L`Université n`entend donner aucune approbation ni
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L'Université n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. Publicité et droit des marques Remerciements Je souhaiterais remercier en premier lieu mon directeur de recherches, Monsieur le Professeur Jacques LARRIEU, pour ses précieux conseils ainsi que pour sa disponibilité et son accompagnement. Je souhaiterais aussi remercier Madame Élisabeth TARDIEUGUIGUES, Madame Pascale TRÉFIGNY-GOY et Madame le Professeur Francine MACORIG-VENIER pour avoir bien voulu faire partie de mon jury de thèse. Ma reconnaissance va aussi vers Monsieur Stéphane MAGNE pour les bons conseils qu'il m'a donnés dans un domaine que je connaissais peu, le marketing. Je remercie tout particulièrement ma mère pour ses relectures et ses remarques pertinentes. Enfin, je souhaiterais remercier l'ensemble des collaborateurs des cabinets KPMG et FIDAL Brive pour m'avoir accueillie tout au long de mes années d'études ainsi que pour leur aide spontanée dans mon travail de recherche. 1 Publicité et droit des marques Sommaire Introduction............................................................................................................................5 Première partie : Les synergies entre les marques et la publicité........................................................... 32 Titre 1. La publicité : un instrument utile aux marques................................................... 35 Chapitre 1. La marque : un actif de l'entreprise créé par la publicité.............................................. 38 Chapitre 2. La publicité : un outil au service de cet actif............................................................... 71 Titre 2. La reconnaissance de la fonction publicitaire de la marque par le droit..........104 Chapitre 1. La fonction de garantie d'identité d'origine : pendant longtemps la seule fonction reconnue par le droit................................................................................................... 107 Chapitre 2. La reconnaissance d'autres fonctions telles que celles de communication, d'investissement et de publicité................................................................................................. 142 Seconde partie : Des usages problématiques........................................................................................ 175 Titre 1. Le référencement payant sur Internet................................................................. 178 Chapitre 1. Les problèmes soulevés par le référencement payant sur Internet............................... 181 Chapitre 2. La question de la responsabilité des prestataires de service de référencement payant............................................................................................................... 208 Titre 2. La publicité comparative...................................................................................... 245 Chapitre 1. Un assouplissement des conditions de licéité dans le but de favoriser la publicité comparative............................................................................................................... 248 Chapitre 2. Une évolution au détriment des droits exclusifs conférés par la marque...................... 280 Conclusion générale.........................................................................................................315 2 Publicité et droit des marques Table des principales abréviations al. : alinéa aff. : affaire AOC : appellation d'origine contrôlée AOP : appellation d'origine protégée Bull. civ. : Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation c/ : contre CA : cour d'appel Cass. civ. : arrêt d'une chambre civile de la Cour de cassation Cass. com. : arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation CE : Conseil d'État cf. : conférer chron. : chronique CJCE : Cour de justice des communautés européennes CJUE : Cour de justice de l'Union Européenne coll. : collection comm. : commentaire Comm. com. électr. : revue Communication et commerce électronique Contr. conc. conso. : revue Contrats concurrence consommation D. : Recueil Dalloz éd. : édition et s. : et suivantes fasc. : fascicule Gaz. Pal. : Gazette du Palais ibid. : ibidem (au même endroit) IGP : indication géographique protégée INPI : Institut national de la propriété industrielle J.-Cl. : Jurisclasseur JCP E : Semaine juridique édition entreprises JCP G : Semaine juridique édition générale 3 Publicité et droit des marques JO : Journal officiel JOUE : Journal officiel de l'Union européenne LPA : Les Petites Affiches n° : numéro obs. : observations OHMI : Office de l'harmonisation dans le marché intérieur op. cit. : Opere citato, cité précédemment p. : page Propr. industr. : revue Propriété industrielle Propr. intell. : revue Propriétés intellectuelles Rec. : Recueil de la jurisprudence de la Cour de justice Rép. Com. Dalloz : Répertoire commercial Dalloz Rev. Lamy dr. Aff. : Revue Lamy droit des affaires RJDA : Revue de jurisprudence de droit des affaires RLC : Revue Lamy de la concurrence RLDI : Revue Lamy droit de l'immatériel RTD com. : Revue trimestrielle de droit commercial s. : et suivant(s) suppl. : supplément T. com : tribunal de commerce TGI : tribunal de grande instance TI : tribunal d'instance 4 Publicité et droit des marques INTRODUCTION 5 Publicité et droit des marques 1. « On peut considérer la marque comme la principale raison d'être de l'entreprise moderne, et la publicité comme l'un des véhicules de cette raison d'être dans le monde » a écrit l'auteur de No Logo1. En effet, la marque, élément incorporel de l'entreprise, ne saurait parvenir à constituer pour cette dernière une grande source de valeur, voire son actif le plus important, sans l'aide de la publicité. C'est la communication autour de la marque qui lui permet de devenir ce que l'on appelle une marque forte, une marque susceptible d'attirer les consommateurs et de générer ainsi une plus-value pour l'entreprise qui en est titulaire. 2. La marque, autant que la publicité, a spectaculairement évolué depuis sa première apparition. Aucune des deux n'avait à l'origine de vocation mercantile. Pourtant, aujourd'hui, elles sont devenues des instruments marketing qui ont pour objet la séduction des consommateurs et ainsi le profit (du moins s'agissant de la publicité commerciale). Ainsi, la marque doit parvenir à obtenir la préférence des consommateurs et elle ne saurait y arriver sans la publicité qui entretient sa notoriété, met les qualités de ses produits en valeur mais aussi lui construit une image. 3. Malgré la montée en puissance des marques de distributeurs (MDD)2 et du « hard discount », la marque conserve toute son importance dans notre société. Tout d'abord, elle rassure le consommateur en constituant à ses yeux un gage de qualité mais aussi une garantie quant à l'origine des produits. En outre, elle remplit une fonction sociale notamment en ce qu'elle permet au consommateur de signifier grâce à elle, volontairement ou non, le groupe social (ou la tendance pour les plus jeunes) auquel il entend se rattacher mais aussi d'indiquer qu'il partage ses valeurs. La marque n'est pas seulement composée d'éléments tangibles : elle comprend des « dimensions symboliques »3. Elle a une image qui est constituée à partir de sa réputation, des valeurs qu'elle véhicule, de son univers. Ces éléments ne pourraient être matérialisés sans la publicité. C'est cette dernière qui guide les perceptions que nous avons d'une marque, qui construit son histoire et son univers et donc la marque elle-même. En effet, la marque est davantage qu'un signe apposé sur un produit ayant pour fonction d'indiquer au 1 N. Klein, No Logo, J'ai lu, coll. J'ai lu essai, 2007, p. 29 2 Une marque de distributeurs est une marque propre à une enseigne et dont les produits sont exclusivement vendus dans celle-ci 3 C. Lai, La marque, Dunod, Coll. Les topos, 2e éd., p. 19 6 Publicité et droit des marques consommateur son origine ; souvent ce n'est pas le produit que le client achète mais la marque elle-même. Sans la publicité, la marque ne serait qu'un nom. C'est pourquoi il est nécessaire de ne pas négliger le rôle de la communication de la marque, qui, autant que la qualité des produits ou des services, permettra de séduire et de fidéliser les consommateurs. 4. Il convient donc de définir ces deux notions de marque et de publicité, notamment afin de pouvoir constater l'importance du lien qui les unit (I). On est ensuite conduit tout naturellement à s'intéresser à leur rôle dans l'entreprise (II), ce qui nous amène à conclure que la relation entre ces deux instruments n'est pas sans ambiguïté (III). I. La marque et la publicité 5. La marque qui est un actif de l'entreprise ne saurait prendre toute sa puissance sans l'aide de la publicité. Les définitions de ces notions (A) vont nous permettre de mieux saisir les raisons pour lesquelles ces deux outils du commerce sont indissociables (B). A- Définitions ► La marque : 6. La marque est traditionnellement définie comme un signe ou un nom apposé sur un produit et ayant pour objet d'identifier et de distinguer les produits ou services proposés par une entreprise de ceux de la concurrence4. La marque telle que nous la connaissons ne doit pas être réduite à cette simple définition car elle est bien davantage : elle est un condensé de sa réputation, de son histoire mais aussi des valeurs qu'elle véhicule. 4 J. Azéma et J.-Ch. Galloux, Droit de la propriété industrielle, Dalloz, coll. Précis Dalloz, 6e éd., p. 743 ; J. Schmidt-Szalewski et J.-L. Pierre, Droit de la propriété industrielle, Litec, coll. Manuels, 4e éd., p. 193 ; C. Bernault et J.-P. Clavier, Dictionnaire de droit de la propriété intellectuelle, Ellipses, coll. Dictionnaires de Droit, 2008, p. 254 7 Publicité et droit des marques 7. La pratique du marquage existe depuis des millénaires. Déjà, dans l'Antiquité, les artisans apposaient leur signature sur les poteries. Cette pratique, quelque peu tombée en désuétude au Moyen-Âge, retrouva une certaine place avec les corporations de l'Ancien Régime. Le marquage attestait alors que les produits qui en étaient revêtus avaient bien été conçus dans le respect du règlement de l'organisation professionnelle. C'est avec la révolution industrielle que les marques individuelles commencèrent à se développer. La production de masse rendit en effet les produits uniformes et il fallut alors les différencier. En outre, la disponibilité de biens produits par des entreprises plus ou moins lointaines eut pour conséquence de rendre les marques nécessaires afin d'indiquer l'origine des produits. 8. La fonction distinctive de la marque a toujours existé. En effet, dès l'Antiquité, la pratique du marquage avait pour objet d'indiquer l'origine du bien et de distinguer les produits les uns des autres. De nos jours, cette fonction est reconnue tant par le marketing que par le droit. Ainsi, l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que la marque est un signe « servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale ». 9. Pour autant, bien que cette fonction distinctive de la marque soit très importante et permette de définir la marque par son objet, il ne faut pas résumer la marque à cette seule fonction. En effet, la marque est devenue bien plus qu'un simple signe distinctif. Ainsi, aujourd'hui, les marques ne constituent plus seulement de simples noms ou signes apposés sur des produits. Elles sont devenues des symboles en ce qu'elles reflètent des valeurs, une histoire, un mode de vie. Elles ont en quelque sorte une personnalité qui leur est propre, du moins une identité et une image. Ainsi, la marque est davantage qu'un signe distinctif ; elle est un instrument marketing qui est source de valeur et de richesse pour l'entreprise. En effet, la marque permet de vendre mieux et plus cher les produits qui en sont revêtus car c'est souvent la marque et non les produits eux-mêmes que les consommateurs achètent en réalité. En outre, la marque peut constituer l'actif le plus important d'une société et engendrer ainsi une importante plus-value. C'est la publicité, en créant un univers autour de la marque et en développant sa notoriété, qui la valorise. 8 Publicité et droit des marques ► La publicité : 10. La publicité est un mode de communication dont l'objet est de promouvoir un produit, un service ou bien encore une marque5. Cette définition est assez récente car le terme de « publicité » qui est apparu au XVIIe siècle désignait au départ l'action de porter quelque chose à la connaissance du public, notamment les décisions rendues par les autorités. Avec le développement de l'industrialisation et du commerce, la publicité est devenue un outil au service de la communication des marques. Elle n'a cependant pas toujours un objectif marchand. En effet, elle peut aussi viser la promotion de causes, d'associations ou encore de partis politiques. 11. La publicité existe depuis aussi longtemps que les marques mais c'est l'arrivée de l'imprimerie au XVe siècle qui marqua un tournant et permit à la publicité de connaître un véritable essor bien que l'affichage demeura jusqu'à la Révolution française le monopole de la Couronne et de l'Église. Puis vint l'ère de la réclame dans laquelle les produits étaient souvent présentés comme dotés de facultés extraordinaires. En France, ce n'est qu'à partir des années 1960 que la publicité commença à intégrer des dimensions psychologiques et sociologiques et ainsi à se démarquer de la réclame. 12. La publicité est un moyen d'information et de persuasion avec un objet économique : elle a pour but de vendre en attirant l'attention du consommateur sur un produit ou une marque. La publicité informe alors les consommateurs de la disponibilité d'un produit mais surtout elle va tenter d'influencer leur choix. Pour cela, elle utilise des moyens psychologiques, de sorte que le consommateur n'a pas conscience que son choix est guidé. Afin de promouvoir les produits, la publicité ne se contente pas de mettre en avant leurs qualités ; elle les place dans un certain contexte afin de susciter une attirance de la part du consommateur. Elle crée, autour du produit ou de la marque, un univers fantasmé et suggère au consommateur cible qu'il pourra y avoir accès en acquérant le produit en 5 La publicité est définie dans l'ouvrage Publicitor comme une « communication de masse partisane faite pour le compte d'un émetteur clairement identifié qui paie des médias pour insérer ses messages promotionnels dans des espaces distincts du contenu rédactionnel et les diffuser ainsi aux audiences des médias retenus » : J. Lendrevie, A. de Baynast, C. Emprin, Publicitor, Dunod, 7e éd., p. 98 9 Publicité et droit des marques question. La publicité a ainsi pour objet de rendre le produit attrayant. 13. Cependant, le plus souvent, ce n'est pas sur le produit lui-même que la publicité doit concentrer ses efforts mais sur la marque. C'est notamment grâce aux campagnes publicitaires que la marque se construit une image, une réputation et qu'elle arrive à s'imposer dans le quotidien des consommateurs. B- Deux éléments indissociables 14. La publicité est en quelque sorte indissociable des marques car c'est en majorité elle qui construit leur notoriété et leur image. Ce n'est cependant pas la seule raison pour laquelle ces deux éléments sont étroitement liés. La marque est devenue un instrument marketing et sert elle-aussi à promouvoir le produit qui la revêt. Ainsi, au même titre que la publicité, la marque contribue à développer son image et tente d'attirer les consommateurs, notamment pas le biais d'éléments tels que le logo, le packaging, etc. En outre, dans l'esprit des consommateurs, la marque porte en elle ses précédentes campagnes de communication et les empreintes qu'elles ont laissées. Les marques remplissent elles aussi une fonction publicitaire : « par leur rôle dans la personnalisation d'un produit, par le jeu des couleurs, par l'élégance qu'elles peuvent lui donner, les marques remplissent, si elles ont acquis une certaine notoriété, une fonction autonome de publicité »6. 15. La fonction publicitaire de la marque est sans doute plus importante lorsque l'on est en présence de marques « de luxe ». En effet, certains noms renommés, notamment dans les domaines de la haute couture et des cosmétiques, de par leur apposition sur les produits, suffisent à promouvoir ces derniers. Dans un grand nombre de cas, comme nous l'avons dit, ce que le client achète, ce n'est pas vraiment le produit mais la marque et ainsi l'univers qui a été construit autour de celle-ci en grande partie par le biais de ses campagnes publicitaires. 6 Y. Plasseraud, M. Dehaut, C. Plasseraud, Marques : création, valorisation, protection, Francis Lefebvre, coll. Dossiers pratiques, 1994, p. 20 10 Publicité et droit des marques Lorsque la marque atteint un certain niveau de notoriété et qu'elle bénéficie d'une bonne image, sa seule signature suffit à susciter la préférence du consommateur. En effet, les publicités antérieures dont elle a fait l'objet demeurent à l'esprit du consommateur, du moins de manière inconsciente, et la marque les porte alors en elle. Cela n'est cependant pas toujours vrai et il convient de ne pas négliger le rôle de la publicité car le consommateur peut avoir la mémoire courte. Certes, une fois qu'une marque aura obtenu sa préférence et aura su fidéliser le client, ce dernier pourra être considéré comme « acquis » (à condition tout de même que la qualité des produits demeure constante), néanmoins, dans le cas d'un produit peu impliquant pour le consommateur et pour lequel la concurrence est importante, la marque doit redoubler d'efforts de communication si elle veut rester compétitive, voire garder une position de leader le cas échéant. Il serait en effet très dangereux de minimiser le rôle de la publicité dans la tentative de séduction des consommateurs par les marques. II. La marque, un instrument utile aux consommateurs mais au service de l'entreprise 16. Parmi les fonctions de la marque, certaines sont au service des consommateurs telles que celles de garantie d'origine ou de garantie de qualité. Néanmoins, c'est bien au service de l'entreprise qu'est la marque. En effet, la marque a avant tout une finalité économique : générer la plus grande richesse possible pour l'entreprise qui en est titulaire. Le consommateur est alors la cible de la marque qu'elle parvient à toucher grâce à la publicité (A) et c'est à l'entreprise que profitera la faveur des clients pour la marque (B). 11 Publicité et droit des marques A- Le consommateur, cible de la communication de la marque 17. Le consommateur, défini à l'article 2, b) de la directive n° 93/13 7 comme « toute personne physique qui (…) agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle », tient un rôle central à la fois s'agissant des objectifs de la marque et de sa politique de communication mais aussi de la protection accordée aux marques. Il est alors au cœur du droit des marques8 et il est la cible de la publicité, ce qui justifie qu'on essaie de mieux l'identifier. La marque et la publicité, pour parvenir à toucher le consommateur, doivent le comprendre. Or, il existe une multitude de consommateurs, facteur que la marque devra prendre en compte afin que sa communication séduise le plus grand nombre. Il n'existe pas un seul type de consommateurs mais plusieurs (1°). Néanmoins, l'objectif de la marque, par le biais de sa communication, est quoi qu'il en soit de parvenir à séduire le plus grand nombre et à fidéliser ses clients (2°). 1°- Quel consommateur ? 18. Il n'existe pas une seule sorte d'acheteurs et c'est pourquoi il convient de s'interroger sur ce qu'est réellement un consommateur. Le législateur et la jurisprudence font souvent référence au « consommateur moyen » mais, tout comme il n'existe pas de type de consommateurs unique, il ne saurait exister un consommateur moyen d'autant que chacun d'entre nous peut constituer différentes sortes de consommateurs en fonction de l'achat envisagé. 7 Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs : JOUE L. 95 du 21 avril 1993, p. 29-34 8 J. Passa, Le droit des marques et le consommateur in Le consommateur au pays des propriétés intellectuelles,actes du colloque organisé par l'Université Lyon II, 22 nov. 2004 : Rev. Lamy dr. aff., déc. 2004, n° 77, suppl. ; voir aussi J. Julien, Marque et droit de la consommation in Les métamorphoses de la marque : Actes du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 67 et s. 12 Publicité et droit des marques a) La notion de consommateur moyen 19. Il est souvent fait référence tant par le législateur que la jurisprudence à la notion de « consommateur moyen »9 afin de déterminer si une publicité est trompeuse ou non et afin d'apprécier l'existence d'un risque de confusion entre des signes distinctifs 10. Il paraît évident que le consommateur moyen n'existe pas mais il convient tout de même de s'interroger sur cette notion. Par ailleurs, la prise en compte de cette notion semble particulièrement justifiée s'agissant de l'appréciation du risque de confusion car, comme le relève Vincent MAURIAC, « le consommateur est la victime du risque de confusion qui peut exister entre un signe et une marque antérieurement déposée. Il est logique qu'il soit utilisé comme instrument de référence afin de qualifier un comportement d'atteinte au droit de marque »11. 20. Le consommateur moyen pris en compte « est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé »12. Cette définition du consommateur moyen est la même s'agissant à la fois de l'appréciation du risque de confusion et du caractère trompeur d'une publicité. Dans cette seconde hypothèse, cette vision optimiste13 permet « de ne pas sanctionner la publicité hyperbolique ou exagérée »14. Ainsi, la Cour de cassation a refusé de sanctionner l'annonceur qui vantait la solidité de ses valises et a considéré qu'il fallait se référer à « l'optique du consommateur moyen et en tenant compte du degré de discernement et du sens critique de la moyenne des consommateurs »15. Le consommateur moyen n'est pas « un incapable dont il convient de prendre en charge tous les actes, même les plus banaux de la vie quotidienne »16. Il faut responsabiliser 9 Voir notamment, directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprise vis à vis des consommateurs dans le marché intérieur, JOUE L. 149, 11 juin 2005, p. 22-39; CJCE 25 nov. 2007, aff. C-48/05, Adam Opel : Rec. 2007, I, p. 01017 ; Propr. industr. 2007, N° 3, comm. 18, A. Folliard-Monguiral ; CJCE 25 mars 2010, aff. C-278/08, Die BergSpechte : Propr. industr. 2010, comm. 39, A. Folliard-Monguiral 10 Voir notamment CJCE, 11 nov. 1997, aff. C-251/96, Sabel : Rec. 1997, I, p. 06091 dans lequel la CJCE a rappelé que « la perception des marques qu'a le consommateur moyen du type de produit ou service en cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion (...) » 11 V. Mauriac, Le consommateur et le droit des marques, Thèse, Strasbourg 2010, p. 243 12 CJCE, 22 juin 1999, aff. C-342/97, Lloyd : Rec. 1999, I, p. 03819 13 Lamy droit économique 2011, n° 5104 14 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents, 1ere partie, RLC 2007/13, n° 949 15 Cass. crim., 21 mai 1984, n° 83-92.070, Bull. Crim. N° 185 : D. 1985, jur., p. 105, note S. Marguery 16 TI Poitiers, 20 juin 2008, James G. c/ Gaz de France : Contr. conc. conso. 2008, n° 8, comm. 215, G. Raymond 13 Publicité et droit des marques le consommateur ; il doit agir comme un bon père de famille17. 21. Par ailleurs, le niveau d'attention du consommateur est « susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause »18. En effet, l'attention du consommateur n'est pas la même suivant le produit ou service en cause, selon qu'il s'agit d'un achat fréquent ou non, impliquant ou non, etc. Ainsi comme le note Linda ARCELIN19, la jurisprudence opère une distinction selon le type d'achat et, s'agissant d'achats peu réguliers, il faut prendre en compte le consommateur attentif. C'est le cas notamment pour l'achat de montres où il a été jugé par le TPICE que le degré d'attention du consommateur moyen à prendre en compte devait être considéré « comme supérieur au degré normal d'attention et, partant, comme plutôt élevé »20. 22. Bien que cette notion de consommateur moyen se soit imposée, il convient de noter, à l'image de Denis DARPY et Pierre VOLLE, qu'il ne peut exister de consommateur moyen car les consommateurs n'ont ni les mêmes caractéristiques socio-culturelles (ils n'ont pas le même niveau de vie, ni les mêmes caractéristiques sociologue-démographiques ou géographiques) ni les mêmes caractéristiques psycho-culturelles (caractéristiques psychologiques, les valeurs, le style de vie et la culture)21. Pour Bernard CATHELAT, c'est « une erreur fondamentale » que de « ne pas distinguer entre les différentes catégories d'acheteurs, [de] les considérer arbitrairement comme pratiquement tous construits sur le même modèle, qui est alors appelé "consommateur standard" ou "moyen" ». Il considère que « le consommateur concret se trouve inséré dans des micro-cultures : groupes familiaux, cercles professionnels, classes sociales, qui subdivisent et structurent le cadre général de la consommation »22. La notion de consommateur moyen ne veut rien dire en fin de compte. Qu'est-ce qu'un consommateur moyen ? Monsieur tout le monde ? Il semble préférable d'utiliser, 17 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents, 1ere partie, op. cit. 18 CJCE, 22 juin 1999, aff. C-342/97, Lloyd, op. cit 19 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents, 1ere partie, op. cit. 20 TPICE, 12 janvier 2006, aff. T-147/03, Devinlec Développement innovation Leclerc SA c/ OHMI : Rec. CJCE 2006, II, p. 11 21 D. Darpy et P. Volle, Comportement du consommateur, op. cit., p. 287 et 314 22 B. Cathelat, Publicité et société, Petit bibliothèque Payot, 2001, p.135-136 14 Publicité et droit des marques comme le font les juridictions nationales, la notion de consommateur d'attention moyenne bien que, comme le relève Daphné PEISSON, les notions de « consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » ou de « consommateur d'attention moyenne » soient « des descriptions imprécises qui font appel à des concepts abstraits et ne nous font pas vraiment progresser »23. b) Un individu : plusieurs consommateurs 23. Comme nous l'avons dit, il n'existe pas de consommateur moyen car il y a en réalité différentes sortes de consommateurs qui sont souvent fonction de facteurs sociopsychologiques mais aussi du degré d'implication dans les achats. En outre, chaque consommateur constitue lui-même plusieurs sortes de consommateurs. Le niveau d'attention d'un consommateur peut varier en fonction de la catégorie de produits ou de services dont il est question. Le consommateur peut être avisé et informé s'agissant de certains produits mais totalement ignorant s'agissant d'autres. Dans ce dernier cas, il devra davantage prêter attention aux caractéristiques du produit. Les centres d'intérêt mais aussi l'implication du consommateur influent sur son degré d'information et ainsi sur son degré d'attention. 24. Nous sommes tous différents acheteurs à la fois, souvent selon que l'achat est impliquant ou non. En effet, dans ce dernier cas, nous sommes moins attentifs et pouvons nous tourner vers des « premier prix ». C'est lorsque l'achat est impliquant que le consommateur a tendance à se tourner vers les marques. C'est en cela que la marque remplit une fonction de garantie : elle rassure le consommateur. L'achat est essentiellement impliquant lorsqu'il est à risque. Il peut s'agir d'un risque physique, psychologique ou encore social. Ainsi, très souvent les achats ayant un caractère impliquant concernent la nourriture, les cosmétiques mais aussi les produits de luxe. La marque sert alors de repère : elle assure au consommateur qu'il ne prend en principe pas le 23 D. Peisson, Regards croisés du juge et du publicitaire sur le consommateur moyen, Thèse, Montpellier 2008, p. 2 15 Publicité et droit des marques risque de se tromper. Par ailleurs, la marque diminue le risque social. Dans une société où le paraître importe beaucoup, la marque permet à l'acheteur de se situer, d'affirmer son appartenance à un groupe, à une classe sociale. Le consommateur n'a pas le même degré d'implication selon les achats qu'il réalise. Lorsque l'implication est faible, il peut arriver au consommateur de se tourner vers les marques de distributeurs (MDD) ou le hard discount. Au contraire, lorsque l'achat est important ou coûteux, la marque retrouve son importance. Bien sûr, le fait que le produit soit marqué aura pour effet d'augmenter la dépense mais c'est là le prix à payer pour l'assurance d'une certaine qualité. 25. La marque permet donc de guider le consommateur dans son choix et de simplifier ce dernier. Pour autant, il ne s'agit pas là du seul rôle de la marque du point de vue des consommateurs. 2°- Le rôle de la marque et l'influence de sa communication sur le consommateur 26. La marque, outre sa fonction de garantie de provenance, a pour objet de séduire le consommateur. Cette séduction passe à la fois par des facteurs tangibles et des facteurs intangibles, fruits de sa communication, tels que les valeurs qu'elle véhicule et l'univers qui est construit autour d'elle. La marque doit alors parvenir à persuader le consommateur que ses produits répondront à ses attentes mais elle doit aussi parvenir à les fidéliser. a) La persuasion 27. Tout comme la publicité, la marque, de par sa fonction publicitaire, a pour objet de tenter de séduire le consommateur. Les efforts de communication de la marque vont tous dans le sens de la rendre la plus attrayante possible et de la mettre en avant par rapport à la concurrence. Cette démarche de séduction passe par différents moyens : il convient de rendre 16 Publicité et droit des marques ce qui entoure le produit attirant (le packaging, la forme, ou encore le logo, etc.) mais aussi de construire autour de la marque un univers susceptible de séduire le consommateur. 28. Si elle veut obtenir la préférence du consommateur, la marque ne doit pas seulement miser sur les attributs qualitatifs de ses produits car sans une bonne communication, ses efforts auraient des chances de demeurer vains. Les caractéristiques objectives des produits seront davantage utiles afin de fidéliser le consommateur lorsque celui-ci aura accordé sa préférence à la marque. L'objectif est donc, dans un premier temps, de parvenir à convaincre le consommateur que le produit ou le service proposé par la marque parviendra à le satisfaire, voire même à rendre sa vie plus agréable. Certes, cette dernière promesse semble quelque peu exagérée, pourtant c'est souvent cet engagement que la publicité met en avant car elle vend avant tout du rêve. Ainsi, grâce à la publicité et à l'univers dans lequel elle les présente, certains produits dont l'achat ne procure normalement aucun plaisir, notamment ceux de la vie quotidienne tels que les produits d'entretien, parviennent à devenir « glamour ». Et c'est justement l'univers ainsi créé qui va attirer les consommateurs. L'objectif persuasif de la marque et de la publicité passe ainsi par la mise en avant d'attributs intangibles (et souvent irréels). La publicité vend alors une part de rêve car il s'agit de convaincre le consommateur que le produit en question est ce qui va combler ses attentes et rendre sa vie meilleure. C'est notamment le cas s'agissant des achats à caractère social. 29. Pour autant, présenter le produit d'une manière avantageuse ne suffit pas car il sera certes ainsi rendu attrayant mais il ne faut pas oublier que ce n'est pas seulement la part de rêve suggérée par la publicité qui parviendra à engendrer la préférence du consommateur sur le long terme. La marque doit alors aussi miser sur les attributs concrets du produits et les mettre en avant. b) La création d'une relation de confiance 30. Comme le souligne Stéphane MAGNE, la marque constitue un repère en s'appuyant sur des valeurs tangibles telles que la qualité du produit ou son prix mais aussi sur des 17 Publicité et droit des marques valeurs intangibles24. 31. La marque permet aux consommateurs de connaître l'origine des produits ou des services mais donne aussi une idée de la qualité attendue du produit. Ainsi, l'indication de l'origine des produits ne constitue pas son seul rôle aux yeux des consommateurs. Certes, les acheteurs potentiels aiment connaître l'entreprise dont sont issus les biens qu'ils envisagent d'acheter mais, en réalité, les consommateurs ne savent pas toujours quelle entreprise se cache derrière la marque qu'ils affectionnent et, bien souvent, cela ne les intéresse pas. La marque permet aussi au consommateur d'avoir une idée de la qualité du produit. La marque génère dans l'esprit du public une idée de constance : dans l'esprit du consommateur, lorsqu'il réitère l'achat d'un produit, celui-ci, puisqu'il porte la même marque, provient de la même entreprise et est fabriqué selon le même mode de fabrication ; il doit donc avoir des caractéristiques et une qualité identiques. La marque diminue alors le risque perçu par le consommateur. Par ailleurs, la marque constitue le lien entre le client et l'entreprise. C'est alors elle qui garantit, à la place du producteur, le maintien d'une certaine qualité. C'est cette constance qui pourra fidéliser le consommateur car la fidélité à la marque découle de la qualité perçue par le client. Néanmoins, en réalité, ce n'est pas vraiment au produit que le consommateur est attaché et fidèle mais à la marque elle-même car la marque, fonctionnant comme un label, institue un contrat de confiance entre le client et l'entreprise. En outre, ce n'est pas seulement en raison de la constance dans la qualité des produits que le consommateur est fidèle mais parce que la marque continue à lui renvoyer une image de lui-même conforme à celle qu'il attend. 32. Les marques sont importantes pour les consommateurs. Elles constituent alors pour eux des fonctions de garantie d'origine et de qualité. Bien que le consommateur soit pris en compte afin de déterminer s'il existe un risque d'atteinte aux fonctions de la marque, il ne peut se prévaloir des fonctions de garantie de la marque. En effet, en France, la marque n'a pas pour vocation de protéger les consommateurs mais a pour objet de permettre aux 24 S. Magne, Marque et marketing : construire la personnalité d'une marque in Les métamorphoses de la marque, Actes du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 39 18 Publicité et droit des marques entreprises de les attirer25. B- L'entreprise, véritable bénéficiaire de la communication de la marque 33. La marque est un outil, non pas au service du consommateur mais au service de l'entreprise. Comme le relève Monsieur le Professeur Jacques LARRIEU, du fait de la reconnaissance de la fonction de garantie de provenance comme fonction essentielle de la marque, on pourrait croire à tort que la marque constitue un instrument au service du consommateur. Néanmoins, c'est pour l'entreprise qui en est titulaire qu'elle constitue une valeur, une « richesse »26. En effet, la marque, actif immatériel de l'entreprise, peut apporter une grande plusvalue à cette dernière (1°), notamment grâce à la publicité qui permet d'accroitre sa valeur (2°). 1°- La marque : une valeur de l'entreprise 34. La marque, alors même qu'elle ne figure pas toujours au bilan des entreprises, peut constituer leur plus grande richesse. Elle a ainsi une finalité économique et c'est pour cette raison que ses fonctions sont bien au service de l'entreprise. a) Un élément incorporel source de valeur 35. La marque constitue un élément important du fonds de commerce. Ce dernier qui « peut être défini comme un ensemble de biens mobiliers affectés à l'exploitation d'une 25 J. Azéma et J.-Ch. Galloux, op. cit., p. 752 26 J. Larrieu, Les nouvelles fonctions de la marque in Les métamorphoses de la marque : Actes du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 56 19 Publicité et droit des marques entreprise commerciale »27, est composé de différents éléments, corporels et incorporels, « destinés à attirer la clientèle »28. Néanmoins, tous les biens de l'entreprise n'en font pas partie (notamment les immeubles). Parmi, les éléments corporels, figurent notamment le matériel et le mobilier. S'agissant des éléments incorporels, l'article L. 142-2 du Code de commerce donne la liste suivante : « l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage, le mobilier commercial, le matériel ou l'outillage servant à l'exploitation du fonds, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés ». La marque est donc un bien incorporel de l'entreprise. Elle a une valeur qui lui est propre et qui est représentée par la notion de « capital marque ». Cette notion, apparue dans les années 1980, correspond à la valeur ajoutée par la marque aux produits et services qui en sont revêtus et ainsi à l'entreprise elle-même. Les marques permettent alors d'augmenter la valeur des entreprises. Cette valeur apportée à l'entreprise est appelée « goodwill » ou « survaleur ». Il s'agit de la différence entre le prix d'achat d'une entreprise et sa valeur nette comptable ; cette différence correspond alors à la plus-value que la marque apporte à l'entreprise29. 36. La marque peut augmenter de manière significative l'évaluation de l'entreprise qui en est titulaire. Il convient alors de ne pas la négliger. Elle peut en effet constituer l'actif le plus important d'une société. C'est pour cette raison que certaines entreprises sont parfois acquises pour des montants très supérieurs à leur valeur comptable. En outre, un fort capital marque permet d'augmenter les résultats de l'entreprise. En effet, le capital marque constitue l'estimation des surplus de bénéfices que la marque seule parviendra à générer. La marque, si elle est forte, permet de vendre les produits plus cher grâce à la « prime de marque » qui constitue le surplus que les acheteurs sont prêts à payer pour acheter un produit de la marque par rapport à un produit non marqué ou d'une autre marque. 27 J.-B. Blaise, Droit des affaires : commerçants, concurrence, distribution, LGDJ, coll. Manuels, 2e éd., p. 239 28 J. Larrieu, D. Krajeski, A. Mendoza-Caminade, R. Seraiche, C. Mangin, M. Daeron, A.-L. de Grandi, L. Soulé, Le fonds de commerce, une notion en évolution in Qu'en est-il du Code de commerce 200 ans après ? État des lieux et projections : actes du colloque des 27 et 28 oct. 2007, Les travaux de l'IFR, LGDJ, 2009, p. 232 29 Ibid., p. 238 20 Publicité et droit des marques Bien sûr, la marque doit pouvoir justifier cet écart de prix notamment par une bonne qualité de ses produits ou un certain mode de fabrication. En outre, elle doit bénéficier d'une bonne réputation et d'une clientèle fidèle. Si elle ne justifie pas ses prix élevés, elle risque de voir sa clientèle lui échapper. 37. Comme le relèvent les auteurs de l'ouvrage Publicitor30, une marque forte constitue un actif négociable, un fonds de commerce mais aussi un moyen de vendre plus cher. L'entreprise a donc tout intérêt à mettre les moyens nécessaires en œuvre pour bénéficier d'une marque forte car celle-ci permettra non seulement d'augmenter la valeur de l'entreprise mais aussi ses bénéfices. b) Des fonctions de la marque au service de l'entreprise 38. Comme nous l'avons vu, parmi les fonctions de la marque, on peut trouver la fonction distinctive qui a pour objet d'identifier le produit et d'en indiquer l'origine. Ainsi, bien que les consommateurs ne connaissent pas toujours (voire rarement) l'entreprise qui commercialise les produits, la marque constitue un repère qui leur permet de penser que le produit marqué provient toujours de la même entreprise ou, du moins, d'une entreprise liée. En outre, la marque a aussi une fonction de garantie de qualité en ce qu'elle symbolise la constance dans l'élaboration et la qualité des produits. Ces deux fonctions ne sont pas les seules et d'autres sont davantage au service de l'entreprise titulaire de la marque. Comme le relève Monsieur le Professeur Michel VIVANT, « la première fonction de la marque, économique (…), est bien sûr, du point de vue de son titulaire, de lui assurer la maîtrise d'un marché »31. Cependant, il est souvent cru à tort que les fonctions de la marque sont au service du consommateur. Or, la marque est un actif de l'entreprise à son service. Il est vrai que certaines fonctions telles que celles de garantie de qualité et d'indication de provenance profitent aux consommateurs, néanmoins, elles n'engagent pas l'entreprise. En réalité, la 30 J. Lendrevie, A. de Baynast, C. Emprin, Publicitor, op. cit., p. 145 31 M. Vivant, Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXI e siècle : Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, Collections du CEIPI, Litec, 2010, p. 147 21 Publicité et droit des marques marque est un instrument uniquement au service de son titulaire. Cette vision se rapproche de celle que relève l'avocat général Jääskinen au sujet de la théorie de la dilution de la marque notoire « selon laquelle la finalité propre d'une marque devrait être de protéger les efforts et les investissements effectués par le titulaire de la marque et la valeur indépendante (goodwill) de la marque »32 (« approche basée sur la propriété »). Cette approche est à distinguer de celle « basée sur l'idée de la tromperie, que la marque protège avant tout la fonction d'origine dans le but d'éviter aux consommateurs et aux autres utilisateurs finaux de se tromper sur l'origine commerciale des produits et services »33. 39. Néanmoins, la jurisprudence européenne, depuis l'arrêt Terrapin du 22 juin 1976, considère que la fonction essentielle de la marque consiste à garantir l'identité d'origine du produit aux consommateurs34. Or, la marque n'est pas un instrument de protection des consommateurs mais un outil marketing au service de son titulaire. Elle lui permet en premier lieu de se distinguer de la concurrence mais aussi de séduire les consommateurs car la marque, par ses campagnes de communication antérieures et sa réputation, devient un outil publicitaire autonome35. Par ailleurs, comme nous l'avons dit plus haut, la marque constitue une valeur financière ; elle comprend alors un aspect pécuniaire important pour l'entreprise qui en est titulaire. En effet, non seulement, elle permet d'augmenter l'évaluation de l'entreprise mais aussi les prix de ventes des produits qui en sont couverts. Elle a ainsi un double aspect bénéfique pour l'entreprise. En outre, elle fait l'objet d'investissements afin d'accroitre ou de conserver sa force. 40. Ainsi, il apparaît que, bien que la marque soit utile pour les consommateurs en tant qu'indicateur de l'origine et de la qualité des produits, ses fonctions sont avant tout au profit de son titulaire. Dès lors, la vision de la CJUE selon laquelle la fonction essentielle de la marque est d'indiquer l'origine des produits semble dénaturer la vocation de la marque en 32 Conclusions de l'avocat général Jääskinen, 24 mars 2001, aff. C-323/09, Interflora c/ Marks & Spencer, point 50 33 Ibid. 34 CJCE, 22 juin 1976, aff. 119-75, Terrapin c/ Terranova : Rec. 1976, p. 1039 35 Y. Plasseraud, M. Dehaut, C. Plasseraud, Marques : création, valorisation, protection, op. cit., p. 20 22 Publicité et droit des marques tant qu'instrument marketing et générateur de valeur pour l'entreprise. Néanmoins, la Cour vient d'effectuer une importante avancée dans le sens d'une vision plus réaliste des fonctions de la marque en reconnaissant enfin d'autres fonctions que celle dite essentielle de garantie de provenance qu'il convenait tout autant de protéger contre les atteintes et parmi lesquelles figurent les fonctions de communication, de publicité et d'investissement. La reconnaissance de ces fonctions constitue un alignement sur une approche socio-économique de la marque en vertu de laquelle celle-ci est avant tout un instrument marketing au service de son titulaire. Dans l'arrêt Interflora rendu il y a peu, la CJUE a précisé que la (récente) protection accordée aux autres fonctions indiquée tant par le législateur que par elle-même depuis 200236 résultait de la prise en compte « de la circonstance qu’une marque constitue souvent, outre une indication de la provenance des produits ou des services, un instrument de stratégie commerciale employé, en particulier, à des fins publicitaires ou pour acquérir une réputation afin de fidéliser le consommateur »37. 41. La marque n'a de valeur que grâce aux efforts d'investissement et de communication de son titulaire. Une marque forte est le fruit d'un travail important et qui passe principalement par la construction d'une image et d'une réputation favorable et ce, en grande partie par le biais de la communication de la marque. 2°- Une valeur accrue par la communication de l'entreprise 42. Le titulaire d'une marque, s'il entend faire de sa marque une marque forte, doit miser sur la communication. En effet, le meilleur des produits, s'il reste dans l'ombre, ne suscitera pas d'attrait de la part du consommateur et la marque ne pourra alors jamais devenir puissante. Il convient par conséquent de communiquer sur la marque et les produits ou 36 CJCE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal FC, Rec. CJCE 2002, I, p. 10273; Propr. Intell. 2003, n° 7, obs. G. Bonet; D. 2003, 755, note P. de Candé, RTD Com. 2003, p. 415, note M. Luby 37 CJUE, 22 sept. 2011, aff. C-329/09, Interflora, point 39 23 Publicité et droit des marques services qu'elle couvre. Originellement, la publicité avait pour objectif premier d'informer le public de la disponibilité d'un produit ou d'un service. C'est toujours le cas mais il faut y ajouter un objectif de persuasion et de séduction. En outre, la communication de la marque a pour rôle d'augmenter la notoriété de la marque et de lui conférer la meilleure image possible. La notoriété de la marque constitue une assurance pour le consommateur : si la marque est connue c'est qu'elle le mérite. Ainsi, le consommateur est davantage susceptible de choisir un produit d'une marque connue qu'un produit dont la marque n'évoque aucun souvenir. S'agissant de l'image de la marque, elle est très importante car elle constitue un résumé des perceptions et des sentiments qu'elle génère chez le consommateur. Ces deux éléments que sont la notoriété et l'image constituent les deux principaux leviers du capital marque38. 43. Le rôle de la publicité est quoi qu'il en soit toujours économique et ses bénéfices se situent à un double niveau. C'est en faisant en sorte que leurs marques séduisent les consommateurs et en augmentant ainsi les ventes que les entreprises retireront davantage de bénéfices et c'est parce que leurs ventes seront importantes que leur marque deviendra forte. La publicité influe alors sur le capital marque car c'est elle qui intervient afin d'augmenter la notoriété d'une marque et de rendre son image la plus avantageuse possible. Certes, certaines marques pourraient se passer de publicité et parvenir à conserver malgré tout leur notoriété et leur image mais ces marques sont très rares. Par ailleurs, si elles peuvent se le permettre c'est parce qu'à un moment, leur communication a fait d'elles des marques réputées et qui demeurent incontournables (C'est essentiellement et seulement le cas de certains produits de luxe dans les cosmétiques, dans la joaillerie, de certaines marques de vêtements ou de ce que l'on appelle les lovemarks). 44. Ainsi, la plupart du temps, c'est bien sur la publicité que les entreprises doivent miser pour parvenir à générer un important capital marque. Elles ont compris que la publicité constituait le meilleur allié des marques et c'est pour cette raison qu'elles sont prêtes à investir de très grosses sommes dans des campagnes de communication. 38 B. Heilbrunn, La marque, Puf, coll. Que-sais-je ?, 2e éd., p. 113 24 Publicité et droit des marques III. Publicité et marques, une relation ambiguë ? 45. Les marques et la publicité semblent ainsi converger dans le même sens : permettre à l'entreprise de conquérir et de garder une large clientèle et ainsi de faire de sa marque une source de valeur importante. Néanmoins, il convient de s'interroger sur la vraie nature de la relation qui existe entre les marques et la publicité. En effet, contrairement à ce que l'on pourrait croire au premier abord, tout n'est pas parfait. Quels sont donc les rapports qu'entretiennent ces deux instruments ? La publicité, alors même qu'elle constitue un instrument incontournable au développement de la marque (A), peut s'avérer être un outil dangereux pour les droits exclusifs conférés par la marque en raison de l'usage fait de cette dernière par des tiers afin de promouvoir leurs propres produits ou services (B). A- La publicité, un allié de la marque... 46. Comme nous venons de le voir, la publicité permet à la marque d'avoir une valeur forte. Elle lui assure une présence à l'esprit du public en lui permettant d'accroitre sa notoriété, et ce notamment en mettant en avant son histoire et en rappelant aussi parfois qu'elle fait partie du quotidien des consommateurs. Bien que son rôle soit moindre lorsque le risque perçu par le consommateur est nul, la publicité permet d'entretenir la notoriété39. C'est la publicité qui construit la marque, qui la matérialise. Ainsi, comme le constate très justement Philippe MOUILLOT, « bien que les marques soient totalement intangibles, elles se matérialisent systématiquement dans l'esprit du consommateur [et] c'est la publicité qui est à l'origine de cette matérialisation »40. 39 J. Lendrevie, A. de Baynast, C. Emprin, Publicitor, op. cit., p. 80 40 Ph. Mouillot, Publicités, Gualino éditeur, Coll. Mémentos LMD, 2006, p. 52 25 Publicité et droit des marques En outre, elle façonne son image et la rend agréable en l'entourant d'une aura flatteuse. Sans la publicité, la marque ne serait qu'un simple signe apposé sur un produit, doté éventuellement d'une certaine réputation (positive comme négative). La publicité place la marque dans un certain contexte, véhicule un message, des valeurs. 47. La clientèle de la marque constitue un élément que le titulaire de la marque ne peut négliger. Il aura beau faire d'importants investissements en matière d'innovation, de communication, si ceux-ci ne lui permettent pas de séduire les clients, sa marque ne parviendra pas à survivre. L'entreprise doit alors chercher à comprendre ce qu'attend le consommateur et le lui donner par le biais de la publicité. En effet, un produit seul ne peut combler pleinement un consommateur ; c'est ce que la publicité en fait qui va permettre ce résultat. C'est en renvoyant au consommateur l'image de lui-même qu'il attend, en lui laissant croire que l'acquisition de l'objet dont elle vante les mérites fera de lui un homme (ou une femme) comblé(e) que la publicité va parvenir à le séduire (en effet, il ne suffit pas de mettre les qualités objectives du produit en avant). La publicité peut en outre jouer un rôle dans la fidélisation de la clientèle. Bien que la fidélité des clients s'acquière par la constance de la qualité des produits et de manière plus générale par une satisfaction des consommateurs, la publicité demeure importante et elle doit notamment, comme le rappelle Armand DAYAN, « maintenir, voire augmenter la notoriété (…), véhiculer l'image, si elle est de qualité, en le rappelant [et] elle doit contribuer à l'actualisation, à l'aggiornamento du produit, de la marque, de la firme...»41. 48. La publicité permet aussi à la marque d'amorcer un virage difficile car la vie d'une marque est faite de hauts et de bas et connait ainsi un certain nombre de rebondissements. En outre, grâce à la publicité, la marque évite de tomber en désuétude, de devenir obsolète. C'est en calquant ses campagnes sur les tendances que la marque parvient à rester toujours compétitive. Parfois, au contraire, ce sont elles qui créent les tendances. 49. La publicité accompagne ainsi la marque depuis sa naissance et la soutient dans les épreuves qu'elle peut traverser. Elle l'aide à survivre aux évolutions des tendances, des 41 A. Dayan, La publicité, Puf, coll. Que-sais-je ?, 9e éd., p. 33 26 Publicité et droit des marques modes de consommation. A l'heure où les consommateurs sont davantage tentés d'effectuer leur choix en fonction des prix, la communication autour de la marque est plus que jamais nécessaire. En effet, que différencie une marque de distributeur (MDD) ou de hard discount d'une grande marque, outre bien souvent les caractéristiques qualitatives ? C'est l'image qu'elle véhicule, l'univers que la publicité a su construire autour d'elle ! Les MDD et les marques de hard discount n'ont en règle générale pas d'image. Elles n'inspirent aucune émotion au consommateur lorsqu'il les voit et le laissent indifférent lorsqu'il acquiert un de leurs produits. La différence résulte alors de la capacité de la grande marque à générer du rêve. Et ce rêve est le fruit de la communication de la marque. C'est en cela que la publicité constitue le meilleur allié d'une marque : elle la met en valeur et permet de différencier ses produits des autres. Ainsi, la marque aura un plus fort pouvoir d'attractivité auprès du public et sera davantage susceptible d'avoir un important capital marque. 50. Néanmoins, il convient de relever que, bien que l'imagination des publicitaires et les moyens qu'ils déploient soient en général mis au service des marques, certaines techniques publicitaires peuvent avoir pour effet de porter préjudice aux marques ainsi qu'aux droits exclusifs qu'elles confèrent à leurs titulaires. B- … qui lui cause parfois du tort 51. La publicité, lorsqu'elle est faite par un tiers par rapport au titulaire de la marque, est à l'origine de certaines atteintes qui peuvent être portées aux droits de ces derniers. En effet, bien que l'article 5, §1 de la directive 2008/95 rapprochant les États membres sur les marques42 dispose que « la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif », il existe certaines hypothèses où un tiers peut en faire un usage contraire aux intérêts du titulaire. 52. Les dispositions de l'article 5, §1 de la directive 2008/95 énoncent que « le titulaire 42 Directive 2008/95/CE du 22 oct 2008 rapprochant les États membres sur les marques : JOUE 2008 L 299, 8 nov. 2008, p. 25-33 27 Publicité et droit des marques est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires : a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ; b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque ». 53. Ainsi, le titulaire d'une marque dispose en principe d'un droit exclusif sur l'usage de celle-ci. Néanmoins, l'article 6 de la même directive qui prévoit des limitations à ce monopole dispose notamment, dans son paragraphe 1, sous c), que le titulaire d'une marque ne peut s'opposer à un tel usage lorsque la marque « est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou pièces détachées, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale». Cette disposition a pour effet de permettre à un tiers, y compris un annonceur, d'utiliser la marque d'un concurrent ou d'un tiers afin de signaler au public que ses produits constituent des accessoires des produits de la marque ou encore qu'ils sont compatibles avec eux43. 54. Cet usage d'une marque par un tiers à des fins informatives44 n'est cependant pas propre à la publicité et ne constitue pas la seule ni la plus importante hypothèse de limitation des effets de la marque dans le cadre de publicités. En effet, des techniques publicitaires assez récentes ont eu pour conséquence des atteintes au droit exclusif conféré par la marque. C'est notamment les cas du référencement payant sur Internet et de la publicité comparative, dont les procédés conduisent à mettre la marque d’une entreprise au service de la propagande de son concurrent. 43 Par exemple, un tiers peut préciser que les lames de rasoirs qu'il commercialisent sont compatibles avec le rasoir d'une autre marque comme c'était le cas dans CJCE, 17 mars 2005, aff. C-228/03, Gillette : Rec. 2005, I, p. 02337 ; Propr. industr. 2005, n° 5, comm. 37, A. Folliard-Monguiral 44 J. Monteiro et V. Ruzek, L'usage du signe à des fins autres que celle de distinguer les produits et services d'un opérateur économique, Propr. industr. 2007, n° 4, ét. 9 28 Publicité et droit des marques Le référencement payant est une activité des moteurs de recherche qui consiste à vendre à des annonceurs des publicités qui apparaissent à côté des résultats dits naturels, dans une rubrique distincte appelée « liens commerciaux », « liens sponsorisés » ou encore « liens promotionnels ». Le fonctionnement du référencement payant est le suivant : les titulaires de sites internet sélectionnent des mots clés et enchérissent dessus afin que, suite à une requête lancée par un internaute portant sur ces mots clés, le lien vers leur site apparaisse parmi les premiers résultats. Les problèmes nés du référencement payant sont apparus en raison de la sélection par certains annonceurs de mots clés correspondant à des marques enregistrées par des tiers. Ainsi, afin de détourner les internautes des sites des titulaires de marques, certains annonceurs n'hésitent pas à choisir comme mots clés les marques d'autrui (voire à les associer avec des mots clés tels que « copies », « imitations », etc.). Or, comme nous l'avons vu, la directive 2008/95 prévoit que la marque confère à son titulaire un droit exclusif. Par ailleurs, il convient de constater que le référencement implique un double usage de la marque : un usage de la part de l'annonceur mais aussi un usage de la part du moteur de recherche qui met les mots clés correspondant à la marque à la disposition de ses clients. Les titulaires de marques ont alors très souvent poursuivi tant les annonceurs que les moteurs de recherche sur différents fondements : publicité trompeuse, concurrence déloyale mais aussi contrefaçon. S'agissant de ce dernier fondement, bien qu'il ne puisse être contesté que l'usage par un annonceur de mots clés correspondant à une marque remplisse en principe les conditions posées par l'article 5, §1 de la directive sur les marques permettant au titulaire de la marque d'interdire un tel usage, la question subsiste s'agissant du moteur de recherche. En effet, il a souvent été avancé qu'il ne faisait pas un usage de la marque au sens de la directive. On ne peut que critiquer une telle position car c'est bien le moteur de recherche qui propose les mots clés aux annonceurs et il ne saurait alors être contesté qu'il fait ainsi un usage de la marque45. Quand bien même on pourrait admettre qu'il ne s'agit pas d'un usage au sens de la directive puisqu'il ne fait alors pas un usage pour des produits ou des services 45 Cf. infra : seconde partie, titre 1, chap. 2 (« La question de la responsabilité des prestataires de service de référencement payant ») 29 Publicité et droit des marques identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée (bien qu'il rende un tel usage possible à ses clients), il n'en demeure pas moins la possibilité de poursuivre le moteur de recherche sur les fondements de la concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses. Encore faut-il pour cela démontrer que le moteur de recherche n'a pas joué un rôle neutre et passif, la CJUE ayant reconnu aux moteurs de recherche la possibilité du bénéfice du régime dérogatoire de responsabilité des hébergeurs sur Internet. Le titulaire de la marque victime de l'usage indu ne pourra alors que très difficilement voir les prestataires de services de référencement être condamnés. 55. Le référencement payant n'est malheureusement pas pour les titulaires de marques la seule technique publicitaire pouvant porter atteinte à leur droit exclusif. En effet, la publicité comparative constitue une exception à celui-ci. Cette forme de communication qui a pour objet de mettre en comparaison les caractéristiques de produits répondant au même besoin ou ayant le même objectif a été reconnue en France et en Europe dans les années 1990 afin de stimuler la concurrence et de permettre une meilleure information des consommateurs. L'article 2, c) de la directive 2006/11446 définit la publicité comparative comme « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent ». Un annonceur peut alors citer la marque d'un tiers dans une publicité dans laquelle il met en comparaison ses produits ou services et ceux du titulaire de la marque. Bien que cette pratique soit très encadrée, elle n'en demeure pas moins une exception au droit des marques, l'article 5, §1 de la directive 2008/95 conférant au titulaire d'une marque un droit exclusif sur celle-ci. Cette exception est, pour le législateur, justifiée par le fait qu' « il peut être indispensable, afin de rendre la publicité comparative effective, d'identifier les produits ou services d'un concurrent en faisant référence à une marque dont ce dernier est titulaire ou à son nom commercial »47. Bien que cette forme de communication constitue déjà en soi une exception au droit exclusif conféré par la marque (assez encadrée il est vrai), l'interprétation toujours plus souple des conditions de licéité par la Cour de justice a eu pour effet de voir cette exception devenir dans certains cas une véritable atteinte au droit des marques. En effet, la Cour de 46 Directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, JOUE L 376 du 27 déc. 2006, p. 21-27 47 Considérant 14 de la directive 2006/114, op. cit. 30 Publicité et droit des marques justice considère que « la nécessité de favoriser la publicité comparative [commande] de limiter dans une certaine mesure le droit conféré par les marques »48. 56. Il ressort de ce que nous venons de voir que la publicité peut s'avérer dangereuse pour les marques. Pour autant, il ne faut pas oublier qu'elle constitue un instrument que les entreprises doivent privilégier afin de parvenir à augmenter ou à maintenir leur capital marque. Ainsi, les rapports entre les marques et la publicité apparaissent assez équivoques en ce que la publicité peut constituer à la fois le meilleur allié des marques mais aussi, dans la période récente, l'une de leurs plus grandes menaces. D'une part la publicité se présente comme un auxiliaire important pour les entreprises titulaires de marques car elle leur permet de faire de celles-ci des marques fortes, source de valeur pour l'entreprise. Marques et publicité sont d'autant plus étroitement liées que la marque remplit elle-même une fonction publicitaire (première partie : Les synergies entre les marques et la publicité). D'autre part, en dépit du caractère symbiotique entre la publicité et la marque, certaines techniques publicitaires récentes comme que le référencement payant sur Internet et la publicité comparative sont porteuses de dérives compromettant le caractère exclusif des droits conférés par la marque (seconde partie : Les usages problématiques). 48 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 : Rec. CJCE 2008, I, p. 4231; Europe 2008, comm. 231, note L. Idot ; Gaz. Pal. 2008, n° 341, note V. Staeffen et J. Dulucenay, point 39 31 Publicité et droit des marques Première partie : Les synergies entre les marques et la publicité 32 Publicité et droit des marques 57. Les marques et la publicité sont deux ensembles indissociables. De nos jours, les marques ne seraient rien sans la publicité et parallèlement, la publicité n'aurait pas de raison d'être sans les marques. La publicité constitue un outil au service de ces dernières et permet notamment de construire leurs images. Les marques sont certes bien davantage que de simples noms ou signes, néanmoins, c'est la publicité qui leur donne vie et qui leur crée un univers qui leur est propre. C'est en grande partie grâce à la publicité que la marque acquiert de la notoriété. En outre, c'est encore la publicité qui permet de rendre la marque sympathique, de faire en sorte que les consommateurs s'y identifient. 58. Il est nécessaire pour les entreprises de prendre soin de leurs marques car ce sont elles qui constituent leur principal actif. En effet, bien que cet actif soit immatériel et que l'on ait mis longtemps avant de lui reconnaître toute son importance, il est fondamental car il peut apporter une grande plus-value à l'entreprise, et ce à plusieurs niveaux. Il est par conséquent primordial d'apporter aux marques la plus grande attention. C'est la communication, et en particulier la publicité, qui permet de donner toutes les chances à la marque d'avoir une valeur forte (Titre 1). Ainsi, la publicité, qui accompagne la marque depuis sa création (sa « naissance »), fait en sorte de la rendre vivante. Elle lui crée une histoire, des valeurs, une image et une identité. En outre, il ne faut pas oublier que la publicité reste l'héritière de la propagande et qu'elle permet aussi de vanter les produits de la marque et ainsi de pousser le consommateurs à les préférer à ceux des concurrents. Elle permet ainsi de démarquer les produits revêtus de la marque qu'elle promeut. 59. Or, c'est précisément l'objet des marques que de permettre l'identification et la différenciation des produits, notamment en indiquant l'origine des produits. En effet, depuis l'origine des marque (qui remonte à avant même l'Antiquité), leur fonction première est de permettre d'identifier les biens qui les portent. Pour autant, les marques ont tout de même d'autres fonctions tout aussi importantes telles que les fonctions publicitaire et de garantie de qualité. Cependant, c'est celle de garantie d'origine que le droit européen a consacré comme la fonction essentielle de la marque et qu'il entend protéger contre les atteintes qui pourraient y être portées. Jusqu'à il y a peu, la CJCE n'envisageait pas d'accorder de protection aux autres fonctions de la marque et ne reconnaissait d'ailleurs pas leur existence. C'est en 2002 33 Publicité et droit des marques qu'elle a reconnu l'existence d'autres fonctions de la marque. Néanmoins, elle ne les nomma pas et il fallut attendre un arrêt de 2009 pour qu'elle en cite quelques-unes dont celles de communication et de publicité. La jurisprudence européenne semble enfin prête à accorder l'importance qu'elles méritent aux fonctions qui jusqu'alors n'étaient reconnues que par les professionnels du marketing. De la fonction d'indication d'origine qui est la première fonction de la marque reconnue par le droit, on est parvenu à la reconnaissance d'autres fonctions qui ont trait aux valeurs de la marque (Titre 2). C'est là l'objectif de la publicité : permettre à la marque de passer de l'état de simple indicateur à celui de valeur. 34 Publicité et droit des marques Titre I La publicité : Un instrument utile aux marques 35 Publicité et droit des marques 60. La marque est un signe ou un nom dont l'objet est d'identifier et de distinguer un produit ou un service conçu par une entreprise. Elle sert de repère au consommateur et lui donne des indications sur ce qu'il va acheter. En effet, si la marque n'est pas le produit, elle est souvent ce qui pousse le consommateur à l'achat. Par conséquent, il est nécessaire pour les entreprises de soigner leur marque autant qu'elles soignent la qualité de leurs produits ou de leurs services. 61. La marque ne peut néanmoins pas remplir son rôle de repère sans la publicité. C'est cette dernière qui lui permet d'acquérir sinon un certain prestige, du moins une certaine notoriété. La publicité a pour finalité de mettre en avant la marque, de l'envelopper d'une image flatteuse. Elle peut lui construire une histoire et mettre en avant les valeurs qu'elle promeut. Le rôle de la publicité est de rendre la marque populaire en mettant tout en œuvre pour qu'elle soit aimée du plus grand nombre. 62. La marque est un bien précieux pour l'entreprise car elle fait partie de ses actifs. A ce titre, elle a une valeur qui est susceptible d'entrainer une plus-value de l'entreprise. Cette valeur constitue ce que l'on appelle le capital marque. Cette notion est apparue récemment et a attiré l'attention des investisseurs mais aussi l'intérêt des consommateurs. En effet, un capital marque élevé augmentera à la fois la valeur de l'entreprise et l'attrait des consommateurs pour la marque. Le capital marque prend du temps à se construire. Il résulte des actions de la marque, de l'intérêt qu'elle suscite. La prise en compte des consommateurs est primordiale et en faire abstraction aurait pour effet de les désintéresser de la marque. La façon dont les consommateurs voient celle-ci est un levier important de sa valeur et elle permet de prendre la mesure du capital marque. En effet, nous verrons que, au moyen de la notoriété de la marque, de son image ou encore de la fidélité qu'elle génère, indicateurs sur lesquels la publicité a une grande influence nous pouvons nous faire une idée de la force de la marque (chapitre 1). 63. La publicité l'a bien compris et a pour objectif, outre d'informer les consommateurs, de mettre la marque en valeur et de lui conférer une aura positive et attirante. La personnification de la marque est un moyen d'y parvenir. Ainsi, la publicité va s'attacher construire une histoire et un passé à la marque, c'est-à-dire une identité. Elle pourra alors 36 Publicité et droit des marques faire vivre cette dernière tout en essayant de la rendre indispensable à la vie quotidienne des consommateurs et en faisant d'elle un compagnon de la vie de tous les jours (chapitre 2). 37 Publicité et droit des marques Chapitre 1 La marque : un actif de l'entreprise créé par la publicité 64. « Le produit est ce que l'entreprise fabrique, la marque est ce que le client achète »49. Ainsi, la marque n'est pas le produit mais elle lui donne un sens, notamment par le biais de ses campagnes publicitaires. C'est en général à la marque, et non au produit, que les clients sont attachés. C'est la marque qui fait vendre. Elle impacte par conséquent les résultats de l'entreprise de manière durable et peut, à ce titre, être considérée comme un actif. Bien que n'apparaissant que rarement dans les états financiers, elle est pourtant l'un des actifs les plus importants en ce que celui-ci crée de la valeur pour l'entreprise. Au même titre que les brevets et les licences, la marque est un actif incorporel50. 65. Une notion est apparue dans les années 1980 afin de désigner la plus-value (ou, plus rarement, la moins-value) apportée par la marque aux produits en étant dotés. Cette notion est celle de brand equity ou capital marque en français. Elle peut être définie « comme l'ensemble des atouts et des handicaps qui sont liés à la marque, à son nom et à ses symboles, et qui ajoutent de la valeur ou au contraire en soustraient à un produit ou à un service »51. Le capital marque peut donc représenter une valeur ajoutée pour l'entreprise. En effet, une marque forte aura des répercussions positives sur les ventes car, de sa force, naitra dans l'esprit des consommateurs une confiance dans les produits de la marque. En outre, le capital marque peut représenter une valeur non négligeable aux yeux des investisseurs comme aux yeux des repreneurs éventuels (section 1). 66. Le capital marque se construit au moyen de plusieurs éléments. On peut citer notamment, le choix des composantes (y compris visuelles) de la marque, le marketing et les associations avec d'autres entités telles que des entreprises, des vedettes, des personnages fictifs, etc.52 La valeur que la marque acquiert aux yeux des consommateurs reste pour 49 50 51 52 G. Michel, Au cœur de la marque, Dunod, 2e éd., p. 10 J.-M. Lehu, L'encyclopédie du marketing, Éd. D'Organisations, 2004, p. 478 D. Aaker, J. Lendrevie, Management du capital-marque, Dalloz, gestion marketing, 1994, p. 291 P. Kotler, K. Keller, D. Manceau, B. Dubois, Marketing-Management, Pearson Education, 13° éd., p. 340 38 Publicité et droit des marques l'essentiel fondée sur des éléments subjectifs, irrationnels. Elle va reposer sur les valeurs que véhicule la marque, l'image qu'elle renvoie à ses consommateurs, notamment grâce à la publicité. On peut alors se faire une idée du capital marque par le biais de plusieurs indicateurs, notamment la notoriété de la marque, son image, la fidélité de la clientèle ou encore la qualité perçue (section 2). Section 1. La notion de capital marque 67. La notion de capital de marque est apparue au début des années 1980. La prise de conscience de l'existence de ce capital marque ou brand equity en anglais est due à un mouvement important de cessions et de restructurations qui se produisit durant cette période et qui permit la mise en lumière de l'importance de la valeur financière des marques 53. Lors de ce mouvement, des entreprises ont été acquises pour des montants très supérieurs à leur valeur comptable. On a pu observer ces derniers temps, que certains rachats d'entreprises avaient pour objectif unique, ou du moins principal, de racheter la marque (et non pas l'entreprise elle-même). Ce phénomène est dû aux avantages que peut représenter l'acquisition d'une marque forte, dotée d'un capital marque fortement positif. 68. Le capital marque est le résultat des interactions entre la marque et les consommateurs54. Il représente la valeur de la marque. L'ouvrage Mercator définit le capital marque comme « la valeur de la marque due à sa capacité à générer des opinions, des attitudes et des comportements spécifiques auprès de ses clients (tels que la notoriété, la fidélité, l’affinité, la qualité perçue, la différenciation...), qui lui permettent de vendre à un prix supérieur, de générer des revenus de licence, ou d’obtenir des volumes plus importants »55. 69. De manière plus générale, on peut définir le capital marque comme l'ensemble des 53 J. Lendrevie et B. Brochand, Publicitor, Dalloz gestion série marketing, 5° éd., 2001, p. 189 54 P. Kotler, K. Keller, D. Manceau, B. Dubois, Marketing-Management, Pearson Education, 13e éd., p. 319 55 J. Lendrevie, A. de Baynast, C. Emprin, Mercator, Dunod, 7° éd., p. 1165 39 Publicité et droit des marques éléments, qu'ils soient d'actif ou de passif, qui sont attachés à la marque ou à ses attributs et qui peuvent avoir pour conséquence une plus-value ou une moins-value sur les produits et les services couverts par la marque. Le capital marque est donc la valeur qui est ajoutée ou ôtée par la marque aux produits et services qui sont dotés de celle-ci (§1). Cette valeur ajoutée ou diminuée l'est essentiellement aux yeux des consommateurs. Ainsi, pour les professionnels du marketing, le capital marque peut être déterminé par la réaction des consommateurs face au marketing de la marque en question56. Néanmoins, il existe différents moyens d'évaluer cette valeur (§2). §1. Une valeur ajoutée pour l'entreprise 70. Comme nous venons de le voir, le capital de la marque peut être défini comme la valeur ajoutée que celle-ci apporte aux produits et aux services qu'elle couvre (A). Le produit offre des bénéfices fonctionnels tandis que la marque augmente la valeur par des éléments irrationnels. Le capital marque représente ainsi une « performance supplémentaire que la marque apporte au produit57 ». Cette plus-value apportée par la marque est la conséquence de sa valeur. Celle-ci peut être essentiellement de deux natures. Elle peut être d'ordre financier ou d'ordre commercial. En effet, la marque peut apporter une valeur supplémentaire à ses produits mais aussi à l'entreprise qui en est titulaire. 71. Par ailleurs, la valeur de la marque peut être quantifiée (B). C'est à cette fin qu'intervient le concept anglo-saxon de goodwill qui détermine la valeur de la marque. Celle-ci correspond alors à la différence entre la valeur comptable de l'entreprise et le montant qu'un repreneur serait prêt à payer pour elle. Bien que la notion de goodwill corresponde à la valeur que la marque apporte à l'entreprise, il ne faut pas oublier pour autant que la marque n'a pas la même valeur selon la personne qui la lui détermine. Ainsi, elle varie selon les consommateurs mais aussi selon les investisseurs. 56 Marketing-Management, op. cit., p. 340 57 Au cœur de la marque, op. cit., p. 10 40 Publicité et droit des marques A- La valeur de la marque 72. La marque peut être considérée comme une valeur en soi58. En effet, la croyance selon laquelle la marque a une valeur qui lui est propre est aujourd'hui avérée. La valeur de la marque provient notamment des représentations qui lui sont associées auxquelles la publicité contribue mais aussi des avantages concurrentiels qui sont procurés par la marque59. Bien qu'immatérielle, cette valeur a pour conséquence d'augmenter de manière significative l'évaluation des entreprises titulaires d'une marque forte. Ainsi, on a pu voir des sociétés en faillite dotées de fortes marques qui ont été acquises dans le (seul) but d'exploiter la notoriété de ces marques60. Une notion est apparue il y a un peu plus d'une vingtaine d'années : celle de brand equity ou valeur financière de la marque. Néanmoins, nous verrons que ce n'est pas la seule valeur de la marque car elle a aussi une valeur commerciale. 1) La valeur financière 73. La marque est un actif financier. L'equity est la valorisation financière de la marque qui permet d'analyser la force d'une marque et de la comparer avec d'autres marques du même segment de marché61. La brand equity isole la part des bénéfices présents et futurs due exclusivement à la marque elle-même et désigne ainsi la valeur financière de la marque. Il est intéressant de relever, comme le souligne Jean-Noël KAPFERER62, que le fait d'accoler un concept financier, l'equity à une notion purement marketing, brand, c'est-à-dire la marque, indique la prise de conscience dans les années 1980 de la valeur financière des marques. Le terme d'equity correspond en français à la notion de capital et doit donc, à ce titre, figurer au passif du bilan. Or, le capital marque (brand equity) figure à l'actif. Il convient de rappeler qu'avant les années 1980, dans le cadre des fusions et des 58 59 60 61 62 A. Beltran, S. Chauveau, G. Galvez-Behar, Des brevets et des marques, Fayard, éd. 2001, p.189 Ibid., p.192 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 101 G. Lewi et C. Rogliano, Mémento pratique du branding, Village mondial Pearson éducation, 2006, p. 70 J.-N. Kapferer, Les marques, capital de l'entreprise, Eyrolles, Editions d'Organisation, 4e éd., p. 745 41 Publicité et droit des marques acquisitions, il était d'usage d'utiliser la méthodes des multiples. Il s'agissait d'acquérir les entreprises pour un montant en moyenne égal à sept ou huit fois leurs résultats. Dans les années 1980, on a commencé à voir des multiples supérieurs à 20. Jusque là, les prix d'acquisition étaient fonction des résultats de l'entreprise cédée. On ne prenait pas en compte la valeur de la marque pour fixer le prix d'acquisition car elle était considérée comme incluse dans les résultats. Cette augmentation spectaculaire des multiples révèle la prise en considération d'un élément nouveau de détermination du prix d'acquisition d'une entreprise : la marque63. 74. La valeur de la marque peut être déterminée facilement en cas d'acquisition d'une entreprise. Il s'agira au maximum de la différence entre le montant payé par le repreneur et la valeur de l'actif net (mais il ne faut pas omettre de prendre en compte les effets de surenchère)64. Quand le vendeur et l'acquéreur établissent la valeur financière de la marque, ils tiennent compte des sources de revenus supplémentaires apportés par la présence d'une marque forte. La différence entre les surplus de revenus et les coûts qui découlent de la politique de marque (investissements, coûts de publicité, de dépôts juridiques...) exprime la valeur financière de la marque. Par ailleurs, on peut noter que le capital de la marque est constitué de la notoriété de la marque, de sa personnalité, de son positionnement et de sa perception par les consommateurs notamment.65. Bien que le capital de la marque ait pour conséquence d'entrainer une certaine autonomie de la marque avec les produits qui en sont dotés et permette ainsi une extension de gamme66, il serait faux de considérer la marque comme un actif complètement indépendant de l'activité sur laquelle elle s'est développée. Ainsi, bien qu'il s'agisse d'un actif financier, il paraît difficile d'envisager un marché de marques comme c'est le cas des produits financiers67. 75. La valeur financière de la marque n'est pas son unique valeur. En effet, la marque a aussi une valeur commerciale en ce qu'elle permet de séduire et fidéliser le client, et ainsi, de vendre plus. Néanmoins, la valeur financière de la marque et celle aux yeux du consommateur doivent être distinguées car il est des cas où cette dernière pourra être très 63 64 65 66 67 Ibid., p. 12 Ibid., p. 754 Des brevets et des marques, op. cit., p. 195 Ibid. B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 103 42 Publicité et droit des marques importante alors même que la valeur financière sera quasi nulle. 2) La valeur commerciale 76. Certains acquéreurs sont prêts à acheter à un prix supérieur à leur valeur des entreprises dotées de marques fortes, car plus que l'entreprise ou la marque elle-même, ce qu'ils acquièrent, ce sont des positions dans l'esprit des consommateurs68. En effet, le brand equity ou capital marque est une estimation de la capacité future des marques à générer un surplus de bénéfices du seul fait de leur nom, c'est-à-dire de toutes les valeurs auxquelles ce dernier est associé dans l'esprit du public69. La valeur de la marque résulte du capital de confiance que la marque a su susciter auprès des différents acteurs du marché70. La valeur de la marque comprend notamment la perception que le public a de la marque. Elle laisse une empreinte dans l'esprit du consommateur, notamment par le biais de ses différentes campagnes de communication. Ainsi, le consommateur sera plus facilement susceptible d'acheter un produit de la marque qui a su retenir son attention. Par ailleurs, certaines marques parviennent à justifier des prix plus élevés que ceux de la concurrence aux consommateurs. Il s'agit de la prime de prix ou prime de marque (equity en anglais) qui peut se définir comme le supplément de prix qui est lié à la marque et que le consommateur accepte de payer, c'est-à-dire comme le différentiel de prix que la marque autorise par rapport à un produit non marqué. En d'autres termes, il s'agit du surcoût qu'est prêt à payer un consommateur pour avoir un produit de la marque en question plutôt qu'un produits standard71. Cette prime de marque est un élément objectif de l'attachement des consommateurs envers leur marque. Leur disposition à payer plus cher un produit pourvu de la marque démontre ainsi l'unicité ou la supériorité de la marque à leurs yeux72. 77. La marque, si elle est forte, permet donc de vendre plus cher des produits que ceux des concurrents alors même que la qualité est équivalente. A ce sujet, comme le relève Jean- 68 69 70 71 72 Des brevets et des marques, op. cit., p. 195 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit. p. 276 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 102 Mémento pratique du branding, op. cit., p. 71 Ibid. p. 72 43 Publicité et droit des marques Noël KAPFERER, « la marque est source de profit par la prime de prix qu'elle est en droit d'exiger de ceux qui valorisent ses qualités et veulent payer le prix pour être surs de retrouver cette qualité partout et à tout moment. La marque supprime la variabilité : cela a un prix »73. Il faut néanmoins souligner que lorsqu'une entreprise applique des prix plus élevés pour ses produits en comparaison de produits similaires mais non pourvus de marques, il faut que ceux-ci disposent d'une qualité supérieure ou il faut justifier ces prix par un investissement en publicité. Au contraire, si la marque est faible, elle devra justifier ces écarts de prix par des prestations supplémentaires74. 78. La marque a réellement une valeur commerciale, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la marque est un fonds de commerce car elle fidélise la clientèle. Ensuite, comme nous venons de le dire, elle permet de vendre les produits plus chers que s'ils étaient dépourvus de marque75. Ce sont aux marques plus qu'aux produits ou aux entreprises qui les commercialisent que les clients sont attachés et fidèles. Néanmoins, la marque est le trait d'union entre l'entreprise et les clients76. L'importance de la marque a tendance à amoindrir le rôle du distributeur mais elle permet à l'industriel de recréer des liens plus proches avec le consommateur malgré l'écran du distributeur et de créer ainsi une relation intime en ce que la marque entre dans les habitudes du foyer. B- Une valeur quantifiable 79. La marque constitue donc une valeur pour l'entreprise. Il peut être utile de prendre la mesure de celle-ci, encore faut-il y parvenir. La notion anglo-saxonne de goodwill nous permet de nous en faire une idée. Néanmoins, il serait faux d'affirmer que la marque n'a qu'une valeur car les investisseurs, les consommateurs et les titulaires de la marque ne lui accorderont pas la même. 73 74 75 76 J.-N. Kapferer, FAQ La marque, Dunod, 2006, p. 66 Mercator, op. cit., p.762 Ibid. J. Watin-Augouard, Marques de toujours, Larousse 2003, préface de M. Lévy 44 Publicité et droit des marques 1) Le goodwill 80. La valeur de la marque est bien définie par le terme anglais goodwill (survaleur en français). Cette notion renvoie à la différence comptable entre le prix payé pour l'acquisition de la marque et la valeur comptable de l'entreprise77. Le goodwill peut être défini comme la différence entre l'actif du bilan d'un entreprise et la somme de son capital immatériel et matériel valorisée à la valeur de marché. Il s'agit donc de la différence entre le prix d'achat d'une entreprise et la valeur nette comptable de celle-ci. Le goodwill correspond alors à « la valorisation de l'activité et de la capacité d'organisation du commerçant »78. Cette valeur de la marque fut révélée par les opérations de fusion et d'acquisition qui ont été réalisées dans les années 1980. 81. En effet, comme nous l'avons déjà vu, les années 1980 ont vu apparaître des acquisitions pour des valeurs supérieures à 20 fois le montant du résultat net des entreprises cédées, ce qui était assez inhabituel, l'usage étant alors d'utiliser des multiples de sept ou huit. Pour Jean-Noël KAPFERER, cette hausse des multiples est la conséquence du passage d'une vision dans laquelle seuls les actifs tangibles avaient de la valeur à une vision où l'on a réalisé que le vrai capital de l'entreprise était intangible en ce qu'il résidait dans les marques79. Ainsi, comme il le relève, il ne s'agit plus seulement d'acquérir une capacité de production mais une place dans l'esprit et le cœur des consommateurs. La valeur de la marque est appréciée indépendamment de la valeur de l'entreprise. Le goodwill comptable est l'évaluation monétaire du goodwill psychologique que la marque a su, à force d'efforts et de temps, d'investissements et de constance, focaliser sur son nom (ce que les anglais nomment le name goodwill80). On notera que le terme anglais peut être traduit comme bienveillance. La hausse des multiples est seulement la conséquence de la prise en compte financière de la valeur de ce goodwill qui apporte la bienveillance des distributeurs et assure ainsi la présence des produits dans les rayons mais aussi la prédisposition des consommateurs à acheter les produits. 77 B. Heilbrunn, La marque, op. cit. p. 102 78 J. Larrieu, et al. Le fonds de commerce, une notion en évolution in Qu'en est-il du Code de commerce 200 ans après ? État des lieux et projections op. cit., p. 238 79 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 11 80 J. Larrieu et al., Le fonds de commerce, une notion en évolution in Qu'en est-il du Code de commerce 200 ans après ? État des lieux et projections, op. cit., p. 243 45 Publicité et droit des marques 82. La valeur des marques étant immatérielle, mais surtout difficilement évaluable hormis l'hypothèse d'un rachat de l'entreprise qui permet alors de la faire apparaître, elle n'apparait pas dans l'actif net des sociétés acquises. Le repreneur comptabilisera alors la marque sous le terme de goodwill, parmi les valeurs consolidées. 83. La valeur de la marque n'est, en réalité, pas unique. En d'autres termes, il n'existe pas vraiment une seule valeur de la marque. La valeur dépend du point de vue selon lequel on se place et des intérêts qui sont en jeu. 2) Une ou plusieurs valeurs ? 84. Comme le souligne Benoît HEILBRUNN, la marque a en réalité plusieurs valeurs 81: elle a une valeur liquidative en cas de vente forcée, une valeur comptable pour les comptes sociaux, une valeur en cas de fusion ou d'acquisition, etc. L'évaluation de la marque dépend alors des raisons pour lesquelles elle est faite. Par ailleurs, on peut aussi dire que la marque a plusieurs valeurs en raison d'une autre constatation. En effet, la valeur de la marque qui importe n'existe que dans les yeux de l'acheteur. Différents acheteurs n'accorderont pas la même valeur à la marque. De même, le vendeur l'évaluera encore différemment des acquéreurs potentiels. La marque dispose donc, non pas d'une valeur, mais de plusieurs valeurs (selon les plans de développement et les ressources des acquéreurs potentiels). Les chiffres varient aussi en fonction de la finalité de l'évaluation financière qui produira des estimations conservatrices ou au contraire audacieuses82. Un exemple assez intéressant et révélateur de cette pluralité de valeurs est celui souvent cité par Jean-Noël KAPFERER. Il s'agit de l'acquisition d'Orangina par Coca-Cola83. Ce dernier fit une offre d'un milliard de dollars pour acquérir Orangina car il voulait en faire une marque mondiale. Pepsi-Cola, au contraire, ne proposa rien car la marque ne valait rien à ses yeux. 85. La valeur de la marque est une chose abstraite. Elle varie selon le point de vue duquel on se place. La marque n'aura pas la même valeur aux yeux du consommateur qu'aux yeux 81 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 102 82 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 742 83 Voir notamment FAQ La marque, op. cit., p. 78 et Les marques, capital de l'entreprise, précité, p.742 46 Publicité et droit des marques de l'investisseur. De même, elle aura différentes valeurs suivant les motivations des repreneurs. Néanmoins, le capital marque peut être évalué et comptabilisé à l'actif de l'entreprise. §2 L'évaluation et la comptabilisation du capital marque 86. La marque apporte une plus-value ou une moins-value aux produits et affecte ainsi de manière significative l'activité de l'entreprise. Il s'agit donc d'un actif incorporel et, de ce fait, sa valeur est difficilement évaluable. Pourtant, cette évaluation peut s'avérer nécessaire, notamment dans le cas de cessions d'entreprises. Plusieurs méthodes d'évaluation peuvent alors être utilisées (A). La conséquence de cette difficulté d'évaluation est notamment la réticence des règles comptables françaises à immobiliser les marques créées par l'entreprise (B). Cette interdiction d'inscrire la valeur de la marque au bilan lorsque celle-ci a été créée par l'entreprise découle de l'application du principe de prudence comptable et est justifiée par l'impossibilité d'identifier la marque, c'est-à-dire le bien à immobiliser. A- L'évaluation 87. Comme nous venons de le voir, la marque acquiert une valeur financière. Elle devient donc une valeur en soi pour l'entreprise. La valorisation de la marque peut s'avérer nécessaire, notamment dans le cas de cessions d'entreprises. Il existe plusieurs méthodes d'évaluation du capital marque. Celles-ci varient en fonction de la perspective que l'on adopte. Ainsi, la méthode ne sera pas la même selon que l'on se place du point de vue comptable, financier ou encore du marketing. 88. On a vu apparaitre de nombreux cabinets spécialisés dans l'évaluation financière des marques. Interbrand, leader mondial en matière de conseil et de création de marque, est le 47 Publicité et droit des marques plus connu. Il publie chaque année le classement des 100 marques qui ont la plus grande valeur. Le classement qu'il établit se base sur la valeur des meilleures marques mondiales. La valeur de la marque est alors déterminée selon la Brand Valuation qui est une méthode d'évaluation des marques en tant qu'actif intangible de l'entreprise. Il s'agit de la valeur financière d'une marque qui correspond à la valeur nette des revenus que la marque seule génèrera dans le futur. La valorisation de chaque marque se fait grâce à 3 indicateurs : les revenus nets liés à la marque, son attraction dans le secteur concerné et enfin la force de la marque (notamment sa capacité à se développer). 89. On peut aussi citer le modèle de l'agence de publicité Young & Rubicam. Il s'agit du modèle Brand Asset Valuator (BAV). Il consiste à réaliser des études de marché auprès de 500.000 consommateurs dans 44 pays à partir desquelles le BAV va proposer des mesures comparatives du capital marque sur des milliers de marques dans des centaines de catégories de produits. Cette méthode prend en compte cinq éléments : la différenciation qui évalue en quoi la marque est perçue comme différente des autres marques, la pertinence qui prend en compte son degré d'attractivité, l'estime qui évalue la reconnaissance et le respect de la marque par les clients, l'énergie qui évalue l'élan de la marque et enfin, la connaissance qui évalue le degré de familiarité des consommateurs avec la marque84. Pour Géraldine MICHEL, cette méthode mesure le capital marque au travers de deux « dimensions » : La force qui est définie selon la différenciation et la pertinence de la marque perçues par le consommateur et la réputation de la marque qui se fonde sur l'estime et la connaissance du consommateur envers la marque85. 90. Par ailleurs, deux autres modèles d'évaluation peuvent être également cités. Le premier est le modèle Brandz qui a été créé par Millward Brown Optimor qui évalue la valeur financière des marques sur la base des revenus futurs qu'elles pourront générer. Il analyse les relations entre le consommateur et la marque et utilise pour cela une pyramide qui représente les étapes séquentielles de ces relations. Il y a cinq étapes. La première, au bas de la pyramide est celle de la « présence à l'esprit » (la connaissance de la marque). La seconde est celle de la pertinence, puis viennent la performance, l'avantage (de la marque par rapport aux marque concurrentes) et enfin le lien qui peut être assimilé à la notion de 84 Marketing-Management, op. cit., p. 315 85 Au cœur de la marque, op. cit., p. 16 48 Publicité et droit des marques fidélité. Le modèle de la résonance de la marque a aussi pour support une pyramide avec des étapes séquentielles mais qui sont au nombre de quatre. Il s'agit, de bas en haut, de l'identification, la signification, la réponse et enfin la relation qui conduit, comme c'est le cas selon le modèle Brandz à une très grande fidélité à la marque. En outre, on peut citer le modèle d'Aaker qui place comme élément essentiel de la valeur de la marque l'identité de celle-ci. David AAKER considère par ailleurs qu'il existe cinq méthodes d'évaluation de la valeur de la marque : L'évaluation à partir du prix de vente que la marque autorise, la méthode qui consiste à évaluer l'impact de la marque sur la préférence des consommateurs, l'évaluation par la méthode des coûts de remplacement, l'évaluation basée sur la valeur boursière de la marque et enfin, l'évaluation en fonction du potentiel de profits pouvant être générés par la marque86. 91. Plus généralement, les méthodes les plus utilisées sont : L'évaluation par les coûts historiques (coûts qui ont été générés par l'entreprise pour construire sa marque), l'évaluation par les coûts de remplacement, l'évaluation par les bénéfices potentiels, l'évaluation par le prix du marché et l'évaluation réelle de la prime de marque. 92. Pour Chantal LAI87, il existe deux sortes d'approches pour évaluer le capital marque: les approches monocritères et les approches multicritères. S'agissant des premières, on y trouve: ►L'approche par comparaison: Il s'agit d'une méthode d'évaluation par le marché (on prend en compte les prix pratiqués lors de transactions récentes portant sur des marques du même marché) ►Les approches patrimoniales: Il s'agit de la méthode des coûts historiques (coûts effectivement supportés dans le passé pour obtenir ou créer la marque) et de celle des coûts de remplacement (dépenses qu'il faudrait supporter pour reconstituer une marque équivalente) ►Les approches par les flux parmi lesquels on trouve l'évaluation par les flux nets de trésorerie, l'évaluation par les flux de redevance, l'évaluation par le différentiel de marge et 86 Management du capital-marque, op. cit., p. 27 et s. 87 C. Lai, La marque, op. cit., p. 63 49 Publicité et droit des marques la méthode fondée sur la valeur boursière. 93. S'agissant des approches multicritères qui tiennent compte des indicateurs financiers comme des indicateurs qualitatifs, on peut citer, à titre d'exemple, la méthode Brand Valuation d'Interbrand ou encore la méthode Brandz. 94. Hormis l'intérêt de savoir où se situe la marque sur un marché par rapport à ses concurrents, l'évaluation d'une marque de l'entreprise n'est pas obligatoire. Néanmoins, d'un point de vue comptable, la valeur de la marque pourra être prise en compte et donc reconnue dans le cas des marques acquises. En effet, ce sont souvent les cessions qui révèlent la valeur de la marque, valeur qui, semble-t-il, peut d'ailleurs augmenter de plusieurs millions en quelques jours88!! B- La comptabilisation 95. Comme nous l'avons dit, la marque est un actif immatériel. En effet, la marque « sert de façon durable l'activité de l'entreprise et ne se consomme pas par le premier usage »89. De cette constatation découle la nécessité de s'intéresser au traitement comptable (et fiscal) de la marque. Celui-ci diffère selon que la marque a été créée ou acquise. Néanmoins, la comptabilisation pose des difficultés dans les deux hypothèses90. La question qui se pose est celle de la possibilité ou non d'immobiliser les dépenses engagées pour la création ou l'acquisition des marques. 96. En principe, les éléments incorporels ne se déprécient pas avec le temps et ne peuvent donc pas être amortis. Néanmoins, certains droits incorporels ont une durée limitée 88 cf. CE 10 déc. 2010, n° 308050, 10e et 9e s.-s., SARL Prunus où le Conseil d'État a considéré que ne constituait pas un acte anormal de gestion la cession d'une marque pour 1 franc à une filiale suivie de la cession de cette filiale, dont l'actif était principalement composé de cette marque, pour 11 millions de francs quelques jours plus tard. Le Conseil d'État a considéré que le prix de cession de la filiale ayant été justifié par des éléments postérieurs à la cession de la marque à la filiale (la prise de contrôle d'un concurrent par l'acquéreur), cette cession pour un franc n'était pas constitutive d'un acte anormal de gestion. 89 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 14 90 La revue fiduciaire, hors-série 2010-2, juin 2010, p. 495 50 Publicité et droit des marques dans le temps (en raison de leur dépérissement juridique) et sont alors amortis sur leur durée de validité91. Les marques pourraient en principe être amorties si l'on considérait qu'elles ont une durée de vie. Or, on ne peut pas déterminer à l'avance cette durée. Les marques ne sont donc en principe pas amortissables, notamment puisque leur protection n'est pas limitée dans le temps (contrairement aux brevets qui peuvent être amortis sur 5 ans bien que la durée du monopole soit de 20 ans). Elles peuvent néanmoins faire l'objet d'une dépréciation en cas de baisse de leur valeur. Le fait que les marques ne puissent être amorties ne les prive cependant pas de la possibilité d'être immobilisées. C'est sur cette possibilité que les régimes des marques créées et acquises diffèrent. 1) Les marques créées 97. Le plan comptable général (PCG) ne permet pas l'inscription des marques créées en interne à l'actif. En effet, l'article 311-3-3 du PCG prévoit que les dépenses engagées en interne pour créer des marques ne peuvent pas être distinguées du coût de développement de l'activité dans son ensemble. Par conséquent, les dépenses ne peuvent être évaluées de manière fiable. Il s'agit tout simplement de l'application du principe de prudence comptable car on ne sait ce que vaut une marque créée et on ne peut donc pas l'immobiliser à sa juste valeur. 98. Les critères de comptabilisation des immobilisations incorporelles sont les suivants : - L'élément doit être identifiable ; - il doit être porteur d'avantages économiques futurs ; - il doit être contrôlé par l'entreprise ; - enfin, son coût doit être évalué avec une fiabilité suffisante. La première et la dernière conditions n'étant pas remplies, les frais constitutifs du coût de création de la marque en interne doivent donc être enregistrés en charges. Ainsi, les dépenses engagées avant le dépôt pour la création de la marque (dépenses pour la création du logo par exemple), celles relatives au dépôt tout comme celles postérieures à celui-ci 91 M. Cozian, Précis de fiscalité des entreprises, Litec, 30°éd., p.71 51 Publicité et droit des marques doivent être comptabilisées en charges92. Ainsi, les coûts de renouvellement sont également inscrits en charges puisqu'il s'agit de coûts ultérieurement engagés relatifs à ces dépenses internes ne pouvant être distinguées du coût de développement. 99. Fiscalement, il en va de même. L'administration fiscale s'est alignée sur la règle comptable. Les coûts doivent être déduits en charges. Cette solution prive ainsi d'effet la jurisprudence rendue par le Conseil d'État et la cour administrative d'appel de Paris selon laquelle les frais de dépôt et de renouvellement des marques créées par l'entreprise devaient être immobilisées. Par conséquent, les frais de recherche d'antériorité et de dépôt de marque à l'INPI ou ceux de renouvellement liés au marques développées en interne doivent être déduits immédiatement en charges93. Avant que l'administration fiscale ne s'aligne sur les règles comptables, le Conseil d'État avait considéré que les marques créées et déposées par les entreprises constituaient des immobilisations incorporelles. Celles-ci devaient alors être portées à l'actif pour leur prix de revient qui comprenait les frais de recherche d'antériorité et de dépôt à l'INPI. Les dépenses d'études préalables et de marketing qui s'inscrivaient dans le processus de création de la marque constituaient, quant à elles, des charges par nature. Il pouvait donc sembler paradoxal d'immobiliser les frais engagés à l'issue de ce processus alors que ceux-ci étaient le plus souvent bien inférieurs à ceux engagés en amont. 100. Par ailleurs, il existait un autre inconvénient à l'immobilisation des marques : celles- ci ne pouvaient être amorties car, à la différence des brevets, elles bénéficient d'une protection juridique illimitée, leur enregistrement se renouvelant par période de 10 ans de manière indéfinie. 2) Les marques acquises 101. Contrairement aux marques créées en interne, les marques acquises doivent être comptabilisées en immobilisations (compte 205 « concessions et droits similaires, brevets, 92 Memento comptable Francis Lefebvre, § 1655, p. 709 93 Documentation pratique Francis Lefebvre, Feuillet 51, BIC-IV-16870 s. 52 Publicité et droit des marques licences, marques, procédés, logiciels, droits et valeurs similaires »), les critères de comptabilisation d'une immobilisation corporelle étant en principe remplis. En effet, leur coût peut, en principe, être déterminé de manière fiable. Elles sont donc comptabilisées pour leur coût d'acquisition. En revanche, les coûts de renouvellement sont à passer en charges car ils ne sont jamais immobilisables, que la marque ait été acquise ou créée94. 102. Le droit fiscal, tout comme pour les marques créées en interne, s'est aligné sur les règles comptables. Par conséquent, les frais engagés pour l'acquisition d'une marque ne peuvent pas être enregistrés en charges et doivent donc être immobilisés. Les marques acquises à titre gratuit par des entreprises qui en disposaient moyennant le versement d'une redevance annuelle doivent être comptabilisées à l'actif pour leur valeur vénale. Par ailleurs, en l'absence de contrepartie au passif, il faut constater un profit imposable. 103. S'agissant du caractère amortissable de ces immobilisations, comme nous l'avons déjà relevé, les éléments incorporels ne se déprécient en principe pas avec le temps. Ils ne devraient donc pas être amortissables. En effet, la protection décennale de la marque pouvant être renouvelée, cette protection est considérée comme illimitée dans le temps. Les marques peuvent tout de même faire l'objet d'une dépréciation qui viendra en déduction des résultats imposables. Bien que la possibilité d'amortir la marque ne soit pas garantie, elle demeure possible. La condition est alors que la durée de consommation des avantages économiques attendus de la marque puisse être déterminée. L'utilisation d'un actif est déterminable lorsque l'usage attendu de celui-ci est limité dans le temps95. Les actifs incorporels qui bénéficient d'une protection juridique ont une durée de consommation des avantages économiques attendus déterminable. Ils sont par conséquent amortissables, la durée de consommation étant en principe fonction de la protection juridique. La date de départ de l'amortissement devra alors correspondre à la date de mise en service. 104. Néanmoins, la solution n'est pas la même dans l'hypothèse d'une marque entretenue. En effet, le Conseil national de la comptabilité (CNC) a indiqué que la durée de consommation des avantages économiques n'était pas déterminable à l'acquisition de la marque. Celle-ci ne doit donc pas faire l'objet d'un plan d'amortissement dans ce cas 96. De 94 Memento comptable Francis Lefebvre, § 1726, p. 737 95 La revue fiduciaire, hors-série 2010-2, juin 2010, p.498 96 Memento comptable Francis Lefebvre, § 1726, p. 737 53 Publicité et droit des marques même, lorsque la durée d'exploitation de la marque est liée à l'activité de l'entreprise dans son ensemble, elle ne peut pas faire l'objet d'un amortissement. Par ailleurs, il faut préciser que, en cas de décision d'arrêter l'utilisation de la marque à une échéance donnée, le plan d'amortissement commence alors à compter de cette décision, et ce jusqu'à la date d'échéance prévue. De la même manière, si une marque n'est pas amortissable à son acquisition, elle peut le devenir en cours d'utilisation à partir du moment où la durée effective d'utilisation sera connue97. 105. Comme nous venons de le voir, le capital marque constitue un actif de l'entreprise qui peut être évalué et donc comptabilisé. Pour autant, il n'est pas condamné à rester immuable. Certains éléments qui peuvent être des indicateurs du capital marque peuvent, en outre, en être des leviers. La croissance de la valeur de la marque, tout comme son maintien, nécessite une attention permanente et passe par les consommateurs et leur rapport à la marque, celui-ci étant le résultat tant de l'expérience du consommateur avec les produits de la marque que de l'influence de la publicité. Section 2. Les indicateurs du capital marque 106. Les principaux leviers de création de valeur de la marque sont la notoriété et l'image (§1). En effet, la connaissance de la marque par les clients permet d'augmenter les ventes et l'image qu'ils s'en font joue aussi un rôle très important dans leur décision d'achat. Bien que complémentaires, ces deux notions ne sont pourtant pas égales. La marque doit déjà avoir une certaine notoriété avant de s'intéresser plus particulièrement à son image auprès des consommateurs. La notoriété constitue le passage obligé vers l'obtention d'une marque forte. L'image, quant à elle, correspond au résumé des impressions que le consommateur se fait de la marque et de ses produits. Néanmoins, s'agissant des de ces deux leviers, la publicité apparaît comme un outil incontournable car c'est bien elle qui va permettre d'augmenter la 97 Ibid. 54 Publicité et droit des marques notoriété de la marque et de façonner son image. 107. La notoriété et l'image sont des indicateurs reflétant bien la valeur de la marque et donc le capital marque mais ils ne sont néanmoins pas les seuls auxquels on peut avoir recours. Ainsi, d'autres indicateurs tels que le capital client, qui est une notion récente, ou la fidélité à la marque peuvent être aussi révélateurs de la valeur de la marque. Le capital client et la fidélité sont deux concepts assez proches et complémentaires et ils font partie des éléments constitutifs du capital marque (§2). §1 La notoriété et l'image 108. La notoriété et l'image permettent aux consommateurs de réduire la complexité du choix qui s'offre à eux et d'aller plus vite vers des propositions certaines et rassurantes98. Elles sont deux moyens d'évaluer le capital marque mais elles ne répondent pas à la même question. La notoriété est une mesure quantitative (A) tandis que l'image est une mesure qualitative (B). Ainsi la première répond à la question du nombre de consommateurs qui connaissent la marque alors que l'image répond à celle de la manière dont la marque est perçue. Pour Benoît HEILBRUNN, la notoriété est une mesure quantitative qui sert à évaluer le degré de présence d'une marque à l'esprit des consommateurs99. Néanmoins, « La notoriété ne préjuge pas du niveau de connaissance des activités ou de l'histoire de la marque ni des jugements de valeur portés sur la marque. On peut avoir une grande notoriété et une mauvaise image, ou vice versa »100. 98 FAQ La marque, op. cit., p. 25 99 B. Heilbrunn, La marque, op. cit. p. 113 100 Mercator, op. cit., p. 774 55 Publicité et droit des marques A- La notoriété 109. La Convention de Paris101, dans son article 6 bis, définit la marque notoire comme celle « notoirement connue comme étant déjà la marque d'une personne ». La notoriété est une notion que l'on retrouve tant en marketing qu'en droit. Néanmoins, s'agissant de ce dernier domaine, il convient de noter qu'une notion voisine est par la suite apparue notamment dans la directive 89/104102 : la notion de marque renommée. Bien que celle-ci soit assez proche de la notoriété, il semble s'agir de deux notions différentes. En effet, l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle distingue la marque renommée de la marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris. Sans nous attarder sur cela ni nous interroger sur l'opportunité d'une telle distinction, on peut simplement relever que la doctrine est divisée à ce sujet103. 110. Selon Chantal LAI104, la notoriété de la marque peut être définie « comme le degré de connaissance d'une marque et [elle] se mesure par la présence à l'esprit d'une marque pour un individu dans une catégorie de produits donnée ». En simplifiant à l'extrême, la notoriété se situe entre le souvenir et l'image de la marque. La notoriété de la marque est une mesure, sous forme de score, de la tendance des consommateurs à citer la marque, soit de manière spontanée soit de façon assistée. Plus la notoriété d'une marque sera forte, plus les consommateurs seront exposés à celle-ci et plus ils auront de chance de devenir des clients potentiels. 1) Les différents niveaux de notoriété 111. La notoriété de la marque est exprimée sous la forme d'un score : le taux de notoriété. 101 Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, 20 mars 1883, telle que modifiée le 28 sept. 1979 : www.wipo.int 102 Directive 89/104/CEE du 21 déc. 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, JOUE L 40, 11 fév. 1989, p. 1-7 103 Voir notamment J.-Ch. Galloux, Définition de la marque notoire, RTD Com. 2000, p. 87 au sujet de l'arrêt CJCE, 14 sept. 1999, aff. C-375/97, General Motors ; P. Vivant, Marque notoire et marque renommée : une distinction à opérer, JCP E 2008, n° 30, 1968 104 C. Lai, La marque, op. cit., p.49 56 Publicité et droit des marques Il s'agit du pourcentage de personnes, dans un public donné, qui connait l'existence de la marque et sait, en plus, la catégorie de produits ou le secteur économique auxquels elle appartient. Le taux de notoriété peut alors aller de zéro lorsque personne ne connait la marque à un taux de 100%. Il existe trois niveaux de notoriété: ●La notoriété assistée ●la notoriété spontanée ●le top of mind. 112. S'agissant de la notoriété assistée, le taux est le pourcentage de personnes qui disent connaître une marque présentée dans une liste préalable portant sur un secteur déterminé. La notoriété assistée est donc celle d'une marque simplement reconnue. Cet indicateur de notoriété n'est cependant pas fiable car il n'est pas possible d'établir avec certitude que les consommateurs connaissent réellement les marques qui figurent sur la liste. Il est néanmoins nécessaire lorsque la notoriété de la marque est trop faible ou dans le cas de certains marchés tels que celui des produits durables. Le taux de notoriété assisté est souvent le plus élevé et c'est par conséquent celui que les industriels ont le plus tendance à mettre en valeur mais il est essentiellement intéressant lorsque l'on est en présence de produits peu impliquants105. La notoriété spontanée correspond au pourcentage de personnes qui citent spontanément et sans aide extérieure la marque lorsque l'on évoque son secteur d'activité. Ce niveau de notoriété, lorsqu'il est atteint, n'est pas acquis définitivement. Ainsi, cette notoriété peut retomber en cas de cessation des actions de communication106. Enfin, la notoriété top of mind (ou notoriété spontanée de premier rang) est la même que la précédente, à la différence qu'il s'agira du pourcentage de personnes qui citent la marque en premier. Ces deux derniers niveaux correspondent à des marques fortes que le consommateur connait bien car elles lui viennent facilement à l'esprit. 113. Les trois indicateurs de notoriété ne fonctionnent pas de la même manière. Ainsi, en ce qui concerne les notoriété spontanée et top of mind, les consommateurs ne citent que très peu de marques, contrairement aux mesures de notoriété assistée où les réponses peuvent être nombreuses. La communication joue un rôle important sur le taux de notoriété 105 Publicitor, op. cit., p. 159 106 Ibid. 57 Publicité et droit des marques spontanée où la marque, pour se faire une place, doit en chasser une autre de l'esprit du consommateur, celui-ci n'en retenant que peu. A l'inverse, lorsque la communication se fait moins présente, ce taux diminue rapidement. De ce constat, résulte l'importance d'avoir une communication constante107. 114. Il faut néanmoins faire attention à la fausse notoriété, notamment à la fausse notoriété assistée car « il peut y avoir confusion entre des marques ou des appellations proches »108. Par ailleurs, il faut faire attention au type de notoriété que l'on choisit si l'on veut que cet indicateur soit pertinent. En effet, si une marque a un taux de notoriété assisté très faible, les autres taux seront d'autant plus faibles voire nuls, il faudra donc utiliser comme indicateur de la notoriété le taux de notoriété assisté pour suivre l'évolution de la marque. A l'inverse, si le taux de notoriété top of mind est très important, il sera le seul à être pertinent.109 2) L'intérêt de la notoriété 115. En premier lieu, il est important de préciser qu'il ne faut pas négliger la notoriété car elle constitue un préalable à l'image de la marque. Il s'avère nécessaire de développer la notoriété de la marque avant de développer son image. En effet, créer une image de la marque serait sans intérêt si la marque n'est pas encore connue des consommateurs. 116. La notoriété présente plusieurs avantages, notamment celui d'avoir pour effet de développer le choix du consommateur pour les produits de la marque 110. La notoriété rassure le consommateur et le laissera plus facilement croire en la qualité du produit. Par ailleurs, la notoriété conforte le consommateur en ce que, pour lui, elle atteste du sérieux et de la pérennité de la marque. A ces yeux, si la marque est connue, c'est qu'elle le mérite. La notoriété provoque un sentiment de familiarité chez le consommateur. En effet, elle laisse croire en une qualité des produits et en une légitimité à être connue. Cette croyance peut être déterminante dans le processus d'achat. Il faut néanmoins préciser que bien que la notoriété soit nécessaire à l'élaboration de l'image de la marque, elle n'est pas obligatoirement 107 Ibid. 108 Mercator, op. cit., p. 775 109 Ibid., p. 777 110 Ph. Malaval, J.-M. Décaudin, Ch. Bénaroya, Pentacom, Pearson éducation, 2° éd., p.288 58 Publicité et droit des marques positive. Ainsi, des marques peuvent être notoires mais ne pas être aimées des consommateurs car ceux-ci se rappellent également des marques qu'ils n'apprécient pas. Par ailleurs, la notoriété d'une marque doit s'apprécier en fonction de celle des autres marques concurrentes. En effet, le score obtenu par une marque ne signifie rien s'il n'est pas mis en comparaison avec ceux obtenus par des marques du même marché. De même, ce score doit être apprécié en fonction d'une cible visée déterminée. 117. Il est important de ne pas oublier que les marques qui ont la plus forte notoriété sont en général les plus anciennes. En effet, la notoriété est le résultat d'un long travail de communication. La construction de la notoriété peut prendre du temps car les consommateurs peuvent mettre du temps à se familiariser avec une marque. 3) Comment développer la notoriété ? 118. Il existe plusieurs facteurs qui contribuent au développement de la notoriété d'une marque. En effet, la notoriété ne se construit pas seulement par la publicité bien que celle-ci soit un élément nécessaire à son développement. Ces facteurs sont de deux ordres : ceux qui tiennent à la présence physique de la marque sur son marché mais aussi les agents qui construisent la notoriété tels que la publicité. 119. Si elle veut développer sa notoriété, la marque doit d'abord avoir une forte identité attachée à la catégorie de produits correspondant au secteur de la marque111. Pour David AAKER, la marque peut améliorer sa notoriété de plusieurs manières, notamment en étant différente et facile à mémoriser, à l'aide de slogans ou de jingles, avec des symboles visuels, etc.112. Par ailleurs, la notoriété s'acquiert par la puissance et la durée d'exposition 113 et cette puissance d'exposition s'acquiert en grande partie grâce à la publicité. En effet, la notoriété nécessite la répétition, et ce sur du long terme. Par ailleurs, il ne faut pas omettre de faire un choix du type de notoriété à privilégier en fonction du niveau des taux de notoriété. Les efforts à faire afin de développer la notoriété ne seront pas les mêmes selon que la marque a 111 Management du capital-marque, op. cit., p. 85 112 Ibid., p. 85 et s. 113 G. Lewi, La marque, Vuibert, coll. Explicit, 3e éd., p. 11 59 Publicité et droit des marques déjà un taux de notoriété top of mind élevé ou au contraire un taux de notoriété assisté très faible. B- L'image 120. L'image est une mesure qualitative qui permet d'appréhender la vision que les consommateurs ont de la marque. Il est nécessaire de lui accorder une grande attention car c'est elle qui donne un sens à la marque. 1) Définition 121. L'image de la marque correspond à l'ensemble des perceptions, évocations mentales ou associations des consommateurs à propos de cette marque. Il s'agit d'un indicateur qualitatif, contrairement à la notoriété qui est un critère quantitatif qui se borne à mesurer la connaissance de la marque seulement. Toute marque a une image. Celle-ci « habille la marque, l'enrichit de significations, spécifie ses sens »114. Les marques sont intangibles. Néanmoins, les consommateurs s'en font une image et de ce fait, les matérialisent dans leur esprit115. C'est la publicité qui contribue à façonner cette image en mettant en avant l'histoire de la marque, ses valeurs. Par ailleurs, la création de l'image dans l'esprit du consommateur se fait à partir des connaissances qu'il a sur la marque, de ses expériences avec celle-ci et plus généralement de son histoire avec elle. Elle a pour conséquence une prise de distance du consommateur envers le produit lui-même qui résulte de la valeur qui est ainsi donnée à la marque par le client. L'image de la marque résulte de divers éléments, notamment des produits eux-mêmes, de la communication de la marque, de son histoire mais aussi de ses consommateurs. 114 M. Bassani, S. Sbalchiero, K. Ben Youssef, S. Magne, Brand Design, De Boeck, 1è éd., p. 88 115 Ph. Mouillot, Publicités, op. cit., p. 52 60 Publicité et droit des marques 122. L'ouvrage Mercator donne quatre caractéristiques de l'image de la marque116. Tout d'abord, comme nous venons de le voir, elle est un ensemble de « représentations mentales ». Elle est aussi sélective et simplificatrice puisqu'elle résume les sentiments et perceptions des clients sur la marque. Par ailleurs elle est personnelle et subjective en ce qu'elle varie d'une personne à une autre. Enfin, la quatrième caractéristique est que l'image est assez stable car elle résulte des attitudes du consommateur à un certain moment et celles-ci sont en principe stables. Cette caractéristique a pour effet une tolérance du client fidèle envers la marque qui commet un faux pas. A l'inverse, le client sera d'autant plus critique et sévère vis à vis de la marque qu'il n'aime pas. Ainsi, la stabilité de l'image peut être un avantage (et donc un certain répit) tout comme un handicap. 123. David AAKER considère qu'il y a onze éléments qui composent l'image de la marque, onze dimensions117 : ● Les attributs du produit : il s'agit des caractéristiques tangibles. ● Les caractéristiques intangibles : elles sont moins susceptibles de souffrir des attaques des concurrents puisqu'elles relèvent de l'immatériel, contrairement aux caractéristiques tangibles qui, elles, peuvent être surpassées. ● Les bénéfices-consommateurs : ils peuvent être de deux ordres, rationnels (basés sur des éléments objectifs) ou psychologiques. ● Le prix relatif : une marque doit nécessairement se positionner dans une catégorie de prix (bas de gamme, moyenne gamme, haut de gamme, luxe) ● Les utilisations de la marque : elle doit se positionner sur ses modes et ses occasions d'utilisation. ● Les acheteurs et les utilisateurs : la marque peut se positionner sur un certain type d'acheteur (par exemple, le « WASP » de la classe moyenne supérieure pour Tommy Hilfiger) ● Les célébrités et les personnages attachés à la marque : ceux-ci, qui peuvent être réels ou imaginaires transfèrent leur notoriété à la marque et deviennent ainsi des éléments de l'image de la marque ● La personnalité et le « style de vie » de la marque ● La catégorie de produits à laquelle appartient la marque 116 Mercator, op. cit., p. 778 117 Management du capital-marque, op. cit., p. 120 et s. 61 Publicité et droit des marques ● Les concurrents ● L'aire géographique et la nationalité de la marque 124. Comme on peut donc le voir, l'image de la marque résulte en grande partie du positionnement choisi par celle-ci. Pour autant, ce qu'elle mesure, ce sont bien les sentiments des consommateurs envers elle-même. 2) Le rôle de l'image 125. L'image joue un rôle important dans le choix des consommateurs. En effet, tout d'abord, elle permet de synthétiser l'ensemble des perceptions que le consommateur a de la marque. Il reste donc de ces perceptions un "résumé" favorable ou non qui simplifiera le sentiment envers la marque qui, autrement, pourrait être complexe. 126. L'image de la marque a plusieurs effets sur la marque. En premier lieu, comme nous l'avons déjà dit, elle constitue une synthèse de l'ensemble des perceptions des consommateurs et crée ainsi des sentiments, ou du moins des prédispositions, favorables ou au contraire défavorables. De ce fait, elle peut donner des raisons d'acheter ou non. Ensuite, elle permet de différencier la marque de celles des concurrents118. Un autre effet de l'image est que celle-ci va être transférée aux clients de la marque. Ainsi, de la même manière que les consommateurs peuvent s'identifier à la marque, ellemême et les clients potentiels peuvent se faire une image d'elle par le biais de ceux qui la consomment. Enfin, l'image de la marque va orienter les éventuelles extensions de marque. En effet, l'image est la limite à ne pas dépasser et à prendre en compte lorsqu'une entreprise envisage une extension. Une marque de luxe briserait son image en proposant une gamme plus accessible. Il faut donc veiller à maintenir une certaine cohérence entre la marque et les nouveaux produits qu'elle envisage de lancer. 118 Publicitor, op. cit., p. 163 62 Publicité et droit des marques 127. L'image de la marque crée de la valeur. En effet, c'est l'image qui donne du sens à la marque. C'est elle qui aide le consommateur en lui donnant des raisons d'acheter et en différenciant la marque de celles des concurrents. Si un consommateur choisit une marque, c'est qu'il adhère à ses valeurs, à ce qu'elle représente. L'image de la marque est ce qui reste de l'ensemble de ses politiques de vente et de communication dans l'esprit du public. Il est donc primordial d'accorder la plus grande attention à la construction et au maintien d'une bonne image de la marque. §2 Les autres indicateurs 128. Un des indicateurs du capital marque est la qualité perçue. Celle-ci différencie la marque et donne des raisons d'acheter ses produits. En effet, si le consommateur est conscient de la qualité du produit, il sera susceptible de le racheter. Aussi, il sera moins réticent à payer le produit plus cher qu'un produit concurrent mais dont la qualité, à ses yeux sera moindre. Le prix, s'il est élevé, doit être justifié par la qualité (supérieure) du produit. A l'inverse, le prix peut aussi influer sur la qualité perçue. En effet, il sert de référence lorsqu'il est difficile d'évaluer le produit ou encore lorsque la possession du produit peut informer sur le statut social du client119 (ou du moins celui qu'il veut faire paraitre). La qualité perçue résulte de la qualité objective du produit mais pas seulement. En effet, il faut aussi prendre en compte les dimensions, même irrationnelles qui sont importantes aux yeux des consommateurs120. Ainsi, il faut prendre en compte des aspects tels que le prix, l'environnement du produit (emballage, lieu de vente) ou encore l'image (ou l'imaginaire) autour de la marque. Cette notion de qualité perçue est à rapprocher de la notion juridique de fonction de garantie de qualité jouée par la marque et récemment reconnue par la jurisprudence communautaire. La marque représente en effet une qualité qu'elle garantit au consommateur afin que celui-ci soit assuré de retrouver la même chaque fois qu'il rachète un produit dont il a été satisfait. 119 Management du capital-marque, op. cit., p. 292 120 Ibid. 63 Publicité et droit des marques 129. Une marque forte réside dans sa relation avec les consommateurs. Ainsi, comme on l'a vu, la notoriété et l'image sont des indicateurs importants du capital marque. La qualité perçue joue, elle aussi, un rôle essentiel. Il existe néanmoins deux autres facteurs importants. Il s'agit du capital client (A) qui est une notion assez récente mais aussi de la fidélité à la marque (B) qui permettra d'assurer des ventes régulière et donc la pérennité de la marque. A- La notion de capital client 130. La notion de capital client est apparue récemment, elle aussi, mais elle reste floue. Le capital client peut être défini comme la « différence provoquée par la marque dans la manière dont les consommateurs réagissent au produit et à son marketing »121. De plus en plus, on entend que le client constitue le vrai capital de l'entreprise. En effet, c'est bien le client qui apporte à l'entreprise son chiffre d'affaire. Pour Georges LEWI, pour qui le capital client est le nombre de clients fidèles, il s'agit même du capital le plus important car c'est celui qui légitime les efforts de la marque122. Ainsi, s'est développée la notion de capital client (ou customer equity) et celle de customer lifelong value (cette dernière envisageant la valeur du client sur l'ensemble de son cycle et non sur des opérations ponctuelles123). C'est le client qui fait vivre la marque. Les professionnels du marketing en ont pris conscience et ont commencé à prendre les consommateurs en compte. Une idée a alors commencé à faire sa place dans les esprits : celle que la marque n'est rien sans les clients qui achètent ses produits. Ainsi, comme le rappelle Jean-Noël KAPFERER, « il n'y a pas de marques sans clients »124. 131. Aujourd'hui, lorsque l'on parle de brand equity, il peut s'agir de deux choses : La 121 Marketing-Management, op. cit., 13° éd, p. 312 122 G. Lewi, La marque, op. cit., p.18 123 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 191 124 Ibid., p. 192 64 Publicité et droit des marques customer equity (ou consumer based brand equity) ou la financial brand equity appelée plus simplement brand equity125. La dernière évalue les actifs de la marque, du point de vue financier, tandis que la seconde prend en compte les clients. Il est nécessaire de bien saisir la différence qui existe entre la valeur de la marque aux yeux du consommateur et la valeur financière. Ces deux valeurs de la marques sont indépendantes et doivent donc être différenciées. En effet, une marque peut avoir une valeur importante aux yeux du consommateur mais ne rien valoir financièrement126. Le capital client prend en compte la manière dont les consommateurs perçoivent la marque et les conséquences de cette perception sur l'acte d'achat. Ainsi, si la réaction des clients au produit est plus favorable lorsque la marque est identifiée, le capital sera positif. Dans le cas contraire, il sera négatif127. Certaines méthodes d'évaluation du capital marque se basent sur une approche qui prend en compte la perception de la marque par les clients. C'est notamment le cas des méthodes BAV et Brandz. 132. Bien que le capital client de la marque joue un rôle important, il semble néanmoins faux d'affirmer, comme certains le font, que le vrai capital de l'entreprise est le capital client et non le capital marque car comme on l'a dit, bien des marques disposant d'un fort capital de marque auprès des clients ont une force de marque peu importante. 133. La notion de capital client est à rapprocher de celle de fidélité à la marque. En effet, on peut conclure de ce que disent certains auteurs, que ces deux notions ne sont pas sans ressemblances. On l'a vu, Georges LEWI considère que le capital client correspond au nombre et au pourcentage de clients fidèles. Jean-Noël KAPFERER, quant à lui, va plus loin encore lorsqu'il dit que le vrai capital de l'entreprise est celui de la fidélité à la marque128. 125 Ibid., p. 745 126 FAQ La Marque, op. cit., p. 75 127 Marketing-Management, op. cit., p. 312 128 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 194 65 Publicité et droit des marques B- La fidélité à la marque 134. La fidélité à la marque est un indicateur très intéressant du capital marque. En outre, elle se rapproche et dépend, en quelque sorte, d'un autre indicateur. En effet, la fidélité, qui est une preuve de l'attachement des clients à la marque, résulte de leur satisfaction vis à vis des produits. Cette satisfaction découle, par ailleurs, de la qualité perçue. On peut en conclure que de la qualité perçue découle la fidélité à la marque. Néanmoins, la qualité perçue n'est pas le seul élément conduisant les consommateurs à la fidélité. Comme nous l'avons déjà relevé, le client est, en fait, davantage fidèle à la marque elle-même qu'à ses produits. Par conséquent, une déception sur les produits, si elle reste rare, n'aura pas d'incidence sur l'attachement à la marque et donc sur la fidélité. Il existe, par ailleurs, un attachement très supérieur à la fidélité. Il s'agit de celui qui est porté à certaines marques. Le sentiment qui est alors celui des consommateurs envers la marque relève clairement de l'amour. Ces marques sont alors appelées lovemarks. 1) La notion de fidélité à la marque 135. La fidélité à la marque « traduit une attitude favorable à l'égard d'une marque spécifique résultant en un achat répété de cette marque au cours du temps »129. Elle est le plus souvent acquise pour des produits impliquants et très rarement pour des produits de grande consommation qui sont fortement soumis à la sollicitation de la concurrence130. 136. La fidélité est, par ailleurs, un indicateur du capital marque car elle permet de se rendre compte de la force de la marque. Elle est aussi un levier du capital marque. En effet, les clients fidèles constituent une véritable plus-value en ce qu'ils sont plus rentables et moins sensibles au prix que les clients non attachés à la marque. Pour David AAKER, la fidélité des clients est l'élément essentiel du capital marque notamment car elle permet de réduire les dépenses de marketing, attire de nouveaux clients et donne du répit pour répondre 129 Au cœur de la marque, op. cit., p.32 130 A. Dayan, La publicité, op. cit.., p. 33 66 Publicité et droit des marques aux attaques des concurrents131. 137. Plus la marque est forte, plus le taux de fidélité des consommateurs a de chances d'être important. La fidélité permet non seulement d'assurer une continuité dans la vente de produits ou services mais elle permet aussi d'accorder du répit en cas de défaillance de produits132. Ainsi, un client fidèle ne tournera pas le dos à une marque qui l'a déçu si auparavant il lui était attaché. La fidélité donne ainsi, comme on l'a déjà dit, un répit mais aussi une certaine latitude quant aux prix. Néanmoins, il faut préciser que les consommateurs ne sont pas fidèles à la marque à n'importe quel prix. Ainsi, si les produits de la marque connaissent des hausses de prix injustifiées trop importantes, les clients, même fidèles, risquent de s'en détourner. En effet, la fidélisation passe notamment par un bon rapport qualité-prix. Cependant, force est de constater que, quand bien même un client se détourne d'un produit lorsque le prix augmente de manière trop importante, il n'en demeure pas moins attaché à la marque133. Cette constatation trouve son explication dans le fait que le consommateur n'est pas particulièrement fidèle aux produits eux-mêmes mais plutôt à la marque dont ils sont pourvus. La fidélité des clients à la marque repose sur plusieurs facteurs comme leur satisfaction, leur relation affective avec la marque ou encore les différences de prix avec la concurrence134. Par ailleurs, il faut noter que, selon la catégorie de produits et l'implication du consommateur, l'importance accordée à la marque ne sera pas la même135. 138. Pour Jean-Noël KAPFERER, il existe un quasi-contrat entre les marques et les consommateurs. Ainsi, il y a un engagement réciproque qui engage la marque à être constante dans ses prestations et le client à lui rester fidèle. C'est pour cette raison que le consommateur pardonnera une erreur de la part de la marque et lui restera attaché136. Cet engagement est ce que certains auteurs appellent « contrat de marque » que Georges LEWI définit comme le « contrat tacite passé entre la marque et ses clients, fondé sur les repères qui induisent la fidélité des clients à la marque »137. 139. Il existe différents niveaux de fidélité à la marque que l'on peut classer par ordre 131 Management du capital-marque, op. cit., p. 292 et 293 132 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 49 133 Ibid., p. 67 134 Management du capital-marque, op. cit., p. 293 135 Au cœur de la marque, op. cit., p. 31 136 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 49 137 G. Lewi, La marque, op. cit., p.23 67 Publicité et droit des marques croissant d'attachement. Le premier est l'infidélité qui se traduit par une irrégularité des achats de produits de la marque. Ensuite, vient la fidélité occasionnelle caractérisée par l'achat de produits de la marque parmi des marques leaders en fonction du prix. Le troisième niveau correspond à la fidélité partagée, hypothèse où le client achète des produits de plusieurs marques dans la catégorie de produits donnée. Enfin, le plus haut niveau est celui de la fidélité indivise où le consommateur achète presque exclusivement des produits de la marque dans une catégorie de produits.138 140. La fidélité des clients s'obtient de plusieurs manières. Il convient que la marque maintienne une certaine constance à la fois dans la qualité (et la qualité perçue) de ses produits, mais aussi dans ses prix. La publicité, par l'imaginaire qu'elle peut créer autour de la marque peut aussi s'avérer utile dans la fidélisation de la clientèle. La fidélité représente plusieurs avantages : comme on l'a déjà dit, elle laisse du répit pour répondre aux attaques de la concurrence, mais pas seulement. En outre, elle réduit les dépenses marketing, elle donne du pouvoir aux producteurs quant à leurs exigences en matière de référencement et enfin, elle peut attirer de nouveaux clients par imitation des clients fidèles139. 141. Au delà de la notion de fidélité, il existe un sentiment très fort que les consommateurs peuvent éprouver pour la marque. Il s'agit d'un attachement qui relève presque de l'amour. Les marques qui sont l'objet de tels sentiments sont appelées lovemarks. 2) La lovemark 142. Il s'agit d'une théorie mise au point par Kevin ROBERTS, président de Saatchi & Saatchi monde. Il appelle lovemark « les produits ou services envers lesquels les consommateurs font preuve d'une fidélité qui dépasse la raison »140. Cette notion est née de la constatation que, dans la plupart des marchés, les produits coexistaient et, en conséquence, les marques aussi. Les produits ne présentent plus vraiment de différences objectives, les produits étant, depuis l'émergence de nos sociétés de consommations, de plus en plus 138 Au cœur de la marque, op. cit., p. 33 139 Pentacom, op. cit., p. 291 140 www.saatchi-ch.com/fr/lovemarks 68 Publicité et droit des marques similaires. Pour Kévin ROBERTS, il est donc devenu nécessaire « de passer d'une logique de transaction à une logique de relation »141. Il compare cette relation avec les relations entre individus. Il se crée alors un lien émotionnel entre le client et la marque où le rationnel ne trouve plus sa place. La marque n'appartient alors plus à l'entreprise mais à ceux qui l'aiment. On peut considérer qu'une marque est une lovemark lorsqu'elle est irremplaçable, c'est-à-dire lorsqu'on ne pourrait pas la remplacer par une autre si elle venait à disparaître. 143. Dans le cas des lovemarks comme dans les relations humaines, amicales ou amoureuses, les qualités objectives ne suffisent pas à créer la préférence142. Par ailleurs, la relation entre la marque et les consommateurs, comme c'est le cas entre personnes, repose sur le respect et la confiance mutuelle, ainsi que sur l'amour. En effet, « La lovemark compte sur les règles sociales et psychologiques de la réciprocité : aime moi puisque je t'aime »143 144. Le statut de lovemark nécessite plusieurs éléments. La marque doit, certes, provoquer la confiance et l'admiration mais le respect et la passion sont deux conditions primordiales. Néanmoins, les trois éléments essentiels à réunir pour susciter et entretenir l'amour sont le mystère, la sensualité et l'intimité avec les consommateurs. Il existe plusieurs étapes pour accéder au rang de lovemark. Les marques qui n'ont ni respect ni amour sont les trademarks (c'est le cas des produits de base ex: les MDD), celles sans respect mais avec amour sont les missmarks (on les aime bien mais on ne les respecte pas), celles sans amour mais avec respect sont les trustmarks (Elles méritent notre confiance et on les respecte pour les performances et le sérieux de leurs produits mais elles ne dégagent pas d'émotion (ex: microsoft) et enfin celles qui génèrent respect et amour sont les lovemarks (ex: Nike). 145. Le statut de lovemark présente de nombreux avantages. En effet, il augmente la valeur perçue de la marque, permet à la marque de mieux résister aux crises et joue un rôle important dans la fidélisation de la clientèle144. 146. Comme on vient de le voir, il existe des leviers de création de valeur puissants. 141 Publicitor, op. cit., p. 220 142 Ibid. 143 J.-N. Kapferer, Ce qui va changer les marques, Editions d'Organisation, 2e éd, p. 277 144 Publicitor, op. cit., p. 220 69 Publicité et droit des marques Néanmoins, certains éléments ou faits peuvent nuire à la valeur de la marque. Ainsi, des extensions de marques incohérentes peuvent diminuer la valeur de la marque. De même, si la marque se met à ressembler à ses concurrents, elle perdra de la valeur aux yeux de ses clients145. La marque est donc un actif de l'entreprise instable. Il faut pouvoir maintenir, voire augmenter, la valeur de la marque. C'est en cela que le publicité peut être un outil nécessaire à la marque. La publicité est en premier lieu un moyen d'information mais pas seulement : elle permet notamment d'accroitre la notoriété de la marque et de définir son image. Elle est également un outil indispensable dans le positionnement de la marque et dans l'élaboration de son identité. 145 FAQ La marque, op. cit., p. 83 70 Publicité et droit des marques Chapitre 2 La publicité : Un outil au service de cet actif 147. Comme nous l'avons dit plus haut, la marque a besoin de la publicité pour obtenir une notoriété mais aussi pour pouvoir créer une image, un univers autour d'elle. Ne pas communiquer serait une erreur pour la marque car cela aurait pour conséquence de la faire disparaître du panorama visuel et mental. Or c'est la continuité de la communication qui va permettre à la marque de rester à l'esprit des consommateurs. En outre, la publicité contribue à l'élaboration d'une histoire de la marque, d'une légende. Elle peut ainsi rappeler les origines de la marque ainsi que les valeurs qu'elle prône. La publicité permet de faire de la marque ce qu'elle veut devenir. Elle lui apporte la reconnaissance et lui confère de la valeur tant au regard des consommateurs qu'à celui des investisseurs. En cela, elle est un outil essentiel à la construction du capital marque. 148. La publicité est avant tout un moyen de communication (section 1). Depuis toujours, la réclame, puis la publicité, a eu pour objet d'informer les consommateurs de la présence d'une offre sur un marché. Cette information avait pour objet d'attirer l'attention du client et donc d'être plus susceptible d'obtenir sa préférence. Avec l'apparition de la production de masse, la publicité a vu son rôle de communication s'élargir à une tentative de persuasion. La publicité a commencé à façonner un univers autour de la marque afin de mettre le produit dans un contexte favorable, propice au rêve. Le produit est alors devenu le symbole d'un mode de vie auquel la majorité des consommateurs aspire. Ainsi, acquérir le produit permettrait de se rapprocher d'une vie meilleure. Les publicistes utilisent dans cette optique des visions optimistes censées représenter un schéma d'une vie idéale et fantasmatique. 149. Par ailleurs, la publicité peut s'avérer être un instrument utile pour positionner la marque sur un marché (section 2). En effet, lorsque la marque est positionnée, il convient d'en informer les consommateurs. Il faut permettre aux consommateurs de situer le produit sur le marché et par rapport à la concurrence. Une fois la marque positionnée, le travail de la publicité ne s'arrête par pour autant. Il faut communiquer sur la marque tout au long de sa 71 Publicité et droit des marques vie, notamment pour informer des évolutions ou pour corriger une image devenue négative. Enfin, la publicité est indispensable à la conception de l'identité de la marque, qui de la même manière que pour un être vivant, va constituer la carte de visite de la marque ; ce qui fait qu'elle va attirer ou non les consommateurs. Section 1. Un outil de communication 150. La publicité, au sens de porter un fait à la connaissance du public, a toujours existé. A l'origine, il s'agissait essentiellement de rendre publiques des décisions qui relevaient des autorités. Petit à petit, l'usage s'est répandu avant de devenir l'apanage des commerçants et des industriels. Sa définition a, de ce fait, évolué pour prendre le sens qu'on lui donne aujourd'hui, c'est-à-dire, l'action de promouvoir un produit et d'inciter à l'achat (§1). 151. Cette évolution de la publicité s'est faite en plusieurs siècles et a eu plusieurs conséquences. Ainsi, la publicité ne constitue plus seulement un moyen d'information. Elle tente de convaincre les consommateurs que l'acquisition des produits de la marque dont elle vante les mérites va améliorer leur vie (§2). Elle met alors le produit au sein d'un environnement idéal qui incite à l'achat. On prête au produit des vertus qui font de lui un élément indispensable à la réalisation de la vision ainsi projetée. Il devient le symbole d'une appartenance à un statut social ou à un groupe de personne. Détenir ce produit permet, selon le message de la publicité, de se rapprocher de son soi idéal, de la vie à laquelle aspire la cible. La publicité vend donc du rêve ; elle s'attache à créer un imaginaire autour de la marque, dans lequel elle véhicule ses valeurs. §1 Définition et évolution de la publicité 152. La publicité, telle que nous la connaissons aujourd'hui est relativement récente. 72 Publicité et droit des marques Lorsque les produits ont commencé à devenir identiques, il a fallu trouver le moyen de les différencier. C'est dans ce but que la publicité moderne a vu le jour. De nos jours, l'objet de la publicité est de mettre en avant un produit ou une marque et ainsi d'inciter les consommateurs à l'acheter (A). 153. La publicité n'a pas toujours été le domaine des industriels et des publicistes. Son sens premier, ou du moins les usages qui n'en revêtaient pas encore le nom, était simplement de rendre public. On trouve encore aujourd'hui des restes de cette définition qui était la sienne (l'action de rendre public et opposable aux tiers), notamment avec la publicité foncière. Néanmoins, le développement des procédés industriels et, de ce fait, de l'offre sur le marché ont fait de ce terme de publicité ce qu'il est aujourd'hui (B). Les commerçants se sont appropriés cette méthode dans le but de faire connaître leurs produits. La publicité est ainsi devenue une méthode mercantile. Pourtant, on peut remarquer à titre anecdotique qu'elle redevient aussi un moyen de communication à des fins non lucratives en ayant été récupérée par certaines associations et par le monde de la politique. Ainsi, se rapproche-telle un peu d'une pas si lointaine cousine : la propagande. A- Définition 154. La publicité est un mode de communication qui a pour objet de promouvoir un produit, un service ou encore une marque. De la réclame, qui est en quelque sorte son ancêtre, la publicité a gardé certaines méthodes. Néanmoins, les progrès en matière de sciences humaines ont eu pour effet de voir la publicité leur emprunter certaines techniques. La publicité a ainsi évolué pour devenir une discipline un peu plus scientifique, notamment en se servant de méthodes relevant de la psychologie. 1) Qu'est-ce que la publicité ? 155. Le dictionnaire Larousse définit la publicité comme une « activité ayant pour objet 73 Publicité et droit des marques de faire connaître une marque, d'inciter le public à acheter un produit, à utiliser un service, etc. » ainsi que comme l'« ensemble des moyens et des techniques employés à cet effet ». L'ouvrage Publicitor donne une définition plus technique : c'est une « communication de masse partisane faite pour le compte d'un émetteur clairement identifié qui paie des médias pour insérer ses messages promotionnels dans des espaces distincts du contenu rédactionnel et les diffuser ainsi aux audiences des médias retenus »146. Bernard CATHELAT, quant à lui, considère que « la notion moderne de publicité est celle d'une "psychosociologie de l'information appliquée à des objectifs marchands" »147. 156. La publicité correspond à toute forme de communication qui vise la promotion d'un produit, d'une marque ou même d'une organisation ou d'une cause ( par exemple : les campagnes anti-tabac). Les moyens de communication peuvent être divisés en deux catégories : ► La communication médias qui correspond à la publicité et qui se fait au moyen de la presse, de la télévision, de l'affichage, de la radio et du cinéma. Ces supports sont généralement appelés « grands médias ». Aujourd'hui, on a tendance à en ajouter un sixième : Internet. ► Le hors-médias qui comprend toutes les formes de communication autres que la publicité (par exemple : le parrainage, les salons et les foires, les promotions, etc.). Ces médias sont généralement très utiles lorsqu'il s'agit d'une communication industrielle ou professionnelle mais sont qualifiés de « hors médias » lorsqu'il s'agit de produits ou services destinés au grand public148. 157. La publicité est restée pendant longtemps le principal outil de communication des marques. Ce mode de communication a des caractéristiques précises. En effet, il a en principe un émetteur clairement identifié et s'adresse à un public généralement large. Par ailleurs, la publicité est partisane et, comme on vient de le voir, se trouve dans les médias de masse149. Toutefois, bien que l'on puisse relever les caractéristiques générales de la publicité, il est nécessaire de préciser qu' « il n'existe pas une publicité mais des pratiques 146 147 148 149 Publicitor, op. cit., p. 98 B.Cathelat, Publicité et Société, op. cit., p. 47 A. Dayan, La publicité, op. cit., p. 58 Publicitor,, op. cit., p. 102 74 Publicité et droit des marques publicitaires »150. 158. La publicité est fondamentalement optimiste. Elle embellit la réalité. Elle montre quasiment toujours des personnages sympathiques et heureux. Le chômage, les problèmes d'argent n'existent pas (sauf pour les publicités pour les organismes de crédit bien sûr mais celles-ci apportent alors la solution qui va tout régler!!). Les personnages vivent dans des quartiers paisibles ; leur famille se rapproche du modèle de la famille idéale (parents mariés, deux ou trois enfants généralement) et tout va alors pour le mieux dans le meilleur des mondes. Néanmoins, comme le souligne Bernard CATHELAT, « plus les individus portent attention à la publicité, plus ils nient la crise »151 mais le bonheur fait vendre ; il apporte une part de rêve et c'est ce dont les gens, surtout en tant de crise, ont besoin. 159. En outre, il est intéressant de relever que l'on voit de plus en plus de publicités diffusées à des fins non marchandes. Ainsi, on peut voir des publicités qui promeuvent des associations, qui incitent à certains comportements ou encore qui servent la politique. Elles se rapprochent alors de la propagande152. L'objectif premier de la publicité reste néanmoins commercial. La publicité a pour objet d'attirer l'attention du consommateur sur les produits de la marque ou sur celle-ci plus généralement afin de les inciter à l'achat. 2) Le mode opératoire de la publicité 160. L'objectif de la publicité est économique mais elle utilise des méthodes qui relèvent de la psychologie. Elle opère par le biais de moyens visant à agir, sans intermédiaire, sur le plus grand nombre de consommateurs. Afin de vendre les produits, elle va tenter de démontrer leurs qualités ainsi que leur capacité à satisfaire les besoins réels ou imaginaires des consommateurs à qui elle s'adresse153. La publicité joue alors un rôle sur le comportement du consommateur. En effet, elle doit informer mais surtout inciter à l'achat. Elle a pour but d'attirer l'attention des 150 151 152 153 Publicité et Société, op. cit., 103 Ibid., p. 13 Publicitor,, op. cit., p. 102 Publicité et Société, op. cit., p. 48 75 Publicité et droit des marques consommateurs sur les produits de la marque ou sur la marque elle-même. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une publicité dite « de marque » car elle ne cible aucun produit ou service mais la marque dans son ensemble. 161. La publicité peut utiliser deux chemins pour atteindre sa cible. Le premier, le chemin psychologique, consiste à considérer que le message fera appel à des notions dont la cible n'est pas toujours consciente, à ses émotions. Le second, le chemin technique, s'intéresse au support même du message (sans avoir forcément de cible spécifique)154. Ainsi, un message publicitaire comprend généralement deux aspects. Le premier est informatif et repose sur des éléments rationnels. Le second aspect est suggestif et est constitué de symboles latents155. L'objectif de cet aspect est donc d'inciter à l'achat en utilisant la suggestion. 162. Pour Armand DAYAN, la publicité peut être divisée en deux catégories, selon la nature du message qu'elle véhicule156. Ainsi, il distingue la publicité dénotative de la publicité connotative. La première informe et argumente pour convaincre en s'adressant à la raison. Elle ne se contente pas d'informer mais tente aussi de convaincre par le raisonnement. La publicité connotative, quant à elle, suggère et s'adresse à l'émotion en procédant par l'association d'idées. Bien que la majorité des publicités choisisse d'utiliser l'un ou l'autre, certaines mêlent les deux modes d'expression. On appelle aussi cette forme de publicité « publicité suggestive ». Elle est principalement utilisée pour les produits impliquants et « dont la fonction utilitaire est atrophiée »157. Armand DAYAN établit une seconde différenciation. Il oppose la publicité dure (hard selling) qui a un objectif à court terme : influencer l'achat immédiat, à la publicité dite douce (soft selling) qui cherche, outre à faire connaître le produit, à lui donner une image favorable. Cette dernière est en principe connotative car elle vise à toucher les émotions et l'affectivité. 163. La publicité doit parfois user de moyens spécifiques pour attirer l'attention des consommateurs. Elle peut recourir à des méthodes de « publicité imposée » (la réclame qui est fondée sur la répétition, les emails, le démarchage...) ou à des méthodes accrocheuses 154 155 156 157 Publicités, op. cit., p. 27 Publicité et Société, op. cit., p. 155 La publicité, op. cit., p. 9 Publicitor, op. cit. p. 73 76 Publicité et droit des marques telles que la transgression d'interdits, la présence de femmes nues, l'intrigue (au long des messages publicitaires), etc.158. La publicité, pour promouvoir les produits, utilise des éléments subjectifs. Comme on l'a dit, elle utilise des moyens psychosociologiques. Elle tente alors de placer le produit dans un schéma de la vie sociale des consommateurs. L'objectif de la publicité est de présenter au consommateur l'image de lui qu'il attend (et espère). Comme nous le verrons plus loin, la publicité vend, en réalité, plus qu'un produit mais un mode de vie. Le rôle de la publicité est donc de donner un sens au produit, de le mettre dans un certain contexte, de le rendre encore plus attractif. Bien qu'elle ne crée pas réellement de nouveaux besoins, elle répond aux attentes inconscientes des consommateurs afin, notamment, de leur renvoyer l'image d'eux à laquelle ils aspirent. B- Histoire de la publicité 164. La publicité existe depuis l'antiquité mais c'est grâce aux avancées industrielles, au développement des médias de masse mais aussi à l'amélioration de notre qualité de vie qu'elle a pu devenir ce qu'elle est aujourd'hui. Ainsi, comme le souligne Bernard CATHELAT, l'action publicitaire n'est possible que dans une société d'abondance : quand la surproduction industrielle s'accompagne d'une hausse du pouvoir d'achat159. 165. De gravures sur les murs, elle est passée aux annonces orales, avant de faire l'objet d'affiches de plus en plus complexes et de publications par voie de presse . Par la suite, l'arrivée de la radio et celle de la télévision lui ont donné des supports qui lui ont permis de se développer et ont fait d'elle cet instrument « culturel » que l'on connait aujourd'hui. 1) Les prémices de la publicité 166. Les premières traces de publicité remontent à plus de 5.000 ans avant J.C. où des 158 Ibid., p. 82 et s. 159 Publicité et société, op. cit., p. 56 77 Publicité et droit des marques inscriptions vantaient les mérites d'artisans. On trouve d'autres traces de publicité dans l'Antiquité. Par exemple, on a retrouvé des affiches annonçant des combats de gladiateurs. Au Moyen-Age, la grande majorité des sujets du Royaume ne sachant pas lire, les ordonnances royales, mais aussi certaines annonces commerciales, étaient rendues publiques grâce à des crieurs. L'arrivée de l'imprimerie, à partir du XV ème siècle, marque la naissance du support de la publicité moderne. L'affiche ainsi que les tracts deviennent des supports de la réclame. On a, par exemple, retrouvé une affiche de 1482 annonçant un pèlerinage160. 167. Le mot « publicité » est apparu en 1689 avec le sens « d'action de porter à la connaissance du public ». Par ailleurs, il est intéressant de noter que le terme anglais de publicité « advertising » vient du français « avertir »161 ou du concept d' « entr'avertir » créé par Montaigne au début du XVIIème siècle162. C'est d'ailleurs sur les conseils de ce dernier que Théophraste Renaudot, en 1628, eut l'idée de créer « le bureau de rencontre et d'adresse » chargé de collecter et de diffuser les petites annonces163. 168. Le terme de publicité désignait au départ l'acte de rendre publique une décision de justice ou les délibérations des représentant du peuple. L'affichage demeurait cependant le monopole de la Couronne et de l'Église et il fallait, jusqu'à la Révolution, disposer d'un privilège pour pouvoir publier. En conséquence, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, l'affiche fut un outil de « propagande plus que de réclame commerciale »164. En 1722, l'affichage devint un métier reconnu par ordonnance royale. Néanmoins, la publicité demeurait encore informative, et non pas suggestive. 169. Puis, pendant la Révolution française, des textes de propagande révolutionnaire sont diffusés notamment par voie d'affiche. C'est aussi à cette période que l'on assiste à la première rencontre réelle du journal et de l'annonce165. 160 Ibid., p. 52 161 Publicitor, op. cit., p. 102 162 N. Blanc et J. Vidal, Publicité et psychologie, Edition In Press, 2009, p. 21 163 Ibid. 164 Publicité et société, op. cit., p. 52 165 Ibid. 78 Publicité et droit des marques 2) De l'ère de la réclame à la publicité 170. L'ancêtre le plus visible de la publicité était la réclame. Celle-ci consistait en une espèce d'apologie souvent mensongère d'un produit par l'annonceur. Elle a vu son apogée à un moment où la fabrication en série était encore loin de dominer complètement le marché166. 171. Sous la Restauration (1814-1830), la presse se voit frapper de lourdes taxes. Ces mesures, dont l'objectif est de réprimer la presse, ont pour effet de faire apparaître l'achat d'espaces par les publicitaires, et donc le début des relations publicité-presse167. En juin 1836, Émile de Girardin eut l'idée d'insérer dans La Presse, son journal, des annonces commerciales. Celles-ci lui permirent de baisser le prix du journal et donc de gagner de nouveaux lecteurs. Cette idée fut alors immédiatement copiée par ses concurrents. Les premières annonces commerciales sont apparues au milieu du XIXème siècle. Ainsi alors que le terme publicité désignait l'acte de rendre une chose publique, celui-ci va progressivement consister à « montrer la chose à vendre sous l'angle le plus favorable »168. Cette évolution est la conséquence de l'évolution économique et sociologique. 172. Jusqu'au milieu du XIXème siècle, les annonces concernaient essentiellement des offres d'emploi, des spectacles ou encore des évènements mondains. La seconde moitié du XIXème siècle voit, quant à elle, apparaître des publicités, ou plutôt des réclames, vantant des produits, essentiellement des médicaments, des produits financiers et des produits de luxe. Il s'agit des premières campagnes de marketing de masse169. De nombreuses inventions (miraculeuses pour beaucoup!) apparaissaient en permanence. Il fallait donc informer les gens de leur existence et les persuader que leur vie serait alors améliorée. 173. Pendant longtemps, les biens de consommation étaient rares. La publicité n'était alors pas indispensable, l'existence en elle-même des inventions constituant la meilleure publicité. Néanmoins, la publicité pouvait servir à intégrer ces nouveautés dans le mode de vie des gens. Ainsi, l'arrivée de nombreuses nouveautés sur le marché conduisit les publicitaires à 166 167 168 169 F.Bernheim, Guide de la publicité et de la communication, Larousse stratégies, 2004, p. 8 Publicité et société, op. cit., p. 53 Guide de la publicité et de la communication, op. cit., p. 8 No logo, op. cit., p. 29 79 Publicité et droit des marques essayer de les insérer « dans des schèmes de consommation courante »170. Il fallait informer les consommateurs de l'arrivée sur le marché de ces nouveautés et les persuader qu'ils amélioreraient leur vie quotidienne. Les progrès techniques ont, par ailleurs, eu pour conséquence de voir les productions des industriels devenir excédentaires. Comme le relève Bernard CATHELAT, « l'abondance a succédé à la pénurie »171. Les industriels, qui se préoccupaient jusqu'alors de produire davantage afin de pouvoir faire face à la demande, durent tenter de vendre plus pour éviter de devoir réduire leur production devenue excédentaire. La publicité devint alors un outil indispensable afin d'éviter les surplus de production. La publicité doit donc son émergence à la révolution industrielle. C'est, en effet, parce que la production a augmenté de manière significative, mais aussi avec des produits semblables, que la publicité est devenue un outil essentiel au commerce. Ainsi, durant la révolution industrielle, avec la croissance de la distribution, vint l'usage de la publicité pour informer le consommateur de la disponibilité des produits172. 174. En outre, l'industrialisation et la production de masse ont eu pour conséquence de voir arriver sur le marché des produits uniformes. Il fallut donc les distinguer les uns des autres. C'est aussi à cette fin que la publicité s'est avérée utile. Elle ne se contentait plus d'informer de l'existence et de la disponibilité du produit mais d'élaborer une image autour de la marque afin de la démarquer173. C'est à cette époque là, vers les années 1880, que l'on vit apparaître les premiers logos. Néanmoins, la publicité ne se trouvait encore qu'au stade de la réclame. Les annonces vantaient les mérites des produits en s'appuyant sur des bénéfices et des effets relevant presque du miracle. La fin du XIX ème siècle marque l'évolution des méthodes publicitaires. Ainsi, on a pu voir les slogans et les formules vantant ces produits miracles fondés sur des théories pseudo-scientifiques se transformer petit à petit en argument d'une nature plus subjective faisant appel aux sentiments et aux motivations des cibles visées. On a vu, en outre, les publicitaires faire appel à des artistes, comme ToulouseLautrec, afin de rendre les annonces plus attrayantes, en introduisant une part de rêve, 170 171 172 173 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 8 Publicité et société, op. cit., p. 55 R. Merges , J. Ginsburg, Foundations of intellectual property, Foundation Press 2004, p. 448 No Logo, op. cit., p. 29 80 Publicité et droit des marques d'imaginaire174. En effet, à partir de la fin du XIXème siècle, l'utilisation des affiches a commencé à se développer considérablement, notamment grâce à la possibilité de faire des affiches en couleur et en grand format (depuis les années 1840). 175. Les messages publicitaires, qui se contentaient, jusqu'alors, de vanter les qualités du produit, se sont alors mis à introduire une part de subjectivité en incorporant « des idéaux sociétaux liés aux aspirations des individus qui n'ont plus qu'un lien extrêmement ténu avec leurs bénéfices fonctionnels »175. En outre, les messages ne se sont par contentés de s'aligner sur les aspirations des clients visés mais ont commencé à tenter de (et à réussir à) faire adhérer ces derniers aux propres idéaux et visions de la marque. Par ailleurs, le développement des médias de masse a joué un rôle important dans l'évolution de la publicité et a contribué à en faire ce que nous connaissons aujourd'hui. La radio a ainsi diffusé les premiers spots publicitaires dans les années 1920. Puis à la fin des années 1960, les premières publicités télévisuelles ont été diffusées en France. 3) L'avènement de la publicité moderne 176. Contrairement à la réclame qui ne tient pas compte du consommateur et qui se contente de promouvoir les produits par la répétition, la publicité s'intéresse à lui et tente de le comprendre afin de répondre à ses besoins. C'est à la fin du XIXème siècle que se développent vraiment les marques commerciales grâce à la production de biens en série. Cette émergence des marques ainsi que l'arrivée de moyens modernes de presse et d'affichage ont « permis à la publicité d'être définie comme "le fait d'exercer une action sur le public à des fins commerciales" » 176. 177. Dans les années 1940, les publicitaires comprirent que la marque était plus qu'une image ou une formule mais qu'elle pouvait avoir une identité. De cette constatation découla un abandon progressif des produits en faveur de la recherche du sens même des marques et de leur place dans le mode de vie des individus. En effet, comme le souligne Naomi KLEIN, 174 Publicité et société, op. cit., p. 54 175 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 8 176 Publicitor, op. cit., p. 102 81 Publicité et droit des marques « si les entreprises fabriquent des produits, ce sont les marques que les consommateurs achètent »177. 178. En France, la publicité mettra du temps à se détacher de sa mauvaise réputation. Les consommateurs étaient méfiants et, pour d'autres raisons, les professionnels aussi. En effet, les commerçants la voyaient comme une rivale qui allait énoncer les arguments de vente avant eux et donc les priver d'une partie de leur rôle178. Cette évolution des méthodes commerciales a eu pour conséquence de voir les fabricants s'émanciper des commerçants. Puis, à partir des années 1960, la France va rapidement passer de la réclame (qui était encore en pratique) à la publicité dite « scientifique », puisque basée sur des études de marché. Cette forme de publicité, que connaissaient déjà les pays anglo-saxons, va commencer à s'imposer en France179. Ainsi, c'est à partir des années 1950, qu'en France, les publicitaires se mirent à s'intéresser à la psychologie et à la sociologie. 179. Les années 1970 ont vu apparaître des personnages-types qui avaient pour fonction de donner une dimension historique aux produits modernes. Puis les années 1980 ont apporté le spectacle et l'optimisme à la publicité180. Par ailleurs, dans les années 1980, la publicité a commencé à représenter un outil utile pour des motifs autres que mercantiles. En effet, elle a commencé à être utilisée par des associations, des responsables politiques, etc. Ainsi, des « activités réputées pures et désintéressées [se sont vues] néanmoins condamnées, dans une société de médias, aux règles de la notoriété et du positionnement culturel »181. 180. Pour Philippe MOUILLOT, depuis les années 1990, la publicité télévisuelle a évolué pour se rapprocher du court métrage182. Ainsi, d'un souci d'information puis de tentative de persuasion, le publicité est passée à un message résolument optimiste en général, et de fiction même. 177 178 179 180 181 182 No Logo, op. cit., p. 29 Guide de la publicité, op. cit., p. 8 Publicité et société, op. cit., p. 6 Ibid., p. 33 et 34 Ibid., p. 26 Publicités, op. cit., p. 17 82 Publicité et droit des marques §2 Un moyen d'information mais pas seulement 181. Comme le souligne Benoît HEILBRUNN, « le développement de la marque est inextricablement lié à l'essor de la publicité qui représente dès lors une facette importante de la stratégie de communication et de valorisation d'une marque »183. La publicité est un moyen de communication dont l'objectif est avant tout d'informer le consommateur de la disponibilité des produits, d'attirer leur attention sur ceux-ci mais aussi de les inciter à les acheter et de les persuader que ces produits vont répondre à leurs besoins mais aussi qu'ils sont de meilleure qualité que ceux de leurs concurrents. En 1985, plus de 60% des français considéraient que la publicité informait et distrayait plus qu'elle ne les manipulait184 En 1993, ils n'étaient plus que 46%, dont 30% qui considéraient qu'elle informait, et 49 qui considéraient qu'elle les manipulait185. Ces chiffres résultent de la prise de conscience du rôle réel de la publicité. Ses deux fonctions principales sont d'informer et de persuader186. Son objectif est ainsi d'informer mais aussi d'inciter le consommateur à l'achat et elle peut donc être amenée à recourir à des méthodes proches de la manipulation(A). 182. La publicité utilise des moyens de persuasion mais elle tente en outre de faire adhérer le consommateur à la vision de la marque. L'objet de la publicité n'est donc plus seulement de faire vendre, contrairement à son ancêtre la réclame, mais de rendre la marque indispensable dans notre mode de vie (B). A- Un moyen d'information et de persuasion 183. Du point de vue purement économique, informer est la seule fonction utile de la publicité. « Un marché parfait nécessite un éclairage parfait de ceux qui achètent et 183 184 185 186 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 8 Sondage IPSOS-Le Point, août 1985 Ibid., mai 1993 Foundations of intellectual property, op. cit., p. 475 83 Publicité et droit des marques vendent »187. Sans la publicité, les consommateurs auraient des difficultés à savoir quels sont les produits disponibles sur le marché. La publicité rend ainsi l'achat plus facile et donc plus rapide pour les consommateurs. 184. La première fonction de la publicité est de faire connaître le produit. Elle informe le client de la disponibilité du produit mais peut aussi contenir des informations sur l'évolution de celui-ci, de sa qualité, de son packaging ou de son nom. Elle permet de donner au consommateur toutes les informations nécessaires pour l'éclairer dans ses choix, de lui donner les éléments pour lui permettre de faire le choix du produit vanté. Par ailleurs, le message publicitaire peut donner des informations qui ne touchent pas forcément aux produits, par exemple une ouverture de magasins, une baisse de prix, etc. Elle peut aussi informer des actions promotionnelles afin de tenter de gagner une nouvelle clientèle188. 185. La principale fonction de la publicité est économique. Elle informe les consommateurs afin de faciliter le processus d'achat mais aussi de rendre le produit davantage susceptible d'être choisi. En réalité, la plupart des publicités ont pour objectif premier, non pas simplement d'informer, mais surtout d'inciter le consommateur à acheter les produits qu'elle vante. La publicité a, le plus souvent, des aspects persuasifs et on parle alors de publicité persuasive. En effet, la majorité des publicités ont pour objectif d'influencer le choix des consommateurs. La publicité a ainsi une finalité économique car elle a des intentions commerciales qui sont de vendre. Elle utilise alors des moyens de persuasion tout en veillant à ce que le consommateur continue de penser que ses choix, ses préférences ne résultent que de sa propre réflexion. 186. La publicité, par la répétition, permet de développer la notoriété de la marque et de rendre son nom familier. Il s'agit de la dimension cognitive de la publicité. Ce type de publicités, que l'on appelle parfois obsessionnelles, est notamment utile pour les produits peu impliquants189. Pour Julien VIDAL, « la publicité est un acte cognitif, car pour s'adresser à l'homme, elle doit communiquer avec son esprit »190. De ce fait, aujourd'hui, la publicité 187 188 189 190 Foundations of intellectual property, op. cit., p. 473 La publicité, op. cit., p. 35 Mercator, op. cit., p. 503 Publicité et psychologie, op. cit., p. 33 84 Publicité et droit des marques s'adresse davantage à notre inconscient car elle a compris que le moteur réel du choix du consommateur résidait dans ses motivations profondes, souvent inconscientes et non, comme on l'a longtemps cru, dans ses besoins objectifs. La publicité a, par ailleurs, une dimension affective en ce qu'on lui attribue le rôle de faire aimer la marque. Elle tente de la rendre sympathique, notamment par le biais de l'humour, mais aussi de la rendre attirante191. Enfin, elle a une dimension conative car elle cherche à pousser le consommateur à l'achat en mettant en valeur le « bénéfice consommateur » qui peut résulter d'éléments objectifs ou subjectifs192. 187. Les produits sont aujourd'hui similaires, voire identiques d'un point de vue qualitatif. Il faut pouvoir les différencier autrement que par leurs caractéristiques objectives. C'est à cette fin que la publicité peut s'avérer utile. Elle utilise alors des techniques qui relèvent de la psychologie afin d'obtenir la faveur des consommateurs. Elle va tenter d'atteindre le plus grand nombre de cibles. Par ailleurs, les besoins des consommateurs n'étant pas fixés, la publicité va s'atteler à en créer des nouveaux. Elle va alors stimuler la cible pour la convaincre que l'achat du produit va lui être utile. Ainsi, l'objet de la publicité, outre la démonstration de la qualité supérieure des produit par rapport à ceux des concurrents, est de démontrer au consommateur que l'achat va le rendre plus heureux ou va faciliter sa vie quotidienne. La publicité est alors suggestive car elle incite le consommateur à acheter le produit en faisant appel à ses motivations profondes, à ses besoins193. En effet, les choix des consommateurs sont le plus souvent les résultats de ses désirs profonds. 188. La publicité a pour mission de provoquer l'achat. Néanmoins, elle a aussi pour objectif de rendre celui-ci régulier et donc de fidéliser le client. Quand bien même la publicité arrive à provoquer l'achat d'impulsion, la fidélité au produit n'en est pas pour autant assurée. Ce sont les qualités objectives de ce dernier qui prennent alors le relais et qui doivent inciter le consommateur à réitérer l'achat. La publicité en vue d'une première acquisition du produit joue sur des codes psychologiques qui vont conduire la cible à penser que cet achat lui procurera une grande satisfaction. Le message publicitaire consistant à fidéliser la clientèle doit, quant à lui, mettre l'accent sur l'image de la marque et s'occuper du maintien de la notoriété de celle-ci. 191 Mercator, op. cit., p. 504 192 Ibid. 193 Publicité et société, op. cit. p. 112 85 Publicité et droit des marques 189. En outre, le prix joue un rôle important, tant dans le processus du premier achat que dans celui de la fidélisation. Pourtant, on remarque que les consommateurs sont prêts à payer davantage pour un produit qui fait l'objet d'une campagne de publicité que son équivalent qui n'en fait pas l'objet. 190. Le rôle premier de la publicité est de vendre. Dans ce but mais aussi dans celui de parvenir à faire aimer la marque, elle offre aussi un imaginaire, un modèle de vie et elle invite au rêve. Ainsi, l'objectif de la publicité n'est plus seulement de faire vendre mais de faire exister la marque et de construire notre inconscient collectif194. B- La création d'un imaginaire autour de la marque 191. La publicité donne du sens aux marques. Les marques construisent des récits que la publicité alimente195. Ainsi, le consommateur s'identifie à l'image que la marque veut véhiculer. La publicité est devenue, en quelque sorte, un miroir de la société et des consommateurs. Comme on l'a déjà relevé, la publicité emprunte ses méthodes aux disciplines des sciences humaines, telles que la psychologie ou la sociologie afin de toucher plus aisément les consommateurs. La publicité va alors tenter de montrer le produit qu'elle vante comme indispensable au décor qu'elle présente et au mode de vie parfait qu'elle tente d'imposer au consommateur. 192. Le consommateur est convaincu que ses choix ne résultent que de lui, de sa propre réflexion. Pourtant, comme le relevait déjà Edward BERNAYS en 1928, il obéit à de redoutables dictateurs. Ainsi, « un homme qui s'achète un costume s'imagine choisir un modèle qui lui plait, conforme à ses goûts et à sa personnalité. En réalité, il y a de grandes chances pour que, ce faisant, il se plie aux ordres d'un grand tailleur londonien anonyme »196. 194 Publicités, op. cit., p. 18 195 Publicitor,, op. cit., p. 104 196 E. Bernays, Propaganda, Zone, éd. 2007, p. 51 86 Publicité et droit des marques En outre, M. BERNAYS rappelle que les consommateurs désirent certaines choses, non pas pour leur qualités objectives ou réelles, mais parce que leur inconscient y voit le symbole d'autre chose dont ils ne veulent pas reconnaître le désir. L'exemple le plus parlant est sans doute la voiture qui, outre les qualités en matière de sécurité ou de performance, attire fréquemment le consommateur au motif souvent inavoué qu'elle sera un symbole de réussite et de son statut social, ou du moins, celui auquel il veut appartenir 197. La satisfaction qui résulte des aspects subjectifs est aussi importante que celle qui résulte des qualités objectives, des aspects utilitaires et fonctionnels du produit. Ainsi, le produit a trois dimensions : une dimension fonctionnelle qui est rationnelle, une dimension symbolique qui comprend la « valeur ajoutée » de nature sociale et symbolique, et enfin une dimension imaginaire qui répond aux aspirations profondes du consommateur198. 193. La publicité va mettre en valeur ces dimensions du produit. Elle va alors choisir de mettre l'accent sur les attributs concrets du produit, ses caractéristiques, ou le bénéfice consommateur ou encore les valeurs, le territoire ou la vision de la marque199. La publicité est notamment très influente en ce qui concerne les achats à caractère social tels que les vêtements, les produits de luxe, les voitures. Elle va placer le produit dans l'univers auquel aspire le consommateur. Elle va présenter le produit comme étant indispensable à ce mode de vie. 194. Lorsqu'elle promeut un produit technologique, la publicité se borne à décrire ses qualités objectives, ses aspects novateurs (le « plus puissant », le « moins bruyant », etc.). Au contraire, s'agissant de produits autres, où l'irrationnel intervient dans l'appréciation, la publicité va s'appliquer à créer un univers autour de la marque, un imaginaire qu'elle tente de rendre attractif aux yeux des consommateurs. Ainsi, bien que la marque soit une chose intangible, la publicité contribue à la rendre matérielle dans l'esprit des consommateurs afin de les toucher plus aisément200. L'objet tend souvent à disparaître derrière les attributs intangibles de la marque. On n'achète plus un produit, mais la marque et les symboles qu'elle véhicule. 197 Ibid., p. 63 198 Publicité et société, op. cit., p. 41 199 Publicitor, op. cit., p. 166 200 Publicités, op. cit., p. 52 87 Publicité et droit des marques 195. La publicité est résolument optimiste. Elle présente au consommateur une image parfaite de la vie, du travail et des relations sociales et familiales. Elle tente d'inciter le consommateur à essayer de se rapprocher de cette vision et met alors en avant les caractéristiques psychologiques du produits201. La publicité nie ainsi la crise afin d'apporter du rêve aux consommateurs et ainsi une valeur ajoutée au produit en lui conférant des attributs extraordinaires et en mettant entre parenthèses ses caractéristiques objectives202. 196. Ainsi, aujourd'hui, l'objet de la publicité n'est pas seulement d'informer de l'existence d'un produit, mais d'élaborer une image autour de la marque qu'il revêt 203. La publicité met donc l'accent sur les attributs irrationnels de la marque qui participent à l'élaboration de son image dans l'esprit des consommateurs, au sens que ceux-ci lui confèrent ainsi qu'à la place qu'ils lui attribuent dans leur mode de vie. 197. La publicité propose, par ailleurs, « une image du consommateur type auquel elle s'adresse »204. Cette représentation a pour objectif que la cible s'identifie au produit mais aussi à la clientèle de celui-ci. La publicité doit ainsi prendre en compte la façon dont le consommateur se perçoit ainsi que la situation sociale à laquelle il aspire. L'homme a un fort instinct grégaire205. La publicité le sait et en joue. Elle compte sur cette volonté d'un grand nombre de consommateurs d'appartenir à un groupe. De plus, elle tente d'imposer les valeurs de la marque, son idéologie. Dans ce but, elle crée des styles de vie206. La publicité crée des tendances, promeut des valeurs et est ainsi un acteur culturel de la société. Elle convainc le consommateur que l'achat du produit lui permettra de se conformer à l'image qu'il se fait de lui même ou à celle à laquelle il aspire. Les messages publicitaires suggèrent, en outre, des modèles sociaux et culturels. La publicité ne se contente pas de s'aligner sur les modes de vie ou les valeurs des consommateurs, elle devient un acteur de la création des tendances. Ainsi, « le sujet véritable de communication est le mode de vie suggéré ; et le produit en devient le support, le symbole, la justification 201 Comportement du consommateur et de l'acheteur, N. Guichard, R. Vanheems, Bréal, coll. Lexifac Economie et Gestion, p. 110 202 Publicité et société, op. cit., p. 33 203 No logo, op. cit., p. 30 204 Publicité et société, op. cit. p. 170 205 La publicité, op. cit., p. 21 206 Publicité et société, op. cit., p. 229 88 Publicité et droit des marques rationnelle »207. La publicité est un miroir de la société. Elle est l'image de sa culture, de ses modes de vie. Corrélativement, elle influence la société. En transformant « la chose commerciale en style de vie ou part de rêve »208, elle a vocation à convaincre les consommateurs d'adopter le style de vie qu'elle promeut. La question qui peut se poser est la suivante : est-ce la publicité qui influence la société ou l'inverse ? 198. La publicité ne se contente désormais donc plus d'informer le consommateur de la disponibilité des produits et de l'intérêt de leur acquisition d'un point de vue purement pratique. Elle construit un univers autour du produit et de la marque et réussit à persuader le consommateur que l'achat du produit répondra à ses attentes sociales, à ses aspirations profondes. La publicité crée ainsi des « tensions consuméristes » en mettant tout en œuvre pour que le consommateur soit sans cesse sollicité par l'univers merveilleux qu'elle présente et qu'il tende ainsi « vers la jouissance de l'acquisition matérielle »209. Section 2. Une finalité économique 199. La publicité a, certes, en premier lieu une vocation informative mais celle-ci résulte en réalité de son objectif premier : vendre. C'est cet objectif économique qui est le moteur de l'action publicitaire. La marque a ainsi besoin de la publicité pour exister car si elle ne parvient pas à faire vendre les produits qui en sont pourvus, elle n'aura plus de raison d'être. Comme on vient de le voir, la publicité a pour objectif d'informer les clients mais surtout de les pousser à l'achat. Elle a donc une finalité économique. Pour parvenir à cet objectif, la publicité doit réussir à rendre la marque stable. 200. Les aspects informatifs et persuasifs ne sont en réalité que les faces visibles de l'iceberg car, en arrière plan, la publicité s'attèle à construire la marque, à en faire une entité 207 Ibid., p. 266 208 Publicité et société, op. cit., p. 33 209 M. Bénilde, On achète bien les cerveaux, Editions Raisons d'Agir, 2007, p. 58 89 Publicité et droit des marques stable sachant résister au temps. C'est en cela que la publicité parvient à remplir sa vocation première, sa vocation économique. Promouvoir les produits n'est pas suffisant. Il faut avant tout positionner la marque et lui permettre de résister au temps. La publicité joue ainsi un rôle dans le positionnement de la marque mais aussi dans la capacité de la marque de traverser le temps. Pour ce faire, la marque doit communiquer sur ses évolutions et ne pas hésiter à avoir recours à la publicité lorsqu'elle traverse une phase difficile (§1). 201. En outre, une marque qui dure est une marque avec une forte identité (§2). Cette identité comprend les éléments concrets de la marque mais aussi ceux, plus subjectifs, qui font d'elle ce qu'elle est devenue. Il est nécessaire de communiquer sur cette identité, à la fois pour la mettre en valeur, c'est-à-dire mettre en valeur les fondements et l'esprit de la marque, mais aussi afin de la faire évoluer lorsque le besoin s'en fait sentir. §1 Le positionnement et le développement économique de la marque 202. Avant d'arriver sur un marché, la marque doit déterminer ses cibles, ses concurrents. Elle doit se positionner (A). Ce positionnement est indispensable. La marque doit savoir à qui elle s'adresse et à qui elle se mesure. Une absence de positionnement aurait pour conséquence un éparpillement de la marque et nuirait à son identité. La communication sur ce positionnement sera ensuite incontournable afin de toucher les consommateurs. Par ailleurs, une fois positionnée, la marque devra tout de même continuer à communiquer, et ce notamment sur ses évolutions, ses innovations. Une marque ne doit pas rester immobile. Elle doit évoluer au gré des tendances et des avancées technologiques et surtout le faire savoir au risque de se laisser dépasser par une concurrence plus réactive (B). 90 Publicité et droit des marques A- Le positionnement 203. Le positionnement de la marque se fait notamment par rapport à la concurrence car la marque doit se démarquer en démontrant en quoi elle diffère des autres acteurs du même marché. En outre, elle doit savoir à quel type de clients potentiels elle s'adresse. Une fois ces éléments déterminés, le positionnement devra faire l'objet d'une communication. En effet, il est nécessaire de préciser aux consommateurs en quoi la marque va les satisfaire mais aussi les raisons pour lesquelles les produits de la marque doivent être préférés à ceux des concurrents. 1) Définition 204. La marque doit, sur le marché dans lequel elle est implantée, présenter ses produits comme constituant la meilleure réponse aux attentes des consommateurs. Ainsi, elle se positionne en mettant en avant ce qu'elle a de plus que ses concurrents ou en quoi ses produits sont supérieurs aux leurs. Le positionnement est un acte, un choix stratégique. 205. Pour Jean-Noël KAPFERER, le positionnement peut être défini comme la « mise en avant de caractéristiques distinctives par rapport à la concurrence visée et motivantes vis à vis du public »210. Pour lui, le positionnement constitue une « démarche analytique » qui a pour objet de répondre à quatre questions : ● La marque pour quoi ? Cette question correspond à l'angle du bénéfice consommateur, de la promesse faite par le produit. ● La marque pour qui ? Il s'agit ici de s'interroger sur la cible des produits. ● La marque pour quand ? Cette question a pour objet de déterminer les occasions d'utilisation des produits. ● La marque contre qui ? L'intérêt de cette question est de définir la concurrence. 206. L'objectif du positionnement est de déterminer à la fois la clientèle visée mais aussi 210 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 221 91 Publicité et droit des marques le marché sur lequel on veut s'implanter et donc la concurrence qu'il faut ainsi dépasser. Afin de capter la clientèle, la marque doit mettre en avant les qualités de ses produits, qu'elles soient objectives ou non. Si le positionnement se fait sur les caractéristiques objectives des produits, il se bornera à mettre en avant les qualités tangibles du produit. 207. Le positionnement peut se faire sur différents éléments. Il peut ainsi mettre en avant la qualité des produits, leur prix inférieur à celui de la concurrence pour une qualité identique ou encore leur caractère innovant. Néanmoins, ce dernier cas est risqué car les concurrents pourront toujours se montrer encore plus innovants211. Le positionnement de la marque peut en réalité se faire sur tout ce qui définit la marque : sa cible, sa nationalité,etc., et bien sûr la concurrence. 208. Le positionnement de la marque peut sembler proche des concepts d'identité et d'image. Néanmoins, ce qui différencie ces notions est la prise en compte ou non de la concurrence. En effet, l'identité et l'image de la marque sont des attributs de la marque sur lesquels la concurrence n'a aucun impact. Au contraire, le positionnement se fait en fonction de la concurrence et il est donc nécessaire de mettre en avant ce en quoi le produit est meilleur que celui des concurrents et donc pourquoi il mérite d'être choisi. 209. Le positionnement définit un avant et un après l'arrivée de la marque et doit donc créer une rupture avec les produits existants jusqu'alors en établissant une nouvelle norme212. La communication est donc un allié précieux. 2) Le rôle joué par la publicité 210. La marque, une fois positionnée, doit communiquer sur ce positionnement afin d'informer les consommateurs sur ses caractéristiques et ainsi leur dire en quoi elle se différencie de ses concurrents. Cette tache lui incombe car les consommateurs ne chercheront pas forcément à faire la démarche de la comparer aux autres acteurs déjà en place sur le marché. Plusieurs cas de figures peuvent se présenter. La publicité peut jouer un 211 Management du capital marque, op. cit., p. 123 212 G. Lewi, La marque, op. cit., p. 23 92 Publicité et droit des marques rôle dans le positionnement à la fois lorsque la marque est créée sur un marché existant ou sur un marché qu'elle ouvre, mais aussi dans l'hypothèse où la marque existe déjà mais qu'elle lance un nouveau produit. Dans la première hypothèse, le but de la publicité sera de faire exister la marque mais aussi de la positionner. Il faut alors différencier la marque de ses concurrents non seulement par ses produits mais aussi par sa vision213. Dans la deuxième hypothèse, l'objectif est aussi double. La publicité doit faire connaître la marque et proposer au consommateur un nouveau produit214. Enfin, dans le cas d'une marque existante qui lance un nouveau produit, la communication aura pour objet de faire connaître le nouveau produit, de faire émerger ses spécificités et de le mettre en cohérence avec la marque mère215. 211. Positionner un produit consiste à le présenter comme pouvant répondre aux besoins des consommateurs, et ce mieux que ceux de ses concurrents. La publicité doit donc mettre en avant les qualités du produits. Néanmoins, les produits sont très souvent d'une qualité similaire. Il faut alors communiquer sur d'autres aspects que les aspects objectifs. Ainsi, les caractéristiques qui seront mises en avant seront davantage psychologiques (sociales par exemple)216. 212. Par ailleurs, il est important de communiquer régulièrement sur les caractéristiques des produits et sur leurs qualités afin que la marque reste à l'esprit des consommateurs. En effet, une marque, même respectée et aimée, peut voir ses clients se détourner d'elle si elle reste inactive et cesse de communiquer. B- La nécessité de communiquer sur la vie et l'évolution de la marque 213. Il est important de communiquer sans cesse sur la marque, sur ses évolutions ou ses innovations. En outre, la vie d'une marque n'est pas linéaire ni paisible. Les marques peuvent notamment connaître certaines difficultés et traverser ainsi des crises. Il faut alors envisager 213 Publicitor,, 7° éd., op. cit., p. 171 214 Ibid., p. 169 215 Ibid., p. 174 216 La publicité, op. cit., p. 35 93 Publicité et droit des marques de définir un nouvel environnement et une nouvelle vision de la marque. La publicité a alors pour mission de communiquer la nouvelle vision de la marque. Par ailleurs, il peut être opportun d'étendre la marque à d'autres produits que ceux pour lesquels elle est connue. 214. Les marques ont des cycles de vie : elles sont créées, se développent, déclinent et peuvent disparaître. Elles peuvent néanmoins rester au sommet si l'on prend soin d'innover et de communiquer. L'innovation peut se faire à plusieurs niveaux : au niveau du produit luimême (en l'améliorant), au niveau de l'emballage ou encore au niveau de la communication. La marque doit innover pour plusieurs raisons, notamment pour rester concurrentielle mais aussi pour répondre aux attentes des consommateurs. Le développement est nécessaire à la survie de la marque. Néanmoins, sans communication, peu importe le degré d'innovation de la marque car si le consommateur n'en est pas informé, les efforts risqueront d'avoir été fournis en vain. 1) Le renouvellement de la marque 215. La marque, si elle ne fournit pas des efforts constants à la fois en matière d'innovations mais aussi s'agissant de sa communication, peut voir ses clients se détourner d'elle. Il faut donc communiquer en permanence sur la marque, quand bien même elle (ou ses produits) resterait inchangée. En outre, certains éléments peuvent lui être défavorables. C'est le cas notamment en cas d'innovations de la part de la concurrence ou lorsque les attentes des consommateurs évoluent. L'immobilisme est un danger pour la marque. 216. Un des moyens de lutter contre le risque de tomber en désuétude consiste à s'interroger sur l'identité de la marque et à procéder à un retour aux racines 217. Il faut se demander ce qui a séduit au départ les consommateurs et tenter de « rallumer la flamme », de les attirer de nouveau en communiquant sur les valeurs oubliées de la marque. Néanmoins, cette reconquête de la clientèle n'est pas toujours possible. Parfois, il est trop tard et la solution est alors plus drastique. Il arrive que la marque ait perdu de ce qui faisait son identité, de son image et que les clients s'en détournent. La marque peut aussi devenir 217 Marketing-management, op. cit., p. 328 94 Publicité et droit des marques obsolète et avoir du mal à se défaire de cette image ringarde qui lui colle à la peau. Il faut alors envisager de reconquérir l'affection du public, et ce par le biais de la communication notamment. Certaines situations sont plus graves encore que le fait que les marques soient démodées. Certaines marques peuvent se retrouver au cœur d'un scandale. Cela peut être le cas du fait de certaines actions ou certains modes de vie des dirigeants de l'entreprise, en cas de révélation de la dangerosité des produits, etc. Dans ces cas là, il faut avoir recours à la communication dite « de crise »218. 217. La marque peut aussi avoir tout intérêt à élargir sa clientèle en cas de déclin. La publicité jouera alors un rôle capital pour faire sortir la marque de l'image dans laquelle elle était cantonnée. Ce changement de cible peut s'opérer soit, en premier lieu, par un élargissement des gammes de produits afin de toucher une clientèle plus vaste et ensuite communiquer dessus, soit directement par la publicité qui peut présenter tout simplement le produit d'un angle différent, dans un nouveau contexte. La première hypothèse est celle de l'extension de la marque que nous verrons un peu plus loin. 218. La communication peut aussi avoir pour objectif, non pas d'élargir la clientèle mais de reconquérir celle déjà existante. Certaines marques n'y arrivent cependant pas. C'est le cas notamment de l'exemple cité par Philippe MOUILLOT219: La marque Chevignon n'a pas su défendre sa marque qui est devenue petit à petit une marque pour adolescents. Ainsi, plutôt que de redoubler d'efforts pour reconquérir un public plus âgé, la marque a choisi de sortir des produits destinés exclusivement à une clientèle adolescente tels que des trousses, des cartables, etc. La conséquence fut alors de voir cette jeune clientèle se détourner de la marque une fois entrée dans le monde adulte. 219. A l'inverse, la marque Petit Bateau a réussi le pari de conquérir une clientèle sortie de l'enfance alors que ses produits étaient au départ exclusivement destinés à une clientèle ne dépassant pas l'âge de la puberté. Néanmoins, Petit Bateau a décidé de conserver les tailles enfants et de ne pas dépasser la taille « 18 ans » et c'est peut être là la clé du succès de l'élargissement de sa clientèle. En effet, si la marque avait créé des modèles destinés exclusivement aux adultes avec des tailles classiques (du 36 au 44 par exemple), elle aurait 218 Publicitor, op. cit., p. 181 219 Ibid., p. 167 95 Publicité et droit des marques perdu ce qui constituait son identité : une marque pour enfants. Or, c'est précisément ce qui en fait aussi le succès chez les adultes : Petit Bateau est une marque pour enfants! 2) Le changement de nom de la marque 220. Une marque peut, au cours de son existence, se voir contrainte de changer de nom, et ce pour plusieurs raisons. Le changement de nom peut être assez perturbant pour la clientèle qui devra alors s'accoutumer à cette nouvelle identité nominale. L'enjeu est alors de conserver les consommateurs fidèles. 221. La future dénomination pourra être celle de la marque-cible ou non. Il existe plusieurs méthodes. Les plus fréquentes sont le cautionnement qui consiste à accoler le nom de la marque-caution à celui de la marque cible (par exemple Éléphant qui est devenu Elephant de Lipton), la simplification (par exemple Milka de Suchard est devenu Milka) ou la substitution (par exemple Bio de Danone est devenu Activia de Danone). L'intérêt du cautionnement est comme son nom l'indique de cautionner le produit de la marque cible qui est, le plus souvent, plus faible que celui de la marque caution. La simplification consiste à éliminer un des deux noms (marque-prénom et marque-caution) qui composent la marque. Enfin, la substitution peut avoir pour objectif de réduire le nombre de marques d'une entreprise, de transférer la clientèle d'une marque à une autre, notamment quand la marque initiale veut s'implanter dans un pays où elle est inconnue, ou peut résulter de raisons juridiques comme ce fut le cas pour la gamme de yaourts Bio de Danone220. 222. Hormis les hypothèses de la simplification de l'identité nominale, qui peut passer inaperçue, et de cautionnement, il faut veiller à accompagner le consommateur durant le processus de substitution. Il est nécessaire de communiquer sur ce changement de nom et de laisser penser au consommateur qu'il va s'avérer bénéfique ou du moins qu'il ne changera rien. Il faut lui assurer que les produits vont rester les mêmes et que seule la dénomination change. Il peut être opportun que des étiquettes sur les produits rappellent l'ancienne identité de la marque ou que le logo mêle les deux marques ou leurs logos pendant un certain temps. 220 C. Lai, La marque, op. cit., p. 108 à 122 96 Publicité et droit des marques Néanmoins, bien que le changement ne doive pas se faire trop brutalement, il ne sert à rien qu'il traine en longueur ; un simple temps d'adaptation assorti d'une bonne communication est suffisant. 3) L'extension de la marque 223. L'extension de marque consiste à utiliser une marque déjà connue afin d'introduire des produits de catégories différentes de celle pour laquelle elle est connue. Elle est à différencier de l'extension de gamme qui consiste simplement à introduire des produits dans une catégorie où la marque est déjà présente. L'extension peut présenter certains avantages pour la marque, notamment afin de revitaliser une marque fatiguée, mais aussi pour ses nouveaux produits qui vont alors bénéficier de l'image et de la notoriété de la marque. Néanmoins, il faut faire attention à ce que l'extension ait un lien logique avec la marque et rester en conformité avec son image. Dans le cas contraire, le produit est voué à l'échec. En atteste l'extension ratée de la marque de stylos et de briquets Bic à des parfums...221 224. On peut trouver différents types d'extensions de marque. L'extension peut se faire à partir des produits et de leurs attributs, du savoir-faire de la marque, du bénéfice (par exemple l'entretien de la minceur avec la marque Taillefine) ou de la vision de la marque222. Par ailleurs, Chantal LAI opère notamment une distinction entre les extensions continues qui se font sur la base des compétences fonctionnelles de la marque des extensions discontinues qui utilisent les éléments purement symboliques de la marque-mère. Ainsi, de manière plus générale, on peut dire que l'extension peut se faire sur la base du bénéfice et des caractéristiques objectives des produits d'origine ou sur la personnalité de la marque. 225. L'extension d'une marque n'est pas sans risque car elle peut se terminer par un échec voire affaiblir le capital marque. Il faut veiller à ce que l'extension présente un lien logique avec les produits d'origine. La diversification peut nuire à l'image de la marque et la décrédibiliser aux yeux des consommateurs. Le lancement d'un produit trop éloigné de la gamme des produits habituels de la marque peut perturber le consommateur et ainsi nuire à 221 Marketing-management, op. cit., p. 336 222 Publicitor, op. cit., p. 178 et s. 97 Publicité et droit des marques l'image de la marque. Les clés du succès d'une extension de marque sont une marque forte, une cohérence entre la marque et le nouveau produit mais aussi une bonne communication. Il faut démontrer aux consommateurs que le nouveau produit sera conforme à l'image qu'il se fait de la marque et que cette extension ne nuit en rien à l'identité de la marque. Il faut que la communication de lancement du produit montre bien le produit au sein de l'univers de la marque. Le rôle de la publicité s'avère donc crucial car si elle ne parvient pas à rendre cohérente l'extension de la marque, le produit risque de ne pas trouver sa place et donc être rejeté par les consommateurs, même fidèles à cette marque. §2 L'élaboration de l'identité de la marque 226. Comme le relève Géraldine MICHEL, « la marque utilise de plus en plus d'outils marketing pour promouvoir son histoire »223, et ce dans le but de séduire les consommateurs. La marque n'est, au départ, qu'un nom parfois assorti d'un logo ou d'un slogan. Néanmoins, avec le temps, elle se construit une histoire, une légende. Elle se dote d'attributs intangibles, elle véhicule des valeurs. Ces éléments vont contribuer à l'élaboration de l'identité de la marque (A). Cette identité va servir la marque. De nos jours, les consommateurs ne cherchent plus seulement à acheter un produit pour ses attributs objectifs, ils cherchent à faire partie d'une aventure. En achetant des produits de la marque, ils participent à son histoire, ils adhèrent à ses valeurs et ils se sentent proches d'elle. La marque est personnifiée. Preuve en est, elle peut être au cœur d'une réelle relation affective (la lovemark). Il est donc normal qu'elle ait une identité. 227. Les marques puissantes le sont grâce à une forte identité. C'est l'identité de la marque qui permet au consommateur de l'apprécier réellement et à sa juste mesure. Les publicistes l'ont bien compris et c'est pourquoi la publicité joue un rôle important à la fois dans la création de cette identité mais aussi dans sa constance (B). 223 Au cœur de la marque, op. cit., p. 7 98 Publicité et droit des marques A- Qu'est-ce que l'identité de la marque ? 1) Définition 228. Le concept d'identité de marque est apparu dans les années 1980 et a commencé à réellement se développer dans les années 1990. L'identité de la marque définit son être ; elle est constituée de l'ensemble des éléments qui font de la marque ce qu'elle est. La marque, tout comme l'homme, a une identité qui lui est propre. Parmi ces éléments, on trouve son nom bien sûr, mais aussi ses valeurs, son positionnement, sa stratégie de communication, son histoire, etc. Pour Georges LEWI, l'identité de la marque peut être définie « comme l'ensemble des attributs proposés qui font que cette marque est bien la marque recherchée, voire préférée par la cible visée »224. L'identité de la marque est composée des fondements de la marque, des produits d'origine qui l'ont lancée225. 229. Cette notion ne doit pas être confondue avec celle d'image de marque ; l'image correspond à la vision que l'on a de la marque, l'identité est ce qui la définit. L'identité de la marque est un concept bien « plus complexe qu'une simple image publicitaire »226; c'est elle qui crée la cohérence de la marque. En outre, l'identité est un concept d'émission alors que l'image est un concept de réception227. L'identité a ainsi pour objectif de donner un sens à la marque, de définir son être alors que l'image correspond à la représentation que se font les consommateurs du produit ou de la marque. 230. Par ailleurs, l'identité de la marque doit aussi être différenciée du positionnement. En effet, l'identité est une notion plus large qui englobe les associations de la marque, ses engagements228 alors que le positionnement se fait essentiellement sur le produit lui-même, la concurrence et la cible. Le positionnement est en quelque sorte basé sur des considérations plus concrètes. L'identité peut alors être vue comme le complément du positionnement229. En outre, le positionnement fait partie des éléments qui constituent l'identité de la marque. 224 Mémento pratique du branding, op. cit., p. 13 225 Publicités, op. cit., p.53 226 Brand Design, op. cit., p. 37 227 Mémento pratique du branding, op. cit., p. 15 228 Ibid., p. 14 229 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 315 99 Publicité et droit des marques 231. Pour Jean-Noël KAPFERER, « l'identité exprime les spécificités tangibles et intangibles essentielles de la marque, celles qui font que la marque est ce qu'elle est, sans lesquelles elle serait une autre »230. A ses yeux, l'identité de la marque comprend six facettes qui forment le « prisme d'identité »: ► Le physique qui correspond à l'ensemble des caractéristiques objectives ► La personnalité qui représente les traits de personnalité que l'on associe à une marque ► La culture qui correspond à l'ensemble des valeurs et des croyances de la marque ► La relation qui existe avec les clients ► Le reflet qui correspond à l'image que la marque renvoie de ses consommateurs ► La mentalisation qui renvoie à l'image que les consommateurs de la marque ont d'euxmêmes 232. Par ailleurs, Jean-Noël KAPFERER donne des clés pour déterminer l'identité d'une marque. Il s'agit alors de se poser certaines questions qui vont définir la marque et en constituer la charte. Ainsi, « quelles sont : sa vision, son projet, son impérieuse nécessité ? Sa différence ? Sa permanence ? Sa ou ses valeurs ? Son héritage, son histoire, sa vérité ? Ses signes de reconnaissance ? »231. 2) Le rôle de l'identité de la marque 233. Il est devenu nécessaire de s'intéresser à l'identité des marques pour plusieurs motifs. Notamment, les produits sont de plus en plus semblables. Ainsi, quand une marque innove, elle est souvent suivie par ses concurrentes. Par ailleurs, la publicité elle-même contribue à renforcer les ressemblances car de nombreux secteurs mettent en avant les mêmes attributs. C'est, par exemple, le cas des banques qui insèrent le mot « vie » dans la majorité de leurs campagnes publicitaires232. En outre, la diversification, elle aussi, menace l'identité de la marque. Les extensions de marque, par exemple, peuvent perturber le consommateur et ainsi altérer l'identité de la 230 Ibid., p. 223 231 Ibid., p. 217 232 Ibid., p. 219 100 Publicité et droit des marques marque à ses yeux. Par ailleurs, la multiplication des produits d'une marque, s'ils n'ont qu'un faible rapport, peuvent conduire le consommateur à s'interroger sur l'origine réelle des produits et s'ils sont bien issus de la même entreprise. 234. Comme on l'a vu, l'identité précède l'image. L'identité de la marque est constituée de tout ce qui la définit. Pour Benoît HEILBRUNN, la marque articule deux niveaux : le niveau du signifiant qui correspond aux émanations matérielles de la marque et le niveau du signifié qui correspond aux significations véhiculées par la marque233. Le niveau du signifiant comporte les éléments concrets de la marque tels que le packaging, la forme du produit, la marque elle-même, le logo, etc. Le niveau du signifié, quant à lui, englobe les aspects narratifs de la marque mais aussi ses valeurs, le contrat de marque, les performances du produit, etc. 235. L'identité de la marque est nécessaire aux consommateurs. Elle leur permet de savoir ce qu'il achètent. L'identité englobe la vision ainsi que les valeurs de la marque. Elle se matérialise par les attributs matériels tels que le packaging ou le logo mais sa définition ne s'y limite pas. En effet, c'est davantage ce que l'on ressent et non ce que l'on voit qui détermine à nos yeux l'identité de la marque. L'identité de la marque sert de repère dans la relation de la marque avec les consommateurs. Ils peuvent s'y identifier car aimer une marque c'est adhérer à ses valeurs. Le consommateur peut ainsi s'identifier à la marque. L'identité de la marque joue un rôle important dans l'identification du consommateur à la marque. Les marques peuvent alors être associées à l'image que le consommateur se fait de lui-même ou à celle qu'il pense renvoyer. En cela, l'identité de la marque, au même titre que l'image, est primordiale dans la conquête de la clientèle. L'image de la marque découlera de l'identité qui la caractérise, la définit. B- Comment la publicité crée et entretient l'identité de la marque 236. La marque sémantise les produits en leur donnant un sens. En effet, « les produits 233 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 29 101 Publicité et droit des marques sont muets, c'est la marque qui leur donne un sens »234. Elle leur confère une valeur qui va au delà de la simple valeur d'usage235. Bien que les marques soient intangibles, elles se matérialisent dans l'esprit du consommateur, et ce grâce à la publicité236. L'identité de la marque se construit notamment par le biais de la narration de la marque qui est elle-même le fruit du travail de la publicité. Cette narration est nécessaire et essentielle afin de conférer au produit mais surtout à la marque ses dimensions symboliques. L'identité de la marque est le résultat de son histoire et elle véhicule ainsi des symboles. La publicité a alors la tâche de faire le récit de cette histoire et elle permet ainsi de matérialiser l'essence de la marque, son identité. 237. Il est nécessaire de veiller à maintenir une certaine cohérence dans les différentes campagnes publicitaires afin de construire une forte identité de la marque. En effet, la publicité doit refléter la personnalité de la marque et un manque de cohérence aurait pour conséquence de perturber et d'amoindrir l'identité de la marque aux yeux des consommateurs237. Or l'identité de la marque est un repère pour les consommateurs. La modifier aurait pour effet de perturber, brouiller leur perception de la marque et pourrait entrainer un détournement de la clientèle. La fidélité est le fruit du respect d'un contrat passé entre le consommateur et la marque. Ce contrat est basé sur une certaine continuité. En perturbant l'identité de la marque, la continuité est rompue et le consommateur pourra alors être tenté de s'éloigner de la marque. 238. Néanmoins, il est parfois nécessaire de faire évoluer l'identité de la marque lorsque celle-ci devient obsolète. A titre d'exemple, on peut reprendre celui énoncé par Naomi KLEIN238. Les années 1990 ont vu les marques tenter de devenir « cool ». Cette transformation ne passait pas seulement par le marketing. Il fallait que les marques se fassent les témoins de cette génération. Elles ont ainsi dû se façonner de nouvelles identités afin d'être en harmonie avec cette nouvelle culture. 239. Outre l'évolution des produits au gré des tendances et des nouvelles technologies, il est important que l'identité de la marque évolue aussi. En effet, dans certaines hypothèses, 234 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 48 235 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 29 236 Publicités, op. cit., p. 52 237 Brand design, op. cit., p. 101 238 No Logo, op. cit., p. 99 102 Publicité et droit des marques quand bien même les produits d'une marque évolueraient, si l'identité de la marque restait la même, la marque pourrait alors se voir attacher une étiquette obsolète et pourrait alors tomber en désuétude. L'entreprise doit donc sans cesse veiller sur sa marque afin qu'elle demeure un actif et qu'elle continue à créer de la valeur s'agissant à la fois des produits et de l'entreprise elle-même. 240. Comme on vient de le voir, la marque peut constituer une valeur ajoutée pour les entreprises qui savent en prendre soin. Elle devient le reflet de la politique de l'entreprise et véhicule ses valeurs, notamment par le biais de la publicité. Par ailleurs, elle remplit d'autres fonctions reconnues tant par le marketing que par le droit. Le rôle premier de la marque est de permettre d'identifier et de différencier les produits qui en sont revêtus de ceux de la concurrence. Depuis toujours, ces fonctions ont constitué la raison d'être des marques. Par ailleurs, une autre fonction toute aussi importante et qui constitue le corollaire de ces dernières a, par la suite, fait sa place : celle d'indication d'origine des produits. 241. C'est d'ailleurs cette fonction que le droit, dans le souci de protéger les titulaires de marques enregistrées, a consacrée et a reconnue comme fonction essentielle de la marque. Le droit veille ainsi à ce qu'il ne lui soit pas porté atteinte. Malheureusement, la reconnaissance de cette fonction essentielle s'est faite au détriment des autres fonctions de la marque. En effet, la protection dont elle bénéficie n'était pas accordée, jusqu'à il y a peu, aux autres fonctions de la marque qui étaient alors totalement négligées à la fois par les textes de loi mais aussi par la jurisprudence tant nationale qu'européenne. L'absence de prise en compte des autres fonctions de la marque n'était alors pas conforme à la pratique ainsi qu'à l'objet même des marques. En effet, un tel rejet consistait notamment à amoindrir la fonction publicitaire des marques. Or, comme nous venons de le voir, la publicité et les marques sont deux éléments complémentaires. La publicité contribue à la construction d'une marque et à sa notoriété ; elle permet de forger son identité ainsi que son image. Pourtant, jusqu'à il y a peu, la fonction de publicité n'était pas protégée. Il a fallu attendre 2009 pour que la CJCE reconnaisse réellement et nommément cette fonction et lui accorde une certaine protection239. 239 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : Rec. 2009, I, p. 05185 : JCP G 2009, note 108 ; JCP G 2009, note 180, L. Marino ; Propr. indust. 2009, comm. 51, A. Folliard-Monguiral ; RLDI 10/2009, comm. 1749, note B. Humblot 103 Publicité et droit des marques Titre II La reconnaissance de la fonction publicitaire de la marque par le droit 104 Publicité et droit des marques 242. Les marques ne sont pas un phénomène récent. Elles ont presque toujours existé et des traces de marques remontant à l'Antiquité ont été retrouvées. Néanmoins, elles n'ont pas toujours rempli le même rôle que celui qui leur est aujourd'hui attribué. Il est par conséquent nécessaire de se pencher sur l'histoire des marques afin de retracer leur évolution. 243. Une fonction de la marque semble avoir tout de même toujours existé. En effet, la pratique du marquage a toujours eu pour objectif de permettre d'identifier la provenance ou la propriété d'un bien. Cette fonction d'identification a pour corollaire celle de différenciation car c'est bien la possibilité d'identifier un bien qui permet de le distinguer des autre et de garantir sa provenance. La personne qui acquiert un bien marqué peut être assurée que celuici a été fabriqué dans le respect d'un savoir-faire et dans des conditions identiques aux autres produits de la même marque. Pendant longtemps, le droit n'a reconnu que cette fonction. Le droit des marques ne jouait alors son rôle protecteur que lorsqu'il était porté atteinte à la fonction dite essentielle de garantie d'origine. Le dixième considérant de la directive 89/104240 précisait ainsi que le but de la protection conférée par la marque était notamment de garantir la fonction d'origine de celle-ci (chapitre 1). 244. Néanmoins, ne reconnaître que cette seule fonction de garantie d'identité d'origine a pour effet de minimiser le rôle des fonctions de communication et de publicité de la marque auxquelles les professionnels du marketing accordent pourtant une place importante. Bien que la garantie de provenance de la marque soit une fonction très importante de celle-ci, elle ne constitue pas la seule. D'autres fonctions représentent de plus grands enjeux pour les titulaires de marque. En effet, outre la fonction de garantie qui intéresse davantage les consommateurs, la marque a une fonction publicitaire et de communication notamment en ce qu'elle constitue un outil de séduction et de persuasion du consommateur. Par ailleurs, grâce aux campagnes de communication, la marque se dote d'une image et représente des valeurs ainsi qu'un univers et ces éléments deviennent partie intégrante de la marque. La marque et son image sont le fruit d'investissements de la part de l'entreprise qui en est titulaire. La jurisprudence récente de la Cour de justice vient donc de faire un grand pas en 240 Directive 89/104/CEE du 21 déc. 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, op. cit. 105 Publicité et droit des marques reconnaissant à la marque des fonctions autres que celle de garantie de provenance auxquelles il fallait veiller afin qu'il ne leur soit pas porté atteinte. En effet, après avoir reconnu à plusieurs reprises l'existence d'autres fonctions mais sans les citer, la CJUE en a récemment donné quelques exemples parmi lesquelles figurent les fonctions de communication et de publicité précisément. Cette jurisprudence constitue ainsi (et enfin) la reconnaissance juridique de l'importance du lien qui unit la publicité aux marques (chapitre 2). 106 Publicité et droit des marques Chapitre 1 La fonction de garantie d'origine : pendant longtemps la seule fonction reconnue par le droit 245. La marque, en tant qu'outil commercial, possède plusieurs fonctions. Depuis l'apparition des premières marques, ces fonctions ont évolué. Néanmoins, une des fonctions premières de la marque a toujours été d'attester l'origine d'un bien. Il est nécessaire de retracer l'histoire des marques afin de mieux comprendre les enjeux qu'elles représentent de nos jours. D'un simple nom apposé sur un bien, la marque est passé à un ensemble complexe d'éléments définissant son identité. La marque véhicule une image, des valeurs ainsi que tout l'environnement que l'on a construit autour d'elle. Elle est un gage de qualité et elle atteste du savoir-faire de l'entreprise qui en est titulaire et qui l'appose sur ses produits. 246. Cette fonction d'indication de provenance est depuis longtemps reconnue juridiquement et le juges veillent à ce qu'aucune atteinte lui soit portée. C'est au consommateur que cette fonction de garantie de provenance est en réalité utile car c'est à lui qu'elle évite un risque de confusion. Certes, l'absence de risque de confusion peut permettre d'éviter les détournements de clientèle mais cette garantie de provenance a essentiellement pour effet d'assurer au consommateur que le produit qu'il achète provient d'une certaine entreprise et non d'une autre (section 1). Cette fonction distinctive de la marque est reconnue juridiquement. Ainsi, l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle définit la marque comme « un signe (…) servant à distinguer les produits ou services ». La fonction d'indication d'origine, « inhérente au caractère distinctif de la marque »241, bien que ne constituant pas la seule fonction de la marque, est celle que les juges qualifient depuis longtemps d'essentielle (section 2). 241 A. Bouvel, Marque et renommée in Les défis du droit des marques au XXIe siècle : Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul,, Collections du CEIPI, Litec, 2010, p. 130 107 Publicité et droit des marques Section 1. Les fonctions historiques 247. Les marques ont presque toujours existé. Tout comme l'idée de la propriété est née avec la main-d'œuvre où il fallut attribuer les fruits du travail à celui qui l'avait accompli242, le principe du marquage est apparu avec la nécessité d'attribuer l'origine d'un produit à celui qui l'avait conçu. Les premières traces de marquage se trouvent sur le bétail. Cette pratique démontrait la nécessité d'exposer la propriété. La marque a donc toujours servi de repère, tant pour attester de la propriété d'un bien que de son origine (§ 1). 248. Le marquage a par la suite évolué au gré des pratiques et des règlementations pour devenir ce que nous appelons aujourd'hui la marque. Cette dernière a ainsi connu une grande évolution et ne ressemble plus vraiment à ce qu'elle a pu être, même dans un passé relativement récent. Néanmoins, les fonctions de la marque n'ont, quant à elles, pas tant évolué. Une des raisons d'être de la marque a toujours été (et demeure) de permettre une différenciation quelle qu'elle soit ; que ce soit en matière de bétail, s'agissant de l'artisan ou du fabricant du produit, ou encore entre les produits eux-mêmes. La marque a alors pour objet d'indiquer l'origine du produit et cet objectif est devenu primordial du fait de plusieurs facteurs tels que la multiplication des échanges, les exportations et les importations toujours plus importantes, etc. Le client n'est plus en rapport direct avec le fabricant ; il lui faut alors d'autres garanties. La marque joue le rôle de l'intermédiaire entre le fabricant et le consommateur. Elle informe ce dernier sur le produit lui même, par le biais de l'image et de la réputation qu'elle entretient, mais aussi sur son origine (§2). §1 Histoire des utilités de la marque 249. Les marques existent depuis très longtemps car la nécessité d'indiquer la propriété 242 Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755, GF Flammarion 2008, p. 121 108 Publicité et droit des marques d'un bien ou l'origine d'un produit semble avoir émergé dès la préhistoire (A). Des gravures sur les poteries dans l'Antiquité aux logos présents sur les biens de consommation courante que nous achetons aujourd'hui, la marque a bien changé. Néanmoins, son rôle est toujours le même : indiquer la provenance d'un produit, le différencier des autres et rassurer le client potentiel. 250. La marque a ainsi toujours eu pour objectif d'attester l'origine d'un produit mais, à partir de la révolution industrielle, son rôle s'est peu à peu élargi pour englober une dimension marketing (B). De nos jours, la marque sert toujours à identifier un produit mais elle a aussi pour fonction d'inciter le consommateur à l'achat. Elle n'est plus un simple mot ou signe apposé sur le produit ; grâce à la publicité, elle entoure le produit d'un imaginaire qu'elle veut conforme à l'image qu'elle renvoie. En effet, avec l'émergence de l'industrialisation et la production de masse, les produits ont commencé à être identiques. Leur différenciation a alors dû se faire grâce à des arguments subjectifs, irrationnels et la marque a dû s'appliquer à construire un imaginaire autour de ses produits. A- Les premières traces des marques 251. La marque, contrairement à ce que l'on pourrait penser, existe depuis des centaines voire des milliers d'années. Ainsi, des marques sur des poteries datant de 1 300 ans avant J.C. ont été retrouvées243. Néanmoins, les premières traces de marquage étaient celles du bétail. En anglais, le mot brand dérive du verbe anglo-saxon brenen qui signifie bruler244 (et qui a donné to burn en anglais) ou du mot allemand brand qui signifie le tison (et qui a donné le mot brandon en français)245. Des peintures murales remontant à la Préhistoire (Age de pierre et Age de bronze) montrent ainsi des animaux avec des marques sur le flanc 246. Le mot français « marque » dériverait de l'ancien français « merchier » qui désigne un signe mis 243 B. Heilbrunn., La marque, op. cit., p. 5 244 Foundation of intellectual proprety, précité, p. 444, Pentacom, op. cit., p. 278 245 C. Lai, La marque, op. cit., p. 8 246 Foundation of intellectual proprety, op. cit., p. 444 109 Publicité et droit des marques sur un objet pour pouvoir attester de la propriété247 ou du mot d'origine germanique marka248 qui désigne aussi un signe. L'objectif de la marque était déjà à l'époque de pouvoir identifier et différencier les produits. 252. La trace écrite la plus ancienne de la pratique du marquage se trouve dans la Bible. En effet, on y trouve des références au marquage. Notamment, quand Caïn fut chassé du jardin d'Eden après avoir tué Abel, Dieu le marqua : « Yahvé mit un signe sur Caïn, afin que le premier venu ne le frappât point »249. Pour Robert MERGES et Jane GINSBURG, celui qui a écrit ce passage de la Bible connaissait donc la pratique du marquage (du moins chez les animaux)250. 253. Dans l'Antiquité, le nom des artisans était parfois gravé sur les poteries, souvent au niveau de la anse. Les marques prenaient alors la forme d'un nom ou d'une image, d'un symbole. Leur objet était de permettre l'identification du producteur ou du vendeur. En Égypte, certaines briques portaient des mentions relatives au Pharaon régnant et permettaient de savoir que la construction avait été édifiée pour lui ou sous son règne. En chine, sur la porcelaine, on pouvait trouver l'année de fabrication qui permettait alors de déterminer l'empereur sous le règne duquel la pièce avait été fabriquée251. Le développement de l'apposition de signes sur les biens produits trouve en partie son explication dans le développement du commerce et des échanges. Le marquage permettait d'assurer une traçabilité des produits. Des lampes à huile, des fromages, du vin mais aussi des remèdes pouvaient ainsi être identifiés grâce à la mention du lieu de production ou du fabricant. 254. Puis, durant le Moyen-Age, la pratique du marquage tomba un peu en désuétude avec le déclin de l'apprentissage. Les artisans ne savaient pas même écrire ou lire les inscriptions les plus simples et il semble que seules les armes portaient des marques252. 255. L'usage économique de la marque apparaît au XVème siècle et c'est aussi à cette période qu'apparait le mot français de marque (1456)253. En outre, l'apprentissage devient 247 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 6 248 Pentacom, op. cit., p. 278 249 Gn 4,15 250 Foundations of intellectual property, op. cit., p. 444 251 Ibid. 252 Ibid., p. 446 253 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 6 110 Publicité et droit des marques plus fréquent et on assiste à une croissance des échanges et du commerce. L'usage des marques, néanmoins simples et sous la forme de monogrammes, refait son apparition. Corrélativement, l'usage de la contrefaçon émerge lui aussi. Par ailleurs, on ne vît pas seulement apparaître des marques de fabrique. En effet, de nombreuses marques avaient pour objectifs d'identifier des personnes, telles que les armoiries et les sceaux. On vît aussi apparaître des enseignes sur les façades des maisons, afin d'indiquer le nom de la famille qui y résidait, ainsi qu'au dessus des portes des ateliers d'artisans ou des auberges. En outre, d'autres marques avaient pour but d'indiquer la propriété d'un bien, comme le bétail qui était marqué254. 256. Avec l'apparition de l'imprimerie, apparait la pratique du filigrane afin d'indiquer l'identité du fabricant du papier (bien que le filigrane soit réellement apparu au XIIIème siècle à des fins décoratives). De plus, le recours à la marque sur les livres, qui découlait de la grande rivalité entre les imprimeurs, se fait de plus en plus fréquente. L'usage de la marque permettait alors de déterminer l'origine de l'ouvrage255. 257. Sous l'Ancien Régime, de plus en plus, on utilise la marque afin de distinguer les produits et d'en indiquer la provenance. Ainsi, les tissus portaient le sceau de la ville dans laquelle ils ont été fabriqués. Les pièces d'orfèvrerie portaient des poinçons, notamment afin de pouvoir identifier l'artisan. Par exemple, en 1378, Charles V ordonna que toutes les pièces d'orfèvrerie devraient porter deux poinçons : un indiquant la maison commune et l'autre l'orfèvre (avec ses initiales et la date). Les appositions de marques et de poinçons donnaient lieu à la perception d'une taxe256. 258. La marque, outre sa fonction d'indication de provenance, permettait d'assurer que le produit avait bien été fabriqué dans le respect d'une tradition et d'un savoir-faire. Elle attestait que le produit présentait les caractéristiques fixées par les règlements de la corporation. Ainsi, la marque des corps de métiers permettait d'assurer au consommateur que le produit avait la qualité attendue. Cet usage de la marque afin d'attester du respect de règles de fabrication fut néanmoins peu à peu concurrencé par des usages commerciaux à partir de 254 Foundations of intellectual property, op. cit., p. 446 255 Ibid., p. 447 256 Des brevets et des marques, op. cit., p. 180 111 Publicité et droit des marques la fin du XVIIème siècle257. 259. A partir de la Révolution française, la marque commence à devenir de plus en plus ce qu'elle est aujourd'hui, notamment grâce à la suppression des taxes sur les marques et les poinçons et à l'institution de la liberté de commerce et d'industrie. En effet, le Décret d'Allarde du 2 et 17 mars 1791 abolit les corporations, et ainsi les taxes y afférant, et dispose à l'article 7 « qu'il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon ». Ce décret a eu pour conséquence de voir les anciennes marques des corporations perdre leur intérêt et la marque n'a alors plus eu qu'une fonction d'indication de provenance. 260. A partir du XVIIIème siècle, les progrès industriels mais aussi l'évolution dans le domaine des transports vont avoir pour incidence de voir les marchés s'ouvrir et se développer. Les marques, puisqu'elle permettent de connaître l'origine du produit, sont des repères et elles vont, à ce titre, s'imposer comme un outil permettant aux fabricants de se différencier de la concurrence. B- La marque de la révolution industrielle à nos jours 261. Avec les progrès techniques, que ce soit dans les domaines de la production ou des transports, les produits ont vu leur disponibilité augmenter. D'une production artisanale réduite, on est passé à une production de masse où les produits se sont uniformisés. L'intérêt des marques s'est alors fait sentir afin d'indiquer la provenance des produits. En outre, les activités de fabrication et de distribution se sont séparée et le lien entre le fabricant et le client s'est alors rompu. Il fallait donc permettre au consommateur d'identifier l'origine du produit, surtout en cas de malfaçon. 262. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, il n'existait aucune loi permettant de lutter contre les contrefaçons. C'est la loi du 23 juin 1857 qui a conféré une protection aux marques et qui a 257 Ibid., p.180 et 181 112 Publicité et droit des marques ainsi permis à celles-ci d'assurer pleinement leur fonction d'identification et de différenciation des produits. Ce droit sur la marque était acquis par le premier usage (et non par le dépôt) et était perpétuel (à condition de le renouveler). Par la suite, la loi du 31 décembre 1964, dans son article 4, prévit que la propriété de la marque serait obtenue par son dépôt. Dans certains pays, comme les États-Unis, les droits sur la marque s'acquièrent toujours par l'usage. C'est grâce à la révolution industrielle que les marques se sont vraiment développées. Certaines de ces marques, qui étaient le plus souvent patronymiques, existent toujours aujourd'hui (par exemple la marque Heineken créée en 1864, Maggi en 1884, Michelin en 1889). 263. La marque a longtemps eu des composantes assez simples. Ainsi, le plus souvent, elle consistait en des noms, des symboles. Les premiers logos commencent à apparaître à la fin du XIXème siècle258. En outre, c'est grâce à l'émergence de la publicité que les marques ont évolué. Elles sont ainsi devenues davantage que de simples marques de fabrique. Elles véhiculent des valeurs, une vision de la vie et mettent en valeur ces caractéristiques par le biais de la publicité. Elles modifient nos perceptions. Un exemple parlant est celui de CocaCola qui est parvenu à nous imposer l'image du Père Noël que nous avons aujourd'hui. Certes, il était déjà représenté en rouge et blanc (dans les pays anglo-saxons) depuis le milieu du XXème siècle, mais c'est Coca-Cola qui popularisa, dans les années 1930, cette image de « Santa Claus » aux couleurs de la marque et avec l'air sympathique que l'on lui connait aujourd'hui. 264. Au XXème siècle, les biens sont de plus en plus fabriqués en série. On assiste, par ailleurs, à une consommation de plus en plus importante. Les niveaux de vie augmentent à partir des trente glorieuses et on voit émerger une société de consommation. 265. Avec la communication de masse, les produits sont devenus similaires et, avec les progrès techniques, sont apparues sur le marché des innovations. La marque a donc permis de différencier les produits mais aussi de servir de repère lorsque les consommateurs ne connaissaient pas le produit. Ainsi, on peut dire que la marque rassure en ce qu'elle offre une certaine sécurité aux clients car ils lui font confiance. 258 No logo, op. cit., p. 30 113 Publicité et droit des marques 266. A partir de la fin des années 1970, avec la crise économique, la consommation diminue et se voit critiquée. Cette période est alors difficile pour les marques et elles doivent se réinventer et se montrer plus à l'écoute des consommateurs mais aussi insister sur la qualité de leurs produits afin de parvenir à se différencier de la concurrence 259. C'est à cette période que l'on voit émerger les marques de distributeurs (MDD) qui proposent des produits beaucoup moins chers que ceux des marques dites nationales. 267. Les marques ont toujours constitué un gage de qualité. Les consommateurs acceptent alors de payer plus cher un produit marqué. C'est pour cette raison que même en cas de phénomène de rejet des marques (ou de la société de consommation en général), les clients, du moins pour les produits impliquants, restent attachés aux marques. En outre, la prime de marque rassure. Lorsqu'un produit marqué paraît bon marché, le consommateur risque de s'en méfier260. 268. Les marques sont entrées dans notre univers culturel. Elles créent des tendances et se doivent aussi de les suivre afin ne pas être rapidement dépassées par la concurrence. Depuis la seconde moitié du XXème siècle, et ce grâce au développement de la publicité, la marque ne se contente plus de d'être un nom ou un signe sur un produit ; elle véhicule des valeurs et des visions. La marque est devenue créatrice de tendances et elle se doit de veiller à ce que ce nouveau rôle soit bien rempli. 269. S'agissant du nom de la marque, il peut être patronymique, faire référence au lieu de fabrication ou rappeler sa composition. En outre, dans certains cas, il peut témoigner de son époque : par exemple, les suffixes en -ex étaient très prisés car à la mode dans les années 1950 (Spontex, Moulinex, Kleenex...)261. Le nom de la marque joue un rôle important. Il est nécessaire de bien le choisir. Néanmoins, un risque pour la marque est d'être victime de son succès et d'entrer dans le langage courant, ce qui fut le cas de Kleenex (qui vient de « clean express »), Frigidaire (Frigid Air c'est-à-dire air glacé), Sopalin, Scotch, Bic... 270. Les marques et les célébrités sont devenues des alliées. Depuis longtemps, des personnalités dotées d'une importante renommée aident les marques en s'y associant. En 259 Des brevets et des marques, op. cit., p. 197 260 Ibid. 261 Ibid., p. 190 114 Publicité et droit des marques effet, de nombreuses marques se choisissent des égéries, notamment issues du cinéma, de la chanson ou du sport. Cette association entre une star et la marque permet d'augmenter la notoriété de la marque et a pour objectif d'augmenter les ventes. Et cela marche! Pour preuve le spot Nespresso avec George Clooney qui a permis à la marque d'enregistrer une forte augmentation des ventes. Ces associations de la marque avec les stars ne constituent pas un phénomène récent. Déjà, dans les années 1950, les marques choisissaient leurs égéries parmi les célébrités du sport ou du cinéma. L'utilisation d'une star ne fonctionne pas toujours pour autant. Il faut choisir une célébrité appréciée et dont l'image est en adéquation avec la marque. En outre, la marque qui compte choisir une star doit faire attention aux autres contrats publicitaires de la future égérie. Un trop grand nombre de contrats dans des secteurs très différents pourrait causer une confusion dans l'esprit du consommateur et nuire ainsi à l'image de la marque. Par exemple, une marque de luxe n'aura ainsi pas intérêt à choisir une vedette sous contrat avec une marque de charcuterie... Le recours à l'association de la marque avec une star peut s'avérer très utile. Ainsi, une célébrité à la mode peut aider une marque à se débarrasser d'une image un peu vieillotte. Par ailleurs, la relation entre les marques et les stars ne marche pas que dans un sens. En effet, on peut rappeler à titre anecdotique que certaines célébrités (surtout issues de la télé réalité telles que Loana, ou qui ont créé des « buzz » ou des scandales telles que Zahia) font de leur nom des marques déposées à l'INPI. Ainsi, les marques deviennent aussi des tremplins pour des « starlettes » qui pensent que leur petite notoriété pourra s'avérer vendeuse. 271. Les marques dépassent aujourd'hui les frontières et deviennent mondiales262. Selon Interbrand, une marque, pour être mondiale, doit être disponible dans un grand nombre de pays, réaliser au moins un tiers de ces ventes en dehors de son pays d'origine et avoir des valeurs universelles. Cette mondialisation a pour effet de voir les petites marques locales ne pas parvenir à survivre. Elles sont souvent acquises par des marques ayant plus facilement vocation à s'exporter. 272. Ainsi, comme on peut le voir, les marques d'aujourd'hui semblent être assez éloignées de celles d'avant la révolution industrielle. Néanmoins, outre cette nouvelle 262 Publicitor, op. cit., p. 146 115 Publicité et droit des marques fonction de création de tendances, elle conserve les mêmes fonctions originelles : celle de permettre l'identification des produits et d'en indiquer l'origine. §2 La fonction distinctive de la marque 273. Chantal LAI définit la marque comme « un signe (…) qu'on appose sur un produit ou un service pour l'identifier, le distinguer et le différencier des autres »263. Cette définition a toujours été à peu près la même. En effet, le principe d'apposer des signes sur des produits a toujours été de permettre de les différencier, que ce soit pour en indiquer la propriété ou la provenance. 274. La marque a pour fonction d'indiquer l'origine des produits ou services. Ainsi, le produit ou le service pourra être identifié et distingué des autres (A). Cette fonction est très importante notamment aux yeux du producteur en ce qu'elle le protège contre la concurrence qui pourrait tenter de commercialiser ses propres produits en provoquant une confusion dans l'esprit du public. Néanmoins la fonction d'indication de provenance est tout aussi importante aux yeux du consommateur qui peut connaître l'origine des produits non seulement grâce à la marque mais aussi grâce à des labels (B). A- La fonction d'identification et d'indication de provenance 275. La première fonction de la marque est de permettre de distinguer le produit des autres et d'informer sur son origine. Ainsi, si l'on se base sur les étymologies, à la fois des termes anglais « brand » et français « marque », on peut déduire que l'objet premier du marquage était d'identifier et de différencier. La marque a eu pour rôle dans un premier 263 C. Lai, La marque, op. cit., p. 9 116 Publicité et droit des marques temps d'indiquer le propriétaire d'une bête puis de différencier une pièce d'artisanat d'une autre. Ainsi, dans l'Antiquité, la marque avait valeur de signature et indiquait le lieu de fabrication (mais aussi un savoir-faire)264. 276. Par la suite, la marque indiquait notamment, lorsque les corporations définissaient les règles de fabrication, que le bien avait été conçu dans le respect d'une certaine tradition et d'un certain savoir-faire. L'objet du marquage était certes d'assurer le respect d'un mode de fabrication mais il permettait aussi de savoir que le produit revêtait bien les qualités attendues. Or, c'est précisément ce que l'on attend d'une marque. 277. La fonction d'identification de la marque a pour objectif de permettre au consommateur de savoir ce qu'il achète, de l'identifier. La marque renseigne sur l'origine d'un produit, ce qui peut être rassurant, notamment pour les produits pouvant comporter une certaine dangerosité. La marque permet d'assurer une fonction de traçabilité. Ainsi, en 1266, en Angleterre, une loi imposa aux boulangers d'apposer leur marque sur les miches de pain afin de trouver le fautif en cas d'erreur sur le poids de celles-ci265. Dans l'Ancien Régime, nous l'avons vu, les tissus mais aussi les pièces de métal indiquaient le lieu de fabrication du produit par le biais de sceaux ou encore de poinçons. 278. De nos jours, la marque a gardé ces fonctions. Elle permet de s'assurer que le produit revêtu de la marque a bien les caractéristiques propres à la marque. On transfère, outre la réputation, l'image de la marque au produit. Ainsi, les représentations que le consommateur a de la marque vont aussi être attribuées au produit. A qualité similaire, la préférence sera souvent accordée à un produit marqué. En effet, ce qui différencie par exemple, des lunettes Gucci de lunettes de qualité mais sans marque, est justement le logo de la marque apposé sur les branches. Ce logo garantit au client la qualité des lunettes, la mise en œuvre d'un savoirfaire made in Italy. Pourtant, l'autre paire de lunettes peut être tout aussi esthétique et protectrice mais elle ne dispose pas d'un signe en assurant l'acheteur. La connaissance de l'origine d'un produit permet de le différencier des autres qui n'ont pas la même. En outre, les qualités que l'on prête à un produit du fait de sa provenance (notamment dans le domaine alimentaire) ne se retrouveront ainsi pas forcément chez les 264 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 6 265 Ibid. 117 Publicité et droit des marques produits concurrents. Dans bien des cas, ce que le consommateur achète, ce n'est pas le produit mais la marque. Par conséquent, l'indication sur le produit qu'il a été fabriqué sous le contrôle du titulaire de la marque suffit à le différencier des autres. 279. Par ailleurs, il convient de noter que la marque constitue pour l'industriel une signature. Celle-ci permet de garantir l'origine. La marque constitue ainsi une protection légale contre les copies et elle permet de différencier les produits de ceux des concurrents. Le produit ainsi revêtu d'une marque a son identité d'origine précisée. Le consommateur sait alors ce qu'il achète et est en mesure d'identifier le producteur du bien. 280. La marque a une fonction distinctive, une fonction d'identification en ce qu'elle permet d'informer le consommateur sur l'origine du produit qu'il va acheter, sur l'entreprise qui le produit. C'est à cette fin d'identification que les marques se dotent, outre d'un nom, d'une identité visuelle (le logo, le design du produit, etc.)266. Ces éléments permettent alors de distinguer les produits de la marque et contribuent à accroitre sa valeur. La charte graphique de la marque permet de faciliter le repérage des produits. La marque ne se limite donc pas à une identité nominale ; elle a aussi une identité graphique avec un logo, des couleurs, des formes, etc. Ces éléments doivent être cohérents et permettre au consommateur de distinguer facilement la marque parmi d'autres. Ces éléments matériels et immatériels constituent l'identité de la marque. Ce n'est pas tant le logo qui permet d'identifier une marque, c'est de manière plus large, tout ce qui la constitue. L'identification présente à la fois un intérêt pour le consommateur qui va voir son processus de choix simplifié mais aussi pour l'entreprise fabricante car elle va pouvoir se démarquer de ses concurrents. Or, c'est précisément l'objet des marques. Elles permettent aux fabricants de se démarquer les uns des autres. C'est la marque qui a permis au producteur de s'affranchir des commerçants. Elle constitue un lien direct entre le producteur et le consommateur. Il est donc nécessaire qu'elle attire le consommateur vers elle, comme un commerçant aurait attiré l'attention d'un consommateur sur un bon produit. La marque doit ainsi appeler le consommateur à elle. Elle doit être facilement repérable et il est important que tous ses attributs soient cohérents pour créer une identité 266 Publicitor, op. cit., p. 105 118 Publicité et droit des marques forte. La marque joue bien une fonction d'identification mais ce n'est pas réellement la marque elle-même qui va jouer ce rôle, mais plutôt tous les éléments, tangibles ou non, qui la composent. Une marque n'est rien sans une identité, qu'elle soit concrète, visuelle ou encore le fruit de ses actions et de ses campagnes de communications. En outre, la marque reflète sa propre histoire. Elle informe sur ce qu'a été l'entreprise et sur ce qu'elle est devenue. Elle véhicule ses valeurs. L'histoire des marques est alors utilisée comme un outil de marketing. On n'hésite pas à préciser l'année de création de la marque. L'histoire de la marque est un élément qu'il peut être intéressant de mettre en avant. Le fait que la marque existe depuis longtemps rassure le consommateur. A ses yeux, si elle perdure, c'est qu'elle est fiable. Le consommateur a davantage tendance à faire confiance à une marque qui est ancienne, qu'il a toujours connue et vue. Les marques l'ont compris et rappellent souvent leur ancienneté, leur évolution. La marque permet donc au producteur d'attirer le consommateur et de le fidéliser. Elle permet aussi de rassurer le consommateur en lui garantissant l'origine du produit. B- L'indication d'origine : une fonction importante pour le consommateur 281. L'indication de provenance constitue une fonction importante de la marque pour le consommateur car elle lui garantie un certain mode de fabrication ou une certaine qualité. Néanmoins, la marque ne semble pas toujours suffisante pour garantir ces éléments et des labels ont été créés. C'est parce que l'origine d'un produit peut constituer pour les consommateurs l'assurance d'une certaine qualité mais aussi du respect d'un savoir-faire qu'il semble intéressant de nous arrêter un peu sur les appellations d'origine. Il s'agit de labels mis en place afin d'assurer au consommateur le respect de savoir-faire. Ils permettent d'attester de la provenance des produits et du respect d'un savoir-faire régional dans leur processus de fabrication. Ils ont ainsi pour objet de certifier la qualité des produits et leur authenticité. 119 Publicité et droit des marques Bien que n'étant pas des marques, ces appellations qui sont des droits collectifs reconnus aux producteurs d'une même région, constituent la garantie du respect d'un mode de fabrication ainsi que des qualités attribuées à certains produits régionaux. Elles confirment alors l'importance accordée par les consommateurs à l'origine des produits, notamment en raison du gage de qualité que celle-ci peut constituer. 1) L'intérêt pour le consommateur 282. La fonction d'indication d'origine permet de rassurer le consommateur sur ce qu'il s'apprête à acheter. La marque constitue un gage de qualité, ou du moins du respect d'un savoir-faire dans l'élaboration des produits. Cette qualité est alors attribuée aux produits d'une même origine. Ainsi, un consommateur content d'un produit s'attendra à retrouver la même qualité s'il l'achète de nouveau. L'indication de provenance lui assure alors en principe que le produit a été fabriqué de la même façon et que, par conséquent, ses qualités seront les mêmes. La fonction de garantie d'origine a ainsi un lien étroit avec la garantie de qualité. Cependant, comme nous le verrons plus loin, cette fonction de garantie de qualité, bien que connue du marketing n'a été que récemment admise par le droit. 283. La fonction de signature de la marque atteste du savoir-faire de l'entreprise et c'est bien l'objet de la marque que de garantir la qualité que l'on prête aux produits de l'entreprise titulaire. Pour reprendre l'exemple cité plus-haut, le consommateur s'attend à ce que des lunettes Gucci soient fabriquées en Italie et c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles il va les payer cinq fois plus cher qu'une paire de lunettes basique. Néanmoins, ceci n'est plus toujours vrai. Bien des marques, notamment de vêtement, réputées assez « chic » ne garantissent plus vraiment un savoir-faire. Par exemple, la marque Tommy Hilfiger qui cible pourtant à la base la upper middle class américaine et dont on pourrait penser que la production est plus ou moins locale, fabrique ses vêtements en Turquie ou encore en Inde. Que doit-on alors penser de la fonction d'indication d'origine de la marque ? En réalité, celleci veut aujourd'hui seulement dire que, en cas de défaut de fabrication ou de défaillance du produit, le consommateur pourra se retourner contre l'entreprise titulaire de la marque et sous la responsabilité de laquelle est placée la production. L'entreprise est réellement la seule origine du produit dont le consommateur a connaissance. 120 Publicité et droit des marques Outre les vêtements, bien des exemples existent. Des vins ne sont pas mis en bouteille dans le domaine viticole, des eaux minérales ne sont pas embouteillées à la source... La fonction d'indication d'origine a ainsi parfois perdu de son intérêt. En réalité, cette fonction a pour objet de déterminer l'identité du fabricant, d'indiquer la « paternité du produit ou du service »267. En droit, on parle d'indication d'identité d'origine. Nous nous y attarderons un peu plus bas. Néanmoins, on peut se demander ce que cette notion veut réellement dire pour un consommateur. Quelle est l'identité d'origine qui l'intéresse ? En réalité, cela dépend. Une personne voulant afficher son appartenance à une certaine classe sociale sera intéressée par le logo de la marque apposé sur le produit. Une personne ayant une forte conscience « sociale » sera intéressée par l'origine géographique et par les méthodes de fabrication du produit afin de ne pas acheter un produit fabriqué dans des conditions de travail scandaleuses ou dans une entreprise employant des enfants par exemple. Néanmoins, bien que le rôle d'indication de provenance de la marque ait perdu de son sens en raison dans un premier temps de l'industrialisation puis de la mondialisation, la fonction distinctive de la marque demeure une fonction fondamentale de la marque. 2) Les appellations d'origine : un indice de l'importance accordée par le consommateur à l'origine des produits 284. Les appellations d'origine (AOC en France et AOP et IGP selon le droit européen) sont des signes distinctifs collectifs (contrairement aux autres droits de la propriété industrielle) qui s'appliquent essentiellement aux produits agricoles et aux denrées alimentaires. L'article 2 de l'arrangement de Lisbonne268 définit les appellations d'origine comme « la dénomination géographique d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains ». Ces signes constituent pour les consommateurs la garantie d'un certain 267 R. Kovar, J. Larrieu , Marque, Rép. Comm. Dalloz, août 2009, p. 9 268 Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d'origine et leur enregistrement international, 31 oct. 1958 121 Publicité et droit des marques savoir-faire et donc d'une certaine qualité269. En effet, comme le note Mélanie GROS270, « l'appellation d'origine est caractérisée par un lien indissociable avec un terroir [au sein duquel] s'est construite au cours de l'histoire une communauté humaine amenant un savoirfaire intellectuel collectif. Ainsi l'appellation d'origine est le fruit d'une interaction entre un milieu physique et biologique et un ensemble de facteurs humains, conférant une typicité et une réputation pour un produit originaire de ce terroir ». 285. En France, l'article L. 115-1 du code de la consommation prévoit que « constitue une appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains ». 286. Le droit européen distingue l'appellation d'origine protégée (AOP) et l'indication géographique protégée (IGP)271. Les trois conditions de l'AOP sont : ►Il s'agit du nom d'une région, d'un pays ou d'un lieu déterminé dont le produit est originaire ►les qualités ou les caractères du produits doivent être dus essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains ►la production, la transformation et l'élaboration du produit doivent avoir lieu dans l'aire géographique délimitée. 287. Les conditions de l'AOP sont semblables à celles de l'AOC (appellation d'origine contrôlée) française. Le consommateur peut être pleinement rassuré sur l'origine et sur le processus de fabrication du produit qui est revêtu d'une telle appellation. Au contraire, le consommateur peut être trompé s'agissant de produits estampillés IGP dont les conditions sont les suivantes: ►Il s'agit du nom d'une région, d'un pays ou d'un lieu déterminé dont est originaire le produit ►une qualité déterminée, la réputation ou d'autres caractéristiques du produits peuvent être attribuées à cette origine géographique 269 Les appellations d'origines doivent en cela être distinguées des indications de provenance qui indiquent seulement le lieu de fabrication du produit mais ne se réfèrent pas à sa qualité. 270 M. Gros, Les signes d'origine et de qualité des vins, thèse UT1 Capitole, 2009, p. 77 271 Règlement CE n° 510/2006 du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, JO L 93, 31 mars 2006, p. 12-25 122 Publicité et droit des marques ►la production et/ou la transformation et/ou l'élaboration du produit doit avoir lieu dans l'aire géographique délimitée. 288. Comme on peut le voir, les conditions à remplir pour bénéficier de l'IGP sont beaucoup moins contraignantes que celles de l'AOP (ou de l'AOC) et le lien avec le territoire est beaucoup moins fort. Qu'en penser ? En réalité, cette appellation, qui a pour objet de rassurer le consommateur et de lui assurer le respect d'un certain savoir-faire régional ou d'une certaine qualité des produits inhérente à l'environnement d'origine, a plutôt pour effet de l'embrouiller. Certes, le produit, pour bénéficier de cette indication, doit respecter un cahier des charges qui constitue alors une garantie importante pour les consommateurs. Néanmoins, ces derniers peuvent se méprendre sur ce qu'indique cette IGP. Ainsi, un produit bénéficiant de l'appellation IGP peut ne pas avoir été entièrement produit, transformé et élaboré dans la région indiquée. Ainsi, un jambon de Bayonne peut être élaboré à partir de cochon venant du Limousin par exemple. La fiche du jambon de Bayonne que l'on peut trouver sur le site de l'institut national de l'origine et de la qualité (INAO) prévoit que la zone de production des porcs comprends les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, et PoitouCharentes ainsi que les départements limitrophes, c'est-à-dire la Haute-Vienne, la Corrèze, le Cantal, l'Aude et les Pyrénées-Orientales. La zone de transformation des jambons est, quant à elle, plus restreinte et ne comprend que le département des Pyrénées-Atlantiques ainsi qu'une partie des départements du Gers, des Hautes-Pyrénées et des Landes. La zone de transformation est conforme à l'appellation. Néanmoins, combien de consommateurs savent que le cochon utilisé ne provient pas obligatoirement des alentours de Bayonne ? Certes, beaucoup se diraient que l'appellation leur garantit tout de même le respect du savoir-faire mais une partie peut se sentir dupée. L'IGP peut ainsi induire les consommateurs en erreur. 289. Quel est l'intérêt de mettre en place deux appellations dont la seule différence est basée sur un cahier des charges qui sera plus ou moins contraignant selon qu'il s'agit d'une AOP ou d'une IGP ? Certes, cela va permettre à davantage de produits de revêtir une appellation mais qu'en est-il du consommateur ? Il risque d'être encore une fois la victime. Il est probable que la majorité des consommateurs européens ne connaissent pas la nuance entre les deux appellations et risquent de se méprendre sur ce que l'IGP implique. En effet, l'IGP, aux yeux du consommateur, va être un gage du respect du savoir-faire typique d'un terroir alors que ce n'est pas forcément le cas. En outre, sa vigilance aurait pu être plus 123 Publicité et droit des marques importante en l'absence d'un tel label. Ce dernier peut avoir pour effet de pousser le consommateur à acheter le produit les yeux fermés, en se fiant à une seule étiquette. 290. Néanmoins, outre l'IGP, les appellations d'origine sont utiles. Elles permettent de compléter la marque dans son rôle d'indication de provenance. La marque constitue alors la référence, l'entreprise en qui avoir confiance ou vers qui se retourner en cas de défaut du produit, mais l'appellation d'origine atteste de la mise en œuvre et du respect d'un savoirfaire. En outre, lorsque le consommateur n'a pas accordé sa préférence à une marque dans une catégorie de produits donnée et ne sait alors pas lequel choisir, l'appellation d'origine joue le rôle de guide et de garantie que le produit respecte les méthodes traditionnelles d'une région renommée pour son savoir-faire. Les appellations d'origine complètent alors la marque dans l'exercice de deux de ses fonctions : celle de garantie de qualité, reconnue juridiquement seulement récemment et celle (bien sûr) d'indication d'origine que le droit a qualifiée d'essentielle. Section 2. La fonction juridique de garantie d'identité d'origine 291. Les dispositions conférant au titulaire d'une marque enregistrée un droit exclusif sur celle-ci ont notamment pour objet de le protéger contre les atteintes qui pourraient être portées à la fonction de garantie de provenance de la marque. Cette fonction que l'on qualifie généralement de fonction essentielle de la marque n'a cependant pas toujours été considérée comme l'objet principal du droit de marque par la jurisprudence européenne (§1). Aujourd'hui, le onzième considérant de la directive 2008/95/CE rapprochant les États membres sur les marques272 dispose que la protection conférée par la marque enregistrée a notamment pour but de garantir la fonction d'origine de la marque. Ce considérant précise 272 Directive 2008/95/CE du 22 oct. 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, JOUE L 299 du 8 nov. 2008, p. 25-33 124 Publicité et droit des marques que cette protection « est absolue en cas d'identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services ». Cependant, dans le cas d'une simple similitude entre les signes ou entre les produits ou les services, cette protection ne peut être mise en jeu que lorsqu'il est démontré que cette similitude entraine un risque de confusion dans l'esprit du public (§2). §1 La reconnaissance de la fonction de garantie d'identité d'origine 292. La fonction de garantie d'identité d'origine de la marque n'a pas toujours été considérée par la CJCE comme la fonction essentielle de la marque. Le premier objet historiquement reconnu au droit de marque fut la fonction de réservation de l'usage (en 1974) (A). Néanmoins, seulement deux ans plus tard, c'est la fonction d'indication d'origine qui fut consacrée et reconnue comme fonction essentielle de la marque par la CJCE. Depuis, c'est toujours à la fonction de garantie d'identité d'origine (ou garantie de provenance) que la CJCE se réfère lorsqu'elle parle de la fonction essentielle du droit des marques (B). A- Le premier objet reconnu au droit de marque : la réservation de l'usage 293. La Cour de justice des communautés européennes a, dans un premier temps, considéré que l'objet du droit de marque consistait dans la réservation de l'usage du signe au titulaire de la marque. Ainsi, la marque lui conférait un monopole d'exploitation de ce signe pour la désignation dans le commerce de certains produits ou services273. 294. La première fonction historiquement reconnue par le droit communautaire a donc été celle consistant à réserver l'usage de la marque à son titulaire. Ainsi la CJCE, dans l'arrêt 273 J. Passa, Les conditions générales d'une atteinte au droit sur la marque, Propr. industr. n°2, fév. 2005, ét. 2 125 Publicité et droit des marques Centrafarm du 31 octobre 1974, a énoncé que « en matière de marques, l'objet spécifique de la propriété commerciale est notamment d'assurer au titulaire le droit exclusif d'utiliser la marque, pour la première mise en circulation d'un produit et de le protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de cette marque »274. Dans cet arrêt, la Cour rappelle que des dérogations à la libre circulation des marchandises sont admises par l'article 36 du traité CE (du 25 mars 1957) à la condition que ces dérogations soient justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de la propriété industrielle et commerciale. Ainsi, elle fut amenée à préciser cet objet spécifique et c'est à cette occasion qu'elle reconnut la fonction de réservation de l'usage. 295. Cette fonction pourrait, encore aujourd'hui, être considérée comme l'objet spécifique de la marque. En effet, elle garantit au titulaire de la marque qu'il ne sera pas porté atteinte à son monopole sur celle-ci. Cette fonction garantit ainsi l'exclusivité de l'usage du signe au titulaire. Cependant, la CJCE a rapidement délaissé cette fonction au profit d'une autre : celle de la garantie d'identité d'origine en la désignant comme la fonction essentielle et en subordonnant la qualification de contrefaçon à l'existence d'une atteinte à celle-ci. Pour Madame le Professeur Joanna SCHMIDT-SZALEWSKI et Monsieur le Professeur Jean-Luc PIERRE, « la notion de fonction essentielle de la marque est apparue comme complémentaire de celle d'objet spécifique, qui s'est révélée insuffisante pour traiter des hypothèses complexes »275. 296. Comme le relève Monsieur le Professeur Georges BONET, « cette jurisprudence (Centrafarm) a suscité de nombreuses critiques, insistant sur la nécessité de reconnaître aussi à la marque un fonction de garantie »276. Il relève par ailleurs que la reconnaissance de cette fonction de garantie d'origine permet au titulaire d'une marque de s'opposer, après la première mise en circulation du produit, à l'usage de son signe par un tiers qui susciterait un risque de confusion277. 274 CJCE, 31 oct. 1974, aff. 16/74, Centrafarm c/ Winthrop : Rec. CJCE, p. 1183, point 8 275 J. Schmidt-Szalewski et J.-L. Pierre, op. cit., p. 333 276 G. Bonet, La protection de la marque dans la jurisprudence de la Cour de justice in Les défis du droit des marques au XXIe siècle : Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, précité, p. 106 277 Ibid., p. 107 126 Publicité et droit des marques B- La prééminence de la fonction de garantie de provenance 297. Deux ans seulement après avoir reconnu la fonction de réservation de l'usage , la CJCE, dans un arrêt du 22 juin 1976, consacre la fonction d'indication d'identité d'origine278 qu'elle désigne comme la fonction essentielle de la marque 279. Dans cet arrêt, la CJCE, afin de déterminer l'objet spécifique de la propriété commerciale et l'applicabilité de l'article 36 du traité CE, a indiqué très clairement que la fonction essentielle de la marque consistait à garantir aux consommateurs l'identité d'origine du produit (point 6). 298. La Cour Suprême des États-Unis avait reconnu dès 1916 cette fonction comme la fonction essentielle de la marque : « la véritable fonction fondamentale d'une marque est d'identifier l'origine ou la propriété du bien sur lequel elle est apposée »280. 299. En 1978, une nouvelle question relative aux dérogations à la libre circulation des marchandises a conduit une nouvelle fois la CJCE à définir cette fonction essentielle du droit des marques. Ainsi, dans l'arrêt Hoffmann-La Roche du 23 mai 1978281, la Cour rappelle dans un premier temps la première fonction reconnue historiquement et reprend l'attendu de l'arrêt Centrafarm de 1974 : « l'objet spécifique du droit de marque est notamment d'assurer au titulaire le droit exclusif d'utiliser la marque... » (point 7). Néanmoins, au paragraphe suivant, elle réaffirme qu' « il faut tenir compte de la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance ». 300. Par la suite, la directive 89/104/CE a énoncé, dans son dixième considérant, que « la protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la fonction d'origine de la marque ». En outre, la CJCE a considéré (dans un arrêt de 2001282) que « le législateur communautaire [avait] consacré cette fonction essentielle de la marque 278 CJCE, 22 juin 1976, aff. 119/75, Terrapin c/ Terranova : Rec. CJCE 1976, p. 1039 279 D. Poracchia, La reprise des emblèmes sportifs et la fonction de la marque, Rev. Lamy dr. aff., janv. 2003, n°56, Chron. 280 Cour suprême américaine, 6 mars 1916, Hanover Star Milling co c/ Metcalf, 240 U.S. 403 281 CJCE, 23 mai 1978, aff. 102/77, Hoffmann-La Roche c/ Centrafarm : Rec. CJCE 1978, p. 1139 282 CJCE, 4 oct. 2001, aff. C-517/99, Merz & Krell : Rec. CJCE, I, p. 06959 127 Publicité et droit des marques en disposant, à l'article 2 de la directive, que les signes susceptibles d'une représentation graphique ne [pouvaient] constituer une marque qu'à la condition qu'ils soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises » (point 23). En effet, les signes impropres à remplir la fonction essentielle de la marque ne peuvent bénéficier de la protection que confère l'enregistrement. C'est pour cette raison que l'article 3, §1, sous d) de la directive 89/104 prévoit que seront « refusées à l'enregistrement les marques composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes commerciales ». Ainsi, comme l'a relevé la CJCE, la fonction essentielle de la marque résulte « du libellé et de l'économie des diverses dispositions de la directive concernant les motifs du refus d'enregistrement »283. 301. Dans l'arrêt « Hag II » du 17 octobre 1990284, la Cour rappelle le principe selon lequel le droit de marque « constitue un élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir [et que] dans un tel système, les entreprises doivent être en mesure de s'attacher la clientèle par la qualité de leurs produits ou de leurs services (…). » Puis la Cour ajoute : « Pour que la marque puisse jouer ce rôle, elle doit constituer la garantie que tous les produits qui en sont revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité »285. 302. Néanmoins, une chose peut frapper à la lecture de cet arrêt car la Cour poursuit ainsi « par conséquent, l'objet spécifique du droit de marque est notamment d'assurer au titulaire le droit exclusif d'utiliser la marque, pour la première mise en circulation d'un produit, et de le protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de cette marque » (point 22). Il semble donc que le première fonction historique ait été absorbée par la seconde fonction reconnue, que cette fonction de réservation de l'usage découle, aux yeux de la CJCE, de la fonction de garantie de provenance. En effet, quelques lignes plus bas, la CJCE affirme une nouvelle fois que la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur l'identité d'origine des produits (point 24). 303. Par la suite, toute une série d'arrêts sont allés dans le sens de cette reconnaissance de 283 CJCE, 18 juin 2002, aff. C-299/99, Philips : Rec. 2002, I, p. 05475 284 CJCE, 17 oct. 1990, aff. C-10/89, Hag II : Rec. 1990, I, p. 03711, point 13 285 Voir aussi CJCE, 11 nov. 1997, aff. C-349/95, Ballantine : Rec. CJCE 1997, I, p. 6227 128 Publicité et droit des marques la fonction de garantie d'identité d'origine en tant que fonction essentielle de la marque. Ainsi, notamment, la CJCE, dans l'arrêt Anheuser-Busch du 16 novembre 2004 286, a énoncé que « un nom commercial peut constituer un signe au sens de l'article 16, paragraphe 1, première phrase, de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) (…) [et que] cette disposition vise à attribuer au titulaire d'une marque le droit exclusif d'empêcher qu'un tiers en fasse usage si l'usage en cause porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ». 304. Deux ans avant, en 2002, dans l'arrêt Arsenal287, la CJCE a eu l'occasion qu'elle n'a pas voulu saisir de revenir sur la définition de la fonction essentielle et ouvrir à nouveau la porte à la première fonction historiquement reconnue. Ainsi, au point 50, elle a considéré que « pour que cette garantie de provenance, qui constitue la fonction essentielle de la marque, puisse être assurée, le titulaire de la marque doit être protégé contre des concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de celle-ci ». Néanmoins, au point suivant, la Cour a jugé que l'exercice du droit exclusif prévu à l'article 5, §1, sous a) devait être « réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ». Nous étudierons un peu plus loin les conditions de l'exercice de ce droit exclusif mais nous pouvons dès à présent relever que la Cour a reconnu qu'il existait d'autres fonctions auxquelles il peut être porté atteinte. 305. La fonction d'indication de provenance a complètement absorbé, dans l'esprit de la CJCE, la première fonction historiquement reconnue, celle de réservation du signe consacrée par l'arrêt Centrafarm à l'époque où la Cour rejetait de manière nette la fonction de garantie d'identité d'origine288. En effet, en 1974, dans l'arrêt « Hag I »289, la Cour disposait que « si 286 CJCE, 16 nov. 2004, aff. C-245/02, Anheuser-Busch : Rec. CJCE 2004, I, p. 10989 287 CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC : Rec. CJCE 2002, I, p. 10273; Propr. Intell. 2003, n° 7, obs. G. Bonet; D. 2003, 755, note P. de Candé, RTD Com. 2003, p. 415, note M. Luby 288 J. Passa, L'usage de marque dans la jurisprudence récente de la CJCE, RJDA 3/03, Etudes et doctrines, Chronique. 289 CJCE, 3 juil. 1974, aff. 192/73, Hag : Rec. CJCE, p. 731 129 Publicité et droit des marques (…) l'indication de l'origine d'un produit de marque est utile, l'information, à ce sujet, des consommateurs peut être assurée par des moyens autres que ceux qui porteraient atteinte à la libre circulation des marchandises ». Si la fonction d'indication d'origine a absorbé la fonction de réservation de l'usage, cette dernière devrait tout de même pouvoir conserver un certain intérêt lorsque le concurrent qui profite de la réputation de la marque s'applique à n'engendrer aucune confusion quant à l'origine ou à la dissiper. Néanmoins, la Cour ne semble pas disposée à fonder une condamnation sur une atteinte à cette fonction et préfère démontrer une atteinte pourtant moins évidente à la fonction de garantie de provenance (comme ce fut le cas dans l'affaire Arsenal290). §2 La mise en jeu de cette fonction 306. Aujourd'hui, la question de l'atteinte à la fonction essentielle de la marque n'est généralement plus soulevée en matière de libre circulation des marchandises. Cette fonction trouve toute son utilité dans le cadre de l'action en contrefaçon. Ainsi, la CJCE a indiqué à plusieurs reprises qu'un signe ne peut constituer une contrefaçon que s'il porte atteinte à la fonction essentielle de la marque291. 307. Le onzième considérant de la directive 2008/95/CE292 dispose que « la protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la fonction d'origine de la marque, est absolue en cas d'identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services ; [que] la protection vaut également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services ; qu'il est indispensable d'interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion... ». 290 J. Passa, Les conditions générales d'une atteinte au droit sur la marque, op. cit. 291 Voir notamment CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC, op. cit. 292 Directive 2008/95/CE du 22 oct. 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, op. cit. 130 Publicité et droit des marques 308. L'article 5 « droits conférés par la marque » de la directive 89/104 prévoit dans son premier paragraphe les conditions de l'atteinte à la marque (A) en énonçant que « la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires : a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ; b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque ». 309. Comme la Cour l'a relevé à plusieurs reprises, « la protection conférée à l'article 5, §1, sous a), de la directive est (…) plus étendue que celle prévue au même article 5, §1, sous b), dont la mise en œuvre exige l'existence d'un risque de confusion et donc la possibilité d'une atteinte à la fonction essentielle de la marque »293. « En effet, en vertu du dixième considérant de la directive 89/104, la protection conférée par la marque enregistrée est absolue en cas d’identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services, alors que, en cas de similitude entre la marque et le signe ainsi qu’entre les produits ou services, le risque de confusion constitue la condition spécifique de la protection »294. Ainsi, dans l'hypothèse de l'article 5, §1, a), le risque de confusion est automatiquement caractérisé du fait de l'identité des signes et des produits ou services. Ce risque de confusion est quoi qu'il en soit la condition d'une atteinte à la fonction essentielle de la marque. Or, la protection accordée aux marques enregistrées a notamment (et essentiellement) pour objet de garantir leur fonction de garantie de provenance (B). 293 Voir notamment CJCE, 9 jan. 2003, aff. C-292/00, Davidoff : Rec. CJCE 2003, I, p. 00389, point 28; CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings (point 57) : Rec. CJCE 2008, I, p. 4231; Europe 2008, comm. 231, note L. Idot ; Gaz. Pal. 2008, n° 341, note V. Staeffen et J. Dulucenay 294 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit. 131 Publicité et droit des marques A- Les conditions de l'atteinte au droit des marques 310. Dans l'arrêt Arsenal, la Cour a considéré que constituait une atteinte à la fonction d'indication d'origine un usage « de nature à accréditer l'existence d'un lien matériel dans la vie des affaires entre les produits concernés et le titulaire de la marque » (point 56). Néanmoins, certaines conditions doivent être remplies afin que le titulaire d'une marque enregistrée puisse exercer son droit exclusif et interdire ainsi à un tiers l'usage d'une signe similaire ou identique à sa marque. 1) Les conditions communes aux articles 5, §1, a), et b), de la directive 2008/95 311. Le titulaire d'une marque peut s'opposer à l'usage de celle-ci par un tiers mais cette possibilité est subordonnée à plusieurs conditions qui découlent de l'article 5, §1, sous a) et sous b) de la directive 2008/95 (ancienne directive 89/104). Ces conditions sont au nombre de trois : ►L'usage en cause doit avoir lieu dans la vie des affaires, ►il doit être fait sans l'autorisation du titulaire de la marque, ►pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée. 312. L'arrêt Arsenal apporte des précisions sur ces conditions. Il s'agissait dans cette affaire d'un litige opposant le club de football anglais Arsenal (Arsenal F.C.) à Matthew Reed, un commerçant. Le club de football est titulaire des marques « Arsenal » et « Arsenal Gunners ». Monsieur Reed, quant à lui, vend, depuis 1970, des produits dérivés de football non officiels revêtus des signes enregistrés par le club. Néanmoins, dans l'échoppe de M. Reed, figurait un grand panneau précisant que les logos reproduits sur les produits n'impliquaient aucun lien avec les fabricants et que seuls les produits portant des étiquettes attestant qu'il s'agissait de produits officiels d'Arsenal en étaient. La High Court of Justice (Angleterre et Pays de Galle), saisie, a décidé de sursoir à statuer, notamment au motif que l'état du droit sur la question de la notion d'usage de la marque à titre de marque était incertain et a posé les questions préjudicielles suivantes à la CJCE : 132 Publicité et droit des marques 1) « Dans une situation où une marque est régulièrement enregistrée et : a) un tiers utilise dans le cadre de ses activités commerciales un signe identique à ladite marque et l'appose sur des produits identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, et b) le tiers ne peut invoquer pour sa défense les dispositions de l'article 6, §1, de la directive 89/104/CEE, ce tiers peut-il invoquer des limitations aux effets de la marque au motif que l'usage qui lui est reproché ne comprend aucune indication d'origine (à savoir un lien dans la vie des affaires entre les produits et le titulaire de la marque) ? 2) Dans l'affirmative, le fait qu'une telle utilisation soit perçue comme un signe de soutien, de loyauté ou d'attachement au titulaire de la marque est-il susceptible de constituer un lien suffisant ? » La Cour a jugé que, dans une situation où un tiers utilisait dans la vie des affaires un signe identique à une marque enregistrée pour des produits identiques à ceux pour laquelle la marque est enregistrée, le titulaire pouvait, dans l'hypothèse du litige, s'opposer à un tel usage conformément à l'article 5, §1, a), de la directive et que cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que le signe pourrait être perçu comme un témoignage de soutien, de loyauté ou d'attachement au titulaire de la marque. 313. Nous reviendrons sur la notion d'usage dans la vie des affaires plus loin, lorsque nous nous intéresserons plus particulièrement aux problématiques soulevées par le référencement payant, mais nous pouvons dès à présent relever que la Cour a apporté une importante précision en considérant que « l'usage d'un signe identique à la marque a bien lieu dans la vie des affaires, dès lors qu'il se situe dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé » (point 40). 314. Par ailleurs, il convient de nous arrêter sur la notion d'usage de la marque « en tant que marque » (ou « à titre de marque ») qu'ont utilisée Arsenal FC et la juridiction de renvoi et qui a soulevé des interrogations quant à sa signification. Néanmoins, la Cour relève au point 32 que la Commission a « fait valoir que le droit que tire le titulaire d'une marque de l'article 5, §1, de la directive est indépendant de la circonstance que le tiers n'utilise pas le signe en tant que marque... ». 133 Publicité et droit des marques L'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer, dans ses conclusions295, considère qu'« affirmer que le titulaire de la marque peut interdire à un tiers d'utiliser "la marque en tant que marque", c'est parler pour ne rien dire » (point 41). En outre, comme le note Monsieur le Professeur Jérôme PASSA (et comme l'a considéré la Commission), il semble falloir considérer que cette notion étrangère au droit européen (et au droit français) et qui a contribué aux difficultés de cette espèce englobe les conditions d'usage dans la vie des affaires afin de distinguer des produits et des services296. En outre, il ressort de la formulation de la question posée par la High Court of Justice que l'usage est fait à titre de marque lorsqu'il a pour objet d'indiquer la provenance des produits ou services. A contrario, si l'usage n'est pas fait dans ce but, il ne peut s'agir d'un usage en tant que marque et le titulaire ne pourrait en principe pas s'y opposer. Par ailleurs, l'avocat général relève que cet usage à titre de marque peut être présumé dans les cas d'identité de marques et de produits pour les mêmes raisons que le risque de confusion peut l'être en cas d'identité (point 52). Ainsi, c'est parce que la protection est absolue en cas d'identité, c'est-à-dire qu'elle existe indépendamment d'un risque de confusion, celui-ci étant présumé, que l'usage à titre de marque l'est de la même manière. 315. Néanmoins, il convient de relever que cette référence à l'usage de la marque en tant que marque commence à s'implanter en France. Il semble alors que la condamnation pour contrefaçon soit subordonnée à l'existence d'un usage de la marque à titre de marque. En effet, dans une décision du 1er octobre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a considéré que le titulaire d'une marque n'était habilité à interdire l'usage par un tiers d'un signe identique ou similaire à sa marque que si cet usage était fait à titre de marque et affectait ainsi la fonction de garantie de provenance297. Quelques semaines plus tard, le TGI de Paris298 a refusé de qualifier d'acte de contrefaçon l'usage d'une reproduction ou d'une imitation de marque à titre de méta-tag mais aussi à titre de nom de domaine au motif que de tels usages n'étaient pas faits à titre de marque puisque ni les méta-tags, n'étant pas visibles par les internautes, ni le nom de domaine, celui-ci n'apparaissant pas sur le site et n'étant utilisé qu'en tant que chemin d'accès technique, ne pouvaient alors remplir la fonction de 295 Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jalabo Colomer, 13 juin 2002, Arsenal FC : Rec. 2002, I, p. 10273 296 J. Passa, L'usage de la marque dans la jurisprudence récente de la CJCE, op. cit. 297 TGI Paris, 3e ch., sect. 2, 1er oct. 2010, n°09/07583, Sté Place des Tendances c/ Promod 298 TGI Paris, 3e ch, sect. 3, 29 oct. 2010, Free c/ Osmozis 134 Publicité et droit des marques marque. De même, dans un arrêt du 16 mars 2011299, la Cour d'appel de Paris a rejeté la qualification de contrefaçon dans un litige opposant la Fédération française de Rugby (FFR) à l'agence VIP Consulting notamment au motif que l'usage n'était pas fait à titre de marque. 316. Lorsque les conditions que nous venons de voir sont remplies, le titulaire d'une marque peut s'opposer à l'usage d'un signe similaire ou identique à sa marque pour des produits ou services identiques ou similaires mais dans le cas d'une simple similarité, il devra démontrer qu'il résulte de cet usage un risque de confusion dans l'esprit du public. 2) Le risque de confusion de l'article 5, §1, b) 317. Dans l'hypothèse de l'article 5, §1, b), il faut ajouter une quatrième condition : celle d'un risque de confusion engendré par la similitude des signes et des produits. Ce risque de confusion doit porter ou être susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. Ainsi le onzième considérant de la directive 2008/95 (dixième de la directive 89/104) dispose que « le risque de confusion, dont l'appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l'association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés, devrait constituer la condition spécifique de la protection ». 318. La CJCE, dans l'arrêt Medion300, a considéré que « le dixième considérant de la directive souligne que la protection conférée par la marque enregistrée a pour but de garantir la fonction d’origine de la marque et que, en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services, le risque de confusion constitue la condition spécifique de la protection » (point 24). Puis elle a ajouté que « l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive n’[avait] ainsi vocation à s’appliquer que si, en raison de l’identité ou de la similitude et des marques et des produits ou services désignés, il [existait], dans l’esprit du public, un risque de confusion ». Enfin elle a précisé que « [constituait] un risque de confusion au sens de cette disposition le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, 299 CA Paris, , Pôle 5 ch. 1, 16 mars 2011, FFR c/ VIP Consulting 300 CJCE, 6 oct. 2005, aff. C-120/04, Medion : Rec. 2005, I, p. 855, points 24 à 271 135 Publicité et droit des marques d’entreprises liées économiquement ». 319. Dans l'arrêt O2, la Cour a rappelé la jurisprudence constante selon laquelle le risque de confusion correspond à celui que le public puisse penser que « les produits et les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant d'entreprises liées économiquement » avant d'ajouter que « ainsi, l’usage du signe identique ou similaire à la marque qui fait naître un risque de confusion dans l’esprit du public porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque »301. 320. Il peut être utile de préciser que la CJCE a jugé que le risque d'association ne pouvait remplacer celui de confusion bien que les articles 4, §1, b) et 5, §1, b) de la directive 89/104 précisent que le « risque de confusion [qui] comprend le risque d'association ». Le risque de confusion a pour conséquence une possibilité que le public ne puisse distinguer deux signes similaires au point de les confondre ce qui peut avoir pour effet une perte d'affaires de l'entreprise titulaire de la marque ou une atteinte à l'image de la marque. L'hypothèse du risque d'association, bien que pouvant entrainer les mêmes atteintes, n'est pas la même. En effet, ce risque correspond à l'éventualité que le public établisse un lien entre les deux signes, sans pour autant les confondre. Pour la CJCE, il découle de la formulation de l'article 4, §1, b), que « la notion de risque d'association n'est pas alternative à la notion de risque de confusion, mais (…) sert à en préciser l'étendue. Les termes mêmes de cette disposition excluent donc qu'elle puisse être appliquée s'il n'existe pas dans l'esprit du public, un risque de confusion »302. 321. Par ailleurs, pour Benoît HUMBLOT, il convient de s'interroger sur l'opportunité de fonder la protection des marques sur l'existence ou non d'un risque de confusion. En effet, les consommateurs moyens ne savent souvent pas quelle entreprise se cache derrière les produits qu'ils achètent. Ainsi, au sujet de l'arrêt Ferrero, il s'interroge sur la part des consommateurs qui sait que les produits vendus sous les marques "Nutella", "Kinder", "Tic Tac", "Duplo", etc. proviennent de l'entreprise Ferrero303. 301 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings, op. cit., point 59 302 CJCE, 11 nov. 1997, aff. C-251/95, Sabel : Rec. 1997, I, p. 06191 , point 18 303 B. Humblot, Droit des marques : risque de confusion autour du risque de confusion. L'exemple de l'arrêt Ferrero, RLDI, 2008/43, n° 1404 136 Publicité et droit des marques 322. En outre, l'exigence d'un risque de confusion uniquement dans le cas d'une simple similitude entre les signes ou entre les produits ou services, et non en cas d'identité entre ceux-ci, semble critiquable. C'est pourtant ce qu'a rappelé la Cour dans l'arrêt L'Oréal304. Elle a rappelé qu'en vertu du dixième considérant de la directive 89/104, contrairement à l'hypothèse d'une double identité de signes et de produits ou services où la protection est absolue, « en cas de similitude entre la marque et le signe ainsi qu'entre les produits ou services, le risque de confusion constitue la condition spécifique de la protection ». C'est pourquoi, l'existence d'un risque de confusion est exigée dans l'hypothèse visée par l'article 5, §1, b) et non dans l'hypothèse du même article sous a), la protection étant dans ce cas « plus étendue ». Pour Monsieur le Professeur Jérôme PASSA, une lecture différente de ce considérant conduirait à considérer que le risque de confusion est la condition spécifique de la protection dans les deux hypothèses de stricte identité et de simple similitude305. En effet, le considérant énonce que « la protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la fonction d'origine de la marque, est absolue en cas d'identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services » puis indique que la protection s'applique aussi aux hypothèses de similitude entre les signes ou entre les produits ou services avant d'ajouter que « le risque de confusion (…) constitue la condition spécifique de la protection ». Cette lecture quelque peu différente de celle de la CJCE a pour effet de voir le risque de confusion être une condition de l'exercice du droit exclusif prévu par l'article 5, §1, sous a) et b). Ainsi, pour M. PASSA, le considérant indique que la protection conférée par la marque est absolue en cas de stricte identité entre les signes et les produits ou services, non pas afin d'indiquer qu'elle ne dépend pas de l'existence d'un risque de confusion mais seulement pour indiquer que celui-ci est présumé. Cette affirmation va dans le sens des considérations de l'avocat général R.-J. Colomer en 2002306 qui étaient les suivantes : « lorsque la directive dit que la protection est absolue dans les cas d'identité, il convient d'entendre que, compte tenu de l'objet et de la finalité du droit de marque, le terme "absolu" signifie que la protection est assurée au titulaire 304 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal c/ Bellure : Rec. 2009, I, p. 05185 305 J. Passa, Caractérisation de la contrefaçon par référence aux fonctions de la marque : la Cour de justice sur une fausse piste, Propr. Industr. n°1., janv. 2011, ét. 1 306 Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jalabo Colomer, 13 juin 2002, Arsenal FC, op. cit. 137 Publicité et droit des marques indépendamment du risque de confusion parce qu'en pareilles situations, il existe une présomption qu'il en soit ainsi et non pas, au contraire, que la protection serait assurée au titulaire à l'égard de tous et en toutes circonstances » (point 51). Pour Pierre VIVANT307, le « risque de confusion est nécessairement présent en cas d'identité de signes et de produits » et c'est pour cette raison que cette condition ne figure pas dans l'article 5, §1, a) de la directive. Pour lui, il convient de ne pas parler d'action en contrefaçon sans risque de confusion dans l'hypothèse d'une identité de signes et de produits et avec risque de confusion dans l'hypothèse de similitudes mais plutôt de « contrefaçon avec présomption irréfragable de risque de confusion » pour l'article 5, §1, a) et de « contrefaçon avec risque de confusion à prouver » pour l'article 5, §1, b)308. Cette interprétation nous paraît évidente car il est indéniable qu'une identité de signes et de produits ou services entraine un risque de confusion dans l'esprit du public. La marque ne peut alors jouer son rôle distinctif et il est ainsi porté atteinte à sa fonction d'indication d'origine. Il semble alors que ce soit justement parce que ce risque de confusion constitue une conséquence automatique de la double identité de signes et de produits ou services que l'article 5, §1 a) de la directive ne l'exige pas. 323. Nous reviendrons sur le risque de confusion plus tard néanmoins on peut noter que le dixième considérant de la directive 89/104 qui est devenu le onzième de la directive 2008/95 a été sensiblement modifié. Ainsi alors que le considérant 10 était rédigé de la manière suivante : « le risque de confusion (…) constitue la condition spécifique de la protection », le onzième de la nouvelle directive énonce que « le risque de confusion (…) devrait constituer la condition spécifique de la protection ». Néanmoins, cette très légère modification ne devrait pas avoir d'incidence. 324. Ainsi, la CJCE a indiqué à plusieurs reprises qu'un signe ne peut constituer une contrefaçon que s'il porte atteinte à la fonction essentielle de la marque. 307 P. Vivant, Le risque de confusion : une notion inhérente à la contrefaçon de marque ?, Gaz. Pal., nov. 2008, n° 311, p. 18 308 Il était question dans cette étude de P. Vivant des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle 138 Publicité et droit des marques B- Une nécessaire atteinte à la fonction essentielle de la marque 325. La CJCE subordonne la qualification de contrefaçon de la marque à la condition que soit établie l'existence d'une atteinte ou d'un risque d'atteinte à la fonction essentielle de la marque. En effet, la protection conférée au titulaire d'une marque enregistrée a pour objet de protéger les marques des atteintes qui pourraient être faites à leur fonction essentielle, celle de garantie d'identité d'origine. Ainsi, dans l'arrêt O2309 notamment, la CJCE rappelle qu'il résulte de sa jurisprudence310 que le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe identique ou similaire à sa marque, en application de l'article 5, §1, b), que si quatre conditions sont réunies : l'usage doit avoir lieu dans la vie des affaires, sans le consentement du titulaire de la marque, être fait pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée et enfin « il doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public ». 326. L'article 5, §1, b) prévoit que le titulaire d'une marque peut interdire à un tiers de faire usage d'un signe similaire à sa marque pour des produits similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public. Ainsi, comme on vient de le voir, dans cette hypothèse, contrairement à celle du même article sous a), la victime d'une contrefaçon doit démontrer l'existence de ce risque de confusion dans l'esprit du public311. Au contraire, en cas de stricte identité de signes et de produits ou services et comme l'a clairement dit la CJCE, « l'article 5, §1, sous a), de la directive n'exige pas la preuve d'un tel risque [de confusion] pour accorder une protection absolue en cas d'identité du signe et de la marque ainsi que des produits ou des services »312. Pourtant, il convient de relever que, bien que l'atteinte à la fonction essentielle soit en principe présumée en cas d'identité de signes et de produits ou services, cette présomption 309 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings, op. cit., point 57 310 Cf. notamment CJCE, 12 nov. 2002, Arsenal, précité, CJCE, 16 nov. 2004, Anheuser-Bush, op. cit., CJCE, 25 janv. 2007, aff. C-48/05 , Adam Opel : Rec. 2007, I, p. 01017 311 R. Kovar, J. Larrieu , Marque, op. cit., p. 23 312 CJCE, 20 mars 2003, aff. C-291/00, LTJ Diffusion : Rec. 2003, I, p. 02799 139 Publicité et droit des marques n'est pas irréfragable. En effet, la Cour, dans l'arrêt Opel313, a exclu qu'une telle identité soit présumée causer une atteinte à la fonction de garantie de provenance dans le cas de logos reproduits sur des jouets constituants des modèles réduits de voitures bien que la marque Opel ait été enregistrée pour des jouets314 (« c'est à la juridiction de renvoi de déterminer, par référence au consommateur moyen de jouets en Allemagne, si l'usage en cause au principal porte atteinte aux fonctions du logo Opel en tant que marque enregistrée pour des jouets » point 25). Aux yeux de la Cour, il faut prendre en considération la perception du public visé. Ainsi, si la juridiction de renvoie juge que le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ne se méprend pas sur l'origine de la miniature, elle n'aura d'autre choix que de considérer qu'un tel usage ne peut porter atteinte à la fonction essentielle de la marque. 327. L'étendue de la protection conférée par le droit des marques est définie par rapport aux limites des fonctions de la marque. Ainsi, la CJCE semble avoir considéré, notamment dans l'arrêt Arsenal315, qu'un signe n'est susceptible de porter atteinte à un droit sur la marque et constituer une contrefaçon que s'il porte atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle. 328. Il est assez intéressant de relever, qu'en l'espèce, il aurait été plus logique de fonder la condamnation sur l'atteinte à la fonction de réservation de l'usage316. En effet, le panneau dans l'échoppe de M. Reed permettait de dissiper les risques de confusion quant à l'origine des produits. La Cour, en considérant qu'il y avait atteinte à la fonction d'indication d'origine n'a pas choisi la solution la plus évidente. Néanmoins, depuis des années, il est de jurisprudence constante que la fonction essentielle de la marque est celle de garantie de provenance. Or, on sait que cette fonction a plus ou moins absorbé la fonction de réservation de l'usage. Pourtant, c'est précisément cette dernière qui aurait été la plus appropriée pour justifier la contrefaçon. La Cour n'a pas voulu s'y référer et a préféré fonder sa décision sur l'atteinte à la fonction de garantie de provenance tout simplement. 313 CJCE, 25 janv. 2007, aff. C-48/05, Adam Opel, op. cit. 314 Comm. de l'arrêt Adam Opel : A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt Opel : Tout est relatif, même la protection absolue, Propr. industr. 2007, n°3, comm. 18 315 CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC, op. cit. 316 J. Passa, Les conditions générales d'une atteinte au droit sur la marque, op. cit. 140 Publicité et droit des marques 329. La CJCE, dans cet arrêt, a rappelé que « le droit exclusif prévu à l'article 5, §1, sous a), de la directive a été octroyé afin de permettre au titulaire de la marque de protéger ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de la marque, c'est-à-dire d'assurer que la marque puisse remplir ses fonctions propres. L'exercice de ce droit doit dès lors être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit » (point 51). 330. C'est dans cet arrêt que la Cour a reconnu pour la première fois que les titulaires de marques devaient être protégés contre les atteintes qui pourraient être portées, outre à la fonction dite essentielle, aux autres fonctions de la marque. Cet arrêt constitue ainsi une petite avancée vers la vision marketing de la marque en vertu de laquelle la marque a notamment une fonction publicitaire. 141 Publicité et droit des marques Chapitre 2 La reconnaissance d'autres fonctions telles que celles de communication, d'investissement et de publicité 331. La CJCE, dans l'arrêt Arsenal, a énoncé que l'exercice du droit exclusif prévu par l'article 5,§1, a) de la directive 89/104 devait « être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit »317. C'est ainsi que la Cour reconnaît pour la première fois qu'il existe d'autres fonctions de la marque que la fonction de garantie d'origine et que le droit des marques doit protéger les titulaires contre les atteintes qui pourraient être portées à ces fonctions. 332. Cette reconnaissance des autres fonctions constitue la prise en compte par le droit de ce qu'est réellement la marque. La marque n'est ainsi pas une simple indication de provenance. Comme nous l'avons vu plus haut, la marque constitue une valeur ajoutée pour l'entreprise. En outre, elle incarne la politique, l'histoire et les valeurs de la marque. Elle génère des sentiments chez les consommateurs (amour, haine, indifférence). Ainsi, bien que l'indication de provenance du produit soit une fonction importante de la marque, il ne faut pas oublier que ce que le client achète, ce n'est le produit, mais la marque. Cette simple constatation reflète le rôle de la marque : certes le consommateur attend du produit une certaine qualité, le respect d'un mode de fabrication mais, souvent, ce qu'il souhaite acquérir, c'est l'univers de la marque, les éléments intangibles qui font du produit qui en est revêtu ce qu'il est. 333. La marque ne représente pas les mêmes intérêts selon le points de vue duquel on se place. Ainsi, le consommateur, cible de la politique de la marque, attend d'elle qu'elle en remplisse certaines fonctions qui sont différentes de celles qu'a la marque aux yeux du fabricant ou du distributeur (section 1). 317 CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC, op. cit., point 51 142 Publicité et droit des marques 334. La CJCE, en reconnaissant de « nouvelles » fonctions à la marque et en leur accordant une protection, admet ainsi que la marque représente davantage qu'une indication de provenance mais constitue une valeur pour l'entreprise. En effet, la notoriété et l'image de la marque sont le fruit d'un travail et d'investissement permanents. L'entreprise doit donc sans cesse prendre soin de sa marque car c'est elle qui sert d'intermédiaire avec les consommateurs et pourra ainsi influer sur leur choix afin d'obtenir leur préférence. La reconnaissance par la Cour de justice, en 2009, des fonctions de publicité et de communication constitue donc une importante avancée et l'on peut alors voir dans cet arrêt la reconnaissance par le droit de l'existence d'une relation étroite entre la publicité et les marques (section 2). Section 1. Les utilités reconnues par les différents acteurs de la vie économique 335. Bien que les fonctions de différenciation et d'indication d'origine soient des fonctions importantes de la marque, elles ne sont pas les seules. En effet, la marque représente notamment une valeur pour son titulaire. En outre, selon le point de vue duquel on se place, la marque ne représente pas les mêmes enjeux. Il est donc nécessaire de ne pas limiter le rôle de la marque à la fonction de garantie d'origine ou au rôle qu'elle occupe pour celui qui en est titulaire, car chaque acteur de la vie économique lui attribue différentes fonctions. Ainsi, pour le consommateur, la marque n'a pas le même intérêt que pour le fabricant ou le distributeur. Le consommateur a besoin d'être rassuré, de savoir ce qu'il acquiert et ce qu'il consomme. La marque est porteuse d'une promesse, ou du moins d'un engagement. Elle représente une qualité et permet au consommateur de faire un choix. En outre, elle représente des valeurs et un certain mode de vie auquel elle invite le consommateur (§1). 336. Par ailleurs, comme nous le verrons, la marque n'a pas non plus les mêmes fonctions pour le fabricant et pour le distributeur (§2). Pour l'un, elle représente un moyen de se 143 Publicité et droit des marques différencier de la concurrence mais aussi une plus-value en ce qu'elle apporte une valeur ajoutée à l'entreprise et qu'elle lui permet de réaliser de plus importants bénéfices. Pour l'autre, elle constitue un outil pour attirer la clientèle, et ce à moindre frais. §1 Les utilités du point de vue des consommateurs 337. La marque permet de différencier les produits mais pas seulement. Pour Jean-Noël KAPFERER318, la marque présente neuf fonctions pour les consommateurs : une fonction de repérage, une fonction de praticité (elle permet un gain de temps), une fonction de garantie, une fonction d'optimisation (la certitude d'acheter le meilleur dans une catégorie de produits), une fonction de personnalisation, une fonction de permanence, une fonction hédoniste (satisfaction liée à l'esthétique de la marque), une fonction de stimulation et enfin une fonction éthique. Pour simplifier, on peut considérer que la marque comprend deux ensembles de fonctions aux yeux des consommateurs : une fonction de garantie et de simplification en ce qu'elle rassure le consommateur et facilite le processus de choix (A) et un fonction d'identification et de valorisation, le consommateur attendant d'un produit qu'il lui renvoie une image positive de lui même (B). A- Les fonctions de garantie et de simplification 338. La marque sert de repère au consommateur. Elle lui permet d'acheter un produit en toute confiance mais elle lui permet aussi de faire un choix plus rapide. Le consommateur, grâce à la marque, sait en principe à quelle qualité s'attendre. La marque lui permet alors de gagner du temps car, s'il le souhaite, il n'a alors pas à s'interroger sur les différents produits offerts à la vente. Il peut choisir de faire confiance à la marque qui ne l'a pas déçu ou, du 318 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 19 144 Publicité et droit des marques moins, qui lui est connue. La marque peut alors permettre de simplifier le processus de choix. 1) La fonction de garantie de qualité 339. Bien que la marque ne soit « pas destinée en droit français à contrôler l'origine ou la qualité des produits ou services qu'elle accompagne »319, aux yeux des consommateurs, la marque a bel et bien pour fonction de garantir l'origine et la qualité des produits. Elle permet de diminuer le risque perçu par le client. La marque rassure car elle est un contrat de confiance et elle garantit ainsi une qualité stable des produits quel que soit le lieu d'achat. Elle doit donc, dans un premier temps, parvenir à gagner la confiance des consommateurs. Le rôle qu'elle joue peut être très important quand l'achat du produit présente un risque aux yeux du consommateur. Dans le cas contraire, elle perd de son utilité et se limite à un simple nom sur une étiquette320. 340. L'intérêt de cette fonction se fait surtout ressentir lorsque le produit en question est impliquant car le client ne veut pas se tromper et prendre un produit de mauvaise qualité. La marque joue ainsi un rôle important pour certaines catégories de produits pour lesquelles le consommateur est impliqué telles que le café, les cosmétiques ou encore les aliments. En effet, cette fonction de garantie est aussi très importante en ce qui concerne les denrées alimentaires. Le consommateur a le besoin justifié d'être rassuré sur ce qu'il va ingérer mais aussi (et surtout) sur ce qu'il va donner à manger à ses enfants. Or, les marques ont la réputation d'être très pointilleuses sur la qualité de leurs produits et cette réputation garantit que le produit commercialisé a fait l'objet de tous les contrôles nécessaires qui assurent une complète sécurité. C'est ainsi que la marque Charal a su s'imposer lors de la crise bovine en garantissant la qualité et la traçabilité de ses produits. A l'inverse, pour certaines catégories de produits, le risque perçu est moindre et c'est pour celles-ci que les marques perdent de leur importance. C'est le cas notamment des jus de fruits, du lait, de l'essuie-tout. S'agissant de ces produits, les marques de distributeurs 319 J.-Ch. Galloux,Droit de la propriété industrielle, Dalloz, coll. Cours Dalloz, 2e éd., p. 380 320 Les marques, capital de l'entreprise, op. cit., p. 15 145 Publicité et droit des marques (MDD) occupent une grande part de marché. 341. En outre, si le consommateur n'a pas les connaissances pour évaluer la qualité du produit ou si le conditionnement l'en empêche, la marque jouera encore une fois le rôle de garant de la qualité. Ainsi, une personne ayant peu de connaissances en informatique sera tentée de se tourner (même sans le conseil d'un professionnel) vers un ordinateur dont la marque a la réputation d'être solide. 342. Lorsque l'achat est impliquant ou à risque, par exemple lorsqu'il s'agit d'une dépense importante, la marque réduit le niveau du risque perçu. Le consommateur aura tendance à aller vers une marque qu'il connait, soit parce qu'il l'a déjà testée, soit parce qu'il en a eu de bons échos. La marque permet de réduire le risque d'une mauvaise surprise. Ce risque n'est pas seulement celui de faire l'achat d'un produit peu performant, il peut consister en un risque physique (un danger pour l'utilisateur), psychologique (une insatisfaction quant à la consommation du produit) ou encore social comme nous le verrons plus loin321. 343. Néanmoins, comme le relève Benoît HEILBRUNN, cette fonction de garantie a perdu de sa pertinence car, de nos jours, la plupart des produits que l'on trouve sur le marché sont marqués322. Par ailleurs, le hard discount a vu sa part de marché augmenter. Qu'en conclure ? Que le consommateur n'est plus attaché autant qu'avant à la qualité promise par les marques ? Que tous les produits se valent ? En réalité, la marque a perdu, du moins dans certains domaines, de sa capacité à assurer au consommateur que ses produits sont de meilleure qualité. Par conséquent, le public ne croit plus vraiment à une différence significative323. Or, c'est précisément l'objectif des marques. Elles doivent garantir une qualité supérieure et c'est pour cela que les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour leurs produits. Les marques doivent alors apporter une prestation objectivement bien supérieure à celle des magasins de hard discount (ou du low cost en général) si elles veulent parvenir à garder leur clientèle. Ainsi, une marque moyenne gamme ne tiendra pas la comparaison avec un produit hard discount qui présentera alors des qualités similaires à un prix moins élevé. Il faut une réelle valeur 321 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 70 322 Ibid., p. 69 323 FAQ la marque, op. cit., p. 25 146 Publicité et droit des marques ajoutée. 344. Enfin, il est nécessaire de constater que la marque a une influence sur la perception des qualités intrinsèques des produits324. S'ils sont marqués, le consommateur leur prêtera des qualités supérieures aux produits sans marque (ou de marque moins prestigieuse) à ce seul motif. Ainsi, le diamant sera plus pur, la voiture plus puissante, ou encore le textile de meilleure qualité. Ces considérations sont le plus souvent justifiées. Néanmoins, le consommateur aura cette conviction avant même d'avoir pu se faire une idée précise et par lui-même de la qualité du produit. 345. La marque permet alors au consommateur d'être rassuré sur les qualités d'un produit et il va, de ce fait, préférer ce dernier à ceux des concurrents sans forcément avoir fait une comparaison. Par conséquent, la présence de la marque sur un produit va constituer, outre un gage de qualité, un élément de simplification du choix et donc de l'achat et ainsi permettre un gain de temps. 2) La fonction de simplification 346. La marque est constituée d'éléments différenciateurs tels que le logo, les formes ou les couleurs qui permettent aux clients de la repérer plus facilement. Cette fonction de la marque est très importante car elle permet non seulement de rappeler au consommateur son choix antérieur mais aussi car cela accélère le processus de choix, ce qui est important étant donné que les consommateurs passent en moyenne entre 5 et 12 secondes seulement dans un rayon afin de choisir une marque dans une catégorie donnée325. Le consommateur souhaite passer le moins de temps possible devant un rayon. La marque lui permet de se simplifier la tâche en allant vers les marques qu'il connait. Il peut s'agir de marques qu'il a testées et appréciées ou de marque dont il connait la réputation. Ainsi, la notoriété et l'image de la marque sont importantes dans le processus de choix du consommateur. La marque permet au client de retrouver facilement un produit qu'il a apprécié. Il ne 324 Marketing-management, op. cit., p. 304 325 C. Lai, La marque, op. cit., p. 22 147 Publicité et droit des marques cherchera alors pas forcément à en essayer un autre. Pour cette raison, la fonction d'identification de la marque est importante car le consommateur ne veut pas s'embarrasser de doutes. Il veut aller au plus simple. La marque lui permet de gagner du temps avec un risque moindre. Ainsi, il peut se créer une sorte de « conduite routinière »326. Les marques doivent donc tout mettre en œuvre pour être celles qui auront la préférence du consommateur, et ce le plus tôt possible. Les consommateurs n'aiment pas spécialement le changement, notamment lorsqu'ils sont attachés à la marque. Il faut donc parvenir à les atteindre avant de les fidéliser. 347. Néanmoins, la fonction de repère de la marque peut s'avérer utile même lorsque le client ne l'a jamais testée. Dans ce cas, c'est la notoriété et l'image qui sont importantes et il en va de même lorsque l'on est en présence d'un produit peu impliquant qui ne générera pas obligatoirement un comportement fidèle. 348. La marque sert donc de repère. Cette fonction peut notamment s'avérer utile en cas de voyage à l'étranger327. Une marque connue (ou reconnue) dans les rayons facilite le processus de choix, surtout quand on ne connait pas les produits étrangers et qu'on ne parle pas la langue. De plus, la marque promet les mêmes prestations quel que soit le lieu d'achat. Outre son aspect rassurant, la marque présente d'autres caractéristiques et fonctions. En effet, elle permet au consommateur de s'identifier à la marque ou à sa clientèle et ainsi de tenter de se rapprocher de « l'image de soi » à laquelle il aspire. B- La fonction d'identification et de valorisation 349. La marque joue un rôle à la fois d'un point de vue psychologique mais aussi d'un point de vue social. En effet, les caractéristiques de la marque permettent au consommateur de signifier son appartenance à un groupe ou de se sentir valorisé en acquérant un produit en étant revêtu328. Ainsi, comme le dit Jean-Noël KAPFERER, « dis-moi ce que tu consommes, 326 Mercator, op. cit., p. 760 327 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 69 328 C. Lai, La marque, op. cit., p. 22 148 Publicité et droit des marques je te dirai qui tu es »329. La marque permet ainsi au consommateur d'afficher et de revendiquer sa personnalité. En effet, « l'identité se définit de plus en plus par un mode de vie, une façon de consommer »330. 350. Par le biais de la marque, le consommateur indique qu'il partage les valeurs de celle- ci ou qu'il tente de se les approprier. On parle alors d'identification (lorsque les valeurs de la marque et du consommateur sont communes) ou de projection (lorsque le consommateur veut s'approprier l'image de la marque)331. Ainsi, le consommateur peut acheter un produit de la marque parce qu'elle constitue un signe de reconnaissance au sein de sa "tribu" ou de celle à laquelle il veut appartenir. Il y a donc deux hypothèses : par exemple, je porte du Nike parce que je fais partie de la tribu hip-hop ou bien je porte du Nike parce que je veux que cette communauté là m'accepte et je veux les persuader que j'ai bien ma place au sein de leur groupe. Ainsi, on peut distinguer deux sortes d'identification à la marque332 : ► L'identification globale à la marque : le consommateur partage les valeurs de la marque ► L'identification à la clientèle de celle-ci : le consommateur assimile alors sa personne au client type de la marque 351. La marque permet au consommateur d'exprimer sa personnalité et ses valeurs. Les produits deviennent alors des biens « positionnels » car ils « permettent à l'individu de prendre position dans son environnement social »333 . Ceci est d'autant plus vrai dans le domaine vestimentaire et notamment s'agissant de consommateurs adolescents. Ils cherchent ainsi à exprimer leurs valeurs et à montrer leur appartenance à une catégorie de personnes, à un mode de vie ou de pensée (les hippies, les punks, les surfeurs, etc.). La marque diminue le risque social car elle permet au consommateur de ne pas se tromper, ou du moins de réduire ce risque, dans l'achat d'un produit ostentatoire. La marque peut jouer un rôle important dans l'identification du consommateur. Il convient de rappeler que l'homme a un fort instinct grégaire. La marque lui permet alors de s'affilier à un groupe, 329 FAQ la marque, op. cit., p. 25 330 D. Darpy et P. Volle, Comportement du consommateur, op. cit.., p. 2 331 Publicitor, op. cit., p. 145 332 Au coeur de la marque, op. cit., p. 26 333 Comportement du consommateur, op. cit., p. 3 149 Publicité et droit des marques à une "tribu". Elle remplit ainsi une fonction identitaire. 352. Lorsqu'un achat comporte des enjeux importants pour le consommateur, la marque se montre rassurante et justifie les choix du consommateur. Elle réduit le risque de se tromper et d'être critiqué. Pour reprendre l'exemple très parlant cité dans l'ouvrage Mercator, une personne invitée à un diner apportera une bouteille revêtue de l'étiquette d'un grand cru334. Ainsi, non seulement il a de moins grandes chances de se tromper, surtout s'il n'est pas un grand connaisseur, mais, en outre, son hôte y verra sans doute une preuve de bon goût. La marque permet donc de diminuer le risque perçu et évite souvent les faux pas. Ceci est essentiellement vrai dans les cas d'achats ostentatoires ou lorsqu'il faut avoir certaines connaissances pour effectuer un choix. La marque permet de rassurer le consommateur sur la pertinence de son choix mais aussi de laisser penser qu'il a bon goût ou qu'il est connaisseur dans le domaine en question. 353. Lorsqu'il s'agit d'un achat ostentatoire, la marque est primordiale. Par exemple, lorsque l'on achète des vêtements, ceux-ci peuvent représenter bien plus qu'un simple style vestimentaire ; ils peuvent indiquer aux tiers l'appartenance d'une personne à une certaine classe sociale. Un costume Armani, par exemple, pourra indiquer que la personne qui le porte appartient à une classe aisée. Ceci est également vrai s'agissant des bijoux et des montres. Tout le monde se souvient de ce qu'a dit le publicitaire Jacques Séguéla : « si à 50 ans on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie ». Cette phrase maladroite a tout de même le mérite de mettre en valeur une certaine vérité. Les gens jugent leurs pairs en s'arrêtant à des signes extérieurs (de richesse). En cela, la marque a une fonction valorisante mais aussi identitaire : je t'accepte parce que tu es mon égal. Tu es à mon niveau et par conséquent je te respecte. Le témoignage du succès et l'appartenance à une certaine classe (ou caste?!) passe très fréquemment par la possession de signes ostentatoires de réussite. 354. Par ailleurs, un produit de marque vaut plus cher qu'un produit en étant dépourvu. Cet écart de prix résulte en théorie de la différence de qualité mais pas seulement car elle permet de renvoyer une image de lui-même valorisante au consommateur. Ainsi, il considère qu'il dépense plus car il le mérite335. La marque et son prix supérieur à la concurrence le 334 Mercator, op. cit., p. 760 335 Publicitor, op. cit., p. 144 150 Publicité et droit des marques valorisent : pour le consommateur, la qualité du produit et la satisfaction de se dire qu'il a acquis un produit d'un bon standing sont mérités. Non seulement, il y a droit, mais, en plus, il y met le prix. Cette constatation est d'autant plus vrai dans les achats impliquants, notamment en ce qui concerne encore une fois les vêtements, les voitures et les produits cosmétiques. Ainsi, comme le dit David AAKER336, « savoir que la montre que l'on porte à son poignet vient de chez Cartier la rend, pour beaucoup, plus agréable à porter ». Cette phrase traduit très bien l'attachement des consommateurs aux marques : un produit peut être aussi performant ou beau que possible, néanmoins, s'il n'est pas marqué, il n'apportera pas la même satisfaction. 355. Il résulte de ces observations que les marques représentent une valeur pour les consommateurs. Néanmoins, c'est essentiellement aux yeux des producteurs et des distributeurs que la marque possède la plus grande valeur. En effet, autant les marques peuvent constituer un gage de qualité pour les consommateurs, autant elles vont constituer aux yeux des industriels et des commerçants un chiffre d'affaire, une plus-value et c'est bien cet objectif qui pousse les entreprises à dépenser de très grosses sommes en investissements publicitaires et marketings. §2 Les utilités du point de vue des producteurs et des distributeurs 356. La marque a des fonctions différentes selon que l'on se place du point de vue du fabricant ou de celui du distributeur. Comme nous l'avons vu, le fabricant a pour objectif de se démarquer de la concurrence mais ainsi de faire en sorte d'augmenter (ou du moins de stabiliser) son chiffre d'affaires (A). Le distributeur, quant à lui, voit aussi en la marque un moyen d'augmenter ses bénéfices, et ce non seulement grâce à la marge que la vente des produits de fabricants lui assurent mais aussi en ce qu'elle permettra d'attirer les clients vers son enseigne. Ils seront alors ainsi plus susceptibles de se tourner vers les produits de sa propre marque (B). 336 Management du capital-marque, op. cit., p. 21 151 Publicité et droit des marques A- L'intérêt pour le producteur : la valeur ajoutée par la marque 357. La marque permet au fabricant de se différencier de la concurrence. Il doit donc faire en sorte que sa marque soit facilement identifiable et donc distinguable. Cette identification passe bien évidemment par des moyens graphiques mais pas seulement. C'est aussi l'histoire de la marque, ses valeurs qui la rendent unique. L'identité de la marque permet alors d'augmenter sa valeur, tant financière que commerciale. Les clients seront davantage enclins à dépenser plus pour acheter les produits de la marque. 358. Ainsi qu'on l'a déjà vu, la marque est un actif de l'entreprise et elle a une valeur financière. Celle-ci correspond au goodwill qui permet de déterminer la valeur propre de la marque, indépendamment de celle de l'entreprise. Un fort capital marque peut constituer une très grande plus-value pour cette dernière. Non seulement le capital marque va permettre une plus grande évaluation de l'entreprise titulaire, mais aussi, il va permettre d'augmenter la valeur de la marque, notamment aux yeux des consommateurs. Ainsi, une marque ayant une valeur importante à leurs yeux va permettre de vendre davantage et plus cher. 359. Avoir une marque forte est important afin de séduire de nouveaux consommateurs mais aussi afin de conserver les clients de la marque. En outre, elle peut constituer un fonds de commerce stable car, on l'a vu, une marque forte confère un certain répit à l'entreprise en cas d'attaques de la concurrence ou en cas de défaillance temporaire. 360. C'est la marque qui incite le consommateur à acheter le produit. Pour des produits de qualité équivalente, le produit marqué sera le plus souvent celui qui aura la préférence des consommateurs, et ce non seulement parce que la marque est un indicateur de qualité, mais aussi parce que le consommateur pourra se projeter dans l'univers de la marque. Cette univers est une construction du marketing et notamment de la publicité. Elle promet davantage au consommateur que la simple satisfaction qu'entraine la consommation du produit ; elle lui offre une part d'imaginaire et c'est ce qui légitime des prix plus élevés. 361. La marque permet de vendre plus cher les produits. C'est ce que l'on appelle la prime de marque. Elle doit donc être en mesure de justifier cet écart de prix en veillant à la qualité 152 Publicité et droit des marques de ses produits mais aussi à l'image de la marque. C'est cette image qui autorise la marque à vendre plus cher ses produits. Cette possibilité de vendre les produits à un prix supérieur à la concurrence résulte du fait que, pour le consommateur, la marque est bien plus qu'un nom. Elle représente un ensemble de valeurs et un imaginaire. En outre, elle représente un savoirfaire et donc une qualité supérieure. Néanmoins, une marque forte va tout de même permettre une prime de marque quand bien même les produits concurrents seraient de qualité similaire grâce à la confiance qu'elle suscite. C'est pour cela qu'il faut veiller à l'image de la marque et tout mettre en œuvre pour fidéliser la clientèle car une marque forte nécessite que les consommateurs y soient attachés. B- L'intérêt pour le distributeur 362. Les marques ne présentent pas seulement un intérêt pour les producteurs qui en sont titulaires. Elles présentent aussi des avantages pour les distributeurs. Néanmoins, ces derniers, depuis quelques dizaines d'années, ne commercialisent plus seulement des produits de marques dites "de fabricants". En effet, de nos jours, le distributeur a, dans ses rayons, deux sortes de marques : les marques de fabricants et les marques dites de distributeurs (MDD). Les premières lui assurent la présence des consommateurs qui leur sont attachés. Les secondes, bien que moins renommées, présentent tout de même certains avantages pour les distributeurs. 1) Les grandes marques 363. Nous allons appeler "grandes marques" les marques de fabricants c'est-à-dire les marques qui ne sont pas spécifiques à une enseigne et que l'on appelle parfois encore marques nationales bien qu'à l'heure de la mondialisation cela ne soit plus vraiment pertinent. Elles sont les plus anciennes. Il s'agit de celles dont nous avons étudié l'évolution et qui sont les héritières des signatures d'artisans. Elles jouissent, pour certaines, d'une 153 Publicité et droit des marques grande notoriété et permettent aux distributeurs d'attirer les clients. Ainsi, un consommateur qui désire acheter du Coca-Cola n'irait pas chez Leader Price qui vend exclusivement des produits de sa marque propre. En outre, les grandes marques permettent aux distributeurs de réduire leurs efforts commerciaux337. Ce sont les marques qui promeuvent leurs propres produits. Les distributeurs n'ont pas à le faire. Ils se contentent de distribuer des prospectus précisant les promotions en cours. Les consommateurs savent qu'ils trouveront les grandes marques dans les supermarchés sans que ces derniers aient besoin de communiquer. 364. Par ailleurs, elles permettent aux enseignes d'avoir de fortes marges car, outre les marges avant qui sont les marges commerciales classiques sur la vente des produits, les marges arrières peuvent être très importantes. Ces dernières correspondent aux frais facturés et perçus, sous forme de remises, par l'enseigne pour le référencement du produit d'un fournisseur et la communication y afférent338. Les grandes marques permettent aussi de transférer les risques de l'enseigne vers l'industriel339 car le contrat de confiance ne lie que le titulaire de la marque et non le distributeur. En outre, en cas d'insatisfaction ou tout simplement d'interrogations de la part du client, des moyens sont mis en œuvre pour qu'il puisse s'adresser directement au service-consommateur de celle-ci, sans passer nécessairement par le distributeur (par exemple grâce au développement des numéros d'appel pour les consommateurs). Enfin, elles permettent de fidéliser la clientèle. Néanmoins, on peut se demander à qui le consommateur est fidèle : à la marque ou à l'enseigne ? 2) Les marques de distributeurs (MDD) 365. Les MDD ont commencé à se développer réellement à partir des années 1970. Pourtant, le phénomène est plus ancien. En effet, les premières marques de distributeurs sont apparues au Royaume-Uni durant la seconde moitié du XIXème siècle (grâce aux enseignes Sainsbury et Mark & Spencer). 337 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 84 338 Néanmoins, il convient de préciser que depuis la loi de modernisation de l'économie (LME), les marges arrières doivent apparaître sur les factures et peuvent être répercutées sur les prix de vente. 339 B. Heilbrunn, La marque, op. cit., p. 84 154 Publicité et droit des marques Elles peuvent être définies comme des marques développées par une enseigne de distribution, qui fabrique elle-même les produits ou qui sous-traite à un fabricant, dont les produits sont vendus exclusivement chez ce distributeur340. Ainsi, la Loi NRE du 15 mai 2001 énonce à l'article 62 qu' « est considéré comme produit vendu sous la marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l'entreprise, ou le groupe d'entreprises, qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu »341. 366. Il existe différents types de MDD : les marques-enseignes qui portent seulement le nom de l'enseigne (Carrefour), les noms cautionnés par l'enseigne (Monoprix la Forme), ou les marques-propres qui ne portent pas le nom de l'enseigne mais qui sont exclusivement distribuées par elle (Monique Ranou chez Intermarché). 367. Les MDD comportent plusieurs avantages pour les distributeurs. Tout d'abord, elles permettent à ces derniers d'avoir des marges plus importantes qu'avec les produits de marques de fabricants. En effet, les produits de MDD font souvent l'objet de moins d'investissement en recherche et développement que les produits de marque nationale ainsi qu'en marketing. Les MDD permettent aussi d'être dans une meilleure position face aux fabricants des grandes marques. Les distributeurs peuvent ainsi avoir un atout de poids pour ne pas accepter des exigences excessives de la part de leurs fournisseurs et peuvent ainsi riposter (par exemple en les menaçant de déréférencement). Enfin, les MDD peuvent permettre de fidéliser les consommateurs. Leurs produits ont un coût de revient inférieur à ceux des marques de fabricants et peuvent donc être proposés à des prix moins élevés, ce qui peut attirer une certaine clientèle. Par ailleurs, le client, s'il est satisfait des produits, est susceptible de s'attacher à l'enseigne. Les produits de MDD que le consommateur affectionne n'étant disponibles que dans l'enseigne à laquelle ils appartiennent, il devra revenir dans celle-ci pour pouvoir les trouver. De plus, le consommateur est assuré de la constance de la qualité des produits car le distributeur, en apposant sa "signature" sur le produit, le cautionne. Il s'agit là d'un des objets de la marque : la garantie de qualité des biens ou services, fonction qui, bien qu'ayant toujours existé, ne fut juridiquement reconnue que récemment comme nous le verrons plus loin. 340 C. Lai, La marque, op. cit., p. 25 341 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE), JORF n° 113 du 16 mai 2001, p. 7776 155 Publicité et droit des marques 368. Les distributeurs, en misant en général sur des produit d'une qualité moyenne à des prix inférieurs à ceux des grandes marques, ont permis de toucher une clientèle moins attachée à des produits en particulier et qui recherche de bons rapports qualité-prix. Ceci est d'autant plus vrai pour certains types de produits. Ainsi, les consommateurs vont davantage vers les produits de distributeurs pour les achats peu impliquants qui présentent un faible risque. Il faut tout de même préciser que certains produits de MDD sont aujourd'hui d'une qualité au moins égale à des produits de grandes marques et sont parfois plus chers. Certaines MDD misent aujourd'hui sur la qualité et tentent de devenir des marques fortes avec une personnalité qui leur est propre (par exemple : Escapades Gourmandes chez Carrefour, Sélection Gourmande chez Intermarché). 369. Ainsi, comme nous venons de le voir, la marque possède différentes fonctions selon le point de vue duquel on se place. Parmi celles que nous venons de voir, figure la fonction de garantie de qualité. Celle-ci fait partie des fonctions récemment reconnues par la Cour de justice. En effet, dans un arrêt de 2009, elle a reconnu l'existence de fonctions telles que celles de garantie de qualité, de communication, d'investissement et de publicité. Section 2. Les fonctions nouvellement reconnues par le droit 370. La CJCE, dans l'arrêt Arsenal342, a énoncé que le droit exclusif prévu par l'article 5, §1, a) de la directive 89/104 devait « être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ». 371. Ainsi, la marque doit être protégée contre les atteintes qui pourraient être portées à sa fonction essentielle mais celle-ci ne constitue plus l'unique fonction que la CJCE entend 342 CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC, op. cit. 156 Publicité et droit des marques protéger. Toutefois, dans le cas d'atteintes à des fonctions autres que la fonction de garantie de provenance, le titulaire de la marque ne peut faire cesser ces atteintes qu'à la condition que le signe en cause ainsi que les produits ou les services concernés soient strictement identiques à sa marque et aux produits ou aux services pour lesquels elle est enregistrée (et non seulement similaires) (§1). En 2009, dans l'arrêt L'Oréal343, la Cour de justice a enfin cité quelques unes des fonctions de la marque : les fonctions de garantie de qualité, de communication, d'investissement et surtout de publicité. Cette reconnaissance, notamment des fonctions de communication et de publicité de la marque va enfin dans le sens de la vision qu'en ont les professionnels du marketing et consacre le lien étroit qui existe entre la marque et la publicité (§2). §1 D'autres fonctions que la fonction essentielle 372. Comme nous l'avons vu, la marque a, aux yeux de la jurisprudence européenne, pour fonction essentielle de garantir l'identité d'origine des produits ou des services. Néanmoins, elle ne constitue pas la seule fonction de la marque. La marque a notamment pour fonction de réserver au titulaire l'usage du signe enregistré. En outre, la marque remplit des fonctions économiques, sociologiques ou psychologiques344. 373. La CJCE, en 2002, a reconnu l'existence de ces autres fonctions et a considéré que le titulaire d'une marque pouvait interdire l'usage d'un signe identique à sa marque lorsque cet usage portait atteinte ou était susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque (A). Bien que la reconnaissance de ces autres fonctions soit déjà une grande avancée il ne faut cependant pas négliger leur importance. En effet, ça serait amoindrir leur rôle que de persister à vouloir caractériser l'atteinte à la fonction de garantie d'identité d'origine lorsque l'atteinte est en réalité portée à l'une des autres fonctions de la marque (B). 343 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal c/ Bellure, op. cit. 344 OHMI, 14 sept. 2000, Uniliver, R 436/1999-1, PIBD 2001, 724-III-367 157 Publicité et droit des marques A- L'existence d'autres fonctions 374. La marque n'a pas pour seule fonction l'indication d'origine des produits. On l'a vu, elle a des fonctions économiques et véhicule des valeurs, des visions. En effet la marque représente une qualité et une réputation aux yeux des consommateurs 345. Pour l'entreprise, la marque a une valeur qui lui est propre car elle génère une plus-value. 375. Ainsi, la marque n'a pas comme seule fonction celle de garantir la provenance des produits ou des services. Elle représente des fonctions différentes pour l'entreprise et pour les consommateurs. En outre, la jurisprudence européenne avait reconnu en premier lieu la fonction de réservation de l'usage. Toutes ces constatations nous confirment que la fonction de garantie d'identité d'origine n'est pas la seule fonction de la marque. 376. Pour Benoît HUMBLOT, la fonction d'indication de provenance « n'est socialement et linguistiquement pas la fonction essentielle de la marque mais en vérité une fonction très secondaire »346. Ainsi, il considère que « la fonction sociale des marques est de nommer individuellement des produits ou des services et non d'indiquer leur entreprise de provenance ; le regard de l'industriel n'est pas celui du consommateur. L'exigence d'absence de distinction des entreprises d'origine des produits ou des services marqués est donc sans lien nécessaire avec l'économie sociale et linguistique des marques. Cela a pour conséquence que dans des hypothèses d'association possible entre marque imitatrice et marque imitée (…), la jurisprudence n'hésite pas à condamner sur la base de raisonnements quelque peu "plaqués", forcés, voire artificiels »347. 377. L'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a considéré qu'il semblait « simpliste et réducteur de limiter la fonction de la marque à une simple indication d'origine ». En effet, il relève que « les consommateurs ignorent généralement l'identité des biens qu'il consomment [et que la marque] exprime une qualité, une réputation et même, dans certains cas, une 345 D. Poracchia, La reprise des emblèmes sportifs et la fonction de la marque, op. cit. 346 B. Humblot, Droit des marques : apports essentiels de la CJCE autour de la fonction essentielle de la marque. Regard sur les enseignements de l'arrêt « L'Oréal » du 18 juin 2009, RLDI, 2009/53, p. 8-14 347 B. Humblot, Droit des marques : risque de confusion autour du risque de confusion. L'exemple de l'arrêt Ferrero, op. cit. 158 Publicité et droit des marques conception de la vie ». Il ajoute alors que le signe distinctif peut indiquer la provenance mais aussi la réputation du titulaire ou encore la qualité des produits. Pour ces raisons, l'avocat général considère qu'il n'y a « aucune raison qui empêcherait de protéger uniquement la fonction d'indication de l'origine des biens ou des services »348. La Cour a suivi l'avocat général et a considéré que « le droit exclusif prévu à l'article 5, §1, de la directive a été octroyé afin de permettre au titulaire de la marque de protéger ses intérêts spécifiques en tant que titulaire de cette marque, c'est-à-dire d'assurer que cette dernière puisse remplir ses fonctions propres et que, dès lors, l'exercice de ce droit doit être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits »349. 378. La Cour reconnaît enfin d'autres fonctions que le fonction essentielle à la marque et considère que le droit exclusif prévu par l'article 5, §1 de la directive 89/104 peut être mis en œuvre lorsqu'il est porté atteinte à ces autres fonctions. Un peu plus loin, elle ajoute d'ailleurs que « le titulaire ne pourrait pas interdire l'usage d'un signe identique à la marque pour des produits identiques à ceux pour lesquels sa marque a été enregistrée si cet usage ne peut porter préjudice à ses intérêts propres en tant que titulaire de la marque eu égard aux fonctions de celle-ci »(point 54). La Cour reconnaît alors que la contrefaçon ne résulte pas seulement d'une atteinte à la fonction essentielle de la marque. Le titulaire peut alors interdire l'usage par un tiers d'un signe identique à sa marque dès lors que, quand bien même cet usage ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de sa marque, il porte atteinte à d'autres fonctions. 348 Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jalabo Colomer, 13 juin 2002, Arsenal FC, op. cit., points 46 et 47 349 CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC, précité, pnt 51 et voir aussi CJCE, 25 janv. 2007, aff. C48/05, Adam Opel, op. cit. ; CJCE, 16 nov. 2004, aff. C-245/02, Anheuser-Busch, op. cit. 159 Publicité et droit des marques B- Des fonctions importantes mais pourtant négligées 379. Il est important de ne pas négliger la première fonction reconnue historiquement. En effet, il peut s'avérer dangereux de laisser des atteintes être portées à la fonction de réservation de l'usage. Le titulaire d'une marque peut ainsi se trouver impuissant face à des utilisations de ses signes, qui, bien que n'entrainant pas de confusion dans l'esprit du public, peuvent constituer des atteintes à son monopole350. Ainsi, pour Pascale TREFIGNY-GOY, il conviendrait « de revenir à l'essentiel, à l'origine en quelque sorte, en rétablissant la fonction d'exclusivité comme premier critère pour apprécier un acte à la lumière d'un droit de marque "raisonnable" »351. 380. Comme on l'a vu, la fonction de garantie de provenance a, d'une certaine façon, absorbé la fonction de réservation de l'usage. Ainsi, dans l'arrêt Arsenal, la Cour a préféré fonder la condamnation sur l'existence d'une atteinte à la fonction de garantie d'identité d'origine. Or, le panneau dans l'échoppe semblait permettre de dissiper les doutes possibles quant à l'origine des produits. Il semble davantage que l'atteinte ait consisté en la reproduction de signes enregistrés. Pourtant, la Cour a jugé que « l'usage de ce signe [était] de nature à accréditer l'existence d'un lien matériel dans la vie des affaires entre les produits concernés et le titulaire de la marque » (point 56). 381. Bien que la Cour, dans cet arrêt reconnaisse que la protection conférée au titulaire de la marque doit être mise en œuvre quelle que soit la fonction à laquelle il est porté atteinte, elle semble vouloir éviter de fonder la condamnation sur une fonction autre que la fonction essentielle. On peut alors s'interroger sur l'opportunité de cette reconnaissance des autres fonctions. 382. Par ailleurs, dans l'arrêt Google352, la CJUE a considéré que « dans l'hypothèse, visée 350 P. Tréfigny-Goy, L'incidence de la fonction sur la portée de la protection de la marque, Propr. industr., oct. 2010, n°10, dossier 5 351 Ibid. 352 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google; Europe 2010, comm. 181, L. Idot; JCP G 2010, note 642, L. Marino; Cont. Conc. Conso. 2010, comm. 132, M. Malaurie-Vignal; Propr. industr. 2010, comm. 38, A. Folliard Monguiral; Comm. com. électr. 2010, étude 12, G. Bonet; Comm. com. électr. 2010, comm. 70, note Ch. Caron; Comm. com. électr. 2010, comm. 88, note Ph. Stoffel-Munck 160 Publicité et droit des marques aux articles 5, §1, sous a), de la directive 89/104 et 9, §1, sous a), du règlement n°40/94, où l'usage par un tiers d'un signe identique à la marque est fait pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, le titulaire de la marque est habilité à interdire cet usage si celui-ci est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque, qu'il s'agisse de la fonction d'indication d'origine ou de l'une des autres fonctions » (point 79). Il semble falloir en conclure que la marque n'est protégée contre les atteintes qui sont portées à ses fonctions autres que celle de garantie de provenance que lorsqu'il y a une double identité de signes et de produits ou services. Ainsi, comme le relève très justement Monsieur le Professeur Jérôme PASSA, « sur le fondement du a) de l'article 5, §1, de la directive, la qualification de contrefaçon suppose la preuve d'une atteinte à l'une des fonctions de la marque, quelle qu'elle soit, alors que, sur le fondement du b), au motif que cette disposition exige la démonstration de l'existence d'un risque de confusion, cette qualification serait subordonnée en toute hypothèse à la preuve d'une atteinte à la fonction de garantie d'identité d'origine »353. On ne peut alors que seulement se réjouir à moitié de la reconnaissance tant attendue des autres fonctions de la marque. En effet, certes, cette reconnaissance constitue une grande avancée et rejoint ainsi davantage la vision du marketing, néanmoins, la fonction de garantie d'identité d'origine conserve selon la jurisprudence européenne toute sa suprématie. 383. En outre, bien que la Cour de justice considère que l'article 5, §1 de la directive doive protéger les marques contre les atteintes qui peuvent être portées à ses fonctions, elle ne précise pas ces dernières. Il faut attendre 2009, pour que la CJCE nomme certaines fonctions telles que celles de communication, de publicité et d'investissement354. 353 J. Passa, Caractérisation de la contrefaçon par référence aux fonctions de la marque : le Cour de justice sur une fausse piste, op. cit. 354 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal c/ Bellure, op. cit. 161 Publicité et droit des marques §2 Les apports de l'arrêt L'Oréal 384. L'arrêt L'Oréal du 18 juin 2009 a apporté quelque précisions sur les fonctions de la marque autres que celle de garantie d'identité d'origine (A). En effet, dans cet arrêt, la CJCE a reconnu que les fonctions de la marque comprenaient, outre celle dite essentielle de garantie de provenance, « celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité »355. 385. La Cour va ainsi dans le sens de l'arrêt Arsenal en considérant que le droit exclusif du titulaire de la marque peut trouver à s'appliquer lorsque l'usage de la marque en cause porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque. Néanmoins, cet arrêt opère une importante distinction entre l'hypothèse de l'article 5, §1, a), de la directive 89/104 et celle de l'article 5, §1, b). La Cour ne reconnaît la possibilité pour le titulaire de la marque de s'opposer à l'usage de son signe par un tiers lorsque cet usage est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque seulement si ce signe est strictement identique à la marque et que l'usage a lieu pour des produits ou des services identiques (B). A- L'arrêt 386. Le litige opposait les sociétés du groupe L'Oréal aux sociétés Bellure Malaika et Starion qui fabriquaient et commercialisaient des imitations de parfums de luxe, tels que Trésor, Anaïs Anaïs, Noa ou Miracle. Les sociétés Bellure Malaika et Starion utilisaient des tableaux de concordance qu'elles communiquaient aux détaillant et dans lesquels elles précisaient le nom des marques des parfums imités. Par ailleurs, les flacons et les emballages ressemblaient fortement aux produits copiés. Les sociétés Lancôme, Garnier et L'Oréal ont 355 Ibid., pnt 58 162 Publicité et droit des marques alors attaqué pour contrefaçon de marque les sociétés Bellure Malaika et Starion. 387. La Court of Appeal (Angleterre et Pays de Galles) a été amenée à demander des éclaircissements à la CJCE et lui a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1) Lorsqu'un commerçant, dans une publicité pour ses propres produits ou services, fait usage d'une marque enregistrée détenue par un concurrent afin de comparer les caractéristiques (…) de produits ou de services qu'il commercialise avec les caractéristiques (…) des produits ou des services commercialisés sous cette marque par ledit concurrent, et de manière telle que l'usage concerné ne provoque pas de confusion ou ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque consistant à indiquer la provenance, l'usage concerné relève-t-il soit de l'article 4, §1, sous a), soit de l'article 5, §1, sous b), de la directive 89/104? 2) Lorsqu'un commerçant, dans la vie des affaires (en particulier dans une liste comparative), fait usage d'une marque enregistrée notoirement connue afin de désigner une caractéristique de son propre produit (...) de telle manière que : a) cela ne crée aucun risque de confusion d'aucune sorte; b) cela n'affecte pas la vente des produits sous la marque enregistrée notoirement connue; c) cela ne porte ni préjudice à la fonction de la marque enregistrée consistant à indiquer la provenance, ni atteinte à la réputation de cette marque, que ce soit en ternissant son image, par dilution ou d'une quelconque autre manière; d) cela joue un rôle significatif dans la promotion du produit du commerçant, l'usage concerné relève-t-il de l'article 5, §1, sous a), de la directive 89/104? 3) Aux fins de l'article 3 bis, sous g), de la [directive 89/104], quel est le sens de l'expression "tire (…) indûment profit de" et en particulier, lorsqu'un commerçant, dans une liste comparative, compare son produit avec un produit commercialisé sous une marque notoirement connue, tire-t-il en cela indûment profit de la notoriété attachée à cette marque ? 4) Aux fins de l'article 3 bis, sous h), de ladite directive, quel est le sens de l'expression "présente (…) un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction" et, en particulier, cette expression concerne-t-elle le cas dans lequel, sans provoquer de confusion ni de tromperie, une partie fait simplement savoir de manière honnête que son produit contient une caractéristique essentielle (l'odeur) similaire à celle d'un produit notoirement connu protégé par une marque ? 163 Publicité et droit des marques 5) Lorsqu'un commerçant fait usage d'un signe similaire à une marque enregistrée qui jouit d'une renommée et que ce signe ne ressemble pas à la marque au point de provoquer une confusion, de telle manière que : a) la fonction essentielle de la marque enregistrée consistant à indiquer la provenance n'est ni altérée ni menacée ; b) il n'y a pas de ternissement, ni de confusion concernant la marque enregistrée ou sa renommée, ni de risque que cela se produise ; c) cela n'affecte pas les ventes du titulaire de la marque ; d) le titulaire de la marque n'est privé d'aucun des bénéfices liés à la promotion, à la préservation ou au développement de sa marque ; e) le commerçant tire toutefois un avantage commercial de l'usage de son signe en raison de sa similitude avec la marque enregistrée, l'usage concerné revient-t-il à tirer "indûment profit" de la notoriété attachée à la marque enregistrée au sens de l'article 5, §2, de la [directive 89/104]? » 388. Cet arrêt présente un intérêt à la fois s'agissant de la publicité comparative sur laquelle nous nous attarderons plus loin, mais aussi s'agissant des fonctions de la marque. Ce sont ici les deux premières questions qui nous intéressent plus particulièrement dans ce chapitre. Ces deux questions sont traitées ensemble par la CJCE qui énonce : « par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l'article 5, §1, sous a) ou b), de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d'une marque enregistrée est habilité à faire interdire l'usage par un tiers, dans une publicité comparative, d'un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, lorsque cet usage n'est pas susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est d'indiquer la provenance des produits ou des services. Par sa deuxième question, qu'il convient d'examiner ensemble avec la première, ladite juridiction demande, en substance, si le titulaire d'une marque notoirement connue peut s'opposer à un tel usage, au titre du §1, sous a), de cet article, lorsque l'usage n'est pas susceptible de porter atteinte à la marque ou à l'une des fonctions de cette dernière, mais joue néanmoins un rôle significatif dans la promotion des produits ou des services du tiers »(point 51). 389. Bien que nous aborderons plus tard sur la publicité comparative, il nous faut tout de 164 Publicité et droit des marques même noter que cet arrêt relève des dispositions de la directive 84/450356 et qu'il en résulte certaines conséquences. Ainsi, l'utilisation par un annonceur d'un signe identique ou similaire à la marque d'un concurrent dans une publicité comparative constitue bien un usage visé par l'article 5, §1 de la directive 89/104 et peut ainsi être interdit sur ce fondement. Néanmoins, la Cour a jugé que le titulaire d'une marque enregistrée n'était pas habilité à interdire un tel usage dans une publicité comparative qui satisfaisait à toutes les conditions de licéité énoncées par l'article 3 bis, §1, de la directive 84/450 (points 53 et 54). Par ailleurs, la Cour relève que l'usage en cause dans ce litige relève de l'article 5, §1, a) de la directive 89/104 et non du même article 5, §1, sous b), Malaika et Starion ayant utilisé les marques verbales enregistrées par L'Oréal et non des signes seulement similaires (points 55 et 56). 390. Ce sont les développements suivants qui nous intéressent ici plus particulièrement. La CJCE rappelle la jurisprudence constante selon laquelle le droit exclusif prévu à l'article 5, §1, a), de la directive 89/104 a pour objectif d'assurer que la marque remplisse ses fonctions propres et que l'exercice de ce droit « doit être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque ». Puis, elle énonce que « parmi ces fonctions figurent non seulement la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service, mais également les autres fonctions de celle-ci, comme notamment celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité » (point 58). 391. La Cour considère ainsi qu' « il convient de répondre aux première et deuxième questions que l'article 5, §1, sous a), de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d'une marque enregistrée est habilité à faire interdire l'usage par un tiers, dans une publicité comparative qui ne satisfait pas à toutes les conditions de licéité énoncées à l'article 3 bis, §1, de la directive 84/450, d'un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, même lorsque cet usage n'est pas susceptible de porter atteinte à la fonction 356 Directive 84/450/CEE du 10 sept. 1984, relative au rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse (JO L250, 19 sept 1984, p. 17-20) modifiée par la directive 97/55/CE du 6 oct. 1997, modifiant la directive 84/450/CEE afin d'y inclure la publicité comparative : JO L 290, 23 oct. 1997, p. 18-23 (aujourd'hui codifiée par la directive 2006/114/CE du 12 déc. 2006, en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative : JO 376 du 27 déc. 2006, p. 21-27) 165 Publicité et droit des marques essentielle de la marque, qui est d'indiquer la provenance des produits ou services, à condition que ledit usage porte atteinte ou soit susceptible de porter atteinte à l'une des autres fonctions de la marque » (point 65). B- Les incidences de cet arrêt 392. La CJCE, dans l'arrêt L'Oréal, considère que le droit exclusif prévu à l'article 5, §1, a), doit être réservé aux cas où l'usage en cause porte atteinte aux fonctions de la marque. La reconnaissance par la CJCE d'autres fonctions que la fonction essentielle de la marque avait déjà eu lieu dans l'arrêt Arsenal en 2002. La nouveauté de cet arrêt est que la Cour énonce les fonctions auxquelles il peut être porté atteinte. Ainsi, elle nomme les fonctions de garantie de la qualité, de communication, d'investissement et de publicité. Il convient de préciser qu'elle a utilisé l'adverbe « notamment » ce qui laisse penser qu'il en existe d'autres bien que l'adverbe figure devant la fonction de garantie de qualité. La reconnaissance de ces autres fonctions de la marque constitue la prise en compte d'une réalité. Néanmoins, bien que cette reconnaissance semble a priori n'être que positive, sa mise en œuvre suscite quelques réserves. 1) Les fonctions reconnues par la CJCE 393. La Cour a retenu que l'atteinte pouvait être portée à la fonction essentielle de garantie de provenance mais aussi à deux sortes de fonctions : la fonction de garantie de qualité et celle de communication, d'investissement ou de publicité. Bien qu'énonçant de nouvelles fonction, la Cour ne les définit pas. Il nous faut donc tenter de trouver ailleurs ce en quoi celles-ci consistent. 394. S'agissant de la fonction de garantie de qualité, l'OHMI a considéré que la marque remplissait cette fonction « en suscitant chez le consommateur une attente que le produit 166 Publicité et droit des marques qu'il achètera demain aura la même qualité que le produit qu'il a acheté hier »357. Ainsi, comme on l'a vu, le client satisfait d'un produit voudra retrouver la même qualité lorsqu'il réitèrera son achat et c'est la marque, en ce qu'elle constitue une indication de provenance, qui lui assure cette constance dans la qualité. Cette indication de provenance lui assure une qualité de produits en principe toujours égale. Par ailleurs, pour Monsieur le Professeur Michel VIVANT, « la marque devient (...) un élément d'incitation à la qualité » car elle identifie le produit qui doit être de qualité pour se vendre au mieux358. 395. Cette fonction de la marque, est semble-t-il à rapprocher de la fonction d'indication d'origine. En effet, comme il a été dit plus haut, la marque représente une qualité, un savoirfaire dans l'élaboration des produits. Par ailleurs, comme le note Arnaud FOLLIARDMONGUIRAL au sujet de l'arrêt Opel359, « la garantie de qualité serait (...) une fonction "dérivée" qui, à défaut d'être inhérente à la marque, devrait être acquise par l'usage et la reconnaissance sur le marché ». 396. Pour l'avocat général Mengozzi360, cette garantie de qualité ou de « constance », qui est tout au plus un aspect de la garantie d'identité d'origine, ne peut pas être invoquée par le consommateur car le droit exclusif conféré par la marque ne protège que les intérêts du titulaire de celle-ci. En effet, comme le rappellent Messieurs les Professeurs Jacques AZEMA et Jean-Christophe GALLOUX, en France, la marque « est conçue non comme un instrument de protection du consommateur mais comme un moyen pour les industriels et les commerçants d'attirer et de retenir une clientèle »361. En effet, la marque ne garantit pas la qualité du produit ou du service car le titulaire de la marque est libre de faire évoluer cette qualité. Néanmoins, la marque donne au consommateur « une idée de la qualité du produit »362. 357 OHMI, 14 sept. 2000, Uniliver, op. cit., pt 17 358 M. Vivant, Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXIe siècle : Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, op. cit., p. 154 359 A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt Opel : tout est relatif, même la protection absolue, op. cit. 360 Conclusions de l'avocat général Mengozzi, 10 fév. 2009, L'Oréal : Rec. 2009, I, p. 05185, point 53 361 J. Azéma et J.-Ch. Galloux, Droit de la propriété industrielle, Précis Dalloz, 6e éd., p. 752 362 N. Bouche, L'objet spécifique du droit de marque, Rec. Dalloz 2000, p. 103 167 Publicité et droit des marques 397. S'agissant de la fonction de publicité, celle-ci a été définie dans un arrêt plus récent : l'arrêt Google363. Dans celui-ci, la Cour a été amenée à se prononcer sur trois affaires. Nous nous attarderons ici seulement sur les première question dans l'affaire C-236/08, première question dans l'affaire C-237/08 et première et deuxième questions dans l'affaire C-238/08 posées par la juridiction de renvoi qui interroge la Cour afin de savoir si, en vertu de l'article 5, §1, sous a) ou sous b), le titulaire d'une marque pouvait interdire l'usage par un tiers d'un mot clé identique ou similaire à sa marque sur un service de référencement payant permettant d'afficher des annonces sur Internet pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée. Afin de répondre à cette question, la Cour se penche sur les conditions de l'usage de ce droit par le titulaire de la marque et est ainsi amenée à se concentrer sur la condition de l'atteinte aux fonctions de la marque. Elle rappelle ainsi que l'usage de ce droit exclusif doit être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, ces dernières pouvant être la fonction essentielle d'indication d'origine ou ses autres fonctions telles que celles de garantie de la qualité, de communication, d'investissement ou de publicité. La Cour s'intéresse en particulier à la fonction de publicité et considère que le titulaire d'une marque peut avoir comme objectif, outre d'indiquer par le biais de celle-ci l'origine de ses produits ou services, « d'employer sa marque à des fins publicitaires visant à informer et à persuader le consommateur » (point 91). Dès lors, il y a atteinte à la fonction de publicité lorsque l'usage en cause « porte atteinte à l'emploi de la marque, par son titulaire, en tant qu'élément de promotion des ventes ou en tant qu'instrument de stratégie commerciale » (point 92). Pour Monsieur le Professeur Georges BONET, cette fonction de publicité se rapproche de celle de garantie de provenance en ce que « la marque a une fonction publicitaire parce qu'elle garantie au consommateur que les produits ou services marqués proviennent d'une entreprise déterminée, à laquelle s'attache une réputation »364. Certes, on peut considérer que les deux fonctions sont proches, néanmoins, elles doivent être distinguées car la fonction publicitaire implique davantage que la simple réputation de la marque. En effet, à elle seule, la marque véhicule des valeurs, le respect d'un certain mode 363 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit. 364 G. Bonet., Publicité sur Internet et référencement selon la Cour de justice : contrefaçon de marque ou directive n° 2000/31/CE, Comm. com. électr. N°6, juin 2010, ét. 12 168 Publicité et droit des marques de fabrication. En outre, la marque, par son image, constitue un condensé de toutes ses campagnes publicitaires ; elle les incarne. La marque est un « véhicule publicitaire »365. 398. S'agissant de la fonction de communication, les conclusions de l'avocat général Mengozzi nous donnent quelques pistes366. Ainsi, il relève, s'agissant de celle-ci, que la marque véhicule diverses informations auprès des consommateurs concernant le produit qui en est revêtu et que ces informations peuvent être transmises par le signe qui composent la marque mais aussi par les informations « accumulées » sur la marque au moyen d'actions publicitaires. Pour ces raisons, il considère que « cette aptitude de la marque en termes d’information mérite protection, y compris lorsque l’usage de la marque par un tiers n’est pas de nature à provoquer de confusion quant à la provenance des produits ou des services ». 399. Enfin, s'agissant de « l'énigmatique »367 fonction d'investissement dont on pouvait considérer qu'elle prenait en compte les coûts engagés par le titulaire de la marque en vue d'accroitre la notoriété et l'image de celle-ci mais aussi, plus largement, son goodwill , ce n'est que très récemment que la CJUE a donné quelques éclaircissements. Ainsi, dans l'arrêt Interflora du 22 septembre 2011368, la Cour a précisé que « outre sa fonction d'indication d'origine et, le cas échéant, sa fonction publicitaire, une marque [pouvait] également être employée par son titulaire pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser des consommateurs » (point 60). Elle ajoute que bien que cette fonction puisse sembler se confondre avec celle de publicité, elle en diffère en ce que « l'emploi de la marque pour acquérir ou conserver une réputation s'effectue non seulement au moyen de la publicité, mais également au moyen de diverses techniques commerciales ». Il a alors été jugé par la CJUE que l'usage, dans le cadre d'un service de référencement payant, par un concurrent, d'un signe identique à la marque pour des produits 365 Michel Vivant, Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXIe siècle : Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, op. cit., p. 158 366 Conclusions de l'avocat général Mengozzi, 10 fév. 2009, L'Oréal, op. cit., point 54 367 Michel Vivant, Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXIe siècle : Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, op. cit., p. 147 368 CJUE, 22 sept. 2011, aff. C-323/09, Interflora 169 Publicité et droit des marques ou services identiques à ceux couverts par celle-ci portait atteinte à sa fonction d'investissement « s'il [gênait] de manière substantielle l'emploi, par [le] titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser des consommateurs » (point 66). 2) Les impacts de cette jurisprudence 400. Comme on l'a vu, la qualification de contrefaçon de marque est subordonnée à la constatation d'un risque de confusion qui est présumé en cas de double identité de signes et de produits et services. L'article 5, §1, b), qui énonce les conditions de la protection accordée à la marque en cas d'usage par un tiers d'un signe ou de produits ou services, non pas identiques, mais seulement similaires, subordonne la qualification de contrefaçon à l'existence d'un risque de confusion qui est la condition de l'existence d'une atteinte à la fonction essentielle de la marque. Or, le même article sous a), qui vise les cas où les signes et les produits ou services sont identiques, n'exige pas la démonstration de ce risque. 401. Par ailleurs, il ressort de l'arrêt Arsenal que le droit exclusif prévu par l'article 5, §1, a), de la directive 89/104 pourrait trouver à s'appliquer dès lors qu'il serait porté atteinte ou qu'il serait susceptible d'être porté atteinte à l'une des fonctions de la marque. Il semblerait alors qu'il y ait désormais deux poids, deux mesures. En effet, dans l'hypothèse d'une double identité de signes et de produits ou services, une atteinte à l'une quelconque des fonctions de la marque sera suffisante pour que la contrefaçon soit démontrée (si les autres conditions sont remplies bien sûr) alors que dans l'hypothèse d'une simple similitude, l'existence d'un risque de confusion est impérative et la qualification de contrefaçon est subordonnée à une atteinte à la seule fonction essentielle de la marque. 402. L'arrêt L'Oréal, bien qu'il constitue une réelle avancée en ce qu'il nomme certaines des autres fonctions de la marque, appelle certaines critiques. Tout d'abord, la Cour, au point 59, énonce que « la protection conférée à l'article 5, §1, sous a), de la directive 89/104 est ainsi plus étendue que celle prévue au même article 5, §1, sous b), dont la mise en œuvre exige l'existence d'un risque de confusion et donc la possibilité d'une atteinte à la fonction essentielle de la marque ». Comme on l'a vu plus haut, l'exigence de l'existence d'un risque 170 Publicité et droit des marques de confusion semble en réalité être commune aux deux hypothèses de l'article 5, §1, sous a) et b) et la différence se trouve dans la présomption de ce risque dans les cas d'identité des signes et des produits ou services. En effet, le risque de confusion semble être évident dès lors qu'à la fois les signes et les produits ou services sont similaires. Au contraire, dans l'hypothèse d'une simple similitude, c'est parce qu'il n'existe pas d'identité entre les signes et les produits ou services, qu'il faut rechercher s'il existe un risque de confusion369. 403. Le risque de confusion constitue le fondement de l'atteinte à la fonction de garantie de l'identité d'origine. S'il n'y a pas de risque de confusion possible, il ne pourra y avoir d'atteinte à la fonction essentielle de la marque car ce risque constitue la condition de la protection. C'est précisément cette constatation qui pousse la CJCE à ne protéger le droit exclusif du titulaire de la marque contre les atteintes aux autres fonctions qu'en cas de stricte identité. Aux yeux de la Cour, l'existence d'un risque de confusion n'est indispensable que dans l'hypothèse d'une simple similitude. De ce fait, étant donné qu'en cas d'identité entre les signes et entre les produits ou services, il n'y a pas cette exigence, la protection vaudra quelle que soit la fonction de la marque à laquelle il sera porté atteinte. 404. La CJCE semble vouloir faire de cette nécessité de l'existence d'un risque de confusion un élément de différenciation entre l'hypothèse de l'article 5, §1, sous a) et celle du même article sous b). Par conséquent, il ressort de cet arrêt que la qualification de contrefaçon nécessite obligatoirement la preuve d'une atteinte à la fonction essentielle de la marque dans l'hypothèse de l'article 5, §1, sous b) alors que cette même qualification n'est subordonnée qu'à la démonstration d'une atteinte à l'une des fonctions de la marque dans l'hypothèse de l'article 5, §1, sous a), la démonstration de l'existence d'un risque de confusion n'étant dans ce cas là pas requise. 405. Cette différenciation est très critiquable. En effet, tout d'abord, comme on l'a vu, le risque de confusion constitue la condition de la protection de la marque, et ce que les signes et/ou les produits ou services soient strictement identiques ou simplement similaires. Fonder des conditions différentes de cette protection sur l'exigence ou non de la démonstration d'un tel risque apparaît alors absurde. En outre, considérer que la mise en œuvre du droit exclusif 369 J. Passa, Caractérisation de la contrefaçon par référence aux fonctions de la marque : le Cour de justice sur une fausse piste, op. cit. 171 Publicité et droit des marques prévu par l'article 5, §1, sous b), de la directive 89/104 est subordonnée à l'existence d'une atteinte à la fonction essentielle de la marque seulement, c'est amoindrir le rôle des autres fonctions. Pourquoi enfin reconnaître d'autres fonctions pour ne leur accorder un rôle que dans une hypothèse très limitée ? Certes, la fonction de garantie de provenance est une fonction importante de la marque mais, comme l'a reconnu la CJCE, elle n'est pas la seule! D'autres fonctions telles que celles de communication, d'investissement et de publicité sont fondamentales. Dès lors, pourquoi limiter leur protection ? En effet, si l'on en juge à partir de l'arrêt L'Oréal, les atteintes à ces fonctions ne sont susceptibles de qualification de contrefaçon qu'en cas d'identité entre les signes et les produits ou services. Doit-on en conclure qu'en cas de simple similarité, même poussée, ces fonctions perdent tout d'un coup toute leur importance ? A partir du moment où le risque de confusion est démontré, ces fonctions devraient elles-aussi être protégées. En effet, en cas de similitude entre la marque et le signe ou encore entre les produits ou services entre eux, s'il y a un risque de confusion dans l'esprit du public, un tel usage semble tout autant pouvoir porter atteinte à la fonction de publicité qu'à celle de garantie d'identité d'origine. 172 Publicité et droit des marques Conclusion de la première partie 406. La marque est un actif important de l'entreprise. Elle a une valeur qui lui est propre qui peut s'avérer supérieure à celle de l'entreprise elle-même. C'est la publicité qui contribue pour beaucoup à cette valeur. En effet, c'est elle qui permet à la marque d'obtenir un bon niveau de notoriété, une image avantageuse et de fidéliser les consommateurs, contribuant ainsi à augmenter son capital marque. C'est la publicité qui fait de la marque ce qu'elle est : outre son rôle d'information et de persuasion du consommateur, elle a pour objet d'entourer la marque d'un halo favorable ; elle s'attache à lui façonner une image, une histoire, véhicule les valeurs qu'elle promeut et veille à lui construire une identité, lui permettant ainsi de devenir une marque forte, source de valeur pour l'entreprise. 407. La marque laisse alors une empreinte dans l'esprit des consommateurs. Son image est le résultat de toutes ses actions et notamment de ses campagnes de communication. Bien qu'il soit indéniable que la fonction d'indication de la marque soit très importante, il ne faut cependant pas oublier ses autres fonctions telles que celle de publicité. La jurisprudence récente de la CJUE va désormais dans ce sens puisqu'elle vient d'affirmer que « la fonction d'indication d'origine de la marque n'[était] pas la seule fonction de celle-ci digne de protection contre des atteintes par des tiers [et] qu'une marque [constituait] souvent, outre une indication de la provenance des produits ou des services, un instrument de stratégie commerciale employé, en particulier, à des fins publicitaires ou pour acquérir un réputation afin de fidéliser le consommateur »370. La reconnaissance par le droit de cette fonction publicitaire est la consécration d'une vision plus « marketing » de la marque. En effet, la marque est certes encadrée par des règles juridiques mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit avant tout d'un outil commercial et que ses enjeux sont sans doute mieux appréhendés par les professionnels du marketing et de la communication. 408. Pour autant, la marque fait l'objet d'une protection juridique car c'est un droit qu'il 370 CJUE, 22 sept. 2011, Interflora, op. cit., point 39 173 Publicité et droit des marques faut protéger. De nombreuses atteintes peuvent lui être portées et le droit doit évoluer en conséquence. Le domaine de la publicité, son alliée pourtant, a notamment soulevé récemment certains problèmes et le droit a dû réagir. Ainsi, deux nouvelles formes de pratiques publicitaires font l'objet d'une attention particulière car, si elles ne sont pas encadrées par des règles « de bonne conduite », elles peuvent être préjudiciables au droit des marques. Nous allons donc nous intéresser à deux formes de communication relativement récentes et qui ont soulevé (et soulèvent toujours) quelques difficultés : le référencement payant sur les moteurs de recherche et la publicité comparative. Malheureusement pour le droit des marques, nous allons voir que ces formes de communication, bien qu'encadrées, portent de plus en plus atteinte au droit des marques et ce, notamment en raison de la souplesse d'interprétation des conditions de licéité par la CJUE. 174 Publicité et droit des marques Seconde partie : Des usages problématiques 175 Publicité et droit des marques 409. Comme nous venons de le voir, la publicité est bénéfique aux marques. Elle leur permet de construire leur image et d'accroitre leur notoriété. Elle renforce la fidélité des consommateurs et façonne notre imaginaire ainsi que notre mode de vie. En outre, la CJUE a reconnu aux marques une fonction de publicité. Cette reconnaissance va dans le sens de la prise en compte de la réalité. La marque a en effet une fonction publicitaire : comme le note la CJUE, le titulaire d'une marque peut avoir pour objectif « d'employer sa marque à des fins publicitaires visant à informer et à persuader le consommateur »371. La marque et la publicité, ainsi unies permettent d'apporter une valeur ajoutée à l'entreprise car ce sont elles qui rendent les produits attrayants et qui font vendre. La publicité est donc l'alliée principale de la marque. Néanmoins, elle peut parfois se révéler préjudiciable. Certaines pratiques publicitaires récentes ont en effet mis à mal le droit des marques. Ainsi, le référencement payant sur Internet et la publicité comparative, alors même qu'ils auraient pu être utiles aux marques, ont généré des dérives causant des atteintes à celles-ci. Néanmoins, ce ne sont pas tant ces modes de communication qui sont responsables de ces atteintes, mais plutôt la souplesse d'interprétation des textes par les juges comme nous allons essayer de le démontrer. 410. S'agissant du référencement sur Internet (Titre 1), cette pratique consiste pour un moteur de recherche à vendre à des annonceurs des mots clés afin que leurs annonces commerciales apparaissent à l'écran à la suite de la saisie de ces mots clés par un internaute lors d'une recherche. Ces annonces figurent alors dans une rubrique spéciale (souvent appelée « liens commerciaux » ou « liens sponsorisés ») au dessus ou à coté des résultats dits « naturels ». Les annonceurs, qui choisissent des mots clés correspondant à des marques appartenant à des tiers afin de détourner les internautes, ainsi que les prestataires des services de référencement, qui leur permettent un tel usage de ces marques, se sont souvent vus condamnés sur les fondements de la contrefaçon, de la concurrence déloyale ou encore de la publicité trompeuse372. Cependant, un arrêt récent de la CJUE373 a quelque peu remis en question la jurisprudence française en écartant la responsabilité du moteur de recherche pour 371 CJUE 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit. 372 Cf J. Larrieu, Droit de l'Internet, Ellipses, coll. Mise au point, 2e éd., p. 178 et s. 373 Ibid. 176 Publicité et droit des marques contrefaçon mais aussi en lui reconnaissant la possibilité du bénéfice du régime dérogatoire de responsabilité des hébergeurs. Nous verrons ainsi que des entorses au droit de la propriété intellectuelle sont tolérées en raison semble-t-il de l'importante utilité des moteurs de recherche. 411. S'agissant de la publicité comparative (Titre 2), cette forme de communication, très encadrée quant à sa mise en œuvre, voit les juges interpréter ses conditions de licéité de manière très souple en raison de l'intérêt qu'elle peut représenter en matière d'information du consommateur et de stimulation de la concurrence. Son champ d'application devient ainsi de plus en plus large et de nombreuses atteintes aux marques sont tolérées. La CJCE a, à plusieurs reprises, rappelé que le législateur communautaire avait entendu favoriser la publicité comparative bien que cela ait pour conséquence de limiter les droits conférés par la marque qui ne recouvrent alors leurs effets que lorsqu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du consommateur entre les produits de l'annonceur et ceux couverts par la marque. Dans les autres hypothèses d'atteintes, les juges se montrant très flexibles dans l'appréciation des critères de licéité, le droit des marques ne peut pas assurer son rôle protecteur face à la publicité comparative, le droit de la consommation se voyant accorder la priorité sur le droit des marques. 177 Publicité et droit des marques Titre I Le référencement payant sur Internet 178 Publicité et droit des marques 412. Internet occupe une place de plus en plus importante dans notre vie. Cet outil, qui nous donne accès à une multitude d'informations, a rendu nos recherches plus aisées. Les démarches administratives sont simplifiées ; nos questions, quel qu'en soit le domaine trouvent facilement des réponses et il ne nous est plus nécessaire de sortir de chez nous pour effectuer des achats. Une grande partie de ces navigations sur Internet se fait par le biais des moteurs de recherche. Très souvent, c'est d'ailleurs un moteur de recherche qui constitue notre page d'accueil lorsque l'on ouvre Internet. Ces moteurs de recherche ont deux activités : celle, gratuite, de moteur de recherche qui propose à l'internaute des résultats naturels classés en général en fonction de leur pertinence et celle, rémunérée, de référencement payant qui consiste à vendre à des annonceurs des publicités qui apparaissent dans une rubrique distincte. Les internautes se voient donc proposer deux sortes de résultats : les résultats naturels qui s'affichent par ordre décroissant de pertinence et les liens promotionnels qui sont le fruit des services du référencement payant et qui apparaissent dans la rubrique « liens commerciaux » qui se situe généralement à droite de l'écran ou au dessus des résultats naturels. Ainsi, le service AdWords de Google, par exemple, permet aux opérateurs économiques, après avoir sélectionné des mots clés, de faire apparaître un lien vers leur site lorsque ces mots clés sont identiques à ceux de la requête de l'internaute qui effectue la recherche. Ces liens commerciaux ont une nature « hybride » car il s'agit à la fois d'une publicité et d'un outil de positionnement sur les moteurs de recherche374. Une rémunération du service de référencement payant est due par l'annonceur pour chaque clic sur le lien. Pour reprendre la définition donnée par Nathalie DREYFUS et Guillaume JOBBE-DUVAL375, le référencement payant est la pratique consistant, pour un moteur de recherche, « à monnayer aux annonceurs l'ordre d'apparition de leur site parmi les résultats d'une recherche sur certains mots-clés prédéfinis ». 413. Cette activité, présentée de cette manière, ne semble poser aucun problème. Pourtant, c'est le cas et de nombreux litiges sont nés de cette pratique. En effet, les annonceurs, lorsqu'ils choisissent des mots clés peuvent le faire librement. Les prestataires du service de 374 C. Viot, Le e-marketing à l'heure du web2.0, Gualino, 2e éd., p. 206 375 N. Dreyfus et G. Jobbe-Duval, Publicité sur Internet et droit des marques : Propr. indust., janv. 2006, n° 1, ét. 1 179 Publicité et droit des marques référencement payant n'effectuent pas de contrôle de la licéité de l'usage des mots sélectionnés. C'est ainsi que certains titulaires de droits de marque ont constaté que des concurrents, voire des distributeurs de contrefaçons de leurs produits, avaient choisi comme mots clés des signes identiques à leurs marques. 414. Ainsi, nous allons voir que Google, leader du marché de la publicité en ligne liée aux recherches qui suscite des interrogations en matière de concurrence, a été l'outil qui a permis à des tiers, et notamment aux concurrents de titulaires de marques, de faire un usage contrefaisant de ces dernières mais aussi de se rendre coupable de concurrence déloyale ou encore de pratique commerciale trompeuse (chapitre 1). Le moteur de recherche, qui s'enrichit grâce à ce système de publicité notamment fondé sur l'usage non autorisé de marques de tiers, a lui aussi vu sa responsabilité recherchée sur les mêmes fondements. Aussi, a-t-il cherché à échapper aux condamnations en se prévalant du régime applicable aux hébergeurs qui stockent des données sur Internet dont le bénéfice lui fut souvent refusé jusqu'à l'arrêt Google de la CJUE (chapitre 2). 180 Publicité et droit des marques Chapitre 1 Les problèmes soulevés par le référencement payant sur Internet 415. Comme nous venons de le dire, les moteurs de recherche ont rendu Internet plus riche et les recherches des internautes plus aisées. Néanmoins, ils ont soulevé des problèmes dans différents domaines du droit et c'est la pratique du référencement payant qui est à l'origine de nombreux litiges. Des différends résultant du service de référencement se retrouvant alors tant en matière de concurrence déloyale que de contrefaçon de marque ou encore de pratique commerciale trompeuse, il peut être intéressant de se pencher de manière globale sur la pratique du référencement payant. Ainsi, se placer du point de vue du domaine de la concurrence peut être utile afin de mieux appréhender les enjeux du référencement payant sur Internet. 416. Le leader du marché du référencement payant est Google. Il possède, outre son activité de moteur de recherche, un système de publicité dénommé AdWords qui permet aux annonceurs d'afficher les annonces pour leurs sites à côté des résultats naturels. Les annonceurs n'ont qu'à sélectionner des mots clés et les annonces s'afficheront en réponse à la saisie de ces mots clés sur le moteur de recherche. C'est sur cette activité publicitaire ainsi que sur la compatibilité de ses pratiques avec le droit de la concurrence que s'est particulièrement intéressée l'Autorité de la concurrence dans son avis sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne rendu en décembre 2010376 (section 1). 417. Par ailleurs, c'est notamment sur le fondement de la concurrence déloyale que des annonceurs, clients de Google, ont vu leur responsabilité engagée. Néanmoins, d'autres fondements tels que la contrefaçon et la publicité trompeuse ont justifié des condamnations (section 2). 376 Avis n° 10-A-29 du 14 déc. 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne 181 Publicité et droit des marques Section 1. L'avis n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 de l'Autorité de la concurrence 418. Nous allons nous intéresser, dans cette section, à l'avis rendu par l'Autorité de concurrence377 sur la publicité en ligne. Bien qu'il ne s'agisse pas de droit des marques mais de droit de la concurrence, cet avis apporte des éclaircissements sur la publicité en ligne et notamment sur le référencement sur Internet. En effet, cet avis, outre l'apport qu'il constitue quant à la définition du marché de la publicité en ligne, et au sein de celui-ci du marché de la publicité liée aux recherches, apporte un éclairage très intéressant qui nous permet de mieux appréhender le fonctionnement de Google, leader de ce dernier marché. Notamment, les modes de tarification y sont énoncés, indice qui pourra s'avérer utile dans la suite de notre étude lorsque nous nous interrogerons sur le bénéfice ou non par Google du régime des hébergeurs sur Internet. 419. L'Autorité de la concurrence avait été saisie, par une lettre du 17 février 2010 du ministre de l'Economie, des finances et de l'emploi au sujet du fonctionnement concurrentiel dans le secteur de la publicité en ligne, notamment afin que celle-ci se prononce sur le points suivants : - « la segmentation éventuelle du marché de la publicité en ligne entre annonces contextuelles et "display"; - les barrières techniques à l'entrée sur le marché des moteurs de recherche, de nature à conférer au principal acteur de ce marché une position de force vis-à-vis des tiers ; - les relations contractuelles entre éditeurs de sites, d'une part, et moteurs de recherche agissant comme régies, d'autre part ; - les risques pouvant résulter de l'intégration verticale des activités de moteur de recherche et d'éditeurs de site ; 377 L'Autorité de la concurrence est une autorité administrative indépendante créée par la loi LME n° 2008776 du 4 août 2008 afin de succéder au Conseil de la concurrence. Elle a à la fois une fonction consultative et une fonction décisionnelle (à ce titre, elle a un pouvoir répressif) et est « spécialisée dans le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, l'expertise du fonctionnement des marchés et le contrôle des opérations de concentration. Au service du consommateur, elle a pour objectif de veiller au libre jeu de la concurrence et d'apporter son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international » (www.autoritedelaconcurrence.fr). 182 Publicité et droit des marques - la nature des remèdes aux risques éventuels d'atteinte à la concurrence qui pourraient être envisagés en vue de garantir une bonne régulation concurrentielle de la publicité en ligne. » 420. L'Autorité s'est alors appliquée à définir les contours de ce qui est devenu un outil de communication indispensable : la publicité en ligne, au sein de laquelle le référencement payant s'est fait une place importante (§1). L'Autorité s'est ensuite intéressée au marché de la publicité en ligne mais aussi à celui de « la publicité liée aux recherches » qui constitue un marché pertinent distinct. C'est au sein de ce marché que Google, par le biais de son service Adwords, détient une position dominante (§2). §1 Les moteurs de recherche : un outil de communication en ligne 421. Comme le relève l'Autorité, la publicité en ligne est un secteur en pleine expansion (A). Selon les estimations de la Commission européenne, les dépenses mondiales de la publicité en ligne ont doublé entre 2005 et 2008 (elles étaient estimées à 13 milliards d'euros en 2005 et devaient atteindre 26 milliards en 2008). La publicité, qu'elle soit sur Internet ou en dehors, a toujours les mêmes objectifs : accroître la notoriété et favoriser l'élaboration d'une bonne image de marque mais aussi accroître le profit en augmentant les ventes. La publicité sur Internet a néanmoins un avantage par rapport à la publicité classique : il est plus aisé de savoir si la cible a bien été en contact avec la publicité. 422. Le référencement payant est un outil particulièrement efficace s'agissant du ciblage. Il permet de toucher l'internaute en lui proposant des liens commerciaux en rapport avec sa recherche (active), et donc en rapport avec ses centres d'intérêt. Le prestataire sera alors payé à chaque fois qu'un internaute cliquera sur le lien commercial ainsi affiché (B). 183 Publicité et droit des marques A- Les contours de la publicité en ligne 423. La publicité en ligne peut se faire de différentes manières. Notamment, les formats publicitaires ne sont pas les mêmes : il peut s'agit d'un lien textuel qui renvoie à la page de l'annonceur, d'images ou de vidéos mais aussi de bannières qui sont une adaptation des bandeaux publicitaires que l'on trouve dans la presse378. L'annonce peut se situer sur la page internet ouverte ou apparaître par exemple entre deux pages, sur une page transitoire qui disparait après un moment ou si l'on clique pour la fermer. L'annonce peut aussi surgir dans une nouvelle fenêtre (pop-up). Outre ces différentes possibilités dans le choix du format, la publicité en ligne a pour avantage d'avoir un ciblage efficace. Celui-ci peut notamment se faire en fonction de la page ouverte par l'internaute, cette dernière permettant d'avoir une idée de ses goûts, de ses intérêts ou en fonction des sites que l'internaute a visités. 424. La publicité sur Internet est divisée en plusieurs segments, parmi lesquels on trouve notamment le "display" (l'affichage), le "search" (les moteurs de recherche) et les annuaires (on trouve aussi l'e-mailing, les comparateurs de prix...). De plus, une nouvelle forme de publicité a fait son apparition sur les téléphones portables. Bien que les modes publicitaires soient le plus souvent identiques à ceux présents sur Internet, certains sont propres aux téléphones. C'est le cas notamment des publicités sur les applications. En outre, il faut désormais compter avec les pratiques de plus en plus répandues de géolocalisation qui permettent alors de prendre en compte la situation géographique de l'utilisateur afin de répondre au mieux à ses besoins en jouant sur la proximité des biens ou services offerts. Le display correspond à l'affichage de publicités graphiques qui peuvent être des images ou bien des vidéos. Le search correspond aux liens commerciaux des moteurs de recherche qui sont sous la forme « de liens textuels renvoyant à une page du site de l'annonceur et accompagnés d'un bref message commercial ». Les liens commerciaux s'ajoutent aux résultats naturels mais sont souvent plébiscités par les internautes en cas de recherches commerciales alors que les résultats naturels sont utilisés pour tous les types de recherches379. Les liens sponsorisés contribuent à hauteur de 10 % au trafic de visiteurs vers 378 J. Lendrevie, A. de Baynast, C. Emprin, Publicitor, op. cit., p. 323 379 Ibid., p. 325 184 Publicité et droit des marques les sites internet et le référencement naturel à hauteur de 20 %. Ainsi, 30 % du trafic vers les sites se fait par le biais des moteurs de recherche380. L'Autorité distingue deux sortes de liens commerciaux : la publicité liée aux recherches qui apparaît, suite à une requête d'un internaute sur un moteur de recherche, sur la page de résultat de ce dernier et les liens contextuels qui s'affichent sur une page en fonction du contenu de celle-ci. Les liens contextuels apparaissant alors qu'aucune recherche n'a été lancée par l'internaute, certains peuvent y voir une raison de ne pas les classer dans la même catégorie que la publicité liée aux recherches, et ce bien que leur format et leur mode de tarification soit identique. Enfin, les annuaires sont des services de référencement (comme ceux des liens commerciaux sur les moteurs de recherche) qui permettent aux entreprises, moyennant rémunération (sous forme de forfait), d'améliorer leur position dans le classement ou de rendre les informations les concernant plus complète. Les mots clés sont alors des rubriques des différentes professions. A titre de comparaison, le chiffre d'affaire généré en France en 2009 par les liens commerciaux était, selon une étude de 2010 de l'Observatoire de l'e-Pub, de 880 millions d'euros, celui du display de 480 millions et celui des annuaires de 449 millions. Ces chiffres montrent qu'un grand nombre d'entreprises a été séduit par cette forme de communication. En effet, celle-ci a l'avantage de ne pas être contraignante pour les entreprises, à la fois parce qu'elle est très abordable financièrement mais aussi en raison de sa simplicité de fonctionnement. B- Le fonctionnement du référencement payant 425. L'Autorité s'intéresse en particulier au cas du leader Google. Nous allons donc reprendre certaines de ses observations. Google est une société américaine créée en 1998 et a rapidement su se démarquer de ses concurrents grâce à l'algorithme de classement des sites internet. Le référencement des résultats naturels suite à une recherche faite par un internaute est fondé sur cet algorithme qui a pour objet de classer les pages internet selon la pertinence 380 Ibid. 185 Publicité et droit des marques de celles-ci par rapport à la requête. 426. En parallèle, Google a une activité rémunérée qui consiste dans la vente de publicité liée aux recherches en ligne. Le moteur de recherche affiche alors, à coté des résultats naturels, des liens commerciaux qui apparaissent lorsque l'internaute a entré dans sa requête les mots clés sélectionnés par l'annonceur. La mise en œuvre de ces liens commerciaux se fait au moyen du service AdWords. L'annonceur peut alors choisir d'associer un ou plusieurs mots clés à son annonce commerciale. Il enchérit sur des mots clés afin que son lien commercial apparaisse à coté des résultats naturels lorsque ces mots clés sont saisis par l'internaute. Les enchères peuvent se faire sur un nombre illimité de mots clés car ce sont les annonceurs et non les moteurs de recherche qui choisissent ces derniers. L'Autorité relève en outre que les enchères permettent aux annonceurs de profiter du phénomène de « long tail » : « des requêtes rares apportent peu de clics, toutefois, si l'annonceur a enchéri sur beaucoup de mots-clés rares, cela peut générer des ventes importantes ». La tarification se fait au coût par clic (CPC), c'est-à-dire que l'annonceur paie à chaque fois qu'un internaute clique sur son annonce. Néanmoins, le coût par clic maximal indiqué par l'annonceur n'est pas le seul élément pris en compte dans le classement des annonces. En effet, le nombre de clics générés pour une impression (c'est-à-dire pour un affichage de l'annonce) influe aussi sur le classement. Comme le souligne l'Autorité, « il est en effet naturel d'afficher en meilleure position un annonceur qui n'est prêt à payer qu'un euro par clic, mais qui a un taux de clic élevé, qu'un annonceur qui est prêt à payer 10 euros, mais dont les annonces ne génèrent aucun clic ». Le classement des enchérisseurs prend donc en compte le CPC mais aussi un score de qualité basé sur le taux de clic. Ainsi, comme le souligne l'Autorité, Google dispose de certains moyens pour influencer les prix. Les liens commerciaux, du fait qu'ils sont vendus au coût par clic, « permettent un contrôle facile du retour sur investissement et une maîtrise très précise du budget (CPC maximal et budget maximal sont fixés par l'annonceur) ». En outre, cette forme de communication a l'avantage de ne pas être contraignante : l'annonceur peut annuler sa campagne avant qu'elle débute; il peut choisir la durée de celle-ci et les coûts supplémentaires de création du message publicitaire ne sont pas très importants. Le référencement convient donc à tous les types d'annonceurs. Néanmoins, il y a un bémol : 186 Publicité et droit des marques l'annonceur ne peut pas savoir à l'avance quels seront les concurrents qui apparaitront dans les liens commerciaux suite à une requête par un internaute qui aura entré les mots clés pour lesquels il a enchéri. L'annonceur ne peut donc pas avoir « le contrôle de l'environnement concurrentiel dans lequel l'annonce sera proposée ». 427. Outre Adwords, Google a étendu son offre de liens commerciaux au moyen de deux autres services. Le premier, le service AdSense for Search (AFS) propose la fourniture d'un moteur de recherche sur la page internet d'un site partenaire qui affiche à la fois des résultats naturels et des liens commerciaux. Les revenus engendrés sont alors partégés entre Google et le site partenaire. Le second service est le programme AdSense for Content (AFC). Il permet l'affichage de publicités pertinentes en fonction du contexte de la page d'un site partenaire adhérent au réseau AdSense. Ce service de Google sert d'intermédiaire entre le site partenaire d'AdSense et l'annonceur utilisant AdWords et souhaitant recourir à ce type de publicité. 428. Il convient essentiellement de retenir des éléments que l'on vient de voir que Google détient une place importante dans le domaine de la publicité sur Internet qui lui permet d'exercer des pressions sur ses clients annonceurs sans craindre de les perdre et ainsi bénéficier d'une certaine marge de manœuvre quant à ses méthodes, notamment en matière de classification des annonces. En effet, l'Autorité relève que Google, de par l'opacité de son fonctionnement, a la possibilité de manipuler les enchères et de « [minorer] le rôle du taux de qualité dans le classement si cela peut lui être profitable »381. Ainsi, il apparaît, et cela aura son importance dans la suite de nos développements, que Google ne semble pas jouer un rôle purement technique, passif et neutre. 429. Néanmoins, le référencement payant sur Internet semble avoir encore de beaux jours devant lui. L'importance qu'a prise ce mode de communication l'a rendu impossible à remplacer. La publicité liée aux recherches est ainsi devenue un marché pertinent dans lequel règne Google. 381 D. Bosco, Google et le droit de la concurrence : avis de tempête !, Comm. com. électr. 2011, n° 4, ét. 7 187 Publicité et droit des marques § 2 Le marché du référencement sur Internet 430. L'Autorité s'est interrogée sur la question de savoir s'il fallait définir un marché pertinent de la publicité liée aux recherches, au sens du droit de la concurrence. Elle s'est aussi interrogée sur la possibilité de distinguer le search du display (A). Au sens du droit de la concurrence, un marché se définit comme le lieu où se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique et où les biens offerts sont parfaitement substituables pour les consommateurs qui peuvent alors choisir entre ceux-ci. Cette substituabilité a pour effet que chaque offreur est soumis à la concurrence par les prix des autres acteurs du même marché. L'Autorité de la concurrence, consciente qu'une substituabilité parfaite est très rare, considère que sont substituables et donc sur un même marché « les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande ». Il ressort de l'étude faite par l'Autorité qu'aucun mode de communication ne peut se substituer au référencement payant sur Internet. Par ailleurs, il est aussi apparu évident que Google, leader sur ce marché, détenait une position dominante (B). A- Le search : Un marché pertinent 431. En premier lieu, l'Autorité s'est penchée sur la question de savoir s'il existait un marché unique de la publicité comprenant la publicité sur Internet et celle en dehors. Néanmoins, elle a considéré que bien qu'il existe une certaine substituabilité entre ces deux sortes de publicité, cela ne signifiait pas qu'elles étaient sur le même marché pertinent au sens du droit de la concurrence. En effet, l'Autorité considère que cette substituabilité entre les différents médias était insuffisante et rejette ainsi les arguments avancés par Google en faveur d'un marché unique (Google avait notamment avancé en ce sens que la baisse des 188 Publicité et droit des marques dépenses de communication hors ligne coïncidait avec le développement sur Internet). 432. Après avoir considéré que la publicité en ligne constituait un marché pertinent distinct de celui de la publicité hors ligne, l'Autorité a voulu déterminer s'il y avait plusieurs marchés pertinents au sein de celui de la publicité en ligne. Elle répète alors ce qu'elle avait déjà rappelé dans sa décision n° 10-MC-01 du 30 juin 2010382, à savoir qu'elle avait « déjà reconnu l'existence d'un marché de la publicité en ligne, distinct des autres supports publicitaires » et qu'elle avait considéré que « dans l'attente d'un examen approfondi au fond, la publicité en ligne liée aux recherches [était] susceptible de constituer un marché pertinent, au sein du secteur plus vaste de la publicité en ligne ». L'Autorité rappelle que la délimitation d'un marché se fait en deux étapes. Il faut d'abord identifier les biens et les services offerts sur ce marché avant de définir la zone géographique. On peut néanmoins relever dès à présent que le marché géographique de la publicité liée aux recherches est national. L'Autorité s'attache alors à démontrer que le search constitue bien un marché pertinent. En premier lieu, elle relève que les besoins satisfaits par la publicité liée aux recherches ne sont pas les mêmes que ceux satisfaits pas le display. La première constatation est que les annonceurs préfèrent avoir recours au search lorsque l'objectif poursuivi est de pousser les consommateurs à l'achat immédiat en ligne. Au contraire, ils se tournent vers le display lorsqu'ils veulent accroitre leur notoriété et développer leur image. Le recours au search dans l'intention d'inciter le consommateur à l'achat trouve sa logique dans le fait que l'internaute est déjà dans une démarche de recherche active au cours de laquelle il a précisé ses préférences. Ce type de publicité « apparaît ainsi très en aval dans le "tunnel de décision" ». Au contraire, s'agissant du display, ce genre de publicité a pour objectif de susciter un intérêt chez le consommateur en amont de l'acte d'achat. Le public visé est alors plus large mais aussi moins ciblé. Il résulte de ces observations que le ciblage des prospects n'est pas le même. Par ailleurs, l'Autorité avance un autre argument : le search permet des campagnes plus abordables (pas de coût d'entrée, pas de minimum d'achat et l'annonceur peut limiter le CPC ainsi que le budget global alors que le display demande des frais nettement supérieurs 382 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-MC-01, 30 juin 2010, relative à la demande de mesures conservatoires présentées par la société Navx 189 Publicité et droit des marques et il y a très souvent un minimum d'achat). 433. Après avoir étudié la substitualité entre le display et le search, l'Autorité a voulu vérifier si d'autres modes de publicité proches du search en terme de ciblage de prospects tels que la publicité contextuelle, le référencement naturel ou encore Facebook ne pouvaient pas y être substitués. Elle est néanmoins parvenue à la conclusion que ces nouveaux modes de publicité ne pouvaient se substituer à la publicité liée aux recherches. L'Autorité a alors pu considérer que la substitualité entre le search et les autres types de publicité sur Internet était faible, notamment en raison de son ciblage particulier mais aussi en raison de l'absence d'une réelle alternative. B- Google en situation de position dominante 434. Après avoir considéré que la publicité liée aux recherches constituait bien un marché pertinent, l'Autorité de la concurrence a voulu se pencher sur la situation de Google au sein de ce marché. Elle est alors parvenue à la conclusion que Google détenait une position dominante. Cette constatation, comme nous allons le voir, va avoir une incidence sur la politique d'achat de mots clés du moteur de recherche, indice qui pourra être utile à notre raisonnement ultérieur. 435. Nous allons reprendre les différents arguments avancés en ce sens par l'Autorité. En premier lieu, il convient de relever que Google détient en France une part du marché du search de plus de 90 %. L'Autorité précise ensuite que le chiffre d'affaire mondial de Google sur les trois premiers trimestres de 2010 était de 21 milliards de dollars avec un revenu d'exploitation de 7 milliards de dollars, soit un ratio de 35 % (sur l'année complète le chiffre d'affaire de 2010 a dépassé les 29 milliards de dollars). En outre, il est noté que les tarifs de CPC de Google sont supérieurs à ceux de la concurrence. Cette constatation peut s'expliquer, selon l'Autorité, par le pouvoir d'attraction de Google auprès des annonceurs, celui-ci résultant de son importance et de son omniprésence sur Internet. 190 Publicité et droit des marques 436. En second lieu, l'avis s'intéresse au pouvoir de marché susceptible d'être exercé par Google. Après avoir relevé qu'il pourrait être avancé que Google ne détient pas un fort pouvoir de marché au motif que le moteur de recherche ne maitrise pas les prix des liens commerciaux puisqu'ils sont fonction des enchères faites par les annonceurs, l'Autorité note que Google peut tout de même influencer les prix. Notamment, certains des acteurs du marché interrogés relèvent que Google est, grâce au manque de transparence du fonctionnement des enchères, en mesure de manipuler ces dernières. Puis l'Autorité s'intéresse aux relations avec les annonceurs et certaines des pratiques de Google démontrent son fort pouvoir de marché. En effet, le moteur de recherche ne craint pas les réactions des clients car malgré certains de ses agissements, il ne risque pas d'en perdre beaucoup. L'Autorité cite ainsi plusieurs des comportements de Google parmi lesquels on trouve la possibilité de maintenir des dysfonctionnements dans la communication avec les clients annonceurs (réponses divergentes ou même absence de réponse aux demandes formulées), la possibilité de menacer de fermer les comptes au motif d'une violation du règlement mais aussi la possibilité de les fermer définitivement. Par ailleurs, l'exemple de la possibilité de Google de « s'abstraire de la pression concurrentielle (…) dans le cadre des relations contractuelles qu'il noue avec ses clients » qui nous intéresse plus particulièrement concerne sa politique d'achat de mots clés. En effet, l'Autorité relève que le moteur de recherche peut notamment « mettre en œuvre une politique d'achat de mots-clés contre l'avis des médias et des annonceurs ». Ainsi, comme le souligne l'avis, suite à l'arrêt Google de la CJUE383, le moteur de recherche a annoncé, qu'à compter du 14 septembre 2010, il « n'empêcherait plus l'utilisation des noms de marque comme mots-clés dans le texte des annonces et même comme mots-clés sur lesquels des entreprises autres que l'entreprise détentrice de la marque souhaitent enchérir ». Google peut alors, et c'est bien là le comble, contraindre les titulaires de marques à augmenter leurs dépenses pour l'achat du mot clé correspondant à leur marque. En conséquence, comme nous le verrons, suite à l'arrêt Google, non seulement, les titulaires de marques ne peuvent que difficilement engager la responsabilité de Google au titre de l'usage fait de leur marque mais, en outre, s'ils veulent que leur annonce soit visible, ils doivent surenchérir sur le mot clé correspondant à leur propre marque. Le géant Google ne semble donc pas être le meilleur allié des titulaires 383 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit. 191 Publicité et droit des marques de marques ! 437. Enfin, pour revenir à l'étude des éléments démontrant la position dominante de Google, il convient de s'intéresser aux barrières à l'entrée. Sur le marché biface qu'est la publicité liée aux recherches, il apparaît que Google a une position très importante sur le coté des internautes. Selon le moteur de recherche, la concurrence est « à un clic » puisque l'internaute (comme l'annonceur) n'a qu'à lancer une requête dans sa barre de recherche pour trouver un autre moteur (et cliquer dessus) et ainsi en changer sans aucun coût. Néanmoins, Google détenant une part de marché supérieure à 90 %, les annonceurs ne peuvent pas se permettre de quitter celui-ci. Google peut alors centrer ses efforts sur la partie moteur de recherche afin de contenter les internautes sans en faire autant pour les annonceurs car « il est assuré que ceux-ci resteront tant que le moteur attirera l'essentiel des requêtes ». En conséquence, la concurrence « à un clic » existe peut-être mais pas pour les annonceurs. 438. Par ailleurs, l'Autorité constate qu'il existe des barrières à l'entrée pour concurrencer le moteur de recherche de Google mais aussi son activité de search. S'agissant de l'activité de moteur de recherche, plusieurs éléments peuvent freiner l'entrée de la concurrence. Tout d'abord, les coûts fixes de la création d'un moteur de recherche généraliste sont très élevés, notamment en raison du coût du développement de l'algorithme mais aussi du coût d'hébergement des pages. En outre, l'amélioration des algorithmes, et surtout de leur pertinence, ne peut se faire qu'à partir d'un certain nombre de requêtes. Enfin, il convient de souligner le fait qu'il est établi que Google possède un nombre de pages indexées très nettement supérieur à la concurrence, ce qui peut aussi être un handicap pour les concurrents (actuels ou futurs). En outre, comme nous l'avons vu, les autres moteurs de recherche ont une fréquentation bien moins importante que celle de Google. De ce fait, le principal frein est que leur activité de publicité liée aux recherches est forcément moins lucrative. 439. Tous ces éléments ont conduit l'Autorité à conclure que Google se trouvait bien en situation de position dominante. En effet, elle affirme que « la profitabilité de Google, sa part de marché très importante qui se maintient depuis plusieurs années, le fait que Google puisse s'abstraire assez largement de l'insatisfaction des annonceurs dans le cadre des relations contractuelles qu'il noue avec eux, l'existence de barrière à l'entrée, à la fois sur le côté « internautes » et le côté « annonceurs » du marché biface de la recherche sur Internet, 192 Publicité et droit des marques sont autant d'éléments qui convergent dans le sens d'une position dominante de Google sur le marché de la publicité liée aux recherches ». 440. L'Autorité rappelle plus loin que cette position dominante n'est pas condamnable en soi et bien qu'elle ait analysé les éventuels abus d'éviction qui auraient pour effet d'écarter les concurrents et les éventuels abus d'exploitation qui permettraient à Google d'imposer des conditions « exorbitantes » à ses clients ou à ses partenaires (notamment en refusant de garantir un minimum de transparence), elle précise que, s'exprimant à titre consultatif et non contentieux, elle n'a pas à se prononcer sur la licéité de telles pratiques. De plus, elle précise que la Commission européenne a engagé des investigations approfondies au sujet de Google suite à des accusations portées par des annonceurs mécontents, afin de déterminer si le moteur de recherche avait abusé de sa position dominante s'agissant du classement des services verticaux dans les résultats naturels. En effet, il est reproché à Google d'avoir abaissé le rang de certains services et mis en avant les siens. Par ailleurs, l'Autorité a, à plusieurs reprises, rappelé que les griefs à l'encontre de Google ne relevaient pas seulement du droit de la concurrence. La possibilité pour les annonceurs de sélectionner des mots clés identiques à des noms de marques enregistrées a suscité le mécontentement de nombreux titulaires de marques qui ont alors poursuivi les annonceurs (mais aussi bien sûr les moteurs de recherche), et ce essentiellement sur le fondement d'une atteinte au droit des marques. Section 2. L'usage indu de mots clés correspondant à des marques par les annonceurs 441. Le référencement payant sur Internet, bien qu'étant un outil très utile à la fois pour les annonceurs et pour les internautes, ne fait pas l'unanimité quant à son fonctionnement. Il lui est notamment reproché de favoriser des actes de concurrence déloyale en ce qu'il permet 193 Publicité et droit des marques aux annonceurs de détourner la clientèle des titulaires de marques. En outre, ces derniers lui reprochent aussi de rendre possible certaines atteintes aux droits exclusifs des titulaires de marques sur celles-ci ou encore d'être à l'origine de publicités pouvant induire en erreur. C'est ainsi sur les fondements de contrefaçon, de concurrence déloyale ou encore de publicité trompeuse que les annonceurs, clients des prestataires de service de référencement payant et souvent concurrents des titulaires des marques dont ils font usage, ont souvent été condamnés (§1). Puis, la CJUE, dans son arrêt Google384, a jugé, sans pour autant exclure les fondements de concurrence déloyale et de pratique commerciale trompeuse, que l'usage par un annonceur de mots clés correspondant à la marque d'un tiers était susceptible de porter atteinte aux fonctions de cette marque et constituait ainsi un usage contrefaisant (§2). §1 Les terrains de condamnation de l'annonceur avant l'arrêt Google 442. Dans le cadre de leur usage de mots clés correspondant à des marques afin de déclencher l'affichage de liens commerciaux, les annonceurs ont parfois été condamnés. Ces condamnations n'ont néanmoins pas forcément le même fondement. Ainsi, les annonceurs ont pu voir leur responsabilité engagée sur le fondement de la concurrence déloyale ou encore de la publicité trompeuse (A) mais aussi au titre de la contrefaçon (B). A- Les terrains de la concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses 443. Les annonceurs qui utilisent comme mots clés dans le cadre du référencement sur Internet des marques enregistrées ont souvent été condamnés sur le fondement de la 384 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit. 194 Publicité et droit des marques concurrence déloyale ou sur celui des pratiques commerciales trompeuses notamment parce que de cet usage découle un détournement de clientèle. 444. Les condamnations pour concurrence déloyale trouvent leur fondement dans les articles 1382 et 1383 du Code civil qui énoncent respectivement que « tout fait quelconque qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et que « chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». L'article 10 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle385 énonce que « constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale ». Elle ajoute que devront notamment être interdits les faits « de nature à créer une confusion par n'importe quel moyen avec l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent ; les allégations fausses, dans l'exercice du commerce de nature à discréditer l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent ; les indications ou allégations dont l'usage, dans l'exercice du commerce, est susceptible d'induire le public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l'aptitude à l'emploi ou la quantité des marchandises ». 445. S'agissant des pratiques commerciales trompeuses, l'article L. 115-33 du Code de la consommation dispose que « les propriétaires de marques de commerce, de fabrique ou de service peuvent s'opposer à ce que des textes publicitaires concernant nommément leur marque soient diffusés lorsque l'utilisation de cette marque vise à tromper le consommateur ou qu'elle est faite de mauvaise foi ». L'article L. 121-1 du même code énonce qu'une pratique commerciale est trompeuse « lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent » mais aussi « lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur » et portant notamment sur la nature des produits ou leur origine. Les condamnations sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses n'ont, dans l'hypothèse du référencement payant, pas réellement vocation à protéger le 385 Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, telle que modifiée le 28 sept. 1979 : www.wipo.int, op. cit. 195 Publicité et droit des marques consommateur mais plutôt à lutter contre le détournement de clientèle qui résulterait de d'une méprise de la part des internautes. En effet, il peut résulter d'une telle pratique que les consommateurs se méprennent sur l'origine des produits ou croient de manière erronée qu'il existe un lien entre l'entreprise titulaire de la marque et celle dont l'annonce apparaît suite à leur requête dans le moteur de recherche. Ce fondement permet alors de lutter contre ces pratiques qui constituent, outre un risque pour le consommateur d'être trompé, un comportement déloyal envers les entreprises titulaires des marques utilisées comme mots clés. 446. Plusieurs décisions ont condamné les annonceurs, clients de prestataires de service de référencement payant sur les fondements de publicité trompeuse et de concurrence déloyale. Ainsi, le tribunal de grande instance de Lyon, dans une décision du 13 mars 2008386, a condamné un annonceur sur le fondement de la concurrence déloyale au motif que l'utilisation d'un signe afin de générer l'affichage d'annonces pour des sites concurrents était « constitutif d'une faute tendant au détournement de la clientèle ». 447. Le tribunal de commerce de Paris, dans une décision du 23 octobre 2008387, a considéré que la société qui avait choisi comme mot clé la dénomination sociale ainsi que le nom de domaine d'un concurrent avait commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de celui-ci. La société HCS qui exerçait la même activité que la société Cobrason avait choisi comme mot clé la dénomination sociale et le nom de domaine de cette dernière de sorte que lorsqu'un internaute effectuait une recherche en entrant dans sa requête le mot clé "Cobrason", un lien commercial vers le site de le société HCS apparaissait. Or, cette société ne pouvait ignorer le risque de confusion qu'elle créait et il en résulte un détournement de clientèle potentiel. Par ailleurs, le tribunal a aussi considéré que l'annonceur (ainsi que Google) avait engagé sa responsabilité au titre de la publicité trompeuse. Les juges ont retenu que l'intitulé « liens commerciaux » était trompeur car il pouvait laisser l'internaute croire en un lien commercial entre le site de l'annonceur et celui du titulaire de la marque « de sorte que ce dernier peut penser en s'adressant à une entreprise inscrite sous la rubrique lien commercial que celle-ci dispose de produits identiques voire qu'elle commercialise les produits [du titulaire de la marque] ». L'annonce publicitaire est alors de 386 TGI Lyon, 13 mars 2008, : RLDI 2008, n° 1134, L. Costes et J.-B. Auroux 387 T. com. Paris, 15e ch., 23 oct. 2008, Cobrason c/ Google : Propr. indust. 2009, comm. 8, J. Larrieu 196 Publicité et droit des marques nature à induire le consommateur en erreur. Outre, ces fondements, le grief de la contrefaçon a souvent été avancé par les titulaires de marques. B- Le terrain de la contrefaçon 448. La responsabilité des annonceurs a aussi souvent été engagée sur le fondement de la contrefaçon. En effet, il peut résulter de l'affichage d'annonces généré à la suite de la saisie d'un mot clé correspondant à une marque un risque de confusion dans l'esprit de l'auteur de la recherche entre l'annonceur et le titulaire de la marque. 449. Les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoient que « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement » et que « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ». L'article L. 716-1 du même code énonce que « l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur [et que] constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4 ». 450. C'est sur le fondement de ces articles que les tribunaux condamnent souvent les annonceurs qui font un usage de la marque de tiers dans le cadre du référencement payant. Très souvent, les titulaires de marques ont reproché aux annonceurs d'avoir commis des actes contrefaisants par le biais des liens commerciaux. Les annonceurs choisissent parfois comme mots clés des marques enregistrées par des tiers afin que leurs annonces apparaissent suite à 197 Publicité et droit des marques une requête dans laquelle un internaute aura entré ces mots clés. Bien que les marques en cause ne soient pas toujours citées dans les annonces commerciales accompagnant le lien sponsorisé et n'apparaissent pas, l'usage de la marque en tant que mot clé suffit à justifier la condamnation388. Ainsi, en décembre 2005, la société Cartephone a vu sa responsabilité engagée sur le fondement de la contrefaçon pour avoir, afin de commander l'affichage de ses annonces dans le cadre d'un service de référencement payant, utilisé comme mots clés des marques enregistrées pour des services identiques à ceux qu'elle proposait389. De même, dans un arrêt du 23 mars 2006, la cour d'appel de Versailles 390 a considéré que constituait une contrefaçon de marque l'usage du mot "eurochallenges", utilisé comme mot clé par un annonceur, pour des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels est enregistrée la marque "Eurochallenges", et ce quand bien même le signe n'apparaissait ni dans les liens commerciaux, ni dans leur titre, contenu ou adresse URL. La cour a en effet considéré que bien que le mot clé n'apparaisse pas lors de l'affichage des liens commerciaux, il n'en demeure pas mois visible pour l'internaute qui l'a entré dans sa recherche, les mots de sa requête restant affichés à l'écran en même temps que les résultats de sa recherche. En outre, le fait que les liens vers les sites des annonceurs apparaissent dans une colonne séparée sous le titre de "liens commerciaux" n'a pas pour effet d'« éviter tout risque de confusion pour un internaute moyennement attentif » qui pourra alors faire le lien entre le site de l'annonceur et le mot clé "eurochallenges" entré dans la requête. 451. C'est sur ce fondement de contrefaçon que la CJUE, dans l'arrêt Google du 23 mars 2010391, a considéré que les annonceurs qui utilisaient des mots clés correspondant à des marques enregistrées par des tiers devaient être condamnés. 388 Voir notamment CA Versailles, 12e ch., sect. 1, 2 nov. 2006 : Propr. Industr. 2007, n° 4, ét. 11, B. Fay 389 TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 8 déc. 2005, Sté Kertel c/ Google et Cartephone : Propr. industr. 2006, n° 3, comm. 24, P. Tréfigny 390 CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 23 mars 2006, Google c/ CNRRH 391 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/06 à C-238/08, Google, op. cit. 198 Publicité et droit des marques §2 L'usage par l'annonceur de mots clés correspondant à des marques : un acte constitutif de contrefaçon pour la CJUE 452. La Cour de cassation, qui a été amenée à trancher trois litiges opposant des titulaires de marques à des annonceurs clients de Google et au moteur de recherche lui-même, a décidé de sursoir à statuer et a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne notamment afin de savoir si les usages des marques faits par les annonceurs étaient constitutifs de contrefaçon. 453. Comme nous l'avons vu, c'est notamment sur ce fondement que les titulaires de marques tentent de lutter contre la sélection de mots clés correspondant à leurs marques faite par des annonceurs afin de diriger les internautes vers leurs propres sites. En outre, comme le souligne la CJUE, « s'il s'avère ainsi que la responsabilité d'annonceurs sur Internet peut, le cas échéant, être engagée en application de règles d'autres domaines du droit, telles que celles de la concurrence déloyale, il n'en demeure pas moins que le prétendu usage illicite sur Internet de signes identiques ou similaires à des marques se prête à un examen sous l'angle du droit des marques »392. 454. La CJUE a alors jugé que l'usage de mots clés correspondant à des marques enregistrées constituait bien un acte constitutif de contrefaçon (A), position qu'elle a eu l'occasion de confirmer peu de temps après l'arrêt Google (B). A- La responsabilité de l'annonceur engagée au titre de la contrefaçon 455. Par la première question de l'affaire C-238/08, la Cour de cassation demandait à la CJUE si « la réservation par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur Internet, d'un mot clé déclenchant en cas de requête utilisant ce 392 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit., point 87 199 Publicité et droit des marques mot l'affichage d'un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d'offrir à la vente des produits ou des services, d'un signe reproduisant ou imitant une marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques ou similaires, sans l'autorisation du titulaire de cette marque, [caractérisait] en elle-même une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier par l'article 5 de la directive 89/104 ». 456. L'article 5, §1 de la directive 89/104393 dispose que « la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires : a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ; b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque ». 457. Ainsi, dans ces conditions, le titulaire de la marque enregistrée peut interdire l'usage d'un signe identique à sa marque lorsque cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. Nous allons donc reprendre l'analyse de la CJUE afin de savoir si ces conditions sont remplies. ● Un usage dans la vie des affaires : 458. La Cour, après avoir rappelé quelques précisions apportées par la jurisprudence antérieure en énonçant que l'usage avait bien lieu dans la vie des affaires lorsqu' « il se [situait] dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé »394, relève que l'annonceur fait bien un usage dans la vie des affaires en achetant le service de référencement et en choisissant en tant que mot clé un signe identique à la marque d'autrui, ce mot clé constituant l'outil qui déclenche l'affichage publicitaire. Il ne peut donc s'agir d'un usage dans le domaine privé. Pourtant, pour l'avocat général395, un tel usage de la marque par les annonceurs n'a 393 Directive 89/104/CEE du 21 déc. 1988 rapprochant les États membres sur les marques, op. cit. 394 Voir notamment CJCE, 12 nov. 2002, précité, pt 40 et CJCE, 11 sept. 2007, aff. C-17/06, Céline : Rec. 2007, I, 7041, pt 17 395 Conclusions de l'avocat général Poiares Maduro, 22 sept. 2009, aff. C-236/08 à C-238/08, Google 200 Publicité et droit des marques pas lieu dans la vie des affaires car les annonceurs agissent en tant que consommateurs en sélectionnant les mots clés. Il s'agit donc pour lui d'un usage privé. Par ailleurs, il considère qu'il serait contradictoire d'exclure l'atteinte à la marque dans le cas de l'usage fait par Google, comme il le recommande à la Cour, et de l'admettre dans le cas de l'usage fait par les annonceurs en sélectionnant les mots clés. Pour lui, « cela reviendrait à dire que Google est libre d'autoriser la sélection de mots clés que personne ne pourra sélectionner » (point 151). Néanmoins, il relève que les titulaires de marque ne restent pas démunis et qu'ils pourront toujours agir lorsque les annonces sont affichées à l'attention des internautes et qu'elles engendrent un risque de confusion. Ainsi, il avait recommandé à la CJUE de retenir que « la sélection par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur Internet, d'un mot clef déclenchant, en cas de requête utilisant ce mot, l'affichage d'un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d'offrir à la vente des produits ou services, d'un signe reproduisant ou imitant une marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques ou similaires, sans l'autorisation du titulaire de cette marque, ne [constituait] pas en soi une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier en vertu de l'article 5 de la première directive 89/104 ». La Cour n'a donc pas suivi les conclusions de l'avocat général en considérant que les annonceurs n'agissaient pas en tant que consommateurs lors de la sélection de mots clés et en affirmant qu'il s'agissait alors bien d'un usage dans la vie des affaires et non d'un usage privé. ● Un usage « pour des produits ou des services » : 459. La Cour rappelle que les comportements énumérés aux articles 5, §3 de la directive 89/104 et 9, §2 du règlement n° 40/94, c'est-à-dire l'apposition du signe sur les produits ou leurs conditionnement, l'offre à la vente des produits ou des services sous le signe, l'importation ou l'exportation sous le signe et l'utilisation du signe dans les papiers d'affaires et la publicité, constituent bien des usages pour des produits ou services. S'agissant de l'affaire C-236/08, le signe est utilisé dans la publicité mais dans les deux autres affaires, il n'y a pas d'usage de signes identiques dans les annonces. La Cour considère alors que l'énumération de la directive et du règlement n'est pas exhaustive et que, par conséquent, bien que le signe utilisé n'apparaisse pas dans l'annonce, cette circonstance ne saurait 201 Publicité et droit des marques justifier que cette utilisation soit étrangère à la notion d'usage pour des produits ou services (point 65). En outre, elle précise que, comme il a été jugé en matière de publicité comparative, l'usage d'un signe identique ou similaire à la marque afin d'identifier les produits ou services offerts par un concurrent constitue un usage pour des produits ou services. La Cour en déduit que, sans s'interroger sur la qualification ou non de publicité comparative, il convient de considérer que, de même, « l'usage que l'annonceur fait du signe identique à la marque d'un concurrent pour que l'internaute prenne connaissance non seulement des produits ou des services offerts par ce concurrent mais également de ceux dudit annonceur, est un usage pour les produits ou les services de cet annonceur » et ce, quand bien même cet usage aurait pour vocation d'induire les internautes en erreur quant à l'origine des produits ou services. La Cour conclut alors sur ce point en énonçant qu'« il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que l'emploi par l'annonceur du signe identique à la marque en tant que mot clé dans le cadre d'un service de référencement sur Internet relève de la notion d'usage "pour des produits ou des services" au sens de l'article 5, §1, sous a), de la directive 89/104 » (point 73). ● Un usage susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : 460. L'exercice du droit exclusif prévu par l'article 5, §1, a) de la directive 89/104 qui a pour objectif d'assurer que la marque puisse exercer ses fonctions propres doit être réservé aux cas dans lesquels l'usage d'un signe identique à la marque porte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. La Cour rappelle alors la fonction essentielle qui est celle d'indication d'origine des produits mais aussi les autres fonctions reconnues récemment qui sont celles de communication, d'investissement ou de publicité. Elle considère qu'il convient en l'espèce de s'interroger sur le risque d'une atteinte à la fonction d'indication d'origine et à celle de publicité. ► S'agissant du risque d'une atteinte à la fonction de publicité : Après avoir rappelé la reconnaissance récente par la jurisprudence européenne d'une réalité consistant en ce que le titulaire d'une marque pouvait avoir comme objectif, outre d'indiquer grâce à sa marque la provenance de ses produits ou services, d'employer celle-ci « à des fins publicitaires afin d'informer mais aussi de persuader les consommateurs », la CJUE 202 Publicité et droit des marques considère néanmoins que l'usage d'un signe identique à une marque d'autrui dans le cadre d'un service de référencement n'est pas susceptible de porter atteinte à la fonction de publicité de la marque. En effet, le titulaire d'une marque est habilité à interdire l'usage d'un signe identique à celle-ci lorsque cet usage porte atteinte à l'emploi de la marque en tant qu'outil de promotion des ventes ou d'instrument de stratégie commerciale. Bien que la Cour ne rejette pas l'éventualité qu'un tel usage ait des répercussions sur l'emploi publicitaire de la marque ou sur la stratégie commerciale de son titulaire, elle considère que ces répercussions ne constituent pas une atteinte à la fonction publicitaire de la marque. Cette position de la CJUE a pour fondement le fait que le site internet du titulaire de la marque apparaît, suite à une recherche par un internaute, dans la liste des résultats naturels, et ce en principe sur l'un des premiers rangs de celle-ci. Il en découle une certaine visibilité des produits du titulaire de la marque indépendamment de la place que le titulaire parvient à occuper dans la liste des liens commerciaux (le prix par clic n'étant pas le seul élément pris en compte pour déterminer l'ordre d'affichage des annonces). Ainsi, pour la Cour, il résulte de ces constatations que l'usage par un tiers d'un signe identique à une marque enregistrée ne porte pas atteinte à la fonction de publicité de celle-ci. Cette position est critiquable car le titulaire d'une marque qui souhaite figurer, outre dans les résultats naturels, dans les liens commerciaux est obligé de surenchérir sur le mot clé correspondant à sa propre marque. Cela semble aberrant qu'il soit obligé de dépenser davantage pour tirer profit de sa propre marque. Par ailleurs, la Cour considère qu'il y a atteinte à la fonction de publicité de la marque lorsque l'usage en cause « porte atteinte à l'emploi de la marque, par son titulaire, en tant qu'élément de promotion des ventes ou en tant qu'instrument de stratégie commerciale » (point 92). Or, le fait que le titulaire doive surenchérir sur son propre signe afin de pouvoir obtenir un meilleur classement dans le référencement ne peut semble-t-il que porter atteinte à l'emploi de la marque « en tant qu'élément de promotion des ventes ». ► S'agissant du risque d'une atteinte à la fonction d'indication d'origine : La CJUE rappelle que la fonction de la marque est de garantir au consommateur l'identité d'origine des produits en lui permettant de les distinguer de ceux ayant une autre provenance. Elle s'interroge ensuite afin « de savoir s'il y a atteinte à cette fonction de la marque lorsqu'est montrée aux internautes, à partir d'un mot clé identique à une marque, une 203 Publicité et droit des marques annonce d'un tiers, tel qu'un concurrent du titulaire de cette marque ». Pour la Cour, la réponse dépend de la façon dont cette annonce est présentée car il y a atteinte quand « l'annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée » (point 84). Ainsi, l'atteinte peut résulter du fait que l'usage par un tiers d'un signe identique à la marque accrédite l'existence d'un lien matériel dans la vie des affaires entre les produits ou services en cause et le titulaire de la marque. La Cour considère alors que le titulaire d'une marque doit être habilité à interdire l'affichage des annonces d'un tiers lorsque les internautes risquent de penser à tort qu'elles émanent de lui. Ainsi, lorsque l'annonce d'un tiers laisse croire en l'existence d'un lien économique entre ce tiers et le titulaire de la marque, les juridictions nationales doivent en conclure qu'il y a atteinte à la fonction essentielle de la marque. 461. La Cour considère donc que les annonceurs peuvent voir leur responsabilité engagée au titre de la contrefaçon du fait de leur sélection comme mots clés de marques enregistrées par des tiers. En effet, un tel usage d'un signe identique par l'annonceur, s'il est fait pour des produits ou des services identiques à ceux couverts par la marque, porte atteinte à la fonction d'indication d'origine de la marque et caractérise la contrefaçon. Deux jours après avoir rendu l'arrêt Google, la Cour a eu l'occasion de confirmer cette position et a considéré une nouvelle fois que cet usage par l'annonceur pouvait être interdit par le titulaire de la marque s'il ne permettait pas à l'internaute de déterminer l'origine des produits visés par l'annonce. B- Les arrêts Die BergSpechte et Portakabin de la CJUE 462. La CJUE, dans l'arrêt Die BergSpechte du 25 mars 2010396 puis dans l'arrêt Portakabin du 8 juillet 2010397, a été amenée de nouveau à se prononcer sur l'usage par un 396 CJUE, 25 mars 2010, aff. C-278/08, Die BergSpechte : Propr. indust. 2010, comm. 39, A. FolliardMonguiral 397 CJUE, 8 juill. 2010, aff. C-558/08, Portakabin : Europe 2010, n° 10, comm. 340, L. Idot ; Propr. industr. 204 Publicité et droit des marques annonceur de mots clés correspondant à des marques enregistrées dans le cadre d'un service de référencement payant sur Internet. 463. S'agissant de l'arrêt Die BergSpechte, la Cour suprême autrichienne, peu après la Cour de cassation française, a interrogé elle-aussi la CJUE (CJCE) sur le liens sponsorisés et lui a notamment demandé si l'article 5, §1 de la directive 89/104 devait « être interprété en ce sens qu'une marque est utilisée d'une manière réservée au titulaire de la marque lorsque ladite marque ou un signe similaire (par exemple, l'élément verbal d'une marque figurative et verbale) est utilisée comme mot clé dans un moteur de recherche et que par conséquent, lorsque ladite est marque est entrée comme terme de recherche dans le moteur de recherche en cause, une publicité pour des marchandises ou des prestations analogues apparaît à l'écran ? 464. La Cour a relevé que le titulaire d'une marque ne pouvait s'opposer à l'usage par un tiers d'un signe identique ou similaire à celle-ci que si les conditions prévues à l'article 5, §1 de la directive 89/104 étaient remplies. La Cour rappelle l'arrêt Google et considère que l'annonceur fait bien un usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services au sens de l'article 5, §1 de la directive 89/104 lorsque s'affiche, à partir d'un mot clé identique ou similaire à une marque enregistrée qu'il a sélectionné dans le cadre d'un contrat de référencement sur internet sans l'accord du titulaire de la marque, une annonce pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée. Néanmoins, il reste à apprécier l'existence d'une atteinte aux fonctions de la marque ou du moins d'une atteinte à la fonction dite essentielle de d'indication d'origine ainsi que l'existence d'un risque de confusion selon que les signes sont identiques ou simplement similaires (les activités sont quant à elles identiques en l'espèce). Pour la Cour, les signes en cause sont seulement similaires car « un signe est identique à une marque seulement lorsqu’il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux d’un consommateur moyen » (point 25). Considérant néanmoins qu'il appartient à la juridiction nationale d'apprécier l'identité entre les deux signes, la Cour s'interroge à la fois sur l'existence d'une atteinte aux fonctions de la marque et sur l'existence d'un risque de confusion. 2010, n° 10, comm. 64, A. Folliard-Monguiral 205 Publicité et droit des marques 465. S'agissant d'une atteinte aux fonctions de la marque, celles que la Cour considère comme étant pertinentes à examiner sont celles de publicité et d'indication d'origine. La CJUE constate, tout comme elle l'a fait de façon critiquable dans l'arrêt Google, que l'usage d'un signe identique à une marque enregistrée dans le cadre d'un service de référencement sur internet n'est pas susceptible de porter atteinte à la fonction de publicité de la marque (points 33 et 34). En ce qui concerne une éventuelle atteinte à la fonction dite essentielle d'indication d'origine, la Cour rappelle une fois encore la solution de l'arrêt Google selon laquelle il y a atteinte lorsque l'annonce suggère l'existence d'un lien économique ou, ne suggérant pas un tel lien, elle reste tellement vague quant à l'origine des produits ou des services en cause qu'un « internaute normalement informé et raisonnablement attentif » ne peut déterminer si l'annonceur est un tiers par rapport au titulaire de la marque ou s'il lui est économiquement lié (point 36). Néanmoins, il convient de préciser, comme le souligne Arnaud FOLLIARD-MONGUIRAL398, que lorsque le mot clé identique ou similaire à la marque enregistrée n'apparait ni dans le lien hypertexte ni dans le message publicitaire, il semble qu'il soit moins évident de démontrer l'atteinte à la fonction de garantie d'origine car l'usage du mot clé est alors invisible aux yeux de l'internaute. Dans l'hypothèse d'une simple similitude entre les signes, la Cour juge qu'il incombe à la juridiction nationale de retenir l'existence d'un risque de confusion si l'annonce qui apparaît à partir d'un mot clé similaire à une marque ne permet pas ou difficilement à l'internaute « normalement informé et raisonnablement attentif » de savoir si les produits ou services visés proviennent du titulaire de la marque, d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou d'un tiers (point 39). 466. La Cour a alors jugé que le titulaire d'une marque est habilité à interdire à un annonceur, en vertu de l'article 5, §1 de la directive 89/104, de faire, à partir d'un mot clé identique ou similaire à cette marque que l'annonceur a sélectionné dans le cadre d'un service de référencement sur internet sans l'accord du titulaire, de la publicité pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque cette publicité ne permet pas ou permet difficilement à un internaute « normalement informé et raisonnablement attentif » de savoir si ces produits ou services proviennent du titulaire de la marque, d'une entreprise économiquement liée ou d'un simple tiers. 398 A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt BergSpechte : Droit des marques et internet (2) : la responsabilité de l'annonceur, Propr. Indust. n° 6, juin 2010, comm. 39 206 Publicité et droit des marques 467. Quelques mois après s'être prononcée s'agissant de l'affaire Die BergSpechte, la CJUE a rendu un autre arrêt ayant trait à la question de la licéité de l'usage par les annonceurs de mots clés identiques à des marques enregistrées. Il s'agissait encore une fois de déterminer si le titulaire d'une marque pouvait interdire un tel usage de celle-ci par un tiers annonceur. En l'espèce, la Cour a confirmé sa position quant au condition de l'exercice du droit exclusif du titulaire en relevant que l'usage de la marque par l'annonceur qui avait bien lieu « dans la vie des affaires », puisque le signe était ainsi utilisé « pour déclencher l'usage de son annonce » (point 27) et « pour des produits ou services de l'annonceur » (point 28), portait atteinte à la fonction d'indication d'origine de la marque puisqu'il était difficilement possible pour l'internaute de déterminer « si les produits ou les services visés par l'annonce [provenaient] du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers » (point 38). 468. Cette position protectrice des droits de marque de la CJUE quant à l'usage par les annonceurs de mots clés correspondant à des marques n'a pas été appliquée aux moteurs de recherche. En effet, là où l'on peut être étonné s'agissant de l'arrêt Google, c'est au sujet du refus de condamnation du moteur de recherche, position contraire à celle majoritaire des juges français, mais aussi et surtout de la reconnaissance par la CJUE du bénéfice par Google du statut d'intermédiaire technique. 207 Publicité et droit des marques Chapitre 2 La question de la responsabilité des prestataires de service de référencement payant 469. C'est du côté du prestataire du service de référencement qu'il faut se tourner pour se rendre compte du nombre de condamnations antérieures à l'arrêt Google. En effet, l'on peut, à l'image de Monsieur le Professeur Christophe CARON399, s'étonner du peu d'assignations des annonceurs. Il relève que c'est souvent le moteur de recherche qui est directement assigné puisque c'est lui qui fournit les moyens, grâce à ses services, de causer un préjudice à autrui. Certes, il est vrai que c'est l'annonceur qui joue un rôle actif en choisissant les mots clés et qui peut ainsi être condamné mais le prestataire du service de référencement se trouve lui aussi souvent assigné. Pourtant, on peut lire sur le site de Google l'avertissement suivant : « le générateur de mots clés recense de façon automatique une liste de requêtes courantes effectuées sur le moteur de recherche de Google, en rapport avec le mot clé que vous avez saisi. Les termes énumérés ne vous sont pas conseillés ni recommandés et Google ne peut garantir que ces mots clés amélioreront les performances de votre campagne. Nous nous réservons également le droit de désapprouver tout nouveau mot clé sélectionné. Vous êtes seul responsable des mots clés que vous sélectionnez et devez vous assurer que leur utilisation n’enfreint aucune législation ni ne porte atteinte aux droits de tiers, notamment au regard du droit des marques et de la concurrence déloyale. Avant de sélectionner un mot clé, vous devriez vérifier qu’il ne s’agit pas d’un terme protégé (marque, nom commercial, dénomination sociale) en consultant un registre des marques (ex : www.icimarques.com) et des sociétés (ex : www.euridile.com) ». Malgré cette « décharge » de la part de Google, c'est bien la responsabilité du moteur 399 Ch. Caron, Les liens sponsorisés à l'honneur, Comm. com. électr. 2009, n° 1, comm. 4 208 Publicité et droit des marques de recherche qui est recherchée. Aussi ce dernier a-t-il tenté de se réfugier derrière le statut d'hébergeur, même si celui-ci, jusqu'à il y a peu, lui était souvent refusé. 470. Ainsi, la tache qui a incombé aux juges a été de déterminer à la fois si Google se rendait coupable de contrefaçon, de concurrence déloyale ou encore de pratique commerciale trompeuse (section 1) mais aussi s'il pouvait bénéficier du régime dérogatoire de responsabilité applicable aux hébergeurs qui stockent des données sur Internet (section 2). Section 1. Un usage non constitutif de contrefaçon 471. Google ayant donné les moyens aux annonceurs de faire un usage indu des marques de tiers et s'enrichissant grâce à lui, il apparaît normal que les titulaires de marques aient cherché à engager sa responsabilité. Ils ont alors poursuivi Google sur les mêmes fondements que s'agissant des annonceurs car c'est bien le site de Google qui est à l'origine des atteintes qui peuvent leur être portées. C'est donc sur les fondements de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et de la publicité trompeuse que les tribunaux français ont eu l'occasion de sanctionner Google (§1). Cependant, l'arrêt Google de la CJUE400 s'est montré très (trop) favorable au moteur de recherche. En effet, la Cour, après avoir considéré que l'usage fait par Google ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 5, §1 de la directive 89/104, en a conclu que le moteur de recherche ne pouvait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la contrefaçon (§2). 400 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit. 209 Publicité et droit des marques §1 Avant l'arrêt Google : de nombreuses condamnations des moteurs de recherche 472. Tout comme les annonceurs, les moteurs de recherche ont vu leur responsabilité engagée sur plusieurs fondements. Bien qu'aucun de ses fondements ne semble réellement satisfaisant, nous allons nous y intéresser afin de déterminer si l'un d'entre eux apparaît plus adéquat. La première condamnation de Google fut sur le terrain de la contrefaçon (A) mais le moteur de recherche fut aussi condamné sur les terrains de la concurrence déloyale et de la publicité trompeuse (B). A- Des condamnations sur le fondement de la contrefaçon 473. En France, les moteurs de recherche, et notamment Google, ont souvent été condamnés pour contrefaçon au motif que leurs services proposaient comme mots clés à des annonceurs des marques enregistrées et que le rôle ainsi joué justifiait une telle condamnation401. C'est en 2003 que la première affaire au sujet de Google a été jugée en France402. Le tribunal de grande instance de Nanterre a alors eu l'occasion de se prononcer sur la pratique du référencement payant403 et a jugé que « l'intervention de Google (…) [était] incontestablement un acte de contrefaçon ». Deux ans plus tard, la cour d'appel de Versailles a confirmé ce jugement et a refusé d'exonérer Google de sa responsabilité dans la contrefaçon de marque commise. Elle a notamment considéré que Google aurait dû effectuer un contrôle préalable des mots clés réservés et devrait être en mesure d'interdire les mots clés contrefaisants. En outre, Google avait l'obligation de mettre un terme sans délai aux agissements contrefaisants dès lors que lui était signalée l'utilisation de mots clés frauduleux. 401 Voir le commentaire de la décision : TGI Paris, 3e ch. 2E sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google : Comm. com. électr. 2006, n° 10, comm. 144, note L. Grynbaum 402 N. Dreyfus et G. Jobbe-Duval, Publicité sur Internet et droit des marques, op. cit. 403 TGI Nanterre, 13 oct. 2003, Viaticum et Luteciel c/ Google France 210 Publicité et droit des marques 474. Sanctionner Google sur le fondement de la contrefaçon peut sembler contraire au principe de spécialité, l'activité de Google n'entrant en général pas dans le cadre de la spécialité des titulaires de marques choisies comme mots clés. Pourtant, c'est souvent ce fondement qui est retenu comme le montre une décision rendue par le tribunal de grande instance de Nanterre le 14 décembre 2004404 au sujet du litige opposant Google au Centre national de recherches en relations humaines (CNRRH) sur lequel portent notamment les questions préjudicielles posées par la Cour de cassation à la CJUE. Dans une premier temps, il est rappelé que « la contrefaçon est constituée par toute atteinte au droit sur la marque dans le cadre de la spécialité » et les juges relèvent que la société CNRRH, qui poursuit Google pour contrefaçon de sa marque « Eurochallenges », et Google ne sont pas dans une situation de concurrence. Cependant, Google, proposant cette marque à ses clients annonceurs exerçant une activité similaire à celle pour laquelle la marque est enregistrée, fait bien un usage à titre de marque, et ce quand bien même l'usage de la marque n'est pas fait de la part de Google pour des produits ou services similaires à ceux couverts par celle-ci. Par la suite, la cour d'appel de Versailles405 qui a partiellement confirmé le jugement, a notamment relevé que « [c'était] Google, et non les annonceurs, qui [avait] fait apparaître à l’écran le terme litigieux, afin d’attirer les internautes sur leur site respectif sur lequel sont proposés des services identiques ou similaires à ceux couverts par la marque ». La cour considère en outre que Google a bien fait un usage commercial du signe en fournissant l'outil technique permettant la mise en œuvre de l'affichage des annonces et que cet usage commercial a bien été réalisé pour des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, cet usage ayant eu pour objet de renvoyer les internautes vers des sites proposant des services similaires à ceux proposés par le titulaire de la marque. Elle ajoute qu'il n'est pas nécessaire que l'auteur de la contrefaçon en soit le bénéficiaire et que la responsabilité de Google est alors engagée pour avoir fourni une prestation publicitaire faisant usage d'une marque enregistrée, prestation ayant pour objet de promouvoir les services proposés par un concurrent de cette marque. 475. Dans l'affaire opposant Google à Louis Vuitton sur laquelle porteront aussi les questions préjudicielles posées par la Cour de cassation à la CJUE, les juges de première 404 TGI Nanterre, 2e ch., 14 déc. 2004, Sté CNRRH c/ Google : Propr. indust. 2005, comm. 26, P. Tréfigny 405 CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 23 mars 2006, Google c/ CNRRH, op. cit. 211 Publicité et droit des marques instance ont eux-aussi condamné Google pour contrefaçon. Ils ont en effet considéré que Google qui proposait d'associer les mots clés "Louis Vuitton", "LV", etc. avec des termes tels que "copies", "imitation", "fake"..., se rendait coupable de contrefaçon406 (ainsi que de concurrence déloyale et de publicité trompeuse). On notera qu'en l'espèce l'annonceur luimême n'a pas été poursuivi : peut-être est-il plus intéressant et donc suffisant de poursuivre un géant plutôt que celui qui a commis les faits ?! Par ailleurs, comme le constate Élisabeth TARDIEU-GUIGUES407, la qualification de contrefaçon n'est pas évidente, Google exerçant une activité de publicité pour laquelle la marque Vuitton n'a pas été enregistrée. Elle rappelle que l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ne sanctionne que la reproduction ou l'imitation d'une marque pour des produits ou services similaires à ceux pour laquelle la marque est enregistrée. Il aurait été peut-être plus approprié de condamner Google sur le fondement de l'article L. 713-5 du même code qui prévoit que la reproduction ou l'imitation d'une marque renommée pour des produits non similaires engage la responsabilité de son auteur si cet usage est susceptible de porter préjudice au titulaire de la marque. 476. C'est en raison du principe de spécialité que certains tribunaux refusent de condamner Google pour contrefaçon puisque le moteur de recherche ne propose pas les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée408. Pour qu'il y ait effectivement un rapport de concurrence, il faudrait que les marques aient été « réservées pour des activités publicitaires ou de communication en ligne »409. Pour Frédéric GLAIZE, si ces tribunaux écartent la contrefaçon « c'est parce qu'ils estiment que le principe de spécialité qui limite la portée des droits attachés à une marque constitue une frontière que Google n'a pas franchie »410. Il convient tout de même de préciser que cette position des tribunaux est contraire à celle, constante, des juridictions d'appel411 et que les condamnations pour 406 TGI Paris, 3e ch., 2e section, 4 févr. 2005, Louis Vuitton Malletier c/ Google : Propr. indust. 2005, ét. 21, E. Tardieu-Guigues 407 E. Tardieu-Guigues, L'utilisation des marques par les moteurs de recherche comme mot de référence estelle toujours une contrefaçon ? : Propr. indust. n° 10, oct. 2005, ét. 21 408 L. Grynbaum, Pour un code de bonne conduite applicable aux liens commerciaux, RLDI 2007/23, n° 747 409 A. Mendoza-Caminade, Les nouveaux visages de la contrefaçon, les attaques inédites contres les marques sur l'internet : le cas des mots-clés de référencement in Les métamorphoses de la marque, Actes du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 148 410 F. Glaize, Liens publicitaires : suggérer, est-ce contrefaire ?, RLDI 2008/36, n° 1220 411 Ibid. 212 Publicité et droit des marques contrefaçon sont majoritaires412. 477. Les juges parisiens, ont quant à eux, choisi leur camp en refusant à plusieurs reprises de condamner Google pour contrefaçon. Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris, dans une décision du 8 décembre 2005413 concernant un litige entre Google et la société Kertel, a jugé que le fait de proposer un mot clé à un annonceur ne constituait pas un acte de contrefaçon et que l'usage de la marque pour référencer les liens commerciaux de l'annonceur ne constituait pas un usage pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée et que, ainsi, l'identité de produits ou services exigée par l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle n'était pas réalisée. Dans l'affaire opposant Google à Gifam, le tribunal, dans une décision du 12 juillet 2006414, a jugé que la responsabilité de Google ne devait pas être recherchée sur le fondement de la contrefaçon de marque au motif que le moteur de recherche ne faisait pas un usage illicite de la marque lorsque les mots clés étaient proposés aux annonceurs puisqu'il « ne sait pas a priori si l'annonceur va choisir cette marque et dans l'hypothèse d'un choix si son client est autorisé à l'utiliser par exemple en tant que distributeur de produits authentiques ou licencié ». 478. Néanmoins, de nombreux juges n'ont pas hésité à condamner Google sur le fondement de la contrefaçon, et ce malgré le principe de spécialité, comme ce fut le cas notamment de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 6 décembre 2007 415 au motif que le moteur de recherche avait proposé en tant que mots clés des marques à un annonceur dont l'activité était en rapport avec celle du titulaire de la marque. Pour la cour, la contrefaçon est ainsi constituée d'autant « qu'il n'est pas nécessairement requis que l'usage de la marque contrefaisant soit effectué "en tant que marque" ». 479. Fonder la condamnation des moteurs de recherches sur la contrefaçon ne semble pas être la solution la plus appropriée. En effet, bien que les pratiques des prestataires de 412 E. Tardieu-Guigues, Liens commerciaux, contrefaçon ou non ? A la recherche d'une solution convaincante..., RLDI 2008/36, n° 1194 413 TGI Paris, 3e ch, 2e section, 8 déc. 2005, Kertel c/ Google : www.legalis.net 414 TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google : Comm. com. électr. 2006, n° 10, comm. 144, note L. Grynbaum, op. cit. 415 CA Aix-en-Provence, 2e ch., 6 déc. 2007, RLDI 2008/ 34, n° 1137, obs. J.-B. Auroux 213 Publicité et droit des marques référencement soient condamnables en ce qu'elles portent atteinte aux droits des titulaires de marques, ou du moins en ce qu'elles le permettent, il ne semble pas falloir chercher à fonder les condamnations sur la contrefaçon. Peut-être faut-il regarder du côté de la concurrence déloyale ou des pratiques commerciales trompeuses. B- Des condamnations sur les terrains de la concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses 480. Les moteurs de recherche ont vu leur responsabilité engagée sur d'autres motifs que la contrefaçon. Tout comme pour les annonceurs, les juges ont parfois sanctionné les prestataires de services de référencement sur Internet sur les fondements de la concurrence déloyale ou encore des pratiques commerciales trompeuses. 481. S'agissant de la concurrence déloyale, on peut tout autant trouver à s'étonner de ce fondement que de celui de la contrefaçon. En effet, en principe, l'action en concurrence déloyale devrait se limiter au principe de spécialité. Néanmoins, comme le souligne Monsieur le Professeur Jacques LARRIEU, « la jurisprudence n'exige plus un rapport de concurrence »416. Aussi, bien qu'une telle condamnation semble justifiée, tout comme en matière de contrefaçon, en vertu du principe de spécialité, Google ne saurait en principe être condamné pour concurrence déloyale étant donné que le moteur de recherche n'est en général pas en situation de concurrence avec les titulaires de marques. Cependant, très souvent, les juges retiennent l'action en concurrence déloyale même en l'absence de situation de concurrence entre les parties417. Ainsi, le tribunal de commerce de Paris, dans une affaire opposant Google à la société Cobrason418 a considéré que Google avait « commis un acte de concurrence déloyale en créant un risque de confusion dans l’esprit du public en commercialisant à un concurrent 416 J. Larrieu, Le moteur de recherche bridé par la concurrence déloyale, Propr. industr. 2009, n° 1, comm. 8 417 Cass. com., 12 févr. 2008, Sté Yoplait c/ Sté La Fermière : Contr. conc. conso. 2008, n° 4, comm. 103, M. Malaurie-Vignal ; D. 2008, p. 2573, Y. Picod 418 T. com. Paris, 15e ch., 23 oct. 2008, Cobrason c/ Google : Propr. indust. 2009, comm. 8, J. Larrieu 214 Publicité et droit des marques la dénomination sociale Cobrason et le nom de domaine Cobrason.com ». En effet, le tribunal a considéré que Google, en proposant le mot clé "Cobrason" puis en faisant apparaître le site de l'annonceur, concurrent du titulaire de la marque, dans les liens sponsorisés, avait engendré un risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne qui pouvait alors se méprendre et confondre le site du lien commercial avec celui ayant pour nom de domaine ce même mot clé et appartenant au titulaire de la marque. 482. Certains tribunaux, au contraire, se sont montrés réticents à condamner Google sur ce fondement. C'est le cas du TGI de Nice419 qui avait relevé qu'il n'existait pas de rapport de concurrence entre la société Google et la société demanderesse et qui avait considéré que « la notion "d'aide et de fourniture de moyens" (…) est propre au droit pénal et parfaitement étrangère au droit civil ». Les juges ont tout de même précisé que dans l'hypothèse où l'atteinte causée à la société demanderesse serait manifeste, Google, « bien que n'étant pas [l'auteur] des actes déloyaux, se [devrait] néanmoins de mettre en œuvre des procédures de contrôle et d'alerte permettant de faire cesser sans délai de telles atteintes manifestes, sauf à engager [sa] responsabilité civile ». 483. Ainsi, bien que le fondement de la concurrence déloyale ne semble pas pertinent dans le cas du référencement payant, il n'en demeure pas moins possible de condamner Google sur le terrain de la responsabilité civile en raison de sa négligence. C'est à ce titre que les juges parisiens qui, ayant refusé de condamné Google pour contrefaçon, l'ont tout de même sanctionné. En effet, par exemple, dans l'affaire opposant Google à Kertel420, le TGI de Paris a considéré que Google avait commis une faute et que celle-ci engageait sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil au motif que le moteur de recherche n'avait effectué aucun contrôle préalable des mots clés réservés par les annonceurs qui pourraient porter atteinte à des droits détenus pas des tiers et qu'il avait ainsi favorisé une activité contrefaisante. De même, dans l'affaire Gifam421, le même tribunal a jugé que Google avait commis une faute en ne mettant pas un « dispositif de contrôle a priori de la licéité de l'utilisation par ses annonceurs dans son système AdWords de mots clés constituant des signes, objet de droits privatifs ». 419 TGI Nice, 3e ch, 7 févr. 2006, TWD Industries c/ Google : www.legalis.net 420 TGI Paris, 3e ch, 2e section, 8 déc. 2005, Kertel c/ Google, op. cit. 421 TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google, op. cit. 215 Publicité et droit des marques La cour d'appel de Versailles422, quant à elle, a retenu que bien que Google n'ait pas une obligation de surveillance générale s'agissant de la sélection de mots clés effectuée par ses clients annonceurs, le moteur de recherche « [devait] être en mesure d'interdire l'utilisation de mots clés manifestement illicites ». En l'espèce, Google avait été, à plusieurs reprises, mis en demeure par les titulaires de la marque "Eurochallenges" de cesser de vendre celle-ci à ses clients mais les lettres étaient restées vaines. Il en résulte que Google ne pouvait se prévaloir de son ignorance quant à l'illicéité des mots clés, d'autant que la vérification préalable que les mots clés choisis ne constituaient pas des reproductions ou imitations de marques françaises « s'avère parfaitement compatible avec les possibilités d'information dont dispose une société spécialisée dans la communication internet ». Néanmoins, à l'inverse, le TGI de Strasbourg, dans une décision du 20 juillet 2007423, a considéré que l'exigence d'un contrôle préalable de la licéité des liens commerciaux hébergés sur son site « serait sinon impossible, du moins matériellement très difficile à respecter et en tout état de cause disproportionnée par rapport à la nature de ses activités et notamment de son service AdWords (…), compte tenu de la possibilité pour les annonceurs de modifier leurs mots-clés à tout moment ». 484. S'agissant de la publicité trompeuse, les juges niçois ont considéré que « le programme AdWords (…) ne saurait être intrinsèquement comme de nature à induire en erreur », notamment au motif que les annonces sont « cantonnées » sous la rubrique "liens commerciaux", sur la droite de l'écran424. Le tribunal juge ainsi que Google ne s'est rendu coupable, ni d'acte de concurrence déloyale ni de publicité trompeuse. 485. Néanmoins, plusieurs décisions ne sont pas allées dans le sens de cette position et ont condamné Google sur ce fondement de pratique commerciale trompeuse. Ainsi, la cour d'appel de Paris425, dans l'arrêt dans lequel elle a confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris dans l'affaire opposant Google à Louis Vuitton condamnant Google pour contrefaçon, a considéré par ailleurs, s'agissant de l'appréciation de l'acte de publicité trompeuse, que la mention "liens commerciaux" était en elle-même trompeuse en 422 CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 23 mars 2006, Google c/ CNRRH, op. cit. 423 TGI Strasbourg, 1e ch. Civ., 20 juill. 2007, Sté Atry c/ Google : Propr. indust. 2007, comm. 87, P. Tréfigny 424 TGI Nice, 3e ch, 7 févr. 2006, TWD Industries c/ Google, op. cit. 425 CA Paris, 4e ch, sect. A, 28 juin 2006, Google c/ Louis Vuitton 216 Publicité et droit des marques ce qu'elle pouvait laisser penser à l'internaute que les sites situés sous cette rubrique entretenaient des liens commerciaux avec la société Louis Vuitton et que les produits ainsi proposés par les sites clients de Google étaient authentiques. Pour la cour d'appel, une telle pratique est contraire à l'article 20 de la loi NRE du 21 juin 2004 qui dispose que « toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée ». De même, dans les décisions rendues par le tribunaux de commerce et de grande instance de Paris dans les affaires Cobrason426 et Gifam427, les juges ont considéré que Google s'était rendu coupable de publicité trompeuse au motif que l'intitulé « liens commerciaux » était trompeur puisqu'il pouvait laisser l'internaute penser qu'il existait un lien commercial entre le site apparaissant sous la rubrique des liens sponsorisés et le site du titulaire de la marque et ainsi aller jusqu'à croire que le site commercialisait les produits du titulaire de la marque. 486. Néanmoins, il convient de relever l'argument de Monsieur le Professeur Luc GRYNBAUM qui considère qu'une condamnation sur le fondement de la publicité trompeuse suppose que le prestataire de service de référencement payant soit assimilé à l'annonceur. Or, c'est seulement ce dernier qui construit sa publicité et qui bénéficie des retombées428. Pourtant, comme l'on vient de le voir, Google s'est vu condamné sur ce fondement à plusieurs reprises, et ce sans que les juges n'aient « caractérisé en quoi la prestation de Google constituait une publicité »429. 487. Après avoir étudié les différents fondements de condamnations des moteurs de recherches, il ressort qu'aucun d'entre eux ne semble réellement approprié, mis à part peutêtre celui de la responsabilité pour faute (encore faut-il que celle-ci soit établie...). C'est donc du côté de la CJUE qu'il faut se tourner pour espérer obtenir la solution. Malheureusement pour les titulaires de marques, la position de la Cour ne s'est pas montrée à la hauteur de 426 T. com. Paris, 15e ch., 23 oct. 2008, Cobrason c/ Google, op. cit. 427 TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google, op. cit. 428 L. Grynbaum, Pour un code de bonne conduite applicable aux liens commerciaux, op. cit. 429 C. Maréchal, Liens « sponsorisés » et droit des marques : les suites de l'arrêt Google, Gaz. pal., déc. 2010, n° 352, p. 5 217 Publicité et droit des marques leurs espérances, bien au contraire ! §2 Le rejet par la CJUE de la condamnation pour contrefaçon des moteurs des recherche 488. La CJUE a jugé que le prestataire du service de référencement payant ne se rendait pas coupable de contrefaçon puisqu'il ne faisait pas un usage du signe au sens de l'article 5 de la directive 89/104 (A). Cette solution très favorable aux moteurs de recherche invite à quelques remarques, et ce notamment en raison d'une incertitude quant à l'appréciation de l'usage de la marque (B). A- L'usage de la marque par Google : un acte non contrefaisant 489. Nous allons voir que la Cour a jugé que non seulement Google ne faisait pas un usage de la marque au sens de l'article 5, §1 de la directive 89/104 mais qu'il ne le faisait pas non plus au sens de ce même article sous le §2. 1) La relation entre la notion d'usage d'une marque et la finalité de communication 490. Par la première question de l'affaire C-236/08, première question de l'affaire C- 237/08 et deuxième question de l'affaire C-238/08, la Cour de cassation interroge la CJUE afin de savoir si l'article 5, §1, sous a) et b) de la directive 89/104 devait « être interprété en ce sens que le prestataire de service de référencement payant qui met à la disposition des annonceurs des mots clés reproduisant ou imitant des marques déposées, et organise par le 218 Publicité et droit des marques contrat de référencement la création et l'affichage privilégié, à partir de ces mots clés, de liens promotionnels vers des sites sur lesquels sont proposés des produits identiques ou similaires à ceux couverts pas l'enregistrement de marques, fait un usage de ces marques que leur titulaire est habilité à interdire ». 491. En vertu de l'article 5, §1, a) de la directive 89/104, le titulaire d'une marque est habilité à interdire l'usage par un tiers, sans son consentement, d'un signe identique à sa marque lorsque cet usage a lieu dans la vie des affaires, pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée, et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. Néanmoins, la CJUE a considéré que le prestataire d'un service de référencement sur internet, qui stockait, en tant que mot clé, un signe identique à une marque et organisait l'affichage d'annonces, à partir de celui-ci, ne faisait pas un usage du signe au sens des dispositions de l'article 5, §1 et 2 de la directive 89/104. En effet, la Cour a considéré que pour qu'il s'agisse d'un tel usage, il aurait dû avoir lieu « dans le cadre de la propre communication commerciale » du moteur de recherche. Par conséquent, elle a jugé qu'un tel emploi de mot clé correspondant à des marques dans un service de référencement payant ne constituait pas une contrefaçon, et ce même dans l'hypothèse où les titulaires de ces marques n'avaient pas consenti à un tel usage. 492. En effet, la CJUE, après avoir rappelé, comme nous l'avons déjà vu, qu'un usage a lieu dans la vie des affaires dès lors qu'il se situe dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique, a considéré que tel n'était pas le cas de l'usage fait par Google. Ainsi, bien que le prestataire opère dans la vie des affaires lorsqu'il permet à des annonceurs de sélectionner des mots clés identiques à des marques, stocke ces signes et affiche les annonces, il ne fait pas lui même un usage de ces signes au sens de l'article 5 de la directive. Cette affirmation résulte du fait que le prestataire ne fait pas un usage du signe « dans le cadre de sa propre communication commerciale » (point 56). Ainsi, la Cour reconnaît que l'usage qui porte atteinte aux marques doit se faire dans le cadre de la communication de celui qui le fait. Pourtant, elle a considéré (s'agissant des annonceurs) qu'un tel usage ne portait pas atteinte à la fonction de publicité de la marque. Or, si un tiers utilise la marque d'autrui pour promouvoir ses produits ou services, indirectement, il semble que cet usage porte atteinte à la fonction de publicité. Comme nous l'avons dit, la 219 Publicité et droit des marques marque est un « véhicule publicitaire »430 et constitue un condensé des campagnes de communication dont elle a fait l'objet. Ainsi, il apparaît que la marque est un élément publicitaire. Alors, comment la Cour peut-elle considérer que l'usage par l'annonceur, qui a bien lieu dans le cadre de sa propre communication commerciale et qui détourne ainsi un instrument publicitaire ne porte pas atteinte à la fonction de publicité de la marque alors même qu'il rend plus onéreuse et donc plus difficile la communication de la marque du titulaire ? 493. S'agissant du moteur de recherche, la CJUE n'a pas eu à se prononcer sur l'atteinte éventuelle portée à la fonction publicitaire de la marque, les conditions de la protection conférée par la directive étant cumulatives et la première n'étant pas remplie. Elle a alors pu arrêter là son raisonnement. 2) La question des marques renommées 494. Par la deuxième question de l'affaire C-236/08, la Cour de cassation a interrogé la CJUE afin de savoir si le prestataire d'un service de référencement payant sur Internet qui stockait un signe correspondant à une marque renommée en tant que mot clé et organisait ainsi l'affichage d'annonces à partir de celui-ci, faisait un usage de ce signe qui pouvait être interdit par le titulaire de la marque en vertu de l'article 5, §2 de la directive 89/104 (ou en vertu de l'article 9, §1, sous c) du règlement 40/94, en cas de marque communautaire renommée). 495. La CJUE relève que Google permettait aux annonceurs qui proposaient des imitations sur leurs sites de sélectionner des mots clés correspondant aux marques de Vuitton, associés à des mots clés tels que « imitation » et « copie ». La Cour rappelle ensuite ce qu'elle avait déjà jugé dans l'arrêt L'Oréal431, c'est-à-dire que, dans le cas d'offre à la vente d'imitations, « lorsqu’un tiers tente par l’usage d’un signe similaire à une marque renommée de se placer dans le sillage de celle-ci afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et 430 M. Vivant, Marque et fonction sociale de la marque, in Les défis du droit des marques au XXIè siècle : Actes du colloque en l'honneur du Professeur Yves Reboul, op. cit. 431 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, précité, pnt 49 220 Publicité et droit des marques de son prestige, ainsi que d’exploiter, sans aucune compensation financière et sans devoir déployer des efforts propres à cet égard, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l’image de cette marque, le profit résultant dudit usage doit être considéré comme indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque ». La Cour considère en effet que cette jurisprudence est pertinente lorsque des annonceurs sur Internet offrent à la vente des imitations de produits de marques renommées en utilisant des signes identiques à ces marques. Néanmoins, en l'espèce, elle juge que, étant donné, comme elle l'a dit plus haut, que les actes du prestataire du service de référencement payant sur Internet ne constituaient pas un usage au sens des articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement 40/94, le prestataire qui stocke, en tant que mot clé, un signe identique à une marque renommée et organise l'affichage d'annonces à partir de celui-ci ne fait pas un usage de ce signe au sens de ces articles. B- Observations 496. Cette position de la Cour mérite quelques remarques notamment s'agissant de son refus de condamnation de la complicité de contrefaçon mais aussi de sa définition de l'usage contrefaisant qu'il faut analyser à la lumière d'un arrêt rendu très récemment, l'arrêt eBay432. 1) Observations quant au refus de condamnation de la complicité de contrefaçon 497. Comme l'on vient de le voir, la Cour a jugé que, puisqu'il ne faisait pas un « usage » des signes identiques aux marques, le prestataire de service de référencement payant ne se rendait pas coupable de contrefaçon. Ce que la CJUE semble avoir en réalité rejeté c'est la 432 CJCE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, eBay : RLDI 2011/74, n° 2459, L. Grynbaum ; RLDI 2011/74, n° 2460, C. Castetsrenard ; Propr. industr. 2011, n° 10, comm. 71, A. Folliard-Monguiral 221 Publicité et droit des marques complicité de contrefaçon. Elle écarte ainsi les actions contre ceux qui fournissent les moyens de porter atteinte aux marques433. Comme le relève Madame le Professeur Laure MARINO, ce rejet de la complicité de contrefaçon semble aller dans le sens de l'esprit du droit européen des marques et brise ainsi une jurisprudence française favorable à la contrefaçon de marque par fourniture de moyens 434. Elle note, en effet, qu'en France la responsabilité pour fourniture de moyens est admise. Ainsi, celui qui fournit à autrui une chose qui peut être utilisée pour nuire est responsable des préjudices causés. Cette responsabilité pour fourniture de moyens de l'usage non autorisé de la marque d'autrui est d'ailleurs celle que Monsieur le Professeur Luc GRYNBAUM435 considère comme étant la plus pertinente parmi les différents chefs de condamnation retenus par les juridictions françaises contre Google. En effet, bien que l'annonceur soit responsable à titre principal car c'est lui qui choisit parmi les mots clés la marque d'autrui, Google peut aussi être tenu pour responsable, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, car, en fournissant à ses clients une liste de mots clés « parmi lesquels se trouvent des marques, il donne les moyens aux annonceurs de proposer des articles de contrefaçon ou de se livrer à des actes de concurrence déloyale »436. Néanmoins, la Cour ne partage pas cet avis puisqu'elle a rejeté le "contributory infringement" en suivant ainsi les recommandations de l'avocat général qui s'opposait à « l'idée que l'action de contribuer à une contrefaçon de marque commise par un tiers, que cette contrefaçon soit réelle ou potentielle, puisse constituer une atteinte à la marque en elle-même »437. Pour l'avocat général, les systèmes qui facilitent l'accès à l'information et à la fourniture de celle-ci comportent obligatoirement des risques car ils peuvent être employés à mauvais escient. Il rappelle par ailleurs les abus qui peuvent résulter d'une telle condamnation pour complicité de contrefaçon en citant l'exemple d'un studio de cinéma hollywoodien qui a introduit une action aux États-Unis afin de faire interdire la fabrication et la vente de magnétoscope. 433 L. Marino., Google au pays des publicités : du droit des marques au droit de la responsabilité, JCP G, n° 23, 7 juin 2010, 642 434 Ibid. 435 L. Grynbaum, Google AdWords : l'hébergeur, un prestataire nécessairement passif, RLDI 2010/60, n° 1980 436 Ibid. 437 Conclusions de l'avocat général Poiares Maduro, 22 sept. 2009, op. cit., point 119 222 Publicité et droit des marques 2) L'usage du signe dans le cadre de quelle communication commerciale ? 498. La CJUE, dans l'arrêt Google, a considéré que l'usage fait par le moteur de recherche de signes identiques à des marques ne constituait pas un usage au sens de l'article 5, §1 de la directive car il n'avait pas lieu « dans le cadre de sa propre communication commerciale » (point 56). En effet, elle relève qu'il n'en fait pas lui-même un usage, mais seulement qu'il le permet à ses clients. Par conséquent, le moteur de recherche « ne fait pas un usage de ce signe en tant que marque dans la vie des affaires »438. L'usage interdit semble n'être que l'usage pour son propre compte, du moins « dans le cadre de sa propre communication commerciale ». Ainsi, comme le relève Madame le Professeur Laure MARINO, « l'usage interdit est donc l'usage direct. Celui qui permet cet usage, sans faire l'usage lui même, n'est pas contrefacteur »439. Pourtant, un arrêt très récent, l'arrêt eBay du 12 juillet 2011440, invite à s'interroger sur la nature de l'usage prohibé. 499. Cet arrêt était relatif à l'usage fait par la place de marché en ligne eBay de signes correspondant à des marques telles que celles de L'Oréal, choisis comme mots clés dans le cadre du service de référencement payant de Google. Le choix de ces mots clés par eBay avait pour objet de promouvoir à la fois son propre service de place de marché en ligne mais aussi « des offres à la vente de produits de marques émanant de ses clients vendeurs » (point 91). Il est donc demandé à la CJUE si « le titulaire d’une marque est habilité à interdire à l’exploitant d’une place de marché en ligne de faire, à partir d’un mot clé qui est identique à cette marque et qui a été sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet par cet exploitant sans le consentement dudit titulaire, de la publicité pour cette place de marché et les produits de ladite marque qui y sont proposés ». La Cour relève dans un premier temps qu'eBay, étant client du service adwords de Google dans lequel il a choisi comme mots clés des marques enregistrées, est bien un annonceur. Il résulte de cette constatation que l'usage a bien lieu « dans la vie des affaires » (point 85). 438 A. Mendoza-Caminade, Les nouveaux visages de la contrefaçon, les attaques inédites contres les marques sur l'internet : le cas des mots-clés de référencement in Les métamorphoses de la marque, Actes du colloque du 4 juin 2010, op. cit., p. 149 439 L. Marino, Google au pays des publicités, du droit des marques au droit de la responsabilité, op. cit. 440 CJCE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, eBay, op. cit. 223 Publicité et droit des marques Puis, la Cour considère que, bien qu'eBay, dans le cadre de la promotion de ses propres services, n'ait pas fait « un usage pour des produits ou des services » identiques ou similaires à ceux pour lesquels ces marques sont enregistrées (point 89)441, dans la mesure où elle a utilisé comme mot clé des marques enregistrées pour promouvoir les produits de ses clients, elle a bien fait un usage « pour des produits ou services » au sens de la directive 89/104 (point 91). Comme le relève Céline CASTETSRENARD, « il y a un certain artifice à vouloir dissocier l'activité de promotion de la plate-forme commerciale de celle de ses clients, car en faisant de la publicité au profit de ses clients (…), la société eBay fait nécessairement sa propre publicité »442. 500. La Cour rappelle alors ce qui avait déjà été énoncé dans le point 60 de l'arrêt 443 Google : que « l'expression "pour des produits ou des services" ne porte pas exclusivement sur les produits ou les services du tiers qui fait l'usage des signes correspondant aux marques mais peut aussi porter sur les produits ou les services d'autres personnes »(point 91). 501. C'est ce qui avait été déjà affirmé par une ordonnance de la Cour du 19 février 2009444 dans laquelle elle avait énoncé que constituait un usage « une situation (…) dans laquelle un intermédiaire commercial, agissant en son nom propre mais pour le compte du vendeur et n’étant pas, dès lors, une partie intéressée dans une vente de marchandises dans laquelle il est lui-même une partie liée, utilise, dans ses papiers d’affaires, un signe identique à une marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ». 502. Aussi, il convient de s'interroger sur ces deux positions qui semblent être en contradiction. D'une part, dans l'arrêt Google, la Cour énonce que l'usage interdit au tiers est celui qui est fait dans le cadre de sa propre communication ; et d'autre part, elle considère 441 L'usage pourra alors seulement être examiné au regard du §2 de la directive 89/104 relatif aux marques renommées (point 90 de l'arêt) 442 Note sous arrêt, C. Castetsrenard, Après Google, eBay : contrefacteur ? Passif ou actif ? Telles sont les questions..., RLDI, 2011/74, n° 2460 443 « L'expression "pour des produits ou services " identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée (…) porte, en principe, sur les produits ou les services du tiers qui fait usage du signe identique à la marque (...). Le cas échéant, elle peut également porter sur les produits ou les services d'une autre personne pour le compte de laquelle le tiers agit » 444 CJUE, ord. 19 fév. 2009, UDV North America, C-62/08, Rec. p. I-1279, point 54 224 Publicité et droit des marques que cet usage peut être fait pour les produits ou services de tiers. Que comprendre ? Certes, dans la première hypothèse, il s'agit de savoir si l'usage a bien lieu dans la vie des affaires et dans la seconde, s'il est bien fait pour des produits ou services (identiques ou similaires à ceux visés à l'enregistrement). Néanmoins, cela semble quelque peu déroutant d'envisager que l'usage d'un signe identique ou similaire à une marque fait par un tiers pour sa propre communication puisse avoir pour objet la promotion de produits ou services d'une autre personne ! Par ailleurs, une autre question se pose : si les liens sponsorisés n'avaient constitué une publicité que pour les offres à la vente des clients d'eBay et non pour la place de marché en ligne445, aurait-il fallu considéré qu'il s'agissait d'un usage dans le cadre de la « propre communication » d'eBay et ainsi d'un usage « dans la vie des affaires » ? Il semble à première vue falloir considérer que oui, eBay ayant un intérêt direct à attirer les clients de ses propres clients vendeurs sur son site. Pourtant, comme l'avait relevé l'avocat général Poiares Maduro dans ses conclusions446, Google aussi a un intérêt direct à ce que les internautes cliquent sur les liens renvoyant vers les sites des annonceurs... 503. Ainsi, eBay, contrairement à ce qui avait été jugé pour Google, pourra voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la contrefaçon s'il est établi que l'usage du signe en cause porte ou est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque. Malheureusement pour les places de marché en ligne, (mais heureusement pour les titulaires de marques ! ), elle ne bénéficient pas de la même bienveillance de la part de la CJUE que les moteurs de recherche. Il semble falloir en déduire que la volonté de la Cour de favoriser les nouvelles technologies comporte tout de même, et l'on ne peut que s'en réjouir, certaines limites. 504. Bien que la Cour ait rejeté la condamnation du moteur de recherche pour contrefaçon, les titulaires de marques ne sont pas pour autant démunis face aux atteintes portées à leur droit exclusif à la condition néanmoins que le prestataire de service de référencement ne puisse bénéficier du régime dérogatoire de responsabilité des hébergeurs. 445 Comme l'ont souligné l'avocat général Jääskinen (point 89 de ses conclusions) ainsi que la Cour (point 85 de l'arrêt) 446 Conclusions de l'avocat général Poiares Maduro, 22 sept. 2009, op. cit. 225 Publicité et droit des marques Section 2. Le bénéfice du statut d'hébergeur ? 505. Comme nous venons de le voir, le prestataire du service de référencement a souvent été condamné et ce, sur les mêmes fondements que l'annonceur. Les moteurs de recherche ont alors essayé de se réfugier derrière le statut d'hébergeur afin de bénéficier d'une exonération de responsabilité. Ce bénéfice leur a néanmoins été refusé dans la quasi totalité des décisions antérieures à l'arrêt rendu en 2010 par la CJUE dans l'affaire Google. Contrairement à la jurisprudence française majoritaire, la CJUE a considéré que les moteurs de recherche pouvaient bel et bien bénéficier du régime dérogatoire de responsabilité des hébergeurs (§1). C'est ainsi, malheureusement pour les titulaires de marques, une victoire pour les prestataires de service de référencement payant : ils sont à l'abri d'éventuelles condamnations pour contrefaçon et, désormais, dès lors que leur rôle reste passif, ils ne peuvent voir leur responsabilité du fait des mots clés choisis par les annonceurs engagée. Cette solution, réitérée par la CJUE dans l'arrêt eBay et pleinement suivie par les juridictions nationales, appelle certaines réserves (§2). §1 Une décision très avantageuse pour les prestataires de service de référencement payant 506. En France, la majorité des tribunaux était défavorable à ce que soit accordé à Google le bénéfice du régime des hébergeurs (A). Et c'était tant mieux pour les titulaires de marques ! Malheureusement, la CJUE, qui n'a pas suivi les recommandations de son avocat général, n'est pas allée dans ce sens et a jugé que le moteur de recherche pouvait bénéficier du régime favorable des hébergeurs prévu par l'article 14 de la directive 2000/31 (transposée en France par l'article 6, 2 de la loi LCEN) (B). 226 Publicité et droit des marques A- Avant l'arrêt Google : le refus majoritaire d'accorder le bénéfice du régime des hébergeurs aux moteurs de recherche 507. Afin d'échapper aux condamnations, les moteurs de recherche ont essayé de se voir appliquer le régime juridique dérogatoire applicable aux intermédiaires techniques qui bénéficient alors d'une exonération de responsabilité prévue par l'article 6, 2) de la loi LCEN du 21 juin 2004447. Celui-ci dispose en effet que « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ». Néanmoins, les juridictions françaises ont refusé de leur accorder le bénéfice de ce régime au motif qu'il ne s'adressait qu'aux hébergeurs et aux fournisseurs d'accès internet. Or, les juges considèrent que Google, dans le cadre de son service AdWords, n'agit pas en tant que prestataire purement technique. En effet, dans la décision rendue par le TGI de Paris le 4 février 2005448, les juges ont considéré que les offres formulées par Google dans le cadre de son service AdWords « [sortaient] à l'évidence du champ des prestations offertes par les intermédiaires techniques, fournisseurs d'accès, hébergeurs de sites ou prestataires de stockage ». De même, le TGI de Nice, dans une affaire qui opposait Google à TWD Industries449, a refusé de considérer que Google, dans le cadre de son service AdWords, agissait comme un simple prestataire technique, le moteur de recherche assurant alors une prestation publicitaire payante. 447 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique 448 TGI Paris, 4 févr. 2005, Louis Vuitton Malletier c/ Google, op. cit. 449 TGI Nice, 3e ch, 7 févr. 2006, TWD Industries c/ Google, op. cit. 227 Publicité et droit des marques 508. Dans l'affaire opposant Google à la société Cobrason450, Google se prévalait de la qualité d'hébergeur qui lui avait déjà été reconnue par certains tribunaux et affirmait que, par conséquent, sa responsabilité devait être appréciée au regard de la directive 2000/31/CE451 sur le commerce électronique qui prévoit un régime dérogatoire de responsabilité au profit des hébergeurs de sites internet (transposées en France par l'article 6,2 de la loi LCEN) . Le tribunal relève que Google prétend en ce sens que son activité publicitaire proposée aux annonceurs par le biais du système AdWords consiste « en une simple prestation de stockage ». Néanmoins, les juges rappellent la jurisprudence qu'ils estiment établie selon laquelle « il résulte de l’examen des prestations effectuées par les sociétés Google, lesquelles ne se bornent pas à stocker des informations de nature publicitaire qui lui seraient fournies par des annonceurs, mais qu’elles déploient une activité de régie publicitaire, d’abord, en organisant la rédaction des annonces, en décidant de leur présentation, de leur emplacement, ensuite, en mettant à la disposition des annonceurs des outils informatiques destinés à modifier la rédaction de ces annonces ou la sélection des mots clés qui permettront de faire apparaître ces annonces lors de l’interrogation du moteur de recherche et, enfin, en incitant les annonceurs à augmenter la redevance publicitaire coût par clic maximum pour améliorer la position de l’annonce ». En conséquence, le tribunal refuse à Google le bénéfice du régime dérogatoire de responsabilité. L'argument des juges parisiens est pertinent et l'on ne peut que l'approuver. En effet, l'activité de Google, dans le cadre de son service de référencement payant ne constitue pas seulement une activité de stockage d'informations notamment en ce que le moteur de recherche prend part à la phase de rédaction des annonces. Il exerce une activité de régie publicitaire et son rôle ne peut ainsi être passif comme le serait celui d'un simple intermédiaire technique. Les dispositions de l'article 6, 2 de la loi LCEN ne visent que les simples hébergeurs d'espaces interactifs qui n'exercent aucun contrôle sur les informations qui circulent sur ces espaces. Or, comme l'on vient de le dire, Google intervient dans la rédaction des messages publicitaires, il exerce ainsi bien un contrôle sur le contenu des informations stockées et ne devrait pouvoir se prévaloir de l'exonération de responsabilité dont bénéficient les intermédiaires techniques. 450 T. com. Paris, 15e ch., 23 oct. 2008, Cobrason c/ Google, op. cit. 451 Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), op. cit. 228 Publicité et droit des marques 509. C'est dans ce sens que sont allées les cours d'appel de Paris et de Versailles en refusant d'accorder le bénéfice du régime dérogatoire à Google dans les trois affaires qui sont à l'origine des questions préjudicielles que la Cour de cassation, ayant décidé de sursoir à statuer452, décida de poser à la CJUE. Ainsi la cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 23 mars 2006453, a considéré que la responsabilité de Google ne devait pas être recherchée en tant que simple intermédiaire technique mais en sa qualité de prestataire de référencement publicitaire payant. Dans un arrêt antérieur454, la même cour avait déjà refusé le bénéfice de l'article 6,2 de la loi LCEN à Google pour les mêmes motifs et avait rejeté l'argument du moteur de recherche selon lequel il était dans l'impossibilité technique d'« empêcher les agissements répréhensibles de ses clients ou à faire cesser leurs conséquences dommageables ». En effet, la cour avait considéré que Google était fautif de n'avoir pas effectué de contrôle préalable des mots clés et de n'avoir pas mis un terme sans délai aux agissements contrefaisants dès lors que l'utilisation des mots frauduleux lui avait été signalée. La cour d'appel de Paris, qui a aussi considéré que Google aurait pu et dû mettre en œuvre des moyens techniques afin d'éviter ce genre d'agissement, est allée dans le même sens en considérant, dans un arrêt du 28 juin 2006 portant sur le litige entre Google et Louis Vuitton455, que l'activité de Google, qui ne se bornait pas à stocker des informations publicitaires mais consistait en une activité de régie publicitaire, notamment en organisant la rédaction des annonces et en décidant de leur emplacement, ne relevait pas de celles offertes par les intermédiaires techniques, les fournisseurs d'accès internet, les hébergeurs de sites ou les prestataires de stockage visés par l'article 6,2 de la loi LCEN. Par conséquent, la cour a confirmé la décision rendue en première instance et a refusé d'accorder le bénéfice du régime dérogatoire à Google. 510. A l'image des arrêts que nous venons de voir, de nombreux tribunaux ont ainsi refusé d'accorder à Google le bénéfice du régime dérogatoire. Néanmoins, certains juges ne partageaient pas leur avis. Ainsi, une décision du tribunal de grande instance de Strasbourg 452 Cass. com., 20 mai 2008, n° 06-15.136, Google c/ CNRRH ; Cass. com., 20 mai 2008, n° 06-20.230, Google c/ Louis Vuitton ; Cass. com., 20 mai 2008, n° 05-14.331, Google c/ Viaticum 453 CA versailles, 12e ch., sect. 2, 23 mars 2006, Google c/ CNRRH, op. cit. 454 CA Versailles, 12e. Ch, sect. 1N 10 mars 2005, Google c/ Viaticum 455 CA Paris, 4e ch. Sect. A, 28 juin 2006, Google c/ Louis Vuitton 229 Publicité et droit des marques du 20 juillet 2007456 est allée à l'opposé de cette jurisprudence en considérant que «l'application [du régime dérogatoire] ne dépendant ni de la nature des signaux stockés (écrits, images...), ni de la fonction (commerciale, publicitaire, informative...) des données concernées, la société Google [apparaissait] fondée à se prévaloir [des dispositions de l'article 6,2 de la loi LCEN] tant pour son activité de moteur de recherche que pour celle de prestataire de services publicitaires dans le cadre de son service AdWords ». C'est malheureusement dans ce sens que la CJUE est allée, dans l'arrêt Google du 23 mars 2010457, en considérant que le prestataire du service de référencement pouvait se prévaloir du régime dérogatoire dès lors qu'il n'avait joué qu'un rôle passif et neutre. B- La reconnaissance du bénéfice du régime dérogatoire des hébergeurs 511. Parmi les questions préjudicielles posées par la Cour de cassation à la CJUE, figurait celle de savoir si l'article 14 de la directive 2000/31 devait être interprété « en ce sens qu'un service de référencement sur internet constitue un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par l'annonceur, de sorte que ces données fassent l'objet d'un "hébergement" au sens de cet article et que, partant, la responsabilité du service de référencement ne peut être recherchée avant qu'il n'ait été informé du comportement illicite dudit annonceur ». Après avoir relevé que l'article 2, a) de la directive 2000/31 définissait les services de la société de l'information comme « tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services » (point 14), la CJUE a considéré que le service de référencement payant réunissait bien les éléments de cette définition et constituait ainsi un service de la société de l'information. En effet, pour la Cour, le prestataire de service de référencement transmet des informations de l'annonceur sur un réseau de communication ouvert aux internautes et stocke des données 456 TGI Strasbourg, 1e ch. Civ., 20 juill. 2007, Sté Atry c/ Google : Propr. indust. 2007, comm. 87, P. Tréfigny, op. cit. 457 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google, op. cit. 230 Publicité et droit des marques telles que les mots clés sélectionnés par l'annonceur, le lien promotionnel ainsi que le message commercial et l'adresse du site de l'annonceur. 512. Néanmoins, le seul fait de pouvoir se prévaloir du statut d'hébergeur ne suffit pas pour bénéficier de l'exonération de responsabilité de l'article 14 de la directive 2000/31. La Cour rappelle que le quarante-deuxième considérant de cette même directive énonce que les dérogations en matière de responsabilité prévues par celle-ci ne couvrent que les cas dans lesquels l'activité du prestataire de service de la société de l'information « revêt un caractère purement technique, automatique et passif, qui implique que le prestataire de services de la société de l'information n'a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées ». Par conséquent, pour que Google bénéficie de la limitation de responsabilité de l'article 14, son comportement doit se limiter à celui d'un « prestataire intermédiaire » (point 112). Ainsi, pour la CJUE, il convient de considérer que la limitation prévue par l'article 14 de la directive 2000/31 signifie qu'un prestataire de service de la société de l'information, s'il n'a pas joué un rôle actif de nature à lui donner une connaissance ou un contrôle des données stockées, ne peut être tenu responsable des données qu'il stocke à la demande d'un destinataire du service, à moins que le prestataire ait eu connaissance du caractère illicite de ces données ou des activités du destinataire et n'ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles les données (point 120). 513. L'avocat général avait considéré que l'exclusion de responsabilité de l'article 14 de la directive 2000/31 ne devait pas trouver à s'appliquer en raison du manque de neutralité de l'activité exercée par Google. En effet, bien qu'il y ait la fourniture d'un service de la société de l'information et que l'activité de publicité en cause relève bien de l'hébergement au sens de l'article 14 de cette directive, l'avocat général refuse d'appliquer le bénéfice de l'exonération de responsabilité prévue par cet article en raison de l'absence de neutralité du prestataire. Il relève notamment que « l'affichage d'annonces par Google a pour origine ses relations avec les annonceurs. En conséquence, AdWords n'est plus un véhicule d'informations neutre : il a un intérêt direct à ce que les internautes cliquent sur les liens des annonces » (points 145 et 146). La CJUE reprend cette condition de neutralité mais semble moins réticente à voir Google bénéficier du régime favorable des hébergeurs. Ainsi, elle considère que le 231 Publicité et droit des marques prestataire de service de référencement doit être considéré comme un hébergeur au sens de l'article 14 de la directive 2000/31 à la condition qu'il n'ait pas joué un rôle actif de nature à lui donner une connaissance ou un contrôle des données stockées. Sa responsabilité, s'il est bien neutre, ne pourra pas être recherchée pour les données qu'il a stockées. A l'inverse, s'il a eu connaissance du caractère illicite des informations ou des activités de l'annonceur et qu'il n'a pas promptement rendu ces données inaccessibles, il ne pourra plus s'abriter derrière l'exonération prévue par l'article 14. La Cour précise qu'elle considère que le fait que ce service de référencement soit payant et que Google donne des renseignements aux annonceurs n'a pas d'incidence sur la neutralité du rôle exercé par le prestataire (point 116). De plus, pour la Cour, il ne peut être établi aucune connaissance ou aucun contrôle de la part de Google des données stockées sur son service du seul fait que les mots clés proposés par le prestataire puis choisis par l'annonceur correspondent à des marques enregistrées. En effet, la liste des mots clés proposée étant établie à partir des requêtes des internautes et étant générée automatiquement, le rôle de Google semble être passif. Néanmoins, comme le souligne Arnaud FOLLIARDMONGUIRAL458, la possibilité de combiner des mots clés correspondant à une marque protégée avec d'autres mots clés correspondant à des termes tels que "copie" ou "imitation" pourrait constituer une « collaboration délibérée » telle que visée au considérant quarantequatre de la directive 2000/31 et priverait alors Google des dérogations en matière de responsabilité prévues par cette directive. 514. La CJUE ne s'est pas prononcée sur le bénéfice ou non par Google de l'exonération de responsabilité prévue pour l'activité d'hébergement et c'est donc aux juridictions nationales qu'il incombera de vérifier que l'activité exercée par Google a bien « un caractère purement technique, automatique et passif » et que le prestataire n'a ainsi pas joué un rôle actif. Elles ont alors la tâche d'analyser le rôle de Google afin d'apprécier si ce dernier oriente le choix des annonceurs, notamment s'agissant du choix des mots clés et de la rédaction du message publicitaire. En effet, la Cour a considéré qu'était pertinent « le rôle joué par Google dans la rédaction du message commercial accompagnant le lien promotionnel ou dans l'établissement ou la sélection des mots clés » (point 118). Ainsi, si le 458 A. Folliard-Monguiral, CJUE, arrêt Google : droit des marques et Internet (1): la responsabilité du prestataire de service de référencement, Propr. Indust. N°6, juin 2010, comm. 38 232 Publicité et droit des marques rôle de Google est purement passif, les juridictions nationales devront lui accorder le bénéfice de l'article 14. Pour autant, il y a une condition supplémentaire. C'est seulement si le prestataire de service de référencement payant n'a pas eu connaissance du caractère illicite des données ou, s'il en a eu connaissance, il a immédiatement retiré les informations en cause ou les a rendues inaccessibles, qu'il pourra bénéficier du régime dérogatoire. Cette décision ne nous éclaire pas beaucoup quant à l'appréciation de la qualité d'hébergeur car elle reprend des critères déjà prévus pas les textes. Néanmoins, la Cour considère, et c'est là la nouveauté, que les moteurs de recherche peuvent remplir les conditions du bénéfice du régime dérogatoire. La CJUE n'a donc pas voulu priver Google de l'exclusion de la responsabilité accordée au prestataire de service de la société de l'information ou du moins elle n'a pas voulu se prononcer et renvoie la question devant les juridictions nationales. Celles-ci devront alors se prononcer sur l'existence ou non du rôle actif de Google qui serait de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données stockées. On notera tout de même qu'il semble falloir retenir de cet arrêt que la CJUE a malheureusement entendu favoriser cette forme de publicité. §2 La portée de l'arrêt Google 515. Cet arrêt très important appelle certaines remarques et réflexions, notamment s'agissant de la neutralité de Google et de la prise de connaissance des faits illicites (A). En outre, il convient de relever que la position de la CJUE, bien que contraire à la jurisprudence nationale, a bien été suivie par les juridictions françaises mais fut aussi réitérée par la CJUE (B). 233 Publicité et droit des marques A- Un système de publicité préféré au titulaire de la marque 516. Cet arrêt de la CJUE, bien qu'il ait l'avantage de donner la marche à suivre s'agissant de Google, peut tout de même appeler certaines réserves. En effet, la CJUE est allée à l'opposé de la jurisprudence majoritaire française. En outre, bien qu'on puisse comprendre cette position, une constatation dérangeante s'impose : Google est libre de porter atteinte aux droits des titulaires sans en être inquiété, à condition bien sûr que son rôle soit passif et neutre mais aussi qu'il n'ait pas été informé de l'illicéité des usages de marques. 1) S'agissant de la neutralité de Google 517. Bien que la Cour renvoie la question du statut de Google aux juridictions nationales, il apparaît clairement qu'elle semble favorable à l'application du statut d'hébergeur. Ainsi, si l'intervention de Google est considérée comme celle d'un prestataire intermédiaire et que sa neutralité est alors établie, les juridictions nationales devront lui accorder le bénéfice de l'article 14 de la directive 2000/31. Pourtant, on peut considérer que Google joue bien un rôle actif du fait de son outil de suggestion des mots clés 459. En effet, dans son point 18, la Cour considère que le rôle joué par Google dans la rédaction des messages commerciaux ou dans l'établissement ou la sélection de mots clés est pertinent afin de déterminer si le statut d'hébergeur trouve à s'appliquer. S'il résulte du rôle joué par Google que ce dernier ne peut être neutre, les titulaires de la marque pourront engager sa responsabilité en établissant une faute de sa part. Or, l'activité résultant du service AdWords présente un « intérêt direct » pour Google. De plus, Google ne peut être neutre puisqu'il fait de la publicité par le biais des liens sponsorisés. Pour Madame le Professeur Laure MARINO460, en perdant sa neutralité, Google devrait aussi perdre le bénéfice de la dérogation prévue par l'article 14. La responsabilité de droit commun devrait s'appliquer et la responsabilité de Google pourrait alors être engagée sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil. 459 J. Larrieu, Les liens sponsorisés rattrapés par la responsabilité civile, Propr. industr., juin 2010, n° 6, comm. 45 460 L. Marino, Google au pays des publicités : du droit des marques au droit de la responsabilité, op. cit. 234 Publicité et droit des marques 518. Comme le relève Monsieur le Professeur Philippe STOFFEL-MUNCK461, cet arrêt de la CJUE a largement été commenté à la fois sous l'angle du droit des marques (le plus largement) et sous l'angle du droit de la responsabilité civile où il s'agissait de savoir si le service AdWords constituait bien un hébergement au sens de l'article 14 de la directive et donc si l'exonération de responsabilité dont bénéficient les intermédiaires techniques trouvait à s'appliquer. Il note que les auteurs ont tiré de cet arrêt des conclusions divergentes mais qu'un grand nombre a surtout relevé l'absence de réponse de la Cour sur l'application ou non du régime applicable aux hébergeurs. Il relève que la Cour, en premier lieu, semble avoir une conception assez étroite du champ de l'article 14 qui ne s'applique alors que lorsque le comportement du prestataire « se limite à celui d'un "prestataire intermédiaire" au sens voulu par le législateur » (point 112). Le rôle du prestataire doit être neutre en ce qu'il ne doit pas être « de nature » à lui conférer la connaissance ou le contrôle des informations qu'il stocke. Son comportement doit donc être « purement technique, automatique et passif » (point 113). Néanmoins, il relève aussi – ce qui semble intéressant en ce que cela élargit le champ d'application de l'article 14 – que, au point 120, contrairement aux points 112 à 114 où seul le prestataire qui remplit les conditions positives que l'on vient de citer peut bénéficier du texte, la Cour énonce cette fois-ci que tout prestataire qui n'a pas joué un rôle actif en bénéficie et ne peut ainsi être tenu responsable pour les données stockées. Il note cependant, que plus que le critère d'un rôle actif ou passif, c'est celui d'un rôle « de nature » à donner au prestataire « une connaissance ou un contrôle des données stockées » qui est le plus pertinent pour le priver du bénéfice de l'article 14. 519. Pour Monsieur le Professeur Luc GRYNBAUM462, le rôle de Google ne semble pas neutre puisqu'il maitrise l'ordre d'affichage des annonces et qu'il intervient dans la rédaction du message commercial l'accompagnant ou dans l'établissement ou la sélection des mots clés. Il considère en outre qu' « il résulte (donc) du traitement de l'information opéré par Google pour proposer des mots clés aux annonceurs, puis pour agencer les liens commerciaux à destination des internautes que ce prestataire joue un rôle actif incompatible avec la qualification d'hébergeur ». En effet, la Cour relève aux points 113 et 118 que Google intervient dans l'ordre d'affichage des liens commerciaux en fonction de la 461 Ph. Stoffel-Munck, La notion d'hébergeur à la lumière de l'affaire Google AdWords, Comm. com. électr., sept. 2010, n° 9, comm. 88 462 L. Grynbaum, Google AdWords : l'hébergeur, un prestataire nécessairement passif, op. cit. 235 Publicité et droit des marques rémunération payée par les annonceurs mais qu'il intervient aussi dans la rédaction des messages et dans l'établissement ou la sélection des mots clés. Monsieur le Professeur Luc GRYNBAUM considère que la solution retenue par la Cour est justifiée par la volonté de limiter l'application du régime dérogatoire de responsabilité. Il juge en effet qu'il était temps de remettre de l'ordre dans les décisions des juges du fond qui avaient tendance à trop souvent accorder le statut d'hébergeur à tous les prestataires affirmant ne pas intervenir sur le contenu. Selon lui, la qualité d'hébergeur doit être réservée aux prestataires qui fournissent, à titre gratuit ou onéreux, un espace de stockage des données accessibles aux internautes sans les agencer ou les hiérarchiser, ni développer une activité autour de ce stockage, notamment une activité publicitaire. Il ne semble pourtant pas que la CJUE partage cet avis puisqu'elle apparait favorable à ce que les prestataires de services de référencement payant bénéficient du statut d'hébergeur ainsi que du régime y afférent. Il appartient néanmoins aux juridictions nationales de déterminer si le rôle alors joué par les moteurs de recherche est bien neutre.. 520. Il semble tout de même que la neutralité de Google soit difficilement envisageable au vu du rôle qu'il joue en proposant les mots clés et en organisant l'affichage des annonces. En outre, il convient de mettre l'arrêt Google à la lumière des apports de l'arrêt eBay463. Dans cet arrêt, la Cour a considéré s'agissant de la place de marché en ligne dans le cadre de son activité de stockage d'offres à la vente, que le fait de prêter une assistance consistant « à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir ces offres » ne constituait pas une position neutre mais « un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres », la privant ainsi du bénéfice du régime des hébergeurs (point 116). Si l'on applique cette position à Google, qui propose des mots clés et organise l'affichage des annonces, le moteur de recherche ne devrait semblet-il pas pouvoir bénéficier du régime dérogatoire. 463 CJUE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, eBay, op. cit. 236 Publicité et droit des marques 2) L'absence d'une obligation générale de surveillance et la prise de connaissance de l'illicéité des données stockées 521. Ainsi que nous l'avons vu, il appartient aux juridictions nationales de vérifier si le prestataire de référencement a bien joué un rôle neutre et passif afin de lui accorder le bénéfice du régime dérogatoire de responsabilité. Pour autant, il y a une condition supplémentaire. Ainsi, l'article 14 de la directive 2000/31 dispose que les prestataires de services de la société de l'information ne peuvent pas voir leur responsabilité engagée en raison des informations stockées à la demande d'un destinataire du service dès lors que le prestataire n'a pas eu connaissance de l'illicéité de l'information ou de l'activité ou lorsque, en ayant eu connaissance de l'illicéité, il a promptement agi pour retirer les informations ou les rendre inaccessibles. Ainsi, si le prestataire n'a pas eu connaissance de la teneur des mots clés choisis par les annonceurs, sa responsabilité ne pourra pas être engagée, l'hébergeur n'ayant pas d'obligation générale de surveillance des contenus et n'ayant donc pas à rechercher spontanément les anomalies. 522. Néanmoins se pose la question des modalités de la prise de connaissance. En effet, la directive 2000/31 ne précise pas de quelle manière doit se faire cette prise de connaissance. Il convient donc de s'interroger sur les modalités de celle-ci. Comme le rappelle Monsieur le Professeur Luc GRYNBAUM, le régime dérogatoire de l'article 14 a été instauré afin de ne pas faire peser une obligation de contrôle sur les prestataires fournissant des services de transport et de stockage des informations sur internet464. L'article 15, §1, de la directive 2000/31 dispose en ce sens que « les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux articles 12, 13 et 14, une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». La CJUE, dans son point 109, énonce que le prestataire doit retirer les données stockées lorsqu'il a été informé de leur caractère illicite « à l'aide d'une information fournie par une personne lésée ou autrement ». L'usage du terme « autrement » ouvre donc la voie à toutes les possibilités. Ainsi, le prestataire du service de référencement peut avoir eu vent de ce caractère illicite de n'importe qu'elle manière, notamment grâce à ses propres démarches 465. 464 L. Grynbaum, Google AdWords : l'hébergeur, un prestataire nécessairement passif, op. cit. 465 A. Folliard-Monguiral, CJUE, arrêt Google : droit des marques et Internet (1): la responsabilité du 237 Publicité et droit des marques Pour l'avocat général Jääskinen466, « une connaissance effective signifie une connaissance d’informations, d’activités ou de faits, passés ou présents, par le prestataire de services, sur la base d’une notification extérieure ou d’une recherche propre, menée volontairement ». On notera tout de même que, pour la Cour, la concordance entre les mots clés sélectionnés et les termes de recherche employés par les internautes ne suffisent pas à établir que Google a connaissance des données qu'introduisent les annonceurs dans son système ou contrôle celles-ci. 523. L'arrêt eBay apporte quelques précisions quant aux modalités de cette prise de connaissance. En premier lieu, elle énonce que la prise de connaissance se fait « d'une façon ou d'une autre » (point 121). Il résulte de cette indication que peu importe le mode de la prise de connaissance. Elle ajoute que la prise de connaissance des faits ou des activités illicites peut se faire « à la suite d'un examen effectué de [la] propre initiative » du prestataire ou lorsque l'activité ou l'information en cause lui est notifiée (point 122). Dans cette dernière hypothèse, la Cour précise que la notification « constitue, en règle général, un élément dont le juge national doit tenir compte pour apprécier, eu égard aux informations ainsi transmises à l'exploitant, la réalité de la connaissance par celui-ci de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l'illicéité ». 524. Par ailleurs, comme le prévoit le quarante-deuxième considérant de la directive 2000/31 et comme l'a rappelé la CJUE dans son arrêt Google, le prestataire ne doit pas jouer un rôle de nature à lui conférer « une connaissance ou un contrôle des des données stockées ». Monsieur le Professeur Philippe STOFFEL-MUNCK s'interroge sur ces notions de connaissance et de contrôle. Il énonce que l'enregistrement et le traitement automatiques d'information par un logiciel ne caractérisent pas une connaissance, celle-ci résultant obligatoirement d'une action de l'intellect et donc de l'esprit humain467. S'agissant du contrôle des informations stockées, il considère que contrôler une chose c'est « avoir un pouvoir déterminant sur son action » et donc la seule capacité de la supprimer ne suffit pas. Le droit de modifier la teneur des informations pourrait définir le contrôle. Le fait de pouvoir déterminer l'impact de ces informations pourrait alors aussi suffire à caractériser le contrôle. prestataire de service de référencement, op. cit. 466 Conclusions de l'avocat général Niilo Jääskinen, 9 déc. 2010, aff. C-324/09, eBay 467 Ph. Stoffel-Munck, La notion d'hébergeur à la lumière de l'affaire Google AdWords, op. cit. 238 Publicité et droit des marques Or, c'est bien ce que fait Google en ayant un pouvoir sur le positionnement des liens commerciaux. Si on garde cette conception du contrôle, la plupart des hébergeurs perdraient le bénéfice de l'article 14. Pour Monsieur la Professeur Philippe STOFFEL-MUNCK, le choix est politique et dépend de la compréhension de la directive. Ainsi, « la directive a entendu protéger les intermédiaires de l'Internet , d'une part conte le risque juridique résultant de la fluidité de la notion générale de faute appliquée à leur domaine vierge d'usages, et d'autre part, contre le coût d'une obligation générale de surveillance des contenus stockés ». Pour lui, la CJUE, en refusant de préciser la notion de « contrôle des données stockées », démontre sa propre incertitude quant à la finalité du dispositif de la directive. 525. Pour conclure sur ce point, on peut noter que ce régime des hébergeurs est souvent revendiqué car le prestataire n'est alors tenu pour responsable que s'il maintient l'accès aux informations stockées après avoir été averti de leur caractère illicite. Si Google est qualifié d'hébergeur, cela implique qu'il ne peut être responsable que si chaque titulaire de marque notifie sous la forme prévue à l'article 6-I, 5 de la loi LCEN à Google chaque usage non autorisé constaté dans un lien commercial. Ce n'est alors qu'après avoir été informé du caractère illicite que Google pourrait voir sa responsabilité engagée s'il ne retirait pas le lien commercial. Néanmoins, il faut souligner que cette solution n'empêche pas Google de continuer de proposer la marque en question dans ses listes de mots clés468. En conséquence, alors même que ce sont les moteurs de recherche qui sont à l'origine de la possibilité pour les annonceurs d'utiliser les marques d'autrui, c'est aux titulaires de celles-ci qu'il revient de rechercher si des usages indus ont eu lieu dans le cadre du référencement payant. En d'autres termes, les titulaires de marques, afin de protéger leurs droits, doivent se montrer très vigilants car ils ne peuvent compter que sur cette surveillance de leur part s'ils veulent pouvoir mettre un terme aux utilisations qui porteraient atteinte à leurs marques. Il semble donc que les titulaires et ainsi le droit des marques lui même se retrouvent contraints de céder face à la volonté du juge de favoriser un système de publicité moderne. En outre, bien qu'il ne pèse pas sur les moteurs de recherche une obligation de surveillance, il n'en demeure pas moins qu'il semble peu probable qu'ils n'aient pas de moyens de prévenir les usages illicites de marques enregistrées. Malheureusement, l'état de 468 L. Grynbaum, Google AdWords : l'hébergeur, un prestataire nécessairement passif, op. cit. 239 Publicité et droit des marques la jurisprudence européenne actuelle laisse penser qu'elle n'est pas disposée à imposer aux prestataires de services de référencement de mettre en place des moyens de prévention afin de lutter contre les usages illicites de marques. La volonté de favoriser cette forme de publicité semble donc l'emporter sur le respect des droits de marques. B- Une position suivie 526. L'arrêt rendu pas la CJUE a été suivi par les juridictions nationales et est ainsi à l'origine d'un important revirement de jurisprudence. 527. S'agissant de la responsabilité de Google pour contrefaçon de marque, suite à la décision de la CJUE, la Cour de cassation a rendu quatre arrêts469 et a cassé les arrêts des cours d'appel de Paris et de Versailles qui avaient condamné le moteur de recherche pour contrefaçon. La Cour suit ainsi la position de la CJUE en considérant que le prestataire de service de référencement sur internet ne pouvait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la contrefaçon de marque étant donné qu'il ne faisait pas un usage de celle-ci dans la vie des affaires (peu importe que la marque soit renommée ou non). Par ailleurs, la Cour de cassation a rappelé la position de la CJUE selon laquelle l'article 14 de la directive 2000/31 trouvait à s'appliquer aux prestataires de services de référencement payant dès lors qu'ils n'avaient « pas joué un rôle actif de nature à [leur] confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ». C'est aussi ce qu'a jugé la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 19 novembre 2010470, en considérant que le prestataire de référencement dont le rôle était neutre devait bénéficier de la limitation de responsabilité applicable aux hébergeurs. Les décisions rendues par les juridictions françaises sont donc allées dans le sens des interprétations de la CJUE en refusant de condamner Google pour 469 Cass. Com., 13 juill. 2010, n° 08-13.944, Google c/ GIFAM; Cass. Com., 13, juill. 2010, n° 06-15.136, Eurochallenges (CNRRH); Cass. Com, 13 juill. 2010, n° 06-20.230, Louis Vuitton ; Cass. Com., 13 juill. 2010, n° 05-14.331, Viaticum , JCP E 2010, note 1961, Ch. Caron; Comm. com. électr. 2010, comm. 93, note Ch. Caron 470 CA Paris, pôle 5, ch. 2, 19 nov. 2010, n° 08/00620 SARL Google France c/ Syndicat Français de la Literie, comm. com. électr. n° 6, juin 2011, comm. 52, Ch. Caron 240 Publicité et droit des marques contrefaçon de marque et en plaçant ce dernier sous le régime dérogatoire de responsabilité des hébergeurs. Il est intéressant de relever que, suite aux quatre arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 juillet 2010471, Google a modifié sa politique commerciale relative au système Adwords. Ainsi, depuis le 14 septembre 2010, Google n'empêche plus l'utilisation de marques comme mots clés dans les annonces ni comme mots clés sur lesquels les entreprises autres que celle titulaire de la marque peuvent enchérir. Cette jurisprudence sonne ainsi le glas de la protection des mots clés correspondant à des marques. 528. La CJUE, dans l'arrêt eBay du 12 juillet 2011472, a jugé que la place de marché en ligne eBay pouvait elle-aussi être qualifiée d'hébergeur au sens de l'article 14 de la directive 2000/31 et ainsi bénéficier de l'exonération de responsabilité qui découle de ce statut dès lors que la société n'avait pas joué un rôle actif. La CJUE a ainsi considéré que « L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31/CE (…) [devait] être interprété en ce sens qu’il s’applique à l’exploitant d’une place de marché en ligne lorsque celui-ci n’a pas joué un rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées ». Néanmoins, elle a ajouté que l'exploitant jouait bien un rôle actif lorsqu'il prêtait « une assistance [consistant] notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci ». En outre, elle a précisé que l'exonération de responsabilité ne pouvait trouver à s'appliquer si l'exploitant de la place de marché en ligne avait « eu connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité des offres à la vente en cause et, dans l’hypothèse d’une telle connaissance, n’a pas promptement agi conformément au paragraphe 1, sous b), dudit article 14 ». 529. Il semble opportun de relever, dans cette même affaire, les réserves formulées par l'avocat général Jääskinen, dans ses conclusions rendues le 9 décembre 2010473, quant à l'arrêt Google474. La CJUE, dans cette affaire, avait notamment eu recours au quarantedeuxième considérant qu'elle reprenait dans sa décision et grâce auquel elle estimait que la 471 Ibid. 472 CJUE, 12 juil. 2011, aff. C-324/09, eBay, op. cit. 473 Conclusions de l'avocat général Niilo Jääskinen, 9 déc. 2010, aff. C-324/09, eBay, op. cit. 474 Voir A. Debet, Qualification d'hébergeur : la CJUE se serait-elle trompée de considérant ?, Comm. com. électr. n°3, mars 2011, comm. 23 241 Publicité et droit des marques neutralité constituait le critère afin de savoir si l'on se trouvait en présence d'un hébergeur (et avait renvoyé la question aux juridictions nationales). Comme on l'a vu, la Cour n'avait alors pas suivi son avocat général qui, en se fondant sur les objectifs de la directive, avait estimé que Google ne devait pas bénéficier du régime de l'article 14, n'étant pas un véhicule d'information neutre. Dans ses conclusions, l'avocat général Jääskinen, estime que la CJUE s'est trompée, dans l'affaire Google, en se référant au quarante-deuxième considérant car pour lui, ce considérant ne concerne pas l'article 14 et les prestataires d'hébergement mais plutôt les activités de simple transport (les FAI, fournisseurs d'accès internet) visés aux article 12 et 13 de la directive. Ainsi, il estime que c'est le quarante-sixième considérant qui fait référence au stockage d'informations qui s'applique aux hébergeurs. Ce considérant dispose que « afin de bénéficier d'une limitation de responsabilité, le prestataire d'un service de la société de l'information consistant dans le stockage d'informations doit, dès qu'il prend effectivement connaissance ou conscience du caractère illicite des activités, agir promptement pour retirer les informations concernées ou rendre l'accès à celles-ci impossible. Il y a lieu de procéder à leur retrait ou de rendre leur accès impossible dans le respect du principe de la liberté d'expression et des procédures établies à cet effet au niveau national ». Pour l'avocat général, le critère de neutralité n'est alors pas déterminant pour retenir la qualification d'hébergeur. En effet, le considérant 46, contrairement au considérant 42, ne fait aucune mention d'une activité revêtant « un caractère purement technique, automatique et passif ». A ses yeux, si la CJUE devait continuer dans cette voie, elle remettrait en question et menacerait les objectifs fixés par la directive 2000/31. Néanmoins, quand bien même la CJUE se serait trompée de considérant, cela n'affecterait pas sa reconnaissance du bénéfice par Google des dispositions de l'article 14 de la directive 2000/31. En fin de compte, le critère de neutralité, même s'il est infondé, permet de mettre des limites aux prestataires de service de référencement. Quoi qu'il en soit, la connaissance de l'illicéité des informations stockées suffit à faire perdre le bénéfice du régime dérogatoire. Or, il y a des cas où il semble difficilement concevable que le prestataire dont le rôle n'est pas neutre ou passif n'ait pas connaissance de l'illicéité des informations. 530. Bien que la position de la CJUE de ne pas condamner les prestataires de référencement payant pour contrefaçon semble justifiée, celle de leur accorder le bénéfice du régime des hébergeurs le semble beaucoup moins. Autant, un tel bénéfice peut paraître 242 Publicité et droit des marques normal pour l'activité de moteur de recherche, autant il est étonnant de l'accorder dans le cadre de services de référencement payant. En effet, bien que la CJCE ne juge pas pertinent le fait que l'activité soit rémunérée, il n'en demeure pas moins que le prestataire a un intérêt direct à ce que les internautes cliquent sur le lien commercial. Par ailleurs, Google proposant les mots clés et classant les annonces, son rôle paraît difficilement revêtir « un caractère purement technique, automatique est passif ». 531. Quand bien même il serait démontré que le comportement du prestataire n'était pas neutre, il faudrait apporter la preuve d'une faute de sa part pour voir sa responsabilité engagée. Monsieur le Professeur Jacques LARRIEU envisage quelques fondements de condamnation475 : le comportement du prestataire peut constituer une attitude parasitaire car il profite indûment de la notoriété de la marque ou bien une pratique commerciale trompeuse condamnée par l'article L. 121-1-1, 13° en ce que l'on peut considérer que le prestataire promeut un produit ou un service similaire à celui d'un fournisseur en poussant le consommateur à penser que ce produit ou ce service provient de ce fournisseur alors que ce n'est pas le cas. En outre, comme nous l'avons dit, selon une certaine jurisprudence, le prestataire peut aussi être condamné sur le terrain de la concurrence déloyale alors même qu'il n'existe pas de rapport de concurrence entre le titulaire de la marque et le prestataire de service de référencement. Enfin, il peut être condamné sur le fondement d'une faute de négligence résultant de l'absence de vérification de la disponibilité des mots clés proposés aux annonceurs476. 532. La position de la CJUE, s'agissant de la responsabilité des moteurs de recherche, n'est pas très protectrice du droit des marques. Il faut alors espérer, qu'à l'image de certains aspects de l'arrêt eBay, la jurisprudence européenne évolue dans un sens plus sévère, et donc dans un sens plus protecteur des droits conférés aux titulaires de marques s'agissant de l'appréciation de la licéité de l'usage d'une marque fait par un prestataire de service de référencement payant. Certes, la contrefaçon ne semble pas être le meilleur fondement pour engager la responsabilité de Google. Seulement, la Cour ayant pratiquement fermé la voie à 475 J. Larrieu, Les liens sponsorisés rattrapés par la responsabilité civile, op. cit. 476 Voir notamment TGI Paris, 8 déc. 2005, Kertel c/ Google : Propr. industr. 2006, comm. 24, P. Tréfigny ; TGI Paris, 7 janvier 2009, Voyageurs du monde, Terres d'aventure c/ Google : D. 2009, p. 293, obs. Manara 243 Publicité et droit des marques des actions en responsabilité civile de droit commun, les titulaires de marques ne peuvent que difficilement se retourner contre Google afin que cessent les atteintes à leurs droits. La volonté du juge Européen de favoriser cette forme de publicité a donc pour effet d'amoindrir de manière significative le rôle protecteur du droit des marques. 533. Malheureusement pour les titulaires de marque, le référencement payant sur internet ne constitue pas le seul domaine de la publicité dans lequel leurs intérêts sont mis à mal. En effet, de nombreux problèmes sont apparus avec le développement de la publicité comparative, notamment en raison d'intérêts « supérieurs ». Ce mode de publicité, bien qu'il suscite des réserves, peut s'avérer très utile à la fois pour dynamiser la concurrence mais aussi dans l'intérêt des consommateurs. Néanmoins, il constitue une exception au droit des marques et malgré un encadrement de cette pratique afin d'éviter les abus, il n'en demeure pas moins que le législateur comme la jurisprudence se montrent très indulgents et ont tendance à favoriser la publicité comparative au détriment du droit des marques. 244 Publicité et droit des marques Titre II La Publicité comparative 245 Publicité et droit des marques 534. La publicité comparative a été introduite en France par la loi du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs477. Elle est régie par les articles L. 121-8 et suivant du code de la consommation. En 1997, elle a également été reconnue et autorisée au niveau européen. Ainsi, la directive 2006/114478 définit la publicité comparative comme « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent ». La reconnaissance de la publicité comparative, en France comme en Europe, a été faite en plusieurs étapes et celle-ci ne fut pas toujours bien accueillie. Ce mode de publicité, bien qu'il suscite des réserves, peut s'avérer très utile à la fois pour dynamiser la concurrence mais aussi dans l'intérêt des consommateurs. Cette forme de communication dans laquelle les acteurs d'un marché comparent certaines des caractéristiques de leurs produits avec celles des produits de leurs concurrents peut avoir pour effet de donner à ces acteurs l'envie d'être les plus compétitifs possible, et pas seulement en termes de prix. En effet, la comparaison, pour être licite, doit porter sur des éléments tangibles et vérifiables. Un annonceur ne peut donc pas se contenter de prétendre que son produit est simplement meilleur. La pratique de la publicité comparative peut faciliter le choix du consommateur. Elle assure une certaine transparence et permet au consommateur de prendre connaissance de certaines caractéristiques des produits mis en comparaison sans avoir à les comparer par lui-même. Par ailleurs, beaucoup de comparaisons portant sur les prix, ce mode de communication peut avoir pour effet de pousser les acteurs à baisser leurs prix afin de tenir la comparaison. 535. Toutes ces constatations donnent une image plutôt positive de la publicité comparative. Néanmoins, cette dernière ne comporte pas que des avantages. En effet, il ne faut pas oublier qu'elle constitue une exception au droit des marques. En principe, dans une publicité, l'annonceur utilise sa marque pour vanter les mérites de ses propres produits. Or, dans le cas de la publicité comparative, l'annonceur utilise la marque d'un tiers pour promouvoir sa propre marque. Ainsi, cette situation n'est pas sans rappeler celle du référencement payant où l'annonceur utilise la marque d'autrui afin d'attirer les 477 Loi 92-60 du 18 janv. 1992 renforçant la protection des consommateurs, JORF n°170017 du 21 janv. 1992, p. 968 478 Directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative : JOUE L 376 du 27 déc. 2006, p. 21-27 246 Publicité et droit des marques consommateurs vers son propre site internet. 536. Cette pratique étant néanmoins bien encadrée afin d'éviter les abus, il n'en demeure pas moins que le législateur comme la jurisprudence se montrent très indulgents et ont tendance à favoriser la publicité comparative au détriment du droit des marques. En effet, la publicité comparative a connu, depuis son introduction, une évolution assez importante qui a eu pour effet d'élargir son champ d'application de manière notable. Certes, une acception plus large de la publicité comparative a pour effet de favoriser cette pratique et par conséquent, d'inciter les opérateurs économiques à y recourir. Néanmoins, un tel élargissement du champ d'application a corrélativement pour effet de rendre l'exception qu'elle constitue au droit des marques plus importante et, de ce fait, de porter de plus en plus atteinte à celui-ci. La CJCE, qui tend vers une acception toujours plus large, rappelle ainsi souvent que le législateur communautaire a entendu favoriser la publicité comparative en ce qu'elle peut stimuler la concurrence dans l'intérêt des consommateurs479 et que les dispositions régissant la publicité comparative doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à celle-ci. Ainsi, la CJCE a rappelé récemment, dans l'arrêt O2, que le législateur communautaire, aux termes des considérants 13 à 15 de la directive 2006/114, avait considéré que « la nécessité de favoriser la publicité comparative commandait de limiter dans une certaine mesure le droit conféré par les marques ». Néanmoins, force est de constater qu'elle ne constitue plus seulement une limite aux droits conférés par la marque mais qu'elle tend de plus en plus à leur porter atteinte. 537. La publicité comparative a ainsi connu ces dernières années des évolutions de deux espèces : un assouplissement de ses conditions de licéité et ainsi de son champ d'application (chapitre 1) et une évolution dans le sens d'une atteinte au droit des marques (chapitre 2). Bien que cette pratique soit encadrée afin de ne pas trop nuire au droit des marques, elle n'en demeure pas moins une exception puisqu'elle déroge au monopole dont jouit le titulaire d'une marque sur les droits conférés par celle-ci. En outre, nous allons voir que les juges ont tendance à se montrer particulièrement indulgents quand certains intérêts spécifiques sont en jeu, hypothèses dans lesquelles le droit des marques ne peut que s'incliner. 479 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 : Rec. CJCE 2008, I, p. 4231 ; Propr. industr. 2008, n°9, comm. 61, A. Folliard-Monguiral 247 Publicité et droit des marques Chapitre 1 Un assouplissement des conditions de licéité dans le but de favoriser la publicité comparative 538. La publicité comparative a été reconnue par les textes français et communautaires dans le but de développer la concurrence et être ainsi bénéfique aux consommateurs. En effet, elle peut assurer une meilleure transparence du marché et une meilleure information des consommateurs quant aux produits qui font l'objet de la comparaison. C'est pour cela que, bien que certaines réserves aient été formulées, les législateurs français et européen ont introduit la publicité comparative. Néanmoins, afin d'éviter les dérives et afin que les comparaisons soient pertinentes et basées sur des éléments objectifs, des règles assez contraignantes régissent cette pratique. 539. Cependant, en quelques années seulement, les règles régissant la publicité comparative se sont assouplies. Cet assouplissement des conditions de licéité est la conséquence de la position de la jurisprudence de la Cour de justice européenne qui apprécie ces conditions dans le sens le plus favorable à la publicité comparative. La Cour entend en effet favoriser ce mode de communication pour les mêmes raisons que celles qui ont poussé le législateur à l'autoriser : puisqu'il permet, selon elle, de dynamiser la concurrence, de permettre une certaine transparence s'agissant des caractéristiques de produits mais aussi de leurs prix et ainsi de faire éventuellement baisser ces derniers. Cette forme de communication est alors bénéfique au consommateur qui voit son choix facilité. La conséquence de cette bienveillance est que le domaine de la publicité comparative s'est élargi et que ses conditions de licéité sont appréciées de manière plus flexible. Ce constant élargissement du champ d'application de la publicité comparative a pour effet regrettable de rendre l'exception qu'elle constitue au droit des marques toujours plus importante. En effet, élargir sans cesse son champ d'application a pour conséquence de 248 Publicité et droit des marques rendre cette forme de communication plus fréquente notamment en ce que l'assouplissement de ses conditions de licéité a pour effet d'autoriser des publicités qui auraient normalement pu être sanctionnées. Ainsi, alors que cette forme de communication devait en principe constituer une exception au droit des marques, l'élargissement de son champ et la bienveillance continue du législateur et des juges voient l'efficacité du rôle protecteur de la marque être réduite. La publicité comparative qui a été introduite en Europe afin de stimuler la concurrence et permettre une meilleure information des consommateurs mais dont le champ d'application était assez encadré (section 1) a vu un assouplissement constant de ses conditions de licéité qui s'est notamment traduit par une évolution s'agissant de la définition de la cible de la comparaison. Cette évolution témoigne de la volonté, comme nous l'avons déjà souligné, de favoriser la publicité comparative, provoquant ainsi des restrictions aux droits exclusifs des titulaires de marques. C'est pourquoi il convient de s'intéresser à l'évolution relative à l'appréciation de la cible de la comparaison (section 2). Section 1. Présentation de la publicité comparative en Europe 540. La publicité comparative est reconnue en Europe depuis près d'une vingtaine d'années (§1). Bien qu'autorisée et même encouragée, elle est très encadrée (§2), notamment en raison du fait qu'elle constitue une exception au droit des marques. En effet, contrairement aux autres formes de publicité, celle-ci a pour objet, non pas de promouvoir tout simplement la marque de l'annonceur, mais de la mettre en comparaison avec la marque d'un tiers, constituant ainsi une exception aux droits exclusifs de ce dernier sur sa marque. La comparaison, pour être licite, doit donc remplir un certain nombre de conditions et c'est en raison de ces conditions exigeantes et des risques de condamnation que cette forme de communication, bien que pouvant être très utile aux annonceurs afin de se démarquer de la concurrence, n'a pas remporté le succès escompté. 249 Publicité et droit des marques §1 L'avènement de la publicité comparative 541. La publicité comparative a été reconnue en France ainsi qu'au niveau communautaire dans les années 1990. Cette reconnaissance, pourtant faite dans le souci d'encourager la concurrence et de permettre une meilleure information du consommateur, a alors soulevé des appréhensions, notamment en raison de l'atteinte au droit des marques qui peu en résulter. Il s'agit de retracer les différentes étapes de son introduction (A) en France comme en Europe avant de faire le point sur le contexte de celle-ci qui ne s'est pas faite à l'unanimité (B). A- L'historique 542. Le droit français a introduit la publicité comparative dans ses textes quelques années avant le droit communautaire. En effet, en France, c'est une loi du 18 janvier 1992 qui a reconnu cette pratique. Au niveau communautaire, il fallut attendre 1997 pour qu'une directive l'introduise et la règlemente. 1) En France ►Avant la loi de 1992 543. Avant la loi du 18 janvier 1992, la jurisprudence condamnait la publicité comparative sur le fondement de la concurrence déloyale480. Ainsi, pendant longtemps, on a vu dans la publicité comparative un dénigrement des marques qui faisaient l'objet de la comparaison ou un parasitisme de leur notoriété481. La jurisprudence considérait alors que la publicité comparative était illicite et que le fait de citer la marque d'un concurrent constituait un délit 480 Y. Serandour, L'avènement de la publicité comparative en France, JCP G, n° 27, p.295 481 M. Malaurie-Vignal, Dénigrement, J-Cl. concurrence, consommation, Fasc. N° 210, 2004, p. 10 250 Publicité et droit des marques pénalement répréhensible, l'article 422-2 du code pénal prohibant tout usage d'une marque sans l'autorisation de son propriétaire. Avant la loi de 1992, aucun texte ne régissait la publicité comparative mais, pour autant, aucune interdiction n'existait. Ainsi, en 1986, la Cour de cassation a pu juger que n'était « pas illicite une publicité qui se [bornait] à la comparaison des prix auxquels des produits identiques sont vendus, dans les mêmes conditions, par des commerçants différents, contribuant ainsi à la transparence du marché »482. Auparavant, des travaux avaient déjà été entrepris et des propositions formulées. On peut citer notamment le rapport et avis du Conseil national de la consommation (CNC) en 1984483 mais celui-ci concluait en considérant qu'il n'était pas souhaitable d'introduire, à ce moment là, la publicité comparative en France. Il faut croire que 8 ans plus tard, la France fut prête à admettre la pratique de la publicité comparative. ►La loi de 1992 et l'ordonnance de 2001 544. La publicité comparative a été introduite dans le droit positif français par l'article 10 de la loi du 18 janvier 1992 codifié ensuite aux article L. 121-8 et suivant du code de la consommation. Il était ainsi prévu que « la publicité qui met en comparaison des biens ou services en utilisant soit la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce ou de service d'autrui, soit la citation ou la représentation de la raison sociale ou de la dénomination sociale, du nom commercial ou de l'enseigne d'autrui n'est autorisée que si elle est loyale, véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire le consommateur en erreur ». Quelques années plus tard seulement, il a fallu transposer en droit interne la directive 97/55 du 6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450 sur la publicité trompeuse afin d'y inclure la publicité comparative484. Ce fut chose faite en 2001 grâce à l'ordonnance portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la consommation485. Cette ordonnance n'a pas eu pour effet de modifier fondamentalement le régime de la publicité comparative. Le champ d'application a 482 Cass. Com., 22 juill. 1986: Bull. Civ. 1986, IV, n° 181; D. 1986, jurispr. p. 436, note G. Cas 483 Rapport et avis du 3 avril 1984 du Conseil national de la consommation sur la publicité comparative, Bulletin officiel de la concurrence et de la consommation- BOSP, 15 janv. 1986, n°1 484 Directive 97/55/CE du 6 oct. 1997 modifiant la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse afin d'y inclure la publicité comparative, J.O. L 290 du 23 oct 1997, p.18 485 Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la consommation, JORF n°196 du 25 août 2001 p.13645 251 Publicité et droit des marques seulement été élargi et les dispositions de l'ancien article L. 121-12 qui imposaient à l'annonceur de communiquer, avant toute diffusion, l'annonce comparative aux concurrents visés ont été supprimées. Le rapport au Président de la République précédant l'ordonnance relève à ce sujet que la suppression de cette exigence n'a pas de portée significative. L'article L.121-12 prévoit néanmoins aujourd'hui que l'annonceur de la publicité comparative diffusée doit être en mesure de prouver, dans un bref délai, l'exactitude matérielle des termes de la publicité. 2) En Europe 545. La publicité comparative a été introduite en Europe par la directive 97/55/CE modifiant la directive 84/450/CEE. La Commission avait pourtant présenté au Conseil une proposition de directive portant sur la publicité trompeuse et la publicité comparative dès 1978. Cette introduction tardive tient au fait que certains États membres y étaient réticents. De ce fait, seule la publicité trompeuse avait été règlementée par la directive 84/450 Dans les considérants de la directive, il est relevé que les dispositions des États membres en matière de publicité comparative sont très différentes, que « la publicité déborde les frontières » et que, par conséquent, l'acceptation ou l'interdiction de la publicité comparative selon les législations nationales peut constituer un obstacle à la libre circulation des biens ou services et créer des distorsions de concurrence. L'objectif de la directive est donc d'harmoniser les législations nationales en matière de publicité comparative mais aussi de déterminer les pratiques qui risqueraient de porter atteinte aux concurrents ou d'avoir une incidence négative sur les choix des consommateurs. 546. En 2006, dans un souci de clarté, il a paru nécessaire de procéder à la codification de la directive 84/450, celle-ci ayant été modifiée à plusieurs reprises. Le 12 décembre 2006, le Parlement européen et le Conseil ont alors arrêté la directive 2006/114. La publicité comparative est désormais définie par l'article 2 c) et les conditions de licéité sont prévues par l'article 4 de la directive. 252 Publicité et droit des marques B- Le débat sur l'utilité de la publicité comparative 547. Comme nous l'avons dit, c'est en raison de son utilité tant en matière de concurrence qu'en matière d'information des consommateurs que la publicité comparative a été introduite en France et en Europe. Néanmoins, le fait qu'elle constitue une importante remise en question du droit des marques a suscité des appréhensions de la part de certains. 1) Les motivations 548. L'idée de légiférer en matière de publicité comparative a, entre autres, tenu au fait que cette pratique était déjà admise dans plusieurs pays européens, notamment l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne et le Danemark. Par ailleurs, cette pratique était aussi autorisée aux États-Unis depuis les années 1970 sous l'influence de la Federal Trade Commission (FTC). C'est d'ailleurs à ce pays que l'on se réfère toujours quand on parle de publicité comparative. Il suffit de regarder les attaques que se font Pepsi et Coca-Cola ou encore Mac Donald's et Burger King par le biais de campagnes publicitaires pour se rendre compte de la place que tient aujourd'hui la publicité comparative dans le panorama audiovisuel américain. 549. En Europe comme en France, l'objectif de l'introduction de la publicité comparative était notamment de stimuler la concurrence et de permettre une meilleure information des consommateurs. S'agissant de la stimulation de la concurrence, la publicité comparative améliore la transparence du marché car elle permet de connaitre les biens ou services qui y sont offerts486. Au regard des intérêts des consommateurs, cette transparence n'est pas négligeable. Elle permet au consommateur d'être pleinement informé et donc en mesure de faire un choix éclairé. 486 Y. Serandour, L'avènement de la publicité comparative en France, JCP G, n° 27, p.295, op. cit. 253 Publicité et droit des marques 2) Les craintes 550. L'introduction de la publicité comparative n'a pas fait l'unanimité. Beaucoup de ses détracteurs ont manifesté des craintes notamment au regard du respect du droit des marques mais aussi s'agissant de la stimulation de la concurrence et de l'information des consommateurs. Pour certains, la publicité comparative engendrerait des pratiques déloyales, ce qui aurait pour conséquence de tromper les consommateurs. En outre, il fut avancé que les annonceurs avaient tendance à ne prendre en compte que les caractéristiques avantageuses de leurs produits. Dès lors, la publicité tronquée ne pourrait remplir la condition d'objectivité487. 551. Par ailleurs, la critique la plus importante fut (et est toujours) celle concernant l'atteinte aux prérogatives de la marque. La directive 89/104 rapprochant les législations des États membres sur les marques488 prévoyait notamment que le titulaire d'une marque pouvait interdire à tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée 489. Or, l'autorisation de l'utilisation de la marque d'un tiers dans une publicité comparative porterait « un coup sérieux au monopole du titulaire »490. Le Conseil constitutionnel avait alors été saisi en 1991 afin de contrôler la constitutionnalité de la loi instaurant la publicité comparative. En effet, certains parlementaires considéraient que le fait de permettre à un concurrent d'utiliser la marque d'autrui dans une publicité comparative constituait une atteinte au droit des marques. Ils saisirent donc le Conseil constitutionnel au motif que l'article 10 de la loi limitait l'exercice du droit de propriété du titulaire d'une marque et qu'il violait l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui prévoit que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Le 487 A. Brunet, Publicité comparative, concurrence et consommation, Gaz. Pal., 18 déc. 1999, n° 352, p.6 488 Directive 89/104/CEE du 21 déc. 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, JOUE L 40 du 11 fév. 1989, p. 1-7 aujourd'hui directive 2008/95/CE du 22 oct. 2008, JOUE L 299 du 8 nov. 2008, p. 25-33 489 Cette disposition se trouve désormais à l'article 5, §1 de la directive 2008/95 rapprochant les États membres sur les marques 490 J. Julien, Marque et droit de la consommation in Les métamorphoses de la marque, Actes du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 72 254 Publicité et droit des marques Conseil constitutionnel a relevé que l'introduction de la publicité comparative visait à améliorer l'information des consommateurs et à stimuler la concurrence. Par ailleurs, il a noté que la comparaison de biens ou services en utilisant la citation ou la représentation d'un signe distinctif d'autrui ne serait possible que selon les modalités prévues par la loi. Pour ces raisons, le Conseil constitutionnel a considéré que « le fait pour le législateur d'autoriser la citation de la marque d'autrui dans le cadre de la publicité comparative ne porte pas au droit de propriété une atteinte qui serait contraire à la Constitution »491. Ainsi, dès lors que la publicité est faite dans le respect des conditions de licéité, il ne devrait pas y avoir d'atteinte au droit des marques. En outre, le droit de propriété intellectuelle n'est « ni général, ni absolu »492. Le Conseil constitutionnel a sans doute cru bon de favoriser la concurrence et l'information des consommateurs dans la mesure où, à ses yeux, il ne pourrait résulter d'une publicité qui satisfaisant toutes les conditions de licéité aucune atteinte au droit sur la marque. C'est précisément cette affirmation que l'on retrouve dans les considérants 14 et 15 de la directive 2006/114 (alors 97/55) qui énoncent que la référence à la marque d'un concurrent peut être indispensable pour rendre la publicité comparative effective et que l'utilisation de la marque n'enfreint pas le droit exclusif dès lors qu' « elle est faite dans le respect des conditions établies par la présente directive... ». Or, si la marque enregistrée confère un droit exclusif à son titulaire, comment l'usage d'un signe identique à celle-ci par un tiers pourrait-il ne pas aller à l'encontre de ce droit ? Par ailleurs, comme l'a jugé la CJCE, dans l'arrêt O2493, et ce « afin de concilier la protection des marques et l'utilisation de la publicité comparative, les articles 5, § 1 et 2, de la directive 89/104 et 3 bis, §1, de la directive 84/450 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d'une marque enregistrée n'est pas habilité à interdire l'usage, par un tiers, dans une publicité comparative qui satisfait à toutes les conditions de licéité énoncées audit article 3 bis, §1, d'un signe identique ou similaire à sa marque » (point 45). Ainsi, la publicité comparative prive les dispositions sur les marque de leurs effets. On peut aussi voir les choses d'une autre manière, à l'image de ce qu'a relevé Arnaud FOLLIARDMONGUIRAL au sujet de l'articulation des directives 89/104 et 84/450 (difficulté sur laquelle nous nous pencherons dans le second chapitre), et considérer que dès lors que les 491 Cons. Const., n° 91-303 : JO 18 janv. 1992, p. 882; JCP E 1992, III, 65333 492 J.-M. Bruguière et F. Dumont, La question prioritaire de constitutionnalité dans le droit de la propriété intellectuelle, comm. com. électr. 2010, n°5, ét. 10 493 CJCE, 12 juill. 2008, aff. C-533/06, O2, op. cit. 255 Publicité et droit des marques conditions de licéité seraient remplies, la publicité comparative ne serait « pas à proprement parler une dérogation au droit exclusif de marque »494. En effet, les règles encadrant la publicité comparative ont vocation à limiter les atteintes qui pourraient être portées aux droits conférés aux titulaires de marques. Néanmoins, la Cour rappelle souvent que le législateur a entendu favoriser la publicité comparative en ce qu'elle stimulait la concurrence dans l'intérêt des consommateurs (considérant 6 de la directive 2006/114) et c'est pour cette raison que, comme nous le verrons dans le chapitre 2, quand bien même cette forme de communication ne devrait en principe pas aller à l'encontre du droit des marques, des atteintes aux droits exclusifs des titulaires de marques sont tolérées. 552. Pour autant, en théorie, l'atteinte au droit des marques est assez limitée lorsque la publicité comparative est faite dans le respect des dispositions du code de la consommation. Il s'agit donc à présent de s'intéresser aux conditions posées par les textes. §2 L'usage de la publicité comparative 553. La publicité comparative, pouvant être un outil dangereux si elle n'est pas bien encadrée, notamment au regard du droit des marques, doit remplir un certain nombre de conditions de licéité (A). Ces règles évitent alors qu'un annonceur vante son produit en mettant en avant des qualités invérifiables ou encore farfelues mais aussi qu'il dénigre ses concurrents ou leurs produits. Ainsi, elles limitent les atteintes que pourraient subir le titulaire de la marque comparée. Il résulte de cet encadrement relativement strict que la publicité comparative ne convainc pas les annonceurs qui lui préfèrent souvent la publicité traditionnelle (B). 494 Note sous arrêt, A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt O2 : de l'eau dans le gaz entre publicité comparative et droits exclusifs de marques, Propr. industr. 2008, n° 9, comm. 61 256 Publicité et droit des marques A- Le régime juridique 554. L'article 2, sous c) de la directive 2006/114 donne une définition de la publicité comparative et l'article 4 énonce les conditions de licéité. Nous allons nous intéresser au champ d'application de la publicité comparative avant de rappeler les conditions posées par la directive. 1) Le domaine de la publicité comparative 555. Les dispositions sur la publicité comparative s'appliquent aux publicités qui, explicitement ou implicitement, identifient un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent. Le concurrent visé doit être identifiable. Cette identification peut néanmoins être seulement implicite495. Cette définition est une définition large. Ainsi, dans son arrêt O2496, la Cour rappelle que, selon une jurisprudence constante, cette définition permet « de couvrir toutes les forme de publicité comparative, de sorte qu'il suffit qu'il existe une communication faisant, même implicitement, référence à un concurrent ou aux biens ou aux services qu'il offre pour qu'il y ait publicité comparative ». Il en découle une certaine anomalie, à savoir qu' « une publicité peut être qualifiée de comparative alors même qu'elle n'opère aucune comparaison »497... 556. La publicité doit mettre en comparaison les biens ou services qu'elle offre avec les biens ou services d'un concurrent. Ces biens doivent cependant répondre aux mêmes besoins ou avoir les mêmes objectifs. Cette disposition pose une limite. Un annonceur ne pourra avoir pour cible, dans sa comparaison, qu'un concurrent. Il ne pourra pas viser des biens ou des services qui n'ont pas la même utilité ou qui ne remplissent pas la même fonction que ceux qu'il offre. En d'autres termes, les produits comparés doivent être substituables. Il faut 495 Article 2, c), de la directive 2006/114 496 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2, op. cit., point 42 497 J. Passa, Les rapports entre droit des marques et droit de la publicité comparative : un risque d'affaiblissement de la protection de la marque (à propos des affaires préjudicielles O2 Holdings et L'Oréal c/ Bellure), Propr. indust., 2008, n°8, ét. 20 257 Publicité et droit des marques relever que, avant la transposition de la directive 97/55, la comparaison ne pouvait porter que sur des biens strictement identiques. Le champ d'application a ainsi été élargi car désormais ils doivent seulement être interchangeables498. La publicité doit comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens ou services, dont le prix peut faire partie. L'exigence de l'objectivité a notamment pour but d'exclure les comparaisons fondées sur des appréciations subjectives telles que des appréciations ou des opinions. Ainsi, par exemple, on ne peut pas vanter un produit en disant qu'il a meilleur goût qu'un autre. D'autre part, la comparaison ne doit pas porter sur des caractéristiques peu importantes ou accessoires mais bien des caractéristiques essentielles et pertinentes. En outre, pour que la publicité remplisse la condition d'objectivité, les caractéristiques doivent être vérifiables et le consommateur doit être mis en mesure de vérifier par lui-même les éléments de la comparaison499. Par ailleurs, il convient de rappeler que l'annonceur devra être en mesure de prouver l'exactitude matérielle de ses allégations, indications ou prétentions (article 7, a)). 2) Les conditions de licéité de la comparaison 557. En premier lieu, il convient de noter que la comparaison ne doit pas être trompeuse. La directive 2006/114 donne une définition de la publicité trompeuse à l'article 2 b). Il s'agit de « toute publicité qui, d'une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d'induire en erreur les personnes auxquelles elle s'adresse ou qu'elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d'affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent ». Le caractère trompeur peut notamment résulter 498 Néanmoins, dans le cas des paniers comparatifs, le juges français, contrairement à la jurisprudence européenne, se montrent très exigeants quant au respect des conditions de licéité des comparaisons et exigent que les produits ne répondent pas seulement aux mêmes besoins ou aient le même objectifs mais qu'ils soient strictement identiques, voir notamment Cass. civ. 1, 31 oct. 2006, Sté Thiers Distribution c/ Sté Lidl : Contr. conc. conso. 2007, n° 1, comm. 32, M. Malaurie-Vignal ; Cass. crim, 4 mars 2008, Leclerc c/ Leader Price : jurisdata n° 2008-043366 499 Cette condition a notamment soulevé des problèmes s'agissant de la pratique des paniers comparatifs : voir notamment Cass. crim., 9 mai 2007, Leader Price : Jurisdata n° 2007-039030 ; Cass. crim. 13 janv. 2009, Sodisroy : Jurisdata n° 2009-046969 et voir aussi CJCE, 19 sept. 2006, C-356/04, Lidl : Contr. conc. conso. 2006, n° 11, comm. 240, G. Raymond 258 Publicité et droit des marques d'allégations mensongères afin de vanter les qualités imaginaires d'un produit. S'agissant de la présentation, la publicité ne doit pas être déguisée en information. C'est le cas lorsqu'elle prend la forme d'un journal par exemple500. 558. La directive prévoit que la publicité comparative ne doit pas entrainer le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent. Il a été jugé qu'il ne pouvait y avoir dénigrement lorsque la publicité comparative n'avait pas un caractère mensonger et qu'elle ne « [dépassait] pas les limites d'une critique objective »501. Il est intéressant de noter que c'est d'ailleurs sur le fondement du dénigrement que cette forme de publicité a longtemps été condamnée. De plus, la publicité comparative ne doit pas tirer indûment profit de la notoriété attachée aux signes distinctifs d'autrui. Cette interdiction confère une protection aux marques notoirement connues502. La publicité comparative a introduit une exception au droit des marques en ce qu'elle constitue une dérogation au monopole du titulaire d'une marque sur les droits conférés par celle-ci. Il est donc normal que cette exception soit assortie de gardesfous afin d'éviter que l'usage de la marque d'autrui ne génère un profit indu bénéficiant à l'annonceur. Par ailleurs, la publicité ne doit pas présenter un produit comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service503 mais surtout elle ne doit pas être source de confusion entre l'annonceur et un concurrent, celle-ci pouvant d'ailleurs résulter de l'imitation. Il convient de relever, s'agissant de l'absence de risque de confusion, et ce bien que nous nous y attarderons plus loin, qu'il s'agit d'une condition commune aux deux directives sur les marques et sur la publicité comparative504. En outre, cette condition ainsi que celle de l'absence de profit indu, conditions auxquelles nous nous intéresserons davantage dans le second chapitre, sont les derniers 500 T. com Paris, 12è ch., 15 janvier 2002, SA UPC France c/ SA France Télécom, Gaz. pal. 2003, n° 308, p. 16 501 TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 3 sept. 2004 : Gaz. pal. 2005, n° 314, p. 26, note J.-J. Biolay 502 Voir CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit. 503 Ibid. 504 La question de l'articulation des directives 89/104 et 84/450 a été au cœur de l'arrêt CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2, op. cit. 259 Publicité et droit des marques remparts de la protection de la marque. En effet, bien que la publicité comparative demeure une exception au droit des marques et ne porte en principe pas atteinte aux droits exclusifs que la marque confère, ce sont réellement ces deux conditions qui permettent aux droits conférés par la marque de ne pas voir leur rôle protecteur s'évaporer totalement. Enfin, s'agissant des produits bénéficiant d'une appellation d'origine, la comparaison doit porter, dans chaque cas, sur des produits ayant la même appellation. Cette condition est respectueuse de la protection accordée aux appellations d'origine et suit la logique de celle qui prévoit que la comparaison doit porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif505. Ces conditions semblent donc laisser supposer un certain encadrement de la publicité comparative, notamment afin de limiter les atteintes aux droits exclusifs conférés aux titulaires de marques qui pourraient en résulter. Ainsi, comme l'a rappelé la Cour, dans l'arrêt L'Oréal506, les conditions de licéité de la publicité comparative devraient permettre de s'assurer que celle-ci est faite de manière à répondre à l'objectif qui lui est attribué, c'est-àdire de stimuler la concurrence dans l'intérêt des consommateurs tout en veillant à ce qu'elle ne porte pas atteinte de manière excessive aux droits exclusifs conférés par la marque. Néanmoins, c'est essentiellement dans le but de stimuler la concurrence que la publicité comparative a été reconnue en Europe et que le législateur entend la favoriser. Cet objectif, bien qu'il ne soit pas rempli, semble alors prévaloir sur les autres aspects de cette forme de communication. B- Un outil au service de la concurrence 559. La publicité comparative a été reconnue en Europe notamment au motif qu'elle stimulerait ainsi la concurrence. Il s'agit alors de s'interroger sur la réalité de cet argument, 505 Néanmoins, nous verrons un peu plus loin que la Cour de justice, dans un arrêt de 2007, a pourtant considéré licite une publicité mettant en comparaison des produits dotés d'une appellation et des produits qui n'en étaient pas dotés 506 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit., point 71 260 Publicité et droit des marques c'est à dire sur l'utilité de l'instrument que constitue cette forme de publicité au regard de la concurrence. On relèvera qu'il semblerait que cette pratique ne permette pas effectivement de parvenir au but recherché. Il conviendra ensuite de voir en quoi cet outil doit être utilisé de manière raisonnable afin qu'il demeure licite. 1) Un outil intéressant mais qui suscite peu d'engouement 560. La stimulation de la concurrence ayant été une des motivations du législateur pour introduire la publicité comparative, il convient de s'interroger sur son efficacité réelle. Ainsi, il semblerait qu'elle ne présente un attrait que pour certains concurrents et que l'engouement suscité soit nettement plus faible que celui attendu. La publicité comparative a été introduite en Europe dans le but de stimuler la concurrence et de permettre une meilleure information du consommateur. Elle devait s'avérer utile en matière de concurrence et les tribunaux ont ainsi voulu la favoriser. Ainsi, elle aurait dû avoir pour effet, non seulement une meilleure information des consommateurs, mais aussi une baisse des prix, voire une amélioration de la qualité des produits ou des services. En effet, les opérateurs économiques auraient dû vouloir tenir la comparaison avec leurs concurrents et être les plus concurrentiels possibles. Il faut néanmoins relever que la publicité comparative n'est pas seulement un instrument servant à stimuler la concurrence en ce qu'elle permet de répondre aux attentes des consommateurs. Elle est aussi un outil au service des concurrents du leader sur un marché, c'est à dire au service des challengers507. Ainsi, le fait pour un annonceur de se comparer au leader d'un marché stimule en effet la concurrence mais l'hypothèse inverse sera étroitement surveillée par les tribunaux (en raison du risque d'un éventuel dénigrement). Par ailleurs, il faut noter en ce sens que les juridictions se montrent bien plus clémentes, quant à la qualification de publicité comparative, avec les concurrents du leader d'un marché qu'avec ce dernier508. 561. Il résulte de ces observations que la publicité comparative protège la concurrence et 507 L. Arcelin La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (1ère partie), op. cit. 508 T. com. Paris, 8ème ch., 23 mai 2001, France Telecom c/ Onetel 261 Publicité et droit des marques non les concurrents509. Ce qui importe, c'est de permettre un réel jeu de la concurrence. Pour ce faire, il faut alors encourager les publicités comparatives dont la cible est le leader du marché en question et corrélativement, se montrer très exigeant (peut être trop) envers les publicités dans lesquelles le leader d'un marché se compare à un de ses concurrents. Une telle attitude semble certes stimuler la concurrence mais a, par ailleurs, pour effet une inégalité de traitement entre les opérateurs économiques. Par ailleurs, il convient de relever que les entreprises ne tiennent pas particulièrement à se faire la guerre par publicité comparative interposée510. On constate que le nombre de publicités mettant en comparaison des biens ou des services n'est pas très important. Ainsi, alors qu'on aurait pu croire que l'introduction de la publicité comparative en France allait avoir pour conséquence de voir apparaître de nombreuses campagnes, il n'y eut que 26 publicités de ce genre au titre des années 1992 et 1993. 562. On aurait pourtant pu s'attendre à voir nos écrans envahis de campagnes de publicités comparatives sur le modèle des États-Unis, notamment depuis l'ordonnance de 2001, celle-ci ayant rendu moins contraignantes les conditions de licéité. Or, on peut constater que les publicités comparatives ne sont toujours pas très nombreuses. Il est cependant vrai que certains opérateurs économiques ont trouvé en cette forme de publicité un instrument de marketing dont elles n'hésitent pas à user. On peut citer notamment le distributeur Leclerc, mais aussi les radios ou encore les opérateurs de téléphonie mobile. Il n'en demeure pas moins que la publicité comparative est un outil qui certes peut permettre de stimuler la concurrence, mais encore faut-il que l'usage de celle-ci soit fait de manière respectueuse des dispositions légales. 2) Un outil à manier avec précaution 563. Bien que les tribunaux encouragent la pratique de la publicité comparative, ils veillent néanmoins à ce que celle-ci soit faite de manière loyale et qu'elle respecte les conditions énoncées par la directive 2006/114. Il convient d'accorder une attention 509 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (1ère partie), op. cit. 510 A. Brunet, Publicité comparative, concurrence et consommation, op. cit. 262 Publicité et droit des marques particulière à deux interdictions posées par cette dernière : celle de dénigrer les concurrents et celle de présenter les produits comme étant des imitations. 564. L'article 4 d) de la directive 2006/114 interdit la publicité comparative qui entraine le discrédit ou le dénigrement des marques. Il faut distinguer le dénigrement de la critique. Le dénigrement est motivé par l'intention de nuire. Comme nous l'avons évoqué, avant la loi de 1992, la publicité comparative était condamnée sur le fondement du dénigrement. Le simple fait de citer un concurrent constituait alors un dénigrement. La cour d'appel de Paris avait défini le dénigrement comme « toute action tendant à discréditer ou déprécier l'industrie ou le commerce et les produits d'un concurrent par comparaison ou allusion à sa propre industrie ou ses propres produits en vue d'attirer à soi la clientèle d'autrui »511. Aujourd'hui, la publicité comparative est autorisée mais les tribunaux veillent toujours à l'absence de dénigrement. Un opérateur peut librement vanter les mérites des produits qu'il commercialise et les comparer à ceux de ses concurrents. Pour autant, cette comparaison ne doit pas engendrer un dénigrement des biens du concurrent visé. Il convient de préciser que le dénigrement de l'ensemble d'une profession est tout autant sanctionné que celui d'un seul concurrent. Ainsi, des annonceurs qui ont dénigré les « fast-foods » en général ou l'Ordre des pharmaciens ont été condamnés512. 565. Par ailleurs, la directive interdit à une publicité comparative de présenter un produit comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service bénéficiant d'une marque ou d'un nom commercial protégé. Les tableaux de concordance, notamment, posent problème à ce sujet depuis plusieurs années et ce, essentiellement dans le domaine de la publicité pour les parfums. Cette pratique consiste à exploiter, de la part d'un opérateur commercialisant des produits imitant la fragrance de parfums de marques notoires, des publicités, présentées sous forme de tableaux, dans lesquels sont indiquées les correspondances entre les copies et les parfums copiés513. 511 CA Paris, 27 mars 1977, Société Raverdy c/Ufima, inédit, cité par Greffe p. et F., La publicité et la loi: Litec, 9è éd. 2000, n° 790, p. 276; Cf. Biolay J.-J., publicité comparative, J-Cl. 2003, fasc. 902 512 T. com. Paris (15è ch.), 22 oct. 1999, Gaz. Pal. 1999.2, somm. p. 728, note X et TGI Paris, 1è ch. Civ., 8 janv. 1992, Conseil national de l'ordre des pharmaciens c/ Leclerc : RTD com. 1992, n° 2, p. 495, obs. Bouzat 513 J. Passa, Les rapports entre droit des marques et droit de la publicité comparative : un risque d'affaiblissement de la protection de la marque, op. cit. 263 Publicité et droit des marques C'est le problème qui a été soulevé récemment devant la CJCE dans l'affaire L'Oréal514. Celle-ci opposait les sociétés du groupe L'Oréal aux sociétés Bellure Malaika et Starion qui fabriquaient et commercialisaient des imitations de parfums de luxe, tels que Trésor, Anaïs Anaïs, Noa ou Miracle. Les sociétés Bellure Malaika et Starion utilisaient des tableaux de concordance qu'elles communiquaient aux détaillant et dans lesquels elles précisaient le nom des marques des parfums imités. Par ailleurs, les flacons et les emballages ressemblaient fortement aux produits copiés. Les sociétés Lancôme, Garnier et L'Oréal ont alors poursuivi pour contrefaçon de marque les sociétés Bellure Malaika et Starion. La Court of Appeal (Royaume-Uni) a, par la suite, posé plusieurs questions préjudicielles à la CJCE notamment afin de savoir « si l'article 3 bis, §1, de la directive 84/450 [devait] être interprété en ce sens que, lorsqu'un annonceur indique, à l'aide d'une liste comparative et sans provoquer de confusion ni de tromperie, que son produit contient une caractéristique essentielle similaire à celle d'un produit commercialisé sous une marque notoirement connue, dont le produit de l'annonceur constitue une imitation, cet annonceur tire indûment profit de la notoriété de ladite marque au sens de cet article 3 bis, §1, sous g), ou présente « un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction au sens dudit article 3 bis, §1, sous h) ». La CJCE a relevé que l’objet de la condition posée à l’article 3 bis §1 h) « [consistait] à interdire à l’annonceur de faire apparaître, dans la publicité comparative, le fait que le produit ou le service qu’il commercialise constitue une imitation ou une reproduction du produit ou du service de marque ». Or en l'espèce, elle a constaté que les tableaux de concordance présentaient les parfums commercialisés par les sociétés Bellure Malaika et Starion comme des imitations des parfums commercialisés sous certaines marques dont sont titulaires L’Oréal et par conséquent, comme des imitations de produits portant une marque protégée au sens de l'article 3 bis §1 h) de la directive 84/450. La CJCE a alors considéré « qu'il convenait de constater que, dès lors qu'une publicité comparative qui présente les produits de l'annonceur comme une imitation d'un produit portant une marque est qualifiée par la directive 84/450 de contraire à une concurrence loyale et donc d'illicite, le profit réalisé par l'annonceur grâce à une telle publicité est le fruit d'une concurrence déloyale et doit, par conséquent, être considéré comme indûment tiré de la 514 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit. 264 Publicité et droit des marques notoriété attachée à cette marque » (point 79). Ainsi, les juges veillent à ce que les conditions de licéité soient bien remplies. Néanmoins, il convient de constater qu'ils les apprécient dans le sens le plus favorable à la publicité comparative. Section 2. Précisions quant à la cible de la comparaison 566. L'ordonnance du 23 août 2001515 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la consommation a eu pour effet d'élargir le champ d'application de la publicité comparative. Cette dernière a notamment connu ces derniers temps une évolution quant à la cible de la comparaison. En effet, la jurisprudence de la CJCE en particulier a induit, outre l'élargissement du champ de la publicité comparative, l'assouplissement des conditions de celle-ci. 567. Tout d'abord, on peut noter que la cible de la comparaison a connu une évolution s'agissant de la référence au concurrent (§1). L'article L. 121-8 du code de la consommation prévoit que la publicité comparative met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par celui-ci. On peut donc affirmer que la comparaison doit avoir pour cible un concurrent ou les biens ou services qu'il offre. En effet, cette définition exclut les comparaisons d'ordre général sans citation d'une marque, d'un produit ou d'une entreprise516. Cependant, l'application de cette affirmation a posé quelques difficultés, notamment par rapport à la nécessité d'identification du concurrent ou du produit concurrent. 568. La cible de la comparaison a par ailleurs connu une évolution récemment du fait de la 515 Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001, JORF n°196 du 25 août 2001 p.13645, op. cit. 516 Pourtant, on peut relever que si une telle obligation n'avait pas été prévue, il y aurait sans doute moins d'atteintes au droit des marques. 265 Publicité et droit des marques position de la CJCE s'agissant des comparaisons par des annonceurs de produits dotés d'appellation d'origine à des produits n'en bénéficiant pas (§2). En effet, la CJCE a, dans l'arrêt De Landtsheer du 19 avril 2007517, refusé de considérer comme illicite une comparaison de produits ne bénéficiant pas de l'appellation d'origine à des produits qui en bénéficiaient, et ce alors que l'article 4 e) de la directive 2006/114 interdit de telles comparaisons. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une atteinte aux marques, cet arrêt mérite d'être analysé ici car il va dans le sens de la tendance de la jurisprudence à vouloir favoriser la publicité comparative quand bien même cela doit se faire détriment de certains droits. §1 La référence au concurrent 569. La publicité comparative a connu une importante évolution depuis la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992518, notamment s'agissant de la référence au concurrent. La loi de 1992 prévoyait que la publicité comparative mettait en comparaison des biens ou des services en utilisant la citation ou la représentation de la marque ou de la dénomination d'autrui. Depuis, cette comparaison a évolué car elle doit viser désormais un concurrent. La question qui s'est alors posée a été de savoir si l'identification de ce concurrent devait être explicite ou non (A). En outre, la CJCE a, d'une certaine manière, élargi de nouveau la cible possible de la comparaison en validant la référence à un produit concurrent identifiable (B). A- Un concurrent identifié ou identifiable 570. Initialement, la comparaison n'avait pas obligatoirement pour cible un concurrent mais simplement autrui. Depuis l'ordonnance du 23 août 2001, seules sont visées les 517 CJCE, 19 avr. 2007, aff. C-381-05, De Landtsheer Emmanuel SA c/Comité interprofessionnel du vin de Champagne, Veuve Clicquot Ponsardin SA : Contr. Conc. Conso. 2007, comm. 161, note G. Raymond 518 Loi n°92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs, op. cit. 266 Publicité et droit des marques comparaisons avec un concurrent. Cependant, ont posé problème les publicités qui ne visaient que de manière implicite un concurrent. En effet, longtemps les tribunaux ont refusé de sanctionner les comparaisons n'ayant pas pour cible un concurrent déterminé. Aujourd'hui, suite à l'ordonnance de 2001, il est acquis que cette identification peut être implicite. 1) Une comparaison au concurrent 571. L'article L. 121-8 du code de la consommation dispose que « toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si... ». Par conséquent, on peut en déduire que la publicité comparative doit viser obligatoirement un concurrent ou ses biens et services. Or, cela n'a pas toujours été le cas. En effet, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001, la publicité comparative pouvait utiliser la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce ou de service d'autrui. Il était ainsi prévu que que la cible de la comparaison était autrui, mais rien ne précisait qu'il devait s'agir d'un concurrent. Cette ordonnance est la transposition en droit interne de la directive n°97/55/CE du 6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse afin d'y inclure la publicité comparative. L'article 3 de cette directive prévoit ainsi l'insertion du point 2) bis suivant: « publicité comparative : toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent». La modification de l'article L 121-8 du code la consommation a donc eu pour conséquence d'exclure les comparaisons ne visant pas un concurrent mais seulement autrui ou plus largement l'ensemble d'une profession. 572. Il convient de noter qu'en matière de dénigrement, sous l'empire de la loi du 18 janvier 1992, les comparaisons générales pouvaient engager la responsabilité de l'annonceur en cas de dénigrement de toute une profession 519 . Par exemple, constituait un acte de concurrence déloyale le fait pour une grande surface d'inciter la clientèle à déserter les magasins des épiciers traditionnels dont les méthodes sont qualifiées d' « attrape-nigaud », et 519 J.-J. Biolay., Publicité Comparative, J.-Cl. Concurrence consommation, Fasc. N°902, 2003, p.8 267 Publicité et droit des marques ce bien que la publicité ait un caractère collectif520. La loi du 18 janvier 1992 interdisait ainsi les publicités comparatives ayant un caractère dénigrant rendant possible l'identification de personnes n'étant pas nécessairement concurrentes de l'annonceur. Cependant, aujourd'hui, seules les publicités susceptibles de rendre possible l'identification d'un seul concurrent ou de ses biens ou services sont visées par le code de la consommation. Comme le souligne Jean-Jacques BIOLAY dans son étude sur la publicité comparative521, « une stricte interprétation du nouveau texte pourrait conduire à exclure de son champ d'application les comparaisons à caractère collectif visant un ensemble de concurrents ». Cependant, il convient de préciser que celles-ci pourront tout de même être condamnées pour dénigrement collectif. Il semble désormais acquis que la cible de la comparaison doit être effectivement un concurrent ou ses biens ou services. Cependant, un problème est né du fait de savoir si ce concurrent devait être identifié explicitement. 2) Un concurrent visé pouvant être reconnu 573. Pendant longtemps, les tribunaux se sont refusés à sanctionner les publicités comparatives ne se référant pas à un concurrent déterminé. Cependant, l'article 1-3 de la directive 97/55/CE prévoit que l'identification du concurrent peut être implicite. Aujourd'hui, une publicité comparative, pour être licite, doit simplement permettre l'identification des concurrents ou de leurs biens et services. Elle peut alors le faire de manière explicite ou implicite. La publicité peut ainsi citer nommément le concurrent et reproduire ses signes distinctifs. Les concurrents peuvent aussi être seulement visés, sans l'être nommément. Dans cette hypothèse, ils doivent être susceptibles d'être reconnus pour se prévaloir des dispositions des articles L 121-8 et suivant du code de la consommation. En effet, une publicité comparative permettant l'identification des concurrents de l'annonceur doit respecter les prescriptions de la réglementation en matière de publicité comparative. Il importe peu que le concurrent soit nommé, à partir du moment où il peut être identifié522. 520 CA Bordeaux, 3 mars 1971: Gaz. Pal. 1971, 2, jurispr. p.398, note Fourgoux J.-Cl. 521 J.-J. Biolay, Publicité comparative, op. cit. 522 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (2ème partie), RLC, 2007/14, n° 1040 268 Publicité et droit des marques En effet, Le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance du 23 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la consommation523 énonce que la directive considère comme comparative la publicité qui permet l'identification, même implicite, d'un concurrent ou des biens ou services qu'il offre et que « certains tribunaux avaient déjà reconnu à une publicité un caractère comparatif dès lors que le concurrent non cité pouvait être identifié ». Aujourd'hui, l'article L. 121-8-I 9) du code de la consommation prévoit qu'« il y a publicité comparative dès lors que le concurrent est identifié ou simplement identifiable ». Ainsi, lorsque que le marché des télécommunications a été ouvert à la concurrence, la comparaison émanant d'un opérateur privé renvoyait nécessairement, dans l'esprit du public, à l'opérateur public524. 574. En outre, il convient de noter que, s'agissant de dénigrement, il ne peut y avoir concurrence déloyale que si le concurrent est identifiable. Ainsi, la Cour de cassation a jugé le 4 juillet 2006525 que la société Alain Afflelou pouvait être reconnue dans la publicité télévisuelle faite par la société Visual qui comportait le message suivant: « Quand on vous offre une seconde paire de lunettes, êtes-vous toujours sûr de la qualité des verres? ». En effet, Afflelou avait développé la formule « tchin tchin Afflelou » qui avait pour objet d'offrir à tout acquéreur d'une paire de lunettes, une seconde paire pour un euro de plus. La Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la cour d'appel de Paris526 en considérant que Afflelou pouvait bien être identifié par les consommateurs d'attention moyenne. 575. Enfin, la cour d'appel de Paris a considéré dans un arrêt opposant les sociétés NRJ et Europe 1 que les règles applicables à la publicité comparative devaient « être interprétées dans un sens favorable à ce genre de publicité dont l'efficacité implique que puissent être repris les signes distinctifs du concurrent que le public doit identifier »527. On peut déduire de cet attendu l'importance de la possibilité d'identification du concurrent. 576. Par ailleurs, il convient de préciser que l'article L. 121-8 prévoit que la publicité 523 Ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la consommation, op. cit. 524 CA Versailles, 26 mars 1999, JCP E 1999, pan.1793 – CA Versailles, 27 juin 2002: JCP E 2003, pan.46; Contrats, Conc., Consom. 2003, comm. N°65, note Raymond 525 Cass. Com, 4 juillet 2006, n°03-11.759, D. 526 CA Paris, 15 nov. 2006, Gaz. Pal. 6-10 mai 2007, p.14 527 CA Paris 18 janv. 1992, Stés NRJ et NRJ Régies c/ Stés Europe 1 Télécompagnie et Régie 1 269 Publicité et droit des marques comparative « met en comparaison des biens ou des services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens et services offerts par un concurrent... » Par conséquent, l'identification ne concerne pas seulement le concurrent mais peut ne concerner que les produits de ce celui-ci. B- Un produit concurrent identifiable 577. Comme nous venons de le voir, la comparaison doit se faire avec un concurrent de manière au moins implicite. Cependant, la CJCE a de nouveau élargi le champ d'application de la publicité comparative en admettant que la comparaison puisse être faite, non pas avec un concurrent ou ses biens ou services mais avec un produit concurrent n'étant pas même cité. Néanmoins, ce produit doit tout de même pouvoir être identifié. La CJCE va pourtant plus loin encore dans l'élargissement du champ de la publicité comparative en considérant que la référence à un type de produits est admise dès lors qu'il est possible d'identifier le concurrent visé ou les biens ou services qu'il offre. 1) L'absence de citation du produit concurrent 578. L'individualisation d'un concurrent ne semble pas nécessaire pour qu'une publicité relève de la directive n° 97/55/CEE modifiant la directive n°84/450/CEE528. Dans l'arrêt De Landtsheer du 19 avril 2007529, la CJCE répond à une question préjudicielle posée par la cour d'appel de Bruxelles dans une affaire opposant le Comité interprofessionnel des vins de Champagne et la société Veuve Clicquot à une société belge à propos d'une publicité relative à la commercialisation de la bière dénommée « Malheur Brut Réserve » dont plusieurs éléments du conditionnement évoquaient des caractéristiques du Champagne. Se posait alors la question de savoir s'il y avait publicité comparative lorsque aucun produit ou entreprise 528 Voir note sous l'arrêt De Landtsheer, Contr. conc. Conso. 2007, note 161, G. Raymond 529 CJCE, 19 avr. 2007, aff. C-381-05, De Landtsheer, op. cit. 270 Publicité et droit des marques déterminés n'étaient cités. Avant cet arrêt, la publicité comparative avait pour objet de comparer un produit avec et au détriment d'un produit ou d'un service concurrent 530. Aujourd'hui, il semblerait qu'il faille ajouter à cela que celui-ci soit individualisé ou non dès lors que le produit concurrent est identifiable. En effet, la CJCE rappelle dans cet arrêt que, aux termes de l’article 2, point 2 bis, de la directive, on entend par «publicité comparative» toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent531. Cependant, elle précise que selon une jurisprudence constante, il s'agit d'une définition large, permettant de couvrir toutes les formes de publicité comparative, de sorte qu'il suffit qu'il existe une communication faisant, même implicitement, référence à un concurrent ou aux biens ou aux services qu'il offre pour qu'il y ait publicité comparative. 579. En d'autres termes, pour la CJCE, peut être considérée comme une publicité comparative la référence, dans un message publicitaire, à un type de produits et non à une référence ou à un produit déterminé, dès lors qu'il est possible d'identifier ce concurrent ou les produits qu'il offre comme étant réellement visés. Par conséquent, bien que la comparaison puisse être simplement implicite, il n'en demeure pas moins que le produit ou le service offert par le concurrent doit tout de même être identifiable. Cette identification peut être néanmoins seulement implicite et elle se trouve bien dans le champ d'application de la publicité comparative au sens de la directive. 2) L'identification implicite du produit concurrent 580. Si l'on interprète strictement la définition donnée par la directive 97/55/CE modifiant la directive 84/450, le produit concurrent devrait pouvoir être identifié pour voir les dispositions régissant la publicité comparative trouver à s'appliquer. Cependant, la CJCE a depuis longtemps une interprétation très large de cette définition. En effet, dans l'arrêt Toshiba Europe du 25 octobre 2001532, la Cour considère déjà qu'il suffit qu'il existe une communication sous une forme quelconque faisant, même implicitement, référence à une 530 Voir note sous l'arrêt De Landtsheer, Contr. conc. Conso. 2007, note 161, G. Raymond, op. cit. 531 CJCE, 19 avr. 2007, op. cit., point 15 532 CJCE, 25 oct. 2001, aff. C-112/99, Toshiba Europe : Rec. 2001, I, 07945 271 Publicité et droit des marques concurrent ou à ses biens ou services et qu'il importe peu qu'il existe une comparaison entre les biens et services offerts par l'annonceur et ceux du concurrent. La CJCE ne précise cependant pas ce qu'il faut entendre par identification. Dans ses conclusions dans l'affaire De Landtsheer, l'avocat général P. Mengozzi précise s'agissant de la première question préjudicielle que « le sens littéral de l'article 2, point 2 bis, de la directive 84/450 inciterait (…) à exclure de la définition concernée la publicité qui se réfère à un type de produit et qui ne permet pas, fût-ce sous une forme purement implicite, d'individualiser, en le ou les distinguant de la généralité des concurrents, un ou plusieurs concurrents déterminés (ou leur produit) »533. L'avocat général conclut sur ce point que « la référence dans un message publicitaire à un type de produits ne répond pas en soi à l'exigence d'identification inscrite à l'article 2, point 2 bis de la directive 84/450(...). Une telle référence ne pourrait constituer une identification implicite d'un concurrent ou des biens offerts par celui-ci (…) que si, eu égard à toutes les circonstances de l'espèce, elle permet à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de se représenter une ou plusieurs entreprises déterminées qui offrent ce type de produit, ou leurs biens »534. 581. La CJCE, quant à elle, a répondu sur ce point que « l’article 2, point 2 bis, de la directive doit être interprété en ce sens que peut être considérée comme constituant une publicité comparative la référence, dans un message publicitaire, à un type de produits et non à une entreprise ou à un produit déterminés dès lors qu’il est possible d’identifier cette entreprise ou les produits qu’elle offre comme étant concrètement visés par ledit message. La circonstance que plusieurs concurrents de l’annonceur ou des biens ou des services qu’ils offrent puissent être identifiés comme étant concrètement visés par le message publicitaire est sans pertinence en vue de la reconnaissance du caractère comparatif de la publicité ». 582. On ne peut que remarquer que la CJCE se montre particulièrement favorable à la publicité comparative et qu'elle ne cesse d'élargir son champ d'application en interprétant de manière très (voire trop) extensive la directive 97/55/CE. Elle rappelle d'ailleurs souvent 533 Conclusions de l'avocat général M. P. Mengozzi, 30 nov. 2006, aff. C-381/05, De Landtsheer Emmanuel SA c/Comité interprofessionnel du vin de Champagne, Veuve Clicquot Ponsardin SA, point 35 534 Ibid., point 56 272 Publicité et droit des marques dans ses arrêts la jurisprudence constante qui est d'interpréter les conditions de la publicité comparative dans le sens le plus favorable à celle-ci. Cet arrêt très intéressant, soulève surtout, outre cette question d'identification de la cible de la comparaison, des questions s'agissant de la protection des appellations d'origine qui bénéficiaient jusqu'alors d'une protection renforcée en matière de publicité comparative. §2 La référence à l'appellation d'origine 583. La directive 97/55 ainsi que le code de la consommation encadrent les comparaisons dans des annonces publicitaires à des produits bénéficiant d'une appellation d'origine. Ainsi, la comparaison n'est permise que pour des produits revêtus chacun de la même appellation. Cette limitation a pour objet de protéger les produits visés par l'article L. 115-1 du code de la consommation qui prévoit que: « constitue une appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains ». Cependant, bien qu'en théorie les comparaisons à cette catégorie de produits soient strictement encadrées, la position extensive de la CJCE est venue amoindrir cette protection en admettant la possibilité pour un annonceur dont le produit n'est pas doté de l'appellation d'origine de se comparer à un produit revêtu de l'appellation. 584. Il peut être intéressant de se pencher sur les publicités comparatives concernant des produits d'appellation d'origine (A) mais aussi sur l'interprétation qu'a la CJCE des conditions de licéité qui tend à favoriser la publicité comparative au détriment de ces appellations (B). Il y a là un parallèle à établir avec les atteintes subies par le droit des marques car, comme nous le verrons ensuite, la volonté de la jurisprudence tant européenne que nationale de se montrer souple envers la publicité comparative a pour effet de porter une atteinte toujours plus importante aux droits des titulaires de marques. Les appellations d'origine, alors même qu'elles bénéficient d'une protection spécifique afin d'éviter certains abus résultant de comparaisons, n'échappent malheureusement pas à la volonté de la CJCE 273 Publicité et droit des marques de favoriser la publicité comparative. Cette position extrêmement souple démontre ainsi que quels que soient les droits qui bénéficient d'une protection, le développement de la publicité comparative demeure pour les juges une priorité. A- Le principe de la protection de l'appellation d'origine 585. Lors de l'avènement de la publicité comparative, il a semblé nécessaire de protéger les produits bénéficiant d'une appellation d'origine. En effet, le fait qu'un concurrent dont les produits ne sont pas dotés de l'appellation d'origine puisse les comparer à des produits bénéficiant de l'appellation serait anormal au regard de l'objet même de l'appellation d'origine. En outre, il pourrait constituer un profit indu, la comparaison à un produit revêtu de l'appellation d'origine pouvant laisser croire à tort au consommateur que les produits de l'annonceur présentent les mêmes caractéristiques. 1) Les textes affirmant la protection des appellations d'origine 586. La loi du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs 535 qui institue la publicité comparative prévoit à l'article 10-1 que « pour les produits qui bénéficient d'une appellation d'origine contrôlée, la comparaison n'est autorisée que si elle porte sur des produits bénéficiant chacun de la même appellation ». 587. La directive européenne du 6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse afin d'y inclure la publicité comparative précise quant à elle à l'article 3 bis §1 f) que « pour les produits ayant une appellation d'origine, [la publicité comparative] se rapporte dans chaque cas à des produits ayant la même appellation ». Cette disposition se trouve désormais à l'article 4 e) de la directive du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative. L'ordonnance du 23 août 2001 536 a traduit 535 Loi n°92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs, op. cit. 536 Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001, op. cit. 274 Publicité et droit des marques ainsi cette disposition à l'article L. 121-10 : « pour les produits bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée, la comparaison n'est autorisée qu'entre des produits bénéficiant chacun de la même appellation ou de la même indication ». Enfin, d'autres dispositions en matière de publicité comparative s'intéressent à l'appellation d'origine. La directive du 6 octobre 1997 prévoit ainsi à l'article 3 bis §1 g) que la publicité comparative est licite lorsqu'elle ne tire pas indûment profit de l'appellation d'origine de produits concurrents. Le code de la consommation a de même prévu à l'article L. 121-9 que pour être licite, la publicité comparative ne devait pas tirer indûment profit de la notoriété attachée à l'appellation d'origine ainsi qu'à l'indication géographique protégée d'un produit concurrent. 2) La volonté d'une protection renforcée 588. Comme nous venons de le voir, plusieurs textes protègent une catégorie de produits : ceux bénéficiant d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique protégée. Le droit français aurait pu se contenter d'inscrire ces produits dans la liste des interdictions de l'article L. 121-9 du code de la consommation sans créer pour eux une condition autonome de régularité de la publicité comparative537. Comme nous l'avons évoqué plus haut, l'article L. 121-9, 1° énonce que « la publicité comparative ne peut tirer indûment profit de la notoriété attachée (...) à l'appellation d'origine ainsi qu'à l'indication géographique protégée d'un produit concurrent ». Cette interdiction de tirer indûment profit de la notoriété d'un produit bénéficiant d'une appellation aurait sans doute pu suffire pour protéger ces produits. En effet, on pourrait considérer que le fait pour un concurrent de comparer ses produits avec des produits revêtus d'une appellation suffirait à établir le profit indu. Cependant, le législateur a créé une condition autonome de licéité à l'article L. 121-10. On peut considérer que celle-ci reprend celle plus générale de l'article L. 121-8, 3° qui prévoit que la publicité comparative « porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ». En outre, il faut analyser cette condition particulière comme la manifestation de la 537 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (2ème partie), op. cit. 275 Publicité et droit des marques volonté du législateur d'accorder une protection renforcée aux produits bénéficiant de ces signes de distinction. En effet, le fait que des produits ne bénéficiant pas de la même appellation (ou d'aucune appellation) se présentent comme supérieurs pourrait porter atteinte à l'image des produits bénéficiant d'une appellation d'origine. La CJCE a cependant refusé d'exclure du champ d'application de la publicité comparative et de considérer comme illicite une comparaison à un produit bénéficiant d'une appellation d'origine par un produit n'en ayant pas. B- L'interprétation extensive de la CJCE 589. Bien qu'elle réaffirme la nécessité de la protection des produits bénéficiant d'une appellation d'origine, la CJCE, dans l'arrêt De Landtsheer du 19 avril 2007, a refusé de considérer comme illicite la comparaison d'un produit ne bénéficiant pas d'une appellation et d'un produit en étant revêtu. Cette interprétation conduit à s'interroger sur la réalité de la protection des appellations d'origine et surtout sur la nécessité des textes censés limiter les comparaisons aux produits dotés de cette appellation. 1) L'affaire De Landtsheer 590. Dans un arrêt du 19 avril 2007538 , La CJCE a eu à se prononcer sur la licéité de la comparaison d'un produit sans appellation d'origine se rapportant à un produit d'appellation d'origine. En l'espèce, une société belge, la société De Landtsheer, qui fabriquait des bières sous la marque « Malheur » a commercialisé en 2001 une bière dénommée « Malheur Brut Réserve » dont le processus d'élaboration est inspiré de la méthode de production du vin mousseux. La présentation faisait elle aussi très fortement référence à cette méthode. En effet, sur les emballages ou sur le dépliant accroché à la bouteille, figuraient des mentions telles que « Brut Réserve », « la première bière brut au monde » et « Reims-France ». De 538 CJCE, 19 avr. 2007, aff. C-381-05, De Landtsheer , op. cit. 276 Publicité et droit des marques plus, dans le cadre de la présentation du produit, l'administrateur de la société a utilisé l'expression « Champagnebier » afin de souligner que bien qu'il s'agisse d'une bière, elle avait été produite selon la méthode champenoise. Enfin, lors de la campagne publicitaire, les caractéristiques du champagne ont été à plusieurs reprises évoquées afin de vanter l'originalité de cette bière. 591. Le comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) et Veuve Clicquot ont assigné la société De Landtsheer devant le tribunal de commerce de Nivelles pour publicité trompeuse et publicité comparative illicite. Le tribunal a alors condamné la société De Landtsheer à cesser tout usage de l'appellation d'origine « Champagne » ainsi qu'à toute référence à la méthode de production du Champagne. La société De Landtsheer a alors fait appel du jugement devant la Cour d'appel de Bruxelles. Afin de résoudre le litige, cette dernière décida de sursoir à statuer et de poser à la CJCE plusieurs questions préjudicielles. Celle qui nous intéresse ici est la quatrième et dernière question qui était de savoir s'il y avait lieu de déduire de l'article 3 bis, paragraphe 1 f) de la directive qu'est illicite toute comparaison qui, pour des produits n'ayant pas d'appellation d'origine, se rapporte à des produits ayant une appellation d'origine. 592. La CJCE a refusé cette interprétation et a jugé que « dès lors que toutes les autres conditions de licéité de la publicité comparative sont respectées, une protection des appellations d'origine qui aurait pour effet d'interdire de manière absolue les comparaisons de produits n'ayant pas d'appellation d'origine avec d'autres qui bénéficient d'une telle appellation serait injustifiée et ne saurait trouver sa légitimité dans les dispositions de l'article 3 bis, paragraphe 1, sous f), de la directive » (aujourd'hui article 4 e)). 2) La position de la CJCE 593. La CJCE rappelle que l'objectif de la condition de licéité édictée par l'article 3 bis §1 f) est d'interdire les comportements abusifs à l'encontre des dénominations protégées539. Elle rappelle plus loin (point 63) qu'« il est de jurisprudence constante que les conditions exigées 539 CJCE, 19 avr. 2007, aff. C-381-05, De Landtsheer, op. cit., point 59 277 Publicité et droit des marques de la publicité comparative doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à celleci ». Elle considère qu'il convient de lire conjointement les articles 3 bis §1 f) et 3 bis §1 g) et que, par conséquent, la publicité comparative est licite dès lors qu'elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d'autres signes distinctifs d'un concurrent ou de l'appellation d'origine de produits concurrents. La CJCE considère en outre que l'article 3 bis §1 g) perdrait en partie de son effet « si les produits n'ayant pas une appellation d'origine étaient empêchés d'être comparés avec d'autres qui bénéficient d'une telle appellation »(point 66). Elle conclut sur cette question en considérant que « la directive doit être interprétée en ce sens que n’est pas illicite toute comparaison qui, pour des produits n’ayant pas d’appellation d’origine, se rapporte à des produits bénéficiant d’une telle appellation »(point 72). 594. Cette interprétation de la CJCE conduit à faire quelques observations. Tout d'abord, on peut noter que cette décision a pour conséquence de priver les appellations d'origine de tout leur effet et par conséquent d'anéantir la protection des produits qui en bénéficient. Certes, une partie de la doctrine considère cette protection comme un privilège inutile qui a pour conséquence de limiter la concurrence540. Cependant, l'avocat général Mengozzi, dans ses conclusions considère que cette protection n'apparait pas en contradiction avec les objectifs de la directive 97/55/CE. Il suggère alors à la Cour d'interpréter l'article 3 bis §1 f) en ce sens que la publicité comparative ayant pour cible un produit bénéficiant d'une appellation d'origine n'est licite que si elle est effectuée par rapport à un autre produit doté de la même appellation d'origine. Pourtant, la CJCE n'a pas suivi les recommandations de l'avocat général. On peut aussi relever que le fait de comparer un produit bénéficiant de l'appellation d'origine à un autre n'appartenant pas au même territoire et donc ne bénéficiant pas de l'appellation pourrait être de nature à induire les consommateurs en erreur. De même, s'il relève de la zone géographique considérée mais ne remplit pas les conditions, la comparaison pourrait tout autant avoir pour effet de tromper les consommateurs541. Enfin, on notera que, dans ses conclusions, l'avocat général Mengozzi présente l'article 3 bis §1 f) de la directive comme étant plutôt une spécification de la condition d'homogénéité de la 540 Conclusions de l'Avocat général M. P. Mengozzi, op. cit., point 124 541 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (2ème partie), op. cit. 278 Publicité et droit des marques comparaison prévue à l'article 3 bis §1 b) qui énonce que la publicité comparative est licite lorsque « elle compare des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ». L'article 3 bis §1 g) concernerait quant à lui l'interdiction des publicités parasitaires. 595. L'interprétation de la CJCE, en favorisant la publicité comparative dans un souci de stimulation de la concurrence entre les fournisseurs de biens et services dans l'intérêt des consommateurs, pourrait produire l'effet inverse. En effet, comme nous l'avons souligné plus haut, admettre des comparaisons de produits non revêtus d'une appellation d'origine avec des produits en bénéficiant conduit à induire le consommateur en erreur en le laissant croire à équivalence notamment qualitative des produits. Néanmoins, le champ d'application de la publicité comparative s'élargit peu à peu sous l'impulsion de la CJCE qui se montre de plus en plus favorable à cette forme de communication au motif que cet instrument peut participer au développement de la concurrence. Malheureusement, cette bienveillance de la part de la jurisprudence se fait au détriment du droit des marques qui doit alors supporter les nombreuses atteintes subites en résultant. 279 Publicité et droit des marques Chapitre 2 Une évolution au détriment des droits exclusifs conférés par la marque 596. Comme nous l'avons dit, la publicité comparative a introduit une exception au droit des marques542. Ce dernier confère au titulaire d'une marque le droit d'interdire l'usage de ses signes distinctifs, dans la vie des affaires, à un tiers. Néanmoins, le quatorzième considérant de la directive 2006/114 relève qu'il peut être nécessaire, pour rendre la publicité comparative effective, d'identifier le produit d'un concurrent en faisant référence à la marque dont celui-ci est titulaire. Par ailleurs, la Cour a rappelé dans un arrêt très récent que, bien que « la marque constitue un élément essentiel du système de concurrence non faussé » , elle n'avait « cependant pas pour objet de protéger son titulaire contre des pratiques inhérentes au jeu de la concurrence »543, pratiques dont la publicité comparative, instrument au service de la concurrence et de l'information des consommateurs, fait sans aucun doute partie. La jurisprudence constante étant d'interpréter les conditions de licéité de la publicité comparative dans le sens le plus favorable à celle-ci, et son champ d'application étant de ce fait plus large, il en résulte un rétrécissement progressif du domaine d'exclusivité de la marque. C'est pourquoi, dans l'arrêt O2 Holdings544, la CJCE relève que le législateur communautaire a entendu favoriser la publicité comparative et qu'il faut par conséquent admettre de « limiter dans une certaine mesure le droit conféré par la marque » (point 39). Mais force est de constater que ce qui devait constituer une exception raisonnable et justifiée au droit des marques, tend à constituer une réelle atteinte à celui-ci. 597. En effet, l'assouplissement des conditions de licéité dans le but de favoriser la publicité comparative a pour effet de porter de plus en plus atteinte au droit des marques. Pourtant, des gardes-fous ont été posés afin de contenir les débordements, notamment pour 542 J. Passa, Les rapports entre droit des marques et droit de la publicité comparative : un risque d'affaiblissement de la protection de la marque, op. cit. 543CJUE, 22 sept 2011, aff. C-323/09, Interflora, op. cit., point 57 544 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings Limited et O2 UK Limited c/ Hutchinson 3G UK Limited, op. cit. 280 Publicité et droit des marques éviter que les droits exclusifs conférés aux titulaires de marques ne souffrent trop de cette exception (section 1). Néanmoins, il apparaît que les atteintes aux marques, en principe limitées par ces règles, sont de plus en plus nombreuses. En effet, l'élargissement constant du champ d'application de la publicité comparative se traduit par un affaiblissement du pouvoir protecteur du droit des marques. Cet élargissement a notamment pour origine la volonté, tant du législateur que des juges, de protéger certains intérêts « supérieurs ». Cette volonté suffit alors à justifier que des atteintes au droit des marques soient tolérées (section 2). Section 1. Des remparts illusoires 598. L'article 5 de la directive 89/104 rapprochant les législations des États membres sur les marques prévoit que la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Il peut alors interdire à tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique à sa marque et notamment dans une publicité. Cependant, l'article 6 de la même directive pose des limites. Ainsi, le titulaire n'est pas habilité à interdire l'usage de sa marque lorsque celleci est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service. En outre, la publicité comparative constitue une véritable exception au droit des marques en ce que la directive 97/55 prévoit qu'elle identifie, explicitement ou implicitement, un concurrent ou des biens ou services qu'il offre. Le quatorzième considérant de cette directive relève en ce sens qu'il peut être indispensable, pour que la publicité comparative soit effective, d'identifier les produits ou services d'un concurrent en faisant référence à une marque dont ce dernier est titulaire ou à son nom commercial. 599. Par conséquent, l'usage de la marque d'autrui est bien permis. Néanmoins, cette exception au droit des marques soulève, notamment en pratique, bien des problèmes. En effet, comme le note Monsieur le Professeur Christophe CARON545, « il faut concilier l'inconciliable : protéger le titulaire de la marque, tout en permettant la publicité comparative ». Elle est donc encadrée, notamment afin de veiller à ce que l'annonceur ne 545 Ch. Caron, Délicate articulation du droit des marques avec la publicité comparative, Comm. com. électr. 2008, n° 12, comm. 132 281 Publicité et droit des marques puisse pas tirer indûment profit de la notoriété de la marque à laquelle il fait référence (§1). Par ailleurs, la directive 2006/114, comme la directive sur les marques, prévoit qu'une telle pratique ne peut avoir pour effet de générer un risque de confusion dans l'esprit du public(§2). §1 Le premier rempart : l'interdiction de tirer indûment profit de la marque d'autrui 600. L'article 4 f) de la directive 2006/114 (ancien article 3 bis §1 g), de la directive 97/55) prévoit que la publicité comparative est licite lorsqu'« elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d'autres signes distinctifs d'un concurrent ». De même, l'article L. 128-9 du code de la consommation interdit de tirer profit de la notoriété attachée à une marque de fabrique ou à d'autres signes distinctifs. La comparaison, pour être licite, ne doit ainsi pas avoir pour effet de tirer profit de la notoriété attachée à la marque du tiers qui en fait l'objet (A). Ce principe ayant été au cœur de plusieurs affaires, il semble opportun de s'intéresser aux interprétations jurisprudentielles (B). A- Le principe de l'interdiction du profit indu 601. Comme le soulignent Ms. MONTEIRO et RUZEK546, il est difficile d'autoriser la publicité comparative sans admettre qu'il existe un risque que l'annonceur s'approprie une part de la notoriété de son concurrent. C'est aussi ce qu'avait relevé l'avocat général Léger 546 J. Monteiro et V. Ruzek, L'usage du signe à des fins autres que celle de distinguer les produits et services d'un opérateur économique, Propr. indust. 2007, n°4, étude 9 282 Publicité et droit des marques dans ses conclusions s'agissant de l'affaire Toshiba Europe547. Il n'est pas aisé de déterminer ce qu'est un profit indu. On peut considérer qu'il peut résulter de la volonté de l'annonceur d'exploiter la notoriété d'autrui exclusivement. La CJCE, pour déterminer le caractère indu du profit de notoriété, prend en compte le point de vue du consommateur. En effet, il ressort du deuxième considérant de la directive 97/55 que la publicité comparative peut stimuler la concurrence et ce, dans l'intérêt des consommateurs. L'avantage que représente la publicité comparative pour le consommateur doit donc être pris en compte pour l'appréciation du caractère légitime ou non du profit tiré de la notoriété attachée au signe distinctif d'un concurrent de l'annonceur548. Par ailleurs, la CJCE prend en compte la nature du public visé pour déterminer s'il y a ou non risque d'un profit indu. Ainsi, dans l'arrêt Toshiba Europe puis dans l'arrêt Siemens, elle a considéré que lorsque les produits en cause étaient destinés à un public spécialisé, une association entre la réputation des produits de l'annonceur et ceux de son concurrent était moins probable que si les produits étaient destinés à des consommateurs finals. 602. Le profit indu peut être constitué quand une confusion nait dans l'esprit du public entre les produits de l'annonceur et ceux du concurrent, fait qui est par ailleurs interdit par l'article L. 121-9 3) qui prévoit que la publicité comparative ne doit pas engendrer de confusion entre l'annonceur et un concurrent. L'interdiction du profit indu et celle du risque de confusion semblent alors assez proches dans cette hypothèse. Le profit indu peut aussi tenir au fait que l'annonceur cherche à bénéficier des efforts fournis par le concurrent et à détourner de cette manière la clientèle de ce dernier. Cette hypothèse est tout simplement celle du parasitisme. En effet, l'interdiction de tirer indûment profit de la notoriété attachée à un signe distinctif n'est rien d'autre qu'une interdiction du parasitisme 549. Ainsi, dans l'arrêt L'Oréal550, la CJCE a considéré que « le profit résultant de l’usage par un tiers d’un signe similaire à une marque renommée est tiré indûment par ce tiers desdits caractère distinctif ou renommée lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette 547 Conclusions de l'avocat général Léger, 8 février 2001, aff. C-112/99, Toshiba Europe GmbH c/ Katun Germany GmbH, Rec. p. I-07945 548 Cf CJCE, 23 février 2006, Siemens, op. cit. 549 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (2ème partie), op. cit., p.177 550 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit. 283 Publicité et droit des marques dernière, et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l’image de celle-ci » (point 50). 603. La publicité comparative consiste à citer la marque d'un concurrent ou, du moins, à l'identifier implicitement. Dès lors, l'utilisation des signes distinctifs d'autrui ne peut pas être illicite en elle-même. Le code de la consommation et la directive 84/450 autorisent l'usage des signes distinctifs d'autrui mais ils posent cependant des limites. Ainsi, les juridictions tant nationales qu'européennes veillent à empêcher les transferts de notoriété ou de réputation. Dans les faits, cela pose des difficultés car toute référence au signe distinctif d'un concurrent a pour effet un profit d'image551. En effet, les produits comme les marques font l'objet d'investissements ; ils sont le fruit d'un travail de recherche et des frais sont engagés afin de communiquer autour d'eux. C'est en fournissant d'importants efforts tant financiers que de recherche que les titulaires de marques parviennent à construire une image et une réputation à leurs produits. Dès lors, le fait qu'un tiers les compare à ses propres produits afin de mettre en avant les qualités de ces derniers a automatiquement pour effet de générer un profit de notoriété et d'image. On peut alors se demander si un tel profit ne constitue pas une atteinte aux fonctions de communication, de publicité et d'investissement de la marque... B- Les interprétations jurisprudentielles 604. La CJCE a eu à plusieurs reprises l'occasion d'apporter des précisions s'agissant de l'appréciation, au regard de certains éléments, du caractère indu ou non du profit résultant de la référence à la marque d'autrui. Par ailleurs, il convient de s'arrêter sur un arrêt de la Cour de cassation concernant une publicité mettant en comparaison des médicaments princeps et génériques dans lequel, alors qu'un profit indu semblait évident, elle n'a pas même envisagé qu'un tel profit ait pu être réalisé. 551 J.-J. Biolay, Publicité Comparative, J.-Cl. Concurrence consommation, Fasc. N°902, 2003, op. cit., p.12 284 Publicité et droit des marques 1) La jurisprudence communautaire 605. La question du profit indu est largement traitée dans l'arrêt Toshiba Europe. Il était demandé à la CJCE de déterminer si la directive 84/450 devait être interprétée en ce sens que des numéros d'articles d'un fabricant d'appareils constituent des signes distinctifs au sens de la directive et que leur utilisation dans les catalogues d'un fournisseur concurrent permettait à ce dernier de tirer indûment profit de la notoriété y étant attachée. La CJCE, après avoir relevé qu'« un annonceur ne saurait être considéré comme tirant indûment profit de la notoriété attachée à des signes distinctifs de son concurrent si une référence à ces signes est la condition d'une concurrence effective sur le marché en cause » (point 54), a considéré que le fait qu'un fournisseur utilise les numéros d'articles d'un fabricant d'appareils n'était pas suffisant pour affirmer qu'il tirait indûment profit de la notoriété d'un signe distinctif. La Cour rappelle par ailleurs qu'il a été jugé dans l'arrêt BMW552 que l'usage par un tiers d'une marque d'un concurrent peut générer un profit indu du caractère distinctif de la marque en créant par exemple, dans l'esprit du public, de fausses impressions relatives aux relations entre l'annonceur et le titulaire de la marque (point 55). La CJCE retient, en l'espèce, que la mention des numéros d'articles du fabricant en regard des numéros du fournisseur constitue l'affirmation d'une équivalence quant aux caractéristiques techniques des deux produits, c'est-à-dire une comparaison au sens de l'article 3 bis §1 c) de la directive 84/450. Cette comparaison n'a pas pour effet de laisser croire à une association, dans l'esprit des consommateurs, entre le fabricant et le fournisseur concurrent ou entre leurs produits. En d'autres termes, elle n'a pas pour effet un transfert de notoriété ou de réputation des produits du fabricant aux produits du fournisseur. Par conséquent, l'utilisation des numéros d'articles ne permet pas de tirer indûment profit de la notoriété attachée à ces signes distinctifs. 606. Dans un autre arrêt, l'arrêt Siemens553, la question était de savoir si, en utilisant dans ses catalogues l'élément central d'un signe distinctif d'un fabricant (un système de numéros de commande), un fournisseur concurrent tirait indûment profit de la notoriété attachée à ce signe et s'il fallait prendre en compte, aux fins de cette appréciation, l'avantage que cette utilisation représentait pour le consommateur et pour l'annonceur. La CJCE a alors rappelé 552 CJCE, 23 fév. 1999, aff. C-63/97, BMW et BMW Nederland BV c/ Ronald Karel Deenik, Rec. 1999, I, p. 00905 553 CJCE, 23 fév. 2006, Siemens, op. cit. 285 Publicité et droit des marques sa jurisprudence antérieure selon laquelle il faut tenir compte du quinzième considérant de la directive 97/55, qui prévoit que l'utilisation d'un signe distinctif n'enfreint pas le droit à la marque tant qu'elle est faite dans le respect des conditions posées par ladite directive. La Cour a ensuite rappelé les points 54 et 55 (précités) de l'arrêt Toshiba Europe avant de relever que « l'adoption par VIPA de l'élément central du système de numéros de commande de Siemens fait connaître au public l'existence d'une équivalence des caractéristiques techniques des deux produits », ce qui constitue une comparaison de caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives au sens de la directive 97/55. La CJCE relève ensuite qu'aucune association entre le fabricant et le fournisseur concurrent ne peut être créée dans l'esprit du public avant de répondre en considérant que le fournisseur concurrent ne tirait pas indûment profit de la notoriété attachée au signe distinctif. 607. L'arrêt L'Oréal554 apporte des précisions intéressantes s'agissant du profit indu en matière de publicité comparative. Ainsi, la Cour considère que l'annonceur qui présente ses produits comme des imitations de produits portant une marque renommée au sens de l'article 3 bis, §1 sous h), de la directive 84/450 réalise, au moyen de cette publicité comparative illicite un profit indu de la notoriété attachée à cette marque au sens du même article sous g). Il semblerait donc que le fait de présenter un produit comme une imitation ou une reproduction d'un produit de marque notoire entraine automatiquement, selon ce raisonnement, le profit indu. On peut alors s'interroger sur l'opportunité de l'interdiction de l'imitation ou de reproduction aujourd'hui prévue par l'article 4 g) de la directive 2006/114, l'interdiction du profit indu pouvant alors suffire à condamner une telle pratique. Par ailleurs, cet arrêt apporte des précisions quant au profit indu en ce que la Cour a considéré « que l'article 5, §2, de la directive 89/104 [devait] être interprété en ce sens que l'existence d'un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, au sens de cette disposition, ne présuppose ni l'existence d'un risque de confusion, ni celle d'un risque de préjudice porté à ces caractère distinctif ou renommée ou, plus généralement, au titulaire de celle-ci » (point 50). Le profit indu peut ainsi être retenu indépendamment de l'existence d'un risque de préjudice pour le titulaire de la marque. 554 CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal, op. cit. 286 Publicité et droit des marques 2) L'arrêt Deroxat 608. L'arrêt Deroxat rendu par la Cour de cassation555 mérite qu'on s'arrête un peu dessus, et ce bien que nous l'étudierons de manière plus détaillée dans la section suivante. Cet arrêt peut en effet soulever quelques questions en matière de profit indu. Le médicament générique, en se présentant comme tel, bénéficie de la renommée attachée au médicament princeps. On peut alors qualifier cela de parasitisme, aucune comparaison ne pouvant avoir pour objet de tirer indûment profit de la notoriété à la marque d'autrui. Le droit de substitution des médicaments génériques aux médicaments de référence pose alors problème notamment en matière de publicité comparative. Le terme indûment prend ainsi toute sa valeur, en relativisant l'importance qui doit être accordée au parasitisme556. L'arrêt Deroxat ne fait pas référence au profit indu. Pourtant, on peut se demander si le fait pour un médicament générique, en l'espèce la paroxétine G GAM, de se présenter comme étant similaire au médicament princeps (et même comme une copie) ne constitue pas, outre un acte de contrefaçon, un profit indu (comme l'a jugé la CJCE dans l'arrêt L'Oréal). En effet, un médicament princeps fait l'objet de nombreux investissements tant en matière de recherche qu'en matière de publicité afin qu'il jouisse d'une certaine renommée chez les patients. Or, dès l'expiration du brevet, les médicaments génériques peuvent être produits et commercialisés. Ces médicaments sont doublement favorisés par rapport aux médicaments princeps car ils sont non seulement encouragés par les pouvoirs publics en raison de leur coût moins élevé, mais en outre ils bénéficient (indûment ?) de la renommée du médicament princeps. En outre, comme le relève Pierick ROUSSEAU, la substitution par le pharmacien a pour effet de voir la marque « s'effacer progressivement au profit des tiers » et de lui « retirer » sa fonction première de garantie d'origine557. 609. Malheureusement, bien que l'arrêt de la chambre commerciale n'apporte pas d'éléments d'information sur le profit indu, la Cour précise que l'utilisation de la marque d'un médicament princeps, étant nécessaire à l'information des pharmaciens, est légitime. Cet arrêt, très intéressant à plusieurs aspects, pose notamment une question qui est revenue 555 Cass. Com., 26 mars 2008, aff. 06-18.366, SARL Sandoz c/ Beecham Group PLC et Gloxosmithkline 556 O. Binder et N. Boinet, Médicaments génériques: droit des marques, droit de substitution et publicité comparative, LPA, 24 mai 1999, n° 102, p. 4 557 P. Rousseau, La marque dans tous ses états in Les métamorphoses de la marque : Actes du colloque du 4 juin 2010, IFR actes de colloques, LGDJ, 2011, p. 93 287 Publicité et droit des marques plusieurs fois, tant au niveau français qu'au niveau communautaire : celle de la nécessité de la référence à la marque d'autrui que nous aborderons dans la seconde section section. Il convient d'abord de s'intéresser à la condition de l'absence de risque de confusion car c'est la preuve d'un tel risque qui « permettra le triomphe de la marque sur la publicité comparative »558. §2 Le second rempart : l'absence de risque de confusion 610. Le risque de confusion peut résulter de l'utilisation des signes distinctifs d'un concurrent. Comme le souligne Mme Linda ARCELIN559, en matière de publicité comparative, la confusion provient souvent d'un manque de précision de la part de l'annonceur. Ce manque de précision est d'ailleurs souvent voulu par ce dernier afin de créer le trouble dans l'esprit du consommateur. Le critère de l'absence de confusion se retrouve tant dans les conditions de licéité de la publicité comparative que dans le droit des marques (A). Le problème qui résulte alors de ce double fondement est celui de l'articulation des directives 84/450 régissant la publicité comparative et 89/104 sur les marques (B). A- La condition de l'absence de confusion : un critère commun au droit des marques et à la publicité comparative 611. Pour l'appréciation du risque de confusion, le support importe peu. Il peut donc s'agir d'une publicité comparative. Les textes régissant la publicité comparative prévoient que celle-ci ne doit pas avoir pour effet d'engendrer une confusion entre l'annonceur et le 558 Ch. Caron, Délicate articulation du droit des marques avec la publicité comparative, op. cit. 559 L. Arcelin, La publicité comparative, à la croisée des intérêts des consommateurs et des concurrents (2ème partie), op. cit. 288 Publicité et droit des marques concurrent. Par ailleurs, les textes relatifs au droit des marques énoncent que le titulaire d'une marque peut interdire à un tiers l'usage d'un signe qui risquerait de créer une confusion dans l'esprit du public. 612. Ainsi, l'article 5 §1 b) de la directive 89/104 prévoit que le titulaire d'une marque enregistrée peut interdire à tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, « d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque ou en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque ». 613. L'article 3 bis §1 d) de la directive 97/55 prévoit que la publicité comparative est licite lorsqu'« elle n'engendre pas de confusion sur le marché entre l'annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l'annonceur et ceux du concurrent ». La condition d'absence de confusion figure aujourd'hui à l'article 4 h) de la directive 2006/114. Elle a néanmoins été un peu remaniée. Ainsi, cet article prévoit désormais que la publicité comparative est licite dès lors qu'« elle n'est pas source de confusion parmi les professionnels, entre l'annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l'annonceur et ceux d'un concurrent ». Cette disposition a été transposée en droit interne par l'ordonnance de 2001. Elle figure à l'article L. 121-9 3° qui prévoit que la publicité comparative ne peut engendrer de confusion entre l'annonceur et le concurrent ou entre leurs signes distinctifs. 614. Le droit des marques et la publicité comparative sont reconnus chacun par des textes communautaires d'égale valeur. La question qui peut néanmoins se poser est de savoir si la notion de confusion a le même sens en droit des marques et en droit de la publicité comparative560. En droit des marques, le risque de confusion est généralement défini comme le risque que le consommateur puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement. En matière de publicité comparative, la définition est sensiblement la même. En effet, la CJCE, dans l'arrêt 560 J. Passa, Les rapports entre droit et droit de la publicité comparative: un risque d'affaiblissement de la protection de la marque, Propr. industr. 2008, n°10, ét. 20 289 Publicité et droit des marques O2561 considère qu'au regard des considérants 13 à 15 de la directive 97/55, il convient de donner la même interprétation à la notion de confusion utilisée tant dans la directive 89/104 que 97/55. Néanmoins, il est intéressant de noter que la confusion en matière de publicité comparative peut, en outre, résulter d'éléments autres que l'usage des signes distinctifs du concurrent. 615. Dans l'arrêt O2, la CJCE a considéré que l'usage d'une marque dans une publicité comparative entrait dans le champ de la protection de la marque. Elle peut par conséquent porter atteinte à une marque au sens de l'article 5 de la directive 89/104. C'est en cela que résulte le problème majeur soulevé par cet arrêt. En effet, il s'agit de parvenir à articuler les directives 97/55 et 89/104 qui, toutes deux, soumettent la licéité de la comparaison à l'absence de confusion entre les produits de l'annonceur et ceux de son concurrent. B- L'articulation des directives 84/450 et 89/104 616. Comme nous venons de le voir, la condition de l'absence de risque de confusion est à la fois prévue par le droit des marques et par le droit de la publicité comparative. Du fait que ce critère est affirmé deux fois, il ne devrait a priori pas y avoir de problème. Néanmoins, un problème pratique est apparu lors de l'arrêt O2 Holding : celui de l'articulation des directives sur la publicité comparative et de celle sur le droit des marques. 1) La question soulevée par la Court of Appeal 617. La Court of Appeal (Angleterre et Pays de Galles) a demandé, dans sa première question préjudicielle, à la CJCE si, lorsqu'un commerçant faisait usage, dans une publicité comparative, d'une marque enregistrée détenue par un concurrent afin de comparer les caractéristiques de ses produits avec celles du concurrent, et de manière telle que l'usage 561 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings Limited et O2 (UK) Holdings c/ Hutchison 3G UK Limited 290 Publicité et droit des marques n'engendrait pas de confusion ou ne portait pas atteinte à la fonction essentielle de la marque consistant à indiquer la provenance, cet usage relevait de l'article 5 §1 a) ou de l'article 5 §1 b) de la directive 89/104. 618. En l'espèce, il s'agissait d'un litige opposant O2, prestataire de services de téléphonie mobile qui utilise, pour la promotion de ses services, des images de bulles notamment dans l'eau sur un fond bleu dégradé, et H3G également prestataire de services de téléphonie mobile. En 2004, H3G avait fait diffuser à la télévision une publicité comparant le prix de ses services à celui des services de 02, en utilisant le nom O2 ainsi que des images de bulles en noir et blanc en mouvement. La société O2 a introduit une action en contrefaçon qui a été rejetée au motif que l'utilisation des bulles relevait de l'article 5 §1 b) de la directive 89/104 mais que, la publicité étant conforme à l'article 3 bis de la directive 97/55, H3G pouvait se défendre au titre de l'article 6 §1 b) de la directive 89/104. Un recours a alors été formé par la société O2 devant la Court of Appeal. 619. Cette dernière a demandé à la CJCE d'interpréter l'article 5 §1 de la directive 89/104 afin de savoir, notamment, si l'usage visé par cet article était uniquement celui ayant pour objet de distinguer l'origine commerciale car, dans ce cas, l'usage de la marque d'autrui dans une publicité comparative n'en relèverait pas. Par ailleurs, elle demande si, afin d'apprécier un risque de confusion au sens de l'article 5 §1 b) de la même directive, il convient ou nom de prendre en considération le contexte factuel dans lequel le signe du concurrent est utilisé. Avant de répondre à la première question préjudicielle, la CJCE relève que, la juridiction de renvoi, demandant aussi des précisions quant au critère d'indispensabilité de la référence, sollicite l'interprétation à la fois de l'article 5 §1 de la directive 89/104 et de l'article 3 bis §1 de la directive 97/55 (84/450). La Cour juge alors nécessaire de préciser, avant de répondre, la relation entre les directives 89/104 et 97/55. 291 Publicité et droit des marques 2) L'analyse de la relation entre les deux directives par la CJCE 620. La CJCE rappelle dans l'arrêt O2 Holdings que, selon la directive 89/104, le titulaire d'une marque peut en interdire l'usage par un tiers et notamment dans une publicité (article 5 §3 d) de la directive). Par ailleurs, l'utilisation, dans une publicité comparative, d'un signe identique ou similaire à la marque d'un concurrent est susceptible de constituer un usage au sens de l'article 5, §1 et §2 de la directive sur les marques et peut donc être interdite en vertu de ces dispositions. Néanmoins, la Cour rappelle qu'il ressort des considérants 13 à 15 de la directive 97/55 que le législateur communautaire a considéré que la nécessité de favoriser la publicité, en ce qu'elle stimule la concurrence dans l'intérêt des consommateurs, commandait de limiter le droit conféré par la marque. 621. La Cour considère ainsi que, afin de concilier la protection des marques et la publicité comparative, il faut interpréter les articles 5, §1 et §2 de la directive 89/104 et 3 bis §1 de la directive 97/55 en ce sens que le titulaire d'une marque n'est pas habilité à interdire l'usage par un tiers d'un signe identique ou similaire à sa marque dans une publicité comparative qui satisfait à toutes les conditions de licéité prévues par l'article 3 bis §1 de la directive 97/55. Néanmoins, elle précise que lorsque les conditions énoncées à l'article 5 §1 b) de la directive 89/104 pour interdire l'usage d'un signe identique ou similaire à une marque sont réunies, la publicité comparative dans laquelle ce signe est utilisé ne peut en aucun cas satisfaire à la condition de licéité de l'article 3 bis §1 d) de la directive 97/55 qui prévoit qu'elle ne doit pas engendrer de confusion. Par conséquent, l'article 5 §1 b) n'a vocation à s'appliquer que lorsqu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public. Dans les autres cas, la licéité de l'usage de la marque d'autrui dans une publicité comparative devra être appréciée au regard de la directive 97/55 seulement. La CJCE répond à la première question préjudicielle que l'article 5 §1 b) de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d'une marque n'est pas habilité à interdire l'usage par un tiers, dans une publicité comparative, d'un signe similaire à cette marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque cet usage n'engendre pas de risque de confusion dans l'esprit du public, et ce indépendamment du fait que la publicité comparative en question satisfait ou non à toutes les conditions de licéité prévues par l'article 3 bis de la directive 97/55. 292 Publicité et droit des marques 622. La CJCE apporte dans cet arrêt des précisions importantes et tout aussi intéressantes quant aux rapports entre le droit des marques et celui de la publicité comparative. Comme le souligne Monsieur le Professeur Jérôme PASSA dans son commentaire de l'arrêt562, la solution de la CJCE procède de l'idée que la publicité comparative constitue une exception au droit des marques. De ce fait, cette exception ne devrait pas être écartée du seul fait que le droit des marques peut être opposé parce qu'il existe un risque de confusion. L'interprétation de la Cour a pour effet de neutraliser la condition de licéité posée par l'article 3 bis §1 d) de la directive 97/55 lorsque le concurrent ou ses produits sont identifiés sous la marque dont il est titulaire. Ainsi, elle fait prévaloir le droit des marques sur la publicité comparative lorsqu'il y a un risque de confusion. Néanmoins, c'est dans cette hypothèse seulement que le droit des marques « triomphe »563 sur le droit de la publicité comparative. 623. Le risque de confusion constitue donc bel et bien le dernier rempart de protection de la marque. En effet, la condition de l'absence de confusion protège le droit exclusif conféré par la marque et permet la seule application de la directive 89/104 en matière de publicité. L'arrêt O2 reflète, une fois encore, la tendance de la jurisprudence communautaire (mais aussi nationale) à favoriser la publicité comparative en toute circonstance, le droit des marques ne prévalant sur celui de la publicité comparative que lorsqu'il existe un risque de confusion. 624. Les juridictions communautaires et nationales apprécient les conditions de licéité de la publicité comparative dans le sens le plus favorable à celle-ci. La CJCE rappelle ainsi fréquemment les considérants 2 à 6 de la directive 97/55 qui affichent la volonté du législateur de favoriser la publicité comparative au motif qu'elle stimule la concurrence mais aussi qu'elle constitue un moyen d'informer les consommateurs. Elle rappelle tout aussi souvent les considérants 13 à 15 aux termes desquels le législateur communautaire a considéré que la nécessité de favoriser la publicité comparative commandait de limiter le droit des marques. C'est ainsi que, pour des raisons extérieures à la publicité comparative en elle-même, le droit des marques s'efface à son profit. 562 J. Passa, Les rapports entre droit et droit de la publicité comparative: un risque d'affaiblissement de la protection de la marque, Propriété industrielle, oct. 2008, p.9 et suiv., op. cit. 563 Ch. Caron, Délicate articulation du droit des marques avec la publicité comparative, Communication Commerce électronique, n°12, Déc. 2008, comm. 132, op. cit. 293 Publicité et droit des marques Section 2. Des brèches réelles 625. Comme nous l'avons vu, la CJCE a une interprétation extrêmement large de la publicité comparative. De ce fait, elle ne cesse d'étendre le champ d'application de cette exception au droit des marques. Corrélativement, il en résulte une atteinte de plus en plus importante à celui-ci. 626. Le droit des marques, par les droits exclusifs qu'il confère au titulaire d'une marque, avait vocation à entrer en conflit avec la publicité comparative 564. En effet, en vertu de ce droit, en principe, le titulaire d'une marque peut s'opposer à l'usage de celle-ci par une tiers sous certaines conditions. Or, la publicité comparative permet un tel usage. (§1). Par ailleurs, certaines atteintes au droit des marques qui peuvent résulter de cette souplesse semblent parfois justifiées par des motifs autres que l'application des dispositions du droit de la publicité comparative. Ainsi, il apparaît que des intérêts « supérieurs » influent sur la jurisprudence et sur son appréciation de la protection du droit des marques (§2). §1 l'usage de la marque d'autrui 627. L'usage de la marque d'autrui constitue une exception à l'interdiction de reproduction des marques (A). Néanmoins, demeure une question : un tel usage de la marque doit-il être nécessaire au sens de l'article 6 de la directive 2008/95 ? (B). 564 A. Brunet, Publicité comparative, concurrence et consommation, op. cit. 294 Publicité et droit des marques A- Une exception à l'interdiction de reproduction 628. Si la publicité comparative n'était pas reconnue, la reproduction de la marque d'autrui dans une publicité pourrait constituer un acte de contrefaçon. Par conséquent, la publicité comparative constitue bien une exception à l'interdiction de reproduction. Comme le relève Jean-Jacques BIOLAY dans son étude sur la publicité comparative565, l'article L. 121-9 du code de la consommation a ouvert une brèche dans la défense des marques en permettant aux annonceurs de reproduire dans leurs publicités les signes distinctifs de leurs concurrents. En effet, le code de la propriété intellectuelle prévoit à l'article L. 713-2 que « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que: formule, façon, système, imitation, genre, méthode, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ». Le Conseil constitutionnel a pourtant considéré que « le fait pour le législateur d'autoriser la citation de la marque d'autrui dans le cadre de la publicité comparative ne porte pas au droit de la propriété une atteinte qui serait contraire à la constitution »566. 629. Ainsi, la publicité comparative a pour effet de permettre des exceptions aux droits exclusifs des titulaires de marques. C'est ce que les juges nationaux et européens ont eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises. En ce sens, la cour d'appel de Paris a jugé, en 2002, dans un arrêt opposant NRJ à Europe 1567, que l'utilisation, dans une publicité comparative, du logo d'un concurrent était licite en l'absence de toute irrégularité sur le fond de la publicité. Par la suite, la CJCE, a, elle-aussi, été amenée à se prononcer sur la licéité de la reproduction de la marque d'autrui dans une publicité comparative. Ainsi, dans l'arrêt Pippig du 8 avril 2003568, la CJCE a jugé que la citation de la marque d'un concurrent n'était pas illicite. Elle a rappelé dans cet arrêt que la directive 84/450 permettait, sous certaines conditions, à un annonceur d'indiquer la marque des produits d'un concurrent dans une publicité comparative. Puis, elle a rappelé que la Cour avait déjà jugé dans l'arrêt Toshiba 565 J.-J. Biolay, Publicité Comparative, J.-Cl. Concurrence consommation 2003, Fasc. n°902 566 Cons. Const., n°91-303: JO 18 janv. 1992, p.882; JCP E 1992, III, 65333 567 CA Paris, 4e ch., 18 janv. 2002, NRJ c/ Europe 1 : Gaz. Pal., sept. 2002, n° 271, p. 28, note J.-J. Biolay 568 CJCE, 8 avril 2003, Pippig Augenoptik GmbH & Co KG c/ Hartlauer Handelsgesellschaft mbH et Verlassenschaft nach dem vertobeden Franz Josef Hartlauer, aff. C-44/01, Rec. p.I-03095 295 Publicité et droit des marques Europe du 25 octobre 2001569 que l'usage de la marque d'autrui pouvait être légitime lorsque cela s'avérait nécessaire pour informer le public de la nature des produits ou de la destination des services offerts. La CJCE a considéré par conséquent que « l'indication de la marque d'un concurrent dans le cadre de la publicité comparative est (…) une faculté ouverte à l'annonceur » (point 51). L'arrêt Toshiba Europe a, par la suite, été de nouveau cité dans une décision de la CJCE. En effet, dans son arrêt Siemens570, la CJCE rappelle que selon la jurisprudence de la Cour, il convient de tenir compte du quinzième considérant de la directive 97/55, selon lequel l'utilisation d'un signe distinctif n'enfreint pas le droit à la marque quand elle est faite dans le respect des conditions établies par la directive 84/450. C'est par ailleurs l'arrêt Toshiba Europe qui fut le premier à donner des précisions sur le profit indu tiré de la notoriété des signes distinctifs d'un concurrent dans une publicité comparative. 630. Dans l'arrêt O2 Holdings571, la CJCE, saisie par la Court of appeal (Royaume-Uni) à l'occasion d'un litige opposant deux sociétés prestataires de téléphonie mobile, O2 et H3G, a considéré que le titulaire d'une marque ne pouvait pas interdire l'usage par un tiers, dans une publicité comparative qui satisfaisait aux conditions de licéité, d'un signe identique ou similaire à sa marque. La société O2 avait introduit une action en contrefaçon de marque contre la société H3G qui avait utilisé le nom O2 ainsi que des images de bulles en mouvement, signe distinctif de la marque 02, dans une publicité comparative. La CJCE a rappelé dans un premier temps les droits conférés par la marque selon l'article 5 de la directive 89/104. Elle relève alors que l'usage d'une marque dans une publicité comparative entre dans le champ de protection de la marque et est donc a priori susceptible de porter atteinte à la marque. Puis, la CJCE reprend les considérants 13 à 15 de la directive 97/55 et les interprète en énonçant que « le législateur communautaire a considéré que la nécessité de favoriser la publicité comparative commandait de limiter dans une certaine mesure le droit conféré par la marque » (point 39). Elle poursuit en considérant que pour concilier la protection des marques et l'utilisation de la publicité comparative, il faut interpréter les articles 5 §1 et §2 de la directive 89/104 et 3 bis §1 de la directive 84/450 (nouvel article 4 569 CJCE, 25 oct. 2001, Toshiba Europe, op. cit. 570 CJCE, 23 fév. 2006, aff. C-59/05, Siemens AG c/ VIPA Gesellschaft Für Visualisierung und Prosebautomatisierung mbH,, Rec. 2006, I, p. 02147 571 CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings Limited, op. cit. 296 Publicité et droit des marques de la directive 2006/114/CE) « en ce sens que le titulaire d'une marque enregistrée n'est pas habilité à interdire l'usage, par un tiers, dans une publicité comparative qui satisfait à toutes les conditions de licéité énoncées audit article 3 bis §1 d'un signe identique ou similaire à sa marque » (point 45). 631. Ainsi, bien que l'article 5 §1 a) de la directive 2008/95 confère au titulaire d'une marque le droit d'interdire à tout tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée, l'article 6 de la même directive intitulé « limitation des effets de la marque » prévoit que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaire, de la marque lorsqu'elle est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service. Or, la directive 2006/114 sur la publicité comparative énonce dans son considérant 14 qu'il peut être indispensable d'identifier les produits ou services d'un concurrent en faisant référence à une marque dont ce dernier est titulaire pour rendre la publicité comparative effective. Elle considère alors qu'une telle utilisation de la marque ou d'autres signes distinctifs n'enfreint pas le droit exclusif conféré par la directive 89/104 dès lors qu'elle est faite dans le respect des conditions prévues par la directive 97/55, l'objectif étant seulement de distinguer les produits ou services et de mettre leurs différences en relief. B- La référence nécessaire à la marque d'autrui 632. Comme nous l'avons vu, la CJCE considère qu'un annonceur ne saurait être considéré comme tirant indûment profit de la notoriété attachée à des signes distinctifs de son concurrent lorsque la référence à ces signes est la condition d'une concurrence effective sur le marché en cause. La question qui peut alors se poser est de savoir s'il faut ériger en critère de licéité la nécessité de la référence aux signes distinctifs d'autrui. 297 Publicité et droit des marques 1) L'émergence du critère de nécessité en matière de publicité comparative 633. La question de la nécessité de la référence au signe distinctif d'un concurrent a été soulevée par l'arrêt Toshiba en 2001. Afin de déterminer si la publicité comparative litigieuse tirait indûment profit de la notoriété du concurrent visé, il convenait de déterminer si la comparaison s'appuyant sur des signes distinctifs était bien nécessaire. En d'autres termes, il s'agissait d'établir si la citation de signes distinctifs du concurrent était nécessaire à l'information du consommateur. 634. Dans ses conclusions, l'avocat général Léger572 relève qu'il convient de poser des limites pour que l'annonceur ne puisse pas tirer indûment profit de la notoriété des signes distinctifs de son concurrent. Il rappelle alors le quinzième considérant de la directive 97/55 qui prévoit la faculté, pour un annonceur, d'utiliser les signes distinctifs d'autrui, le but visé étant de distinguer les produits. La publicité comparative doit, conformément à l'article 2 bis de la directive, identifier un concurrent ou les biens ou services qu'il offre. Pour cela, l'annonceur devra, d'une manière ou d'une autre, se référer à son concurrent. Par conséquent, l'avocat général retient que ce sont les modalités selon lesquelles il est possible de faire usage de signes distinctifs d'un concurrent qui doivent être précisées. Il considère ainsi qu'« il est indûment tiré profit de la notoriété attachée à un concurrent lorsque la référence faite à ce dernier ou la manière de s'y référer n'est pas nécessaire à l'information de la clientèle sur les qualités respectives des biens comparés » (point 85). Il poursuit en considérant que c'est sur ce critère de nécessité qu'il faut fonder l'appréciation de la régularité de la publicité comparative. Enfin, M. Léger relève que « le recours à un signe distinctif de cet opérateur ne doit être admis que dans la mesure où il n'existe pas d'autres voies permettant de procéder à la comparaison » (point 101). La CJCE ne reprend pas complètement le raisonnement de M. Léger. Elle relève seulement qu'un annonceur ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée aux signes distinctifs de son concurrent lorsque la référence à ces signes est la condition d'une concurrence effective (point 54). En l'espèce, elle considère que l'annonceur pouvait difficilement comparer ses produits à ceux de son concurrent sans se référer à ses signes distinctifs (les numéros d'articles). 572 Conclusions de l'avocat général Léger, 8 février 2001, aff. C-112/99, Toshiba, op. cit. 298 Publicité et droit des marques 635. Il est intéressant de noter que la Cour de cassation a, elle aussi, été amenée à s'interroger sur le caractère nécessaire ou non de la référence à la marque d'un concurrent. Ainsi, dans l'arrêt Deroxat, la cour d'appel de Paris avait considéré que la référence à la marque Deroxat n'était pas nécessaire, le médicament générique n'ayant pas encore été mis sur le marché, et que l'usage de la marque était alors un acte de contrefaçon. Malheureusement, la Cour de cassation n'a pas voulu se prononcer sur cette question et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Versailles. 636. Le critère de la nécessité a de nouveau fait l'objet de demandes d'éclaircissements dans le cadre de l'arrêt Gillette573, lors duquel la CJCE a répondu à des questions préjudicielles posées par le Korkein oikeus (Finlande). Cet arrêt ne concernait pas la publicité comparative mais le droit des marques, et plus précisément la directive 89/104 sur les marques. La troisième question était la suivante: « comment faut-il interpréter l'exigence que l'utilisation [d'une marque] soit nécessaire pour indiquer la destination d'un produit? ». Le litige opposait les sociétés Gillette et LA-Laboratories LTD Oy au sujet de l'apposition par cette dernière des marques Gillette et Sensor sur les emballages des lames qu'elle commercialisait pour indiquer leur compatibilité avec les manches de rasoir Gillette Sensor. La cour rappelle le droit exclusif conféré par la marque à son titulaire mais rappelle par ailleurs que selon la directive, le titulaire ne peut interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, de la marque lorsqu'elle est nécessaire pour indiquer la destination du produit, notamment en tant qu'accessoires ou pièces détachées. La CJCE répond à la troisième question qui lui est posée en considérant que le caractère licite de l'utilisation de la marque en vertu de l'article 6 §1 c) de la directive 89/104 dépendait du point de savoir si cette utilisation était nécessaire pour indiquer la destination du produit. Elle conclut alors, en l'espèce, en considérant que « l'usage de la marque par un tiers qui n'en est pas le titulaire est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit commercialisé par ce tiers lorsqu'un tel usage constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce produit ». 637. On retient alors de cet arrêt deux importantes précisions. Tout d'abord, l'usage de la 573 CJCE, 17 mars 2005, aff. C-228/03, Gillette : Rec. 2005, I, p. 02337, Propr. industr. 2005, n° 5, comm. 37, A. Folliard-Monguiral 299 Publicité et droit des marques marque doit être nécessaire pour indiquer la destination du produit et cet usage est nécessaire quand il est le seul moyen de fournir au public une information complète et compréhensible sur cette destination. Cet arrêt se place ainsi dans la continuité de la décision rendue en matière de publicité comparative en exigeant la nécessité de la référence pour que l'usage de la marque d'autrui puisse être licite (et en considérant que cette nécessité résulte du fait qu'il n'y a pas d'autre possibilité). Néanmoins, le caractère indispensable de la référence n'est pourtant pas toujours exigé par les juridictions. 2) Des réserves latentes quant au critère de nécessité 638. Dans deux décisions notamment, la CJCE, sans revenir sur la jurisprudence selon laquelle la référence aux produits d'un tiers doit être nécessaire pour que la comparaison soit licite, n'a pas réellement répondu à la question de savoir si cela était nécessaire ou non. Nous allons donc nous intéresser aux arrêts Pippig et O2 afin d'étudier les réponses faites par la Cour sur cette question mais aussi les conclusions des avocats généraux qui, bien souvent, apportent plus d'éléments de réflexion que les arrêts eux-mêmes. a) L'arrêt Pippig 639. Dans l'arrêt Pippig du 8 avril 2003574, en répondant à la première question préjudicielle, la CJCE rappelle le principe de nécessité. Cette question, dans sa troisième partie, porte sur la licéité de la comparaison de produits de marque avec des produits sans marque. La Cour relève, qu'en l'espèce, tous les produits étant de marque, il s'agit de s'interroger sur la licéité de produits de marques différentes lorsque les noms des fabricants ne sont pas indiqués. Elle rappelle alors que la directive 97/55 permet à un annonceur, sous certaines conditions, de citer la marque du produit concurrent et qu'il a déjà été jugé que l'usage de la marque d'autrui peut être légitime lorsqu'il est nécessaire pour informer les consommateurs de la nature des produits (arrêt Gillette). Par ailleurs, l'avocat général Tizzano avait considéré que « les dispositions de l'article 3 bis §1 présupposent la 574 CJCE, 8 avril 2003, Pippig , op. cit. 300 Publicité et droit des marques possibilité d'indiquer la marque des produits comparés » (point 27) et que l'avocat général Léger, dans l'affaire Toshiba, avait considéré qu'il était nécessaire que la publicité comparative permette à ses destinataires d'identifier les produits comparés. 640. Le tribunal autrichien a ensuite demandé à la CJCE, dans sa quatrième question préjudicielle, si l'article 3 bis §1 e) de la directive 97/55 devait être interprété en ce sens que les indications permettant l'identification du concurrent doivent être limitées au strict nécessaire, et qu'il est donc illicite de montrer, outre le nom du concurrent, son sigle et son magasin. On aurait alors pu s'attendre à ce que la Cour s'intéresse plus particulièrement ici au caractère nécessaire de la référence. Néanmoins, la Cour relève seulement qu'il résulte du quinzième considérant de la directive 97/55 que l'utilisation de la marque ou de signes distinctifs d'un concurrent n'enfreint pas le droit exclusif du titulaire si elle est faite dans le respect des conditions établies par la directive (point 83). Elle répond alors à la dernière question qu'une comparaison n'entraine pas le discrédit d'un concurrent et que, par ailleurs, la directive 97/55 ne s'oppose pas à ce qu'une publicité comparative reproduise, outre le nom du concurrent, son sigle et une image de la façade de son magasin dès lors que la publicité respecte les conditions de licéité de la directive. La Cour, après avoir rappelé le principe de la nécessité de la référence afin d'indiquer la destination du produit, aurait pu se montrer plus ferme et considérer que les indications permettant l'identification du concurrent devaient se limiter au strict nécessaire. Néanmoins, comme elle l'a rappelé une fois de plus dans cet arrêt, les conditions de licéité de la publicité comparative doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à celle-ci (point 42). Il semble alors que la volonté de favoriser la publicité comparative ait pour effet d'amoindrir l'importance du principe de la nécessité de la référence. b) L'arrêt O2 Holdings 641. Dans l'arrêt 02 Holdings, la CJCE ne donne pas de précisions s'agissant de la nécessité de la référence à la marque d'autrui. Les deuxième et troisième questions préjudicielles posées par la Court of Appeal (G.-B.) étaient de savoir, dans un premier temps, si l'usage devait être indispensable, à partir de quels critères le caractère indispensable devait 301 Publicité et droit des marques être apprécié. Enfin, il s'agissait de savoir si ce caractère indispensable faisait obstacle à l'usage d'un signe, non pas identique, mais étroitement similaire à la marque. La CJCE, relevant que la juridiction de renvoi n'avait sollicité une interprétation à ce sujet que dans l'hypothèse où la Cour répondrait à la première question, a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'examiner ces questions préjudicielles. C'est un fait malheureux car les réponses à ces questions auraient apporté des précisions très intéressantes en ce qu'elles auraient permis à la cour de préciser l'exigence du caractère nécessaire de la référence. 642. Une nouvelle fois, il faut alors se tourner vers les observations de l'avocat général575. Ce dernier considère que l'article 3 bis de la directive 84/450 n'impose pas le respect d'une condition d'indispensabilité de l'utilisation de la marque d'autrui, afin d'identifier le concurrent ou les produits ou services qu'il offre dans la publicité comparative (point 43). L'avocat général Mengozzi justifie cette interprétation par la jurisprudence de la CJCE. Il relève que l'avocat général Léger, dans l'affaire Toshiba, a pensé devoir fonder une appréciation de la régularité de la publicité comparative, au regard de l'article 3 bis §1 g), sur le critère de la nécessité de la référence. Cependant, il considère ensuite que cette interprétation a été écartée par la Cour dans ce même arrêt Toshiba. En effet, il considère qu'il faut interpréter le point 54 de l'arrêt (précité) en ce sens que « rien n'indique que [la Cour] ait (…) voulu dire que (…) si la référence à de tels signes [distinctifs] n'était pas la condition d'une concurrence effective sur ledit marché, elle entrainerait nécessairement que l'annonceur tirerait indûment profit de leur notoriété ». L'avocat général rappelle alors que la Cour a (plutôt) considéré qu'il y avait profit indu lorsque la mention des signes distinctifs d'autrui avait pour effet de créer dans l'esprit du public une association entre le fabricant et le concurrent. L'avocat général va ensuite encore plus loin en considérant que les arrêts Toshiba et Siemens ne consacrent pas, voire excluent implicitement, le critère de la nécessité en ce qui concerne l'utilisation d'un signe distinctif d'un concurrent dans une publicité comparative. Il conclut en considérant que l'article 3 bis de la directive 97/55 ne doit pas être interprété dans le sens qu'il n'admet l'utilisation, dans une publicité comparative, d'un signe identique ou similaire à la marque d'un concurrent que lorsque cette utilisation s'avère indispensable afin d'identifier le concurrent ou les produits ou services de ce dernier (point 66). 575 Conclusions de l'Avocat général Mengozzi, 31 janvier 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings Limited et O2 (UK) Limited c/ Hutchison 3G UK Limited 302 Publicité et droit des marques 643. Ces conclusions appellent plusieurs remarques. Tout d'abord, il faut noter que la Cour comme l'avocat général parlent d'indispensabilité et non de nécessité. Ce terme d'indispensabilité semble plus fort et souligne, de ce fait, l'absence totale d'alternative à la référence au concurrent pour permettre l'identification de ce dernier. L'usage de ce terme devrait alors avoir pour conséquence la volonté d'une protection plus importante de la marque ou des signes distinctifs. Or cela ne semble pas être le cas. En effet, l'avocat général, au motif, notamment, que la jurisprudence communautaire affirme qu'il faut interpréter les conditions de licéité de la publicité comparative dans le sens le plus favorable à celle-ci, exclut ce critère de nécessité. Malheureusement, la Cour ne s'est pas prononcée sur cette question. Il aurait été très intéressant d'avoir son interprétation. Peut-être, alors, le critère de nécessité de la référence aurait-il été exclu. Il faudra donc attendre une prochaine décision de la CJCE pour être fixé sur le caractère nécessaire ou non de la référence. En attendant, il est tentant de considérer que la référence à la marque d'un concurrent n'a pas à être indispensable pour que la publicité soit licite mais, néanmoins, la nécessité de la référence n'est pas pour autant dépourvue d'effets sur la licéité. Ainsi, lorsque la référence à la marque d'un concurrent est nécessaire, le profit indu résultant de la comparaison à cette marque sera automatiquement exclu576. 644. Enfin, on peut noter que l'interprétation faite par l'avocat général va dans le sens d'une interprétation de plus en plus souple des conditions de licéité de la publicité comparative et, par conséquent, dans le sens d'une atteinte de plus en plus poussée au droit des marques. Cette atteinte au droit des marques est, par ailleurs, toujours plus importante et cela, à différents niveaux et pour différentes raisons. Cette tendance, initiée tout d'abord par la CJCE, est suivie par les juridictions françaises qui, pour des raisons diverses, tend à favoriser toujours plus la publicité comparative, et ce, au détriment du droit des marques 576 A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt O2: de l'eau dans le gaz entre publicité comparative et droits exclusifs de marque, Propr. indust. 2008, n°9, comm. 61 303 Publicité et droit des marques §2 Une brèche ouverte au nom d'intérêts supérieurs 645. Le législateur européen est largement favorable à la publicité comparative. Cette volonté d'encourager celle-ci apparaît de manière très claire dans le sixième considérant de la directive 2006/114 qui énonce que la publicité comparative peut stimuler la concurrence entre les fournisseurs de biens et de services dans l'intérêt des consommateurs. En outre, on peut lire dans le huitième considérant (ancien considérant 5) qu'elle « peut être un moyen légitime d'informer les consommateurs de leur intérêt ». Par ailleurs, comme nous l'avons relevé, dans les considérants 13 à 15 de la directive, le législateur relève que bien que la directive 89/104 confère des droits exclusifs au titulaire d'une marque et que ce dernier puisse interdire l'usage par un tiers d'un signe identique à sa marque, « il peut être indispensable, afin de rendre la publicité comparative effective, d'identifier les produits ou services d'un concurrent en faisant référence à une marque dont ce dernier est titulaire ou à son nom commercial ». Ces considérants démontrent la volonté pour le législateur de faire prévaloir la publicité comparative sur le droit des marques. 646. En outre, il semblerait que l'appréciation du respect des dispositions relatives au droit des marques soit subordonnée à certaines considérations d'un ordre « supérieur » en raison d'intérêts méritant semble-il d'être privilégiés. Ainsi, dans l'arrêt Deroxat, la Cour de cassation, sans doute pour favoriser l'accès au soin, a considéré comme licite la publicité comparative qui présentait un médicament générique comme l'imitation du produit de référence (A). Par ailleurs, la jurisprudence constante étant de favoriser la publicité comparative, celle-ci étant un instrument bénéfique à la fois pour la concurrence et pour les consommateurs, cette interprétation conduit à porter une atteinte de plus en plus importante au droit des marques (B). 304 Publicité et droit des marques A- l'accès aux soins 647. La chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré, dans l'arrêt Deroxat du 26 mars 2008577, que la citation de la marque du produit princeps dans une publicité commerciale pour un médicament générique constituait bien une publicité comparative. Or, comme nous allons le voir, cette décision va à l'encontre de la protection conférée par le droit des marques au titulaire d'une marque enregistrée. Nous allons donc rappeler quelques règles relatives aux publicités mettant en comparaison des médicaments avant de nous intéresser à l'arrêt Deroxat. 1) La publicité comparative et les médicaments 648. La directive 92/28 concernant la publicité faite à l'égard des médicaments à usage humain578 donne comme définition de la publicité pour des médicaments « toute forme de démarchage d'information, de prospection ou d'incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments ». Elle prévoit que les États membres interdisent la publicité auprès du public de médicaments qui ne sont délivrés que sur prescription médicale. Par ailleurs, elle précise que les États membres peuvent aussi interdire la publicité auprès du grand public faite en faveur de médicaments remboursables. Cette directive a été transposée en droit interne à l'article L. 551 du code de la santé publique. Aujourd'hui, les dispositions relatives à la publicité de médicaments se trouvent aux article L. 5122-1 et suivants du même code. 649. Il convient de souligner la différence faite entre les publicités ayant pour cible le grand public et celles ayant pour cible des professionnels. Ainsi, les interdictions que nous venons de citer ne concernent que les publicités s'adressant aux consommateurs. Les dispositions régissant la publicité comparative ne visent que les publicités qui s'adressent 577 Cass. com., 26 mars 2008, aff. 06-18.366, SARL Sandoz c/ Beecham Group PLC et Gloxosmithkline, op. cit. 578 Directive 92/28/CEE du 31 mars 1992 concernant la publicité faite à l'égard des médicaments à usage humain, JO L 113 du 30 avr. 1992, p. 13-18 305 Publicité et droit des marques aux consommateurs. La question s'est alors posée de savoir si une publicité comparative de médicaments à destination des médecins était licite579. La majorité des tribunaux a considéré que les dispositions sur la publicité comparative ne s'appliquaient qu'à des publicités destinées aux consommateurs. Toute publicité comparative s'adressant à des professionnels n'est pas pour autant illicite. Seulement, il semble falloir appliquer les règles du droit commun, c'est-à-dire celles de la concurrence déloyale et non celles de la publicité comparative. 650. En outre, une autre question se pose. Il s'agit de s'interroger sur ce qu'est une caractéristique essentielle, significative, pertinente et vérifiable d'un médicament. L'agence du médicament prévoit que doivent figurer les critères d'efficacité et de sécurité d'emploi mais aussi des critères ayant un intérêt pour le praticien (posologie, durée du traitement, interactions...). La notion de caractéristique essentielle d'un médicament devrait alors impliquer que peuvent être comparés les indications thérapeutiques des spécialités en cause et leur mode d'action, ainsi que les effets secondaires des médicaments580. Il est par ailleurs admis que la comparaison porte sur les coûts du traitement journalier pour des produits non strictement identiques mais similaires. Cette possibilité vise essentiellement les comparaisons de médicaments génériques avec les produits princeps581. 651. Enfin, on notera que l'absence de caractère parasitaire d'une publicité mettant en comparaison des médicaments pose aussi problème car cela a pour conséquence d'interdire les publicités comparatives avec une marque notoire. C'est sur l'appréciation de ce caractère parasitaire que les publicités mettant en comparaison des médicaments génériques au médicaments princeps peuvent poser problème. La question a ainsi été soulevée lors de l'arrêt Deroxat. 579 O. Binder et N. Boinet, Médicaments génériques: droit des marques, droit de substitution et publicité comparative, LPA, 24 mai 1999, n° 102, p. 4, op. cit. 580 J. Calvo, Publicité comparative et médicaments, LPA, 12 mai 1997, n°57 581 S. Montastruc, Le droit de l'information sur les médicaments : enjeu scientifique et social complexe, mémoire, UT1 2003, p. 72 306 Publicité et droit des marques 2) L'arrêt Deroxat 652. Un médicament générique, la Paroxétine G Gam, avait été présentée dans une publicité comparative destinée aux professionnels comme le générique du Deroxat. Ainsi, l'annonce énonçait « en avant première, les laboratoires G Gam ont le plaisir de vous annoncer la commercialisation prochaine de la Paroxétine G Gam (générique de Deroxat, paru au JO du 1er nov. 2002) ». Les sociétés Beecham Group PLC (titulaire de la marque Deroxat) et Laboratoire GlaxoSmithKline ont alors assigné la société G Gam en contrefaçon de marque et concurrence déloyale. Les juges du tribunal de grande instance de Paris ont retenu, dans une décision du 16 novembre 2004, que « l'utilisation de la marque d'un médicament de référence est légitime en ce qu'elle est nécessaire à l'information des pharmaciens pour l'exercice du droit de substitution par un médicament générique dès lors que ce droit est effectivement ouvert ». La Paroxétine G Gam n'ayant pas encore été publiée au répertoire des génériques, le tribunal a jugé que la société G Gam avait commis des actes de contrefaçon de la marque Deroxat. La Société Sandoz, venant aux droits de la société G Gam, a alors interjeté appel. 653. La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 3 mai 2006, a rejeté les prétentions de la société Sandoz au motif qu'il n'y avait aucun élément de comparaison et que l'annonce se limitait à citer la marque Deroxat. Sur ce point, le fondement de la publicité comparative tourne alors court582. 654. En outre, s'agissant du caractère nécessaire de la référence, la cour n'a pas suivi les juges du premier degré et a précisé que la mention de la DCI (dénomination commune internationale) qui précise le principe actif et les indications thérapeutiques mentionnées dans la publicité, permettaient d'informer les professionnels sur la destination de la Paroxétine G Gam sans qu'il soit nécessaire de faire référence à la marque Deroxat. La cour a ajouté par ailleurs que le droit de substitution ouvert au pharmacien ne justifiait pas d'avantage la référence à la marque Deroxat. Par conséquent, la cour d'appel a considéré que la reproduction et l'usage de la marque Deroxat dans la publicité en cause constituaient des actes de contrefaçon. 582 CA Paris, 3 mai 2006, Gaz. Pal. , 20 et 21 déc. 2006, note P. Hoffman 307 Publicité et droit des marques Comme le relève le Docteur François JONQUERES583, cette solution était respectueuse du droit des marques. Néanmoins, c'était sans compter sur la prise en considération d'intérêts d'une nature autre et supérieure, cette interprétation stricte allant notamment à l'encontre de la volonté des pouvoirs publics de développer le générique en France. 655. Dans son arrêt du 26 mars 2008, la chambre commerciale de la Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel au motif « qu'en présentant la spécialité Paroxétine G Gam comme le générique du Deroxat, la société G Gam informait le public que ce produit avait la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique que la spécialité de référence, et que sa bioéquivalence avec cette spécialité était démontrée, ce dont il résulte qu'elle procédait à une comparaison de caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces produits ». Cette interprétation peut sembler étonnante au regard de l'article 3 bis §1 h) de la directive 97/55 qui prévoit que la publicité comparative ne doit pas présenter un produit ou un service comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service portant une marque protégée. En effet, la société G Gam se présentait, dans la publicité en cause, comme « la reproduction pure et simple du produit Deroxat »584. 656. Cette décision s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence communautaire qui rappelle que les règles relatives à la publicité comparative doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à celle-ci. Par ailleurs, il semble vraiment que cet arrêt de principe ait été justifié par des intérêts extérieurs au droit de la publicité comparative. L'accès aux soins constituant une préoccupation majeure pour les pouvoirs publics, tout comme le comblement du déficit de la sécurité sociale, il convient de favoriser la commercialisation des médicaments génériques en France, et ce même si cette faveur se traduit par des restrictions aux droits de marque. Ainsi, la publicité comparative ne semble pas seulement prévaloir en raison de son rôle en matière de concurrence et d'information du consommateur. Le droit des marques doit 583 F. Jonquères, Suprême injustice, Propr. indust. 2008, n° 10, ét. 22. 584 G. Bonet, Articulation entre publicité comparative et protection de la marque, spécialement contre le risque de confusion, Propriétés Intellectuelles, oct. 2008, n° 29, p. 393 et suiv. 308 Publicité et droit des marques ainsi s'incliner lorsque certains intérêts, notamment pécuniaires, sont en jeu. En fin de compte, il semblerait que la protections des droits conférés par les marques soit loin de constituer une priorité pour les magistrats ni même pour le législateur. B- La protection de la concurrence et du consommateur 657. La CJCE a souvent eu l'occasion de rappeler qu'il fallait interpréter les conditions exigées de la publicité comparative dans le sens le plus favorable à celle-ci et ce notamment parce qu'elle joue un rôle important dans l'information du consommateur mais aussi parce qu'elle encourage la concurrence. Ces éléments servent aussi d'arguments pour écarter le droit des marques en ce qu'il est nécessaire que la publicité comparative, pour ces mêmes raisons, constitue une exception au droit des marques. 1) L'information du consommateur et la stimulation de la concurrence ... 658. L'appréciation extrêmement favorable de la publicité comparative au détriment du droit des marques se trouve justifiée par l'information et la protection du consommateur, ainsi que par la stimulation de la concurrence. En conséquence, la CJCE ne cesse de rappeler qu'il faut interpréter les textes communautaires dans le sens le plus favorable à la publicité comparative. Il semblerait que l'on puisse déduire de ces éléments que le droit des marques doive s'incliner face à la publicité comparative, celle-ci ayant des conséquences positives en matière de concurrence mais aussi au niveau de la protection des consommateurs. Néanmoins, bien que les textes comme les juridictions affirment fréquemment l'influence bénéfique de la publicité comparative, on peut s'interroger sur ce qu'il en est réellement. 659. Ainsi que nous venons de le voir, certes, les publicités comparatives permettent de mettre objectivement en comparaison les biens ou services d'entreprises concurrentes, mais l'information ainsi fournie est-elle réellement pertinente pour le consommateur? Bien sûr, les textes prévoient que la comparaison doit porter sur des caractéristiques pertinentes. Pour 309 Publicité et droit des marques autant, le caractère pertinent est-il le même aux yeux des textes qu'aux yeux des consommateurs moyens? La même question se pose s'agissant du caractère essentiel. Par ailleurs, présenter deux produits de marques différentes dans une comparaison peut avoir pour effet de voir le consommateur assimiler les deux produits. Il peut alors en résulter un caractère trompeur. La directive 2006/114 définit la publicité trompeuse comme « toute publicité qui (…) induit en erreur ou est susceptible d'induire en erreur les personnes auxquelles elle s'adresse ou qu'elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d'affecter leur comportement économique... ». L'article 4 a) de ladite directive prévoit ainsi que la publicité comparative, pour être licite, ne doit pas être trompeuse. Or, une publicité comparative qui peut avoir pour effet de laisser croire à des relations commerciales avec le concurrent qui en est la cible, ne présente t-elle pas un caractère trompeur outre le profit indu qui peut en résulter? Afin de répondre à ces questions et d'apprécier la licéité de la publicité, il faut se placer du coté du consommateur et pas seulement du coté des dispositions légales. Il est généralement fait référence pour cela au consommateur moyen. Comme on l'a vu, il s'agit d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques 585. Il ne s'agit malheureusement que d'une notion subjective mais elle va dans le sens voulu par beaucoup qui consiste à responsabiliser le consommateur. La publicité comparative lui donne ainsi des éléments de comparaisons et, s'il veut avoir des informations supplémentaires afin de former son appréciation, il pourra utiliser les moyens normalement mis en œuvre par l'annonceur. 660. La publicité comparative est un instrument au service de la concurrence en ce qu'elle permet de la stimuler. Elle peut avoir pour effet d'encourager les acteurs d'un marché à être les plus compétitifs possibles. C'est notamment parce qu'elle peut être bénéfique pour le dynamisme de la concurrence que les juridictions se montrent aussi favorables avec elle. La publicité comparative permet, dans une certaine mesure, la transparence d'un marché soumis à la concurrence. Ainsi, elle permet de connaître l'étendue exacte des prestations qui y sont offertes586. Pour autant, faut-il permettre d'ignorer les droits conférés au titulaire d'une marque ? La concurrence joue certes un rôle très important dans la vie économique tout 585 Directive 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, op. cit. 586 A. Brunet, Publicité comparative, concurrence et consommation, op. cit. 310 Publicité et droit des marques comme dans l'information et la diversité de choix des consommateurs, mais faut-il faire abstraction de règles dont la valeur est égale à celle de la publicité comparative pour ces raisons? La marque enregistrée confère à son titulaire un réel droit de propriété. Or, comme nous l'avons vu, ce droit a une valeur constitutionnelle. Ne devrait-il pas alors prévaloir sur le droit de la publicité comparative ? Une application stricte de la hiérarchie des normes devrait conduire à répondre par l'affirmative. Néanmoins, d'autres intérêts sont aussi en jeu et la concurrence tient une place importante dans l'économie. En outre, la concurrence pousse souvent les opérateurs à revoir leurs prix à la baisse. Ainsi, la concurrence profite aux consommateurs. A l'heure où le pouvoir d'achat est sur toutes les lèvres, le jeu de la concurrence peut s'avérer d'autant plus avantageux pour les consommateurs et donc pour l'économie. 2) … au détriment du droit des marques 661. C'est malheureusement le droit des marques qui souffre le plus de la souplesse d'interprétation de la part de la CJUE et de son souci de favoriser la publicité comparative à tout prix. Il semblerait alors que la protection conférée par la marque à son titulaire, face à l'usage de celle-ci par un tiers, soit impuissante face à la publicité comparative et ne puisse ainsi plus remplir son rôle protecteur. En effet, le droit des marques, au regard de la jurisprudence actuelle, ne semble recouvrer ses effets que lorsqu'il existe un risque de confusion, dans l'esprit du public, entre les produits de l'annonceur et ceux de son concurrent, titulaire de la marque. Dans toutes les autres hypothèses, le droit des marques n'est malheureusement pour le titulaire d'une marque dont il est fait usage par un tiers, d'aucun secours. On aurait pu croire que les tribunaux français se seraient montrés plus respectueux du droit des marques. En effet, la jurisprudence française a tendance à se montrer plus stricte que la CJCE quant à l'appréciation du respect des conditions de licéité de la publicité comparative. Pourtant, la Cour de cassation semble tendre, elle aussi, sous certains aspects vers une acception large de la publicité comparative ayant pour conséquence une atteinte au droit des marques. C'est ce que l'on peut retenir de l'arrêt Deroxat. Il en ressort que lorsque des intérêts particuliers sont en jeu, le droit des marques ne semble plus 311 Publicité et droit des marques trouver à s'appliquer. On peut néanmoins se demander si la décision de la Cour de cassation aurait été la même s'il n'avait pas été question de médicaments génériques. 662. Malheureusement pour le droit des marques, force est de constater que les considérations pécuniaires, qu'elles touchent à l'économie en général ou plus particulièrement à certains domaines (comme celui des génériques ou de la sécurité sociale), prévalent sur les droits exclusifs conférés par la marque enregistrée. La publicité comparative est appréciée dans le sens qui lui est le plus favorable. Nécessairement, cette faveur a pour effet une atteinte au droit des marques et, l'acception de la publicité comparative ne cessant de croitre, l'atteinte ne cesse d'augmenter. Par ailleurs, on peut supposer que l'évolution de la publicité comparative, notamment vers un élargissement de son champ d'application ainsi que vers un assouplissement de ses conditions de licéité, n'est pas achevée. Bien qu'une telle hypothèse pourrait s'avérer bénéfique au regard de la concurrence et des consommateurs, il n'en demeure pas moins que la conséquence indirecte pourrait être de voir le droit des marques s'incliner totalement face à la publicité comparative. 312 Publicité et droit des marques Conclusion de la seconde partie 663. Bien que la publicité et les marques soient, comme nous l'avons constaté, deux ensembles indissociables, l'évolution des techniques mises en œuvre par les publicitaires tend à se faire au détriment des droits exclusifs de marques. Ainsi, la publicité, alors qu'elle constitue l'alliée principale de la marque, n'est pas toujours loyale envers le droit des marques. En effet, comme nous venons de le voir, certaines méthodes publicitaires, dont certaines n'ont été mises au point que très récemment, se sont développées au dépens de ce dernier. En réalité, ces dérives auraient pu être évitées si la jurisprudence s'était montrée moins souple à leur égard. Malheureusement pour les titulaires de marques, les juges ont préféré se montrer indulgents envers la pratique du référencement payant et favoriser la publicité comparative. 664. Ainsi, la CJUE a non seulement refusé de condamner les prestataires de services de référencement payant pour contrefaçon en considérant que la référence qu'ils faisaient aux marques enregistrées par des tiers ne constituait pas un usage au sens de l'article 5 de la directive 89/104 puisque cet usage n'était pas fait « dans le cadre de [leur] propre communication commerciale » mais en outre, elle leur a reconnu la possibilité de se prévaloir du statut des hébergeurs et de se voir reconnaître le bénéfice de leur régime dérogatoire de responsabilité. Bien sûr, les titulaires de marques peuvent se retourner contre les annonceurs eux-mêmes qui seront alors condamnés s'il résulte de l'annonce affichée suite à la saisie du mot clé correspondant à la marque que les internautes ne peuvent savoir si les produits ou services en cause sont issus de l'entreprise titulaire de la marque, d'une entreprise économiquement liée ou d'un tiers. Néanmoins, on pourrait soutenir que le fait que les prestataires de service de référencement proposent aux annonceurs des mots clés correspondant à des marques, même générés automatiquement, devrait avoir pour effet de voir leur responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Ce n'est cependant pas la position de la CJUE qui a considéré que les prestataires de référencement payant dont le rôle était purement technique, passif et neutre ne pourraient voir leur responsabilité engagée. 313 Publicité et droit des marques 665. S'agissant de la publicité comparative, la jurisprudence a souvent fait preuve d'une extrême souplesse au détriment du droit des marques. En effet, la publicité comparative a connu ces dernières années une évolution importante et a ainsi vu son champ d'application élargi. Ceci a eu pour effet de rendre l'exception qu'elle constitue au droit des marques plus importante et ainsi, de porter davantage atteinte à celui-ci. Le droit des marques voit alors son rôle protecteur amoindri puisqu'il est contraint de s'incliner face à la publicité comparative que la jurisprudence entend favoriser. 666. Ces deux techniques publicitaires modernes (voire très modernes) constituent donc des freins à la protection conférée aux titulaires de marques qui semblait pourtant assez importante. Toutefois, ces pratiques peuvent s'avérer bénéfiques pour les marques. Ainsi, le référencement payant peut contribuer à mettre la marque en avant et la publicité comparative tenter de la démarquer de celles des concurrents. En effet, ce ne sont pas tant les pratiques visées qu'il convient de critiquer mais les dérives qui en résultent. La publicité demeure un instrument utile, sans doute même le plus utile, aux marques ; là où elle devient dangereuse, c'est lorsque son usage est détourné et va à l'encontre du droit des marques. 314 Publicité et droit des marques CONCLUSION GENERALE 315 Publicité et droit des marques 667. La marque, élément incorporel pouvant constituer la valeur la plus importante d'une entreprise, est un instrument auquel il faut sans cesse accorder la plus grande attention. Une marque forte peut constituer une valeur ajoutée pour les produits ou services qui en sont revêtus et ainsi avoir pour conséquence de générer une plus-value pour l'entreprise qui en est titulaire. Pour cela, elle doit avoir un fort capital marque, valeur dont les deux principaux leviers, la notoriété et l'image, sont essentiellement le fruit de la communication de la marque. C'est ainsi la publicité qui contribue à développer la marque et à augmenter sa valeur, permettant notamment d'accroitre le goodwill de l'entreprise. En effet, la publicité, bien que constituant un instrument d'information du consommateur, a principalement pour objet d'inciter à l'achat. Elle doit alors rendre la marque attrayante et pour cela elle doit mettre en avant ses éléments intangibles car il ne suffit pas de vanter les caractéristiques objectives d'un produit pour parvenir à obtenir la préférence du consommateur. La publicité doit augmenter la notoriété de la marque avant de lui construire une image favorable. Pour ce faire, elle doit créer un univers à la marque et communiquer sur son histoire et ses valeurs car c'est l'image, fruit de la somme des perceptions d'un consommateur à propos de la marque, qui donne un sens à celle-ci. 668. Par ailleurs, la marque, notamment parce qu'elle constitue un condensé de toutes ses campagnes de communication, remplit elle-même une fonction publicitaire. En effet, tout comme la publicité, elle a pour objet d'informer le consommateur et de le séduire. Or, alors qu'elles étaient connues des professionnels du marketing depuis longtemps, ce n'est que très récemment que le droit a admis que la marque avait, outre une fonction de garantie de provenance, des fonctions de publicité et de communication. Cette reconnaissance de la fonction publicitaire de la marque corrobore ainsi l'existence d'un lien extrêmement fort entre cette dernière et la publicité. 669. Toutefois, il convient de constater que, bien que la publicité soit indissociable de la marque et constitue sans doute son meilleur allié, elle peut se révéler particulièrement dangereuse pour le droit des marques lorsqu'elle est au service d'annonceurs qui utilisent la marque d'autrui dans le but de promouvoir leurs propres produits ou services. Deux techniques publicitaires le démontrent particulièrement. Il s'agit du référencement payant sur 316 Publicité et droit des marques Internet et de la publicité comparative, pratiques que la jurisprudence a entendu favoriser au détriment du droit des marques. S'agissant de la première, la volonté des juges d'encourager les nouvelles technologies s'est traduite par une quasi-impossibilité d'engager la responsabilité des prestataires de référencement payant du fait de leur usage de marques de tiers. En effet, la CJUE, après avoir refusé de condamner le moteur de recherche Google sur le fondement de la contrefaçon, jugeant que l'usage ainsi fait de la marque ne constituait pas un usage au sens de la directive 2008/95, a considéré que, dès lors que son rôle serait neutre et passif, le moteur de recherche pourrait se prévaloir du régime dérogatoire de responsabilité des hébergeurs. En conséquence, il est désormais extrêmement difficile pour les titulaires de marques d'engager la responsabilité des moteurs de recherche alors même que ce sont eux qui proposent les mots clés aux annonceurs et qui rendent possibles les usages de marques indus ainsi faits. Bien sûr, il demeure la possibilité d'engager la responsabilité de l'annonceur, néanmoins, c'est bien le moteur de recherche qui fournit les moyens rendant possible les actes constitutifs de contrefaçon et qui tire un bénéfice de l'usage indu des marques faits par les annonceurs. Les titulaires de marques, puisqu'ils ne peuvent poursuivre les moteurs de recherche sur le fondement de la contrefaçon, devraient alors tout de même pouvoir se tourner vers d'autres fondements que le droit des marques pour protéger leur droit exclusif. C'est cette porte que la Cour vient en quelque sorte de fermer en accordant aux moteurs le bénéfice du statut des hébergeurs. Ainsi, alors que l'enregistrement de la marque lui confère en principe un droit exclusif, son titulaire ne peut que très difficilement s'opposer à son usage par un moteur de recherche. 670. Il ne s'agit malheureusement pas là de l'unique hypothèse dans laquelle la bienveillance de la jurisprudence envers certaines techniques publicitaires a pour effet de limiter les droits conférés par la marque. La bienveillance de la CJUE quant à la publicité comparative a en effet eu pour conséquence de voir cette exception au droit des marques devenir de plus en plus importante. Ainsi, en raison de l'utilité de cette forme de communication au regard de son rôle joué dans la stimulation de la concurrence et l'information des consommateurs, la jurisprudence rappelle fréquemment qu'il convient de 317 Publicité et droit des marques favoriser la publicité comparative alors même qu'une telle faveur a pour effet de limiter davantage le droit conféré par la marque. En outre, il est apparu récemment que la concurrence et la protection des consommateurs n'étaient plus les seules justifications de la faveur de la publicité comparative au détriment du droit des marques mais que d'autres intérêts pouvaient eux aussi prévaloir sur le respect des droits des titulaires de marques. Ainsi, en raison d'intérêts divers, des modes de communication tels que le référencement payant ou la publicité comparative, alors qu'ils sont susceptibles de porter atteinte aux droits de marque, sont favorisés par la jurisprudence européenne, et ce de manière excessive. Certes, ces modes de publicité peuvent s'avérer très utiles pour les marques, mais encore faut-il que les juges veillent à ce que leur usage se fasse dans le respect des droits des tiers. De plus, alors que ces techniques publicitaires sont favorisées en raison de leur intérêt concurrentiel, certains des excès tolérés pourraient être tout autant sanctionnés sur le fondement de la concurrence déloyale que sur celui de la contrefaçon. Dès lors, il convient de constater que, bien que ces techniques méritent d'être encouragées dans une certaine mesure, la bienveillance des juges a pour effet de porter non seulement atteinte au droit de marque mais aussi à la concurrence elle-même alors qu'elle constitue la principale raison de cette faveur. 671. Au vu de ces différentes constatations, il ressort que la publicité constitue véritablement le meilleur allié de la marque en ce qu'elle constitue un outil à son service et permet d'augmenter sa valeur. Il est en outre indéniable que ces deux instruments sont étroitement liés, la marque remplissant elle-même une fonction publicitaire. Néanmoins, il apparaît que, derrière cette relation d'apparence parfaite, se dissimulent des airs de trahison. En effet, la volonté du législateur et des juges de favoriser certaines techniques publicitaires, notamment en raison de l'intérêt qu'elles revêtent en matière de concurrence, a pour effet de porter atteinte aux droits conférés par la marque. Par ailleurs, la jurisprudence, en ayant pendant longtemps refusé de reconnaître la fonction publicitaire de la marque et en favorisant certaines formes de communication au préjudice des droits conférés par une marque à son titulaire, semble ainsi ne pas prendre la mesure de la force des liens qui unissent la marque et la publicité. Or, il convient de ne pas oublier que pour que la publicité remplisse son rôle d'alliée de la marque, il faut veiller à ce que d'autres 318 Publicité et droit des marques intérêts ne soient pas privilégiés au détriment du droit des marques. 672. En outre, alors que le législateur comme la jurisprudence favorisent des techniques publicitaires afin de stimuler la concurrence au dépens des droits exclusifs que confère la marque à son titulaire, ils devraient garder à l'esprit, comme l'a rappelé la Cour en 1990 dans l'arrêt « Hag II », que le droit de marque constitue « un élément essentiel [d'un] système de concurrence non faussé », et qu'il devrait alors mériter pour cela, sinon parce qu'il s'agit d'un droit de propriété, d'être protégé. 319 Publicité et droit des marques Bibliographie ● Ouvrages généraux : ► Ouvrages juridiques : - Azéma J. et Galloux J.-Ch., Droit de la propriété industrielle, Dalloz, coll. Précis Dalloz, 6e éd. - Bernault C. et Clavier J.-P., Dictionnaire de droit de la propriété intellectuelle, Ellipses, coll. Dictionnaires de Droit, 2008 - Binctin N., Droit de la propriété intellectuelle, LGDJ, coll. Manuel, 2010 - Blaise J.-B., Droit des affaires : commerçants, concurrence, distribution, LGDJ, coll. 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C-533/06, O2 : Comm. com. électr. 2008, n° 12, comm. 132 - comm. sous Cass. com., 20 mai 2008, n° 06-15.136, Google c/ CNNRH : Comm. com. électr. 2009, n° 1, comm. 4 - comm. sous Cass. 1re civ., 8 avr. 2008, n° 07-11.251 : Comm. com. électr. n° 6, juin 2008, comm. 77 - comm. sous Cass. com., 19 sept. 2006, n° 04-13.871 : Comm. com. électr. 2007, n° 2, comm. 21 - comm. sous TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 9 juill. 2004, SA Sté des participations du commissariat à l'énergie atomique c/ Greenpeace : Comm. com. électr. n° 10, oct. 2004, comm. 110 - Cas G. : note sous Cass. Com., 22 juill. 1986: D. 1986, jurispr. p. 436 334 Publicité et droit des marques - Castetsrenard C. : note sous CJCE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, Ebay : RLDI 2011/74, n° 2460 - Coste L. et Auroux J.-B. : note sous TGI Lyon, 13 mars 2008, : RLDI 2008, n° 1134 - de Candé P. : note sous CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC : D. 2003, 755 - Debet A. : comm. sous Concl. av. gén. M. Niilo Jääskinen, 9 déc. 2010, aff. C-324/09, eBay : Comm. Com. électr. 2011, n° 3, comm. 23 - Faye B.: ét. sous CA Versailles, 2 nov. 2006 : Propr. industr. 2007, n° 4, ét. 11 - Folliard-Monguiral A. : - comm. sous CJCE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, Ebay : Propr. industr. 2011, n° 10, comm. 71 - comm. sous CJUE, 8 juill. 2010, aff. C-558/08, Portakabin : Propr. industr. 2010, n° 10, comm. 64, A. Folliard-Monguiral - comm. sous CJUE 25 mars 2010, aff. C-278/08, Die BergSpechte : Propr. industr. 2010, n° 6, comm. 39 - comm. sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google ; Propr. Indust. 335 Publicité et droit des marques 2010, n° 6, comm. 38 - comm. sous CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : Propr. Indust. 2009, n° 9, comm. 51 - comm. sous CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings : Propr. industr. 2008, n°9, comm. 61 - comm. sous CJCE, 17 avr. 2008, aff. C-108/07 : Propr. industr. 2008, n° 6, comm. 40 - comm. sous CJCE, 25 nov. 2007, aff. C-48/05, Adam Opel : Propr. industr. 2007, n° 3, comm. 18 - comm. sous CJCE, 17 mars 2005, aff. C-228/03, Gillette : Propr. industr. 2005, n° 5, comm. 37 - Fourgoux J.-C. : note sous CA Bordeaux, 3 mars 1971: Gaz. Pal. 1971, 2, jurispr. p.398 - Grynbaum L. : - note sous CJCE, 12 juill. 2011, aff. C-324/09, Ebay : RLDI 2011/74, n° 2459 - note sous - TGI Paris, 3e ch. 2è sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google : Comm. com. électr. 2006, n° 10, comm. 144 - Hoffman P. : comm. sous CA Paris, 3 mai 2006, Gaz. Pal., n° 355, p. 40 336 Publicité et droit des marques - Humblot B. : comm. sous CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : RLDI 10/2009, comm. 1749 - Idot L. : - comm. sous CJUE, 8 juill. 2010, aff. C-558/08, Portakabin : Europe 2010, n° 10, comm. 340 - comm. sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google; Europe 2010, comm. 181 - comm. sous CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal SA : Europe 2009, n°8, comm. 330 - comm. sous CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings : Europe 2008, comm. 231 - Larrieu J. : - comm. sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google : Propr. Industr. 2010, n° 6, comm. 45 - comm. sous T. com. Paris, 15e ch., 23 oct. 2008, Cobrason c/ Google : Propr. Indust. 2009, n°1, comm. 8 - Luby M. : note sous CJCE, 12 nov. 2002, aff. 206/01, Arsenal FC : RTD Com. 2003, p. 415 337 Publicité et droit des marques - Malaurie-Vignal : - comm. sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google : Cont. Conc. Conso. 2010, n°5, comm. 132 - comm. sous Cass. com., 27 janv. 2009, n° 07-15.971 : Contr. conc. conso. 2009, n° 3, comm. 78 - comm. sous Cass. com., 20 mai 2008, n° 06-15.136, n° 05-14.331, n° 06-20.230, Google : Contr. conc. Conso. 2008, n° 7, comm. 197 - comm. sous Cass. com., 12 févr. 2008, Sté Yoplait c/ Sté La Fermière : Contr. conc. conso. 2008, n° 4, comm. 103 - comm. sous Cass. civ. 1, 31 oct. 2006, Sté Thiers Distribution c/ Sté Lidl : Contr. conc. conso. 2007, n° 1, comm. 32 - Marino L. : - note sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google : JCP G 2010, note 642 - note sous CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : JCP G 2009, note 180 - Picod F. : - note sous CJCE, 18 juin 2009, aff. C-487/07, L'Oréal : JCP G 2009, note 108 - note sous Cass. com., 12 févr. 2008, Sté Yoplait c/ Sté La Fermière : D. 2008, p. 2573 - Raymond G. : - comm. sous TI Poitiers, 20 juin 2008, James G. c/ Gaz de France : Contr. conc. conso. 2008, n° 8, comm. 215 338 Publicité et droit des marques - comm. sous CJCE, 19 avr. 2007, aff. C-381-05, De Landtsheer : Contr. Conc. Conso. 2007, n° 6, comm. 161 - comm. sous CJCE, 19 sept. 2006, C-356/04, Lidl : Contr. conc. conso. 2006, n° 11, comm. 240 - comm. sous CA Versailles, 27 juin 2002: Contrats, Conc., Consom. 2003, comm. n°65 - Roques S. : note sous CJCE 20 mars 2003, aff. C-291/00, LTJ Diffusion : Gaz. pal., juin 2003, n° 175, p. 23 - Staeffen V. et Dulucenay J. : note sous CJCE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings : Gaz. Pal. 2008, n° 341 - Stoffel-Munck Ph. : note sous CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à 238/08, Google : Comm. com. électr. 2010, n° 9, comm. 88 - Tardieu-Guigues E. : ét. sous TGI Paris, 3e ch., 2e section, 4 févr. 2005, Louis Vuitton Malletier c/ Google : Propr. indust. 2005, ét. 21 - Tréfigny P. : - comm. sous TGI Paris, 3e ch., 3e sect., Syndicat français de la Literie c/ Google : Propr. 2008, n° 2, comm. 11 339 Publicité et droit des marques - comm. sous TGI Strasbourg, 1e ch. Civ., 20 juill. 2007, Sté Atrya c/ Google : Propr. indust. 2007, n°11, comm. 87 - obs. sous TGI Paris, 3e ch., 13 févr. 2007, Laurent C. c/ sté Google France : Propr. industr. 2007, n° 4, comm. 32 - comm. sous TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 12 juill. 2006, Gifam c/ Google : Propr. industr. 2006, n° 10, comm. 73 - obs. sous TGI Nanterre, 1re ch., 2 mars 2006, Sté Hôtels Méridien c/ Sté Google France : Propr. industr. 2006, n° 5, comm. 46 - comm. sous TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 8 déc. 2005, Sté Kertel c/ Sté Google : Propr. industr. 2006, n° 3, comm. 24 - comm. sous TGI Nanterre, 2e ch., 14 déc. 2004, Sté CNRRH c/ Google : Propr. indust. 2005, n°4, comm. 26 ● Sites Internet : - www.arpp-pub.org - www.autoritedelaconcurrence.fr - www.eur-lex.europa.eu - www.legalis.fr - www.legifrance.org - www.saatchi-ch.com - www.wipo.int 340 Publicité et droit des marques Index Les nombres renvoient aux numéros de paragraphes - communication commerciale (dans le -A- cadre de sa propre) …............... 491s, 498, 664 - actif - contrat de marque........................... 138, 234 - immatériel................................ 33, 58, 95 - net.................................................. 74, 82 - corporations................................. 7, 259, 276 - algorithme de classement (référencement sur internet)....................................... 425, 438 -D- - amortissement...................................... 103s - dénigrement.............................543, 553, 558, 560, 564, 572, 574 - annuaire en ligne................................... 424 - détournement de clientèle........ 443, 445, 447 -C- - dimension cognitive/dimension conative (de la publicité)........................................ 186 - changement de nom de marque (cautionnement, simplification de l'identité - discrédit............................. 444, 558, 564, 640 nominale, substitution)........................... 221s - display.............................. 419, 424, 430, 432s - charte graphique.................................... 280 - distribution...................................... 173, 261 - communication médias/hors-médias..... 156 - droit de propriété..................... 551, 660, 672 - coût par clic (CPC)......................... 426, 508 341 Publicité et droit des marques - incorporel (élément).................. 1, 35, 64, 86, -E- 96, 98s, 103, 667 - enregistrement de la marque...........100, 300 - indispensabilité.............................. 619, 642s - équivalence des caractéristiques des - industrialisation................... 10, 174, 250, 283 produits......................................595, 605s, 655 - intermédiaire technique................. 468, 508s - erreur (induire les consommateurs en)............................... 288, 441, 444s, 447, 459, 484, 544, 557, 594s, 659 -L-F- - label.................................... 31, 274, 281, 289 - leviers du capital marque.......... 42, 62, 105s, - fonction sociale de la marque............ 3, 376 136, 146, 667 - fidélisation.................... 47, 137, 140, 145, 189 - logo............ 14, 27, 98, 174, 222, 226, 234s, 249, 263, 278, 280, 283, 312, 326, 346, 629 -H-M- hard discount............................3, 24, 49, 343 - marge (des distributeurs)..........356, 364, 367 -I- - marquage (pratique du)............ 7s, 243, 247s, 251s, 275 - immobilisation.................................98s, 103 - marque - impliquant (achat, produit)........... 11, 21, 24, - de distributeurs................... 3, 24, 49, 266, 112, 135, 162, 186, 267, 342, 347, 354, 368 340, 362, 365s - renommée............. 109, 475, 494s, 602, 607 342 Publicité et droit des marques - médicaments : -P- - médicament générique........604, 608, 635, 646s, 650s, 654s, 661 - parasitisme........... 531, 543, 594, 602, 608, 651 - médicament princeps............... 604, 608s, 647, 650s - personnalité de la marque...... 9, 74, 123, 224, 231, 237, 368 - méta-tag.................................................315 - place de marché en ligne................ 499, 502, - mondialisation..........................271, 283, 363 520, 528 - multiples (méthode des)..................... 73, 81 - plus-value.............. 1, 9, 35, 58, 62, 65, 69s, 86, 136, 336, 355, 358, 374, 667 -N- - présomption de risque de confusion....................................322, 326, 402 - nom de domaine....................... 315, 447, 481 - prime de marque.............. 36, 76, 91, 267, 361 - principe de spécialité......... 474, 476, 478, 481 -O- - principe de prudence comptable.........86, 97 - objectivité (de la comparaison)........29, 128, 142s, 187s, 192, 194, 206, 224, 231, 343, 550, 556, - propagande.................... 54, 58, 153, 159, 168s 659, 667 - protection absolue de la marque.... 291, 307, - objet spécifique du droit de 309, 314, 322 marque....................................... 294s, 299, 302 - psychologie (de la publicité)......... 11s, 154s, - optimisme de la publicité.......... 20, 148, 158, 160, 163, 178, 187, 191 179s, 195 - publicité - publicité connotative/dénotative.......162 - publicité persuasive.......................... 185 343 Publicité et droit des marques - rôle technique, passif et neutre (de -Q- l'hébergeur)............. 428, 510, 516, 518, 527, 664 - rôle social de la marque.... 3, 24, 28, 128, 151, - qualité perçue.......................31, 66, 128s, 134 192s, 197s, 283, 349, 353 -R- -S- - réclame.................. 11, 148, 154, 163, 166, 168, - société de consommation................ 264, 267 170, 172, 174, 176, 178, 182 - style de vie de la marque.................123, 197 - résultats naturels (moteur de recherche).....................412, 416, 424s, 440, 460 -U- - révolution industrielle.................7, 173, 250, 262, 272 - usage à titre de marque, en tant que - risque marque............. 312, 314, 315, 326, 474, 478, 498 - risque physique, psychologique ou social.............................................. 31, 46, 342 - risque social................................. 24, 351 -V- - risque perçu.................... 31, 46, 339s, 352 - vision de la marque............182, 193, 213, 224 344 Publicité et droit des marques Table des matières Remerciements.......................................................................................................................... 1 Sommaire ..................................................................................................................................2 Liste des principales abréviation................................................................................................3 Introduction............................................................................................................................5 I- La marque et la publicité........................................................................................................7 A- Définitions.......................................................................................................................7 B- Deux éléments indissociables........................................................................................10 II- La marque, un élément utile aux consommateurs mais au service de l'entreprise..............11 A- Le consommateur, cible de la communication de la marque........................................ 12 1°- Quel consommateur ?................................................................................................ 12 a) La notion de consommateur moyen.......................................................................... 13 b) Un individu : plusieurs consommateurs....................................................................15 2°- Le rôle de la marque et l'influence de sa communication sur le consommateur....... 16 a) La persuasion.............................................................................................................16 b) La création d'une relation de confiance.................................................................... 17 B- L'entreprise, véritable bénéficiaire de la communication de la marque........................ 19 1°- La marque : une valeur de l'entreprise....................................................................... 19 a) Un élément incorporel source de valeur.................................................................... 19 b) Des fonctions de la marque au service de l'entreprise.............................................. 21 2°- Une valeur accrue par la communication de l'entreprise........................................... 23 III- Publicité et marques, une relation ambiguë ?................................................................... 25 A- La publicité, un allié de la marque... …........................................................................25 B- … qui lui cause parfois du tort...................................................................................... 27 345 Publicité et droit des marques Première partie Les synergies entre les marques et la publicité.................................................32 Titre 1. La publicité : Un instrument utile aux marques........................... 35 Chapitre 1. La marque : Un actif de l'entreprise créé par la publicité............................38 Section 1. La notion de capital marque.................................................................................39 §1 Une valeur ajoutée pour l'entreprise..............................................................................40 A- La valeur de la marque...............................................................................................41 1) La valeur financière..................................................................................................41 2) La valeur commerciale..............................................................................................43 B- Une valeur quantifiable...............................................................................................44 1) Le goodwill................................................................................................................45 2) Une ou plusieurs valeurs ?........................................................................................46 §2 L'évaluation et la comptabilisation du capital marque..................................................47 A- L'évaluation................................................................................................................47 B- La comptabilisation....................................................................................................50 1) Les marques créées...................................................................................................51 2) Les marques acquises...............................................................................................52 Section 2. Les indicateurs du capital marque........................................................................54 §1 La notoriété et l'image...................................................................................................55 A- La notoriété.................................................................................................................56 1) Les différents niveaux de notoriété............................................................................56 2) L'intérêt de la notoriété.............................................................................................58 3) Comment développer la notoriété.............................................................................59 B- l'image.........................................................................................................................60 1) Définition...................................................................................................................60 2) Le rôle de l'image......................................................................................................62 §2 Les autres indicateurs....................................................................................................63 A- La notion de capital client...........................................................................................64 B- La fidélité à la marque................................................................................................66 1) La notion de fidélité à la marque..............................................................................66 2) La lovemark...............................................................................................................68 346 Publicité et droit des marques Chapitre 2. La publicité : Un outil au service de cet actif............................................... 71 Section 1. Un outil de communication..................................................................................72 §1 Définition et évolution de la publicité...........................................................................72 A- Définition....................................................................................................................73 1) Qu'est-ce que la publicité?........................................................................................73 2) Le mode opératoire de la publicité............................................................................75 B- Histoire de la publicité................................................................................................77 1) Les prémices de la publicité ….................................................................................77 2) De l'ère de la réclame à la publicité..........................................................................79 3) L'avènement de la publicité moderne........................................................................81 §2 Un moyen d'information mais pas seulement................................................................83 A- Un moyen d'information et de persuasion...................................................................83 B- La création d'un imaginaire autour de la marque........................................................86 Section 2. Une finalité économique......................................................................................89 §1 Le positionnement et le développement économique de la marque..............................90 A- Le positionnement.......................................................................................................91 1) Définition..................................................................................................................91 2) Le rôle joué par la publicité......................................................................................92 B- La nécessité de communiquer sur la vie et l'évolution de la marque..........................93 1) Le renouvellement de la marque................................................................................94 2) Le changement de nom de la marque........................................................................96 3) L'extension de la marque...........................................................................................97 §2 L'élaboration de l'identité de la marque.........................................................................98 A- Qu'est ce que l'identité de la marque?.........................................................................99 1) Définition...................................................................................................................99 2) Le rôle de l'identité de la marque............................................................................100 B- Comment la publicité crée et entretient l'identité de la marque................................101 Titre 2. La reconnaissance de la fonction publicitaire de la marque par le droit.....................................................................................................104 Chapitre 1. La fonction de garantie d'origine : pendant longtemps la seule fonction reconnue par le droit........................................................................................... 107 347 Publicité et droit des marques Section 1. Les fonctions historiques................................................................................... 108 §1 Histoire des utilités de la marque.................................................................................108 A- Les premières traces des marques.............................................................................109 B- La marque de la révolution industrielle à nos jours.................................................. 112 §2 La fonction distinctive de la marque........................................................................... 116 A- La fonction d'identification et d'indication de provenance....................................... 116 B- L'indication d'origine : une fonction importante pour le consommateur...................119 1) L'intérêt pour le consommateur............................................................................... 120 2) Les appellations d'origine : un indice de l'importance accordée par le consommateur à l'origine des produits................................................................................. 121 Section 2. La fonction juridique de garantie d'identité d'origine........................................124 §1 La reconnaissance de la fonction de garantie d'identité d'origine...............................125 A-Le premier objet reconnu au droit de marque : la réservation de l'usage...................125 B- La prééminence de la fonction de garantie de provenance........................................127 §2 La mise en jeu de cette fonction ….............................................................................130 A- Les conditions de l'atteinte au droit des marques......................................................132 1) Les conditions communes aux articles 5, §1, a), et b), de la directive 2008/95..................................................................................................................................132 2) Le risque de confusion de l'article 5, §1, b)............................................................ 135 B- Une nécessaire atteinte à la fonction essentielle de la marque..................................139 Chapitre 2. La reconnaissance d'autres fonctions telles que celles de communication, d'investissement et de publicité........................................................... 142 Section 1. Les utilités reconnues par les différents acteurs de la vie économique............. 143 §1 Les utilités du point de vue des consommateurs..........................................................144 A- Les fonctions de garantie et de simplification...........................................................144 1) La fonction de garantie de qualité...........................................................................145 2) La fonction de simplification...................................................................................147 B- La fonction d'identification et de valorisation...........................................................148 §2 Les utilités du point de vue des producteurs et des distributeurs................................151 A- L'intérêt pour le producteur : la valeur ajoutée par la marque..................................152 B- L'intérêt pour le distributeur......................................................................................153 1) Les grandes marques …..........................................................................................153 348 Publicité et droit des marques 2) Les marques de distributeurs (MDD).....................................................................154 Section 2. Les fonctions nouvellement reconnues par le droit...........................................156 §1 D'autres fonctions que la fonction essentielle.............................................................157 A- L'existence d'autres fonctions...................................................................................158 B- Des fonctions importantes mais pourtant négligées.................................................160 §2 Les apports de l'arrêt L'Oréal.......................................................................................162 A- L'arrêt........................................................................................................................162 B- Les incidences de cet arrêt........................................................................................166 1) Les fonctions reconnues par la CJCE....................................................................166 2) Les impacts de cette jurisprudence.........................................................................170 Conclusion de la première partie...........................................................................................173 Seconde partie : Des usages problématiques..................................................................................... 175 Titre 1. Le référencement payant sur internet.............................................178 Chapitre1. Les problèmes soulevés par le référencement payant sur Internet............ 181 Section 1. L'avis n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 de l'Autorité de la concurrence.........182 §1 Les moteurs de recherche : un outil de communication en ligne................................183 A- Les contours de la publicité en ligne.........................................................................184 B-Le fonctionnement du référencement payant.............................................................185 §2 Le marché du référencement sur Internet....................................................................188 A-Le search : un marché pertinent................................................................................188 B- Google en situation de position dominante..............................................................190 Section 2. L'usage indu de mots clés correspondant à des marques par les annonceurs....................................................................................................................... 193 §1 Les terrains de condamnation de l'annonceur avant l'arrêt Google.............................194 A- Les terrains de la concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses.............................................................................................................................194 B- Le terrain de la contrefaçon......................................................................................197 §2 L'usage par l'annonceur de mots clés correspondant à des marques : un acte constitutif de contrefaçon pour la CJUE............................................................................... 199 A- La responsabilité de l'annonceur engagée au titre de la contrefaçon........................ 199 349 Publicité et droit des marques B- Les arrêts Die BergSpechte et Portakabin de la CJUE..............................................204 Chapitre 2. La question de la responsabilité des prestataires de service de référencement payant.................................................................................................... 208 Section 1. Un usage non constitutif de contrefaçon............................................................209 §1 Avant l'arrêt Google : de nombreuses condamnations des moteurs de recherche.......210 A- Des condamnations sur le fondement de la contrefaçon...........................................210 B- Des condamnations sur les terrains de la concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses............................................................................... 214 §2 Le rejet par la CJUE de la condamnation pour contrefaçon des moteurs de recherche................................................................................................................................218 A- L'usage de la marque par Google : un acte non contrefaisant...................................218 1) La relation entre la notion d'usage d'une marque et la finalité de communication.......................................................................................................................218 2) La question des marques renommées...................................................................... 220 B- Observations............................................................................................................. 221 1) Observations quant au refus de condamnation de la complicité de contrefaçon....................................................................................................................... 221 2) L'usage du signe dans le cadre de quelle communication commerciale ?.............. 223 Section 2. Le bénéfice du statut d'hébergeur ?....................................................................226 §1 Une décision très avantageuse pour les prestataires de service de référencement payant............................................................................................................ 226 A- Avant l'arrêt Google : le refus majoritaire d'accorder le bénéfice du régime des hébergeurs aux moteurs de recherche............................................................................. 227 B- La reconnaissance du bénéfice du régime dérogatoire des hébergeurs.....................230 §2 La portée de l'arrêt Google.......................................................................................... 233 A- Un système de publicité préféré au titulaire de la marque …...................................234 1) S'agissant de la neutralité de Google......................................................................234 2) L'absence d'une obligation générale de surveillance et la prise de connaissance de l'illicéité des données stockées...................................................................237 B- Une position suivie....................................................................................................240 350 Publicité et droit des marques Titre 2. La publicité comparative........................................................................ 245 Chapitre 1. Un assouplissement des conditions de licéité dans le but de favoriser la publicité comparative.................................................................................... 248 Section 1. Présentation de la publicité comparative en Europe.......................................... 249 §1 L'avènement de la publicité comparative.................................................................... 250 A- L'historique............................................................................................................... 250 1) En France................................................................................................................ 250 2) En Europe................................................................................................................ 252 B- Le débat sur l'utilité de la publicité comparative...................................................... 253 1) Les motivations........................................................................................................253 2) Les craintes..............................................................................................................254 §2 L'usage de la publicité comparative............................................................................ 256 A- Le régime juridique...................................................................................................257 1) Le domaine de la publicité comparative................................................................. 257 2) Les conditions de licéité de la comparaison........................................................... 258 B- Un outil au service de la concurrence....................................................................... 260 1) Un outil intéressant mais qui suscite peu d'engouement.........................................261 2) Un outil à manier avec précaution..........................................................................262 Section 2. Précisions quant à la cible de la comparaison....................................................265 §1 La référence au concurrent.......................................................................................... 266 A- Un concurrent identifié ou identifiable..................................................................... 266 1) Une comparaison au concurrent............................................................................. 267 2) Un concurrent visé pouvant être reconnu................................................................268 B- Un produit concurrent identifiable............................................................................ 270 1) L'absence de citation du produit concurrent........................................................... 270 2) L'identification implicite du produit concurrent......................................................271 §2 La référence à l'appellation d'origine...........................................................................273 A-Le principe de la protection de l'appellation d'origine...............................................274 1) Les textes affirmant la protection des appellations d'origine................................. 274 2) La volonté d'une protection renforcée..................................................................... 275 B- L'interprétation extensive de la CJCE....................................................................... 276 1) L'affaire De Landtsheer........................................................................................... 276 351 Publicité et droit des marques 2) La position de la CJCE........................................................................................... 277 Chapitre 2. Une évolution au détriment des droits exclusifs conférés par la marque....................................................................................................................... 280 Section 1. Des remparts illusoires.......................................................................................281 §1 Le premier rempart : l'interdiction de tirer indûment profit de la marque d'autrui..... 282 A- Le principe de l'interdiction du profit indu............................................................... 282 B- Les interprétations jurisprudentielles........................................................................284 1) La jurisprudence communautaire............................................................................285 2) L'arrêt Deroxat........................................................................................................ 287 §2 Le second rempart : l'absence de risque de confusion.................................................288 A- La condition de l'absence de confusion : un critère commun au droit des marques et à la publicité comparative................................................................................... 288 B- Articulation des directives 84/450 et 89/104........................................................... 290 1) La question soulevée par la Court of Appeal.......................................................... 290 2) L'analyse de la relation entre les deux directives par la CJCE...............................292 Section 2. Des brèches réelles.............................................................................................294 §1 L'usage de la marque d'autrui...................................................................................... 294 A- Une exception à l'interdiction de reproduction.........................................................295 B- La référence nécessaire à la marque d'autrui............................................................ 297 1) L'émergence du critère de nécessité en matière de publicité comparative............. 298 2) Des réserves latentes quant au critère de nécessité................................................ 300 a) L'arrêt Pippig.............................................................................................................300 b) L'arrêt O2 Holdings.....................................................................................................301 §2 Une brèche ouverte au nom d'intérêts supérieurs........................................................ 304 A- L'accès aux soins.......................................................................................................305 1) La publicité comparative et les médicaments..........................................................305 2) L'arrêt Deroxat........................................................................................................ 307 B- La protection de la concurrence et du consommateur............................................... 309 1) L'information du consommateur et la stimulation de la concurrence.....................309 2) ...au détriment du droit des marques....................................................................... 311 Conclusion de la seconde partie............................................................................................ 313 352 Publicité et droit des marques Conclusion générale.............................................................................................................. 315 Bibliographie.........................................................................................................................320 Index......................................................................................................................................341 Table des matières................................................................................................................. 345 353