à la Une à la Une Quand L - Théorie de la Double Causalité
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à la Une à la Une Quand L - Théorie de la Double Causalité
à la Une Quand L Provoquées par un guérisseur ou par des prières, les guérisons inexplicables continuent de défier la médecine et la science. « Je le soignai, Dieu le guérit », disait Ambroise Paré, père de la chirurgie moderne. Aujourd’hui, les guérisseurs interviennent à l’hôpital. 22 N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 es guérisons inexpliquées ne surviennent pas seulement dans un contexte religieux, encore qu’il s’agisse souvent d’un contexte « spirituel ». Robert Tocquet, dans Les Mystères du surnaturel, explique que les guérisons « paranormales » semblent résulter d’actions psychosomatiques, mais il cite une enquête de 1954 de la British Medical Association qui conclut en faveur d’une action des « guérisseurs spirituels », « dans certains cas ». Il est vrai que le corps est capable d’autoguérison, jusqu’à des cas spectaculaires de rémission spontanée du cancer par exemple. Dans Les guérisons miraculeuses, Pierre Lunel raconte le cas d’un malade à qui l’on avait enlevé les deux tiers de l’estomac atteint d’une tumeur grosse comme le poing avec métastases au foie. Ce malade a guéri, faisant mentir les statistiques, mais surtout, il n’avait plus aucune trace de son cancer quand on l’a réopéré douze ans plus tard pour retirer la vésicule biliaire. Le National Cancer Institute américain a recensé environ 550 cas de ce genre dans le monde. Certaines « survies extraordinaires » concernent des pronostics qui étaient jugés fatals dans 100 % des cas, comme le cancer du pancréas. Lunel note que les malades ont souvent guéri après un événement, qui peut être une infection virale, une opération, ou même un choc émotionnel. Certains patients qui ont été « ouverts » puis « refermés » sans intervention du chirurgien, ont guéri en attribuant cette guérison à l’opération. La « maman miracle » Dans quelque contexte qu’elles surviennent, les guérisons inexplicables ont sans doute des points communs, estiment les auteurs du collectif Les guérisons inexpliquées sont-elles miraculeuses ? (L’Atelier, 2009). Dirigé par Pierre Calvet, docteur en médecine, le livre est co-signé par un pasteur protestant, un philosophe, un ancien chirurgien et encore deux autres médecins. Oui, le psychisme joue un rôle, tout comme l’effet placebo (lire p. 28), mais il serait temps de considérer « l’impact d’énergies non encore élucidées et la part à donner à l’inexplicable », annonce l’ouvrage, qui entend briser le dialogue de sourds entre « l’inexpliqué » et « le miraculeux ». On nous a récemment narré le « miracle de Cincinnati », qui a fait la médecine s’incline les gros titres outre-Atlantique. Lori Smith, une jeune femme de 38 ans, est soudain prise de violents maux de tête quinze minutes après son quatrième accouchement. Elle fait une « coagulation intravasculaire disséminée », convulse, et sombre dans un coma profond avant de faire deux arrêts cardiaques récupérés après 49 minutes de réanimation. Au bout de treize jours de coma, les médecins envisagent de la « débrancher » compte tenu de son activité cérébrale et ainsi que la loi de l’Ohio les y autorise. Le mari se rend auprès de son épouse accompagné de leurs trois enfants de 6, 8 et 12 ans pour lui faire leurs adieux. « Maman, si tu nous aimes et que tu nous entends, ouvre les yeux ! » lui dit la petite Megan, 8 ans. Et là, l’incroyable se produit : Lori ouvre les yeux. En quelques heures elle fait des progrès fulgurants, et la voilà capable de parler au bout de trois jours. Quelques semaines plus tard, elle sort de l’hôpital et déclare : « Je ne suis ici que grâce à l’aide de ma famille et aux prières que j’ai reçues ». Pour son mari, aucun doute : « Dieu a fait un miracle », d’autant qu’un groupe de prière de 70 personnes s’était constitué. D’ailleurs la presse américaine l’a appelée « la maman miracle ». Rappelons que l’efficacité de la prière sur la guérison a été mise en évidence par plusieurs études scientifiques*. Canaux d’énergie Alors, énergie vitale, amour, foi ? Est-ce la même chose ? À en croire les guérisseurs de nos villes et nos villages, oui. Car si le retour de Lori est bien survenu dans un contexte religieux, ils sont nombreux parmi les guérisseursmagnétiseurs à se dire simples « canaux » d’une énergie ou d’une volonté qui guérit à travers eux. « Ne me remerciez pas, remerciez Dieu ! » a coutume de dire Emmanuel Marcos, qui témoigne dans le documentaire de Jean-Yves Bilien, Les guérisseurs, la foi et la science. La découverte du don tient d’ailleurs parfois du miraculeux. Emmanuel Marcos raconte qu’il a entendu une voix lui parler dans la nuit du 15 août 1984. Au matin, il va voir sa voisine, 87 ans, paralysée des jambes depuis 25 ans. Il impose ses mains, ressent à la tête une douleur terrible qui disparaît ensuite. Quelques minutes plus tard, la voilà qui marche sans boiter. « J’en ai pleuré pendant cinq ans », confie M. Marcos. Son confrère Pierre Bévelot explique : « Quand je travaille je dis “on” : moi et celui qui me guide la main et qui guérit. En 1970, j’ai été appelé pour donner à la Une mon sang à un jeune homme atteint d’une leucémie doublée d’une septicémie. Il était dans le coma, mais j’ai voulu le voir avant. Il s’est réveillé de son coma et je lui ai dit de tenir le coup. Huit jours après il sortait de l’hôpital guéri. C’est lui qui m’a parlé de magnétisme, je ne savais pas ce que c’était. » Le guérisseur qui guérit sans le savoir en donnant son sang, fluide vital par excellence… Barreur de feu Aujourd’hui, ils sont nombreux à intervenir dans les hôpitaux et cliniques, à la demande même des médecins. « Un homme est arrivé brûlé au deuxième degré sur plus de 80 % de la surface du corps, raconte le Dr Françoise Niertaven, chef d’un service d’urgences. Or, il n’avait absolument aucune douleur. Une infirmière m’a dit : c’est normal, il a fait appel à un barreur de feu. » Elle poursuit : « Une autre fois, j’ai envoyé une patiente au service des grands brûlés, à Lyon. Ils m’ont demandé ce que je lui avais fait avant, car elle était guérie au bout d’une semaine alors qu’ils pensaient la garder trois mois. » Mais le plus spectaculaire, explique-telle, « c’est les enfants qui pleurent dans les bras de leurs parents. On appelle le barreur de feu au téléphone, parfois sans le dire aux parents, et on entend l’enfant qui s’arrête de pleurer. Il ne pleure plus pendant les pansements, donc forcément, il s’est passé quelque chose. » Dépassée, la médecine ? « Aux États-Unis, l’énergéticien accomVierge noire de l’église de Thuret (Auvergne). pagne l’anesthésiste pendant l’opération d’un patient », explique Jean-Luc . Ces lieux qui soignent Bartoli, magnétiseur. Nous avons es édifices religieux, tout comme les à apprendre du pragmatisme amétemples païens, seraient orientés en ricain, car cette pratique reste offonction des influences cosmo-telluriques. ficiellement illégale en France. Spécialiste en géobiologie, Jacques Quelques scientifiques se sont penBonvin a publié plusieurs ouvrages sur la chés sur l’action des guérisseurs, et question. Dans un ouvrage en préparation, il raconte l’histoire de l’église de Thuret, en proposent une théorie assez séduiAuvergne. Seule église de toute la chrétienté sante. Les mains des guérisseurs consacrée pour la guérison des cancers, émettraient des ondes de 7,8 Hz, elle est toujours le théâtre de guérisons, tout comme les ondes cérébrales en dont témoignent de nombreux ex-votos, état de relaxation. Celles-ci seraient mais il s’agit aussi et avant tout d’élévation spirituelle. Selon l’auteur Gilles Gandy, reçues par le cerveau du patient, au certains lieux sacrés sont « pollués » par les niveau de la glande pinéale, ce qui pensées liées au pouvoir, au dogme, etc. Il remettrait l’organisme « en cohérenexiste en revanche « quantité de lieux sacrés ce » avec l’environnement, car cette méconnus ou inutilisés car un peu éloignés fréquence n’est autre que celle du des routes, explique-t-il. Par exemple, la plupart des pierres dites “du diable”, “à champ magnétique terrestre, apsacrifice”, “de l’enfer”… sont en fait de pelée résonance de Schuman. Plus magnifiques lieux de guérison ». Attention ! simplement, un guérisseur évoque« Protégés par des auras très fortes, ils ra son « secret » ou « les prières »… ● interdisent à toute personne d’approcher L sans conscience, ce qui leur a valu au cours des siècles leur réputation sulfureuse. » *www.passeportsante.net, rubrique Approches complémentaires/thérapies/prière. N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 23 à la Une Nés pour guérir Le Curé d’Ars, le saint guérisseur Jean-Marie Baptiste Vianney (1786 -1859), curé du village d’Ars (Ain), est proclamé « saint » en 1925 et « patron de tous les curés de l’univers » en 1929. Il voit les saints, converse avec les anges gardiens et connaît les péchés de chacun. Au cours de sa vie, il entre plusieurs fois en lévitation et après sa mort, son corps s’avérera incorruptible. Arrivé en Ars en 1818, il fonde rapidement une école pour filles, devenue orphelinat, et prend soin des plus pauvres. Au propre comme au figuré, il donne tout à ses paroissiens – au départ deux cents paysans – et passe, à la fin de sa vie, jusqu’à seize heures par jour à confesser. Il meurt d’ailleurs d’épuisement à 73 ans. Le Père Philippe Caratgé souligne lors du colloque d’Ars 2009 (citant Alfred Monnin, 1864) qu’il s’agit avant tout pour le curé d’Ars « de guérir les plaies de l’âme ». « Quand on est tombé dans un gros péché, disait-il, il faut avoir recours au médecin, qui est le prêtre, et aux remèdes, qui sont les sacrements. » Dès lors, on a souvent comparé l’église d’Ars à un hôpital, « le grand hôpital des âmes », comme l’a écrit Monnin. Et aussi : « Il savait l’endroit du cœur où il fallait frapper ; et le trait manquait rarement son but… Ce que d’autres n’auraient pu par de longs discours, il l’opérait d’un seul mot. » Il guérit l’âme qui ellemême guérit le corps. Mais certains paroissiens se comportent avec leur âme, dès la sortie du confessionnal, comme un malade guérit qui se planterait un couteau dans le ventre ! Sur la maladie, il démontre que l’amour divin est indissociable du respect du libre arbitre : « On ne doit pas enlever la croix à des épaules qui savent si bien la porter. » Mais si la souffrance résulte d’une forme de « négativité », il encourage le pénitent à s’ouvrir à la miséricorde divine. 24 N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 Capables de prodiges, guérisons et prophéties, les thaumaturges se sont révélés dans le cadre de l’Église, comme le curé d’Ars et Padre Pio, mais aussi en marge de celle-ci, comme Bruno Groening en Allemagne ou Maître Philippe de Lyon en France. Portraits. Bruno Groening, le « Dr Miracle » Né en Pologne, Bruno Groening (1906 – 1959) constate très jeune qu’il influence positivement les êtres autour de lui. Il exerce divers métiers manuels puis, en 1949, il devient célèbre pour guérir des centaines de personnes de graves maladies lors de discours publics. Le « Dr Miracle » se réfère à « une puissante force venant du cosmos », et compare Dieu à une inépuisable source d’énergie vitale, un « courant guérisseur ». L’homme est un récipient qui doit se remplir de cette force, en se « branchant » au moins deux fois par jour. La maladie est la conséquence matérielle à la Une Maître Philippe de Lyon, le « chien du berger » « Je suis le plus petit, c’est pourquoi de grandes choses peuvent se faire par moi, mais je n’ai pas de mérite », disait celui qui réalisait des prodiges quotidiens à l’école de magnétisme de Lyon. Nizier Anthelme Philippe (1849-1905) est petit, « fort » et large d’épaules. La force vitale n’est pas pour lui un courant, mais une Lumière qui représente l’union du « Aimez-vous les uns les autres ». Il en découvre les pouvoirs dès l’âge de 7 ans. Au collège, il annonce la guerre de 1870 et prédit le réchauffement climatique ! Il entame des études de médecine, mais se fait renvoyer de l’hôpital pour avoir guéri un homme à qui l’on devait couper la jambe. « Lorsqu’on a besoin de quelque chose d’utile, il n’y a jamais lieu de s’inquiéter, disait-il, le Ciel nous le donne ». Peut-être une bonne définition des synchronicités (lire p. 31). On raconte qu’il faisait aussi gronder le ciel à volonté, se calmer la mer, et s’évanouir les sceptiques. Une sorte de miracle ambulant doué d’ubiquité, ne dormant quasiment pas, et qui, au tournant du siècle, se lie avec des ducs russes, puis le Tsar Nicolas. Celuici tente de lui obtenir un diplôme de docteur en France. Il en obtient finalement un de l’université du Wisconsin, dans des conditions « paranormales », puisqu’il n’a pas quitté Lyon… Il est reçu par les Francs-Maçons comme un maître. Il met également au point quelques médicaments et divers appareils de physique. Son cœur malade lâche en août 1905, à l’âge de 56 ans. Médecin, soldat, ou « chien du berger », il se disait catholique, mais ses rapports avec l’Église sont restés distants. Il condamnait l’occultisme et le spiritisme, et considérait l’Évangile comme le véritable enseignement. de « l’écart » entre Dieu et l’homme, via l’accumulation d’énergie négative. « Dieu est le plus grand médecin », dit-il. Il invite cependant chacun à ne pas croire aveuglément ses propos, mais à faire l’expérience en soi-même et ressentir le courant guérisseur. À l’époque, son cas défraye la chronique et effraie les sceptiques. Un immense débat s’empare de l’Allemagne, et des confirmations médicales sont apportées. Il déchaîne les passions et s’attire les foudres à la fois de médecins influents, d’ecclésiastes, de juristes et même d’anciens collaborateurs. À la mort de Bruno Groening à Paris en 1959, son procès culmine, et le jugement ne sera jamais prononcé. Comme ses illustres semblables, il continuerait à guérir après sa mort. Un médecin sceptique, Gerhard Blaettner, a été récemment convaincu lorsque sa femme - après plusieurs de ses patients - a brutalement guéri de polyarthrite rhumatoïde, suite à l’étude des enseignements de Groening. Lui et ses confrères ont étudié et validé plus de deux cents cas de guérisons liés aux enseignements, dont des migraines, névralgies sévères, paralysies après accident vasculaire, toxicomanies… Padre Pio, une vie de prodiges La jeunesse de Francesco Forgione (18871968) à Pietrelcina, Italie, est déjà tournée vers Dieu. Il voit le Christ, il a des extases à 15 ans. Il entre au couvent des Capucins de Morcone en 1902 et prend le nom de Pie (Pio). Il se passe de nourriture pendant plusieurs jours, pour seulement communier, et commence à « recevoir » les stigmates dès 1911. Le Vatican le fait examiner après qu’il ait manifesté les stigmates et une transverbération, soit un « transpercement spirituel du cœur par un trait enflammé », qui provoque un réel saignement du cœur (comme Sainte Thérèse d’Avilla). Un bébé est guéri sous ses yeux dans son église, suite à l’invocation de Marie. Il guérit une jeune femme de 24 ans d’un bras handicapé : l’os et le cartilage sont reconstitués. La guérison est précédée d’effluves de parfum, jonquilles et roses... Ces fragrances seront parfois perçues à des distances considérables du Padre Pio. En écho au curé d’Ars, les guérisons du corps visent celles du cœur. Il est examiné par des médecins, mais déclaré sain (et il sera déclaré « Saint » par Jean-Paul II en 2002). Des cas de bilocation sont signalés, auxquels s’ajoutent des constatations d’hyperthermie, d’inédie (privation de nourriture et boisson plus de deux mois), et même des rumeurs de lévitation. Dans les années 1950, le scandale financier qui touche l’Église catholique l’amène à être relevé de ses vœux de pauvreté pour gérer les fonds de ses fidèles, qui ne sont pas sans attirer moult convoitises. À partir des années 60, le « commerce » autour du Padre devient tel que l’Église limite ses apparitions publiques, et renfloue ses caisses au passage. Lors de ses funérailles, il apparaît à la foule sur toutes les vitres de la façade du couvent de Sainte-Marie des Grâces. N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 25 à la Une De nombreuses études ont constaté les effets bénéfiques sur la santé de pratiques spirituelles, ou simplement de la relaxation. Aujourd’hui, les neurosciences vont plus loin en identifiant ce qui se passe réellement dans le cerveau. L ’interface esprit/cerveau conserve l’essentiel de son mystère. C’est le « problème difficile » de la conscience, identifié par le philosophe australien David Chalmers. Perspective matérialiste ou pas, la façon dont les deux entités interagissent reste incomprise. Ce qui est certain, pour le neuropsychologue québécois Mario Beauregard, c’est que « dans l’effet placebo comme dans les thérapies cognitives, les croyances de la personne modifient la réponse du cerveau. Or, si l’esprit était quelque chose d’impuissant, on ne pourrait pas observer ces résultats. » Par exemple, une personne atteinte de phobie ou de TOC (trouble obsessionnel compulsif) va être capable, grâce à une thérapie comportementale, de « reprogrammer » son cerveau en mobilisant son attention. De nouvelles pensées vont se substituer aux pensées intrusives ou phobiques, et un nouveau circuit neuronal va remplacer le circuit pathologique, comme on l’observe ensuite en imagerie cérébrale. Pour Mario Beauregard, « l’interprétation la plus simple est de considérer que ce qui se passe au niveau psychique a une influence au niveau neurobiologique. » Prière « à l’insu de son plein gré » Ces observations viennent confirmer une quantité impressionnante d’études mettant en évidence que des activités telles que la méditation, la relaxation, la prière, etc., sont 26 N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 Du chapelet bénéfiques à la santé et favorisent la guérison. Edward Larson a effectué, dans son livre The Faith factor, une revue détaillée de 158 études médicales portant sur l’effet de la religion ou de la spiritualité sur la santé, dont 77 % faisaient état d’un bilan clinique positif. Une autre étude portant sur 400 personnes âgées de plus de 64 ans a montré que des activités de nature spirituelle étaient associées à un meilleur taux de survie. À l’inverse, on a montré qu’une relation conflictuelle avec « la religion » augmentait le risque de décès chez des patients malades et âgés. Le lien de causalité n’est peut-être pas si évident et il ne s’agit pas de donner des gages définitifs aux croyants. Ce ne sont pas les croyances elles-mêmes qui sont bénéfiques, puisque différentes pratiques religieuses donnent des résultats semblables, mais bien les états mentaux qui en découlent. D’autres études ont été plus controversées, car elles portaient sur la « prière d’intercession », qui consiste à prier pour la guérison de quelqu’un d’autre, parfois à son insu. Une étude portant sur 1 800 patients opérés du cœur n’a pas montré que les prières orientées vers leur guérison avaient un effet quelconque. Pire, ceux qui savaient que l’on priait pour eux se sentaient encore plus mal que les autres ! Pourtant, William Harris avait montré en 1999 que « la prière d’intercession, complémentaire, à distance, en aveugle, produit une amélioration mesurable des indicateurs médicaux chez les pa- au scanner Ce ne sont pas les croyances elles-mêmes qui sont bénéfiques, puisque différentes pratiques religieuses donnent des résultats semblables, mais bien les états mentaux qui en découlent. tients gravement malades ». Et d’autres études l’ont confirmé, mais dans le cas des opérés du cœur, il a été avancé que ceux qui savaient que l’on priait pour eux pouvaient s’en effrayer en se pensant réellement à l’article de la mort. C’est ce qu’on appelle un effet nocebo, contraire au placebo. Éveil accéléré Une étape supplémentaire est franchie avec les études qui montrent que l’éveil induit par une forme de bénédiction produit des modifications dans le cerveau. Le chercheur allemand Christian Opitz s’est penché sur le cas de la « bénédiction d’unité » appelée deeksha, telle qu’elle est pratiquée par Sri Bhagavan au sein de la Golden Age Foundation, en Inde. Selon ce dernier, l’éveil peut être transmis comme une grâce, et se réaliser en quelques semaines. Opitz a étudié les scans cérébraux de personnes à différents stades d’éveil et observé qu’ils présentaient des caractéristiques communes : baisse d’activité dans les lobes pariétaux, liés au sentiment de soi et à l’orientation dans l’espace ; et hausse d’activité dans les lobes frontaux, principalement le gauche, lié au sentiment de bonheur et de bien-être. Ceci confirme selon lui un processus d’éveil en marche, comme si le deeksha installait en premier lieu le « câblage » neuronal, puis que l’expérience subjective de la personne se transformait peu à peu. Opitz en déduit à la Une également que l’expérience mystique « sauvage » peut être déstabilisatrice et pathologique précisément parce que le cerveau n’est pas prêt pour l’intégrer. Chez des disciples indiens de Sri Bhagavan et Amma, Opitz a observé que la zone appelée « septum pellucidum », associée à l’humeur et la joie, était « énorme », alors qu’elle est sous-active chez la plupart des gens et très réduite chez les dépressifs. Au niveau hormonal, il note également l’augmentation de la production d’ocytocine, l’hormone de l’amour et de la confiance. Sri Bhagavan insiste sur la nécessité d’avoir des relations sociales et personnelles harmonieuses, où l’on rejoint Maître Philippe et les « pensées justes » qui devaient accompagner ses soins (lire p. 24). Nouveau cerveau Le chercheur danois Erik Hoffmann a étudié les tracés EEG (électroencéphalogramme) de douze personnes participant à un « séminaire d’éveil » en Inde. Il constate d’abord « une forte tendance des deux hémisphères à fonctionner de façon plus symétrique ». Ensuite, il observe une augmentation des ondes cérébrales gamma dans les lobes frontaux, qu’il traduit par une activation du « nouveau cerveau », indispensable au processus d’éveil et à l’état d’unité. En effet, de telles ondes gamma ont été observées par Richard Davidson chez des méditants bouddhistes zen expérimentés. Selon Mario Beauregard, ces ondes gamma seraient toutefois liées à l’effort d’attention qui est requis dans ces formes de méditation. En revanche, il a lui aussi observé que certaines personnes ayant vécu une expérience de mort imminente (NDE) conservaient également une trace dans le cerveau. D’ailleurs, plusieurs cas de guérisons spectaculaires ont été constatés après une telle expérience. Ainsi, le mystère demeure, mais le potentiel de la conscience semble illimité. ● N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 27 à la Une Placebo : l’inconscient guérisseur j Du latin « je plairai », l’effet placebo renvoie aux ressources extraordinaires de notre conscience dans le processus de guérison. anis Schonfeld est une architecte d’intérieur âgée de 46 ans et vivant en Californie. Elle est au bord du suicide quand elle trouve assez de courage pour s’enrôler dans une étude clinique sur la dépression. Après quelques examens préliminaires, elle est impatiente d’essayer ces nouvelles pilules si prometteuses. Et les promesses sont tenues : sa vie est repartie sur de bons rails, même si les effets secondaires pénibles comme la nausée sont bien présents, mais son infirmière l’a prévenue. À sa dernière visite à l’hôpital, le médecin lui annonce qu’elle est guérie de sa dépression, une authentique guérison. Toutefois, elle fait partie du groupe contrôle de l’étude, celui qui a pris un placebo, autrement dit une pilule sucrée sans aucun effet pharmacologique. « Le seul médicament qu’elle avait reçu était une substance immatérielle et immortelle : l’espoir », écrit le neuropsychologue Mario Beauregard qui relate cette histoire dans son livre Du Cerveau à Dieu. « Dans l’effet placebo, les croyances de l’individu et ses attentes au niveau du traitement semblent influencer l’activité du cerveau dans la durée, explique-t-il. On a donc une causalité qui s’exerce du mental au cérébral. » Et Mario Beauregard de citer une étude de l’université de Colombie britannique à Vancouver avec des patients atteints de la maladie de Parkinson (dans laquelle un groupe de neurones cesse de produire de la dopamine) : « Les patients qui croyaient le plus à l’efficacité du traitement, soi-disant révolutionnaire, sont ceux dont le cerveau a produit le plus de dopamine, en quantité comparable avec des individus sains, alors même que leurs cellules à dopamine étaient détruites à 80 %. Il y a donc un lien entre ce qui est vécu au niveau mental et l’effet neurobiologique subséquent. » 28 N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 L’effet blouse blanche Tous les médicaments sont testés « versus placebo » pour démontrer que leur effet est supérieur, ce qui ne s’observe souvent qu’à la marge, comme avec les antidépresseurs. Le simple fait de voir un médecin en blouse blanche produit un effet placebo, qui peut être aussi négatif (on parle alors d’effet nocebo). Le Dr Bernard Thouvenin explique dans Les Voies de la Guérison que « pratiquement tous les symptômes de toutes les maladies peuvent réagir au placebo étudié en double aveugle, même le diabète, l’angine de poitrine (angor, souffrance du cœur) et le cancer. La douleur est particulièrement “placebo sensible”, même les douleurs cancéreuses, peutêtre en raison de la libération d’origine psychique des endomorphines. » Selon Mario Beauregard, l’effet placebo ne doit pas être confondu avec les processus naturels de guérison : « Il repose spécifiquement sur la croyance et la conviction mentale qu’un remède particulier sera efficace. » Mais ce qu’il met en jeu, ce qu’il mobilise, relève bien d’une extraordinaire capacité d’autoguérison. Parmi les cas les plus spectaculaires, Mario Beauregard cite celui d’une personne invalide en raison d’atroces douleurs aux genoux, qui se retrouve guérie après une intervention chirurgicale « simulée ». On a pratiqué trois petites incisions au niveau du genou, immédiatement recousues… Lève-toi et marche ! Les sceptiques ont beau jeu d’attribuer à l’effet placebo toutes les guérisons inexpliquées, mais le problème est seulement déplacé, car encore faut-il comprendre comment il fonctionne et la réalité qu’il recouvre. ● à la Une Vers une psycho-spiritualité ? Énergie vitale, expérience transpersonnelle, chamanisme… De plus en plus de psys ouvrent leur cabinet à l’inexpliqué. S ous l’influence du nombre croissant d’études qui démontrent l’efficacité de pratiques comme la relaxation, la méditation ou la prière sur la santé, le regard de la médecine et de la psychologie a commencé à changer en Occident. Certes, les positions des sociétés savantes ou instances scientifiques, frappées d’inertie, n’évoluent qu’à la marge. Mais les pratiques des thérapeutes et leur conception de la maladie sont en pleine révolution. « Le rationnel a du bon, mais il peut être destructeur, estime Alain Perreve-Genet, cardiologue et psychiatre. Molière l’avait bien compris. Les médecins ne savent pas dire “je ne sais pas”, alors ils nomment les choses même quand ils ne comprennent pas. » Ainsi, l’adjectif « psychosomatique » renvoie à une totale ignorance des causes, plutôt qu’à un savoir objectif. De même, on nomme « effet placebo » le fantastique potentiel d’autoguérison dont chacun est porteur, sans avoir la moindre idée des mécanismes en jeu. Conspiration du silence « Quand on discute avec des scientifiques en privé, il y a beaucoup plus d’ouverture qu’on pourrait le croire, observe le neuropsychologue Mario Beauregard. Mais ils disent : nous devons penser à notre carrière, à nos crédits de recherche, etc. Il y a une sorte de conspiration du silence, qui est aussi une réaction de peur. » C’est donc du terrain que viennent les évolutions en cours, des thérapeutes eux-mêmes, mais aussi et surtout du public qui exerce une pression croissante pour que l’on prenne en compte non seulement le corps de l’individu, mais également les dimensions émotionnelle et spirituelle de son existence. En témoigne le succès de l’association Inrees1 fondée par le journaliste Stéphane Allix, et qui vient de publier un Manuel clinique des expériences extraordinaires à l’usage des thérapeutes mais aussi des curieux et passionnés. Contributrice de l’ouvrage, la psychologue Isabelle de Kochko observe le basculement engagé : « Ce qui m’étonne toujours quand on parle de l’extraordinaire est la précipitation superficielle à trouver des explications dites rationnelles qui sont parfois bien tirées par les cheveux, même dans les milieux psy qui devraient être plus ouverts. » Quand on ne comprend pas, on dit trop facilement que « ce n’est pas possible » ou que « ça n’existe pas », ajoute-t-elle. Mais elle juge « tout aussi étonnantes » les réactions plutôt confidentielles de professionnels de santé qui parlent de dons qu’eux-mêmes possèdent : voyance, prémonition, magnétisme… « Comme il y a quelques années avec l’hypnose, les jeunes psychologues chercheurs qui briguent des postes universitaires ne doivent pas trop se compromettre », relève-t-elle. N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 29 à la Une Paradoxe Thierry Janssen, exchirurgien devenu psychothérapeute, a lui-même parcouru le chemin qui mène d’une médecine mécanisée, quasi déshumanisée, à une approche globale, holistique, de la personne et de son trouble. « La guérison est un concept qui permet de faire le lien entre le corps et l’esprit, explique-t-il. Dans les cultures asiatiques, qui n’ont jamais séparé le corps et l’esprit, l’énergie est au centre des systèmes de guérison : Prana en Inde, Qi en Chine, Ki au Japon, etc. » Le paradoxe est que la science, la médecine elle-même, ne croit pas à l’énergie vitale, comme le constate fort justement le biologiste canadien Bernard Grad. Nous passons enfin de la biochimie à la biophysique, avec une prise en compte graduelle de la notion d’énergie (voir Nexus n° 65). En référence aux rois thaumaturges (« Le Roi te touche, Dieu te guérit »), Thierry Janssen note qu’en Occident « beaucoup de guérisseurs ont un mythe personnel. Ils insistent sur un parcours initiatique, passé par la souffrance et au bout duquel il y a comme une révélation extérieure, qui leur donne une connexion, une légitimité. » Au final, ils se disent « connectés à plus grand qu’eux, à ce mystère de la vie que beaucoup appellent Dieu. » Traumatismes effacés Psychiatre, neurologue et lui aussi auteur à succès, David Servan-Schreiber a rencontré le prodigieux au détour du virage intellectuel qui fut le sien. Parmi les méthodes qu’il présente dans son livre Guérir, l’EMDR2 est véritablement spectaculaire, et encore plus incompréhensible pour la science que tous les concepts d’énergie vitale. Comment en effet les mouvements oculaires rapides (comme dans le sommeil du rêve), associés au rappel d’un souvenir traumatisant, peuvent-ils faire disparaître les (graves) symptômes liés à ce traumatisme ? Victimes d’attentats, de viols, témoins de scènes de massacre…, ils ont perdu le sommeil et la sérénité depuis des années. Et voilà que quelques séances d’EMDR effacent littéralement toutes les composantes psycho-émotionnelles associées au traumatisme pour ne laisser que le souvenir lui-même… Dans le domaine de la maladie mentale, on gravit encore une marche vers l’inconnu. « Freud a découvert l’inconscient en étudiant l’hystérie », rappelle le psychiatre Serge Tribolet, qui a le sens de la formule : le « fou » n’a pas une case en 30 N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 Pour Olivier Chambon, psychiatre, les expériences de type chamanique, présentent des « propriétés thérapeutiques originales ». moins, mais une case en plus ! « À qui sait entendre, le délire dit beaucoup, écrit-il dans son dernier livre3. Réduire la folie à la maladie mentale est une grave erreur en même temps qu’une faute éthique ! La folie n’est pas l’expression d’une carence, mais la manifestation d’une capacité supérieure, capacité à dépasser le mur de la connaissance rationnelle pour accéder à un savoir comparable à celui que pouvait transmettre la pythie (oracle grec). » Expériences chamaniques Parmi les vécus autrefois systématiquement associés à la folie, les expériences transpersonnelles sont aujourd’hui vues d’un autre œil. « Après Freud et Jung, on a découvert que l’inconscient humain est beaucoup plus vaste qu’on le croyait, souligne Mario Beauregard. L’esprit humain et la notion de soi peuvent varier énormément, au-delà du temps et de l’espace, jusqu’à des expériences d’identification avec tout l’univers, de conscience cosmique. » La psychologie transpersonnelle est aujourd’hui un quatrième courant reconnu de la psychologie aux États-Unis. Olivier Chambon, autre psychiatre formé à l’EMDR, s’intéresse désormais aux expériences de type chamanique, qui présentent à ses yeux des « possibilités insoupçonnées », autant que des « propriétés thérapeutiques originales ». Ainsi, les voies d’exploration ne manquent pas pour tenter de comprendre un peu mieux un être humain décidément multidimensionnel. ● Notes 1. Institut de recherche sur les expériences extraordinaires 2. Eye Movement Desensitization & Reprocessing (Intégration neuroémotionnelle par les mouvements oculaires) 3. Bien réel le Surnaturel, et pourtant… (Avec Marc Menant, Alphée 2009) à la Une Synchronicités : petits miracles au quotidien L « Concomitance d’événements reliés par le sens et non par la cause. » Derrière la définition austère, se cache un phénomène lumineux que nous avons tous expérimenté. es coïncidences fascinent les hommes depuis l’Antiquité, mais elles n’ont pris le nom de synchronicités – lorsqu’elles sont hautement signifiantes –, que suite aux travaux de Carl G. Jung avec le physicien Wolfgang Pauli. L’épisode qui a mené le grand psychologue suisse sur la piste des synchronicités est connu : une patiente lui rapporte un rêve dans lequel elle reçoit en cadeau un scarabée d’or. Jung entend alors un léger choc contre sa fenêtre ; il ouvre et recueille dans sa main un scarabée (cétoine) doré. Il précise dans Synchronicité et Paracelsica qu’un tel événement ne s’était jamais présenté à lui avant, ni ne s’est reproduit ensuite. Précisément ! pointent les sceptiques : Jung attribue du sens à ce qui n’est qu’une coïncidence, entièrement due au hasard. Qui n’a fait l’expérience de s’intéresser aux synchronicités et d’en voir soudain partout ? C’est donc bien que l’on projette du sens sur ce qui n’en a pas. Autrement dit, c’est de la « pensée magique » ou du « délire d’interprétation ». À moins que le monde se mette réellement à « faire sens » quand on le regarde autrement. Certaines synchronicités peuvent en effet relever d’une forme de « miracle », lorsqu’elles permettent par exemple de débloquer une situation, de répondre à une question fondamentale, ou d’indiquer un chemin à suivre Anges encyclopédiques J’ai personnellement trouvé dans une foire aux livres d’occasion un ouvrage auquel j’avais pensé le matin même, tout en ayant oublié le titre. N’y pensant plus l’après-midi, je suis allé directement au fond de la salle et ce livre est le premier que j’ai sorti d’un carton. L’écrivain Arthur Koestler parlait d’« anges encyclopédiques » à propos de ces aides inattendues qui nous mettent entre les mains l’information livresque que l’on recherche. Ainsi, un livre tombe parfois ouvert à la bonne page ! De façon générale, beaucoup voient l’intervention de leur « ange gardien » ou de leur « guide » dans ces coïncidences signifiantes. Auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, Jean Moisset donne des exemples pour distinguer coïncidence, sérialité et synchronicité. Au cours de vos vacances, vous rencontrez un ami : c’est une coïncidence. En plus de cet ami, vous rencontrez deux autres connaissances pendant votre séjour : c’est la sérialité. Mais, vous rendant sur votre lieu de vacances à Arcachon, vous voyez une affiche des Antilles qui vous fait penser à des amis partis vivre à la Martinique et dont vous êtes sans nouvelles depuis quinze ans. Arrivés sur place, vos voisins immédiats sont ces mêmes amis : synchronicité. Autre exemple, d’avant l’ère des téléphones portables : vous passez devant N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 31 à la Une une cabine téléphonique et le téléphone sonne. Vous décrochez et avez au bout du fil un ami qui cherchait à vous joindre mais s’est trompé de numéro ! « Tout me parle » Il faut tout de même prendre garde à ne pas voir des signes là où il n’y en a pas. L’écrivain Michel Cazenave a ainsi proposé que la synchronicité soit à l’origine de la somatisation, c’est-à-dire la « symbiose » corps-esprit qui fait que nous tombons malades apparemment sans cause. Dans son livre Ce qui est caché aux sages et aux intelligents, Thierry Salmeron met en garde contre les faux signes, produits du mental, et les vrais qui sont le résultat d’une présence consciente. Il cite les propos d’un grand chef indien : « Tout ce qui passe près de moi, me parle ». « Vous êtes guidés vers le meilleur pour vous, par des signes accessibles à vos sens », ajoute-t-il. Mais il va très (trop ?) loin en expliquant que le libre arbitre est néfaste, puisqu’il nous donne des choix permanents alors qu’il suffirait de suivre des signes qui nous sont « destinés ». Le libre arbitre serait ainsi à l’origine de la chute d’Adam et Ève. « lueur vacillante de notre intuition », comme l’appelle Jean-François Vézina, peut nous permettre de reconnaître des processus symboliques qui se déploient sous la forme de motifs, de « pentes qui nous attirent et nous conduisent imperceptiblement vers telle personne, tel travail, tel auteur ou encore tel pays. » L’identification de ces processus et motifs est un apport majeur de Jung, selon J.-F. Vézina. Lien quantique Mais Jung y voyait plus encore qu’un cheminement. Les synchronicités manifestaient selon lui l’unité du monde, l’Unus Mundus, à travers des relations « acausales » Selon Jung, les synchronicités (sans relations de cause à effet) dont il voyait un écho certain dans les propriétés déroutanmanifestaient tes de la physique quantique. C’est pourquoi l’unité du monde, il a travaillé sur le sujet avec Wolfgang Pauli, prix Nobel de physique en 1945. On sait en effet l’Unus Mundus, aujourd’hui de façon certaine que des particuà travers les élémentaires ayant interagi – par exemple des photons - restent connectées via un lien des relations mystérieux et acausal. Toute mesure sur l’une « acausales » des particules modifie instantanément l’état de dont il voyait un l’autre, mais sans transfert d’information. Il n’y écho certain dans a pas de « communication » entre elles, mais la Lâcher-prise et intuition physique contemporaine est obligée d’accepter les propriétés Le psychologue Jean-François Vézina, qui a qu’elles forment un seul et même système phypublié Les Hasards nécessaires (Éditions L’Hom- déroutantes sique, non local, même si elles se trouvent éloime 2002), estime avec Michel Cazenave que de la physique gnées de plusieurs milliards d’années-lumière « les synchronicités se produisent plus fréquem- quantique. l’une de l’autre. ment en période de tension psychique, alors que la L’aspect initiatique des synchronicités a été forme symbolique habituelle du rêve n’a pas réussi mis en exergue dans des romans tels que La à se faire entendre. » Il ajoute : « La synchronicité vue sous cet Prophétie des Andes (James Redfield) ou L’Alchimiste (Paulo angle n’est pas nécessairement “un cadeau magique” comme elle Coelho). Être davantage à l’écoute, plus conscient, plus préest parfois décrite dans le langage populaire. Encore que la soufsent au monde, voilà qui ne saurait nuire. La coïncidence france peut être perçue comme une grâce. Je suis toujours amusé renvoie au hasard, mais le hasard, comme le miracle, n’est lorsque je lis dans un livre ou un article cette phrase : “Provoquez qu’une question de point de vue. Souvenons-nous que la synchronicité dans vos vies !” En réalité, la synchronicité échapl’idéogramme chinois qui traduit le mot « hasard » désigne pe au contrôle du moi. On ne peut que se rendre disponible aux en fait la notion d’appariement, de couplage. Ainsi le Yi messages de l’inconscient qui empruntent cette voie. » Jing (Livre des Transformations) reposait tout entier selon Être disponible aux messages de l’inconscient, cela revient Jung sur un « principe synchronistique », qui fut sa première à développer son intuition, peut-être en « lâchant prise ». La proposition de l’idée même de synchronicité. ● 32 N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 à la Une Thierry Salmeron* : « La vie donne tout, c’est ça le miracle » NEXUS : Considérez-vous une synchronicité comme un miracle ? Thierry Salmeron : La réponse passe obligatoirement par cette question essentielle : « Qu’est-on venu faire sur cette terre ? » Lors d’une NDE, j’ai vu ce que nous étions réellement, le terme le plus approprié serait : des êtres de lumière. Nous sommes venus jouer dans le jeu de la vie avec ce corps (une sorte de scaphandre) qui nous permet d’expérimenter. Et ça, c’est déjà un miracle. Nous rentrerons chez nous à notre mort. Pour le jeu, nous avons oublié qui nous sommes. L’utilité d’un miracle, comme par exemple se nourrir de lumière, est discutable puisque nous sommes venus ici-bas pour expérimenter la matière. Je préfère donc manger une tartiflette que de la lumière. Dans cet oubli de ce que nous sommes, nous avons le pouvoir de créer. Nous sommes des créateurs. Nous pouvons donc mettre derrière chaque miracle une construction personnelle ou collective. Tout en sachant que nous sommes capables de tout puisque notre corps sur terre est relié à ce que nous sommes réellement et qui dépasse totalement notre compréhension humaine. Nous n’avons pas de mission, mais nous recevons un enseignement quotidien ici-bas, car nous sommes à l’école de la vie. Ça, c’est le miracle de la vie. Et il supplante aisément n’importe quel autre miracle. Dans vos ouvrages, vous distinguez les « vraies » synchronicités des fausses, créées par le mental. Pouvez-vous expliquer ? Je ne dis pas synchronicité, mais signe de la vie qui n’est qu’une pièce de puzzle. La vie en action est un miracle. Il n’y a pas de bons ou de mauvais signes de la vie. Le signe est neutre. Nous rentrons dans l’erreur à partir du moment où nous voulons donner une explication à ce que vous appelez une synchronicité. À partir du moment où l’intellect limité (et pour beaucoup, malade) veut expliquer la magie d’un signe de la vie, c’est la dérive, et nous en faisons quelque chose de préjudiciable. Vous avez vécu une NDE. Considérez-vous cela comme un miracle ? Une NDE n’est pas un miracle. À l’instar d’une maladie grave, cancer ou autre, c’est une expérience forte faite pour les bourricots, pour les derniers de la classe à l’école de la vie. Pour moi, à l’époque, j’étais très jeune et ça a été un réveil. J’en ai ramené des devoirs à la maison. Expliquer aux gens la vigilance, la conscience pour qu’ils se sortent de leurs histoires à dormir debout qui leur font oublier le pourquoi de leur venue sur terre : expérimenter et transcender. D’où le passage obligé : la vigilance pour collecter, la conscience pour avancer. Lors de la NDE, des êtres de lumière (comme vous et moi) m’ont demandé de rendre les gens conscients. En montrant l’exemple, déjà. En écrivant, en parlant. Quel rôle joue la vigilance dans la perception des signes de la vie ? La vigilance est l’observation neutre de ce qui sort de l’ordinaire. Il y a les signes directs, voire grossiers : vous vous demandez s’il est judicieux de prendre la voiture ce soir alors que nous sommes en vigilance orange à cause des pluies ; vous en faites part à un ami et un camion de pompiers passe à côté de vous, sirène hurlante. Vous pouvez quand même tenter l’expérience, pour ma part, la vie me parle, j’écoute, je n’ai pas de temps à perdre en expériences traumatisantes. Il y a les signes indirects, comme un verre qui tombe et casse, tout ce qui sort de l’ordinaire et qui représente une pièce de puzzle, car pris séparément, il ne mène à rien. Et pourtant, beaucoup se tricotent une histoire avec rien. Il y a des signes tout au long de la journée et le jeu de la vie consiste à les collecter sans chercher à comprendre. Beaucoup ne verront pas un verre qui tombe et casse, certains le verront et d’autres en prendront conscience. Dans ce cas, c’est qu’on l’a mis en lumière comme quelque chose sortant de l’ordinaire. Ceci est important car, alors, il s’enregistre de lui-même dans notre fabuleux cerveau. Le cerveau stocke cette pièce qu’il associe aux autres pièces du même puzzle. Tout à coup, c’est la prise de conscience. Le fameux Eurêka ! Sans qu’il n’y ait aucune intervention volontaire de notre part. La prise de conscience n’est pas prévisible, car elle ne dépend pas d’une réflexion intellectuelle. Une évidence apparaît qui ne souffre d’aucune contradiction. Le problème, si c’en est un, c’est que si vous devez expliquer intellectuellement ce que vous avez trouvé, les mots ne pourront traduire cette vérité. Il y a des signes tout au long de la journée et le jeu de la vie consiste à les collecter sans chercher à comprendre. Alors que faire de ces signes de la vie ? Dès qu’il y a cette prise de conscience, une expérience suit qui va valider votre trouvaille. N’oubliez pas que nous sommes venus pour cela : expérimenter dans la matière. Il n’y a que l’expérimentation qui s’inscrit dans nos cellules. L’intellect n’imprime rien. Ce que je viens de vous dire est formidable pour une personne consciente. Et banal, voire décevant pour une personne inconsciente. La personne inconsciente s’ennuie dans la vie car elle ne sait pas qu’elle est à l’école de la vie. Pour elle, tout est banal et elle a besoin de miracles spectaculaires. Ces miracles ne lui servent à rien dans ce qu’elle a à faire ici-bas. La personne consciente va collecter quotidiennement ces pièces de puzzle utiles puisqu’elles lui apportent des réponses et des directions pour ce qu’elle a à faire ici-bas. Vous voulez du fantastique ? La collecte quotidienne des informations et la prise de conscience n’ont pas encore été découvertes par les scientifiques. Ça le sera dans quelques années après que des cobayes humains auront été bardés d’électrodes. Vous l’avez en prime time. Selon vous, qu’est-ce qui se joue lorsqu’un grand thaumaturge comme Padre Pio produit un miracle ? Padre Pio nous montre la puissance de la pensée. La puissance de la foi. Il aurait juste fallu y rajouter la conscience qui fait défaut à la religion. J’ai assisté à de nombreux miracles. J’ai vu des cancers guérir dans la journée, des gens pointer leur doigt sur quelqu’un et leur faire une marque indélébile, etc. Padre Pio s’est créé des stigmates. Ceux de sa croyance. Si vous avez du temps à perdre, créez-vous des trous où vous voulez, je peux vous assurer que vous en êtes capable. Pour ma part, je me contente de ceux que la vie m’a donnés… Peu de temps avant cet article, j’ai vécu des expériences et collecté des informations dont je ne savais quoi faire. Les questions de NEXUS sont arrivées, elles collaient aux réponses que j’avais collectées. La vie donne tout, c’est ça le miracle. ● Propos recueillis par Sylvie Gojard *Auteur de plusieurs ouvrages sur la vigilance, dont Ce qui est caché aux sages et aux intelligents (voir boutique p. 110). N E X U S 66 janvier -févr ier 2010 33