TGI Aix en Provence – 16 juillet 2015 – n°1305557

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TGI Aix en Provence – 16 juillet 2015 – n°1305557
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
D’AIX EN PROVENCE
JUGEMENT DU :
16 Juillet 2015
ROLE : 13/05557
AFFAIRE :
FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DU PERSONNEL
D’ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES ET CONNEXES CFE - CGC
C/
S.A.S. LYONDELL CHIMIE FRANCE
GROSSE(S)délivrées(s)
le
à
Me Marie VALLIER
SCP Paul et Joseph MAGNAN
COPIE(S)délivrée(s)
le
à
Me Marie VALLIER
SCP Paul et Joseph MAGNAN
N°
2015
1ERE SECTION A
DEMANDEURS
FÉD ÉR A TION N A TION A LE D ES SYN D IC A TS D U PER SON N EL
D’ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES ET CONNEXES CFE - CGC
(CFE CGC chimie),
union de syndicats professionnels,dont le siège social est sis 33 avenue de la
République - 75011 PARIS, agissant poursuites et diligences de son président
habilité domicilié en cette qualité audit siège
SYNDICAT CFE-CGC CHIMIE MÉDITERRANÉE,
syndicat professionnel, dont le siège social est sis 24 avenue du Prado - 13006
MARSEILLE, agissant poursuites et diligences de son président habilité domicilié
en cette qualité audit siège
représentés par Me Marie VALLIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et
plaidant par Me Bénédicte ROLLIN de la SCP JDS AVOCATS, avocat au barreau
de PARIS
DEFENDERESSE
S.A.S. LYONDELL CHIMIE FRANCE,
immatriculée au RCS de Salon de Provence n°333 834 562, dont le siège social
est sis ZI Portuaire - Route du Quai Minéralier - 13775 FOS SUR MER CEDEX,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit
siège
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP Paul et Joseph MAGNAN,
avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Arnaud TEISSIER du
Cabinet CAPSTAN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
PRESIDENT :
Madame DE REVEL Estelle, Vice-Présidente
ASSESSEURS :
Madame FARSSAC Anne, Juge
Madame BUSCAIN-FARRET Sabine, Juge
A assisté aux débats : Madame CHANTEDUC, Greffier
en présence aux débats de Monsieur CIGNONI Thomas auditeur de justice
DÉBATS
A l’audience publique du 04 Juin 2015, après rapport oral de Madame
FARSSAC Anne, Juge et avoir entendu les conseils des parties en leurs
plaidoiries, l’affaire a été mise en délibéré au 16 Juillet 2015, avec avis du
prononcé du jugement par mise à disposition au greffe.
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé publiquement par mise à
disposition au greffe
rédigé par Madame FARSSAC Anne, Juge
signé par Madame DE REVEL Estelle, Vice-Présidente et Madame
CHANTEDUC, Greffier
EXPOSE DU LITIGE
La société LYONDELL CHIMIE FRANCE est soumise à la convention collective nationale
des industries de la chimie. L’article 18-4 de l’avenant n°3 du 16 juin 1955 modifié par accord
du 22 mai 1979 étendu par arrêté du 3 janvier 1992 dispose :“Toute hausse de caractère général
appliquée dans un établissement sur les rémunérations des autres catégories de salariés se
répercute dans le même pourcentage sur les rémunérations des cadres de cet établissement, à
l’exception des participations au chiffre d’affaires ou aux bénéfices.”
Un accord collectif d’entreprise intitulé “accord annuel 2013 sur les salaires et la durée du
travail” a été signé le 27 février 2013 pour la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 entre la
société et les syndicats CFDT et CGT prévoyant pour le personnel non-cadre une augmentation
minimum de 2,8% avec un plancher minimum de 110 euros et pour le personnel cadre des
augmentations individualisées en fonction de leurs performances individuelles et de leur
coefficient, allant de 1,3 à 6,2%.
Pour la période allant du 1er avril 2014 au 31 mars 2015, un accord collectif d’entreprise
intitulé “accord annuel 2014 sur les salaires et la durée du travail” a été signé le 4 mars 2014
entre la société et les syndicats CFDT et CGT qui prévoyait pour le personnel non-cadre une
augmentation minimum de 2,8% avec un plancher minimum de 90 euros et pour le personnel
cadre des augmentations individualisées en fonction de leurs performances individuelles et de
leur coefficient, allant de 0 à 5,5%.
Estimant que ces accords violaient les dispositions de l’article 18-4 de l’avenant 3, la
FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DU PERSONNEL D’ENCADREMENT
DES INDUSTRIES CHIMIQUES & CONNEXES CFE-CGC et le syndicat CFE-CGC
CHIMIE MÉDITERRANÉE qui n’en étaient pas signataires, ont par acte en date du 23
septembre 2013 fait assigner la société LYONDELL CHIMIE FRANCE devant ce Tribunal
pour, au visa des articles L1222-1, L2132-63, L.2253-1 et suivants, L2261-15, L2262-11,
L2262-12, L2264-4 du code du travail, et 1134, 1156, 1157 du Code civil, et avec le bénéfice
de l’exécution provisoire voir :
* dire et juger que la société LYONDELL CHIMIE FRANCE doit accorder aux cadres
l’augmentation générale de salaire dont bénéficient les autres catégories de salariés à compter du
1er avril 2013, puis du 1er avril 2014, soit un taux de 2,8% chaque année,
* dire et juger que la société LYONDELL CHIMIE FRANCE doit également appliquer la
garantie du plancher des articles 2.2 des accords collectifs d’entreprise du 27 février 2013 et du
4 mars 2014 aux salariés cadres,
* enjoindre à la société LYONDELL CHIMIE FRANCE d’appliquer les stipulations de
l’article 18-4 de l’avenant III de la convention collective nationale des industries chimiques en
procédant au bénéfice de l’ensemble de son personnel d’encadrement, à une augmentation du
salaire de base mensuel de 2,8% au 1er avril 2013 et de 2,8% au 1er avril 2014, sous astreinte
de 500 euros par infraction constatée, c’est à dire par jour de retard et par salarié,
* enjoindre à la société LYONDELL CHIMIE FRANCE d’appliquer la garantie de variation
mensuelle brut minimum de 110 euros bruts pour l’année 2013, puis de 90 euros bruts pour
l’année 2014, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, c’est à dire par jour de retard
et par salarié,
* dire et juger que la société défenderesse devra accorder lesdites augmentations de salaire y
compris aux cadres ayant d’ordres et déjà bénéficié d’une mesure d’augmentation individuelle
de salaire, l’augmentation générale se cumulant avec l’augmentation individuelle de salaire,
* condamner la société LYONDELL CHIMIE FRANCE à payer aux requérants la somme de
10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel
résultant de la violation des stipulations de la convention collective,
* condamner la société à 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi
qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 16 janvier 2015 la FÉDÉRATION
NATIONALE DES SYNDICATS DU PERSONNEL D’ENCADREMENT DES
INDUSTRIES CHIMIQUES & CONNEXES CFE-CGC et la CFE-CGC CHIMIE
MÉDITERRANÉE maintiennent leurs demandes initiales mais portent à 5000 euros leur
prétention sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Elles font notamment valoir :
* que le moyen invoqué par les défendeurs relativement à une irrecevabilité des demandes pour
défaut de dépôt des statuts et justification de l’identité de leur direction constituerait s’il était
fondé une nullité de fond de l’assignation et non une fin de non-recevoir, mais qu’il doit être
écarté les statuts et la liste des membres du bureau des deux syndicats requérants ayant été
régulièrement déposés en mairie et d’autre part, Monsieur Philippe JAEGER, président
représentant le syndicat CFE CGC CHIMIE et Monsieur Jean-François FERAL, président
représentant le syndicat CFE CGC CHIMIE MÉDITERRANÉE.
* que l’article 18-4 interdit une individualisation totale de la rémunération des cadres lorsque
sont pratiquées des augmentations générales de salaire au bénéfice des autres catégories du
personnel, que cet accord ayant été étendu ses stipulations sont obligatoires pour tous les
employeurs compris dans le champ d’application de la convention en application de L 2261-15
du Code du travail,
* que l’article L2253-4 du code du travail qui permet de prévoir des modalités particulières
d’application des majorations de salaires décidées par les conventions de branche ou les accords
professionnels ou interprofessionnels applicables dans l’entreprise, ne permet pas d’exclure du
bénéfice de l’augmentation générale tout ou partie d’une catégorie du personnel ce qui
constituerait une dérogation à l’accord et non une modalité particulière d’application
* que la cour d’appel de Paris a considéré que l’article 18-4 de l’avenant ne pouvait être regardé
comme une disposition de la convention collective instaurant des majorations de salaire mais
devait être considéré comme une mesure de portée générale applicable à l’ensemble des cadres,
* que les pièces 11 et 12 de Lyondell ne permettent aucune comparaison entre la hausse des
cadres et des non cadres, qu’elle n’articule en outre aucun argument sérieux visant à justifier
cette différence de traitement alors que jusqu’en 2011 elle appliquait un taux unique
d’augmentation générale à tous ses salariés
* qu’en procédant non à des augmentations générales mais individualisées, et en excluant
certains cadres, elle a opéré une modification substantielle par rapport aux dispositions de la
convention et non pris de simples mesures particulières d’application alors que l’article 18-6 de
l’avenant 3 stipule
* qu’elle n’a pas respecté les dispositions de L2253-3 quant aux conditions sa pièce 5 ne
justifiant pas du respect de la première,
* qu’elle estime à tort que le plancher minimum de 110 puis 90 euros n’est pas un taux alors
qu’il le modifie et constitue une hausse de caractère général puisqu’elle a concerné 170 salariés
non cadres sur les 235 (le taux étant alors de 3,21 en 2013 et 2,91 en 2014),
* que le respect des minima n’est pas vérifiable au vu des pièces produites.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 2 février 2015 la SAS LYONDELL CHIMIE
FRANCE a conclu au rejet des demandes et à la condamnation de chaque demandeur au
paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi
qu’aux entiers dépens.
Elle fait notamment valoir :
- que l’action en justice des demandeurs est irrecevable,
* ceux-ci n’ayant pas capacité à ester en justice au regard de l’article L2131-3 du Code
du travail et de l’article R 2131-1 du code du travail étant donné que les fondateurs d’une
fédération de syndicats comme les fondateurs d’un syndicat ne font pas la preuve du dépôt en
mairie des statuts de la fédération ou du syndicat et des noms des personnes chargées de leur
administration,
* en l’absence de pouvoir pour représenter en justice la fédération et le syndicat faute de
justifier qu’ils sont représentés par leur président respectif,
- que la société a respecté les dispositions de la branche de la chimie, le taux d’augmentation
minimum appliqué aux non-cadres étant de 2,8%, alors que les cadres ont perçu en moyenne
une augmentation de salaire de 2,96% en 2013 et de 2,80% en 2014,
- que la société était en droit de déroger en application de l’article L.2253-4 du Code du travail,
dont elle a respecté les conditions, aux dispositions de branche, l’article 18-4 de la Chimie
prévoyant une majoration de salaire même si elle n’est qu’indirecte, et que si tel n’était pas le
cas, le requête des demandeurs serait dépourvue d’objet,
- que la rémunération individualisée des cadres ne se limite pas aux augmentations prévues par
les accords collectifs, puisqu’ils bénéficient en plus des augmentations générales individualisées
d’une rémunération variable qui leur est accordée chaque année et dont les non-cadres ne
bénéficient pas et que les augmentations individualisées ne se confondent pas avec les
augmentations individuelles dès lors qu’elles n’ont pas été négociées individuellement avec les
salariés mais collectivement avec les délégués syndicaux de l’entreprise s’agissant
d’augmentations générales,
- que la société ne peut être condamnée à verser à ses cadres une double augmentation comme le
sollicite les demandeurs qui réclament l’application de l’augmentation minimale de 2,8% même
aux cadres ayant d’ores et déjà bénéficié d’une mesure d’augmentation de salaire au moins
égale à 2,8% ce qui n’est pas fondé en droit,
- que la demande des syndicats tendant à l’application des planchers d’augmentation doit être
rejetée, les cadres étant en droit aux termes de la jurisprudence de bénéficier du “taux minimum”
appliqué aux autres catégories de salariés, le plancher d’augmentation de 90 ou 100 euros
n’étant pas un taux et encore moins un taux minimum dès lors qu’il a pour objectif d’augmenter
le taux de 2,8% pour les salaires les plus bas,
- que les demandeurs doivent être déboutés de leurs demandes indemnitaires, la société ayant
respecté les dispositions de la convention collective de la chimie et pouvant en tout état de cause
déroger à ces dispositions par application de l’article L 2253-4 du Code du travail,
- qu’il n’y a lieu ni à exécution provisoire du jugement ni à astreinte.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 02 février 2015 et l’affaire renvoyée à l’audience du 04
juin 2015 pour y être plaidée. À l’issue des débats les parties ont été informées que le jugement
mis en délibéré à ce jour serait prononcé par mise à disposition au greffe.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l’action
La F ÉD ÉR A TI O N N A TI O N A LE D ES S Y N D I C A TS D U P ER S O N N EL
D’ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES & CONNEXES CFE-CGC et le
Syndicat CFE-CGC CHIMIE MÉDITERRANÉE ont produit aux débats les justificatifs du
dépôt de leurs statuts en mairie.
Il a été également justifié par les pièces produites de la qualité de Président de Monsieur JeanFrançois Feral s’agissant du syndicat CFE-CGC CHIMIE MEDITERRRANEE et de sa
capacité corrélative à ester en justice en vertu de l’article 22 des statuts, ainsi que de la qualité de
Monsieur Philippe JAEGER, Président de la FÉDÉRATION NATIONALE DES
SYNDICATS DU PERSONNEL D’ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES
& CONNEXES CFE-CGC et de sa capacité à ester en justice en application de l’article 30 des
statuts.
L’action engagée par la Fédération et le Syndicat susvisés est dès lors recevable.
Au fond
Il résulte des dispositions de l’article L2253-4 du Code du Travail que les clauses salariales
d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement peuvent prévoir des modalités
particulières d'application des majorations de salaires décidées par les conventions de branche
ou les accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l'entreprise, à condition
d'une part, que l'augmentation de la masse salariale totale doit être au moins égale à
l'augmentation qui résulterait de l'application des majorations accordées par les conventions ou
accords précités pour les salariés concernés, d'autre part, que les salaires minima hiérarchiques
soient respectés.
L’article 18-4 de l’avenant n°III Ingénieurs et cadres de la convention collective nationale des
industries chimiques étendue, prévoit, même si elle n’est que de manière indirecte, une
majoration de salaire, dès lors qu’il est stipulé que toute hausse de caractère général appliquée
dans un établissement sur les autres catégories de salariés se répercute dans le même
pourcentage sur la rémunération des cadres de cet établissement.
La F ÉD ÉR A TI O N N A TI O N A LE D ES S Y N D I C A TS D U P ER S O N N EL
D’ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES & CONNEXES CFE-CGC et le
Syndicat CFE-CGC CHIMIE MÉDITERRANÉE, qui poursuivent la condamnation de la
société LYONDELL à accorder aux cadres une augmentation de salaire de 2,8% en application
de l’article 18-4 précité, ne sont pas fondées à soutenir que cette disposition ne prévoirait pas de
majoration de salaire et que l’article L2253-4 du Code du travail n’aurait pas vocation à
s’appliquer.
Aux termes des accords d’entreprise des 27 février 2013 et 4 mars 2014 a été prévue pour les
personnels relevant des avenants I et II de la convention collective des industries chimiques une
augmentation de 2,8%.
Il a été en outre stipulé à l’article 2-2 de l’accord du 27 février 2013 : “les salariés relevant des
avenants I et II de la convention collective Chimie dont le salaire de base brut mensuel varierait
de mois de 110 euros bruts pour une personne à temps plein entre le 1er mars 2013 et le 30
avril 2013 se verront garantis d’une variation mensuelle brut minimum de 110 euros (hors effet
accélérateur)”. Dans l’accord du 4 mars 2014, l’article 2-2 prévoit : “les salariés relevant des
avenants I et II de la convention collective Chimie dont le salaire de base brut mensuel varierait
de mois de 90 euros bruts pour une personne à temps plein entre le 1er avril 2014 et le 31 mars
2015 se verront garantis d’une variation mensuelle brut minimum de 90 euros (hors effet
accélérateur)”.
Cette garantie de variation minimum du brut, outre le fait qu’elle soit prévue dans des
paragraphes intitulés “Disposition particulière non liée à l’augmentation pour les personnels
relevant des avenants I et II de l’avenant de la convention collective des industries chimiques”,
n’a pas pour effet de modifier le taux minimum d’augmentation mais le taux moyen, en
permettant aux salariés dont le salaire brut est le plus faible d’avoir une augmentation au moins
égale à 110 euros brut la première année, à 90 euros la seconde.
Or il est établi en droit que la hausse de caractère général visée à l’article 18-4 a pour objet de
garantir aux cadres un taux d’augmentation au moins égal au taux minimum appliqué aux autres
catégories de personnel et non au taux moyen.
Les prétentions de la FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DU PERSONNEL
D’ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES & CONNEXES CFE-CGC et du
Syndicat CFE-CGC CHIMIE MÉDITERRANÉE en ce qu’elles tendent à la répercussion sur
la rémunération des cadres de ces planchers seront en conséquence rejetées.
La hausse de 2,8% appliquée dans l’entreprise aux salariés relevant des avenants I et II doit en
revanche se répercuter dans le même pourcentage sur la rémunération des cadres en vertu de
l’article 18-4 de l’avenant III.
Il incombe à la société LYONDELL de rapporter la preuve que les dispositions des accords
d’entreprise des 27 février 2013 et 4 mars 2014 afférentes aux cadres respectent les conditions
imposées par l’article 2253-4 du Code du Travail. Les seules conditions posées par l’article
L2253-4 sont d’une part une augmentation de la masse salariale des cadres, à l’exception des
participations au chiffre d’affaires ou aux bénéfices, d’un montant équivalent à celle qui résulte
de l’augmentation générale consentie aux non cadres, à savoir de 2,8%, d’autre part un respect
des minima hiérarchiques.
En revanche cet article n’impose pas qu’il soit réservé à chaque salarié une quotité quelconque
de l’augmentation et n’interdit pas qu’en soit exclue une partie des cadres.
La Chambre sociale de la Cour de Cassation par arrêt en date du 22 février 2006, saisie d’un
pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Amiens le 19 février 2004 a
d’ailleurs qualifié d’“erroné mais surabondant”, le motif par lequel cet arrêt avait disposé que
les modalités d’application des majorations ne permettaient pas d’exclure du bénéfice de
l’augmentation générale de salaire tout ou partie d’une catégorie de personnel.
S’agissant de l’accord collectif d’entreprise intitulé “accord annuel 2013 sur les salaires et la
durée du travail” signé le 27 février 2013 pour la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2014
entre la société et les syndicats CFDT et CGT il a été prévu pour le personnel relevant de
l’avenant III: “une augmentation individualisée sera appliquée pour la période considérée,
fonction de la performance individuelle et de la position dans le grade par application de la
matrice ci-dessous :
Positionnement
non
acceptable
insuffisant
satisfaisant
très
satisfaisant
exceptionnel
> 120
1,3
1,3
1,3
1,6
1,6
110 - 120
1,3
1,3
2,2
3,1
3,1
100 - 110
1,3
1,3
3,1
4,7
4,7
90 - 100
1,4
1,4
3,5
5,4
5,4
80 - 90
1,6
1,6
3,9
6,2
6,2
< 80
1,6
1,6
3,9
6,2
6,2
Dans l’“accord annuel 2014 sur les salaires et la durée du travail”, signé le 4 mars 2014 entre la
société et les syndicats CFDT et CGT pour la période allant du 1er avril 2014 au 31 mars 2015
il a été prévu pour le personnel relevant de l’avenant III: “une augmentation individualisée sera
appliquée pour la période considérée, fonction de la performance individuelle et de la position
dans le grade par application de la matrice ci -dessous :
Positionnement
non
acceptable
insuffisant
0,5
insuffisant 0,8
satisfaisant
plus que
excepsatisfaisant tionnel
> 120
0
1,1
1,1
1,1
1,2
1,3
110 - 120
0
1,3
2,0
2,5
3,0
3,8
100 - 110
0
1,4
2,2
2,8
3,4
4,2
90 - 100
0
1,5
2,5
3,1
3,7
4,6
80 - 90
0
1,7
2,7
3,4
4,0
5,0
< 80
0
1,8
2,9
3,6
4,4
5,5
La SAS LYONDELL CHIMIE FRANCE affirme que l’augmentation des salaires de base des
cadres a représenté pour l’année 2013 une moyenne de 2,96% et pour l’année 2014 une
moyenne de 2,8%.
Les cadres auraient été au nombre de 50 en 2013 au vu de la pièce 11 et au nombre de 49 en
2014 au vu de la pièce 12 (les cadres portant les n°5, 27, 30, 36, 38, 40, 44 et 50 dans la pièce
11 en 2013 ne figurant plus dans la pièce 12 en 2014, laquelle comporte en revanche les cadres
n°19, 34, 36, 38, 42, 48 et 49 dont le salaire 2013 ne correspond à aucun de ceux du tableau
pièce 11).
La SAS LYONDELL CHIMIE FRANCE justifie du montant de l’augmentation de salaire
pour le salarié portant le n°1 sur les pièces 11 et 12 par la production de la pièce 13 à savoir la
copie des bulletins de paie correspondant, dont le nom a été occulté mais comportant le
matricule. S’agissant de ce salarié l’augmentation s’est élevée à 3,1% entre le 1er mars 2013 et
le 1er avril 2014 et à 2,8% entre le 1er avril 2014 et le 1er avril 2015. Elle ne verse pas les
bulletins de paie des autres cadres, alors qu’ils auraient permis d’établir non seulement le
montant des augmentations mais également la positionnement des cadres et de ce fait le respect
des minima hiérarchiques tels que fixés par les accords sur les salaires minima dans les
industries chimiques.
Or qu’il s’agisse de 2013 ou 2014, les pièces produites sont insuffisantes à établir que la masse
salariale des cadres ait augmenté de 2,96% en 2013 et 2,8% en 2014 comme elle l’allègue. En
effet ces pourcentages d’augmentation ne résultent que de tableaux non certifiés, dont l’auteur
n’est d’ailleurs pas identifiable, l’analyse comparée de ces divers documents ne permettant pas
en outre d’en corroborer le contenu.
Les positions relevant de l’avenant III “cadre et ingénieur” commencent au coefficient 350.
Aucun salarié n’a ce coefficient dans l’entreprise, aux termes des pièces 2 et 7 que la SAS
LYONDELL verse aux débats. Le salaire brut total mensuel dans l’entreprise pour le
coefficient 360, mentionné dans ces documents, serait au minimum de 4420 euros (pour les
femmes) et 4613 euros (pour les hommes) au 30/06/2013 et de 4544 euros (pour les femmes)
et 4742 euros (pour les hommes) au 30/06/2014. Or ces éléments ne sont pas confirmés par les
autres pièces qu’elle verse aux débats, dès lors que les salariés n°22 et 30 du tableau pièce 11,
et le salarié n° 49 du tableau pièce 12 n’atteignent pas ces montants.
Il résulterait de la pièce 10 que les augmentations individuelles sur salaire de base des cadres,
hors bonus en 2013 conduiraient à une augmentation de la masse salariale (initialement de 3
803 335 euros) de 112 675 euros, soit 2,96%, ce qui conduirait à un total de 3 916 010 euros.
Toutefois la masse salariale initiale portée en 2014 n’est que de 3 782 498 euros, et aurait varié
de 2,80% (105721 euros) pour représenter un total de 3 888 219 euros.
Si les chiffres de 3 803 335 euros et 112 675 figurent également en pièce 5 ils ne correspondent
qu’à une “masse salariale estimée annuellement sur base mars”.
Or aucun de ces chiffres n’est corroboré par les pièces 11 et 12.
En effet le total des salaires mensuels 2012 ( 320 628,08 euros) figurant sur le tableau de la
pièce 11 conduit à une masse annuelle de 3 847 536,96 euros, soit supérieure de 42 204,96
euros à la masse initiale mentionnée en pièce 10.
Le total des salaires mensuels 2013 figurant sur le tableau 11, soit après augmentation (330
118,67 euros), multiplié par 12 donne une masse annuelle de 3 961 424,04 euros (supérieure
de 45 414,04 euros à celle résultant du tableau 10 pour 2013) et celui figurant sur le tableau 12
pour l’année 2013 (319 005,67 euros) une masse annuelle de 3 828 068,04 euros (inférieure de
87 941,96 euros à celle résultant du tableau 10 pour 2013). Ces masses sont par ailleurs toutes
deux supérieures au montant initial porté pour 2014
Le total des salaires mensuels 2014, après augmentation, figurant en pièce 12 (327 920,86
euros) conduit après multiplication par 12 mois à une masse annuelle de 3 935 050 euros,
somme supérieure à celle figurant sur la pièce 10.
En l’état de ces différences de chiffres, les pièces produites par la SAS LYONDELL ne
permettent pas d’établir que la masse salariale des personnels relevant de l’avenant 3, telle
qu’elle résulte des augmentations décidées dans le cadre des accords d’entreprise des 27 février
2013 et 4 mars 2014, ait augmenté de 2,8% au moins tant pour la période 2013-2014 que pour
2014-2015.
La FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DU PERSONNEL
D’ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES & CONNEXES CFE-CGC et le
Syndicat CFE-CGC CHIMIE MÉDITERRANÉE, fondées en leur demande de voir appliquer
au personnel relevant de l’avenant 3 de la convention collective des industries chimiques des
augmentations de salaire de ce pourcentage, doivent en revanche être déboutées de leur
demande portant sur le cumul de cette augmentation générale avec les augmentations auxquelles
la SAS LYONDELL a procédé en application de l’accord d’entreprise.
Il sera, en conséquence de ce qui précède, enjoint à la SAS LYONDELL de mettre en oeuvre
les dispositions de l’article 18-4 de l’avenant du 16 juin 1955 de la Convention Collective
Nationale des Industries Chimiques en procédant à une augmentation du salaire de base
mensuel de 2,8% au 1er avril 2013 et 2,8% au 1er avril 2014 au bénéfice des ingénieurs et
cadres, qui n’ont bénéficié que d’une augmentation individualisée inférieure à ce pourcentage, et
sous déduction du pourcentage d’augmentation qui leur avait été accordé.
Aucun élément de la cause ne justifie que cette injonction soit assortie d’une astreinte.
Sur les autres demandes
Il n’y a pas lieu de condamner la SAS LYONDELL au paiement de dommages et intérêts au
titre du préjudice moral et matériel résultant de la violation de l’article 18-4 de l’avenant, le
préjudice causé à l’intérêt collectif se trouvant réparé par l’application dudit accord. La
FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DU PERSONNEL D’ENCADREMENT
DES INDUSTRIES CHIMIQUES & CONNEXES CFE-CGC et le Syndicat CFE-CGC
CHIMIE MÉDITERRANÉE, qui ne précisent par ailleurs pas quel “préjudice direct et
indirect” aurait été causé aux intérêts de la profession qu’elles représentent, seront en
conséquence déboutés de leur demande de dommages et intérêts de ce chef.
Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.
Succombant la SAS LYONDELL supportera les dépens et sera déboutée de ses prétentions sur
le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il serait inéquitable que la FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DU
PERSONNEL D’ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES & CONNEXES
CFE-CGC et le Syndicat CFE-CGC CHIMIE MÉDITERRANÉE conservent à leur charge la
totalité des frais non compris dans les dépens exposés pour faire valoir leurs droits en justice.
La SAS LYONDELL sera condamnée à leur payer la somme de 3000 euros sur le fondement
de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement
et en premier ressort,
Dit que la SAS LYONDELL CHIMIE FRANCE ne justifie pas que les accords d’entreprise
des 27 février 2013 et 4 mars 2014 respectent les dispositions de l’article 18-4 de l’avenant n°3
“ingénieurs et cadre” du 16 juin 1955 à la Convention Collective Nationale des Industries
Chimiques étendue ;
Enjoint à la SAS LYONDELL CHIMIE FRANCE de procéder à une augmentation du salaire
de base mensuel de 2,8% au 1er avril 2013 et 2,8% au 1er avril 2014 pour les ingénieurs et
cadres qui n’ont bénéficié que d’une augmentation individualisée inférieure à ce pourcentage, ce
sous déduction du pourcentage d’augmentation individualisée accordé au titre de ces périodes ;
Déboute la FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DU PERSONNEL
D’ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES & CONNEXES CFE-CGC et le
Syndicat CFE-CGC CHIMIE MÉDITERRANÉE de toute demande plus ample au titre de
l’application de l’article 18-4 précité et de leurs prétentions à des dommages et intérêts ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;
Condamne la SAS LYONDELL CHIMIE FRANCE à payer à la FÉDÉRATION
NATIONALE DES SYNDICATS DU PERSONNEL D’ENCADREMENT DES
INDUSTRIES CHIMIQUES & CONNEXES CFE-CGC et au Syndicat CFE-CGC CHIMIE
MÉDITERRANÉE la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de
procédure civile ;
Déboute la SAS LYONDELL CHIMIE FRANCE de sa demande en application des mêmes
dispositions ;
Condamne la SAS LYONDELL CHIMIE FRANCE aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Première Chambre Section A du Tribunal de Grande Instance
d’Aix en Provence, la minute étant signée par :
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT