache qui a incombé aux juges a été de déterminer à la fois si Google se
rendait coupable de contrefaçon, de concurrence déloyale ou encore de pratique commerciale
trompeuse (section 1) mais aussi s'il pouvait bénéficier du régime dérogatoire de
responsabilité applicable aux hébergeurs qui stockent des données sur Internet (section 2).
Section 1. Un usage non constitutif de contrefaçon
471.
Google ayant donné les moyens aux annonceurs de faire un usage indu des marques
de tiers et s'enrichissant grâce à lui, il apparaît normal que les titulaires de marques aient
cherché à engager sa responsabilité. Ils ont alors poursuivi Google sur les mêmes
fondements que s'agissant des annonceurs car c'est bien le site de Google qui est à l'origine
des atteintes qui peuvent leur être portées. C'est donc sur les fondements de la contrefaçon,
de la concurrence déloyale et de la publicité trompeuse que les tribunaux français ont eu
l'occasion de sanctionner Google (§1).
Cependant, l'arrêt Google de la CJUE400 s'est montré très (trop) favorable au moteur
de recherche. En effet, la Cour, après avoir considéré que l'usage fait par Google ne
remplissait pas les conditions prévues par l'article 5, §1 de la directive 89/104, en a conclu
que le moteur de recherche ne pouvait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la
contrefaçon (§2).
400 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit.
209
Publicité et droit des marques
§1 Avant l'arrêt Google : de nombreuses condamnations des moteurs de
recherche
472.
Tout comme les annonceurs, les moteurs de recherche ont vu leur responsabilité
engagée sur plusieurs fondements. Bien qu'aucun de ses fondements ne semble réellement
satisfaisant, nous allons nous y intéresser afin de déterminer si l'un d'entre eux apparaît plus
adéquat. La première condamnation de Google fut sur le terrain de la contrefaçon (A) mais le
moteur de recherche fut aussi condamné sur les terrains de la concurrence déloyale et de la
publicité trompeuse (B).
A- Des condamnations sur le fondement de la contrefaçon
473.
En France, les moteurs de recherche, et notamment Google, ont souvent été
condamnés pour contrefaçon au motif que leurs services proposaient comme mots clés à des
annonceurs des marques enregistrées et que le rôle ainsi joué justifiait une telle
condamnation401. C'est en 2003 que la première affaire au sujet de Google a été jugée en
France402. Le tribunal de grande instance de Nanterre a alors eu l'occasion de se prononcer
sur la pratique du référencement payant403 et a jugé que « l'intervention de Google (…)
[était] incontestablement un acte de contrefaçon ». Deux ans plus tard, la cour d'appel de
Versailles a confirmé ce jugement et a refusé d'exonérer Google de sa responsabilité dans la
contrefaçon de marque commise. Elle a notamment considéré que Google aurait dû effectuer
un contrôle préalable des mots clés réservés et devrait être en mesure d'interdire les mots clés
contrefaisants. En outre, Google avait l'obligation de mettre un terme sans délai aux
agissements contrefaisants dès lors que lui était signalée l'utilisation de mots clés frauduleux.
401 Voir le commentaire de la décision : TGI Paris, 3e ch. 2E sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google : Comm.
com. électr. 2006, n° 10, comm. 144, note L. Grynbaum
402 N. Dreyfus et G. Jobbe-Duval, Publicité sur Internet et droit des marques, op. cit.
403 TGI Nanterre, 13 oct. 2003, Viaticum et Luteciel c/ Google France
210
Publicité et droit des marques
474.
Sanctionner Google sur le fondement de la contrefaçon peut sembler contraire au
principe de spécialité, l'activité de Google n'entrant en général pas dans le cadre de la
spécialité des titulaires de marques choisies comme mots clés. Pourtant, c'est souvent ce
fondement qui est retenu comme le montre une décision rendue par le tribunal de grande
instance de Nanterre le 14 décembre 2004404 au sujet du litige opposant Google au Centre
national de recherches en relations humaines (CNRRH) sur lequel portent notamment les
questions préjudicielles posées par la Cour de cassation à la CJUE. Dans une premier temps,
il est rappelé que « la contrefaçon est constituée par toute atteinte au droit sur la marque
dans le cadre de la spécialité » et les juges relèvent que la société CNRRH, qui poursuit
Google pour contrefaçon de sa marque « Eurochallenges », et Google ne sont pas dans une
situation de concurrence. Cependant, Google, proposant cette marque à ses clients
annonceurs exerçant une activité similaire à celle pour laquelle la marque est enregistrée, fait
bien un usage à titre de marque, et ce quand bien même l'usage de la marque n'est pas fait de
la part de Google pour des produits ou services similaires à ceux couverts par celle-ci. Par la
suite, la cour d'appel de Versailles405 qui a partiellement confirmé le jugement, a notamment
relevé que « [c'était] Google, et non les annonceurs, qui [avait] fait apparaître à l’écran le
terme litigieux, afin d’attirer les internautes sur leur site respectif sur lequel sont proposés
des services identiques ou similaires à ceux couverts par la marque ».
La cour considère en outre que Google a bien fait un usage commercial du signe en
fournissant l'outil technique permettant la mise en œuvre de l'affichage des annonces et que
cet usage commercial a bien été réalisé pour des services identiques à ceux pour lesquels la
marque est enregistrée, cet usage ayant eu pour objet de renvoyer les internautes vers des
sites proposant des services similaires à ceux proposés par le titulaire de la marque. Elle
ajoute qu'il n'est pas nécessaire que l'auteur de la contrefaçon en soit le bénéficiaire et que la
responsabilité de Google est alors engagée pour avoir fourni une prestation publicitaire
faisant usage d'une marque enregistrée, prestation ayant pour objet de promouvoir les
services proposés par un concurrent de cette marque.
475.
Dans l'affaire opposant Google à Louis Vuitton sur laquelle porteront aussi les
questions préjudicielles posées par la Cour de cassation à la CJUE, les juges de première
404 TGI Nanterre, 2e ch., 14 déc. 2004, Sté CNRRH c/ Google : Propr. indust. 2005, comm. 26, P. Tréfigny
405 CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 23 mars 2006, Google c/ CNRRH, op. cit.
211
Publicité et droit des marques
instance ont eux-aussi condamné Google pour contrefaçon. Ils ont en effet considéré que
Google qui proposait d'associer les mots clés "Louis Vuitton", "LV", etc. avec des termes tels
que "copies", "imitation", "fake"..., se rendait coupable de contrefaçon406 (ainsi que de
concurrence déloyale et de publicité trompeuse). On notera qu'en l'espèce l'annonceur luimême n'a pas été poursuivi : peut-être est-il plus intéressant et donc suffisant de poursuivre
un géant plutôt que celui qui a commis les faits ?!
Par ailleurs, comme le constate Élisabeth TARDIEU-GUIGUES407, la qualification
de contrefaçon n'est pas évidente, Google exerçant une activité de publicité pour laquelle la
marque Vuitton n'a pas été enregistrée. Elle rappelle que l'article L. 713-3 du Code de la
propriété intellectuelle ne sanctionne que la reproduction ou l'imitation d'une marque pour
des produits ou services similaires à ceux pour laquelle la marque est enregistrée. Il aurait été
peut-être plus approprié de condamner Google sur le fondement de l'article L. 713-5 du
même code qui prévoit que la reproduction ou l'imitation d'une marque renommée pour des
produits non similaires engage la responsabilité de son auteur si cet usage est susceptible de
porter préjudice au titulaire de la marque.
476.
C'est en raison du principe de spécialité que certains tribunaux refusent de
condamner Google pour contrefaçon puisque le moteur de recherche ne propose pas les
produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée408. Pour qu'il y ait effectivement
un rapport de concurrence, il faudrait que les marques aient été « réservées pour des
activités publicitaires ou de communication en ligne »409. Pour Frédéric GLAIZE, si ces
tribunaux écartent la contrefaçon « c'est parce qu'ils estiment que le principe de spécialité
qui limite la portée des droits attachés à une marque constitue une frontière que Google n'a
pas franchie »410. Il convient tout de même de préciser que cette position des tribunaux est
contraire à celle, constante, des juridictions d'appel411 et que les condamnations pour
406 TGI Paris, 3e ch., 2e section, 4 févr. 2005, Louis Vuitton Malletier c/ Google : Propr. indust. 2005, ét. 21,
E. Tardieu-Guigues
407 E. Tardieu-Guigues, L'utilisation des marques par les moteurs de recherche comme mot de référence estelle toujours une contrefaçon ? : Propr. indust. n° 10, oct. 2005, ét. 21
408 L. Grynbaum, Pour un code de bonne conduite applicable aux liens commerciaux, RLDI 2007/23, n° 747
409 A. Mendoza-Caminade, Les nouveaux visages de la contrefaçon, les attaques inédites contres les marques
sur l'internet : le cas des mots-clés de référencement in Les métamorphoses de la marque, Actes du colloque
du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 148
410 F. Glaize, Liens publicitaires : suggérer, est-ce contrefaire ?, RLDI 2008/36, n° 1220
411 Ibid.
212
Publicité et droit des marques
contrefaçon sont majoritaires412.
477.
Les juges parisiens, ont quant à eux, choisi leur camp en refusant à plusieurs reprises
de condamner Google pour contrefaçon. Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris, dans
une décision du 8 décembre 2005413 concernant un litige entre Google et la société Kertel, a
jugé que le fait de proposer un mot clé à un annonceur ne constituait pas un acte de
contrefaçon et que l'usage de la marque pour référencer les liens commerciaux de
l'annonceur ne constituait pas un usage pour des produits ou services identiques à ceux pour
lesquels la marque est enregistrée et que, ainsi, l'identité de produits ou services exigée par
l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle n'était pas réalisée.
Dans l'affaire opposant Google à Gifam, le tribunal, dans une décision du 12 juillet
2006414, a jugé que la responsabilité de Google ne devait pas être recherchée sur le
fondement de la contrefaçon de marque au motif que le moteur de recherche ne faisait pas un
usage illicite de la marque lorsque les mots clés étaient proposés aux annonceurs puisqu'il
« ne sait pas a priori si l'annonceur va choisir cette marque et dans l'hypothèse d'un choix si
son client est autorisé à l'utiliser par exemple en tant que distributeur de produits
authentiques ou licencié ».
478.
Néanmoins, de nombreux juges n'ont pas hésité à condamner Google sur le
fondement de la contrefaçon, et ce malgré le principe de spécialité, comme ce fut le cas
notamment de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 6 décembre 2007 415 au
motif que le moteur de recherche avait proposé en tant que mots clés des marques à un
annonceur dont l'activité était en rapport avec celle du titulaire de la marque. Pour la cour, la
contrefaçon est ainsi constituée d'autant « qu'il n'est pas nécessairement requis que l'usage
de la marque contrefaisant soit effectué "en tant que marque" ».
479.
Fonder la condamnation des moteurs de recherches sur la contrefaçon ne semble pas
être la solution la plus appropriée. En effet, bien que les pratiques des prestataires de
412 E. Tardieu-Guigues, Liens commerciaux, contrefaçon ou non ? A la recherche d'une solution
convaincante..., RLDI 2008/36, n° 1194
413 TGI Paris, 3e ch, 2e section, 8 déc. 2005, Kertel c/ Google : www.legalis.net
414 TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google : Comm. com. électr. 2006, n° 10, comm. 144,
note L. Grynbaum, op. cit.
415 CA Aix-en-Provence, 2e ch., 6 déc. 2007, RLDI 2008/ 34, n° 1137, obs. J.-B. Auroux
213
Publicité et droit des marques
référencement soient condamnables en ce qu'elles portent atteinte aux droits des titulaires de
marques, ou du moins en ce qu'elles le permettent, il ne semble pas falloir chercher à fonder
les condamnations sur la contrefaçon. Peut-être faut-il regarder du côté de la concurrence
déloyale ou des pratiques commerciales trompeuses.
B- Des condamnations sur les terrains de la concurrence déloyale et des
pratiques commerciales trompeuses
480.
Les moteurs de recherche ont vu leur responsabilité engagée sur d'autres motifs que
la contrefaçon. Tout comme pour les annonceurs, les juges ont parfois sanctionné les
prestataires de services de référencement sur Internet sur les fondements de la concurrence
déloyale ou encore des pratiques commerciales trompeuses.
481.
S'agissant de la concurrence déloyale, on peut tout autant trouver à s'étonner de ce
fondement que de celui de la contrefaçon. En effet, en principe, l'action en concurrence
déloyale devrait se limiter au principe de spécialité. Néanmoins, comme le souligne
Monsieur le Professeur Jacques LARRIEU, « la jurisprudence n'exige plus un rapport de
concurrence »416. Aussi, bien qu'une telle condamnation semble justifiée, tout comme en
matière de contrefaçon, en vertu du principe de spécialité, Google ne saurait en principe être
condamné pour concurrence déloyale étant donné que le moteur de recherche n'est en
général pas en situation de concurrence avec les titulaires de marques. Cependant, très
souvent, les juges retiennent l'action en concurrence déloyale même en l'absence de situation
de concurrence entre les parties417.
Ainsi, le tribunal de commerce de Paris, dans une affaire opposant Google à la
société Cobrason418 a considéré que Google avait « commis un acte de concurrence déloyale
en créant un risque de confusion dans l’esprit du public en commercialisant à un concurrent
416 J. Larrieu, Le moteur de recherche bridé par la concurrence déloyale, Propr. industr. 2009, n° 1, comm. 8
417 Cass. com., 12 févr. 2008, Sté Yoplait c/ Sté La Fermière : Contr. conc. conso. 2008, n° 4, comm. 103, M.
Malaurie-Vignal ; D. 2008, p. 2573, Y. Picod
418 T. com. Paris, 15e ch., 23 oct. 2008, Cobrason c/ Google : Propr. indust. 2009, comm. 8, J. Larrieu
214
Publicité et droit des marques
la dénomination sociale Cobrason et le nom de domaine Cobrason.com ». En effet, le
tribunal a considéré que Google, en proposant le mot clé "Cobrason" puis en faisant
apparaître le site de l'annonceur, concurrent du titulaire de la marque, dans les liens
sponsorisés, avait engendré un risque de confusion pour le consommateur d'attention
moyenne qui pouvait alors se méprendre et confondre le site du lien commercial avec celui
ayant pour nom de domaine ce même mot clé et appartenant au titulaire de la marque.
482.
Certains tribunaux, au contraire, se sont montrés réticents à condamner Google sur
ce fondement. C'est le cas du TGI de Nice419 qui avait relevé qu'il n'existait pas de rapport de
concurrence entre la société Google et la société demanderesse et qui avait considéré que
« la notion "d'aide et de fourniture de moyens" (…) est propre au droit pénal et parfaitement
étrangère au droit civil ». Les juges ont tout de même précisé que dans l'hypothèse où
l'atteinte causée à la société demanderesse serait manifeste, Google, « bien que n'étant pas
[l'auteur] des actes déloyaux, se [devrait] néanmoins de mettre en œuvre des procédures de
contrôle et d'alerte permettant de faire cesser sans délai de telles atteintes manifestes, sauf à
engager [sa] responsabilité civile ».
483.
Ainsi, bien que le fondement de la concurrence déloyale ne semble pas pertinent
dans le cas du référencement payant, il n'en demeure pas moins possible de condamner
Google sur le terrain de la responsabilité civile en raison de sa négligence. C'est à ce titre que
les juges parisiens qui, ayant refusé de condamné Google pour contrefaçon, l'ont tout de
même sanctionné. En effet, par exemple, dans l'affaire opposant Google à Kertel420, le TGI
de Paris a considéré que Google avait commis une faute et que celle-ci engageait sa
responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil au motif que le
moteur de recherche n'avait effectué aucun contrôle préalable des mots clés réservés par les
annonceurs qui pourraient porter atteinte à des droits détenus pas des tiers et qu'il avait ainsi
favorisé une activité contrefaisante. De même, dans l'affaire Gifam421, le même tribunal a
jugé que Google avait commis une faute en ne mettant pas un « dispositif de contrôle a
priori de la licéité de l'utilisation par ses annonceurs dans son système AdWords de mots
clés constituant des signes, objet de droits privatifs ».
419 TGI Nice, 3e ch, 7 févr. 2006, TWD Industries c/ Google : www.legalis.net
420 TGI Paris, 3e ch, 2e section, 8 déc. 2005, Kertel c/ Google, op. cit.
421 TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google, op. cit.
215
Publicité et droit des marques
La cour d'appel de Versailles422, quant à elle, a retenu que bien que Google n'ait pas
une obligation de surveillance générale s'agissant de la sélection de mots clés effectuée par
ses clients annonceurs, le moteur de recherche « [devait] être en mesure d'interdire
l'utilisation de mots clés manifestement illicites ». En l'espèce, Google avait été, à plusieurs
reprises, mis en demeure par les titulaires de la marque "Eurochallenges" de cesser de vendre
celle-ci à ses clients mais les lettres étaient restées vaines. Il en résulte que Google ne
pouvait se prévaloir de son ignorance quant à l'illicéité des mots clés, d'autant que la
vérification préalable que les mots clés choisis ne constituaient pas des reproductions ou
imitations de marques françaises « s'avère parfaitement compatible avec les possibilités
d'information dont dispose une société spécialisée dans la communication internet ».
Néanmoins, à l'inverse, le TGI de Strasbourg, dans une décision du 20 juillet
2007423, a considéré que l'exigence d'un contrôle préalable de la licéité des liens
commerciaux hébergés sur son site « serait sinon impossible, du moins matériellement très
difficile à respecter et en tout état de cause disproportionnée par rapport à la nature de ses
activités et notamment de son service AdWords (…), compte tenu de la possibilité pour les
annonceurs de modifier leurs mots-clés à tout moment ».
484.
S'agissant de la publicité trompeuse, les juges niçois ont considéré que « le
programme AdWords (…) ne saurait être intrinsèquement comme de nature à induire en
erreur », notamment au motif que les annonces sont « cantonnées » sous la rubrique "liens
commerciaux", sur la droite de l'écran424. Le tribunal juge ainsi que Google ne s'est rendu
coupable, ni d'acte de concurrence déloyale ni de publicité trompeuse.
485.
Néanmoins, plusieurs décisions ne sont pas allées dans le sens de cette position et
ont condamné Google sur ce fondement de pratique commerciale trompeuse. Ainsi, la cour
d'appel de Paris425, dans l'arrêt dans lequel elle a confirmé le jugement rendu par le tribunal
de grande instance de Paris dans l'affaire opposant Google à Louis Vuitton condamnant
Google pour contrefaçon, a considéré par ailleurs, s'agissant de l'appréciation de l'acte de
publicité trompeuse, que la mention "liens commerciaux" était en elle-même trompeuse en
422 CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 23 mars 2006, Google c/ CNRRH, op. cit.
423 TGI Strasbourg, 1e ch. Civ., 20 juill. 2007, Sté Atry c/ Google : Propr. indust. 2007, comm. 87, P. Tréfigny
424 TGI Nice, 3e ch, 7 févr. 2006, TWD Industries c/ Google, op. cit.
425 CA Paris, 4e ch, sect. A, 28 juin 2006, Google c/ Louis Vuitton
216
Publicité et droit des marques
ce qu'elle pouvait laisser penser à l'internaute que les sites situés sous cette rubrique
entretenaient des liens commerciaux avec la société Louis Vuitton et que les produits ainsi
proposés par les sites clients de Google étaient authentiques. Pour la cour d'appel, une telle
pratique est contraire à l'article 20 de la loi NRE du 21 juin 2004 qui dispose que « toute
publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au
public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre
clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est
réalisée ».
De même, dans les décisions rendues par le tribunaux de commerce et de grande
instance de Paris dans les affaires Cobrason426 et Gifam427, les juges ont considéré que
Google s'était rendu coupable de publicité trompeuse au motif que l'intitulé « liens
commerciaux » était trompeur puisqu'il pouvait laisser l'internaute penser qu'il existait un
lien commercial entre le site apparaissant sous la rubrique des liens sponsorisés et le site du
titulaire de la marque et ainsi aller jusqu'à croire que le site commercialisait les produits du
titulaire de la marque.
486.
Néanmoins, il convient de relever l'argument de Monsieur le Professeur Luc
GRYNBAUM qui considère qu'une condamnation sur le fondement de la publicité
trompeuse suppose que le prestataire de service de référencement payant soit assimilé à
l'annonceur. Or, c'est seulement ce dernier qui construit sa publicité et qui bénéficie des
retombées428. Pourtant, comme l'on vient de le voir, Google s'est vu condamné sur ce
fondement à plusieurs reprises, et ce sans que les juges n'aient « caractérisé en quoi la
prestation de Google constituait une publicité »429.
487.
Après avoir étudié les différents fondements de condamnations des moteurs de
recherches, il ressort qu'aucun d'entre eux ne semble réellement approprié, mis à part peutêtre celui de la responsabilité pour faute (encore faut-il que celle-ci soit établie...). C'est donc
du côté de la CJUE qu'il faut se tourner pour espérer obtenir la solution. Malheureusement
pour les titulaires de marques, la position de la Cour ne s'est pas montrée à la hauteur de
426 T. com. Paris, 15e ch., 23 oct. 2008, Cobrason c/ Google, op. cit.
427 TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google, op. cit.
428 L. Grynbaum, Pour un code de bonne conduite applicable aux liens commerciaux, op. cit.
429 C. Maréchal, Liens « sponsorisés » et droit des marques : les suites de l'arrêt Google, Gaz. pal., déc. 2010,
n° 352, p. 5
217
Publicité et droit des marques
leurs espérances, bien au contraire !
§2 Le rejet par la CJUE de la condamnation pour contrefaçon des moteurs
des recherche
488.
La CJUE a jugé que le prestataire du service de référencement payant ne se rendait
pas coupable de contrefaçon puisqu'il ne faisait pas un usage du signe au sens de l'article 5
de la directive 89/104 (A). Cette solution très favorable aux moteurs de recherche invite à
quelques remarques, et ce notamment en raison d'une incertitude quant à l'appréciation de
l'usage de la marque (B).
A- L'usage de la marque par Google : un acte non contrefaisant
489.
Nous allons voir que la Cour a jugé que non seulement Google ne faisait pas un
usage de la marque au sens de l'article 5, §1 de la directive 89/104 mais qu'il ne le faisait pas
non plus au sens de ce même article sous le §2.
1) La relation entre la notion d'usage d'une marque et la finalité de
communication
490.
Par la première question de l'affaire C-236/08, première question de l'affaire C-
237/08 et deuxième question de l'affaire C-238/08, la Cour de cassation interroge la CJUE
afin de savoir si l'article 5, §1, sous a) et b) de la directive 89/104 devait « être interprété en
ce sens que le prestataire de service de référencement payant qui met à la disposition des
annonceurs des mots clés reproduisant ou imitant des marques déposées, et organise par le
218
Publicité et droit des marques
contrat de référencement la création et l'affichage privilégié, à partir de ces mots clés, de
liens promotionnels vers des sites sur lesquels sont proposés des produits identiques ou
similaires à ceux couverts pas l'enregistrement de marques, fait un usage de ces marques
que leur titulaire est habilité à interdire ».
491.
En vertu de l'article 5, §1, a) de la directive 89/104, le titulaire d'une marque est
habilité à interdire l'usage par un tiers, sans son consentement, d'un signe identique à sa
marque lorsque cet usage a lieu dans la vie des affaires, pour des produits ou services
identiques à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée, et porte atteinte ou est
susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. Néanmoins, la CJUE a considéré
que le prestataire d'un service de référencement sur internet, qui stockait, en tant que mot clé,
un signe identique à une marque et organisait l'affichage d'annonces, à partir de celui-ci, ne
faisait pas un usage du signe au sens des dispositions de l'article 5, §1 et 2 de la directive
89/104. En effet, la Cour a considéré que pour qu'il s'agisse d'un tel usage, il aurait dû avoir
lieu « dans le cadre de la propre communication commerciale » du moteur de recherche. Par
conséquent, elle a jugé qu'un tel emploi de mot clé correspondant à des marques dans un
service de référencement payant ne constituait pas une contrefaçon, et ce même dans
l'hypothèse où les titulaires de ces marques n'avaient pas consenti à un tel usage.
492.
En effet, la CJUE, après avoir rappelé, comme nous l'avons déjà vu, qu'un usage a
lieu dans la vie des affaires dès lors qu'il se situe dans le contexte d'une activité commerciale
visant à un avantage économique, a considéré que tel n'était pas le cas de l'usage fait par
Google. Ainsi, bien que le prestataire opère dans la vie des affaires lorsqu'il permet à des
annonceurs de sélectionner des mots clés identiques à des marques, stocke ces signes et
affiche les annonces, il ne fait pas lui même un usage de ces signes au sens de l'article 5 de la
directive. Cette affirmation résulte du fait que le prestataire ne fait pas un usage du signe
« dans le cadre de sa propre communication commerciale » (point 56).
Ainsi, la Cour reconnaît que l'usage qui porte atteinte aux marques doit se faire dans
le cadre de la communication de celui qui le fait. Pourtant, elle a considéré (s'agissant des
annonceurs) qu'un tel usage ne portait pas atteinte à la fonction de publicité de la marque. Or,
si un tiers utilise la marque d'autrui pour promouvoir ses produits ou services, indirectement,
il semble que cet usage porte atteinte à la fonction de publicité. Comme nous l'avons dit, la
219
Publicité et droit des marques
marque est un « véhicule publicitaire »430 et constitue un condensé des campagnes de
communication dont elle a fait l'objet. Ainsi, il apparaît que la marque est un élément
publicitaire. Alors, comment la Cour peut-elle considérer que l'usage par l'annonceur, qui a
bien lieu dans le cadre de sa propre communication commerciale et qui détourne ainsi un
instrument publicitaire ne porte pas atteinte à la fonction de publicité de la marque alors
même qu'il rend plus onéreuse et donc plus difficile la communication de la marque du
titulaire ?
493.
S'agissant du moteur de recherche, la CJUE n'a pas eu à se prononcer sur l'atteinte
éventuelle portée à la fonction publicitaire de la marque, les conditions de la protection
conférée par la directive étant cumulatives et la première n'étant pas remplie. Elle a alors pu
arrêter là son raisonnement.
2) La question des marques renommées
494.
Par la deuxième question de l'affaire C-236/08, la Cour de cassation a interrogé la
CJUE afin de savoir si le prestataire d'un service de référencement payant sur Internet qui
stockait un signe correspondant à une marque renommée en tant que mot clé et organisait
ainsi l'affichage d'annonces à partir de celui-ci, faisait un usage de ce signe qui pouvait être
interdit par le titulaire de la marque en vertu de l'article 5, §2 de la directive 89/104 (ou en
vertu de l'article 9, §1, sous c) du règlement 40/94, en cas de marque communautaire
renommée).
495.
La CJUE relève que Google permettait aux annonceurs qui proposaient des imitations
sur leurs sites de sélectionner des mots clés correspondant aux marques de Vuitton, associés
à des mots clés tels que « imitation » et « copie ». La Cour rappelle ensuite ce qu'elle avait
déjà jugé dans l'arrêt L'Oréal431, c'est-à-dire que, dans le cas d'offre à la vente d'imitations,
« lorsqu’un tiers tente par l’usage d’un signe similaire à une marque renommée de se placer
dans le sillage de celle-ci afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et
430 M. Vivant, Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXIè siècle :
Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, op. cit.
431 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, précité, pnt 49
220
Publicité et droit des marques
de son prestige, ainsi que d’exploiter, sans aucune compensation financière et sans devoir
déployer des efforts propres à cet égard, l’effort commercial déployé par le titulaire de la
marque pour créer et entretenir l’image de cette marque, le profit résultant dudit usage doit
être considéré comme indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite
marque ».
La Cour considère en effet que cette jurisprudence est pertinente lorsque des
annonceurs sur Internet offrent à la vente des imitations de produits de marques renommées
en utilisant des signes identiques à ces marques. Néanmoins, en l'espèce, elle juge que, étant
donné, comme elle l'a dit plus haut, que les actes du prestataire du service de référencement
payant sur Internet ne constituaient pas un usage au sens des articles 5 de la directive 89/104
et 9 du règlement 40/94, le prestataire qui stocke, en tant que mot clé, un signe identique à
une marque renommée et organise l'affichage d'annonces à partir de celui-ci ne fait pas un
usage de ce signe au sens de ces articles.
B- Observations
496.
Cette position de la Cour mérite quelques remarques notamment s'agissant de son
refus de condamnation de la complicité de contrefaçon mais aussi de sa définition de l'usage
contrefaisant qu'il faut analyser à la lumière d'un arrêt rendu très récemment, l'arrêt eBay432.
1) Observations quant au refus de condamnation de la complicité de
contrefaçon
497.
Comme l'on vient de le voir, la Cour a jugé que, puisqu'il ne faisait pas un « usage »
des signes identiques aux marques, le prestataire de service de référencement payant ne se
rendait pas coupable de contrefaçon. Ce que la CJUE semble avoir en réalité rejeté c'est la
432 CJCE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, eBay : RLDI 2011/74, n° 2459, L. Grynbaum ; RLDI 2011/74, n°
2460, C. Castetsrenard ; Propr. industr. 2011, n° 10, comm. 71, A. Folliard-Monguiral
221
Publicité et droit des marques
complicité de contrefaçon. Elle écarte ainsi les actions contre ceux qui fournissent les
moyens de porter atteinte aux marques433. Comme le relève Madame le Professeur Laure
MARINO, ce rejet de la complicité de contrefaçon semble aller dans le sens de l'esprit du
droit européen des marques et brise ainsi une jurisprudence française favorable à la
contrefaçon de marque par fourniture de moyens 434. Elle note, en effet, qu'en France la
responsabilité pour fourniture de moyens est admise. Ainsi, celui qui fournit à autrui une
chose qui peut être utilisée pour nuire est responsable des préjudices causés.
Cette responsabilité pour fourniture de moyens de l'usage non autorisé de la
marque d'autrui est d'ailleurs celle que Monsieur le Professeur Luc GRYNBAUM435
considère comme étant la plus pertinente parmi les différents chefs de condamnation retenus
par les juridictions françaises contre Google. En effet, bien que l'annonceur soit responsable
à titre principal car c'est lui qui choisit parmi les mots clés la marque d'autrui, Google peut
aussi être tenu pour responsable, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, car, en
fournissant à ses clients une liste de mots clés « parmi lesquels se trouvent des marques, il
donne les moyens aux annonceurs de proposer des articles de contrefaçon ou de se livrer à
des actes de concurrence déloyale »436.
Néanmoins, la Cour ne partage pas cet avis puisqu'elle a rejeté le "contributory
infringement" en suivant ainsi les recommandations de l'avocat général qui s'opposait à
« l'idée que l'action de contribuer à une contrefaçon de marque commise par un tiers, que
cette contrefaçon soit réelle ou potentielle, puisse constituer une atteinte à la marque en
elle-même »437. Pour l'avocat général, les systèmes qui facilitent l'accès à l'information et à la
fourniture de celle-ci comportent obligatoirement des risques car ils peuvent être employés à
mauvais escient. Il rappelle par ailleurs les abus qui peuvent résulter d'une telle
condamnation pour complicité de contrefaçon en citant l'exemple d'un studio de cinéma
hollywoodien qui a introduit une action aux États-Unis afin de faire interdire la fabrication et
la vente de magnétoscope.
433 L. Marino., Google au pays des publicités : du droit des marques au droit de la responsabilité, JCP G, n°
23, 7 juin 2010, 642
434 Ibid.
435 L. Grynbaum, Google AdWords : l'hébergeur, un prestataire nécessairement passif, RLDI 2010/60, n° 1980
436 Ibid.
437 Conclusions de l'avocat général Poiares Maduro, 22 sept. 2009, op. cit., point 119
222
Publicité et droit des marques
2) L'usage du signe dans le cadre de quelle communication commerciale ?
498.
La CJUE, dans l'arrêt Google, a considéré que l'usage fait par le moteur de recherche
de signes identiques à des marques ne constituait pas un usage au sens de l'article 5, §1 de la
directive car il n'avait pas lieu « dans le cadre de sa propre communication commerciale »
(point 56). En effet, elle relève qu'il n'en fait pas lui-même un usage, mais seulement qu'il le
permet à ses clients. Par conséquent, le moteur de recherche « ne fait pas un usage de ce
signe en tant que marque dans la vie des affaires »438.
L'usage interdit semble n'être que l'usage pour son propre compte, du moins « dans le
cadre de sa propre communication commerciale ». Ainsi, comme le relève Madame le
Professeur Laure MARINO, « l'usage interdit est donc l'usage direct. Celui qui permet cet
usage, sans faire l'usage lui même, n'est pas contrefacteur »439. Pourtant, un arrêt très récent,
l'arrêt eBay du 12 juillet 2011440, invite à s'interroger sur la nature de l'usage prohibé.
499.
Cet arrêt était relatif à l'usage fait par la place de marché en ligne eBay de signes
correspondant à des marques telles que celles de L'Oréal, choisis comme mots clés dans le
cadre du service de référencement payant de Google. Le choix de ces mots clés par eBay
avait pour objet de promouvoir à la fois son propre service de place de marché en ligne mais
aussi « des offres à la vente de produits de marques émanant de ses clients vendeurs » (point
91). Il est donc demandé à la CJUE si « le titulaire d’une marque est habilité à interdire à
l’exploitant d’une place de marché en ligne de faire, à partir d’un mot clé qui est identique à
cette marque et qui a été sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur
Internet par cet exploitant sans le consentement dudit titulaire, de la publicité pour cette
place de marché et les produits de ladite marque qui y sont proposés ».
La Cour relève dans un premier temps qu'eBay, étant client du service adwords de
Google dans lequel il a choisi comme mots clés des marques enregistrées, est bien un
annonceur. Il résulte de cette constatation que l'usage a bien lieu « dans la vie des affaires »
(point 85).
438 A. Mendoza-Caminade, Les nouveaux visages de la contrefaçon, les attaques inédites contres les marques
sur l'internet : le cas des mots-clés de référencement in Les métamorphoses de la marque, Actes du colloque
du 4 juin 2010, op. cit., p. 149
439 L. Marino, Google au pays des publicités, du droit des marques au droit de la responsabilité, op. cit.
440 CJCE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, eBay, op. cit.
223
Publicité et droit des marques
Puis, la Cour considère que, bien qu'eBay, dans le cadre de la promotion de ses
propres services, n'ait pas fait « un usage pour des produits ou des services » identiques ou
similaires à ceux pour lesquels ces marques sont enregistrées (point 89)441, dans la mesure où
elle a utilisé comme mot clé des marques enregistrées pour promouvoir les produits de ses
clients, elle a bien fait un usage « pour des produits ou services » au sens de la directive
89/104 (point 91). Comme le relève Céline CASTETSRENARD, « il y a un certain artifice
à vouloir dissocier l'activité de promotion de la plate-forme commerciale de celle de ses
clients, car en faisant de la publicité au profit de ses clients (…), la société eBay fait
nécessairement sa propre publicité »442.
500.
La Cour rappelle alors ce qui avait déjà été énoncé dans le point 60 de l'arrêt
443
Google
: que « l'expression "pour des produits ou des services" ne porte pas exclusivement
sur les produits ou les services du tiers qui fait l'usage des signes correspondant aux
marques mais peut aussi porter sur les produits ou les services d'autres personnes »(point
91).
501.
C'est ce qui avait été déjà affirmé par une ordonnance de la Cour du 19 février
2009444 dans laquelle elle avait énoncé que constituait un usage « une situation (…) dans
laquelle un intermédiaire commercial, agissant en son nom propre mais pour le compte du
vendeur et n’étant pas, dès lors, une partie intéressée dans une vente de marchandises dans
laquelle il est lui-même une partie liée, utilise, dans ses papiers d’affaires, un signe
identique à une marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux
pour lesquels celle-ci est enregistrée ».
502.
Aussi, il convient de s'interroger sur ces deux positions qui semblent être en
contradiction. D'une part, dans l'arrêt Google, la Cour énonce que l'usage interdit au tiers est
celui qui est fait dans le cadre de sa propre communication ; et d'autre part, elle considère
441 L'usage pourra alors seulement être examiné au regard du §2 de la directive 89/104 relatif aux marques
renommées (point 90 de l'arêt)
442 Note sous arrêt, C. Castetsrenard, Après Google, eBay : contrefacteur ? Passif ou actif ? Telles sont les
questions..., RLDI, 2011/74, n° 2460
443 « L'expression "pour des produits ou services " identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée
(…) porte, en principe, sur les produits ou les services du tiers qui fait usage du signe identique à la marque
(...). Le cas échéant, elle peut également porter sur les produits ou les services d'une autre personne pour le
compte de laquelle le tiers agit »
444 CJUE, ord. 19 fév. 2009, UDV North America, C-62/08, Rec. p. I-1279, point 54
224
Publicité et droit des marques
que cet usage peut être fait pour les produits ou services de tiers. Que comprendre ? Certes,
dans la première hypothèse, il s'agit de savoir si l'usage a bien lieu dans la vie des affaires et
dans la seconde, s'il est bien fait pour des produits ou services (identiques ou similaires à
ceux visés à l'enregistrement). Néanmoins, cela semble quelque peu déroutant d'envisager
que l'usage d'un signe identique ou similaire à une marque fait par un tiers pour sa propre
communication puisse avoir pour objet la promotion de produits ou services d'une autre
personne !
Par ailleurs, une autre question se pose : si les liens sponsorisés n'avaient constitué
une publicité que pour les offres à la vente des clients d'eBay et non pour la place de marché
en ligne445, aurait-il fallu considéré qu'il s'agissait d'un usage dans le cadre de la « propre
communication » d'eBay et ainsi d'un usage « dans la vie des affaires » ? Il semble à
première vue falloir considérer que oui, eBay ayant un intérêt direct à attirer les clients de
ses propres clients vendeurs sur son site. Pourtant, comme l'avait relevé l'avocat général
Poiares Maduro dans ses conclusions446, Google aussi a un intérêt direct à ce que les
internautes cliquent sur les liens renvoyant vers les sites des annonceurs...
503.
Ainsi, eBay, contrairement à ce qui avait été jugé pour Google, pourra voir sa
responsabilité engagée sur le fondement de la contrefaçon s'il est établi que l'usage du signe
en cause porte ou est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque.
Malheureusement pour les places de marché en ligne, (mais heureusement pour les titulaires
de marques ! ), elle ne bénéficient pas de la même bienveillance de la part de la CJUE que
les moteurs de recherche. Il semble falloir en déduire que la volonté de la Cour de favoriser
les nouvelles technologies comporte tout de même, et l'on ne peut que s'en réjouir, certaines
limites.
504.
Bien que la Cour ait rejeté la condamnation du moteur de recherche pour
contrefaçon, les titulaires de marques ne sont pas pour autant démunis face aux atteintes
portées à leur droit exclusif à la condition néanmoins que le prestataire de service de
référencement ne puisse bénéficier du régime dérogatoire de responsabilité des hébergeurs.
445 Comme l'ont souligné l'avocat général Jääskinen (point 89 de ses conclusions) ainsi que la Cour (point 85
de l'arrêt)
446 Conclusions de l'avocat général Poiares Maduro, 22 sept. 2009, op. cit.
225
Publicité et droit des marques
Section 2. Le bénéfice du statut d'hébergeur ?
505.
Comme nous venons de le voir, le prestataire du service de référencement a souvent
été condamné et ce, sur les mêmes fondements que l'annonceur. Les moteurs de recherche
ont alors essayé de se réfugier derrière le statut d'hébergeur afin de bénéficier d'une
exonération de responsabilité. Ce bénéfice leur a néanmoins été refusé dans la quasi totalité
des décisions antérieures à l'arrêt rendu en 2010 par la CJUE dans l'affaire Google.
Contrairement à la jurisprudence française majoritaire, la CJUE a considéré que les
moteurs de recherche pouvaient bel et bien bénéficier du régime dérogatoire de
responsabilité des hébergeurs (§1). C'est ainsi, malheureusement pour les titulaires de
marques, une victoire pour les prestataires de service de référencement payant : ils sont à
l'abri d'éventuelles condamnations pour contrefaçon et, désormais, dès lors que leur rôle
reste passif, ils ne peuvent voir leur responsabilité du fait des mots clés choisis par les
annonceurs engagée. Cette solution, réitérée par la CJUE dans l'arrêt eBay et pleinement
suivie par les juridictions nationales, appelle certaines réserves (§2).
§1 Une décision très avantageuse pour les prestataires de service de
référencement payant
506.
En France, la majorité des tribunaux était défavorable à ce que soit accordé à Google
le bénéfice du régime des hébergeurs (A). Et c'était tant mieux pour les titulaires de
marques ! Malheureusement, la CJUE, qui n'a pas suivi les recommandations de son avocat
général, n'est pas allée dans ce sens et a jugé que le moteur de recherche pouvait bénéficier
du régime favorable des hébergeurs prévu par l'article 14 de la directive 2000/31 (transposée
en France par l'article 6, 2 de la loi LCEN) (B).
226
Publicité et droit des marques
A- Avant l'arrêt Google : le refus majoritaire d'accorder le bénéfice du
régime des hébergeurs aux moteurs de recherche
507.
Afin d'échapper aux condamnations, les moteurs de recherche ont essayé de se voir
appliquer le régime juridique dérogatoire applicable aux intermédiaires techniques qui
bénéficient alors d'une exonération de responsabilité prévue par l'article 6, 2) de la loi LCEN
du 21 juin 2004447. Celui-ci dispose en effet que « les personnes physiques ou morales qui
assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de
communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de
messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir
leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la
demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance
de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si,
dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer
ces données ou en rendre l'accès impossible ».
Néanmoins, les juridictions françaises ont refusé de leur accorder le bénéfice de ce
régime au motif qu'il ne s'adressait qu'aux hébergeurs et aux fournisseurs d'accès internet.
Or, les juges considèrent que Google, dans le cadre de son service AdWords, n'agit pas en
tant que prestataire purement technique. En effet, dans la décision rendue par le TGI de Paris
le 4 février 2005448, les juges ont considéré que les offres formulées par Google dans le cadre
de son service AdWords « [sortaient] à l'évidence du champ des prestations offertes par les
intermédiaires techniques, fournisseurs d'accès, hébergeurs de sites ou prestataires de
stockage ». De même, le TGI de Nice, dans une affaire qui opposait Google à TWD
Industries449, a refusé de considérer que Google, dans le cadre de son service AdWords,
agissait comme un simple prestataire technique, le moteur de recherche assurant alors une
prestation publicitaire payante.
447 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique
448 TGI Paris, 4 févr. 2005, Louis Vuitton Malletier c/ Google, op. cit.
449 TGI Nice, 3e ch, 7 févr. 2006, TWD Industries c/ Google, op. cit.
227
Publicité et droit des marques
508.
Dans l'affaire opposant Google à la société Cobrason450, Google se prévalait de la
qualité d'hébergeur qui lui avait déjà été reconnue par certains tribunaux et affirmait que, par
conséquent, sa responsabilité devait être appréciée au regard de la directive 2000/31/CE451
sur le commerce électronique qui prévoit un régime dérogatoire de responsabilité au profit
des hébergeurs de sites internet (transposées en France par l'article 6,2 de la loi LCEN) . Le
tribunal relève que Google prétend en ce sens que son activité publicitaire proposée aux
annonceurs par le biais du système AdWords consiste « en une simple prestation de
stockage ». Néanmoins, les juges rappellent la jurisprudence qu'ils estiment établie selon
laquelle « il résulte de l’examen des prestations effectuées par les sociétés Google,
lesquelles ne se bornent pas à stocker des informations de nature publicitaire qui lui
seraient fournies par des annonceurs, mais qu’elles déploient une activité de régie
publicitaire, d’abord, en organisant la rédaction des annonces, en décidant de leur
présentation, de leur emplacement, ensuite, en mettant à la disposition des annonceurs des
outils informatiques destinés à modifier la rédaction de ces annonces ou la sélection des
mots clés qui permettront de faire apparaître ces annonces lors de l’interrogation du moteur
de recherche et, enfin, en incitant les annonceurs à augmenter la redevance publicitaire coût
par clic maximum pour améliorer la position de l’annonce ». En conséquence, le tribunal
refuse à Google le bénéfice du régime dérogatoire de responsabilité.
L'argument des juges parisiens est pertinent et l'on ne peut que l'approuver. En effet,
l'activité de Google, dans le cadre de son service de référencement payant ne constitue pas
seulement une activité de stockage d'informations notamment en ce que le moteur de
recherche prend part à la phase de rédaction des annonces. Il exerce une activité de régie
publicitaire et son rôle ne peut ainsi être passif comme le serait celui d'un simple
intermédiaire technique. Les dispositions de l'article 6, 2 de la loi LCEN ne visent que les
simples hébergeurs d'espaces interactifs qui n'exercent aucun contrôle sur les informations
qui circulent sur ces espaces. Or, comme l'on vient de le dire, Google intervient dans la
rédaction des messages publicitaires, il exerce ainsi bien un contrôle sur le contenu des
informations stockées et ne devrait pouvoir se prévaloir de l'exonération de responsabilité
dont bénéficient les intermédiaires techniques.
450 T. com. Paris, 15e ch., 23 oct. 2008, Cobrason c/ Google, op. cit.
451 Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de
l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le
commerce électronique »), op. cit.
228
Publicité et droit des marques
509.
C'est dans ce sens que sont allées les cours d'appel de Paris et de Versailles en
refusant d'accorder le bénéfice du régime dérogatoire à Google dans les trois affaires qui sont
à l'origine des questions préjudicielles que la Cour de cassation, ayant décidé de sursoir à
statuer452, décida de poser à la CJUE. Ainsi la cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 23
mars 2006453, a considéré que la responsabilité de Google ne devait pas être recherchée en
tant que simple intermédiaire technique mais en sa qualité de prestataire de référencement
publicitaire payant. Dans un arrêt antérieur454, la même cour avait déjà refusé le bénéfice de
l'article 6,2 de la loi LCEN à Google pour les mêmes motifs et avait rejeté l'argument du
moteur de recherche selon lequel il était dans l'impossibilité technique d'« empêcher les
agissements répréhensibles de ses clients ou à faire cesser leurs conséquences
dommageables ». En effet, la cour avait considéré que Google était fautif de n'avoir pas
effectué de contrôle préalable des mots clés et de n'avoir pas mis un terme sans délai aux
agissements contrefaisants dès lors que l'utilisation des mots frauduleux lui avait été
signalée.
La cour d'appel de Paris, qui a aussi considéré que Google aurait pu et dû mettre en
œuvre des moyens techniques afin d'éviter ce genre d'agissement, est allée dans le même
sens en considérant, dans un arrêt du 28 juin 2006 portant sur le litige entre Google et Louis
Vuitton455, que l'activité de Google, qui ne se bornait pas à stocker des informations
publicitaires mais consistait en une activité de régie publicitaire, notamment en organisant la
rédaction des annonces et en décidant de leur emplacement, ne relevait pas de celles offertes
par les intermédiaires techniques, les fournisseurs d'accès internet, les hébergeurs de sites ou
les prestataires de stockage visés par l'article 6,2 de la loi LCEN. Par conséquent, la cour a
confirmé la décision rendue en première instance et a refusé d'accorder le bénéfice du régime
dérogatoire à Google.
510.
A l'image des arrêts que nous venons de voir, de nombreux tribunaux ont ainsi refusé
d'accorder à Google le bénéfice du régime dérogatoire. Néanmoins, certains juges ne
partageaient pas leur avis. Ainsi, une décision du tribunal de grande instance de Strasbourg
452 Cass. com., 20 mai 2008, n° 06-15.136, Google c/ CNRRH ; Cass. com., 20 mai 2008, n° 06-20.230,
Google c/ Louis Vuitton ; Cass. com., 20 mai 2008, n° 05-14.331, Google c/ Viaticum
453 CA versailles, 12e ch., sect. 2, 23 mars 2006, Google c/ CNRRH, op. cit.
454 CA Versailles, 12e. Ch, sect. 1N 10 mars 2005, Google c/ Viaticum
455 CA Paris, 4e ch. Sect. A, 28 juin 2006, Google c/ Louis Vuitton
229
Publicité et droit des marques
du 20 juillet 2007456 est allée à l'opposé de cette jurisprudence en considérant que
«l'application [du régime dérogatoire] ne dépendant ni de la nature des signaux stockés
(écrits, images...), ni de la fonction (commerciale, publicitaire, informative...) des données
concernées, la société Google [apparaissait] fondée à se prévaloir [des dispositions de
l'article 6,2 de la loi LCEN] tant pour son activité de moteur de recherche que pour celle de
prestataire de services publicitaires dans le cadre de son service AdWords ».
C'est malheureusement dans ce sens que la CJUE est allée, dans l'arrêt Google du 23
mars 2010457, en considérant que le prestataire du service de référencement pouvait se
prévaloir du régime dérogatoire dès lors qu'il n'avait joué qu'un rôle passif et neutre.
B- La reconnaissance du bénéfice du régime dérogatoire des hébergeurs
511.
Parmi les questions préjudicielles posées par la Cour de cassation à la CJUE, figurait
celle de savoir si l'article 14 de la directive 2000/31 devait être interprété « en ce sens qu'un
service de référencement sur internet constitue un service de la société de l'information
consistant à stocker des informations fournies par l'annonceur, de sorte que ces données
fassent l'objet d'un "hébergement" au sens de cet article et que, partant, la responsabilité du
service de référencement ne peut être recherchée avant qu'il n'ait été informé du
comportement illicite dudit annonceur ».
Après avoir relevé que l'article 2, a) de la directive 2000/31 définissait les services de
la société de l'information comme « tout service presté normalement contre rémunération, à
distance, par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services »
(point 14), la CJUE a considéré que le service de référencement payant réunissait bien les
éléments de cette définition et constituait ainsi un service de la société de l'information. En
effet, pour la Cour, le prestataire de service de référencement transmet des informations de
l'annonceur sur un réseau de communication ouvert aux internautes et stocke des données
456 TGI Strasbourg, 1e ch. Civ., 20 juill. 2007, Sté Atry c/ Google : Propr. indust. 2007, comm. 87, P. Tréfigny,
op. cit.
457 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit.
230
Publicité et droit des marques
telles que les mots clés sélectionnés par l'annonceur, le lien promotionnel ainsi que le
message commercial et l'adresse du site de l'annonceur.
512.
Néanmoins, le seul fait de pouvoir se prévaloir du statut d'hébergeur ne suffit pas
pour bénéficier de l'exonération de responsabilité de l'article 14 de la directive 2000/31. La
Cour rappelle que le quarante-deuxième considérant de cette même directive énonce que les
dérogations en matière de responsabilité prévues par celle-ci ne couvrent que les cas dans
lesquels l'activité du prestataire de service de la société de l'information « revêt un caractère
purement technique, automatique et passif, qui implique que le prestataire de services de la
société de l'information n'a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises
ou stockées ». Par conséquent, pour que Google bénéficie de la limitation de responsabilité
de l'article 14, son comportement doit se limiter à celui d'un « prestataire intermédiaire »
(point 112). Ainsi, pour la CJUE, il convient de considérer que la limitation prévue par
l'article 14 de la directive 2000/31 signifie qu'un prestataire de service de la société de
l'information, s'il n'a pas joué un rôle actif de nature à lui donner une connaissance ou un
contrôle des données stockées, ne peut être tenu responsable des données qu'il stocke à la
demande d'un destinataire du service, à moins que le prestataire ait eu connaissance du
caractère illicite de ces données ou des activités du destinataire et n'ait pas promptement
retiré ou rendu inaccessibles les données (point 120).
513.
L'avocat général avait considéré que l'exclusion de responsabilité de l'article 14 de la
directive 2000/31 ne devait pas trouver à s'appliquer en raison du manque de neutralité de
l'activité exercée par Google. En effet, bien qu'il y ait la fourniture d'un service de la société
de l'information et que l'activité de publicité en cause relève bien de l'hébergement au sens
de l'article 14 de cette directive, l'avocat général refuse d'appliquer le bénéfice de
l'exonération de responsabilité prévue par cet article en raison de l'absence de neutralité du
prestataire. Il relève notamment que « l'affichage d'annonces par Google a pour origine ses
relations avec les annonceurs. En conséquence, AdWords n'est plus un véhicule
d'informations neutre : il a un intérêt direct à ce que les internautes cliquent sur les liens des
annonces » (points 145 et 146).
La CJUE reprend cette condition de neutralité mais semble moins réticente à voir
Google bénéficier du régime favorable des hébergeurs. Ainsi, elle considère que le
231
Publicité et droit des marques
prestataire de service de référencement doit être considéré comme un hébergeur au sens de
l'article 14 de la directive 2000/31 à la condition qu'il n'ait pas joué un rôle actif de nature à
lui donner une connaissance ou un contrôle des données stockées. Sa responsabilité, s'il est
bien neutre, ne pourra pas être recherchée pour les données qu'il a stockées. A l'inverse, s'il a
eu connaissance du caractère illicite des informations ou des activités de l'annonceur et qu'il
n'a pas promptement rendu ces données inaccessibles, il ne pourra plus s'abriter derrière
l'exonération prévue par l'article 14.
La Cour précise qu'elle considère que le fait que ce service de référencement soit
payant et que Google donne des renseignements aux annonceurs n'a pas d'incidence sur la
neutralité du rôle exercé par le prestataire (point 116). De plus, pour la Cour, il ne peut être
établi aucune connaissance ou aucun contrôle de la part de Google des données stockées sur
son service du seul fait que les mots clés proposés par le prestataire puis choisis par
l'annonceur correspondent à des marques enregistrées. En effet, la liste des mots clés
proposée étant établie à partir des requêtes des internautes et étant générée automatiquement,
le rôle de Google semble être passif. Néanmoins, comme le souligne Arnaud FOLLIARDMONGUIRAL458, la possibilité de combiner des mots clés correspondant à une marque
protégée avec d'autres mots clés correspondant à des termes tels que "copie" ou "imitation"
pourrait constituer une « collaboration délibérée » telle que visée au considérant quarantequatre de la directive 2000/31 et priverait alors Google des dérogations en matière de
responsabilité prévues par cette directive.
514.
La CJUE ne s'est pas prononcée sur le bénéfice ou non par Google de l'exonération
de responsabilité prévue pour l'activité d'hébergement et c'est donc aux juridictions
nationales qu'il incombera de vérifier que l'activité exercée par Google a bien « un caractère
purement technique, automatique et passif » et que le prestataire n'a ainsi pas joué un rôle
actif. Elles ont alors la tâche d'analyser le rôle de Google afin d'apprécier si ce dernier
oriente le choix des annonceurs, notamment s'agissant du choix des mots clés et de la
rédaction du message publicitaire. En effet, la Cour a considéré qu'était pertinent « le rôle
joué par Google dans la rédaction du message commercial accompagnant le lien
promotionnel ou dans l'établissement ou la sélection des mots clés » (point 118). Ainsi, si le
458 A. Folliard-Monguiral, CJUE, arrêt Google : droit des marques et Internet (1): la responsabilité du
prestataire de service de référencement, Propr. Indust. N°6, juin 2010, comm. 38
232
Publicité et droit des marques
rôle de Google est purement passif, les juridictions nationales devront lui accorder le
bénéfice de l'article 14. Pour autant, il y a une condition supplémentaire. C'est seulement si
le prestataire de service de référencement payant n'a pas eu connaissance du caractère illicite
des données ou, s'il en a eu connaissance, il a immédiatement retiré les informations en cause
ou les a rendues inaccessibles, qu'il pourra bénéficier du régime dérogatoire.
Cette décision ne nous éclaire pas beaucoup quant à l'appréciation de la qualité
d'hébergeur car elle reprend des critères déjà prévus pas les textes. Néanmoins, la Cour
considère, et c'est là la nouveauté, que les moteurs de recherche peuvent remplir les
conditions du bénéfice du régime dérogatoire. La CJUE n'a donc pas voulu priver Google de
l'exclusion de la responsabilité accordée au prestataire de service de la société de
l'information ou du moins elle n'a pas voulu se prononcer et renvoie la question devant les
juridictions nationales. Celles-ci devront alors se prononcer sur l'existence ou non du rôle
actif de Google qui serait de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des
données stockées. On notera tout de même qu'il semble falloir retenir de cet arrêt que la
CJUE a malheureusement entendu favoriser cette forme de publicité.
§2 La portée de l'arrêt Google
515.
Cet arrêt très important appelle certaines remarques et réflexions, notamment
s'agissant de la neutralité de Google et de la prise de connaissance des faits illicites (A). En
outre, il convient de relever que la position de la CJUE, bien que contraire à la jurisprudence
nationale, a bien été suivie par les juridictions françaises mais fut aussi réitérée par la CJUE
(B).
233
Publicité et droit des marques
A- Un système de publicité préféré au titulaire de la marque
516.
Cet arrêt de la CJUE, bien qu'il ait l'avantage de donner la marche à suivre s'agissant
de Google, peut tout de même appeler certaines réserves. En effet, la CJUE est allée à
l'opposé de la jurisprudence majoritaire française. En outre, bien qu'on puisse comprendre
cette position, une constatation dérangeante s'impose : Google est libre de porter atteinte aux
droits des titulaires sans en être inquiété, à condition bien sûr que son rôle soit passif et
neutre mais aussi qu'il n'ait pas été informé de l'illicéité des usages de marques.
1) S'agissant de la neutralité de Google
517.
Bien que la Cour renvoie la question du statut de Google aux juridictions nationales,
il apparaît clairement qu'elle semble favorable à l'application du statut d'hébergeur. Ainsi, si
l'intervention de Google est considérée comme celle d'un prestataire intermédiaire et que sa
neutralité est alors établie, les juridictions nationales devront lui accorder le bénéfice de
l'article 14 de la directive 2000/31. Pourtant, on peut considérer que Google joue bien un rôle
actif du fait de son outil de suggestion des mots clés 459. En effet, dans son point 18, la Cour
considère que le rôle joué par Google dans la rédaction des messages commerciaux ou dans
l'établissement ou la sélection de mots clés est pertinent afin de déterminer si le statut
d'hébergeur trouve à s'appliquer. S'il résulte du rôle joué par Google que ce dernier ne peut
être neutre, les titulaires de la marque pourront engager sa responsabilité en établissant une
faute de sa part. Or, l'activité résultant du service AdWords présente un « intérêt direct »
pour Google. De plus, Google ne peut être neutre puisqu'il fait de la publicité par le biais des
liens sponsorisés. Pour Madame le Professeur Laure MARINO460, en perdant sa neutralité,
Google devrait aussi perdre le bénéfice de la dérogation prévue par l'article 14. La
responsabilité de droit commun devrait s'appliquer et la responsabilité de Google pourrait
alors être engagée sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil.
459 J. Larrieu, Les liens sponsorisés rattrapés par la responsabilité civile, Propr. industr., juin 2010, n° 6,
comm. 45
460 L. Marino, Google au pays des publicités : du droit des marques au droit de la responsabilité, op. cit.
234
Publicité et droit des marques
518.
Comme le relève Monsieur le Professeur Philippe STOFFEL-MUNCK461, cet arrêt
de la CJUE a largement été commenté à la fois sous l'angle du droit des marques (le plus
largement) et sous l'angle du droit de la responsabilité civile où il s'agissait de savoir si le
service AdWords constituait bien un hébergement au sens de l'article 14 de la directive et
donc si l'exonération de responsabilité dont bénéficient les intermédiaires techniques trouvait
à s'appliquer. Il note que les auteurs ont tiré de cet arrêt des conclusions divergentes mais
qu'un grand nombre a surtout relevé l'absence de réponse de la Cour sur l'application ou non
du régime applicable aux hébergeurs. Il relève que la Cour, en premier lieu, semble avoir
une conception assez étroite du champ de l'article 14 qui ne s'applique alors que lorsque le
comportement du prestataire « se limite à celui d'un "prestataire intermédiaire" au sens
voulu par le législateur » (point 112). Le rôle du prestataire doit être neutre en ce qu'il ne
doit pas être « de nature » à lui conférer la connaissance ou le contrôle des informations qu'il
stocke. Son comportement doit donc être « purement technique, automatique et passif »
(point 113). Néanmoins, il relève aussi – ce qui semble intéressant en ce que cela élargit le
champ d'application de l'article 14 – que, au point 120, contrairement aux points 112 à 114
où seul le prestataire qui remplit les conditions positives que l'on vient de citer peut
bénéficier du texte, la Cour énonce cette fois-ci que tout prestataire qui n'a pas joué un rôle
actif en bénéficie et ne peut ainsi être tenu responsable pour les données stockées. Il note
cependant, que plus que le critère d'un rôle actif ou passif, c'est celui d'un rôle « de nature » à
donner au prestataire « une connaissance ou un contrôle des données stockées » qui est le
plus pertinent pour le priver du bénéfice de l'article 14.
519.
Pour Monsieur le Professeur Luc GRYNBAUM462, le rôle de Google ne semble pas
neutre puisqu'il maitrise l'ordre d'affichage des annonces et qu'il intervient dans la rédaction
du message commercial l'accompagnant ou dans l'établissement ou la sélection des mots
clés. Il considère en outre qu' « il résulte (donc) du traitement de l'information opéré par
Google pour proposer des mots clés aux annonceurs, puis pour agencer les liens
commerciaux à destination des internautes que ce prestataire joue un rôle actif incompatible
avec la qualification d'hébergeur ». En effet, la Cour relève aux points 113 et 118 que
Google intervient dans l'ordre d'affichage des liens commerciaux en fonction de la
461 Ph. Stoffel-Munck, La notion d'hébergeur à la lumière de l'affaire Google AdWords, Comm. com. électr.,
sept. 2010, n° 9, comm. 88
462 L. Grynbaum, Google AdWords : l'hébergeur, un prestataire nécessairement passif, op. cit.
235
Publicité et droit des marques
rémunération payée par les annonceurs mais qu'il intervient aussi dans la rédaction des
messages et dans l'établissement ou la sélection des mots clés. Monsieur le Professeur Luc
GRYNBAUM considère que la solution retenue par la Cour est justifiée par la volonté de
limiter l'application du régime dérogatoire de responsabilité. Il juge en effet qu'il était temps
de remettre de l'ordre dans les décisions des juges du fond qui avaient tendance à trop
souvent accorder le statut d'hébergeur à tous les prestataires affirmant ne pas intervenir sur le
contenu. Selon lui, la qualité d'hébergeur doit être réservée aux prestataires qui fournissent, à
titre gratuit ou onéreux, un espace de stockage des données accessibles aux internautes sans
les agencer ou les hiérarchiser, ni développer une activité autour de ce stockage, notamment
une activité publicitaire.
Il ne semble pourtant pas que la CJUE partage cet avis puisqu'elle apparait favorable
à ce que les prestataires de services de référencement payant bénéficient du statut
d'hébergeur ainsi que du régime y afférent. Il appartient néanmoins aux juridictions
nationales de déterminer si le rôle alors joué par les moteurs de recherche est bien neutre..
520.
Il semble tout de même que la neutralité de Google soit difficilement envisageable
au vu du rôle qu'il joue en proposant les mots clés et en organisant l'affichage des annonces.
En outre, il convient de mettre l'arrêt Google à la lumière des apports de l'arrêt eBay463. Dans
cet arrêt, la Cour a considéré s'agissant de la place de marché en ligne dans le cadre de son
activité de stockage d'offres à la vente, que le fait de prêter une assistance consistant « à
optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir ces offres » ne
constituait pas une position neutre mais « un rôle actif de nature à lui conférer une
connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres », la privant ainsi du bénéfice
du régime des hébergeurs (point 116). Si l'on applique cette position à Google, qui propose
des mots clés et organise l'affichage des annonces, le moteur de recherche ne devrait semblet-il pas pouvoir bénéficier du régime dérogatoire.
463 CJUE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, eBay, op. cit.
236
Publicité et droit des marques
2) L'absence d'une obligation générale de surveillance et la prise de
connaissance de l'illicéité des données stockées
521.
Ainsi que nous l'avons vu, il appartient aux juridictions nationales de vérifier si le
prestataire de référencement a bien joué un rôle neutre et passif afin de lui accorder le
bénéfice du régime dérogatoire de responsabilité. Pour autant, il y a une condition
supplémentaire. Ainsi, l'article 14 de la directive 2000/31 dispose que les prestataires de
services de la société de l'information ne peuvent pas voir leur responsabilité engagée en
raison des informations stockées à la demande d'un destinataire du service dès lors que le
prestataire n'a pas eu connaissance de l'illicéité de l'information ou de l'activité ou lorsque,
en ayant eu connaissance de l'illicéité, il a promptement agi pour retirer les informations ou
les rendre inaccessibles. Ainsi, si le prestataire n'a pas eu connaissance de la teneur des mots
clés choisis par les annonceurs, sa responsabilité ne pourra pas être engagée, l'hébergeur
n'ayant pas d'obligation générale de surveillance des contenus et n'ayant donc pas à
rechercher spontanément les anomalies.
522.
Néanmoins se pose la question des modalités de la prise de connaissance. En effet, la
directive 2000/31 ne précise pas de quelle manière doit se faire cette prise de connaissance.
Il convient donc de s'interroger sur les modalités de celle-ci. Comme le rappelle Monsieur le
Professeur Luc GRYNBAUM, le régime dérogatoire de l'article 14 a été instauré afin de ne
pas faire peser une obligation de contrôle sur les prestataires fournissant des services de
transport et de stockage des informations sur internet464. L'article 15, §1, de la directive
2000/31 dispose en ce sens que « les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires,
pour la fourniture des services visée aux articles 12, 13 et 14, une obligation générale de
surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de
rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». La
CJUE, dans son point 109, énonce que le prestataire doit retirer les données stockées
lorsqu'il a été informé de leur caractère illicite « à l'aide d'une information fournie par une
personne lésée ou autrement ». L'usage du terme « autrement » ouvre donc la voie à toutes
les possibilités. Ainsi, le prestataire du service de référencement peut avoir eu vent de ce
caractère illicite de n'importe qu'elle manière, notamment grâce à ses propres démarches 465.
464 L. Grynbaum, Google AdWords : l'hébergeur, un prestataire nécessairement passif, op. cit.
465 A. Folliard-Monguiral, CJUE, arrêt Google : droit des marques et Internet (1): la responsabilité du
237
Publicité et droit des marques
Pour l'avocat général Jääskinen466, « une connaissance effective signifie une connaissance
d’informations, d’activités ou de faits, passés ou présents, par le prestataire de services, sur
la base d’une notification extérieure ou d’une recherche propre, menée volontairement ». On
notera tout de même que, pour la Cour, la concordance entre les mots clés sélectionnés et les
termes de recherche employés par les internautes ne suffisent pas à établir que Google a
connaissance des données qu'introduisent les annonceurs dans son système ou contrôle
celles-ci.
523.
L'arrêt eBay apporte quelques précisions quant aux modalités de cette prise de
connaissance. En premier lieu, elle énonce que la prise de connaissance se fait « d'une façon
ou d'une autre » (point 121). Il résulte de cette indication que peu importe le mode de la
prise de connaissance. Elle ajoute que la prise de connaissance des faits ou des activités
illicites peut se faire « à la suite d'un examen effectué de [la] propre initiative » du
prestataire ou lorsque l'activité ou l'information en cause lui est notifiée (point 122). Dans
cette dernière hypothèse, la Cour précise que la notification « constitue, en règle général, un
élément dont le juge national doit tenir compte pour apprécier, eu égard aux informations
ainsi transmises à l'exploitant, la réalité de la connaissance par celui-ci de faits ou de
circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater
l'illicéité ».
524.
Par ailleurs, comme le prévoit le quarante-deuxième considérant de la directive
2000/31 et comme l'a rappelé la CJUE dans son arrêt Google, le prestataire ne doit pas jouer
un rôle de nature à lui conférer « une connaissance ou un contrôle des des données
stockées ». Monsieur le Professeur Philippe STOFFEL-MUNCK s'interroge sur ces notions
de connaissance et de contrôle. Il énonce que l'enregistrement et le traitement automatiques
d'information par un logiciel ne caractérisent pas une connaissance, celle-ci résultant
obligatoirement d'une action de l'intellect et donc de l'esprit humain467. S'agissant du contrôle
des informations stockées, il considère que contrôler une chose c'est « avoir un pouvoir
déterminant sur son action » et donc la seule capacité de la supprimer ne suffit pas. Le droit
de modifier la teneur des informations pourrait définir le contrôle. Le fait de pouvoir
déterminer l'impact de ces informations pourrait alors aussi suffire à caractériser le contrôle.
prestataire de service de référencement, op. cit.
466 Conclusions de l'avocat général Niilo Jääskinen, 9 déc. 2010, aff. C-324/09, eBay
467 Ph. Stoffel-Munck, La notion d'hébergeur à la lumière de l'affaire Google AdWords, op. cit.
238
Publicité et droit des marques
Or, c'est bien ce que fait Google en ayant un pouvoir sur le positionnement des liens
commerciaux. Si on garde cette conception du contrôle, la plupart des hébergeurs perdraient
le bénéfice de l'article 14. Pour Monsieur la Professeur Philippe STOFFEL-MUNCK, le
choix est politique et dépend de la compréhension de la directive. Ainsi, « la directive a
entendu protéger les intermédiaires de l'Internet , d'une part conte le risque juridique
résultant de la fluidité de la notion générale de faute appliquée à leur domaine vierge
d'usages, et d'autre part, contre le coût d'une obligation générale de surveillance des
contenus stockés ». Pour lui, la CJUE, en refusant de préciser la notion de « contrôle des
données stockées », démontre sa propre incertitude quant à la finalité du dispositif de la
directive.
525.
Pour conclure sur ce point, on peut noter que ce régime des hébergeurs est souvent
revendiqué car le prestataire n'est alors tenu pour responsable que s'il maintient l'accès aux
informations stockées après avoir été averti de leur caractère illicite. Si Google est qualifié
d'hébergeur, cela implique qu'il ne peut être responsable que si chaque titulaire de marque
notifie sous la forme prévue à l'article 6-I, 5 de la loi LCEN à Google chaque usage non
autorisé constaté dans un lien commercial. Ce n'est alors qu'après avoir été informé du
caractère illicite que Google pourrait voir sa responsabilité engagée s'il ne retirait pas le lien
commercial. Néanmoins, il faut souligner que cette solution n'empêche pas Google de
continuer de proposer la marque en question dans ses listes de mots clés468.
En conséquence, alors même que ce sont les moteurs de recherche qui sont à l'origine
de la possibilité pour les annonceurs d'utiliser les marques d'autrui, c'est aux titulaires de
celles-ci qu'il revient de rechercher si des usages indus ont eu lieu dans le cadre du
référencement payant. En d'autres termes, les titulaires de marques, afin de protéger leurs
droits, doivent se montrer très vigilants car ils ne peuvent compter que sur cette surveillance
de leur part s'ils veulent pouvoir mettre un terme aux utilisations qui porteraient atteinte à
leurs marques. Il semble donc que les titulaires et ainsi le droit des marques lui même se
retrouvent contraints de céder face à la volonté du juge de favoriser un système de publicité
moderne. En outre, bien qu'il ne pèse pas sur les moteurs de recherche une obligation de
surveillance, il n'en demeure pas moins qu'il semble peu probable qu'ils n'aient pas de
moyens de prévenir les usages illicites de marques enregistrées. Malheureusement, l'état de
468 L. Grynbaum, Google AdWords : l'hébergeur, un prestataire nécessairement passif, op. cit.
239
Publicité et droit des marques
la jurisprudence européenne actuelle laisse penser qu'elle n'est pas disposée à imposer aux
prestataires de services de référencement de mettre en place des moyens de prévention afin
de lutter contre les usages illicites de marques. La volonté de favoriser cette forme de
publicité semble donc l'emporter sur le respect des droits de marques.
B- Une position suivie
526.
L'arrêt rendu pas la CJUE a été suivi par les juridictions nationales et est ainsi à
l'origine d'un important revirement de jurisprudence.
527.
S'agissant de la responsabilité de Google pour contrefaçon de marque, suite à la
décision de la CJUE, la Cour de cassation a rendu quatre arrêts469 et a cassé les arrêts des
cours d'appel de Paris et de Versailles qui avaient condamné le moteur de recherche pour
contrefaçon. La Cour suit ainsi la position de la CJUE en considérant que le prestataire de
service de référencement sur internet ne pouvait voir sa responsabilité engagée sur le
fondement de la contrefaçon de marque étant donné qu'il ne faisait pas un usage de celle-ci
dans la vie des affaires (peu importe que la marque soit renommée ou non).
Par ailleurs, la Cour de cassation a rappelé la position de la CJUE selon laquelle
l'article 14 de la directive 2000/31 trouvait à s'appliquer aux prestataires de services de
référencement payant dès lors qu'ils n'avaient « pas joué un rôle actif de nature à [leur]
confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ». C'est aussi ce qu'a jugé la
cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 19 novembre 2010470, en considérant que le prestataire
de référencement dont le rôle était neutre devait bénéficier de la limitation de responsabilité
applicable aux hébergeurs. Les décisions rendues par les juridictions françaises sont donc
allées dans le sens des interprétations de la CJUE en refusant de condamner Google pour
469 Cass. Com., 13 juill. 2010, n° 08-13.944, Google c/ GIFAM; Cass. Com., 13, juill. 2010, n° 06-15.136,
Eurochallenges (CNRRH); Cass. Com, 13 juill. 2010, n° 06-20.230, Louis Vuitton ; Cass. Com., 13 juill. 2010,
n° 05-14.331, Viaticum , JCP E 2010, note 1961, Ch. Caron; Comm. com. électr. 2010, comm. 93, note Ch.
Caron
470 CA Paris, pôle 5, ch. 2, 19 nov. 2010, n° 08/00620 SARL Google France c/ Syndicat Français de la Literie,
comm. com. électr. n° 6, juin 2011, comm. 52, Ch. Caron
240
Publicité et droit des marques
contrefaçon de marque et en plaçant ce dernier sous le régime dérogatoire de responsabilité
des hébergeurs.
Il est intéressant de relever que, suite aux quatre arrêts rendus par la Cour de
cassation le 13 juillet 2010471, Google a modifié sa politique commerciale relative au système
Adwords. Ainsi, depuis le 14 septembre 2010, Google n'empêche plus l'utilisation de
marques comme mots clés dans les annonces ni comme mots clés sur lesquels les entreprises
autres que celle titulaire de la marque peuvent enchérir. Cette jurisprudence sonne ainsi le
glas de la protection des mots clés correspondant à des marques.
528.
La CJUE, dans l'arrêt eBay du 12 juillet 2011472, a jugé que la place de marché en
ligne eBay pouvait elle-aussi être qualifiée d'hébergeur au sens de l'article 14 de la directive
2000/31 et ainsi bénéficier de l'exonération de responsabilité qui découle de ce statut dès lors
que la société n'avait pas joué un rôle actif. La CJUE a ainsi considéré que « L’article 14,
paragraphe 1, de la directive 2000/31/CE (…) [devait] être interprété en ce sens qu’il
s’applique à l’exploitant d’une place de marché en ligne lorsque celui-ci n’a pas joué un
rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées ».
Néanmoins, elle a ajouté que l'exploitant jouait bien un rôle actif lorsqu'il prêtait « une
assistance [consistant] notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause
ou à promouvoir celles-ci ». En outre, elle a précisé que l'exonération de responsabilité ne
pouvait trouver à s'appliquer si l'exploitant de la place de marché en ligne avait « eu
connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique
diligent aurait dû constater l’illicéité des offres à la vente en cause et, dans l’hypothèse
d’une telle connaissance, n’a pas promptement agi conformément au paragraphe 1, sous b),
dudit article 14 ».
529.
Il semble opportun de relever, dans cette même affaire, les réserves formulées par
l'avocat général Jääskinen, dans ses conclusions rendues le 9 décembre 2010473, quant à
l'arrêt Google474. La CJUE, dans cette affaire, avait notamment eu recours au quarantedeuxième considérant qu'elle reprenait dans sa décision et grâce auquel elle estimait que la
471 Ibid.
472 CJUE, 12 juil. 2011, aff. C-324/09, eBay, op. cit.
473 Conclusions de l'avocat général Niilo Jääskinen, 9 déc. 2010, aff. C-324/09, eBay, op. cit.
474 Voir A. Debet, Qualification d'hébergeur : la CJUE se serait-elle trompée de considérant ?, Comm. com.
électr. n°3, mars 2011, comm. 23
241
Publicité et droit des marques
neutralité constituait le critère afin de savoir si l'on se trouvait en présence d'un hébergeur (et
avait renvoyé la question aux juridictions nationales). Comme on l'a vu, la Cour n'avait alors
pas suivi son avocat général qui, en se fondant sur les objectifs de la directive, avait estimé
que Google ne devait pas bénéficier du régime de l'article 14, n'étant pas un véhicule
d'information neutre. Dans ses conclusions, l'avocat général Jääskinen, estime que la CJUE
s'est trompée, dans l'affaire Google, en se référant au quarante-deuxième considérant car
pour lui, ce considérant ne concerne pas l'article 14 et les prestataires d'hébergement mais
plutôt les activités de simple transport (les FAI, fournisseurs d'accès internet) visés aux
article 12 et 13 de la directive. Ainsi, il estime que c'est le quarante-sixième considérant qui
fait référence au stockage d'informations qui s'applique aux hébergeurs. Ce considérant
dispose que « afin de bénéficier d'une limitation de responsabilité, le prestataire d'un service
de la société de l'information consistant dans le stockage d'informations doit, dès qu'il prend
effectivement connaissance ou conscience du caractère illicite des activités, agir
promptement pour retirer les informations concernées ou rendre l'accès à celles-ci
impossible. Il y a lieu de procéder à leur retrait ou de rendre leur accès impossible dans le
respect du principe de la liberté d'expression et des procédures établies à cet effet au niveau
national ». Pour l'avocat général, le critère de neutralité n'est alors pas déterminant pour
retenir la qualification d'hébergeur. En effet, le considérant 46, contrairement au considérant
42, ne fait aucune mention d'une activité revêtant « un caractère purement technique,
automatique et passif ». A ses yeux, si la CJUE devait continuer dans cette voie, elle
remettrait en question et menacerait les objectifs fixés par la directive 2000/31.
Néanmoins, quand bien même la CJUE se serait trompée de considérant, cela
n'affecterait pas sa reconnaissance du bénéfice par Google des dispositions de l'article 14 de
la directive 2000/31. En fin de compte, le critère de neutralité, même s'il est infondé, permet
de mettre des limites aux prestataires de service de référencement. Quoi qu'il en soit, la
connaissance de l'illicéité des informations stockées suffit à faire perdre le bénéfice du
régime dérogatoire. Or, il y a des cas où il semble difficilement concevable que le prestataire
dont le rôle n'est pas neutre ou passif n'ait pas connaissance de l'illicéité des informations.
530.
Bien que la position de la CJUE de ne pas condamner les prestataires de
référencement payant pour contrefaçon semble justifiée, celle de leur accorder le bénéfice du
régime des hébergeurs le semble beaucoup moins. Autant, un tel bénéfice peut paraître
242
Publicité et droit des marques
normal pour l'activité de moteur de recherche, autant il est étonnant de l'accorder dans le
cadre de services de référencement payant. En effet, bien que la CJCE ne juge pas pertinent
le fait que l'activité soit rémunérée, il n'en demeure pas moins que le prestataire a un intérêt
direct à ce que les internautes cliquent sur le lien commercial. Par ailleurs, Google proposant
les mots clés et classant les annonces, son rôle paraît difficilement revêtir « un caractère
purement technique, automatique est passif ».
531.
Quand bien même il serait démontré que le comportement du prestataire n'était pas
neutre, il faudrait apporter la preuve d'une faute de sa part pour voir sa responsabilité
engagée. Monsieur le Professeur Jacques LARRIEU envisage quelques fondements de
condamnation475 : le comportement du prestataire peut constituer une attitude parasitaire car
il profite indûment de la notoriété de la marque ou bien une pratique commerciale trompeuse
condamnée par l'article L. 121-1-1, 13° en ce que l'on peut considérer que le prestataire
promeut un produit ou un service similaire à celui d'un fournisseur en poussant le
consommateur à penser que ce produit ou ce service provient de ce fournisseur alors que ce
n'est pas le cas. En outre, comme nous l'avons dit, selon une certaine jurisprudence, le
prestataire peut aussi être condamné sur le terrain de la concurrence déloyale alors même
qu'il n'existe pas de rapport de concurrence entre le titulaire de la marque et le prestataire de
service de référencement. Enfin, il peut être condamné sur le fondement d'une faute de
négligence résultant de l'absence de vérification de la disponibilité des mots clés proposés
aux annonceurs476.
532.
La position de la CJUE, s'agissant de la responsabilité des moteurs de recherche, n'est
pas très protectrice du droit des marques. Il faut alors espérer, qu'à l'image de certains
aspects de l'arrêt eBay, la jurisprudence européenne évolue dans un sens plus sévère, et donc
dans un sens plus protecteur des droits conférés aux titulaires de marques s'agissant de
l'appréciation de la licéité de l'usage d'une marque fait par un prestataire de service de
référencement payant. Certes, la contrefaçon ne semble pas être le meilleur fondement pour
engager la responsabilité de Google. Seulement, la Cour ayant pratiquement fermé la voie à
475 J. Larrieu, Les liens sponsorisés rattrapés par la responsabilité civile, op. cit.
476 Voir notamment TGI Paris, 8 déc. 2005, Kertel c/ Google : Propr. industr. 2006, comm. 24, P. Tréfigny ;
TGI Paris, 7 janvier 2009, Voyageurs du monde, Terres d'aventure c/ Google : D. 2009, p. 293, obs. Manara
243
Publicité et droit des marques
des actions en responsabilité civile de droit commun, les titulaires de marques ne peuvent
que difficilement se retourner contre Google afin que cessent les atteintes à leurs droits. La
volonté du juge Européen de favoriser cette forme de publicité a donc pour effet d'amoindrir
de manière significative le rôle protecteur du droit des marques.
533.
Malheureusement pour les titulaires de marque, le référencement payant sur internet
ne constitue pas le seul domaine de la publicité dans lequel leurs intérêts sont mis à mal. En
effet, de nombreux problèmes sont apparus avec le développement de la publicité
comparative, notamment en raison d'intérêts « supérieurs ». Ce mode de publicité, bien qu'il
suscite des réserves, peut s'avérer très utile à la fois pour dynamiser la concurrence mais
aussi dans l'intérêt des consommateurs. Néanmoins, il constitue une exception au droit des
marques et malgré un encadrement de cette pratique afin d'éviter les abus, il n'en demeure
pas moins que le législateur comme la jurisprudence se montrent très indulgents et ont
tendance à favoriser la publicité comparative au détriment du droit des marques.
244
Publicité et droit des marques
Titre II
La Publicité comparative
245
Publicité et droit des marques
534.
La publicité comparative a été introduite en France par la loi du 18 janvier 1992
renforçant la protection des consommateurs477. Elle est régie par les articles L. 121-8 et
suivant du code de la consommation. En 1997, elle a également été reconnue et autorisée au
niveau européen. Ainsi, la directive 2006/114478 définit la publicité comparative comme
« toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou
services offerts par un concurrent ». La reconnaissance de la publicité comparative, en
France comme en Europe, a été faite en plusieurs étapes et celle-ci ne fut pas toujours bien
accueillie.
Ce mode de publicité, bien qu'il suscite des réserves, peut s'avérer très utile à la fois
pour dynamiser la concurrence mais aussi dans l'intérêt des consommateurs. Cette forme de
communication dans laquelle les acteurs d'un marché comparent certaines des
caractéristiques de leurs produits avec celles des produits de leurs concurrents peut avoir
pour effet de donner à ces acteurs l'envie d'être les plus compétitifs possible, et pas
seulement en termes de prix. En effet, la comparaison, pour être licite, doit porter sur des
éléments tangibles et vérifiables. Un annonceur ne peut donc pas se contenter de prétendre
que son produit est simplement meilleur. La pratique de la publicité comparative peut
faciliter le choix du consommateur. Elle assure une certaine transparence et permet au
consommateur de prendre connaissance de certaines caractéristiques des produits mis en
comparaison sans avoir à les comparer par lui-même. Par ailleurs, beaucoup de
comparaisons portant sur les prix, ce mode de communication peut avoir pour effet de
pousser les acteurs à baisser leurs prix afin de tenir la comparaison.
535.
Toutes ces constatations donnent une image plutôt positive de la publicité
comparative. Néanmoins, cette dernière ne comporte pas que des avantages. En effet, il ne
faut pas oublier qu'elle constitue une exception au droit des marques. En principe, dans une
publicité, l'annonceur utilise sa marque pour vanter les mérites de ses propres produits. Or,
dans le cas de la publicité comparative, l'annonceur utilise la marque d'un tiers pour
promouvoir sa propre marque. Ainsi, cette situation n'est pas sans rappeler celle du
référencement payant où l'annonceur utilise la marque d'autrui afin d'attirer les
477 Loi 92-60 du 18 janv. 1992 renforçant la protection des consommateurs, JORF n°170017 du 21 janv. 1992,
p. 968
478 Directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité
comparative : JOUE L 376 du 27 déc. 2006, p. 21-27
246
Publicité et droit des marques
consommateurs vers son propre site internet.
536.
Cette pratique étant néanmoins bien encadrée afin d'éviter les abus, il n'en demeure
pas moins que le législateur comme la jurisprudence se montrent très indulgents et ont
tendance à favoriser la publicité comparative au détriment du droit des marques. En effet, la
publicité comparative a connu, depuis son introduction, une évolution assez importante qui a
eu pour effet d'élargir son champ d'application de manière notable. Certes, une acception
plus large de la publicité comparative a pour effet de favoriser cette pratique et par
conséquent, d'inciter les opérateurs économiques à y recourir. Néanmoins, un tel
élargissement du champ d'application a corrélativement pour effet de rendre l'exception
qu'elle constitue au droit des marques plus importante et, de ce fait, de porter de plus en plus
atteinte à celui-ci. La CJCE, qui tend vers une acception toujours plus large, rappelle ainsi
souvent que le législateur communautaire a entendu favoriser la publicité comparative en ce
qu'elle peut stimuler la concurrence dans l'intérêt des consommateurs479 et que les
dispositions régissant la publicité comparative doivent être interprétées dans le sens le plus
favorable à celle-ci. Ainsi, la CJCE a rappelé récemment, dans l'arrêt O2, que le législateur
communautaire, aux termes des considérants 13 à 15 de la directive 2006/114, avait
considéré que « la nécessité de favoriser la publicité comparative commandait de limiter
dans une certaine mesure le droit conféré par les marques ». Néanmoins, force est de
constater qu'elle ne constitue plus seulement une limite aux droits conférés par la marque
mais qu'elle tend de plus en plus à leur porter atteinte.
537.
La publicité comparative a ainsi connu ces dernières années des évolutions de deux
espèces : un assouplissement de ses conditions de licéité et ainsi de son champ d'application
(chapitre 1) et une évolution dans le sens d'une atteinte au droit des marques (chapitre 2).
Bien que cette pratique soit encadrée afin de ne pas trop nuire au droit des marques, elle n'en
demeure pas moins une exception puisqu'elle déroge au monopole dont jouit le titulaire
d'une marque sur les droits conférés par celle-ci. En outre, nous allons voir que les juges ont
tendance à se montrer particulièrement indulgents quand certains intérêts spécifiques sont en
jeu, hypothèses dans lesquelles le droit des marques ne peut que s'incliner.
479 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 : Rec. CJCE 2008, I, p. 4231 ; Propr. industr. 2008, n°9, comm. 61,
A. Folliard-Monguiral
247
Publicité et droit des marques
Chapitre 1
Un assouplissement des conditions de licéité dans le but de
favoriser la publicité comparative
538.
La publicité comparative a été reconnue par les textes français et communautaires
dans le but de développer la concurrence et être ainsi bénéfique aux consommateurs. En
effet, elle peut assurer une meilleure transparence du marché et une meilleure information
des consommateurs quant aux produits qui font l'objet de la comparaison. C'est pour cela
que, bien que certaines réserves aient été formulées, les législateurs français et européen ont
introduit la publicité comparative. Néanmoins, afin d'éviter les dérives et afin que les
comparaisons soient pertinentes et basées sur des éléments objectifs, des règles assez
contraignantes régissent cette pratique.
539.
Cependant, en quelques années seulement, les règles régissant la publicité
comparative se sont assouplies. Cet assouplissement des conditions de licéité est la
conséquence de la position de la jurisprudence de la Cour de justice européenne qui apprécie
ces conditions dans le sens le plus favorable à la publicité comparative. La Cour entend en
effet favoriser ce mode de communication pour les mêmes raisons que celles qui ont poussé
le législateur à l'autoriser : puisqu'il permet, selon elle, de dynamiser la concurrence, de
permettre une certaine transparence s'agissant des caractéristiques de produits mais aussi de
leurs prix et ainsi de faire éventuellement baisser ces derniers. Cette forme de
communication est alors bénéfique au consommateur qui voit son choix facilité.
La conséquence de cette bienveillance est que le domaine de la publicité comparative
s'est élargi et que ses conditions de licéité sont appréciées de manière plus flexible. Ce
constant élargissement du champ d'application de la publicité comparative a pour effet
regrettable de rendre l'exception qu'elle constitue au droit des marques toujours plus
importante. En effet, élargir sans cesse son champ d'application a pour conséquence de
248
Publicité et droit des marques
rendre cette forme de communication plus fréquente notamment en ce que l'assouplissement
de ses conditions de licéité a pour effet d'autoriser des publicités qui auraient normalement
pu être sanctionnées. Ainsi, alors que cette forme de communication devait en principe
constituer une exception au droit des marques, l'élargissement de son champ et la
bienveillance continue du législateur et des juges voient l'efficacité du rôle protecteur de la
marque être réduite.
La publicité comparative qui a été introduite en Europe afin de stimuler la
concurrence et permettre une meilleure information des consommateurs mais dont le champ
d'application était assez encadré (section 1) a vu un assouplissement constant de ses
conditions de licéité qui s'est notamment traduit par une évolution s'agissant de la définition
de la cible de la comparaison. Cette évolution témoigne de la volonté, comme nous l'avons
déjà souligné, de favoriser la publicité comparative, provoquant ainsi des restrictions aux
droits exclusifs des titulaires de marques. C'est pourquoi il convient de s'intéresser à
l'évolution relative à l'appréciation de la cible de la comparaison (section 2).
Section 1. Présentation de la publicité comparative en Europe
540.
La publicité comparative est reconnue en Europe depuis près d'une vingtaine
d'années (§1). Bien qu'autorisée et même encouragée, elle est très encadrée (§2), notamment
en raison du fait qu'elle constitue une exception au droit des marques. En effet,
contrairement aux autres formes de publicité, celle-ci a pour objet, non pas de promouvoir
tout simplement la marque de l'annonceur, mais de la mettre en comparaison avec la marque
d'un tiers, constituant ainsi une exception aux droits exclusifs de ce dernier sur sa marque.
La comparaison, pour être licite, doit donc remplir un certain nombre de conditions et c'est
en raison de ces conditions exigeantes et des risques de condamnation que cette forme de
communication, bien que pouvant être très utile aux annonceurs afin de se démarquer de la
concurrence, n'a pas remporté le succès escompté.
249
Publicité et droit des marques
§1 L'avènement de la publicité comparative
541.
La publicité comparative a été reconnue en France ainsi qu'au niveau communautaire
dans les années 1990. Cette reconnaissance, pourtant faite dans le souci d'encourager la
concurrence et de permettre une meilleure information du consommateur, a alors soulevé des
appréhensions, notamment en raison de l'atteinte au droit des marques qui peu en résulter. Il
s'agit de retracer les différentes étapes de son introduction (A) en France comme en Europe
avant de faire le point sur le contexte de celle-ci qui ne s'est pas faite à l'unanimité (B).
A- L'historique
542.
Le droit français a introduit la publicité comparative dans ses textes quelques années
avant le droit communautaire. En effet, en France, c'est une loi du 18 janvier 1992 qui a
reconnu cette pratique. Au niveau communautaire, il fallut attendre 1997 pour qu'une
directive l'introduise et la règlemente.
1) En France
►Avant la loi de 1992
543.
Avant la loi du 18 janvier 1992, la jurisprudence condamnait la publicité comparative
sur le fondement de la concurrence déloyale480. Ainsi, pendant longtemps, on a vu dans la
publicité comparative un dénigrement des marques qui faisaient l'objet de la comparaison ou
un parasitisme de leur notoriété481. La jurisprudence considérait alors que la publicité
comparative était illicite et que le fait de citer la marque d'un concurrent constituait un délit
480 Y. Serandour, L'avènement de la publicité comparative en France, JCP G, n° 27, p.295
481 M. Malaurie-Vignal, Dénigrement, J-Cl. concurrence, consommation, Fasc. N° 210, 2004, p. 10
250
Publicité et droit des marques
pénalement répréhensible, l'article 422-2 du code pénal prohibant tout usage d'une marque
sans l'autorisation de son propriétaire. Avant la loi de 1992, aucun texte ne régissait la
publicité comparative mais, pour autant, aucune interdiction n'existait. Ainsi, en 1986, la
Cour de cassation a pu juger que n'était « pas illicite une publicité qui se [bornait] à la
comparaison des prix auxquels des produits identiques sont vendus, dans les mêmes
conditions, par des commerçants différents, contribuant ainsi à la transparence du
marché »482. Auparavant, des travaux avaient déjà été entrepris et des propositions formulées.
On peut citer notamment le rapport et avis du Conseil national de la consommation (CNC)
en 1984483 mais celui-ci concluait en considérant qu'il n'était pas souhaitable d'introduire, à
ce moment là, la publicité comparative en France. Il faut croire que 8 ans plus tard, la France
fut prête à admettre la pratique de la publicité comparative.
►La loi de 1992 et l'ordonnance de 2001
544.
La publicité comparative a été introduite dans le droit positif français par l'article 10
de la loi du 18 janvier 1992 codifié ensuite aux article L. 121-8 et suivant du code de la
consommation. Il était ainsi prévu que « la publicité qui met en comparaison des biens ou
services en utilisant soit la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de
commerce ou de service d'autrui, soit la citation ou la représentation de la raison sociale ou
de la dénomination sociale, du nom commercial ou de l'enseigne d'autrui n'est autorisée que
si elle est loyale, véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire le consommateur en
erreur ». Quelques années plus tard seulement, il a fallu transposer en droit interne la
directive 97/55 du 6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450 sur la publicité trompeuse
afin d'y inclure la publicité comparative484. Ce fut chose faite en 2001 grâce à l'ordonnance
portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en
matière de droit de la consommation485. Cette ordonnance n'a pas eu pour effet de modifier
fondamentalement le régime de la publicité comparative. Le champ d'application a
482 Cass. Com., 22 juill. 1986: Bull. Civ. 1986, IV, n° 181; D. 1986, jurispr. p. 436, note G. Cas
483 Rapport et avis du 3 avril 1984 du Conseil national de la consommation sur la publicité comparative,
Bulletin officiel de la concurrence et de la consommation- BOSP, 15 janv. 1986, n°1
484 Directive 97/55/CE du 6 oct. 1997 modifiant la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse afin d'y
inclure la publicité comparative, J.O. L 290 du 23 oct 1997, p.18
485 Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation
au droit communautaire en matière de droit de la consommation, JORF n°196 du 25 août 2001 p.13645
251
Publicité et droit des marques
seulement été élargi et les dispositions de l'ancien article L. 121-12 qui imposaient à
l'annonceur de communiquer, avant toute diffusion, l'annonce comparative aux concurrents
visés ont été supprimées. Le rapport au Président de la République précédant l'ordonnance
relève à ce sujet que la suppression de cette exigence n'a pas de portée significative. L'article
L.121-12 prévoit néanmoins aujourd'hui que l'annonceur de la publicité comparative diffusée
doit être en mesure de prouver, dans un bref délai, l'exactitude matérielle des termes de la
publicité.
2) En Europe
545.
La publicité comparative a été introduite en Europe par la directive 97/55/CE
modifiant la directive 84/450/CEE. La Commission avait pourtant présenté au Conseil une
proposition de directive portant sur la publicité trompeuse et la publicité comparative dès
1978. Cette introduction tardive tient au fait que certains États membres y étaient réticents.
De ce fait, seule la publicité trompeuse avait été règlementée par la directive 84/450 Dans les
considérants de la directive, il est relevé que les dispositions des États membres en matière
de publicité comparative sont très différentes, que « la publicité déborde les frontières » et
que, par conséquent, l'acceptation ou l'interdiction de la publicité comparative selon les
législations nationales peut constituer un obstacle à la libre circulation des biens ou services
et créer des distorsions de concurrence. L'objectif de la directive est donc d'harmoniser les
législations nationales en matière de publicité comparative mais aussi de déterminer les
pratiques qui risqueraient de porter atteinte aux concurrents ou d'avoir une incidence
négative sur les choix des consommateurs.
546.
En 2006, dans un souci de clarté, il a paru nécessaire de procéder à la codification de
la directive 84/450, celle-ci ayant été modifiée à plusieurs reprises. Le 12 décembre 2006, le
Parlement européen et le Conseil ont alors arrêté la directive 2006/114. La publicité
comparative est désormais définie par l'article 2 c) et les conditions de licéité sont prévues
par l'article 4 de la directive.
252
Publicité et droit des marques
B- Le débat sur l'utilité de la publicité comparative
547.
Comme nous l'avons dit, c'est en raison de son utilité tant en matière de concurrence
qu'en matière d'information des consommateurs que la publicité comparative a été introduite
en France et en Europe. Néanmoins, le fait qu'elle constitue une importante remise en
question du droit des marques a suscité des appréhensions de la part de certains.
1) Les motivations
548.
L'idée de légiférer en matière de publicité comparative a, entre autres, tenu au fait
que cette pratique était déjà admise dans plusieurs pays européens, notamment l'Allemagne,
le Royaume-Uni, l'Espagne et le Danemark. Par ailleurs, cette pratique était aussi autorisée
aux États-Unis depuis les années 1970 sous l'influence de la Federal Trade Commission
(FTC). C'est d'ailleurs à ce pays que l'on se réfère toujours quand on parle de publicité
comparative. Il suffit de regarder les attaques que se font Pepsi et Coca-Cola ou encore Mac
Donald's et Burger King par le biais de campagnes publicitaires pour se rendre compte de la
place que tient aujourd'hui la publicité comparative dans le panorama audiovisuel américain.
549.
En Europe comme en France, l'objectif de l'introduction de la publicité comparative
était notamment de stimuler la concurrence et de permettre une meilleure information des
consommateurs. S'agissant de la stimulation de la concurrence, la publicité comparative
améliore la transparence du marché car elle permet de connaitre les biens ou services qui y
sont offerts486. Au regard des intérêts des consommateurs, cette transparence n'est pas
négligeable. Elle permet au consommateur d'être pleinement informé et donc en mesure de
faire un choix éclairé.
486 Y. Serandour, L'avènement de la publicité comparative en France, JCP G, n° 27, p.295, op. cit.
253
Publicité et droit des marques
2) Les craintes
550.
L'introduction de la publicité comparative n'a pas fait l'unanimité. Beaucoup de ses
détracteurs ont manifesté des craintes notamment au regard du respect du droit des marques
mais aussi s'agissant de la stimulation de la concurrence et de l'information des
consommateurs. Pour certains, la publicité comparative engendrerait des pratiques déloyales,
ce qui aurait pour conséquence de tromper les consommateurs. En outre, il fut avancé que
les annonceurs avaient tendance à ne prendre en compte que les caractéristiques
avantageuses de leurs produits. Dès lors, la publicité tronquée ne pourrait remplir la
condition d'objectivité487.
551.
Par ailleurs, la critique la plus importante fut (et est toujours) celle concernant
l'atteinte aux prérogatives de la marque. La directive 89/104 rapprochant les législations des
États membres sur les marques488 prévoyait notamment que le titulaire d'une marque pouvait
interdire à tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique à la marque
pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée 489.
Or, l'autorisation de l'utilisation de la marque d'un tiers dans une publicité comparative
porterait « un coup sérieux au monopole du titulaire »490.
Le Conseil constitutionnel avait alors été saisi en 1991 afin de contrôler la
constitutionnalité de la loi instaurant la publicité comparative. En effet, certains
parlementaires considéraient que le fait de permettre à un concurrent d'utiliser la marque
d'autrui dans une publicité comparative constituait une atteinte au droit des marques. Ils
saisirent donc le Conseil constitutionnel au motif que l'article 10 de la loi limitait l'exercice
du droit de propriété du titulaire d'une marque et qu'il violait l'article 17 de la Déclaration
des Droits de l'Homme et du Citoyen qui prévoit que « la propriété étant un droit inviolable
et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement
constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Le
487 A. Brunet, Publicité comparative, concurrence et consommation, Gaz. Pal., 18 déc. 1999, n° 352, p.6
488 Directive 89/104/CEE du 21 déc. 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques,
JOUE L 40 du 11 fév. 1989, p. 1-7 aujourd'hui directive 2008/95/CE du 22 oct. 2008, JOUE L 299 du 8 nov.
2008, p. 25-33
489 Cette disposition se trouve désormais à l'article 5, §1 de la directive 2008/95 rapprochant les États
membres sur les marques
490 J. Julien, Marque et droit de la consommation in Les métamorphoses de la marque, Actes du colloque du 4
juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 72
254
Publicité et droit des marques
Conseil constitutionnel a relevé que l'introduction de la publicité comparative visait à
améliorer l'information des consommateurs et à stimuler la concurrence. Par ailleurs, il a
noté que la comparaison de biens ou services en utilisant la citation ou la représentation d'un
signe distinctif d'autrui ne serait possible que selon les modalités prévues par la loi. Pour ces
raisons, le Conseil constitutionnel a considéré que « le fait pour le législateur d'autoriser la
citation de la marque d'autrui dans le cadre de la publicité comparative ne porte pas au
droit de propriété une atteinte qui serait contraire à la Constitution »491. Ainsi, dès lors que
la publicité est faite dans le respect des conditions de licéité, il ne devrait pas y avoir
d'atteinte au droit des marques. En outre, le droit de propriété intellectuelle n'est « ni
général, ni absolu »492. Le Conseil constitutionnel a sans doute cru bon de favoriser la
concurrence et l'information des consommateurs dans la mesure où, à ses yeux, il ne pourrait
résulter d'une publicité qui satisfaisant toutes les conditions de licéité aucune atteinte au droit
sur la marque. C'est précisément cette affirmation que l'on retrouve dans les considérants 14
et 15 de la directive 2006/114 (alors 97/55) qui énoncent que la référence à la marque d'un
concurrent peut être indispensable pour rendre la publicité comparative effective et que
l'utilisation de la marque n'enfreint pas le droit exclusif dès lors qu' « elle est faite dans le
respect des conditions établies par la présente directive... ». Or, si la marque enregistrée
confère un droit exclusif à son titulaire, comment l'usage d'un signe identique à celle-ci par
un tiers pourrait-il ne pas aller à l'encontre de ce droit ?
Par ailleurs, comme l'a jugé la CJCE, dans l'arrêt O2493, et ce « afin de concilier la
protection des marques et l'utilisation de la publicité comparative, les articles 5, § 1 et 2, de
la directive 89/104 et 3 bis, §1, de la directive 84/450 doivent être interprétés en ce sens que
le titulaire d'une marque enregistrée n'est pas habilité à interdire l'usage, par un tiers, dans
une publicité comparative qui satisfait à toutes les conditions de licéité énoncées audit
article 3 bis, §1, d'un signe identique ou similaire à sa marque » (point 45). Ainsi, la
publicité comparative prive les dispositions sur les marque de leurs effets. On peut aussi voir
les choses d'une autre manière, à l'image de ce qu'a relevé Arnaud FOLLIARDMONGUIRAL au sujet de l'articulation des directives 89/104 et 84/450 (difficulté sur
laquelle nous nous pencherons dans le second chapitre), et considérer que dès lors que les
491 Cons. Const., n° 91-303 : JO 18 janv. 1992, p. 882; JCP E 1992, III, 65333
492 J.-M. Bruguière et F. Dumont, La question prioritaire de constitutionnalité dans le droit de la propriété
intellectuelle, comm. com. électr. 2010, n°5, ét. 10
493 CJCE, 12 juill. 2008, aff. C-533/06, O2, op. cit.
255
Publicité et droit des marques
conditions de licéité seraient remplies, la publicité comparative ne serait « pas à proprement
parler une dérogation au droit exclusif de marque »494.
En effet, les règles encadrant la publicité comparative ont vocation à limiter les
atteintes qui pourraient être portées aux droits conférés aux titulaires de marques.
Néanmoins, la Cour rappelle souvent que le législateur a entendu favoriser la publicité
comparative en ce qu'elle stimulait la concurrence dans l'intérêt des consommateurs
(considérant 6 de la directive 2006/114) et c'est pour cette raison que, comme nous le verrons
dans le chapitre 2, quand bien même cette forme de communication ne devrait en principe
pas aller à l'encontre du droit des marques, des atteintes aux droits exclusifs des titulaires de
marques sont tolérées.
552.
Pour autant, en théorie, l'atteinte au droit des marques est assez limitée lorsque la
publicité comparative est faite dans le respect des dispositions du code de la consommation.
Il s'agit donc à présent de s'intéresser aux conditions posées par les textes.
§2 L'usage de la publicité comparative
553.
La publicité comparative, pouvant être un outil dangereux si elle n'est pas bien
encadrée, notamment au regard du droit des marques, doit remplir un certain nombre de
conditions de licéité (A). Ces règles évitent alors qu'un annonceur vante son produit en
mettant en avant des qualités invérifiables ou encore farfelues mais aussi qu'il dénigre ses
concurrents ou leurs produits. Ainsi, elles limitent les atteintes que pourraient subir le
titulaire de la marque comparée. Il résulte de cet encadrement relativement strict que la
publicité comparative ne convainc pas les annonceurs qui lui préfèrent souvent la publicité
traditionnelle (B).
494 Note sous arrêt, A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt O2 : de l'eau dans le gaz entre publicité comparative et
droits exclusifs de marques, Propr. industr. 2008, n° 9, comm. 61
256
Publicité et droit des marques
A- Le régime juridique
554.
L'article 2, sous c) de la directive 2006/114 donne une définition de la publicité
comparative et l'article 4 énonce les conditions de licéité. Nous allons nous intéresser au
champ d'application de la publicité comparative avant de rappeler les conditions posées par
la directive.
1) Le domaine de la publicité comparative
555.
Les dispositions sur la publicité comparative s'appliquent aux publicités qui,
explicitement ou implicitement, identifient un concurrent ou des biens ou services offerts par
un concurrent. Le concurrent visé doit être identifiable. Cette identification peut néanmoins
être seulement implicite495.
Cette définition est une définition large. Ainsi, dans son arrêt O2496, la Cour rappelle
que, selon une jurisprudence constante, cette définition permet « de couvrir toutes les forme
de publicité comparative, de sorte qu'il suffit qu'il existe une communication faisant, même
implicitement, référence à un concurrent ou aux biens ou aux services qu'il offre pour qu'il y
ait publicité comparative ». Il en découle une certaine anomalie, à savoir qu' « une publicité
peut être qualifiée de comparative alors même qu'elle n'opère aucune comparaison »497...
556.
La publicité doit mettre en comparaison les biens ou services qu'elle offre avec les
biens ou services d'un concurrent. Ces biens doivent cependant répondre aux mêmes besoins
ou avoir les mêmes objectifs. Cette disposition pose une limite. Un annonceur ne pourra
avoir pour cible, dans sa comparaison, qu'un concurrent. Il ne pourra pas viser des biens ou
des services qui n'ont pas la même utilité ou qui ne remplissent pas la même fonction que
ceux qu'il offre. En d'autres termes, les produits comparés doivent être substituables. Il faut
495 Article 2, c), de la directive 2006/114
496 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2, op. cit., point 42
497 J. Passa, Les rapports entre droit des marques et droit de la publicité comparative : un risque
d'affaiblissement de la protection de la marque (à propos des affaires préjudicielles O2 Holdings et L'Oréal
c/ Bellure), Propr. indust., 2008, n°8, ét. 20
257
Publicité et droit des marques
relever que, avant la transposition de la directive 97/55, la comparaison ne pouvait porter
que sur des biens strictement identiques. Le champ d'application a ainsi été élargi car
désormais ils doivent seulement être interchangeables498.
La publicité doit comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques
essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens ou services, dont le prix peut
faire partie. L'exigence de l'objectivité a notamment pour but d'exclure les comparaisons
fondées sur des appréciations subjectives telles que des appréciations ou des opinions. Ainsi,
par exemple, on ne peut pas vanter un produit en disant qu'il a meilleur goût qu'un autre.
D'autre part, la comparaison ne doit pas porter sur des caractéristiques peu importantes ou
accessoires mais bien des caractéristiques essentielles et pertinentes. En outre, pour que la
publicité remplisse la condition d'objectivité, les caractéristiques doivent être vérifiables et le
consommateur doit être mis en mesure de vérifier par lui-même les éléments de la
comparaison499. Par ailleurs, il convient de rappeler que l'annonceur devra être en mesure de
prouver l'exactitude matérielle de ses allégations, indications ou prétentions (article 7, a)).
2) Les conditions de licéité de la comparaison
557.
En premier lieu, il convient de noter que la comparaison ne doit pas être trompeuse.
La directive 2006/114 donne une définition de la publicité trompeuse à l'article 2 b). Il s'agit
de « toute publicité qui, d'une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en
erreur ou est susceptible d'induire en erreur les personnes auxquelles elle s'adresse ou
qu'elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d'affecter leur
comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de
porter préjudice à un concurrent ». Le caractère trompeur peut notamment résulter
498 Néanmoins, dans le cas des paniers comparatifs, le juges français, contrairement à la jurisprudence
européenne, se montrent très exigeants quant au respect des conditions de licéité des comparaisons et
exigent que les produits ne répondent pas seulement aux mêmes besoins ou aient le même objectifs mais
qu'ils soient strictement identiques, voir notamment Cass. civ. 1, 31 oct. 2006, Sté Thiers Distribution c/ Sté
Lidl : Contr. conc. conso. 2007, n° 1, comm. 32, M. Malaurie-Vignal ; Cass. crim, 4 mars 2008, Leclerc c/
Leader Price : jurisdata n° 2008-043366
499 Cette condition a notamment soulevé des problèmes s'agissant de la pratique des paniers comparatifs : voir
notamment Cass. crim., 9 mai 2007, Leader Price : Jurisdata n° 2007-039030 ; Cass. crim. 13 janv. 2009,
Sodisroy : Jurisdata n° 2009-046969 et voir aussi CJCE, 19 sept. 2006, C-356/04, Lidl : Contr. conc. conso.
2006, n° 11, comm. 240, G. Raymond
258
Publicité et droit des marques
d'allégations mensongères afin de vanter les qualités imaginaires d'un produit. S'agissant de
la présentation, la publicité ne doit pas être déguisée en information. C'est le cas lorsqu'elle
prend la forme d'un journal par exemple500.
558.
La directive prévoit que la publicité comparative ne doit pas entrainer le discrédit ou
le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services,
activité ou situation d'un concurrent. Il a été jugé qu'il ne pouvait y avoir dénigrement
lorsque la publicité comparative n'avait pas un caractère mensonger et qu'elle ne
« [dépassait] pas les limites d'une critique objective »501. Il est intéressant de noter que c'est
d'ailleurs sur le fondement du dénigrement que cette forme de publicité a longtemps été
condamnée.
De plus, la publicité comparative ne doit pas tirer indûment profit de la notoriété
attachée aux signes distinctifs d'autrui. Cette interdiction confère une protection aux marques
notoirement connues502. La publicité comparative a introduit une exception au droit des
marques en ce qu'elle constitue une dérogation au monopole du titulaire d'une marque sur les
droits conférés par celle-ci. Il est donc normal que cette exception soit assortie de gardesfous afin d'éviter que l'usage de la marque d'autrui ne génère un profit indu bénéficiant à
l'annonceur.
Par ailleurs, la publicité ne doit pas présenter un produit comme une imitation ou une
reproduction d'un bien ou d'un service503 mais surtout elle ne doit pas être source de
confusion entre l'annonceur et un concurrent, celle-ci pouvant d'ailleurs résulter de
l'imitation. Il convient de relever, s'agissant de l'absence de risque de confusion, et ce bien
que nous nous y attarderons plus loin, qu'il s'agit d'une condition commune aux deux
directives sur les marques et sur la publicité comparative504.
En outre, cette condition ainsi que celle de l'absence de profit indu, conditions
auxquelles nous nous intéresserons davantage dans le second chapitre, sont les derniers
500 T. com Paris, 12è ch., 15 janvier 2002, SA UPC France c/ SA France Télécom, Gaz. pal. 2003, n° 308, p.
16
501 TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 3 sept. 2004 : Gaz. pal. 2005, n° 314, p. 26, note J.-J. Biolay
502 Voir CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit.
503 Ibid.
504 La question de l'articulation des directives 89/104 et 84/450 a été au cœur de l'arrêt CJCE, 12 juin 2008,
aff. C-533/06, O2, op. cit.
259
Publicité et droit des marques
remparts de la protection de la marque. En effet, bien que la publicité comparative demeure
une exception au droit des marques et ne porte en principe pas atteinte aux droits exclusifs
que la marque confère, ce sont réellement ces deux conditions qui permettent aux droits
conférés par la marque de ne pas voir leur rôle protecteur s'évaporer totalement.
Enfin, s'agissant des produits bénéficiant d'une appellation d'origine, la comparaison
doit porter, dans chaque cas, sur des produits ayant la même appellation. Cette condition est
respectueuse de la protection accordée aux appellations d'origine et suit la logique de celle
qui prévoit que la comparaison doit porter sur des biens ou services répondant aux mêmes
besoins ou ayant le même objectif505.
Ces conditions semblent donc laisser supposer un certain encadrement de la publicité
comparative, notamment afin de limiter les atteintes aux droits exclusifs conférés aux
titulaires de marques qui pourraient en résulter. Ainsi, comme l'a rappelé la Cour, dans l'arrêt
L'Oréal506, les conditions de licéité de la publicité comparative devraient permettre de
s'assurer que celle-ci est faite de manière à répondre à l'objectif qui lui est attribué, c'est-àdire de stimuler la concurrence dans l'intérêt des consommateurs tout en veillant à ce qu'elle
ne porte pas atteinte de manière excessive aux droits exclusifs conférés par la marque.
Néanmoins, c'est essentiellement dans le but de stimuler la concurrence que la publicité
comparative a été reconnue en Europe et que le législateur entend la favoriser. Cet objectif,
bien qu'il ne soit pas rempli, semble alors prévaloir sur les autres aspects de cette forme de
communication.
B- Un outil au service de la concurrence
559.
La publicité comparative a été reconnue en Europe notamment au motif qu'elle
stimulerait ainsi la concurrence. Il s'agit alors de s'interroger sur la réalité de cet argument,
505 Néanmoins, nous verrons un peu plus loin que la Cour de justice, dans un arrêt de 2007, a pourtant
considéré licite une publicité mettant en comparaison des produits dotés d'une appellation et des produits
qui n'en étaient pas dotés
506 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit., point 71
260
Publicité et droit des marques
c'est à dire sur l'utilité de l'instrument que constitue cette forme de publicité au regard de la
concurrence. On relèvera qu'il semblerait que cette pratique ne permette pas effectivement
de parvenir au but recherché. Il conviendra ensuite de voir en quoi cet outil doit être utilisé
de manière raisonnable afin qu'il demeure licite.
1) Un outil intéressant mais qui suscite peu d'engouement
560.
La stimulation de la concurrence ayant été une des motivations du législateur pour
introduire la publicité comparative, il convient de s'interroger sur son efficacité réelle. Ainsi,
il semblerait qu'elle ne présente un attrait que pour certains concurrents et que l'engouement
suscité soit nettement plus faible que celui attendu. La publicité comparative a été introduite
en Europe dans le but de stimuler la concurrence et de permettre une meilleure information
du consommateur. Elle devait s'avérer utile en matière de concurrence et les tribunaux ont
ainsi voulu la favoriser. Ainsi, elle aurait dû avoir pour effet, non seulement une meilleure
information des consommateurs, mais aussi une baisse des prix, voire une amélioration de la
qualité des produits ou des services. En effet, les opérateurs économiques auraient dû vouloir
tenir la comparaison avec leurs concurrents et être les plus concurrentiels possibles.
Il faut néanmoins relever que la publicité comparative n'est pas seulement un
instrument servant à stimuler la concurrence en ce qu'elle permet de répondre aux attentes
des consommateurs. Elle est aussi un outil au service des concurrents du leader sur un
marché, c'est à dire au service des challengers507. Ainsi, le fait pour un annonceur de se
comparer au leader d'un marché stimule en effet la concurrence mais l'hypothèse inverse sera
étroitement surveillée par les tribunaux (en raison du risque d'un éventuel dénigrement). Par
ailleurs, il faut noter en ce sens que les juridictions se montrent bien plus clémentes, quant à
la qualification de publicité comparative, avec les concurrents du leader d'un marché qu'avec
ce dernier508.
561.
Il résulte de ces observations que la publicité comparative protège la concurrence et
507 L. Arcelin La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (1ère
partie), op. cit.
508 T. com. Paris, 8ème ch., 23 mai 2001, France Telecom c/ Onetel
261
Publicité et droit des marques
non les concurrents509. Ce qui importe, c'est de permettre un réel jeu de la concurrence. Pour
ce faire, il faut alors encourager les publicités comparatives dont la cible est le leader du
marché en question et corrélativement, se montrer très exigeant (peut être trop) envers les
publicités dans lesquelles le leader d'un marché se compare à un de ses concurrents. Une
telle attitude semble certes stimuler la concurrence mais a, par ailleurs, pour effet une
inégalité de traitement entre les opérateurs économiques. Par ailleurs, il convient de relever
que les entreprises ne tiennent pas particulièrement à se faire la guerre par publicité
comparative interposée510. On constate que le nombre de publicités mettant en comparaison
des biens ou des services n'est pas très important. Ainsi, alors qu'on aurait pu croire que
l'introduction de la publicité comparative en France allait avoir pour conséquence de voir
apparaître de nombreuses campagnes, il n'y eut que 26 publicités de ce genre au titre des
années 1992 et 1993.
562.
On aurait pourtant pu s'attendre à voir nos écrans envahis de campagnes de publicités
comparatives sur le modèle des États-Unis, notamment depuis l'ordonnance de 2001, celle-ci
ayant rendu moins contraignantes les conditions de licéité. Or, on peut constater que les
publicités comparatives ne sont toujours pas très nombreuses. Il est cependant vrai que
certains opérateurs économiques ont trouvé en cette forme de publicité un instrument de
marketing dont elles n'hésitent pas à user. On peut citer notamment le distributeur Leclerc,
mais aussi les radios ou encore les opérateurs de téléphonie mobile. Il n'en demeure pas
moins que la publicité comparative est un outil qui certes peut permettre de stimuler la
concurrence, mais encore faut-il que l'usage de celle-ci soit fait de manière respectueuse des
dispositions légales.
2) Un outil à manier avec précaution
563.
Bien que les tribunaux encouragent la pratique de la publicité comparative, ils
veillent néanmoins à ce que celle-ci soit faite de manière loyale et qu'elle respecte les
conditions énoncées par la directive 2006/114. Il convient d'accorder une attention
509 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (1ère
partie), op. cit.
510 A. Brunet, Publicité comparative, concurrence et consommation, op. cit.
262
Publicité et droit des marques
particulière à deux interdictions posées par cette dernière : celle de dénigrer les concurrents
et celle de présenter les produits comme étant des imitations.
564.
L'article 4 d) de la directive 2006/114 interdit la publicité comparative qui entraine le
discrédit ou le dénigrement des marques. Il faut distinguer le dénigrement de la critique. Le
dénigrement est motivé par l'intention de nuire. Comme nous l'avons évoqué, avant la loi de
1992, la publicité comparative était condamnée sur le fondement du dénigrement. Le simple
fait de citer un concurrent constituait alors un dénigrement. La cour d'appel de Paris avait
défini le dénigrement comme « toute action tendant à discréditer ou déprécier l'industrie ou
le commerce et les produits d'un concurrent par comparaison ou allusion à sa propre
industrie ou ses propres produits en vue d'attirer à soi la clientèle d'autrui »511. Aujourd'hui,
la publicité comparative est autorisée mais les tribunaux veillent toujours à l'absence de
dénigrement. Un opérateur peut librement vanter les mérites des produits qu'il
commercialise et les comparer à ceux de ses concurrents. Pour autant, cette comparaison ne
doit pas engendrer un dénigrement des biens du concurrent visé. Il convient de préciser que
le dénigrement de l'ensemble d'une profession est tout autant sanctionné que celui d'un seul
concurrent. Ainsi, des annonceurs qui ont dénigré les « fast-foods » en général ou l'Ordre des
pharmaciens ont été condamnés512.
565.
Par ailleurs, la directive interdit à une publicité comparative de présenter un produit
comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service bénéficiant d'une
marque ou d'un nom commercial protégé. Les tableaux de concordance, notamment, posent
problème à ce sujet depuis plusieurs années et ce, essentiellement dans le domaine de la
publicité pour les parfums. Cette pratique consiste à exploiter, de la part d'un opérateur
commercialisant des produits imitant la fragrance de parfums de marques notoires, des
publicités, présentées sous forme de tableaux, dans lesquels sont indiquées les
correspondances entre les copies et les parfums copiés513.
511 CA Paris, 27 mars 1977, Société Raverdy c/Ufima, inédit, cité par Greffe p. et F., La publicité et la loi:
Litec, 9è éd. 2000, n° 790, p. 276; Cf. Biolay J.-J., publicité comparative, J-Cl. 2003, fasc. 902
512 T. com. Paris (15è ch.), 22 oct. 1999, Gaz. Pal. 1999.2, somm. p. 728, note X et TGI Paris, 1è ch. Civ., 8
janv. 1992, Conseil national de l'ordre des pharmaciens c/ Leclerc : RTD com. 1992, n° 2, p. 495, obs.
Bouzat
513 J. Passa, Les rapports entre droit des marques et droit de la publicité comparative : un risque
d'affaiblissement de la protection de la marque, op. cit.
263
Publicité et droit des marques
C'est le problème qui a été soulevé récemment devant la CJCE dans l'affaire
L'Oréal514. Celle-ci opposait les sociétés du groupe L'Oréal aux sociétés Bellure Malaika et
Starion qui fabriquaient et commercialisaient des imitations de parfums de luxe, tels que
Trésor, Anaïs Anaïs, Noa ou Miracle. Les sociétés Bellure Malaika et Starion utilisaient des
tableaux de concordance qu'elles communiquaient aux détaillant et dans lesquels elles
précisaient le nom des marques des parfums imités. Par ailleurs, les flacons et les emballages
ressemblaient fortement aux produits copiés. Les sociétés Lancôme, Garnier et L'Oréal ont
alors poursuivi pour contrefaçon de marque les sociétés Bellure Malaika et Starion. La Court
of Appeal (Royaume-Uni) a, par la suite, posé plusieurs questions préjudicielles à la CJCE
notamment afin de savoir « si l'article 3 bis, §1, de la directive 84/450 [devait] être
interprété en ce sens que, lorsqu'un annonceur indique, à l'aide d'une liste comparative et
sans provoquer de confusion ni de tromperie, que son produit contient une caractéristique
essentielle similaire à celle d'un produit commercialisé sous une marque notoirement
connue, dont le produit de l'annonceur constitue une imitation, cet annonceur tire indûment
profit de la notoriété de ladite marque au sens de cet article 3 bis, §1, sous g), ou présente
« un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction au sens dudit article 3 bis,
§1, sous h) ».
La CJCE a relevé que l’objet de la condition posée à l’article 3 bis §1 h) «
[consistait] à interdire à l’annonceur de faire apparaître, dans la publicité comparative, le
fait que le produit ou le service qu’il commercialise constitue une imitation ou une
reproduction du produit ou du service de marque ». Or en l'espèce, elle a constaté que les
tableaux de concordance présentaient les parfums commercialisés par les sociétés Bellure
Malaika et Starion comme des imitations des parfums commercialisés sous certaines
marques dont sont titulaires L’Oréal et par conséquent, comme des imitations de produits
portant une marque protégée au sens de l'article 3 bis §1 h) de la directive 84/450. La CJCE
a alors considéré « qu'il convenait de constater que, dès lors qu'une publicité comparative
qui présente les produits de l'annonceur comme une imitation d'un produit portant une
marque est qualifiée par la directive 84/450 de contraire à une concurrence loyale et donc
d'illicite, le profit réalisé par l'annonceur grâce à une telle publicité est le fruit d'une
concurrence déloyale et doit, par conséquent, être considéré comme indûment tiré de la
514 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit.
264
Publicité et droit des marques
notoriété attachée à cette marque » (point 79).
Ainsi, les juges veillent à ce que les conditions de licéité soient bien remplies.
Néanmoins, il convient de constater qu'ils les apprécient dans le sens le plus favorable à la
publicité comparative.
Section 2. Précisions quant à la cible de la comparaison
566.
L'ordonnance du 23 août 2001515 portant transposition de directives communautaires
et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la consommation a eu pour effet
d'élargir le champ d'application de la publicité comparative. Cette dernière a notamment
connu ces derniers temps une évolution quant à la cible de la comparaison. En effet, la
jurisprudence de la CJCE en particulier a induit, outre l'élargissement du champ de la
publicité comparative, l'assouplissement des conditions de celle-ci.
567.
Tout d'abord, on peut noter que la cible de la comparaison a connu une évolution
s'agissant de la référence au concurrent (§1). L'article L. 121-8 du code de la consommation
prévoit que la publicité comparative met en comparaison des biens ou services en identifiant,
implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par celui-ci.
On peut donc affirmer que la comparaison doit avoir pour cible un concurrent ou les biens
ou services qu'il offre. En effet, cette définition exclut les comparaisons d'ordre général sans
citation d'une marque, d'un produit ou d'une entreprise516. Cependant, l'application de cette
affirmation a posé quelques difficultés, notamment par rapport à la nécessité d'identification
du concurrent ou du produit concurrent.
568.
La cible de la comparaison a par ailleurs connu une évolution récemment du fait de la
515 Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001, JORF n°196 du 25 août 2001 p.13645, op. cit.
516 Pourtant, on peut relever que si une telle obligation n'avait pas été prévue, il y aurait sans doute moins
d'atteintes au droit des marques.
265
Publicité et droit des marques
position de la CJCE s'agissant des comparaisons par des annonceurs de produits dotés
d'appellation d'origine à des produits n'en bénéficiant pas (§2). En effet, la CJCE a, dans
l'arrêt De Landtsheer du 19 avril 2007517, refusé de considérer comme illicite une
comparaison de produits ne bénéficiant pas de l'appellation d'origine à des produits qui en
bénéficiaient, et ce alors que l'article 4 e) de la directive 2006/114 interdit de telles
comparaisons. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une atteinte aux marques, cet arrêt mérite d'être
analysé ici car il va dans le sens de la tendance de la jurisprudence à vouloir favoriser la
publicité comparative quand bien même cela doit se faire détriment de certains droits.
§1 La référence au concurrent
569.
La publicité comparative a connu une importante évolution depuis la loi n° 92-60 du
18 janvier 1992518, notamment s'agissant de la référence au concurrent. La loi de 1992
prévoyait que la publicité comparative mettait en comparaison des biens ou des services en
utilisant la citation ou la représentation de la marque ou de la dénomination d'autrui. Depuis,
cette comparaison a évolué car elle doit viser désormais un concurrent. La question qui s'est
alors posée a été de savoir si l'identification de ce concurrent devait être explicite ou non
(A). En outre, la CJCE a, d'une certaine manière, élargi de nouveau la cible possible de la
comparaison en validant la référence à un produit concurrent identifiable (B).
A- Un concurrent identifié ou identifiable
570.
Initialement, la comparaison n'avait pas obligatoirement pour cible un concurrent
mais simplement autrui. Depuis l'ordonnance du 23 août 2001, seules sont visées les
517 CJCE, 19 avr. 2007, aff. C-381-05, De Landtsheer Emmanuel SA c/Comité interprofessionnel du vin de
Champagne, Veuve Clicquot Ponsardin SA : Contr. Conc. Conso. 2007, comm. 161, note G. Raymond
518 Loi n°92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs, op. cit.
266
Publicité et droit des marques
comparaisons avec un concurrent. Cependant, ont posé problème les publicités qui ne
visaient que de manière implicite un concurrent. En effet, longtemps les tribunaux ont
refusé de sanctionner les comparaisons n'ayant pas pour cible un concurrent déterminé.
Aujourd'hui, suite à l'ordonnance de 2001, il est acquis que cette identification peut être
implicite.
1) Une comparaison au concurrent
571.
L'article L. 121-8 du code de la consommation dispose que « toute publicité qui met
en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un
concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si... ». Par
conséquent, on peut en déduire que la publicité comparative doit viser obligatoirement un
concurrent ou ses biens et services. Or, cela n'a pas toujours été le cas. En effet, jusqu'à
l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001, la publicité comparative
pouvait utiliser la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce ou de
service d'autrui. Il était ainsi prévu que que la cible de la comparaison était autrui, mais rien
ne précisait qu'il devait s'agir d'un concurrent. Cette ordonnance est la transposition en droit
interne de la directive n°97/55/CE du 6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450/CEE sur
la publicité trompeuse afin d'y inclure la publicité comparative. L'article 3 de cette directive
prévoit ainsi l'insertion du point 2) bis suivant: « publicité comparative : toute publicité qui,
explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par
un concurrent». La modification de l'article L 121-8 du code la consommation a donc eu
pour conséquence d'exclure les comparaisons ne visant pas un concurrent mais seulement
autrui ou plus largement l'ensemble d'une profession.
572.
Il convient de noter qu'en matière de dénigrement, sous l'empire de la loi du 18
janvier 1992, les comparaisons générales pouvaient engager la responsabilité de l'annonceur
en cas de dénigrement de toute une profession
519
. Par exemple, constituait un acte de
concurrence déloyale le fait pour une grande surface d'inciter la clientèle à déserter les
magasins des épiciers traditionnels dont les méthodes sont qualifiées d' « attrape-nigaud », et
519 J.-J. Biolay., Publicité Comparative, J.-Cl. Concurrence consommation, Fasc. N°902, 2003, p.8
267
Publicité et droit des marques
ce bien que la publicité ait un caractère collectif520. La loi du 18 janvier 1992 interdisait ainsi
les publicités comparatives ayant un caractère dénigrant rendant possible l'identification de
personnes n'étant pas nécessairement concurrentes de l'annonceur. Cependant, aujourd'hui,
seules les publicités susceptibles de rendre possible l'identification d'un seul concurrent ou
de ses biens ou services sont visées par le code de la consommation. Comme le souligne
Jean-Jacques BIOLAY dans son étude sur la publicité comparative521, « une stricte
interprétation du nouveau texte pourrait conduire à exclure de son champ d'application les
comparaisons à caractère collectif visant un ensemble de concurrents ». Cependant, il
convient de préciser que celles-ci pourront tout de même être condamnées pour dénigrement
collectif. Il semble désormais acquis que la cible de la comparaison doit être effectivement
un concurrent ou ses biens ou services. Cependant, un problème est né du fait de savoir si ce
concurrent devait être identifié explicitement.
2) Un concurrent visé pouvant être reconnu
573.
Pendant longtemps, les tribunaux se sont refusés à sanctionner les publicités
comparatives ne se référant pas à un concurrent déterminé. Cependant, l'article 1-3 de la
directive 97/55/CE prévoit que l'identification du concurrent peut être implicite. Aujourd'hui,
une publicité comparative, pour être licite, doit simplement permettre l'identification des
concurrents ou de leurs biens et services. Elle peut alors le faire de manière explicite ou
implicite. La publicité peut ainsi citer nommément le concurrent et reproduire ses signes
distinctifs. Les concurrents peuvent aussi être seulement visés, sans l'être nommément.
Dans cette hypothèse, ils doivent être susceptibles d'être reconnus pour se prévaloir
des dispositions des articles L 121-8 et suivant du code de la consommation. En effet, une
publicité comparative permettant l'identification des concurrents de l'annonceur doit
respecter les prescriptions de la réglementation en matière de publicité comparative. Il
importe peu que le concurrent soit nommé, à partir du moment où il peut être identifié522.
520 CA Bordeaux, 3 mars 1971: Gaz. Pal. 1971, 2, jurispr. p.398, note Fourgoux J.-Cl.
521 J.-J. Biolay, Publicité comparative, op. cit.
522 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (2ème
partie), RLC, 2007/14, n° 1040
268
Publicité et droit des marques
En effet, Le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance du 23 août
2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit
communautaire en matière de droit de la consommation523 énonce que la directive considère
comme comparative la publicité qui permet l'identification, même implicite, d'un concurrent
ou des biens ou services qu'il offre et que « certains tribunaux avaient déjà reconnu à une
publicité un caractère comparatif dès lors que le concurrent non cité pouvait être identifié ».
Aujourd'hui, l'article L. 121-8-I 9) du code de la consommation prévoit qu'« il y a publicité
comparative dès lors que le concurrent est identifié ou simplement identifiable ». Ainsi,
lorsque que le marché des télécommunications a été ouvert à la concurrence, la comparaison
émanant d'un opérateur privé renvoyait nécessairement, dans l'esprit du public, à l'opérateur
public524.
574.
En outre, il convient de noter que, s'agissant de dénigrement, il ne peut y avoir
concurrence déloyale que si le concurrent est identifiable. Ainsi, la Cour de cassation a jugé
le 4 juillet 2006525 que la société Alain Afflelou pouvait être reconnue dans la publicité
télévisuelle faite par la société Visual qui comportait le message suivant: « Quand on vous
offre une seconde paire de lunettes, êtes-vous toujours sûr de la qualité des verres? ». En
effet, Afflelou avait développé la formule « tchin tchin Afflelou » qui avait pour objet
d'offrir à tout acquéreur d'une paire de lunettes, une seconde paire pour un euro de plus. La
Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la cour d'appel de Paris526 en considérant que Afflelou
pouvait bien être identifié par les consommateurs d'attention moyenne.
575.
Enfin, la cour d'appel de Paris a considéré dans un arrêt opposant les sociétés NRJ et
Europe 1 que les règles applicables à la publicité comparative devaient « être interprétées
dans un sens favorable à ce genre de publicité dont l'efficacité implique que puissent être
repris les signes distinctifs du concurrent que le public doit identifier »527. On peut déduire
de cet attendu l'importance de la possibilité d'identification du concurrent.
576.
Par ailleurs, il convient de préciser que l'article L. 121-8 prévoit que la publicité
523 Ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation
au droit communautaire en matière de droit de la consommation, op. cit.
524 CA Versailles, 26 mars 1999, JCP E 1999, pan.1793 – CA Versailles, 27 juin 2002: JCP E 2003, pan.46;
Contrats, Conc., Consom. 2003, comm. N°65, note Raymond
525 Cass. Com, 4 juillet 2006, n°03-11.759, D.
526 CA Paris, 15 nov. 2006, Gaz. Pal. 6-10 mai 2007, p.14
527 CA Paris 18 janv. 1992, Stés NRJ et NRJ Régies c/ Stés Europe 1 Télécompagnie et Régie 1
269
Publicité et droit des marques
comparative « met en comparaison des biens ou des services en identifiant, implicitement ou
explicitement, un concurrent ou des biens et services offerts par un concurrent... » Par
conséquent, l'identification ne concerne pas seulement le concurrent mais peut ne concerner
que les produits de ce celui-ci.
B- Un produit concurrent identifiable
577.
Comme nous venons de le voir, la comparaison doit se faire avec un concurrent de
manière au moins implicite. Cependant, la CJCE a de nouveau élargi le champ d'application
de la publicité comparative en admettant que la comparaison puisse être faite, non pas avec
un concurrent ou ses biens ou services mais avec un produit concurrent n'étant pas même
cité. Néanmoins, ce produit doit tout de même pouvoir être identifié. La CJCE va pourtant
plus loin encore dans l'élargissement du champ de la publicité comparative en considérant
que la référence à un type de produits est admise dès lors qu'il est possible d'identifier le
concurrent visé ou les biens ou services qu'il offre.
1) L'absence de citation du produit concurrent
578.
L'individualisation d'un concurrent ne semble pas nécessaire pour qu'une publicité
relève de la directive n° 97/55/CEE modifiant la directive n°84/450/CEE528. Dans l'arrêt De
Landtsheer du 19 avril 2007529, la CJCE répond à une question préjudicielle posée par la
cour d'appel de Bruxelles dans une affaire opposant le Comité interprofessionnel des vins de
Champagne et la société Veuve Clicquot à une société belge à propos d'une publicité relative
à la commercialisation de la bière dénommée « Malheur Brut Réserve » dont plusieurs
éléments du conditionnement évoquaient des caractéristiques du Champagne. Se posait alors
la question de savoir s'il y avait publicité comparative lorsque aucun produit ou entreprise
528 Voir note sous l'arrêt De Landtsheer, Contr. conc. Conso. 2007, note 161, G. Raymond
529 CJCE, 19 avr. 2007, aff. C-381-05, De Landtsheer, op. cit.
270
Publicité et droit des marques
déterminés n'étaient cités. Avant cet arrêt, la publicité comparative avait pour objet de
comparer un produit avec et au détriment d'un produit ou d'un service concurrent 530.
Aujourd'hui, il semblerait qu'il faille ajouter à cela que celui-ci soit individualisé ou non dès
lors que le produit concurrent est identifiable. En effet, la CJCE rappelle dans cet arrêt que,
aux termes de l’article 2, point 2 bis, de la directive, on entend par «publicité comparative»
toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou
services offerts par un concurrent531. Cependant, elle précise que selon une jurisprudence
constante, il s'agit d'une définition large, permettant de couvrir toutes les formes de publicité
comparative, de sorte qu'il suffit qu'il existe une communication faisant, même
implicitement, référence à un concurrent ou aux biens ou aux services qu'il offre pour qu'il y
ait publicité comparative.
579.
En d'autres termes, pour la CJCE, peut être considérée comme une publicité
comparative la référence, dans un message publicitaire, à un type de produits et non à une
référence ou à un produit déterminé, dès lors qu'il est possible d'identifier ce concurrent ou
les produits qu'il offre comme étant réellement visés. Par conséquent, bien que la
comparaison puisse être simplement implicite, il n'en demeure pas moins que le produit ou le
service offert par le concurrent doit tout de même être identifiable. Cette identification peut
être néanmoins seulement implicite et elle se trouve bien dans le champ d'application de la
publicité comparative au sens de la directive.
2) L'identification implicite du produit concurrent
580.
Si l'on interprète strictement la définition donnée par la directive 97/55/CE modifiant
la directive 84/450, le produit concurrent devrait pouvoir être identifié pour voir les
dispositions régissant la publicité comparative trouver à s'appliquer. Cependant, la CJCE a
depuis longtemps une interprétation très large de cette définition. En effet, dans l'arrêt
Toshiba Europe du 25 octobre 2001532, la Cour considère déjà qu'il suffit qu'il existe une
communication sous une forme quelconque faisant, même implicitement, référence à une
530 Voir note sous l'arrêt De Landtsheer, Contr. conc. Conso. 2007, note 161, G. Raymond, op. cit.
531 CJCE, 19 avr. 2007, op. cit., point 15
532 CJCE, 25 oct. 2001, aff. C-112/99, Toshiba Europe : Rec. 2001, I, 07945
271
Publicité et droit des marques
concurrent ou à ses biens ou services et qu'il importe peu qu'il existe une comparaison entre
les biens et services offerts par l'annonceur et ceux du concurrent. La CJCE ne précise
cependant pas ce qu'il faut entendre par identification.
Dans ses conclusions dans l'affaire De Landtsheer, l'avocat général P. Mengozzi
précise s'agissant de la première question préjudicielle que « le sens littéral de l'article 2,
point 2 bis, de la directive 84/450 inciterait (…) à exclure de la définition concernée la
publicité qui se réfère à un type de produit et qui ne permet pas, fût-ce sous une forme
purement implicite, d'individualiser, en le ou les distinguant de la généralité des
concurrents, un ou plusieurs concurrents déterminés (ou leur produit) »533. L'avocat général
conclut sur ce point que « la référence dans un message publicitaire à un type de produits ne
répond pas en soi à l'exigence d'identification inscrite à l'article 2, point 2 bis de la directive
84/450(...). Une telle référence ne pourrait constituer une identification implicite d'un
concurrent ou des biens offerts par celui-ci (…) que si, eu égard à toutes les circonstances
de l'espèce, elle permet à un consommateur moyen, normalement informé et
raisonnablement attentif et avisé, de se représenter une ou plusieurs entreprises déterminées
qui offrent ce type de produit, ou leurs biens »534.
581.
La CJCE, quant à elle, a répondu sur ce point que « l’article 2, point 2 bis, de la
directive doit être interprété en ce sens que peut être considérée comme constituant une
publicité comparative la référence, dans un message publicitaire, à un type de produits et
non à une entreprise ou à un produit déterminés dès lors qu’il est possible d’identifier cette
entreprise ou les produits qu’elle offre comme étant concrètement visés par ledit message.
La circonstance que plusieurs concurrents de l’annonceur ou des biens ou des services
qu’ils offrent puissent être identifiés comme étant concrètement visés par le message
publicitaire est sans pertinence en vue de la reconnaissance du caractère comparatif de la
publicité ».
582.
On ne peut que remarquer que la CJCE se montre particulièrement favorable à la
publicité comparative et qu'elle ne cesse d'élargir son champ d'application en interprétant de
manière très (voire trop) extensive la directive 97/55/CE. Elle rappelle d'ailleurs souvent
533 Conclusions de l'avocat général M. P. Mengozzi, 30 nov. 2006, aff. C-381/05, De Landtsheer Emmanuel
SA c/Comité interprofessionnel du vin de Champagne, Veuve Clicquot Ponsardin SA, point 35
534 Ibid., point 56
272
Publicité et droit des marques
dans ses arrêts la jurisprudence constante qui est d'interpréter les conditions de la publicité
comparative dans le sens le plus favorable à celle-ci. Cet arrêt très intéressant, soulève
surtout, outre cette question d'identification de la cible de la comparaison, des questions
s'agissant de la protection des appellations d'origine qui bénéficiaient jusqu'alors d'une
protection renforcée en matière de publicité comparative.
§2 La référence à l'appellation d'origine
583.
La directive 97/55 ainsi que le code de la consommation encadrent les comparaisons
dans des annonces publicitaires à des produits bénéficiant d'une appellation d'origine. Ainsi,
la comparaison n'est permise que pour des produits revêtus chacun de la même appellation.
Cette limitation a pour objet de protéger les produits visés par l'article L. 115-1 du code de la
consommation qui prévoit que: « constitue une appellation d'origine la dénomination d'un
pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et
dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs
naturels et des facteurs humains ». Cependant, bien qu'en théorie les comparaisons à cette
catégorie de produits soient strictement encadrées, la position extensive de la CJCE est
venue amoindrir cette protection en admettant la possibilité pour un annonceur dont le
produit n'est pas doté de l'appellation d'origine de se comparer à un produit revêtu de
l'appellation.
584.
Il peut être intéressant de se pencher sur les publicités comparatives concernant des
produits d'appellation d'origine (A) mais aussi sur l'interprétation qu'a la CJCE des
conditions de licéité qui tend à favoriser la publicité comparative au détriment de ces
appellations (B). Il y a là un parallèle à établir avec les atteintes subies par le droit des
marques car, comme nous le verrons ensuite, la volonté de la jurisprudence tant européenne
que nationale de se montrer souple envers la publicité comparative a pour effet de porter une
atteinte toujours plus importante aux droits des titulaires de marques. Les appellations
d'origine, alors même qu'elles bénéficient d'une protection spécifique afin d'éviter certains
abus résultant de comparaisons, n'échappent malheureusement pas à la volonté de la CJCE
273
Publicité et droit des marques
de favoriser la publicité comparative. Cette position extrêmement souple démontre ainsi que
quels que soient les droits qui bénéficient d'une protection, le développement de la publicité
comparative demeure pour les juges une priorité.
A- Le principe de la protection de l'appellation d'origine
585.
Lors de l'avènement de la publicité comparative, il a semblé nécessaire de protéger
les produits bénéficiant d'une appellation d'origine. En effet, le fait qu'un concurrent dont les
produits ne sont pas dotés de l'appellation d'origine puisse les comparer à des produits
bénéficiant de l'appellation serait anormal au regard de l'objet même de l'appellation
d'origine. En outre, il pourrait constituer un profit indu, la comparaison à un produit revêtu
de l'appellation d'origine pouvant laisser croire à tort au consommateur que les produits de
l'annonceur présentent les mêmes caractéristiques.
1) Les textes affirmant la protection des appellations d'origine
586.
La loi du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs 535 qui institue
la publicité comparative prévoit à l'article 10-1 que « pour les produits qui bénéficient d'une
appellation d'origine contrôlée, la comparaison n'est autorisée que si elle porte sur des
produits bénéficiant chacun de la même appellation ».
587.
La directive européenne du 6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450/CEE sur la
publicité trompeuse afin d'y inclure la publicité comparative précise quant à elle à l'article 3
bis §1 f) que « pour les produits ayant une appellation d'origine, [la publicité comparative]
se rapporte dans chaque cas à des produits ayant la même appellation ». Cette disposition
se trouve désormais à l'article 4 e) de la directive du 12 décembre 2006 en matière de
publicité trompeuse et de publicité comparative. L'ordonnance du 23 août 2001 536 a traduit
535 Loi n°92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs, op. cit.
536 Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001, op. cit.
274
Publicité et droit des marques
ainsi cette disposition à l'article L. 121-10 : « pour les produits bénéficiant d'une appellation
d'origine ou d'une indication géographique protégée, la comparaison n'est autorisée
qu'entre des produits bénéficiant chacun de la même appellation ou de la même indication ».
Enfin, d'autres dispositions en matière de publicité comparative s'intéressent à l'appellation
d'origine. La directive du 6 octobre 1997 prévoit ainsi à l'article 3 bis §1 g) que la publicité
comparative est licite lorsqu'elle ne tire pas indûment profit de l'appellation d'origine de
produits concurrents. Le code de la consommation a de même prévu à l'article L. 121-9 que
pour être licite, la publicité comparative ne devait pas tirer indûment profit de la notoriété
attachée à l'appellation d'origine ainsi qu'à l'indication géographique protégée d'un produit
concurrent.
2) La volonté d'une protection renforcée
588.
Comme nous venons de le voir, plusieurs textes protègent une catégorie de produits :
ceux bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée. Le
droit français aurait pu se contenter d'inscrire ces produits dans la liste des interdictions de
l'article L. 121-9 du code de la consommation sans créer pour eux une condition autonome
de régularité de la publicité comparative537. Comme nous l'avons évoqué plus haut, l'article
L. 121-9, 1° énonce que « la publicité comparative ne peut tirer indûment profit de la
notoriété attachée (...) à l'appellation d'origine ainsi qu'à l'indication géographique
protégée d'un produit concurrent ». Cette interdiction de tirer indûment profit de la notoriété
d'un produit bénéficiant d'une appellation aurait sans doute pu suffire pour protéger ces
produits. En effet, on pourrait considérer que le fait pour un concurrent de comparer ses
produits avec des produits revêtus d'une appellation suffirait à établir le profit indu.
Cependant, le législateur a créé une condition autonome de licéité à l'article L. 121-10. On
peut considérer que celle-ci reprend celle plus générale de l'article L. 121-8, 3° qui prévoit
que la publicité comparative « porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins
ou ayant le même objectif ».
En outre, il faut analyser cette condition particulière comme la manifestation de la
537 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (2ème
partie), op. cit.
275
Publicité et droit des marques
volonté du législateur d'accorder une protection renforcée aux produits bénéficiant de ces
signes de distinction. En effet, le fait que des produits ne bénéficiant pas de la même
appellation (ou d'aucune appellation) se présentent comme supérieurs pourrait porter atteinte
à l'image des produits bénéficiant d'une appellation d'origine. La CJCE a cependant refusé
d'exclure du champ d'application de la publicité comparative et de considérer comme illicite
une comparaison à un produit bénéficiant d'une appellation d'origine par un produit n'en
ayant pas.
B- L'interprétation extensive de la CJCE
589.
Bien qu'elle réaffirme la nécessité de la protection des produits bénéficiant d'une
appellation d'origine, la CJCE, dans l'arrêt De Landtsheer du 19 avril 2007, a refusé de
considérer comme illicite la comparaison d'un produit ne bénéficiant pas d'une appellation et
d'un produit en étant revêtu. Cette interprétation conduit à s'interroger sur la réalité de la
protection des appellations d'origine et surtout sur la nécessité des textes censés limiter les
comparaisons aux produits dotés de cette appellation.
1) L'affaire De Landtsheer
590.
Dans un arrêt du 19 avril 2007538 , La CJCE a eu à se prononcer sur la licéité de la
comparaison d'un produit sans appellation d'origine se rapportant à un produit d'appellation
d'origine. En l'espèce, une société belge, la société De Landtsheer, qui fabriquait des bières
sous la marque « Malheur » a commercialisé en 2001 une bière dénommée « Malheur Brut
Réserve » dont le processus d'élaboration est inspiré de la méthode de production du vin
mousseux. La présentation faisait elle aussi très fortement référence à cette méthode. En
effet, sur les emballages ou sur le dépliant accroché à la bouteille, figuraient des mentions
telles que « Brut Réserve », « la première bière brut au monde » et « Reims-France ». De
538 CJCE, 19 avr. 2007, aff. C-381-05, De Landtsheer , op. cit.
276
Publicité et droit des marques
plus, dans le cadre de la présentation du produit, l'administrateur de la société a utilisé
l'expression « Champagnebier » afin de souligner que bien qu'il s'agisse d'une bière, elle
avait été produite selon la méthode champenoise. Enfin, lors de la campagne publicitaire, les
caractéristiques du champagne ont été à plusieurs reprises évoquées afin de vanter
l'originalité de cette bière.
591.
Le comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) et Veuve Clicquot ont
assigné la société De Landtsheer devant le tribunal de commerce de Nivelles pour publicité
trompeuse et publicité comparative illicite. Le tribunal a alors condamné la société De
Landtsheer à cesser tout usage de l'appellation d'origine « Champagne » ainsi qu'à toute
référence à la méthode de production du Champagne. La société De Landtsheer a alors fait
appel du jugement devant la Cour d'appel de Bruxelles. Afin de résoudre le litige, cette
dernière décida de sursoir à statuer et de poser à la CJCE plusieurs questions préjudicielles.
Celle qui nous intéresse ici est la quatrième et dernière question qui était de savoir s'il y avait
lieu de déduire de l'article 3 bis, paragraphe 1 f) de la directive qu'est illicite toute
comparaison qui, pour des produits n'ayant pas d'appellation d'origine, se rapporte à des
produits ayant une appellation d'origine.
592.
La CJCE a refusé cette interprétation et a jugé que « dès lors que toutes les autres
conditions de licéité de la publicité comparative sont respectées, une protection des
appellations d'origine qui aurait pour effet d'interdire de manière absolue les comparaisons
de produits n'ayant pas d'appellation d'origine avec d'autres qui bénéficient d'une telle
appellation serait injustifiée et ne saurait trouver sa légitimité dans les dispositions de
l'article 3 bis, paragraphe 1, sous f), de la directive » (aujourd'hui article 4 e)).
2) La position de la CJCE
593.
La CJCE rappelle que l'objectif de la condition de licéité édictée par l'article 3 bis §1
f) est d'interdire les comportements abusifs à l'encontre des dénominations protégées539. Elle
rappelle plus loin (point 63) qu'« il est de jurisprudence constante que les conditions exigées
539 CJCE, 19 avr. 2007, aff. C-381-05, De Landtsheer, op. cit., point 59
277
Publicité et droit des marques
de la publicité comparative doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à celleci ». Elle considère qu'il convient de lire conjointement les articles 3 bis §1 f) et 3 bis §1 g)
et que, par conséquent, la publicité comparative est licite dès lors qu'elle ne tire pas
indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d'autres
signes distinctifs d'un concurrent ou de l'appellation d'origine de produits concurrents. La
CJCE considère en outre que l'article 3 bis §1 g) perdrait en partie de son effet « si les
produits n'ayant pas une appellation d'origine étaient empêchés d'être comparés avec
d'autres qui bénéficient d'une telle appellation »(point 66). Elle conclut sur cette question en
considérant que « la directive doit être interprétée en ce sens que n’est pas illicite toute
comparaison qui, pour des produits n’ayant pas d’appellation d’origine, se rapporte à des
produits bénéficiant d’une telle appellation »(point 72).
594.
Cette interprétation de la CJCE conduit à faire quelques observations. Tout d'abord,
on peut noter que cette décision a pour conséquence de priver les appellations d'origine de
tout leur effet et par conséquent d'anéantir la protection des produits qui en bénéficient.
Certes, une partie de la doctrine considère cette protection comme un privilège inutile qui a
pour conséquence de limiter la concurrence540. Cependant, l'avocat général Mengozzi, dans
ses conclusions considère que cette protection n'apparait pas en contradiction avec les
objectifs de la directive 97/55/CE. Il suggère alors à la Cour d'interpréter l'article 3 bis §1 f)
en ce sens que la publicité comparative ayant pour cible un produit bénéficiant d'une
appellation d'origine n'est licite que si elle est effectuée par rapport à un autre produit doté de
la même appellation d'origine. Pourtant, la CJCE n'a pas suivi les recommandations de
l'avocat général.
On peut aussi relever que le fait de comparer un produit bénéficiant de
l'appellation d'origine à un autre n'appartenant pas au même territoire et donc ne bénéficiant
pas de l'appellation pourrait être de nature à induire les consommateurs en erreur. De même,
s'il relève de la zone géographique considérée mais ne remplit pas les conditions, la
comparaison pourrait tout autant avoir pour effet de tromper les consommateurs541. Enfin, on
notera que, dans ses conclusions, l'avocat général Mengozzi présente l'article 3 bis §1 f) de la
directive comme étant plutôt une spécification de la condition d'homogénéité de la
540 Conclusions de l'Avocat général M. P. Mengozzi, op. cit., point 124
541 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (2ème
partie), op. cit.
278
Publicité et droit des marques
comparaison prévue à l'article 3 bis §1 b) qui énonce que la publicité comparative est licite
lorsque « elle compare des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le
même objectif ». L'article 3 bis §1 g) concernerait quant à lui l'interdiction des publicités
parasitaires.
595.
L'interprétation de la CJCE, en favorisant la publicité comparative dans un souci de
stimulation de la concurrence entre les fournisseurs de biens et services dans l'intérêt des
consommateurs, pourrait produire l'effet inverse. En effet, comme nous l'avons souligné plus
haut, admettre des comparaisons de produits non revêtus d'une appellation d'origine avec des
produits en bénéficiant conduit à induire le consommateur en erreur en le laissant croire à
équivalence notamment qualitative des produits. Néanmoins, le champ d'application de la
publicité comparative s'élargit peu à peu sous l'impulsion de la CJCE qui se montre de plus
en plus favorable à cette forme de communication au motif que cet instrument peut
participer au développement de la concurrence. Malheureusement, cette bienveillance de la
part de la jurisprudence se fait au détriment du droit des marques qui doit alors supporter les
nombreuses atteintes subites en résultant.
279
Publicité et droit des marques
Chapitre 2
Une évolution au détriment des droits exclusifs conférés
par la marque
596.
Comme nous l'avons dit, la publicité comparative a introduit une exception au droit
des marques542. Ce dernier confère au titulaire d'une marque le droit d'interdire l'usage de ses
signes distinctifs, dans la vie des affaires, à un tiers. Néanmoins, le quatorzième considérant
de la directive 2006/114 relève qu'il peut être nécessaire, pour rendre la publicité
comparative effective, d'identifier le produit d'un concurrent en faisant référence à la marque
dont celui-ci est titulaire. Par ailleurs, la Cour a rappelé dans un arrêt très récent que, bien
que « la marque constitue un élément essentiel du système de concurrence non faussé » , elle
n'avait « cependant pas pour objet de protéger son titulaire contre des pratiques inhérentes
au jeu de la concurrence »543, pratiques dont la publicité comparative, instrument au service
de la concurrence et de l'information des consommateurs, fait sans aucun doute partie.
La jurisprudence constante étant d'interpréter les conditions de licéité de la publicité
comparative dans le sens le plus favorable à celle-ci, et son champ d'application étant de ce
fait plus large, il en résulte un rétrécissement progressif du domaine d'exclusivité de la
marque. C'est pourquoi, dans l'arrêt O2 Holdings544, la CJCE relève que le législateur
communautaire a entendu favoriser la publicité comparative et qu'il faut par conséquent
admettre de « limiter dans une certaine mesure le droit conféré par la marque » (point 39).
Mais force est de constater que ce qui devait constituer une exception raisonnable et justifiée
au droit des marques, tend à constituer une réelle atteinte à celui-ci.
597.
En effet, l'assouplissement des conditions de licéité dans le but de favoriser la
publicité comparative a pour effet de porter de plus en plus atteinte au droit des marques.
Pourtant, des gardes-fous ont été posés afin de contenir les débordements, notamment pour
542 J. Passa, Les rapports entre droit des marques et droit de la publicité comparative : un risque
d'affaiblissement de la protection de la marque, op. cit.
543CJUE, 22 sept 2011, aff. C-323/09, Interflora, op. cit., point 57
544 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings Limited et O2 UK Limited c/ Hutchinson 3G UK Limited,
op. cit.
280
Publicité et droit des marques
éviter que les droits exclusifs conférés aux titulaires de marques ne souffrent trop de cette
exception (section 1). Néanmoins, il apparaît que les atteintes aux marques, en principe
limitées par ces règles, sont de plus en plus nombreuses. En effet, l'élargissement constant du
champ d'application de la publicité comparative se traduit par un affaiblissement du pouvoir
protecteur du droit des marques. Cet élargissement a notamment pour origine la volonté, tant
du législateur que des juges, de protéger certains intérêts « supérieurs ». Cette volonté suffit
alors à justifier que des atteintes au droit des marques soient tolérées (section 2).
Section 1. Des remparts illusoires
598.
L'article 5 de la directive 89/104 rapprochant les législations des États membres sur
les marques prévoit que la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Il peut
alors interdire à tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique à sa
marque et notamment dans une publicité. Cependant, l'article 6 de la même directive pose
des limites. Ainsi, le titulaire n'est pas habilité à interdire l'usage de sa marque lorsque celleci est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service. En outre, la
publicité comparative constitue une véritable exception au droit des marques en ce que la
directive 97/55 prévoit qu'elle identifie, explicitement ou implicitement, un concurrent ou
des biens ou services qu'il offre. Le quatorzième considérant de cette directive relève en ce
sens qu'il peut être indispensable, pour que la publicité comparative soit effective,
d'identifier les produits ou services d'un concurrent en faisant référence à une marque dont
ce dernier est titulaire ou à son nom commercial.
599.
Par conséquent, l'usage de la marque d'autrui est bien permis. Néanmoins, cette
exception au droit des marques soulève, notamment en pratique, bien des problèmes. En
effet, comme le note Monsieur le Professeur Christophe CARON545, « il faut concilier
l'inconciliable : protéger le titulaire de la marque, tout en permettant la publicité
comparative ». Elle est donc encadrée, notamment afin de veiller à ce que l'annonceur ne
545 Ch. Caron, Délicate articulation du droit des marques avec la publicité comparative, Comm. com. électr.
2008, n° 12, comm. 132
281
Publicité et droit des marques
puisse pas tirer indûment profit de la notoriété de la marque à laquelle il fait référence (§1).
Par ailleurs, la directive 2006/114, comme la directive sur les marques, prévoit qu'une telle
pratique ne peut avoir pour effet de générer un risque de confusion dans l'esprit du
public(§2).
§1 Le premier rempart : l'interdiction de tirer indûment profit de la
marque d'autrui
600.
L'article 4 f) de la directive 2006/114 (ancien article 3 bis §1 g), de la directive
97/55) prévoit que la publicité comparative est licite lorsqu'« elle ne tire pas indûment profit
de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d'autres signes distinctifs
d'un concurrent ». De même, l'article L. 128-9 du code de la consommation interdit de tirer
profit de la notoriété attachée à une marque de fabrique ou à d'autres signes distinctifs.
La comparaison, pour être licite, ne doit ainsi pas avoir pour effet de tirer profit de la
notoriété attachée à la marque du tiers qui en fait l'objet (A). Ce principe ayant été au cœur
de plusieurs affaires, il semble opportun de s'intéresser aux interprétations jurisprudentielles
(B).
A- Le principe de l'interdiction du profit indu
601.
Comme le soulignent Ms. MONTEIRO et RUZEK546, il est difficile d'autoriser la
publicité comparative sans admettre qu'il existe un risque que l'annonceur s'approprie une
part de la notoriété de son concurrent. C'est aussi ce qu'avait relevé l'avocat général Léger
546 J. Monteiro et V. Ruzek, L'usage du signe à des fins autres que celle de distinguer les produits et services
d'un opérateur économique, Propr. indust. 2007, n°4, étude 9
282
Publicité et droit des marques
dans ses conclusions s'agissant de l'affaire Toshiba Europe547. Il n'est pas aisé de déterminer
ce qu'est un profit indu. On peut considérer qu'il peut résulter de la volonté de l'annonceur
d'exploiter la notoriété d'autrui exclusivement.
La CJCE, pour déterminer le caractère indu du profit de notoriété, prend en
compte le point de vue du consommateur. En effet, il ressort du deuxième considérant de la
directive 97/55 que la publicité comparative peut stimuler la concurrence et ce, dans l'intérêt
des consommateurs. L'avantage que représente la publicité comparative pour le
consommateur doit donc être pris en compte pour l'appréciation du caractère légitime ou non
du profit tiré de la notoriété attachée au signe distinctif d'un concurrent de l'annonceur548. Par
ailleurs, la CJCE prend en compte la nature du public visé pour déterminer s'il y a ou non
risque d'un profit indu. Ainsi, dans l'arrêt Toshiba Europe puis dans l'arrêt Siemens, elle a
considéré que lorsque les produits en cause étaient destinés à un public spécialisé, une
association entre la réputation des produits de l'annonceur et ceux de son concurrent était
moins probable que si les produits étaient destinés à des consommateurs finals.
602.
Le profit indu peut être constitué quand une confusion nait dans l'esprit du public
entre les produits de l'annonceur et ceux du concurrent, fait qui est par ailleurs interdit par
l'article L. 121-9 3) qui prévoit que la publicité comparative ne doit pas engendrer de
confusion entre l'annonceur et un concurrent. L'interdiction du profit indu et celle du risque
de confusion semblent alors assez proches dans cette hypothèse. Le profit indu peut aussi
tenir au fait que l'annonceur cherche à bénéficier des efforts fournis par le concurrent et à
détourner de cette manière la clientèle de ce dernier. Cette hypothèse est tout simplement
celle du parasitisme. En effet, l'interdiction de tirer indûment profit de la notoriété attachée à
un signe distinctif n'est rien d'autre qu'une interdiction du parasitisme 549. Ainsi, dans l'arrêt
L'Oréal550, la CJCE a considéré que « le profit résultant de l’usage par un tiers d’un signe
similaire à une marque renommée est tiré indûment par ce tiers desdits caractère distinctif
ou renommée lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque
renommée afin de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette
547 Conclusions de l'avocat général Léger, 8 février 2001, aff. C-112/99, Toshiba Europe GmbH c/ Katun
Germany GmbH, Rec. p. I-07945
548 Cf CJCE, 23 février 2006, Siemens, op. cit.
549 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (2ème
partie), op. cit., p.177
550 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit.
283
Publicité et droit des marques
dernière, et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le
titulaire de la marque pour créer et entretenir l’image de celle-ci » (point 50).
603.
La publicité comparative consiste à citer la marque d'un concurrent ou, du moins, à
l'identifier implicitement. Dès lors, l'utilisation des signes distinctifs d'autrui ne peut pas être
illicite en elle-même. Le code de la consommation et la directive 84/450 autorisent l'usage
des signes distinctifs d'autrui mais ils posent cependant des limites. Ainsi, les juridictions
tant nationales qu'européennes veillent à empêcher les transferts de notoriété ou de
réputation. Dans les faits, cela pose des difficultés car toute référence au signe distinctif d'un
concurrent a pour effet un profit d'image551. En effet, les produits comme les marques font
l'objet d'investissements ; ils sont le fruit d'un travail de recherche et des frais sont engagés
afin de communiquer autour d'eux. C'est en fournissant d'importants efforts tant financiers
que de recherche que les titulaires de marques parviennent à construire une image et une
réputation à leurs produits. Dès lors, le fait qu'un tiers les compare à ses propres produits
afin de mettre en avant les qualités de ces derniers a automatiquement pour effet de générer
un profit de notoriété et d'image. On peut alors se demander si un tel profit ne constitue pas
une atteinte aux fonctions de communication, de publicité et d'investissement de la marque...
B- Les interprétations jurisprudentielles
604.
La CJCE a eu à plusieurs reprises l'occasion d'apporter des précisions s'agissant de
l'appréciation, au regard de certains éléments, du caractère indu ou non du profit résultant de
la référence à la marque d'autrui. Par ailleurs, il convient de s'arrêter sur un arrêt de la Cour
de cassation concernant une publicité mettant en comparaison des médicaments princeps et
génériques dans lequel, alors qu'un profit indu semblait évident, elle n'a pas même envisagé
qu'un tel profit ait pu être réalisé.
551 J.-J. Biolay, Publicité Comparative, J.-Cl. Concurrence consommation, Fasc. N°902, 2003, op. cit., p.12
284
Publicité et droit des marques
1) La jurisprudence communautaire
605.
La question du profit indu est largement traitée dans l'arrêt Toshiba Europe. Il était
demandé à la CJCE de déterminer si la directive 84/450 devait être interprétée en ce sens que
des numéros d'articles d'un fabricant d'appareils constituent des signes distinctifs au sens de
la directive et que leur utilisation dans les catalogues d'un fournisseur concurrent permettait
à ce dernier de tirer indûment profit de la notoriété y étant attachée. La CJCE, après avoir
relevé qu'« un annonceur ne saurait être considéré comme tirant indûment profit de la
notoriété attachée à des signes distinctifs de son concurrent si une référence à ces signes est
la condition d'une concurrence effective sur le marché en cause » (point 54), a considéré que
le fait qu'un fournisseur utilise les numéros d'articles d'un fabricant d'appareils n'était pas
suffisant pour affirmer qu'il tirait indûment profit de la notoriété d'un signe distinctif.
La Cour rappelle par ailleurs qu'il a été jugé dans l'arrêt BMW552 que l'usage par un
tiers d'une marque d'un concurrent peut générer un profit indu du caractère distinctif de la
marque en créant par exemple, dans l'esprit du public, de fausses impressions relatives aux
relations entre l'annonceur et le titulaire de la marque (point 55). La CJCE retient, en
l'espèce, que la mention des numéros d'articles du fabricant en regard des numéros du
fournisseur constitue l'affirmation d'une équivalence quant aux caractéristiques techniques
des deux produits, c'est-à-dire une comparaison au sens de l'article 3 bis §1 c) de la directive
84/450. Cette comparaison n'a pas pour effet de laisser croire à une association, dans l'esprit
des consommateurs, entre le fabricant et le fournisseur concurrent ou entre leurs produits. En
d'autres termes, elle n'a pas pour effet un transfert de notoriété ou de réputation des produits
du fabricant aux produits du fournisseur. Par conséquent, l'utilisation des numéros d'articles
ne permet pas de tirer indûment profit de la notoriété attachée à ces signes distinctifs.
606.
Dans un autre arrêt, l'arrêt Siemens553, la question était de savoir si, en utilisant dans
ses catalogues l'élément central d'un signe distinctif d'un fabricant (un système de numéros
de commande), un fournisseur concurrent tirait indûment profit de la notoriété attachée à ce
signe et s'il fallait prendre en compte, aux fins de cette appréciation, l'avantage que cette
utilisation représentait pour le consommateur et pour l'annonceur. La CJCE a alors rappelé
552 CJCE, 23 fév. 1999, aff. C-63/97, BMW et BMW Nederland BV c/ Ronald Karel Deenik, Rec. 1999, I, p.
00905
553 CJCE, 23 fév. 2006, Siemens, op. cit.
285
Publicité et droit des marques
sa jurisprudence antérieure selon laquelle il faut tenir compte du quinzième considérant de la
directive 97/55, qui prévoit que l'utilisation d'un signe distinctif n'enfreint pas le droit à la
marque tant qu'elle est faite dans le respect des conditions posées par ladite directive. La
Cour a ensuite rappelé les points 54 et 55 (précités) de l'arrêt Toshiba Europe avant de
relever que « l'adoption par VIPA de l'élément central du système de numéros de commande
de Siemens fait connaître au public l'existence d'une équivalence des caractéristiques
techniques des deux produits », ce qui constitue une comparaison de caractéristiques
essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives au sens de la directive 97/55. La CJCE
relève ensuite qu'aucune association entre le fabricant et le fournisseur concurrent ne peut
être créée dans l'esprit du public avant de répondre en considérant que le fournisseur
concurrent ne tirait pas indûment profit de la notoriété attachée au signe distinctif.
607.
L'arrêt L'Oréal554 apporte des précisions intéressantes s'agissant du profit indu en
matière de publicité comparative. Ainsi, la Cour considère que l'annonceur qui présente ses
produits comme des imitations de produits portant une marque renommée au sens de l'article
3 bis, §1 sous h), de la directive 84/450 réalise, au moyen de cette publicité comparative
illicite un profit indu de la notoriété attachée à cette marque au sens du même article sous g).
Il semblerait donc que le fait de présenter un produit comme une imitation ou une
reproduction d'un produit de marque notoire entraine automatiquement, selon ce
raisonnement, le profit indu. On peut alors s'interroger sur l'opportunité de l'interdiction de
l'imitation ou de reproduction aujourd'hui prévue par l'article 4 g) de la directive 2006/114,
l'interdiction du profit indu pouvant alors suffire à condamner une telle pratique.
Par ailleurs, cet arrêt apporte des précisions quant au profit indu en ce que la Cour a
considéré « que l'article 5, §2, de la directive 89/104 [devait] être interprété en ce sens que
l'existence d'un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque,
au sens de cette disposition, ne présuppose ni l'existence d'un risque de confusion, ni celle
d'un risque de préjudice porté à ces caractère distinctif ou renommée ou, plus généralement,
au titulaire de celle-ci » (point 50). Le profit indu peut ainsi être retenu indépendamment de
l'existence d'un risque de préjudice pour le titulaire de la marque.
554 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit.
286
Publicité et droit des marques
2) L'arrêt Deroxat
608.
L'arrêt Deroxat rendu par la Cour de cassation555 mérite qu'on s'arrête un peu dessus,
et ce bien que nous l'étudierons de manière plus détaillée dans la section suivante. Cet arrêt
peut en effet soulever quelques questions en matière de profit indu. Le médicament
générique, en se présentant comme tel, bénéficie de la renommée attachée au médicament
princeps. On peut alors qualifier cela de parasitisme, aucune comparaison ne pouvant avoir
pour objet de tirer indûment profit de la notoriété à la marque d'autrui. Le droit de
substitution des médicaments génériques aux médicaments de référence pose alors problème
notamment en matière de publicité comparative. Le terme indûment prend ainsi toute sa
valeur, en relativisant l'importance qui doit être accordée au parasitisme556. L'arrêt Deroxat
ne fait pas référence au profit indu. Pourtant, on peut se demander si le fait pour un
médicament générique, en l'espèce la paroxétine G GAM, de se présenter comme étant
similaire au médicament princeps (et même comme une copie) ne constitue pas, outre un
acte de contrefaçon, un profit indu (comme l'a jugé la CJCE dans l'arrêt L'Oréal). En effet,
un médicament princeps fait l'objet de nombreux investissements tant en matière de
recherche qu'en matière de publicité afin qu'il jouisse d'une certaine renommée chez les
patients. Or, dès l'expiration du brevet, les médicaments génériques peuvent être produits et
commercialisés. Ces médicaments sont doublement favorisés par rapport aux médicaments
princeps car ils sont non seulement encouragés par les pouvoirs publics en raison de leur
coût moins élevé, mais en outre ils bénéficient (indûment ?) de la renommée du médicament
princeps. En outre, comme le relève Pierick ROUSSEAU, la substitution par le pharmacien
a pour effet de voir la marque « s'effacer progressivement au profit des tiers » et de lui
« retirer » sa fonction première de garantie d'origine557.
609.
Malheureusement, bien que l'arrêt de la chambre commerciale n'apporte pas
d'éléments d'information sur le profit indu, la Cour précise que l'utilisation de la marque d'un
médicament princeps, étant nécessaire à l'information des pharmaciens, est légitime. Cet
arrêt, très intéressant à plusieurs aspects, pose notamment une question qui est revenue
555 Cass. Com., 26 mars 2008, aff. 06-18.366, SARL Sandoz c/ Beecham Group PLC et Gloxosmithkline
556 O. Binder et N. Boinet, Médicaments génériques: droit des marques, droit de substitution et publicité
comparative, LPA, 24 mai 1999, n° 102, p. 4
557 P. Rousseau, La marque dans tous ses états in Les métamorphoses de la marque : Actes du colloque du 4
juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 93
287
Publicité et droit des marques
plusieurs fois, tant au niveau français qu'au niveau communautaire : celle de la nécessité de
la référence à la marque d'autrui que nous aborderons dans la seconde section section.
Il convient d'abord de s'intéresser à la condition de l'absence de risque de confusion
car c'est la preuve d'un tel risque qui « permettra le triomphe de la marque sur la publicité
comparative »558.
§2 Le second rempart : l'absence de risque de confusion
610.
Le risque de confusion peut résulter de l'utilisation des signes distinctifs d'un
concurrent. Comme le souligne Mme Linda ARCELIN559, en matière de publicité
comparative, la confusion provient souvent d'un manque de précision de la part de
l'annonceur. Ce manque de précision est d'ailleurs souvent voulu par ce dernier afin de créer
le trouble dans l'esprit du consommateur. Le critère de l'absence de confusion se retrouve
tant dans les conditions de licéité de la publicité comparative que dans le droit des marques
(A). Le problème qui résulte alors de ce double fondement est celui de l'articulation des
directives 84/450 régissant la publicité comparative et 89/104 sur les marques (B).
A- La condition de l'absence de confusion : un critère commun au droit
des marques et à la publicité comparative
611.
Pour l'appréciation du risque de confusion, le support importe peu. Il peut donc s'agir
d'une publicité comparative. Les textes régissant la publicité comparative prévoient que
celle-ci ne doit pas avoir pour effet d'engendrer une confusion entre l'annonceur et le
558 Ch. Caron, Délicate articulation du droit des marques avec la publicité comparative, op. cit.
559 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (2ème
partie), op. cit.
288
Publicité et droit des marques
concurrent. Par ailleurs, les textes relatifs au droit des marques énoncent que le titulaire
d'une marque peut interdire à un tiers l'usage d'un signe qui risquerait de créer une confusion
dans l'esprit du public.
612.
Ainsi, l'article 5 §1 b) de la directive 89/104 prévoit que le titulaire d'une marque
enregistrée peut interdire à tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, « d'un signe
pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque ou en raison de
l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe,
il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association
entre le signe et la marque ».
613.
L'article 3 bis §1 d) de la directive 97/55 prévoit que la publicité comparative est
licite lorsqu'« elle n'engendre pas de confusion sur le marché entre l'annonceur et un
concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou
services de l'annonceur et ceux du concurrent ». La condition d'absence de confusion figure
aujourd'hui à l'article 4 h) de la directive 2006/114. Elle a néanmoins été un peu remaniée.
Ainsi, cet article prévoit désormais que la publicité comparative est licite dès lors qu'« elle
n'est pas source de confusion parmi les professionnels, entre l'annonceur et un concurrent
ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de
l'annonceur et ceux d'un concurrent ».
Cette disposition a été transposée en droit interne par l'ordonnance de 2001. Elle
figure à l'article L. 121-9 3° qui prévoit que la publicité comparative ne peut engendrer de
confusion entre l'annonceur et le concurrent ou entre leurs signes distinctifs.
614.
Le droit des marques et la publicité comparative sont reconnus chacun par des textes
communautaires d'égale valeur. La question qui peut néanmoins se poser est de savoir si la
notion de confusion a le même sens en droit des marques et en droit de la publicité
comparative560. En droit des marques, le risque de confusion est généralement défini comme
le risque que le consommateur puisse croire que les produits ou les services en cause
proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement. En matière de
publicité comparative, la définition est sensiblement la même. En effet, la CJCE, dans l'arrêt
560 J. Passa, Les rapports entre droit et droit de la publicité comparative: un risque d'affaiblissement de la
protection de la marque, Propr. industr. 2008, n°10, ét. 20
289
Publicité et droit des marques
O2561 considère qu'au regard des considérants 13 à 15 de la directive 97/55, il convient de
donner la même interprétation à la notion de confusion utilisée tant dans la directive 89/104
que 97/55. Néanmoins, il est intéressant de noter que la confusion en matière de publicité
comparative peut, en outre, résulter d'éléments autres que l'usage des signes distinctifs du
concurrent.
615.
Dans l'arrêt O2, la CJCE a considéré que l'usage d'une marque dans une publicité
comparative entrait dans le champ de la protection de la marque. Elle peut par conséquent
porter atteinte à une marque au sens de l'article 5 de la directive 89/104. C'est en cela que
résulte le problème majeur soulevé par cet arrêt. En effet, il s'agit de parvenir à articuler les
directives 97/55 et 89/104 qui, toutes deux, soumettent la licéité de la comparaison à
l'absence de confusion entre les produits de l'annonceur et ceux de son concurrent.
B- L'articulation des directives 84/450 et 89/104
616.
Comme nous venons de le voir, la condition de l'absence de risque de confusion est à
la fois prévue par le droit des marques et par le droit de la publicité comparative. Du fait que
ce critère est affirmé deux fois, il ne devrait a priori pas y avoir de problème. Néanmoins, un
problème pratique est apparu lors de l'arrêt O2 Holding : celui de l'articulation des directives
sur la publicité comparative et de celle sur le droit des marques.
1) La question soulevée par la Court of Appeal
617.
La Court of Appeal (Angleterre et Pays de Galles) a demandé, dans sa première
question préjudicielle, à la CJCE si, lorsqu'un commerçant faisait usage, dans une publicité
comparative, d'une marque enregistrée détenue par un concurrent afin de comparer les
caractéristiques de ses produits avec celles du concurrent, et de manière telle que l'usage
561 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings Limited et O2 (UK) Holdings c/ Hutchison 3G UK
Limited
290
Publicité et droit des marques
n'engendrait pas de confusion ou ne portait pas atteinte à la fonction essentielle de la marque
consistant à indiquer la provenance, cet usage relevait de l'article 5 §1 a) ou de l'article 5 §1
b) de la directive 89/104.
618.
En l'espèce, il s'agissait d'un litige opposant O2, prestataire de services de téléphonie
mobile qui utilise, pour la promotion de ses services, des images de bulles notamment dans
l'eau sur un fond bleu dégradé, et H3G également prestataire de services de téléphonie
mobile. En 2004, H3G avait fait diffuser à la télévision une publicité comparant le prix de
ses services à celui des services de 02, en utilisant le nom O2 ainsi que des images de bulles
en noir et blanc en mouvement.
La société O2 a introduit une action en contrefaçon qui a été rejetée au motif que
l'utilisation des bulles relevait de l'article 5 §1 b) de la directive 89/104 mais que, la publicité
étant conforme à l'article 3 bis de la directive 97/55, H3G pouvait se défendre au titre de
l'article 6 §1 b) de la directive 89/104. Un recours a alors été formé par la société O2 devant
la Court of Appeal.
619.
Cette dernière a demandé à la CJCE d'interpréter l'article 5 §1 de la directive 89/104
afin de savoir, notamment, si l'usage visé par cet article était uniquement celui ayant pour
objet de distinguer l'origine commerciale car, dans ce cas, l'usage de la marque d'autrui dans
une publicité comparative n'en relèverait pas. Par ailleurs, elle demande si, afin d'apprécier
un risque de confusion au sens de l'article 5 §1 b) de la même directive, il convient ou nom
de prendre en considération le contexte factuel dans lequel le signe du concurrent est utilisé.
Avant de répondre à la première question préjudicielle, la CJCE relève que, la
juridiction de renvoi, demandant aussi des précisions quant au critère d'indispensabilité de la
référence, sollicite l'interprétation à la fois de l'article 5 §1 de la directive 89/104 et de
l'article 3 bis §1 de la directive 97/55 (84/450). La Cour juge alors nécessaire de préciser,
avant de répondre, la relation entre les directives 89/104 et 97/55.
291
Publicité et droit des marques
2) L'analyse de la relation entre les deux directives par la CJCE
620.
La CJCE rappelle dans l'arrêt O2 Holdings que, selon la directive 89/104, le titulaire
d'une marque peut en interdire l'usage par un tiers et notamment dans une publicité (article 5
§3 d) de la directive). Par ailleurs, l'utilisation, dans une publicité comparative, d'un signe
identique ou similaire à la marque d'un concurrent est susceptible de constituer un usage au
sens de l'article 5, §1 et §2 de la directive sur les marques et peut donc être interdite en vertu
de ces dispositions. Néanmoins, la Cour rappelle qu'il ressort des considérants 13 à 15 de la
directive 97/55 que le législateur communautaire a considéré que la nécessité de favoriser la
publicité, en ce qu'elle stimule la concurrence dans l'intérêt des consommateurs, commandait
de limiter le droit conféré par la marque.
621.
La Cour considère ainsi que, afin de concilier la protection des marques et la
publicité comparative, il faut interpréter les articles 5, §1 et §2 de la directive 89/104 et 3 bis
§1 de la directive 97/55 en ce sens que le titulaire d'une marque n'est pas habilité à interdire
l'usage par un tiers d'un signe identique ou similaire à sa marque dans une publicité
comparative qui satisfait à toutes les conditions de licéité prévues par l'article 3 bis §1 de la
directive 97/55. Néanmoins, elle précise que lorsque les conditions énoncées à l'article 5 §1
b) de la directive 89/104 pour interdire l'usage d'un signe identique ou similaire à une
marque sont réunies, la publicité comparative dans laquelle ce signe est utilisé ne peut en
aucun cas satisfaire à la condition de licéité de l'article 3 bis §1 d) de la directive 97/55 qui
prévoit qu'elle ne doit pas engendrer de confusion. Par conséquent, l'article 5 §1 b) n'a
vocation à s'appliquer que lorsqu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.
Dans les autres cas, la licéité de l'usage de la marque d'autrui dans une publicité comparative
devra être appréciée au regard de la directive 97/55 seulement.
La CJCE répond à la première question préjudicielle que l'article 5 §1 b) de la
directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d'une marque n'est pas habilité
à interdire l'usage par un tiers, dans une publicité comparative, d'un signe similaire à cette
marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la
marque est enregistrée, lorsque cet usage n'engendre pas de risque de confusion dans l'esprit
du public, et ce indépendamment du fait que la publicité comparative en question satisfait ou
non à toutes les conditions de licéité prévues par l'article 3 bis de la directive 97/55.
292
Publicité et droit des marques
622.
La CJCE apporte dans cet arrêt des précisions importantes et tout aussi intéressantes
quant aux rapports entre le droit des marques et celui de la publicité comparative. Comme le
souligne Monsieur le Professeur Jérôme PASSA dans son commentaire de l'arrêt562, la
solution de la CJCE procède de l'idée que la publicité comparative constitue une exception
au droit des marques. De ce fait, cette exception ne devrait pas être écartée du seul fait que le
droit des marques peut être opposé parce qu'il existe un risque de confusion. L'interprétation
de la Cour a pour effet de neutraliser la condition de licéité posée par l'article 3 bis §1 d) de
la directive 97/55 lorsque le concurrent ou ses produits sont identifiés sous la marque dont il
est titulaire. Ainsi, elle fait prévaloir le droit des marques sur la publicité comparative
lorsqu'il y a un risque de confusion. Néanmoins, c'est dans cette hypothèse seulement que le
droit des marques « triomphe »563 sur le droit de la publicité comparative.
623.
Le risque de confusion constitue donc bel et bien le dernier rempart de protection de
la marque. En effet, la condition de l'absence de confusion protège le droit exclusif conféré
par la marque et permet la seule application de la directive 89/104 en matière de publicité.
L'arrêt O2 reflète, une fois encore, la tendance de la jurisprudence communautaire (mais
aussi nationale) à favoriser la publicité comparative en toute circonstance, le droit des
marques ne prévalant sur celui de la publicité comparative que lorsqu'il existe un risque de
confusion.
624.
Les juridictions communautaires et nationales apprécient les conditions de licéité de
la publicité comparative dans le sens le plus favorable à celle-ci. La CJCE rappelle ainsi
fréquemment les considérants 2 à 6 de la directive 97/55 qui affichent la volonté du
législateur de favoriser la publicité comparative au motif qu'elle stimule la concurrence mais
aussi qu'elle constitue un moyen d'informer les consommateurs. Elle rappelle tout aussi
souvent les considérants 13 à 15 aux termes desquels le législateur communautaire a
considéré que la nécessité de favoriser la publicité comparative commandait de limiter le
droit des marques. C'est ainsi que, pour des raisons extérieures à la publicité comparative en
elle-même, le droit des marques s'efface à son profit.
562 J. Passa, Les rapports entre droit et droit de la publicité comparative: un risque d'affaiblissement de la
protection de la marque, Propriété industrielle, oct. 2008, p.9 et suiv., op. cit.
563 Ch. Caron, Délicate articulation du droit des marques avec la publicité comparative, Communication
Commerce électronique, n°12, Déc. 2008, comm. 132, op. cit.
293
Publicité et droit des marques
Section 2. Des brèches réelles
625.
Comme nous l'avons vu, la CJCE a une interprétation extrêmement large de la
publicité comparative. De ce fait, elle ne cesse d'étendre le champ d'application de cette
exception au droit des marques. Corrélativement, il en résulte une atteinte de plus en plus
importante à celui-ci.
626.
Le droit des marques, par les droits exclusifs qu'il confère au titulaire d'une marque,
avait vocation à entrer en conflit avec la publicité comparative 564. En effet, en vertu de ce
droit, en principe, le titulaire d'une marque peut s'opposer à l'usage de celle-ci par une tiers
sous certaines conditions. Or, la publicité comparative permet un tel usage. (§1). Par ailleurs,
certaines atteintes au droit des marques qui peuvent résulter de cette souplesse semblent
parfois justifiées par des motifs autres que l'application des dispositions du droit de la
publicité comparative. Ainsi, il apparaît que des intérêts « supérieurs » influent sur la
jurisprudence et sur son appréciation de la protection du droit des marques (§2).
§1 l'usage de la marque d'autrui
627.
L'usage de la marque d'autrui constitue une exception à l'interdiction de reproduction
des marques (A). Néanmoins, demeure une question : un tel usage de la marque doit-il être
nécessaire au sens de l'article 6 de la directive 2008/95 ? (B).
564 A. Brunet, Publicité comparative, concurrence et consommation, op. cit.
294
Publicité et droit des marques
A- Une exception à l'interdiction de reproduction
628.
Si la publicité comparative n'était pas reconnue, la reproduction de la marque d'autrui
dans une publicité pourrait constituer un acte de contrefaçon. Par conséquent, la publicité
comparative constitue bien une exception à l'interdiction de reproduction. Comme le relève
Jean-Jacques BIOLAY dans son étude sur la publicité comparative565, l'article L. 121-9 du
code de la consommation a ouvert une brèche dans la défense des marques en permettant
aux annonceurs de
reproduire dans leurs publicités les signes distinctifs de leurs
concurrents. En effet, le code de la propriété intellectuelle prévoit à l'article L. 713-2 que
« sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : la reproduction, l'usage ou l'apposition
d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que: formule, façon, système, imitation,
genre, méthode, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services
identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ». Le Conseil constitutionnel a pourtant
considéré que « le fait pour le législateur d'autoriser la citation de la marque d'autrui dans
le cadre de la publicité comparative ne porte pas au droit de la propriété une atteinte qui
serait contraire à la constitution »566.
629.
Ainsi, la publicité comparative a pour effet de permettre des exceptions aux droits
exclusifs des titulaires de marques. C'est ce que les juges nationaux et européens ont eu
l'occasion de rappeler à plusieurs reprises. En ce sens, la cour d'appel de Paris a jugé, en
2002, dans un arrêt opposant NRJ à Europe 1567, que l'utilisation, dans une publicité
comparative, du logo d'un concurrent était licite en l'absence de toute irrégularité sur le fond
de la publicité. Par la suite, la CJCE, a, elle-aussi, été amenée à se prononcer sur la licéité de
la reproduction de la marque d'autrui dans une publicité comparative. Ainsi, dans l'arrêt
Pippig du 8 avril 2003568, la CJCE a jugé que la citation de la marque d'un concurrent n'était
pas illicite. Elle a rappelé dans cet arrêt que la directive 84/450 permettait, sous certaines
conditions, à un annonceur d'indiquer la marque des produits d'un concurrent dans une
publicité comparative. Puis, elle a rappelé que la Cour avait déjà jugé dans l'arrêt Toshiba
565 J.-J. Biolay, Publicité Comparative, J.-Cl. Concurrence consommation 2003, Fasc. n°902
566 Cons. Const., n°91-303: JO 18 janv. 1992, p.882; JCP E 1992, III, 65333
567 CA Paris, 4e ch., 18 janv. 2002, NRJ c/ Europe 1 : Gaz. Pal., sept. 2002, n° 271, p. 28, note J.-J. Biolay
568 CJCE, 8 avril 2003, Pippig Augenoptik GmbH & Co KG c/ Hartlauer Handelsgesellschaft mbH et
Verlassenschaft nach dem vertobeden Franz Josef Hartlauer, aff. C-44/01, Rec. p.I-03095
295
Publicité et droit des marques
Europe du 25 octobre 2001569 que l'usage de la marque d'autrui pouvait être légitime lorsque
cela s'avérait nécessaire pour informer le public de la nature des produits ou de la destination
des services offerts. La CJCE a considéré par conséquent que « l'indication de la marque
d'un concurrent dans le cadre de la publicité comparative est (…) une faculté ouverte à
l'annonceur » (point 51).
L'arrêt Toshiba Europe a, par la suite, été de nouveau cité dans une décision de la
CJCE. En effet, dans son arrêt Siemens570, la CJCE rappelle que selon la jurisprudence de la
Cour, il convient de tenir compte du quinzième considérant de la directive 97/55, selon
lequel l'utilisation d'un signe distinctif n'enfreint pas le droit à la marque quand elle est faite
dans le respect des conditions établies par la directive 84/450. C'est par ailleurs l'arrêt
Toshiba Europe qui fut le premier à donner des précisions sur le profit indu tiré de la
notoriété des signes distinctifs d'un concurrent dans une publicité comparative.
630.
Dans l'arrêt O2 Holdings571, la CJCE, saisie par la Court of appeal (Royaume-Uni) à
l'occasion d'un litige opposant deux sociétés prestataires de téléphonie mobile, O2 et H3G, a
considéré que le titulaire d'une marque ne pouvait pas interdire l'usage par un tiers, dans une
publicité comparative qui satisfaisait aux conditions de licéité, d'un signe identique ou
similaire à sa marque. La société O2 avait introduit une action en contrefaçon de marque
contre la société H3G qui avait utilisé le nom O2 ainsi que des images de bulles en
mouvement, signe distinctif de la marque 02, dans une publicité comparative. La CJCE a
rappelé dans un premier temps les droits conférés par la marque selon l'article 5 de la
directive 89/104. Elle relève alors que l'usage d'une marque dans une publicité comparative
entre dans le champ de protection de la marque et est donc a priori susceptible de porter
atteinte à la marque. Puis, la CJCE reprend les considérants 13 à 15 de la directive 97/55 et
les interprète en énonçant que « le législateur communautaire a considéré que la nécessité de
favoriser la publicité comparative commandait de limiter dans une certaine mesure le droit
conféré par la marque » (point 39). Elle poursuit en considérant que pour concilier la
protection des marques et l'utilisation de la publicité comparative, il faut interpréter les
articles 5 §1 et §2 de la directive 89/104 et 3 bis §1 de la directive 84/450 (nouvel article 4
569 CJCE, 25 oct. 2001, Toshiba Europe, op. cit.
570 CJCE, 23 fév. 2006, aff. C-59/05, Siemens AG c/ VIPA Gesellschaft Für Visualisierung und
Prosebautomatisierung mbH,, Rec. 2006, I, p. 02147
571 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings Limited, op. cit.
296
Publicité et droit des marques
de la directive 2006/114/CE) « en ce sens que le titulaire d'une marque enregistrée n'est pas
habilité à interdire l'usage, par un tiers, dans une publicité comparative qui satisfait à toutes
les conditions de licéité énoncées audit article 3 bis §1 d'un signe identique ou similaire à sa
marque » (point 45).
631.
Ainsi, bien que l'article 5 §1 a) de la directive 2008/95 confère au titulaire d'une
marque le droit d'interdire à tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe
identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels
celle-ci est enregistrée, l'article 6 de la même directive intitulé « limitation des effets de la
marque » prévoit que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à
un tiers l'usage, dans la vie des affaire, de la marque lorsqu'elle est nécessaire pour indiquer
la destination d'un produit ou d'un service. Or, la directive 2006/114 sur la publicité
comparative énonce dans son considérant 14 qu'il peut être indispensable d'identifier les
produits ou services d'un concurrent en faisant référence à une marque dont ce dernier est
titulaire pour rendre la publicité comparative effective. Elle considère alors qu'une telle
utilisation de la marque ou d'autres signes distinctifs n'enfreint pas le droit exclusif conféré
par la directive 89/104 dès lors qu'elle est faite dans le respect des conditions prévues par la
directive 97/55, l'objectif étant seulement de distinguer les produits ou services et de mettre
leurs différences en relief.
B- La référence nécessaire à la marque d'autrui
632.
Comme nous l'avons vu, la CJCE considère qu'un annonceur ne saurait être considéré
comme tirant indûment profit de la notoriété attachée à des signes distinctifs de son
concurrent lorsque la référence à ces signes est la condition d'une concurrence effective sur
le marché en cause. La question qui peut alors se poser est de savoir s'il faut ériger en critère
de licéité la nécessité de la référence aux signes distinctifs d'autrui.
297
Publicité et droit des marques
1) L'émergence du critère de nécessité en matière de publicité comparative
633.
La question de la nécessité de la référence au signe distinctif d'un concurrent a été
soulevée par l'arrêt Toshiba en 2001. Afin de déterminer si la publicité comparative litigieuse
tirait indûment profit de la notoriété du concurrent visé, il convenait de déterminer si la
comparaison s'appuyant sur des signes distinctifs était bien nécessaire. En d'autres termes, il
s'agissait d'établir si la citation de signes distinctifs du concurrent était nécessaire à
l'information du consommateur.
634.
Dans ses conclusions, l'avocat général Léger572 relève qu'il convient de poser des
limites pour que l'annonceur ne puisse pas tirer indûment profit de la notoriété des signes
distinctifs de son concurrent. Il rappelle alors le quinzième considérant de la directive 97/55
qui prévoit la faculté, pour un annonceur, d'utiliser les signes distinctifs d'autrui, le but visé
étant de distinguer les produits. La publicité comparative doit, conformément à l'article 2 bis
de la directive, identifier un concurrent ou les biens ou services qu'il offre. Pour cela,
l'annonceur devra, d'une manière ou d'une autre, se référer à son concurrent. Par conséquent,
l'avocat général retient que ce sont les modalités selon lesquelles il est possible de faire
usage de signes distinctifs d'un concurrent qui doivent être précisées. Il considère ainsi
qu'« il est indûment tiré profit de la notoriété attachée à un concurrent lorsque la référence
faite à ce dernier ou la manière de s'y référer n'est pas nécessaire à l'information de la
clientèle sur les qualités respectives des biens comparés » (point 85). Il poursuit en
considérant que c'est sur ce critère de nécessité qu'il faut fonder l'appréciation de la
régularité de la publicité comparative. Enfin, M. Léger relève que « le recours à un signe
distinctif de cet opérateur ne doit être admis que dans la mesure où il n'existe pas d'autres
voies permettant de procéder à la comparaison » (point 101).
La CJCE ne reprend pas complètement le raisonnement de M. Léger. Elle relève
seulement qu'un annonceur ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée aux signes
distinctifs de son concurrent lorsque la référence à ces signes est la condition d'une
concurrence effective (point 54). En l'espèce, elle considère que l'annonceur pouvait
difficilement comparer ses produits à ceux de son concurrent sans se référer à ses signes
distinctifs (les numéros d'articles).
572 Conclusions de l'avocat général Léger, 8 février 2001, aff. C-112/99, Toshiba, op. cit.
298
Publicité et droit des marques
635.
Il est intéressant de noter que la Cour de cassation a, elle aussi, été amenée à
s'interroger sur le caractère nécessaire ou non de la référence à la marque d'un concurrent.
Ainsi, dans l'arrêt Deroxat, la cour d'appel de Paris avait considéré que la référence à la
marque Deroxat n'était pas nécessaire, le médicament générique n'ayant pas encore été mis
sur le marché, et que l'usage de la marque était alors un acte de contrefaçon.
Malheureusement, la Cour de cassation n'a pas voulu se prononcer sur cette question et a
renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Versailles.
636.
Le critère de la nécessité a de nouveau fait l'objet de demandes d'éclaircissements
dans le cadre de l'arrêt Gillette573, lors duquel la CJCE a répondu à des questions
préjudicielles posées par le Korkein oikeus (Finlande). Cet arrêt ne concernait pas la
publicité comparative mais le droit des marques, et plus précisément la directive 89/104 sur
les marques. La troisième question était la suivante: « comment faut-il interpréter l'exigence
que l'utilisation [d'une marque] soit nécessaire pour indiquer la destination d'un produit? ».
Le litige opposait les sociétés Gillette et LA-Laboratories LTD Oy au sujet de l'apposition
par cette dernière des marques Gillette et Sensor sur les emballages des lames qu'elle
commercialisait pour indiquer leur compatibilité avec les manches de rasoir Gillette Sensor.
La cour rappelle le droit exclusif conféré par la marque à son titulaire mais rappelle par
ailleurs que selon la directive, le titulaire ne peut interdire à un tiers l'usage, dans la vie des
affaires, de la marque lorsqu'elle est nécessaire pour indiquer la destination du produit,
notamment en tant qu'accessoires ou pièces détachées. La CJCE répond à la troisième
question qui lui est posée en considérant que le caractère licite de l'utilisation de la marque
en vertu de l'article 6 §1 c) de la directive 89/104 dépendait du point de savoir si cette
utilisation était nécessaire pour indiquer la destination du produit. Elle conclut alors, en
l'espèce, en considérant que « l'usage de la marque par un tiers qui n'en est pas le titulaire
est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit commercialisé par ce tiers lorsqu'un
tel usage constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une information
compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de
concurrence non faussé sur le marché de ce produit ».
637.
On retient alors de cet arrêt deux importantes précisions. Tout d'abord, l'usage de la
573 CJCE, 17 mars 2005, aff. C-228/03, Gillette : Rec. 2005, I, p. 02337, Propr. industr. 2005, n° 5, comm. 37,
A. Folliard-Monguiral
299
Publicité et droit des marques
marque doit être nécessaire pour indiquer la destination du produit et cet usage est nécessaire
quand il est le seul moyen de fournir au public une information complète et compréhensible
sur cette destination. Cet arrêt se place ainsi dans la continuité de la décision rendue en
matière de publicité comparative en exigeant la nécessité de la référence pour que l'usage de
la marque d'autrui puisse être licite (et en considérant que cette nécessité résulte du fait qu'il
n'y a pas d'autre possibilité). Néanmoins, le caractère indispensable de la référence n'est
pourtant pas toujours exigé par les juridictions.
2) Des réserves latentes quant au critère de nécessité
638.
Dans deux décisions notamment, la CJCE, sans revenir sur la jurisprudence selon
laquelle la référence aux produits d'un tiers doit être nécessaire pour que la comparaison soit
licite, n'a pas réellement répondu à la question de savoir si cela était nécessaire ou non. Nous
allons donc nous intéresser aux arrêts Pippig et O2 afin d'étudier les réponses faites par la
Cour sur cette question mais aussi les conclusions des avocats généraux qui, bien souvent,
apportent plus d'éléments de réflexion que les arrêts eux-mêmes.
a) L'arrêt Pippig
639.
Dans l'arrêt Pippig du 8 avril 2003574, en répondant à la première question
préjudicielle, la CJCE rappelle le principe de nécessité. Cette question, dans sa troisième
partie, porte sur la licéité de la comparaison de produits de marque avec des produits sans
marque. La Cour relève, qu'en l'espèce, tous les produits étant de marque, il s'agit de
s'interroger sur la licéité de produits de marques différentes lorsque les noms des fabricants
ne sont pas indiqués. Elle rappelle alors que la directive 97/55 permet à un annonceur, sous
certaines conditions, de citer la marque du produit concurrent et qu'il a déjà été jugé que
l'usage de la marque d'autrui peut être légitime lorsqu'il est nécessaire pour informer les
consommateurs de la nature des produits (arrêt Gillette). Par ailleurs, l'avocat général
Tizzano avait considéré que « les dispositions de l'article 3 bis §1 présupposent la
574 CJCE, 8 avril 2003, Pippig , op. cit.
300
Publicité et droit des marques
possibilité d'indiquer la marque des produits comparés » (point 27) et que l'avocat général
Léger, dans l'affaire Toshiba, avait considéré qu'il était nécessaire que la publicité
comparative permette à ses destinataires d'identifier les produits comparés.
640.
Le tribunal autrichien a ensuite demandé à la CJCE, dans sa quatrième question
préjudicielle, si l'article 3 bis §1 e) de la directive 97/55 devait être interprété en ce sens que
les indications permettant l'identification du concurrent doivent être limitées au strict
nécessaire, et qu'il est donc illicite de montrer, outre le nom du concurrent, son sigle et son
magasin. On aurait alors pu s'attendre à ce que la Cour s'intéresse plus particulièrement ici
au caractère nécessaire de la référence. Néanmoins, la Cour relève seulement qu'il résulte du
quinzième considérant de la directive 97/55 que l'utilisation de la marque ou de signes
distinctifs d'un concurrent n'enfreint pas le droit exclusif du titulaire si elle est faite dans le
respect des conditions établies par la directive (point 83). Elle répond alors à la dernière
question qu'une comparaison n'entraine pas le discrédit d'un concurrent et que, par ailleurs,
la directive 97/55 ne s'oppose pas à ce qu'une publicité comparative reproduise, outre le nom
du concurrent, son sigle et une image de la façade de son magasin dès lors que la publicité
respecte les conditions de licéité de la directive.
La Cour, après avoir rappelé le principe de la nécessité de la référence afin d'indiquer
la destination du produit, aurait pu se montrer plus ferme et considérer que les indications
permettant l'identification du concurrent devaient se limiter au strict nécessaire. Néanmoins,
comme elle l'a rappelé une fois de plus dans cet arrêt, les conditions de licéité de la publicité
comparative doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à celle-ci (point 42). Il
semble alors que la volonté de favoriser la publicité comparative ait pour effet d'amoindrir
l'importance du principe de la nécessité de la référence.
b) L'arrêt O2 Holdings
641.
Dans l'arrêt 02 Holdings, la CJCE ne donne pas de précisions s'agissant de la
nécessité de la référence à la marque d'autrui. Les deuxième et troisième questions
préjudicielles posées par la Court of Appeal (G.-B.) étaient de savoir, dans un premier temps,
si l'usage devait être indispensable, à partir de quels critères le caractère indispensable devait
301
Publicité et droit des marques
être apprécié. Enfin, il s'agissait de savoir si ce caractère indispensable faisait obstacle à
l'usage d'un signe, non pas identique, mais étroitement similaire à la marque. La CJCE,
relevant que la juridiction de renvoi n'avait sollicité une interprétation à ce sujet que dans
l'hypothèse où la Cour répondrait à la première question, a considéré qu'il n'y avait pas lieu
d'examiner ces questions préjudicielles. C'est un fait malheureux car les réponses à ces
questions auraient apporté des précisions très intéressantes en ce qu'elles auraient permis à la
cour de préciser l'exigence du caractère nécessaire de la référence.
642.
Une nouvelle fois, il faut alors se tourner vers les observations de l'avocat général575.
Ce dernier considère que l'article 3 bis de la directive 84/450 n'impose pas le respect d'une
condition d'indispensabilité de l'utilisation de la marque d'autrui, afin d'identifier le
concurrent ou les produits ou services qu'il offre dans la publicité comparative (point 43).
L'avocat général Mengozzi justifie cette interprétation par la jurisprudence de la CJCE. Il
relève que l'avocat général Léger, dans l'affaire Toshiba, a pensé devoir fonder une
appréciation de la régularité de la publicité comparative, au regard de l'article 3 bis §1 g),
sur le critère de la nécessité de la référence. Cependant, il considère ensuite que cette
interprétation a été écartée par la Cour dans ce même arrêt Toshiba. En effet, il considère
qu'il faut interpréter le point 54 de l'arrêt (précité) en ce sens que « rien n'indique que [la
Cour] ait (…) voulu dire que (…) si la référence à de tels signes [distinctifs] n'était pas la
condition d'une concurrence effective sur ledit marché, elle entrainerait nécessairement que
l'annonceur tirerait indûment profit de leur notoriété ». L'avocat général rappelle alors que
la Cour a (plutôt) considéré qu'il y avait profit indu lorsque la mention des signes distinctifs
d'autrui avait pour effet de créer dans l'esprit du public une association entre le fabricant et le
concurrent. L'avocat général va ensuite encore plus loin en considérant que les arrêts Toshiba
et Siemens ne consacrent pas, voire excluent implicitement, le critère de la nécessité en ce
qui concerne l'utilisation d'un signe distinctif d'un concurrent dans une publicité
comparative. Il conclut en considérant que l'article 3 bis de la directive 97/55 ne doit pas être
interprété dans le sens qu'il n'admet l'utilisation, dans une publicité comparative, d'un signe
identique ou similaire à la marque d'un concurrent que lorsque cette utilisation s'avère
indispensable afin d'identifier le concurrent ou les produits ou services de ce dernier (point
66).
575 Conclusions de l'Avocat général Mengozzi, 31 janvier 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings Limited et O2
(UK) Limited c/ Hutchison 3G UK Limited
302
Publicité et droit des marques
643.
Ces conclusions appellent plusieurs remarques. Tout d'abord, il faut noter que la Cour
comme l'avocat général parlent d'indispensabilité et non de nécessité. Ce terme
d'indispensabilité semble plus fort et souligne, de ce fait, l'absence totale d'alternative à la
référence au concurrent pour permettre l'identification de ce dernier. L'usage de ce terme
devrait alors avoir pour conséquence la volonté d'une protection plus importante de la
marque ou des signes distinctifs. Or cela ne semble pas être le cas. En effet, l'avocat général,
au motif, notamment, que la jurisprudence communautaire affirme qu'il faut interpréter les
conditions de licéité de la publicité comparative dans le sens le plus favorable à celle-ci,
exclut ce critère de nécessité. Malheureusement, la Cour ne s'est pas prononcée sur cette
question. Il aurait été très intéressant d'avoir son interprétation. Peut-être, alors, le critère de
nécessité de la référence aurait-il été exclu. Il faudra donc attendre une prochaine décision de
la CJCE pour être fixé sur le caractère nécessaire ou non de la référence. En attendant, il est
tentant de considérer que la référence à la marque d'un concurrent n'a pas à être
indispensable pour que la publicité soit licite mais, néanmoins, la nécessité de la référence
n'est pas pour autant dépourvue d'effets sur la licéité. Ainsi, lorsque la référence à la marque
d'un concurrent est nécessaire, le profit indu résultant de la comparaison à cette marque sera
automatiquement exclu576.
644.
Enfin, on peut noter que l'interprétation faite par l'avocat général va dans le sens
d'une interprétation de plus en plus souple des conditions de licéité de la publicité
comparative et, par conséquent, dans le sens d'une atteinte de plus en plus poussée au droit
des marques. Cette atteinte au droit des marques est, par ailleurs, toujours plus importante et
cela, à différents niveaux et pour différentes raisons. Cette tendance, initiée tout d'abord par
la CJCE, est suivie par les juridictions françaises qui, pour des raisons diverses, tend à
favoriser toujours plus la publicité comparative, et ce, au détriment du droit des marques
576 A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt O2: de l'eau dans le gaz entre publicité comparative et droits exclusifs
de marque, Propr. indust. 2008, n°9, comm. 61
303
Publicité et droit des marques
§2 Une brèche ouverte au nom d'intérêts supérieurs
645.
Le législateur européen est largement favorable à la publicité comparative. Cette
volonté d'encourager celle-ci apparaît de manière très claire dans le sixième considérant de
la directive 2006/114 qui énonce que la publicité comparative peut stimuler la concurrence
entre les fournisseurs de biens et de services dans l'intérêt des consommateurs. En outre, on
peut lire dans le huitième considérant (ancien considérant 5) qu'elle « peut être un moyen
légitime d'informer les consommateurs de leur intérêt ».
Par ailleurs, comme nous l'avons relevé, dans les considérants 13 à 15 de la directive,
le législateur relève que bien que la directive 89/104 confère des droits exclusifs au titulaire
d'une marque et que ce dernier puisse interdire l'usage par un tiers d'un signe identique à sa
marque, « il peut être indispensable, afin de rendre la publicité comparative effective,
d'identifier les produits ou services d'un concurrent en faisant référence à une marque dont
ce dernier est titulaire ou à son nom commercial ». Ces considérants démontrent la volonté
pour le législateur de faire prévaloir la publicité comparative sur le droit des marques.
646.
En outre, il semblerait que l'appréciation du respect des dispositions relatives au
droit des marques soit subordonnée à certaines considérations d'un ordre « supérieur » en
raison d'intérêts méritant semble-il d'être privilégiés. Ainsi, dans l'arrêt Deroxat, la Cour de
cassation, sans doute pour favoriser l'accès au soin, a considéré comme licite la publicité
comparative qui présentait un médicament générique comme l'imitation du produit de
référence (A). Par ailleurs, la jurisprudence constante étant de favoriser la publicité
comparative, celle-ci étant un instrument bénéfique à la fois pour la concurrence et pour les
consommateurs, cette interprétation conduit à porter une atteinte de plus en plus importante
au droit des marques (B).
304
Publicité et droit des marques
A- l'accès aux soins
647.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré, dans l'arrêt Deroxat du
26 mars 2008577, que la citation de la marque du produit princeps dans une publicité
commerciale pour un médicament générique constituait bien une publicité comparative. Or,
comme nous allons le voir, cette décision va à l'encontre de la protection conférée par le
droit des marques au titulaire d'une marque enregistrée. Nous allons donc rappeler quelques
règles relatives aux publicités mettant en comparaison des médicaments avant de nous
intéresser à l'arrêt Deroxat.
1) La publicité comparative et les médicaments
648.
La directive 92/28 concernant la publicité faite à l'égard des médicaments à usage
humain578 donne comme définition de la publicité pour des médicaments « toute forme de
démarchage d'information, de prospection ou d'incitation qui vise à promouvoir la
prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments ». Elle prévoit que
les États membres interdisent la publicité auprès du public de médicaments qui ne sont
délivrés que sur prescription médicale. Par ailleurs, elle précise que les États membres
peuvent aussi interdire la publicité auprès du grand public faite en faveur de médicaments
remboursables. Cette directive a été transposée en droit interne à l'article L. 551 du code de
la santé publique. Aujourd'hui, les dispositions relatives à la publicité de médicaments se
trouvent aux article L. 5122-1 et suivants du même code.
649.
Il convient de souligner la différence faite entre les publicités ayant pour cible le
grand public et celles ayant pour cible des professionnels. Ainsi, les interdictions que nous
venons de citer ne concernent que les publicités s'adressant aux consommateurs. Les
dispositions régissant la publicité comparative ne visent que les publicités qui s'adressent
577 Cass. com., 26 mars 2008, aff. 06-18.366, SARL Sandoz c/ Beecham Group PLC et Gloxosmithkline, op.
cit.
578 Directive 92/28/CEE du 31 mars 1992 concernant la publicité faite à l'égard des médicaments à usage
humain, JO L 113 du 30 avr. 1992, p. 13-18
305
Publicité et droit des marques
aux consommateurs. La question s'est alors posée de savoir si une publicité comparative de
médicaments à destination des médecins était licite579. La majorité des tribunaux a considéré
que les dispositions sur la publicité comparative ne s'appliquaient qu'à des publicités
destinées aux consommateurs. Toute publicité comparative s'adressant à des professionnels
n'est pas pour autant illicite. Seulement, il semble falloir appliquer les règles du droit
commun, c'est-à-dire celles de la concurrence déloyale et non celles de la publicité
comparative.
650.
En outre, une autre question se pose. Il s'agit de s'interroger sur ce qu'est une
caractéristique essentielle, significative, pertinente et vérifiable d'un médicament. L'agence
du médicament prévoit que doivent figurer les critères d'efficacité et de sécurité d'emploi
mais aussi des critères ayant un intérêt pour le praticien (posologie, durée du traitement,
interactions...). La notion de caractéristique essentielle d'un médicament devrait alors
impliquer que peuvent être comparés les indications thérapeutiques des spécialités en cause
et leur mode d'action, ainsi que les effets secondaires des médicaments580. Il est par ailleurs
admis que la comparaison porte sur les coûts du traitement journalier pour des produits non
strictement identiques mais similaires. Cette possibilité vise essentiellement les
comparaisons de médicaments génériques avec les produits princeps581.
651.
Enfin, on notera que l'absence de caractère parasitaire d'une publicité mettant en
comparaison des médicaments pose aussi problème car cela a pour conséquence d'interdire
les publicités comparatives avec une marque notoire. C'est sur l'appréciation de ce caractère
parasitaire que les publicités mettant en comparaison des médicaments génériques au
médicaments princeps peuvent poser problème. La question a ainsi été soulevée lors de
l'arrêt Deroxat.
579 O. Binder et N. Boinet, Médicaments génériques: droit des marques, droit de substitution et publicité
comparative, LPA, 24 mai 1999, n° 102, p. 4, op. cit.
580 J. Calvo, Publicité comparative et médicaments, LPA, 12 mai 1997, n°57
581 S. Montastruc, Le droit de l'information sur les médicaments : enjeu scientifique et social complexe,
mémoire, UT1 2003, p. 72
306
Publicité et droit des marques
2) L'arrêt Deroxat
652.
Un médicament générique, la Paroxétine G Gam, avait été présentée dans une
publicité comparative destinée aux professionnels comme le générique du Deroxat. Ainsi,
l'annonce énonçait « en avant première, les laboratoires G Gam ont le plaisir de vous
annoncer la commercialisation prochaine de la Paroxétine G Gam (générique de Deroxat,
paru au JO du 1er nov. 2002) ». Les sociétés Beecham Group PLC (titulaire de la marque
Deroxat) et Laboratoire GlaxoSmithKline ont alors assigné la société G Gam en contrefaçon
de marque et concurrence déloyale. Les juges du tribunal de grande instance de Paris ont
retenu, dans une décision du 16 novembre 2004, que « l'utilisation de la marque d'un
médicament de référence est légitime en ce qu'elle est nécessaire à l'information des
pharmaciens pour l'exercice du droit de substitution par un médicament générique dès lors
que ce droit est effectivement ouvert ». La Paroxétine G Gam n'ayant pas encore été publiée
au répertoire des génériques, le tribunal a jugé que la société G Gam avait commis des actes
de contrefaçon de la marque Deroxat. La Société Sandoz, venant aux droits de la société G
Gam, a alors interjeté appel.
653.
La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 3 mai 2006, a rejeté les prétentions de la
société Sandoz au motif qu'il n'y avait aucun élément de comparaison et que l'annonce se
limitait à citer la marque Deroxat. Sur ce point, le fondement de la publicité comparative
tourne alors court582.
654.
En outre, s'agissant du caractère nécessaire de la référence, la cour n'a pas suivi les
juges du premier degré et a précisé que la mention de la DCI (dénomination commune
internationale) qui précise le principe actif et les indications thérapeutiques mentionnées
dans la publicité, permettaient d'informer les professionnels sur la destination de la
Paroxétine G Gam sans qu'il soit nécessaire de faire référence à la marque Deroxat. La cour
a ajouté par ailleurs que le droit de substitution ouvert au pharmacien ne justifiait pas
d'avantage la référence à la marque Deroxat. Par conséquent, la cour d'appel a considéré que
la reproduction et l'usage de la marque Deroxat dans la publicité en cause constituaient des
actes de contrefaçon.
582 CA Paris, 3 mai 2006, Gaz. Pal. , 20 et 21 déc. 2006, note P. Hoffman
307
Publicité et droit des marques
Comme le relève le Docteur François JONQUERES583, cette solution était
respectueuse du droit des marques. Néanmoins, c'était sans compter sur la prise en
considération d'intérêts d'une nature autre et supérieure, cette interprétation stricte allant
notamment à l'encontre de la volonté des pouvoirs publics de développer le générique en
France.
655.
Dans son arrêt du 26 mars 2008, la chambre commerciale de la Cour de cassation
casse l'arrêt de la cour d'appel au motif « qu'en présentant la spécialité Paroxétine G Gam
comme le générique du Deroxat, la société G Gam informait le public que ce produit avait
la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme
pharmaceutique que la spécialité de référence, et que sa bioéquivalence avec cette spécialité
était démontrée, ce dont il résulte qu'elle procédait à une comparaison de caractéristiques
essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces produits ».
Cette interprétation peut sembler étonnante au regard de l'article 3 bis §1 h) de la
directive 97/55 qui prévoit que la publicité comparative ne doit pas présenter un produit ou
un service comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service portant une
marque protégée. En effet, la société G Gam se présentait, dans la publicité en cause, comme
« la reproduction pure et simple du produit Deroxat »584.
656.
Cette décision s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence communautaire qui
rappelle que les règles relatives à la publicité comparative doivent être interprétées dans le
sens le plus favorable à celle-ci. Par ailleurs, il semble vraiment que cet arrêt de principe ait
été justifié par des intérêts extérieurs au droit de la publicité comparative. L'accès aux soins
constituant une préoccupation majeure pour les pouvoirs publics, tout comme le comblement
du déficit de la sécurité sociale, il convient de favoriser la commercialisation des
médicaments génériques en France, et ce même si cette faveur se traduit par des restrictions
aux droits de marque.
Ainsi, la publicité comparative ne semble pas seulement prévaloir en raison de son
rôle en matière de concurrence et d'information du consommateur. Le droit des marques doit
583 F. Jonquères, Suprême injustice, Propr. indust. 2008, n° 10, ét. 22.
584 G. Bonet, Articulation entre publicité comparative et protection de la marque, spécialement contre le risque
de confusion, Propriétés Intellectuelles, oct. 2008, n° 29, p. 393 et suiv.
308
Publicité et droit des marques
ainsi s'incliner lorsque certains intérêts, notamment pécuniaires, sont en jeu. En fin de
compte, il semblerait que la protections des droits conférés par les marques soit loin de
constituer une priorité pour les magistrats ni même pour le législateur.
B- La protection de la concurrence et du consommateur
657.
La CJCE a souvent eu l'occasion de rappeler qu'il fallait interpréter les conditions
exigées de la publicité comparative dans le sens le plus favorable à celle-ci et ce notamment
parce qu'elle joue un rôle important dans l'information du consommateur mais aussi parce
qu'elle encourage la concurrence. Ces éléments servent aussi d'arguments pour écarter le
droit des marques en ce qu'il est nécessaire que la publicité comparative, pour ces mêmes
raisons, constitue une exception au droit des marques.
1) L'information du consommateur et la stimulation de la concurrence ...
658.
L'appréciation extrêmement favorable de la publicité comparative au détriment du
droit des marques se trouve justifiée par l'information et la protection du consommateur,
ainsi que par la stimulation de la concurrence. En conséquence, la CJCE ne cesse de rappeler
qu'il faut interpréter les textes communautaires dans le sens le plus favorable à la publicité
comparative. Il semblerait que l'on puisse déduire de ces éléments que le droit des marques
doive s'incliner face à la publicité comparative, celle-ci ayant des conséquences positives en
matière de concurrence mais aussi au niveau de la protection des consommateurs.
Néanmoins, bien que les textes comme les juridictions affirment fréquemment l'influence
bénéfique de la publicité comparative, on peut s'interroger sur ce qu'il en est réellement.
659.
Ainsi que nous venons de le voir, certes, les publicités comparatives permettent de
mettre objectivement en comparaison les biens ou services d'entreprises concurrentes, mais
l'information ainsi fournie est-elle réellement pertinente pour le consommateur? Bien sûr, les
textes prévoient que la comparaison doit porter sur des caractéristiques pertinentes. Pour
309
Publicité et droit des marques
autant, le caractère pertinent est-il le même aux yeux des textes qu'aux yeux des
consommateurs moyens? La même question se pose s'agissant du caractère essentiel. Par
ailleurs, présenter deux produits de marques différentes dans une comparaison peut avoir
pour effet de voir le consommateur assimiler les deux produits. Il peut alors en résulter un
caractère trompeur. La directive 2006/114 définit la publicité trompeuse comme « toute
publicité qui (…) induit en erreur ou est susceptible d'induire en erreur les personnes
auxquelles elle s'adresse ou qu'elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est
susceptible d'affecter leur comportement économique... ». L'article 4 a) de ladite directive
prévoit ainsi que la publicité comparative, pour être licite, ne doit pas être trompeuse. Or,
une publicité comparative qui peut avoir pour effet de laisser croire à des relations
commerciales avec le concurrent qui en est la cible, ne présente t-elle pas un caractère
trompeur outre le profit indu qui peut en résulter? Afin de répondre à ces questions et
d'apprécier la licéité de la publicité, il faut se placer du coté du consommateur et pas
seulement du coté des dispositions légales. Il est généralement fait référence pour cela au
consommateur moyen. Comme on l'a vu, il s'agit d'un consommateur normalement informé
et raisonnablement attentif, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques 585. Il
ne s'agit malheureusement que d'une notion subjective mais elle va dans le sens voulu par
beaucoup qui consiste à responsabiliser le consommateur. La publicité comparative lui
donne ainsi des éléments de comparaisons et, s'il veut avoir des informations
supplémentaires afin de former son appréciation, il pourra utiliser les moyens normalement
mis en œuvre par l'annonceur.
660.
La publicité comparative est un instrument au service de la concurrence en ce qu'elle
permet de la stimuler. Elle peut avoir pour effet d'encourager les acteurs d'un marché à être
les plus compétitifs possibles. C'est notamment parce qu'elle peut être bénéfique pour le
dynamisme de la concurrence que les juridictions se montrent aussi favorables avec elle. La
publicité comparative permet, dans une certaine mesure, la transparence d'un marché soumis
à la concurrence. Ainsi, elle permet de connaître l'étendue exacte des prestations qui y sont
offertes586. Pour autant, faut-il permettre d'ignorer les droits conférés au titulaire d'une
marque ? La concurrence joue certes un rôle très important dans la vie économique tout
585 Directive 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis
des consommateurs dans le marché intérieur, op. cit.
586 A. Brunet, Publicité comparative, concurrence et consommation, op. cit.
310
Publicité et droit des marques
comme dans l'information et la diversité de choix des consommateurs, mais faut-il faire
abstraction de règles dont la valeur est égale à celle de la publicité comparative pour ces
raisons? La marque enregistrée confère à son titulaire un réel droit de propriété. Or, comme
nous l'avons vu, ce droit a une valeur constitutionnelle. Ne devrait-il pas alors prévaloir sur
le droit de la publicité comparative ? Une application stricte de la hiérarchie des normes
devrait conduire à répondre par l'affirmative. Néanmoins, d'autres intérêts sont aussi en jeu
et la concurrence tient une place importante dans l'économie. En outre, la concurrence
pousse souvent les opérateurs à revoir leurs prix à la baisse. Ainsi, la concurrence profite aux
consommateurs. A l'heure où le pouvoir d'achat est sur toutes les lèvres, le jeu de la
concurrence peut s'avérer d'autant plus avantageux pour les consommateurs et donc pour
l'économie.
2) … au détriment du droit des marques
661.
C'est malheureusement le droit des marques qui souffre le plus de la souplesse
d'interprétation de la part de la CJUE et de son souci de favoriser la publicité comparative à
tout prix. Il semblerait alors que la protection conférée par la marque à son titulaire, face à
l'usage de celle-ci par un tiers, soit impuissante face à la publicité comparative et ne puisse
ainsi plus remplir son rôle protecteur. En effet, le droit des marques, au regard de la
jurisprudence actuelle, ne semble recouvrer ses effets que lorsqu'il existe un risque de
confusion, dans l'esprit du public, entre les produits de l'annonceur et ceux de son
concurrent, titulaire de la marque. Dans toutes les autres hypothèses, le droit des marques
n'est malheureusement pour le titulaire d'une marque dont il est fait usage par un tiers,
d'aucun secours.
On aurait pu croire que les tribunaux français se seraient montrés plus
respectueux du droit des marques. En effet, la jurisprudence française a tendance à se
montrer plus stricte que la CJCE quant à l'appréciation du respect des conditions de licéité de
la publicité comparative. Pourtant, la Cour de cassation semble tendre, elle aussi, sous
certains aspects vers une acception large de la publicité comparative ayant pour conséquence
une atteinte au droit des marques. C'est ce que l'on peut retenir de l'arrêt Deroxat. Il en
ressort que lorsque des intérêts particuliers sont en jeu, le droit des marques ne semble plus
311
Publicité et droit des marques
trouver à s'appliquer. On peut néanmoins se demander si la décision de la Cour de cassation
aurait été la même s'il n'avait pas été question de médicaments génériques.
662.
Malheureusement pour le droit des marques, force est de constater que les
considérations pécuniaires, qu'elles touchent à l'économie en général ou plus
particulièrement à certains domaines (comme celui des génériques ou de la sécurité sociale),
prévalent sur les droits exclusifs conférés par la marque enregistrée. La publicité
comparative est appréciée dans le sens qui lui est le plus favorable. Nécessairement, cette
faveur a pour effet une atteinte au droit des marques et, l'acception de la publicité
comparative ne cessant de croitre, l'atteinte ne cesse d'augmenter. Par ailleurs, on peut
supposer que l'évolution de la publicité comparative, notamment vers un élargissement de
son champ d'application ainsi que vers un assouplissement de ses conditions de licéité, n'est
pas achevée. Bien qu'une telle hypothèse pourrait s'avérer bénéfique au regard de la
concurrence et des consommateurs, il n'en demeure pas moins que la conséquence indirecte
pourrait être de voir le droit des marques s'incliner totalement face à la publicité
comparative.
312
Publicité et droit des marques
Conclusion de la seconde partie
663.
Bien que la publicité et les marques soient, comme nous l'avons constaté, deux
ensembles indissociables, l'évolution des techniques mises en œuvre par les publicitaires
tend à se faire au détriment des droits exclusifs de marques. Ainsi, la publicité, alors qu'elle
constitue l'alliée principale de la marque, n'est pas toujours loyale envers le droit des
marques. En effet, comme nous venons de le voir, certaines méthodes publicitaires, dont
certaines n'ont été mises au point que très récemment, se sont développées au dépens de ce
dernier. En réalité, ces dérives auraient pu être évitées si la jurisprudence s'était montrée
moins souple à leur égard. Malheureusement pour les titulaires de marques, les juges ont
préféré se montrer indulgents envers la pratique du référencement payant et favoriser la
publicité comparative.
664.
Ainsi, la CJUE a non seulement refusé de condamner les prestataires de services de
référencement payant pour contrefaçon en considérant que la référence qu'ils faisaient aux
marques enregistrées par des tiers ne constituait pas un usage au sens de l'article 5 de la
directive 89/104 puisque cet usage n'était pas fait « dans le cadre de [leur] propre
communication commerciale » mais en outre, elle leur a reconnu la possibilité de se
prévaloir du statut des hébergeurs et de se voir reconnaître le bénéfice de leur régime
dérogatoire de responsabilité. Bien sûr, les titulaires de marques peuvent se retourner contre
les annonceurs eux-mêmes qui seront alors condamnés s'il résulte de l'annonce affichée suite
à la saisie du mot clé correspondant à la marque que les internautes ne peuvent savoir si les
produits ou services en cause sont issus de l'entreprise titulaire de la marque, d'une entreprise
économiquement liée ou d'un tiers. Néanmoins, on pourrait soutenir que le fait que les
prestataires de service de référencement proposent aux annonceurs des mots clés
correspondant à des marques, même générés automatiquement, devrait avoir pour effet de
voir leur responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Ce n'est
cependant pas la position de la CJUE qui a considéré que les prestataires de référencement
payant dont le rôle était purement technique, passif et neutre ne pourraient voir leur
responsabilité engagée.
313
Publicité et droit des marques
665.
S'agissant de la publicité comparative, la jurisprudence a souvent fait preuve d'une
extrême souplesse au détriment du droit des marques. En effet, la publicité comparative a
connu ces dernières années une évolution importante et a ainsi vu son champ d'application
élargi. Ceci a eu pour effet de rendre l'exception qu'elle constitue au droit des marques plus
importante et ainsi, de porter davantage atteinte à celui-ci. Le droit des marques voit alors
son rôle protecteur amoindri puisqu'il est contraint de s'incliner face à la publicité
comparative que la jurisprudence entend favoriser.
666.
Ces deux techniques publicitaires modernes (voire très modernes) constituent donc
des freins à la protection conférée aux titulaires de marques qui semblait pourtant assez
importante. Toutefois, ces pratiques peuvent s'avérer bénéfiques pour les marques. Ainsi, le
référencement payant peut contribuer à mettre la marque en avant et la publicité comparative
tenter de la démarquer de celles des concurrents. En effet, ce ne sont pas tant les pratiques
visées qu'il convient de critiquer mais les dérives qui en résultent. La publicité demeure un
instrument utile, sans doute même le plus utile, aux marques ; là où elle devient dangereuse,
c'est lorsque son usage est détourné et va à l'encontre du droit des marques.
314
Publicité et droit des marques
CONCLUSION GENERALE
315
Publicité et droit des marques
667.
La marque, élément incorporel pouvant constituer la valeur la plus importante d'une
entreprise, est un instrument auquel il faut sans cesse accorder la plus grande attention. Une
marque forte peut constituer une valeur ajoutée pour les produits ou services qui en sont
revêtus et ainsi avoir pour conséquence de générer une plus-value pour l'entreprise qui en est
titulaire. Pour cela, elle doit avoir un fort capital marque, valeur dont les deux principaux
leviers, la notoriété et l'image, sont essentiellement le fruit de la communication de la
marque.
C'est ainsi la publicité qui contribue à développer la marque et à augmenter sa
valeur, permettant notamment d'accroitre le goodwill de l'entreprise. En effet, la publicité,
bien que constituant un instrument d'information du consommateur, a principalement pour
objet d'inciter à l'achat. Elle doit alors rendre la marque attrayante et pour cela elle doit
mettre en avant ses éléments intangibles car il ne suffit pas de vanter les caractéristiques
objectives d'un produit pour parvenir à obtenir la préférence du consommateur. La publicité
doit augmenter la notoriété de la marque avant de lui construire une image favorable. Pour
ce faire, elle doit créer un univers à la marque et communiquer sur son histoire et ses valeurs
car c'est l'image, fruit de la somme des perceptions d'un consommateur à propos de la
marque, qui donne un sens à celle-ci.
668.
Par ailleurs, la marque, notamment parce qu'elle constitue un condensé de toutes ses
campagnes de communication, remplit elle-même une fonction publicitaire. En effet, tout
comme la publicité, elle a pour objet d'informer le consommateur et de le séduire. Or, alors
qu'elles étaient connues des professionnels du marketing depuis longtemps, ce n'est que très
récemment que le droit a admis que la marque avait, outre une fonction de garantie de
provenance, des fonctions de publicité et de communication. Cette reconnaissance de la
fonction publicitaire de la marque corrobore ainsi l'existence d'un lien extrêmement fort
entre cette dernière et la publicité.
669.
Toutefois, il convient de constater que, bien que la publicité soit indissociable de la
marque et constitue sans doute son meilleur allié, elle peut se révéler particulièrement
dangereuse pour le droit des marques lorsqu'elle est au service d'annonceurs qui utilisent la
marque d'autrui dans le but de promouvoir leurs propres produits ou services. Deux
techniques publicitaires le démontrent particulièrement. Il s'agit du référencement payant sur
316
Publicité et droit des marques
Internet et de la publicité comparative, pratiques que la jurisprudence a entendu favoriser au
détriment du droit des marques.
S'agissant de la première, la volonté des juges d'encourager les nouvelles
technologies s'est traduite par une quasi-impossibilité d'engager la responsabilité des
prestataires de référencement payant du fait de leur usage de marques de tiers. En effet, la
CJUE, après avoir refusé de condamner le moteur de recherche Google sur le fondement de
la contrefaçon, jugeant que l'usage ainsi fait de la marque ne constituait pas un usage au sens
de la directive 2008/95, a considéré que, dès lors que son rôle serait neutre et passif, le
moteur de recherche pourrait se prévaloir du régime dérogatoire de responsabilité des
hébergeurs. En conséquence, il est désormais extrêmement difficile pour les titulaires de
marques d'engager la responsabilité des moteurs de recherche alors même que ce sont eux
qui proposent les mots clés aux annonceurs et qui rendent possibles les usages de marques
indus ainsi faits.
Bien sûr, il demeure la possibilité d'engager la responsabilité de l'annonceur,
néanmoins, c'est bien le moteur de recherche qui fournit les moyens rendant possible les
actes constitutifs de contrefaçon et qui tire un bénéfice de l'usage indu des marques faits par
les annonceurs. Les titulaires de marques, puisqu'ils ne peuvent poursuivre les moteurs de
recherche sur le fondement de la contrefaçon, devraient alors tout de même pouvoir se
tourner vers d'autres fondements que le droit des marques pour protéger leur droit exclusif.
C'est cette porte que la Cour vient en quelque sorte de fermer en accordant aux moteurs le
bénéfice du statut des hébergeurs. Ainsi, alors que l'enregistrement de la marque lui confère
en principe un droit exclusif, son titulaire ne peut que très difficilement s'opposer à son
usage par un moteur de recherche.
670.
Il ne s'agit malheureusement pas là de l'unique hypothèse dans laquelle la
bienveillance de la jurisprudence envers certaines techniques publicitaires a pour effet de
limiter les droits conférés par la marque. La bienveillance de la CJUE quant à la publicité
comparative a en effet eu pour conséquence de voir cette exception au droit des marques
devenir de plus en plus importante. Ainsi, en raison de l'utilité de cette forme de
communication au regard de son rôle joué dans la stimulation de la concurrence et
l'information des consommateurs, la jurisprudence rappelle fréquemment qu'il convient de
317
Publicité et droit des marques
favoriser la publicité comparative alors même qu'une telle faveur a pour effet de limiter
davantage le droit conféré par la marque. En outre, il est apparu récemment que la
concurrence et la protection des consommateurs n'étaient plus les seules justifications de la
faveur de la publicité comparative au détriment du droit des marques mais que d'autres
intérêts pouvaient eux aussi prévaloir sur le respect des droits des titulaires de marques.
Ainsi, en raison d'intérêts divers, des modes de communication tels que le
référencement payant ou la publicité comparative, alors qu'ils sont susceptibles de porter
atteinte aux droits de marque, sont favorisés par la jurisprudence européenne, et ce de
manière excessive. Certes, ces modes de publicité peuvent s'avérer très utiles pour les
marques, mais encore faut-il que les juges veillent à ce que leur usage se fasse dans le
respect des droits des tiers. De plus, alors que ces techniques publicitaires sont favorisées en
raison de leur intérêt concurrentiel, certains des excès tolérés pourraient être tout autant
sanctionnés sur le fondement de la concurrence déloyale que sur celui de la contrefaçon.
Dès lors, il convient de constater que, bien que ces techniques méritent d'être encouragées
dans une certaine mesure, la bienveillance des juges a pour effet de porter non seulement
atteinte au droit de marque mais aussi à la concurrence elle-même alors qu'elle constitue la
principale raison de cette faveur.
671.
Au vu de ces différentes constatations, il ressort que la publicité constitue
véritablement le meilleur allié de la marque en ce qu'elle constitue un outil à son service et
permet d'augmenter sa valeur. Il est en outre indéniable que ces deux instruments sont
étroitement liés, la marque remplissant elle-même une fonction publicitaire.
Néanmoins, il apparaît que, derrière cette relation d'apparence parfaite, se
dissimulent des airs de trahison. En effet, la volonté du législateur et des juges de favoriser
certaines techniques publicitaires, notamment en raison de l'intérêt qu'elles revêtent en
matière de concurrence, a pour effet de porter atteinte aux droits conférés par la marque. Par
ailleurs, la jurisprudence, en ayant pendant longtemps refusé de reconnaître la fonction
publicitaire de la marque et en favorisant certaines formes de communication au préjudice
des droits conférés par une marque à son titulaire, semble ainsi ne pas prendre la mesure de
la force des liens qui unissent la marque et la publicité. Or, il convient de ne pas oublier que
pour que la publicité remplisse son rôle d'alliée de la marque, il faut veiller à ce que d'autres
318
Publicité et droit des marques
intérêts ne soient pas privilégiés au détriment du droit des marques.
672.
En outre, alors que le législateur comme la jurisprudence favorisent des techniques
publicitaires afin de stimuler la concurrence au dépens des droits exclusifs que confère la
marque à son titulaire, ils devraient garder à l'esprit, comme l'a rappelé la Cour en 1990 dans
l'arrêt « Hag II », que le droit de marque constitue « un élément essentiel [d'un] système de
concurrence non faussé », et qu'il devrait alors mériter pour cela, sinon parce qu'il s'agit d'un
droit de propriété, d'être protégé.
319
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324
Publicité et droit des marques
du droit des marques au XXIe siècle : Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves
Reboul, Collections du CEIPI, Litec, 2010
- Articulation entre publicité comparative et protection de la marque, spécialement
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- Bosco D. :
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L'objet spécifique du droit de marque, D. 2000, p. 103
- Bouvel A. :
Marque et renommée in Les défis du droit des marques au XXIe siècle : Actes du
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- Bruguière J.-M. et Dumont F. :
La question prioritaire de constitutionnalité dans le droit de la propriété intellectuelle,
Comm. com. électr. 2010, n°5, ét. 10
- Brunet A. :
Publicité comparative, concurrence et consommation, Gaz. Pal., 18 déc. 1999, n°
325
Publicité et droit des marques
352, p.6
- Calvo J. :
Publicité comparative et médicaments, LPA, 12 mai 1997, n° 57
- Cordier G. :
- Les liens sponsorisés devant la CJCE : point d'étape (et de réflexion) sur la notion
d'hébergement, Comm. com. électr. 2009, n° 12, étude 27
- L'atteinte à l'image de marque dans l'évaluation du préjudice de la contrefaçon,
Comm. com. électr., 2007, n° 11, ét. 29
- Dhenne M. :
Appréciation comparée du risque de confusion entre marques en jurisprudence
française et communautaire, Propr. industr. 2007, n° 4, ét. 10
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Un an de droit de la publicité, Comm. com. électr. 2009, n° 7, chron. 7
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Définition de la marque notoire, RTD Com. 2000, p. 87
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- Geiger Ch. :
Droit des marques et liberté d'expression : de la proportionnalité de la libre critique :
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- Glaize F. :
Liens publicitaires : suggérer, est-ce contrefaire ?, RLDI 2008/36, n° 1220
- Gougé E. et L'Honnen-Frossard :
Développements communautaires récents en matière de publicité comparative, Propr.
industr. 2008, n° 4, ét. 8
- Grynbaum L. :
- Google AdWords : l'hébergeur, un prestataire nécessairement passif, RLDI 2010/60,
n° 1980
- Pour un code de bonne conduite applicable aux liens commerciaux, RLDI 2007/23,
n° 747
- Humblot B. :
- Droit des marques : apports essentiels de la CJCE autour de la fonction essentielle
de la marque. Regard sur les enseignements de l'arrêt « L'Oréal » du 18 juin 2009, RLDI,
2009/53
- Droit des marques : risque de confusion autour du risque de confusion. L'exemple
de l'arrêt Ferrero, RLDI, 2008/43
327
Publicité et droit des marques
- Jonquères F. :
Suprême injustice, Propr. industr. 2008, n° 10, ét. 22
- Julien J. :
Marque et droit de la consommation in Les métamorphoses de la marque, Actes du
colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011
- Kovar R. et Larrieu J. :
Marque, Rép. Comm. Dalloz, août 2009, p. 23
- Larrieu J. :
- Un an de droit de la concurrence déloyale, Propr. industr. 2011, n° 9, chron. 8
- Les nouvelles fonctions de la marque in Les métamorphoses de la marque : Actes
du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011
- Glissements progressifs vers une nouvelle image de la marque, Propr. industr. 2010,
n° 9, alerte 87
- Un an de concurrence déloyale, Propr. industr. 2009, n° 6, chron. 5
- Larrieu J. et al. :
Le fonds de commerce, une notion en évolution in Qu'en est-il du Code de commerce
200 ans après ?État des lieux et projections : actes du colloque des 27 et 28 oct. 2007, Les
travaux de l'IFR, LGDJ, 2009
328
Publicité et droit des marques
- Magne S. :
Marque et marketing : construire la personnalité d'une marque in Les métamorphoses
de la marque, Actes du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 39
- Manara C. :
Publicité sur les moteurs de recherche : la Cour de justice donne des clefs, D. 2010,
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- Maréchal C. :
Liens « sponsorisés » et droit des marques : les suites de l'arrêt Google, Gaz. Pal.,
déc. 2010, n° 352, p. 5
- Marino L. :
- Google au pays des publicités : du droit des marques au droit de la responsabilité,
JCP G, 7 juin 2010, n° 23, 642
- L'affaire L'Oréal : le droit des marques et la publicité comparative sous le sceau du
parasitisme, JCP G 2009, n° 31, 180
- Mendoza-Caminade A.
:
Les nouveaux visages de la contrefaçon, les attaques inédites contres les marques sur
l'internet : le cas des mots-clés de référencement in Les métamorphoses de la marque, Actes
du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011
329
Publicité et droit des marques
- Monteiro J. et Ruzek V. :
L'usage du signe à des fins autres que celle de distinguer les produits et services d'un
opérateur économique, Propr. industr. 2007, n° 4, ét. 9
- Passa J. :
- Caractérisation de la contrefaçon par référence aux fonctions de la marque : le Cour
de justice sur une fausse piste, Propr. indust n°1., janv. 2011, ét. 1
- Les rapports entre droit des marques et droit de la publicité comparative : un risque
d'affaiblissement de la protection de la marque : Propr. industr. 2008, n° 10, ét. 20
- Les conditions générales d'une atteinte au droit sur la marque, Propr. indust. N°2,
fév. 2005, ét. 2
- Le droit des marques et le consommateur in Le consommateur au pays des
propriétés intellectuelles, actes du colloque organisé par l'Université Lyon II, 22 nov. 2004 :
Revue Lamy droit des affaires, déc. 2004, n° 77, supplément études
- L'usage de marque dans la jurisprudence récente de la CJCE, RJDA 3/03, Etudes et
doctrines, Chronique.
- Poracchia D. :
La reprise des emblèmes sportifs et la fonction de la marque, Rev. Lamy dr. aff., janv.
2003, n°56, Chron.
- Rousseau P. :
La marque dans tous ses états in Les métamorphoses de la marque : Actes du
colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011
330
Publicité et droit des marques
- Ruzek V. :
La parodie en droit des marques, propriété indust. n°4, avril 2005, ét. 11
- Sautter L. et Schaffner M. :
AdWords : la Cour de justice se prononce en faveur de Google, JCP E, avril 2010, n°
13, act. 186
- Serandour Y. :
L'avènement de la publicité comparative en France, JCP G., n° 27, p. 295
- Singh A. :
Contrefaçon de marque résultant du choix de mots clés commandant l'affichage de
liens promotionnels sur internet, JCP E, avril 2007, n° 14, 1440
- Tardieu-Guigues E. :
- Liens commerciaux, contrefaçon ou non ? A la recherche d'une solution
convaincante..., RLDI 2008/36, n° 1194
- Une interprétations extensive des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la
propriété intellectuelle dans le cadre de la vie des affaires, RLDI 2006/19, n° 559
- Questionnement sur le droit des marques : Internet est-il le révélateur de ses
limites? RLDI 2005/10, n° 304
- Tréfigny-Goy P. :
- L'incidence de la fonction sur la portée de la protection de la marque, Propr.
331
Publicité et droit des marques
industr., oct. 2010, n°10, dossier 5
- Vilmart Ch. :
La CJCE arbitre le match en faveur de la marque renommée, à propose des arrêts de
la CJCE Arsenal FC et Davidoff du 13 juin 2002 et du 9 janvier 2003, Gaz. Pal. 2003, n°
135, p. 6
- Vivant M. :
Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXIe
siècle : Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, Collections du CEIPI,
Litec, 2010
- Vivant P. :
- Le risque de confusion : une notion inhérente à la contrefaçon de marque ?, Gaz.
Pal., nov 2008, n° 311, p. 18
- Marque notoire et marque renommée : une distinction à opérer, JCP E 2008, n° 30,
1968
- Yebdri A. :
Appréciation comparée du risque de confusion des marques dans la jurisprudence
française et communautaire, Gaz. Pal., oct. 2007, n° 293, p. 2
332
Publicité et droit des marques
● Notes, observations et commentaires :
- Auroux J.-B. :
obs. Sous CA Aix en Provence, 2e ch., 6 déc. 2007 : RLDI 2008/34, n° 1137
- Biolay J.-J :
- note sous TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 3 sept. 2004 : Gaz. Pal. 2005, n° 314, p. 26
- note sous CA Paris, 4e ch., 18 janv. 2002, NRJ c/ Europe 1 : Gaz. Pal., sept. 2002,
n° 271, p. 28
- Bonet G. :
- ét. sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google : Comm. com. électr.
2010, étude 12
- obs. sous CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC : Propr. intell. 2003, n° 7
- Bosco D. :
comm. sous Aut. conc., avis n° 10-A-29, 14 déc. 2010 sur le fonctionnement
concurrentiel de la publicité en ligne : Contr. conc. conso. 2011, n° 2, comm. 36
- Bouzat :
Obs. sous TGI Paris, 1è ch. Civ., 8 janv. 1992, Conseil national de l'ordre des
pharmaciens c/ Leclerc : RTD com. 1992, n° 2, p. 495
333
Publicité et droit des marques
- Caron Ch.:
- comm. sous CA Paris, pôle 5, ch. 2, 19 nov. 2010, n° 08/00620 SARL Google
France c/ Syndicat Français de la Literie : comm. com. électr. 2011, comm. 52
- comm. sous Cass. com. 13 juill. 2010, n° 08-13.944, Google c/ Gifam ; n° 0615.136, Eurochallenges ; n° 06-20.230, Louis Vuitton ; n° 05-14.331, Bourse de Vol : JCP E
2010, note 1961 ; Comm. com. électr. 2010, comm. 93 ; JCP E, nov. 2010, n° 44, comm.
1961
- comm. sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google : Comm. com.
électr. 2010, n° 7, comm. 70
- comm. sous CJCE, 12 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : Comm. com. électr. 2009,
n° 12, comm. 111
- comm. sous CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 : Comm. com. électr. 2008, n°
12, comm. 132
- comm. sous Cass. com., 20 mai 2008, n° 06-15.136, Google c/ CNNRH : Comm.
com. électr. 2009, n° 1, comm. 4
- comm. sous Cass. 1re civ., 8 avr. 2008, n° 07-11.251 : Comm. com. électr. n° 6, juin
2008, comm. 77
- comm. sous Cass. com., 19 sept. 2006, n° 04-13.871 : Comm. com. électr. 2007, n°
2, comm. 21
- comm. sous TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 9 juill. 2004, SA Sté des participations du
commissariat à l'énergie atomique c/ Greenpeace : Comm. com. électr. n° 10, oct. 2004,
comm. 110
- Cas G. :
note sous Cass. Com., 22 juill. 1986: D. 1986, jurispr. p. 436
334
Publicité et droit des marques
- Castetsrenard C. :
note sous CJCE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, Ebay : RLDI 2011/74, n° 2460
- Coste L. et Auroux J.-B. :
note sous TGI Lyon, 13 mars 2008, : RLDI 2008, n° 1134
- de Candé P. :
note sous CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC : D. 2003, 755
- Debet A. :
comm. sous Concl. av. gén. M. Niilo Jääskinen, 9 déc. 2010, aff. C-324/09, eBay :
Comm. Com. électr. 2011, n° 3, comm. 23
- Faye B.:
ét. sous CA Versailles, 2 nov. 2006 : Propr. industr. 2007, n° 4, ét. 11
- Folliard-Monguiral A. :
- comm. sous CJCE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, Ebay : Propr. industr. 2011, n° 10,
comm. 71
- comm. sous CJUE, 8 juill. 2010, aff. C-558/08, Portakabin : Propr. industr. 2010, n°
10, comm. 64, A. Folliard-Monguiral
- comm. sous CJUE 25 mars 2010, aff. C-278/08, Die BergSpechte : Propr. industr.
2010, n° 6, comm. 39
- comm. sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google ; Propr. Indust.
335
Publicité et droit des marques
2010, n° 6, comm. 38
- comm. sous CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : Propr. Indust. 2009, n° 9,
comm. 51
- comm. sous CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings : Propr. industr. 2008,
n°9, comm. 61
- comm. sous CJCE, 17 avr. 2008, aff. C-108/07 : Propr. industr. 2008, n° 6, comm.
40
- comm. sous CJCE, 25 nov. 2007, aff. C-48/05, Adam Opel : Propr. industr. 2007, n°
3, comm. 18
- comm. sous CJCE, 17 mars 2005, aff. C-228/03, Gillette : Propr. industr. 2005, n° 5,
comm. 37
- Fourgoux J.-C. :
note sous CA Bordeaux, 3 mars 1971: Gaz. Pal. 1971, 2, jurispr. p.398
- Grynbaum L. :
- note sous CJCE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, Ebay : RLDI 2011/74, n° 2459
- note sous - TGI Paris, 3e ch. 2è sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google : Comm. com.
électr. 2006, n° 10, comm. 144
- Hoffman P. :
comm. sous CA Paris, 3 mai 2006, Gaz. Pal., n° 355, p. 40
336
Publicité et droit des marques
- Humblot B. :
comm. sous CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : RLDI 10/2009, comm.
1749
- Idot L. :
- comm. sous CJUE, 8 juill. 2010, aff. C-558/08, Portakabin : Europe 2010, n° 10,
comm. 340
- comm. sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google; Europe 2010,
comm. 181
- comm. sous CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal SA : Europe 2009, n°8,
comm. 330
- comm. sous CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings : Europe 2008, comm.
231
- Larrieu J. :
- comm. sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google : Propr.
Industr. 2010, n° 6, comm. 45
- comm. sous T. com. Paris, 15e ch., 23 oct. 2008, Cobrason c/ Google : Propr.
Indust. 2009, n°1, comm. 8
- Luby M. :
note sous CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC : RTD Com. 2003, p. 415
337
Publicité et droit des marques
- Malaurie-Vignal :
- comm. sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google : Cont. Conc.
Conso. 2010, n°5, comm. 132
- comm. sous Cass. com., 27 janv. 2009, n° 07-15.971 : Contr. conc. conso. 2009, n°
3, comm. 78
- comm. sous Cass. com., 20 mai 2008, n° 06-15.136, n° 05-14.331, n° 06-20.230,
Google : Contr. conc. Conso. 2008, n° 7, comm. 197
- comm. sous Cass. com., 12 févr. 2008, Sté Yoplait c/ Sté La Fermière : Contr. conc.
conso. 2008, n° 4, comm. 103
- comm. sous Cass. civ. 1, 31 oct. 2006, Sté Thiers Distribution c/ Sté Lidl : Contr.
conc. conso. 2007, n° 1, comm. 32
- Marino L. :
- note sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google : JCP G 2010, note
642
- note sous CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : JCP G 2009, note 180
- Picod F. :
- note sous CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : JCP G 2009, note 108
- note sous Cass. com., 12 févr. 2008, Sté Yoplait c/ Sté La Fermière : D. 2008, p.
2573
- Raymond G. :
- comm. sous TI Poitiers, 20 juin 2008, James G. c/ Gaz de France : Contr. conc.
conso. 2008, n° 8, comm. 215
338
Publicité et droit des marques
- comm. sous CJCE, 19 avr. 2007, aff. C-381-05, De Landtsheer : Contr. Conc.
Conso. 2007, n° 6, comm. 161
- comm. sous CJCE, 19 sept. 2006, C-356/04, Lidl : Contr. conc. conso. 2006, n° 11,
comm. 240
- comm. sous CA Versailles, 27 juin 2002: Contrats, Conc., Consom. 2003, comm.
n°65
- Roques S. :
note sous CJCE 20 mars 2003, aff. C-291/00, LTJ Diffusion : Gaz. pal., juin 2003, n°
175, p. 23
- Staeffen V. et Dulucenay J. :
note sous CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings : Gaz. Pal. 2008, n° 341
- Stoffel-Munck Ph. :
note sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google : Comm. com. électr.
2010, n° 9, comm. 88
- Tardieu-Guigues E. :
ét. sous TGI Paris, 3e ch., 2e section, 4 févr. 2005, Louis Vuitton Malletier c/ Google
: Propr. indust. 2005, ét. 21
- Tréfigny P. :
- comm. sous TGI Paris, 3e ch., 3e sect., Syndicat français de la Literie c/ Google :
Propr. 2008, n° 2, comm. 11
339
Publicité et droit des marques
- comm. sous TGI Strasbourg, 1e ch. Civ., 20 juill. 2007, Sté Atrya c/ Google : Propr.
indust. 2007, n°11, comm. 87
- obs. sous TGI Paris, 3e ch., 13 févr. 2007, Laurent C. c/ sté Google France : Propr.
industr. 2007, n° 4, comm. 32
- comm. sous TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google : Propr.
industr. 2006, n° 10, comm. 73
- obs. sous TGI Nanterre, 1re ch., 2 mars 2006, Sté Hôtels Méridien c/ Sté Google
France : Propr. industr. 2006, n° 5, comm. 46
- comm. sous TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 8 déc. 2005, Sté Kertel c/ Sté Google :
Propr. industr. 2006, n° 3, comm. 24
- comm. sous TGI Nanterre, 2e ch., 14 déc. 2004, Sté CNRRH c/ Google : Propr.
indust. 2005, n°4, comm. 26
● Sites Internet :
- www.arpp-pub.org
- www.autoritedelaconcurrence.fr
- www.eur-lex.europa.eu
- www.legalis.fr
- www.legifrance.org
- www.saatchi-ch.com
- www.wipo.int
340
Publicité et droit des marques
Index
Les nombres renvoient aux numéros de paragraphes
- communication commerciale (dans le
-A-
cadre de sa propre) …............... 491s, 498, 664
- actif
- contrat de marque........................... 138, 234
- immatériel................................ 33, 58, 95
- net.................................................. 74, 82
- corporations................................. 7, 259, 276
- algorithme de classement (référencement
sur internet)....................................... 425, 438
-D-
- amortissement...................................... 103s
- dénigrement.............................543, 553, 558,
560, 564, 572, 574
- annuaire en ligne................................... 424
- détournement de clientèle........ 443, 445, 447
-C-
- dimension cognitive/dimension conative
(de la publicité)........................................ 186
- changement de nom de marque
(cautionnement, simplification de l'identité
- discrédit............................. 444, 558, 564, 640
nominale, substitution)........................... 221s
- display.............................. 419, 424, 430, 432s
- charte graphique.................................... 280
- distribution...................................... 173, 261
- communication médias/hors-médias..... 156
- droit de propriété..................... 551, 660, 672
- coût par clic (CPC)......................... 426, 508
341
Publicité et droit des marques
- incorporel (élément).................. 1, 35, 64, 86,
-E-
96, 98s, 103, 667
- enregistrement de la marque...........100, 300
- indispensabilité.............................. 619, 642s
- équivalence des caractéristiques des
- industrialisation................... 10, 174, 250, 283
produits......................................595, 605s, 655
- intermédiaire technique................. 468, 508s
- erreur (induire les consommateurs
en)............................... 288, 441, 444s, 447, 459,
484, 544, 557, 594s, 659
-L-F-
- label.................................... 31, 274, 281, 289
- leviers du capital marque.......... 42, 62, 105s,
- fonction sociale de la marque............ 3, 376
136, 146, 667
- fidélisation.................... 47, 137, 140, 145, 189
- logo............ 14, 27, 98, 174, 222, 226, 234s, 249,
263, 278, 280, 283, 312, 326, 346, 629
-H-M- hard discount............................3, 24, 49, 343
- marge (des distributeurs)..........356, 364, 367
-I-
- marquage (pratique du)............ 7s, 243, 247s,
251s, 275
- immobilisation.................................98s, 103
- marque
- impliquant (achat, produit)........... 11, 21, 24,
- de distributeurs................... 3, 24, 49, 266,
112, 135, 162, 186, 267, 342, 347, 354, 368
340, 362, 365s
- renommée............. 109, 475, 494s, 602, 607
342
Publicité et droit des marques
- médicaments :
-P-
- médicament générique........604, 608, 635,
646s, 650s, 654s, 661
- parasitisme........... 531, 543, 594, 602, 608, 651
- médicament princeps............... 604, 608s,
647, 650s
- personnalité de la marque...... 9, 74, 123, 224,
231, 237, 368
- méta-tag.................................................315
- place de marché en ligne................ 499, 502,
- mondialisation..........................271, 283, 363
520, 528
- multiples (méthode des)..................... 73, 81
- plus-value.............. 1, 9, 35, 58, 62, 65, 69s, 86,
136, 336, 355, 358, 374, 667
-N-
- présomption de risque de
confusion....................................322, 326, 402
- nom de domaine....................... 315, 447, 481
- prime de marque.............. 36, 76, 91, 267, 361
- principe de spécialité......... 474, 476, 478, 481
-O-
- principe de prudence comptable.........86, 97
- objectivité (de la comparaison)........29, 128,
142s, 187s, 192, 194, 206, 224, 231, 343, 550, 556,
- propagande.................... 54, 58, 153, 159, 168s
659, 667
- protection absolue de la marque.... 291, 307,
- objet spécifique du droit de
309, 314, 322
marque....................................... 294s, 299, 302
- psychologie (de la publicité)......... 11s, 154s,
- optimisme de la publicité.......... 20, 148, 158,
160, 163, 178, 187, 191
179s, 195
- publicité
- publicité connotative/dénotative.......162
- publicité persuasive.......................... 185
343
Publicité et droit des marques
- rôle technique, passif et neutre (de
-Q-
l'hébergeur)............. 428, 510, 516, 518, 527, 664
- rôle social de la marque.... 3, 24, 28, 128, 151,
- qualité perçue.......................31, 66, 128s, 134
192s, 197s, 283, 349, 353
-R-
-S-
- réclame.................. 11, 148, 154, 163, 166, 168,
- société de consommation................ 264, 267
170, 172, 174, 176, 178, 182
- style de vie de la marque.................123, 197
- résultats naturels (moteur de
recherche).....................412, 416, 424s, 440, 460
-U-
- révolution industrielle.................7, 173, 250,
262, 272
- usage à titre de marque, en tant que
- risque
marque............. 312, 314, 315, 326, 474, 478, 498
- risque physique, psychologique ou
social.............................................. 31, 46, 342
- risque social................................. 24, 351
-V-
- risque perçu.................... 31, 46, 339s, 352
- vision de la marque............182, 193, 213, 224
344
Publicité et droit des marques
Table des matières
Remerciements.......................................................................................................................... 1
Sommaire ..................................................................................................................................2
Liste des principales abréviation................................................................................................3
Introduction............................................................................................................................5
I- La marque et la publicité........................................................................................................7
A- Définitions.......................................................................................................................7
B- Deux éléments indissociables........................................................................................10
II- La marque, un élément utile aux consommateurs mais au service de l'entreprise..............11
A- Le consommateur, cible de la communication de la marque........................................ 12
1°- Quel consommateur ?................................................................................................ 12
a) La notion de consommateur moyen.......................................................................... 13
b) Un individu : plusieurs consommateurs....................................................................15
2°- Le rôle de la marque et l'influence de sa communication sur le consommateur....... 16
a) La persuasion.............................................................................................................16
b) La création d'une relation de confiance.................................................................... 17
B- L'entreprise, véritable bénéficiaire de la communication de la marque........................ 19
1°- La marque : une valeur de l'entreprise....................................................................... 19
a) Un élément incorporel source de valeur.................................................................... 19
b) Des fonctions de la marque au service de l'entreprise.............................................. 21
2°- Une valeur accrue par la communication de l'entreprise........................................... 23
III- Publicité et marques, une relation ambiguë ?................................................................... 25
A- La publicité, un allié de la marque... …........................................................................25
B- … qui lui cause parfois du tort...................................................................................... 27
345
Publicité et droit des marques
Première partie
Les synergies entre les marques et la publicité.................................................32
Titre 1. La publicité : Un instrument utile aux marques........................... 35
Chapitre 1. La marque : Un actif de l'entreprise créé par la publicité............................38
Section 1. La notion de capital marque.................................................................................39
§1 Une valeur ajoutée pour l'entreprise..............................................................................40
A- La valeur de la marque...............................................................................................41
1) La valeur financière..................................................................................................41
2) La valeur commerciale..............................................................................................43
B- Une valeur quantifiable...............................................................................................44
1) Le goodwill................................................................................................................45
2) Une ou plusieurs valeurs ?........................................................................................46
§2 L'évaluation et la comptabilisation du capital marque..................................................47
A- L'évaluation................................................................................................................47
B- La comptabilisation....................................................................................................50
1) Les marques créées...................................................................................................51
2) Les marques acquises...............................................................................................52
Section 2. Les indicateurs du capital marque........................................................................54
§1 La notoriété et l'image...................................................................................................55
A- La notoriété.................................................................................................................56
1) Les différents niveaux de notoriété............................................................................56
2) L'intérêt de la notoriété.............................................................................................58
3) Comment développer la notoriété.............................................................................59
B- l'image.........................................................................................................................60
1) Définition...................................................................................................................60
2) Le rôle de l'image......................................................................................................62
§2 Les autres indicateurs....................................................................................................63
A- La notion de capital client...........................................................................................64
B- La fidélité à la marque................................................................................................66
1) La notion de fidélité à la marque..............................................................................66
2) La lovemark...............................................................................................................68
346
Publicité et droit des marques
Chapitre 2. La publicité : Un outil au service de cet actif............................................... 71
Section 1. Un outil de communication..................................................................................72
§1 Définition et évolution de la publicité...........................................................................72
A- Définition....................................................................................................................73
1) Qu'est-ce que la publicité?........................................................................................73
2) Le mode opératoire de la publicité............................................................................75
B- Histoire de la publicité................................................................................................77
1) Les prémices de la publicité ….................................................................................77
2) De l'ère de la réclame à la publicité..........................................................................79
3) L'avènement de la publicité moderne........................................................................81
§2 Un moyen d'information mais pas seulement................................................................83
A- Un moyen d'information et de persuasion...................................................................83
B- La création d'un imaginaire autour de la marque........................................................86
Section 2. Une finalité économique......................................................................................89
§1 Le positionnement et le développement économique de la marque..............................90
A- Le positionnement.......................................................................................................91
1) Définition..................................................................................................................91
2) Le rôle joué par la publicité......................................................................................92
B- La nécessité de communiquer sur la vie et l'évolution de la marque..........................93
1) Le renouvellement de la marque................................................................................94
2) Le changement de nom de la marque........................................................................96
3) L'extension de la marque...........................................................................................97
§2 L'élaboration de l'identité de la marque.........................................................................98
A- Qu'est ce que l'identité de la marque?.........................................................................99
1) Définition...................................................................................................................99
2) Le rôle de l'identité de la marque............................................................................100
B- Comment la publicité crée et entretient l'identité de la marque................................101
Titre 2. La reconnaissance de la fonction publicitaire de la
marque par le droit.....................................................................................................104
Chapitre 1. La fonction de garantie d'origine : pendant longtemps la seule
fonction reconnue par le droit........................................................................................... 107
347
Publicité et droit des marques
Section 1. Les fonctions historiques................................................................................... 108
§1 Histoire des utilités de la marque.................................................................................108
A- Les premières traces des marques.............................................................................109
B- La marque de la révolution industrielle à nos jours.................................................. 112
§2 La fonction distinctive de la marque........................................................................... 116
A- La fonction d'identification et d'indication de provenance....................................... 116
B- L'indication d'origine : une fonction importante pour le consommateur...................119
1) L'intérêt pour le consommateur............................................................................... 120
2) Les appellations d'origine : un indice de l'importance accordée par le
consommateur à l'origine des produits................................................................................. 121
Section 2. La fonction juridique de garantie d'identité d'origine........................................124
§1 La reconnaissance de la fonction de garantie d'identité d'origine...............................125
A-Le premier objet reconnu au droit de marque : la réservation de l'usage...................125
B- La prééminence de la fonction de garantie de provenance........................................127
§2 La mise en jeu de cette fonction ….............................................................................130
A- Les conditions de l'atteinte au droit des marques......................................................132
1) Les conditions communes aux articles 5, §1, a), et b), de la directive
2008/95..................................................................................................................................132
2) Le risque de confusion de l'article 5, §1, b)............................................................ 135
B- Une nécessaire atteinte à la fonction essentielle de la marque..................................139
Chapitre 2. La reconnaissance d'autres fonctions telles que celles de
communication, d'investissement et de publicité........................................................... 142
Section 1. Les utilités reconnues par les différents acteurs de la vie économique............. 143
§1 Les utilités du point de vue des consommateurs..........................................................144
A- Les fonctions de garantie et de simplification...........................................................144
1) La fonction de garantie de qualité...........................................................................145
2) La fonction de simplification...................................................................................147
B- La fonction d'identification et de valorisation...........................................................148
§2 Les utilités du point de vue des producteurs et des distributeurs................................151
A- L'intérêt pour le producteur : la valeur ajoutée par la marque..................................152
B- L'intérêt pour le distributeur......................................................................................153
1) Les grandes marques …..........................................................................................153
348
Publicité et droit des marques
2) Les marques de distributeurs (MDD).....................................................................154
Section 2. Les fonctions nouvellement reconnues par le droit...........................................156
§1 D'autres fonctions que la fonction essentielle.............................................................157
A- L'existence d'autres fonctions...................................................................................158
B- Des fonctions importantes mais pourtant négligées.................................................160
§2 Les apports de l'arrêt L'Oréal.......................................................................................162
A- L'arrêt........................................................................................................................162
B- Les incidences de cet arrêt........................................................................................166
1) Les fonctions reconnues par la CJCE....................................................................166
2) Les impacts de cette jurisprudence.........................................................................170
Conclusion de la première partie...........................................................................................173
Seconde partie :
Des usages problématiques..................................................................................... 175
Titre 1. Le référencement payant sur internet.............................................178
Chapitre1. Les problèmes soulevés par le référencement payant sur Internet............ 181
Section 1. L'avis n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 de l'Autorité de la concurrence.........182
§1 Les moteurs de recherche : un outil de communication en ligne................................183
A- Les contours de la publicité en ligne.........................................................................184
B-Le fonctionnement du référencement payant.............................................................185
§2 Le marché du référencement sur Internet....................................................................188
A-Le search : un marché pertinent................................................................................188
B- Google en situation de position dominante..............................................................190
Section 2. L'usage indu de mots clés correspondant à des marques par
les annonceurs....................................................................................................................... 193
§1 Les terrains de condamnation de l'annonceur avant l'arrêt Google.............................194
A- Les terrains de la concurrence déloyale et des pratiques commerciales
trompeuses.............................................................................................................................194
B- Le terrain de la contrefaçon......................................................................................197
§2 L'usage par l'annonceur de mots clés correspondant à des marques : un acte
constitutif de contrefaçon pour la CJUE............................................................................... 199
A- La responsabilité de l'annonceur engagée au titre de la contrefaçon........................ 199
349
Publicité et droit des marques
B- Les arrêts Die BergSpechte et Portakabin de la CJUE..............................................204
Chapitre 2. La question de la responsabilité des prestataires de service
de référencement payant.................................................................................................... 208
Section 1. Un usage non constitutif de contrefaçon............................................................209
§1 Avant l'arrêt Google : de nombreuses condamnations des moteurs de recherche.......210
A- Des condamnations sur le fondement de la contrefaçon...........................................210
B- Des condamnations sur les terrains de la concurrence déloyale et
des pratiques commerciales trompeuses............................................................................... 214
§2 Le rejet par la CJUE de la condamnation pour contrefaçon des moteurs de
recherche................................................................................................................................218
A- L'usage de la marque par Google : un acte non contrefaisant...................................218
1) La relation entre la notion d'usage d'une marque et la finalité de
communication.......................................................................................................................218
2) La question des marques renommées...................................................................... 220
B- Observations............................................................................................................. 221
1) Observations quant au refus de condamnation de la complicité
de contrefaçon....................................................................................................................... 221
2) L'usage du signe dans le cadre de quelle communication commerciale ?.............. 223
Section 2. Le bénéfice du statut d'hébergeur ?....................................................................226
§1 Une décision très avantageuse pour les prestataires de service de
référencement payant............................................................................................................ 226
A- Avant l'arrêt Google : le refus majoritaire d'accorder le bénéfice du régime
des hébergeurs aux moteurs de recherche............................................................................. 227
B- La reconnaissance du bénéfice du régime dérogatoire des hébergeurs.....................230
§2 La portée de l'arrêt Google.......................................................................................... 233
A- Un système de publicité préféré au titulaire de la marque …...................................234
1) S'agissant de la neutralité de Google......................................................................234
2) L'absence d'une obligation générale de surveillance et la prise de
connaissance de l'illicéité des données stockées...................................................................237
B- Une position suivie....................................................................................................240
350
Publicité et droit des marques
Titre 2. La publicité comparative........................................................................ 245
Chapitre 1. Un assouplissement des conditions de licéité dans le but de
favoriser la publicité comparative.................................................................................... 248
Section 1. Présentation de la publicité comparative en Europe.......................................... 249
§1 L'avènement de la publicité comparative.................................................................... 250
A- L'historique............................................................................................................... 250
1) En France................................................................................................................ 250
2) En Europe................................................................................................................ 252
B- Le débat sur l'utilité de la publicité comparative...................................................... 253
1) Les motivations........................................................................................................253
2) Les craintes..............................................................................................................254
§2 L'usage de la publicité comparative............................................................................ 256
A- Le régime juridique...................................................................................................257
1) Le domaine de la publicité comparative................................................................. 257
2) Les conditions de licéité de la comparaison........................................................... 258
B- Un outil au service de la concurrence....................................................................... 260
1) Un outil intéressant mais qui suscite peu d'engouement.........................................261
2) Un outil à manier avec précaution..........................................................................262
Section 2. Précisions quant à la cible de la comparaison....................................................265
§1 La référence au concurrent.......................................................................................... 266
A- Un concurrent identifié ou identifiable..................................................................... 266
1) Une comparaison au concurrent............................................................................. 267
2) Un concurrent visé pouvant être reconnu................................................................268
B- Un produit concurrent identifiable............................................................................ 270
1) L'absence de citation du produit concurrent........................................................... 270
2) L'identification implicite du produit concurrent......................................................271
§2 La référence à l'appellation d'origine...........................................................................273
A-Le principe de la protection de l'appellation d'origine...............................................274
1) Les textes affirmant la protection des appellations d'origine................................. 274
2) La volonté d'une protection renforcée..................................................................... 275
B- L'interprétation extensive de la CJCE....................................................................... 276
1) L'affaire De Landtsheer........................................................................................... 276
351
Publicité et droit des marques
2) La position de la CJCE........................................................................................... 277
Chapitre 2. Une évolution au détriment des droits exclusifs conférés
par la marque....................................................................................................................... 280
Section 1. Des remparts illusoires.......................................................................................281
§1 Le premier rempart : l'interdiction de tirer indûment profit de la marque d'autrui..... 282
A- Le principe de l'interdiction du profit indu............................................................... 282
B- Les interprétations jurisprudentielles........................................................................284
1) La jurisprudence communautaire............................................................................285
2) L'arrêt Deroxat........................................................................................................ 287
§2 Le second rempart : l'absence de risque de confusion.................................................288
A- La condition de l'absence de confusion : un critère commun au droit des
marques et à la publicité comparative................................................................................... 288
B- Articulation des directives 84/450 et 89/104........................................................... 290
1) La question soulevée par la Court of Appeal.......................................................... 290
2) L'analyse de la relation entre les deux directives par la CJCE...............................292
Section 2. Des brèches réelles.............................................................................................294
§1 L'usage de la marque d'autrui...................................................................................... 294
A- Une exception à l'interdiction de reproduction.........................................................295
B- La référence nécessaire à la marque d'autrui............................................................ 297
1) L'émergence du critère de nécessité en matière de publicité comparative............. 298
2) Des réserves latentes quant au critère de nécessité................................................ 300
a) L'arrêt Pippig.............................................................................................................300
b) L'arrêt O2 Holdings.....................................................................................................301
§2 Une brèche ouverte au nom d'intérêts supérieurs........................................................ 304
A- L'accès aux soins.......................................................................................................305
1) La publicité comparative et les médicaments..........................................................305
2) L'arrêt Deroxat........................................................................................................ 307
B- La protection de la concurrence et du consommateur............................................... 309
1) L'information du consommateur et la stimulation de la concurrence.....................309
2) ...au détriment du droit des marques....................................................................... 311
Conclusion de la seconde partie............................................................................................ 313
352
Publicité et droit des marques
Conclusion générale.............................................................................................................. 315
Bibliographie.........................................................................................................................320
Index......................................................................................................................................341
Table des matières................................................................................................................. 345
353