à la Une à la Une Quand L - Théorie de la Double Causalité

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à la Une à la Une Quand L - Théorie de la Double Causalité
à la Une
Quand
L
Provoquées par
un guérisseur ou par
des prières, les
guérisons inexplicables
continuent de défier la
médecine et la science.
« Je le soignai, Dieu
le guérit », disait
Ambroise Paré, père
de la chirurgie
moderne. Aujourd’hui,
les guérisseurs
interviennent à l’hôpital.
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es guérisons
inexpliquées ne surviennent pas seulement dans un contexte religieux,
encore qu’il s’agisse souvent d’un
contexte « spirituel ». Robert Tocquet,
dans Les Mystères du surnaturel, explique que les guérisons « paranormales »
semblent résulter d’actions psychosomatiques, mais il cite une enquête de
1954 de la British Medical Association
qui conclut en faveur d’une action des
« guérisseurs spirituels », « dans certains
cas ». Il est vrai que le corps est capable
d’autoguérison, jusqu’à des cas spectaculaires de rémission spontanée du
cancer par exemple. Dans Les guérisons miraculeuses, Pierre Lunel
raconte le cas d’un malade à qui l’on avait enlevé les deux tiers
de l’estomac atteint d’une tumeur grosse comme le poing avec
métastases au foie. Ce malade a guéri, faisant mentir les statistiques, mais surtout, il n’avait plus aucune trace de son cancer
quand on l’a réopéré douze ans plus tard pour retirer la vésicule
biliaire. Le National Cancer Institute américain a recensé environ 550 cas de ce genre dans le monde. Certaines « survies extraordinaires » concernent des pronostics qui étaient jugés fatals
dans 100 % des cas, comme le cancer du pancréas. Lunel note
que les malades ont souvent guéri après un événement, qui peut
être une infection virale, une opération, ou même un choc émotionnel. Certains patients qui ont été « ouverts » puis « refermés »
sans intervention du chirurgien, ont guéri en attribuant cette
guérison à l’opération.
La « maman miracle »
Dans quelque contexte qu’elles surviennent, les guérisons inexplicables ont sans doute des points communs, estiment les
auteurs du collectif Les guérisons inexpliquées sont-elles miraculeuses ? (L’Atelier, 2009). Dirigé par Pierre Calvet, docteur en médecine, le livre est co-signé par un pasteur protestant, un philosophe, un ancien chirurgien et encore deux autres médecins. Oui,
le psychisme joue un rôle, tout comme l’effet placebo (lire p. 28),
mais il serait temps de considérer « l’impact d’énergies non encore
élucidées et la part à donner à l’inexplicable », annonce l’ouvrage, qui
entend briser le dialogue de sourds entre « l’inexpliqué » et « le
miraculeux ».
On nous a récemment narré le « miracle de Cincinnati », qui a fait
la médecine s’incline
les gros titres outre-Atlantique. Lori Smith, une jeune femme de 38 ans, est soudain prise de violents maux de tête
quinze minutes après son quatrième accouchement. Elle
fait une « coagulation intravasculaire disséminée », convulse,
et sombre dans un coma profond avant de faire deux arrêts
cardiaques récupérés après 49 minutes de réanimation. Au
bout de treize jours de coma, les médecins envisagent de la
« débrancher » compte tenu de son activité cérébrale et ainsi
que la loi de l’Ohio les y autorise. Le mari se rend auprès
de son épouse accompagné de leurs trois enfants de 6, 8 et
12 ans pour lui faire leurs adieux. « Maman, si tu nous aimes
et que tu nous entends, ouvre les yeux ! » lui dit la petite
Megan, 8 ans. Et là, l’incroyable se produit : Lori ouvre
les yeux. En quelques heures elle fait des progrès
fulgurants, et la voilà capable de parler au bout
de trois jours. Quelques semaines plus tard, elle
sort de l’hôpital et déclare : « Je ne suis ici que
grâce à l’aide de ma famille et aux prières que j’ai reçues ». Pour son mari, aucun doute : « Dieu a fait
un miracle », d’autant qu’un groupe de prière
de 70 personnes s’était constitué. D’ailleurs la
presse américaine l’a appelée « la maman miracle ». Rappelons que l’efficacité de la prière
sur la guérison a été mise en évidence par
plusieurs études scientifiques*.
Canaux d’énergie
Alors, énergie vitale, amour, foi ? Est-ce
la même chose ? À en croire les guérisseurs de nos villes et nos villages, oui.
Car si le retour de Lori est bien survenu dans un contexte religieux, ils
sont nombreux parmi les guérisseursmagnétiseurs à se dire simples « canaux » d’une énergie ou d’une volonté
qui guérit à travers eux. « Ne me remerciez
pas, remerciez Dieu ! » a coutume de dire
Emmanuel Marcos, qui témoigne dans
le documentaire de Jean-Yves Bilien,
Les guérisseurs, la foi et la science. La découverte du don tient d’ailleurs parfois
du miraculeux. Emmanuel Marcos raconte qu’il a entendu une voix lui parler
dans la nuit du 15 août 1984. Au matin,
il va voir sa voisine, 87 ans, paralysée
des jambes depuis 25 ans. Il impose ses
mains, ressent à la tête une douleur terrible qui disparaît ensuite. Quelques minutes plus tard, la voilà qui marche sans
boiter. « J’en ai pleuré pendant cinq ans »,
confie M. Marcos. Son confrère Pierre
Bévelot explique : « Quand je travaille je dis
“on” : moi et celui qui me guide la main et qui
guérit. En 1970, j’ai été appelé pour donner
à la Une
mon sang à un jeune homme atteint d’une leucémie doublée d’une
septicémie. Il était dans le coma, mais j’ai voulu le voir avant. Il s’est
réveillé de son coma et je lui ai dit de tenir le coup. Huit jours après il
sortait de l’hôpital guéri. C’est lui qui m’a parlé de magnétisme, je ne
savais pas ce que c’était. » Le guérisseur qui guérit sans le savoir
en donnant son sang, fluide vital par excellence…
Barreur de feu
Aujourd’hui, ils sont nombreux à intervenir dans les hôpitaux et cliniques, à la demande même des médecins. « Un
homme est arrivé brûlé au deuxième degré sur plus de 80 % de
la surface du corps, raconte le Dr Françoise Niertaven,
chef d’un service d’urgences. Or, il n’avait absolument
aucune douleur. Une infirmière m’a dit : c’est normal,
il a fait appel à un barreur de feu. » Elle poursuit :
« Une autre fois, j’ai envoyé une patiente au service
des grands brûlés, à Lyon. Ils m’ont demandé ce que
je lui avais fait avant, car elle était guérie au bout
d’une semaine alors qu’ils pensaient la garder trois
mois. » Mais le plus spectaculaire, explique-telle, « c’est les enfants qui pleurent dans les bras
de leurs parents. On appelle le barreur de feu au
téléphone, parfois sans le dire aux parents, et
on entend l’enfant qui s’arrête de pleurer. Il ne
pleure plus pendant les pansements, donc forcément, il s’est passé quelque chose. »
Dépassée, la médecine ?
« Aux États-Unis, l’énergéticien accomVierge noire de l’église de Thuret (Auvergne).
pagne l’anesthésiste pendant l’opération d’un patient », explique Jean-Luc
. Ces lieux qui soignent
Bartoli, magnétiseur. Nous avons
es édifices religieux, tout comme les
à apprendre du pragmatisme amétemples païens, seraient orientés en
ricain, car cette pratique reste offonction des influences cosmo-telluriques.
ficiellement illégale en France.
Spécialiste en géobiologie, Jacques
Quelques scientifiques se sont penBonvin a publié plusieurs ouvrages sur la
chés sur l’action des guérisseurs, et
question. Dans un ouvrage en préparation,
il raconte l’histoire de l’église de Thuret, en
proposent une théorie assez séduiAuvergne. Seule église de toute la chrétienté
sante. Les mains des guérisseurs
consacrée pour la guérison des cancers,
émettraient des ondes de 7,8 Hz,
elle est toujours le théâtre de guérisons,
tout comme les ondes cérébrales en
dont témoignent de nombreux ex-votos,
état de relaxation. Celles-ci seraient
mais il s’agit aussi et avant tout d’élévation
spirituelle. Selon l’auteur Gilles Gandy,
reçues par le cerveau du patient, au
certains lieux sacrés sont « pollués » par les
niveau de la glande pinéale, ce qui
pensées liées au pouvoir, au dogme, etc. Il
remettrait l’organisme « en cohérenexiste en revanche « quantité de lieux sacrés
ce » avec l’environnement, car cette
méconnus ou inutilisés car un peu éloignés
fréquence n’est autre que celle du
des routes, explique-t-il. Par exemple, la
plupart des pierres dites “du diable”, “à
champ magnétique terrestre, apsacrifice”, “de l’enfer”… sont en fait de
pelée résonance de Schuman. Plus
magnifiques lieux de guérison ». Attention !
simplement, un guérisseur évoque« Protégés par des auras très fortes, ils
ra son « secret » ou « les prières »… ●
interdisent à toute personne d’approcher
L
sans conscience, ce qui leur a valu au cours
des siècles leur réputation sulfureuse. »
*www.passeportsante.net, rubrique Approches complémentaires/thérapies/prière.
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Nés pour guérir
Le Curé d’Ars,
le saint guérisseur
Jean-Marie Baptiste Vianney (1786 -1859),
curé du village d’Ars (Ain), est proclamé
« saint » en 1925 et « patron de tous les curés de l’univers » en 1929. Il voit les saints,
converse avec les anges gardiens et connaît
les péchés de chacun. Au cours de sa
vie, il entre plusieurs fois en
lévitation et après sa mort,
son corps s’avérera incorruptible.
Arrivé en Ars en
1818, il fonde rapidement une école
pour filles, devenue orphelinat, et
prend soin des plus
pauvres. Au propre
comme au figuré,
il donne tout à ses
paroissiens – au
départ deux cents
paysans – et passe,
à la fin de sa vie,
jusqu’à seize heures par jour à confesser.
Il meurt d’ailleurs d’épuisement à 73 ans.
Le Père Philippe Caratgé souligne lors du
colloque d’Ars 2009 (citant Alfred Monnin,
1864) qu’il s’agit avant tout pour le curé
d’Ars « de guérir les plaies de l’âme ». « Quand
on est tombé dans un gros péché, disait-il, il
faut avoir recours au médecin, qui est le prêtre,
et aux remèdes, qui sont les sacrements. » Dès
lors, on a souvent comparé l’église d’Ars
à un hôpital, « le grand hôpital des âmes »,
comme l’a écrit Monnin. Et aussi : « Il savait
l’endroit du cœur où il fallait frapper ; et le trait
manquait rarement son but… Ce que d’autres
n’auraient pu par de longs discours, il l’opérait d’un seul mot. » Il guérit l’âme qui ellemême guérit le corps. Mais certains paroissiens se comportent avec leur âme, dès la
sortie du confessionnal, comme un malade
guérit qui se planterait un couteau dans
le ventre ! Sur la maladie, il démontre que
l’amour divin est indissociable du respect
du libre arbitre : « On ne doit pas enlever la
croix à des épaules qui savent si bien la porter. »
Mais si la souffrance résulte d’une forme
de « négativité », il encourage le pénitent à
s’ouvrir à la miséricorde divine.
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Capables de
prodiges, guérisons
et prophéties, les
thaumaturges se
sont révélés dans
le cadre de l’Église,
comme le curé d’Ars
et Padre Pio, mais
aussi en marge
de celle-ci, comme
Bruno Groening
en Allemagne ou
Maître Philippe
de Lyon en France.
Portraits.
Bruno Groening,
le « Dr Miracle »
Né en Pologne, Bruno Groening (1906
– 1959) constate très jeune qu’il
influence positivement les êtres
autour de lui. Il exerce divers
métiers manuels puis, en 1949,
il devient célèbre pour guérir
des centaines de personnes
de graves maladies lors de discours publics.
Le « Dr Miracle » se réfère à
« une puissante force venant du
cosmos », et compare Dieu à une
inépuisable source d’énergie vitale, un « courant guérisseur ». L’homme
est un récipient qui doit se remplir de
cette force, en se « branchant » au moins
deux fois par jour. La maladie est la conséquence matérielle
à la Une
Maître Philippe de Lyon,
le « chien du berger »
« Je suis le plus petit, c’est pourquoi de grandes
choses peuvent se faire par moi, mais je n’ai
pas de mérite », disait celui qui réalisait
des prodiges quotidiens à l’école de magnétisme de Lyon. Nizier Anthelme Philippe (1849-1905) est petit, « fort » et large
d’épaules. La force vitale n’est pas pour lui
un courant, mais une Lumière qui représente l’union du « Aimez-vous les uns les autres ».
Il en découvre les pouvoirs dès l’âge de 7 ans.
Au collège, il annonce la guerre de 1870 et prédit le
réchauffement climatique !
Il entame des études de médecine, mais se fait renvoyer de
l’hôpital pour avoir guéri un homme à qui l’on devait couper
la jambe. « Lorsqu’on a besoin de quelque chose d’utile, il n’y a jamais lieu de s’inquiéter, disait-il, le Ciel nous le donne ». Peut-être
une bonne définition des synchronicités (lire p. 31). On raconte
qu’il faisait aussi gronder le ciel à volonté, se calmer la mer, et
s’évanouir les sceptiques. Une sorte de miracle ambulant doué
d’ubiquité, ne dormant quasiment pas, et qui, au tournant du
siècle, se lie avec des ducs russes, puis le Tsar Nicolas. Celuici tente de lui obtenir un diplôme de docteur en France. Il en
obtient finalement un de l’université du Wisconsin, dans des
conditions « paranormales », puisqu’il n’a pas quitté Lyon… Il est
reçu par les Francs-Maçons comme un maître. Il met également
au point quelques médicaments et divers appareils de physique. Son cœur malade lâche en août 1905, à l’âge de 56 ans.
Médecin, soldat, ou « chien du berger », il se disait catholique,
mais ses rapports avec l’Église sont restés distants. Il condamnait l’occultisme et le spiritisme, et considérait l’Évangile comme le véritable enseignement.
de « l’écart » entre Dieu et l’homme, via l’accumulation d’énergie négative. « Dieu est le plus grand médecin », dit-il. Il invite cependant chacun à ne
pas croire aveuglément ses propos, mais à faire l’expérience en soi-même
et ressentir le courant guérisseur. À l’époque, son cas défraye la chronique et effraie les sceptiques. Un immense débat s’empare de l’Allemagne,
et des confirmations médicales sont apportées. Il déchaîne les passions
et s’attire les foudres à la fois de médecins influents, d’ecclésiastes, de
juristes et même d’anciens collaborateurs.
À la mort de Bruno Groening à Paris en 1959, son procès culmine, et le jugement ne sera jamais prononcé. Comme ses illustres semblables, il continuerait à guérir après sa mort. Un médecin sceptique, Gerhard Blaettner,
a été récemment convaincu lorsque sa femme - après plusieurs de ses
patients - a brutalement guéri de polyarthrite rhumatoïde, suite à l’étude
des enseignements de Groening. Lui et ses confrères ont étudié et validé
plus de deux cents cas de guérisons liés aux enseignements, dont des
migraines, névralgies sévères, paralysies après accident vasculaire,
toxicomanies…
Padre Pio,
une vie de prodiges
La jeunesse de Francesco Forgione (18871968) à Pietrelcina, Italie, est déjà tournée
vers Dieu. Il voit le Christ, il a des extases
à 15 ans. Il entre au couvent des Capucins
de Morcone en 1902 et prend le nom de Pie
(Pio). Il se passe de nourriture pendant plusieurs jours, pour seulement communier, et
commence à « recevoir » les stigmates dès
1911. Le Vatican le fait examiner après qu’il
ait manifesté les stigmates et une transverbération, soit un « transpercement spirituel
du cœur par un trait enflammé », qui provoque un réel saignement du cœur (comme
Sainte Thérèse d’Avilla). Un bébé est guéri
sous ses yeux dans son église, suite à l’invocation de Marie. Il guérit une jeune femme
de 24 ans d’un bras handicapé : l’os et le
cartilage sont reconstitués. La guérison est
précédée d’effluves de parfum, jonquilles
et roses...
Ces fragrances seront parfois perçues à des
distances considérables du Padre Pio. En
écho au curé d’Ars, les guérisons du corps
visent celles du cœur. Il est examiné par
des médecins, mais déclaré sain (et il sera
déclaré « Saint » par Jean-Paul II en 2002).
Des cas de bilocation sont signalés, auxquels s’ajoutent des constatations d’hyperthermie, d’inédie (privation de nourriture
et boisson plus de deux mois), et même
des rumeurs de lévitation. Dans les années 1950, le scandale financier qui touche
l’Église catholique l’amène à être relevé de
ses vœux de pauvreté pour gérer les fonds
de ses fidèles, qui ne sont pas sans attirer
moult convoitises. À partir des années 60,
le « commerce » autour du Padre devient
tel que l’Église limite ses apparitions publiques, et renfloue ses caisses au passage.
Lors de ses funérailles, il apparaît à la foule
sur toutes les vitres de la façade du couvent
de Sainte-Marie des Grâces.
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à la Une
De nombreuses
études ont
constaté les effets
bénéfiques sur la
santé de pratiques
spirituelles, ou
simplement de
la relaxation.
Aujourd’hui, les
neurosciences
vont plus loin
en identifiant
ce qui se passe
réellement dans
le cerveau.
L
’interface esprit/cerveau conserve
l’essentiel de son mystère. C’est le « problème difficile » de
la conscience, identifié par le philosophe australien David
Chalmers. Perspective matérialiste ou pas, la façon dont
les deux entités interagissent reste incomprise. Ce qui est
certain, pour le neuropsychologue québécois Mario Beauregard, c’est que « dans l’effet placebo comme dans les thérapies cognitives, les croyances de la personne modifient la réponse
du cerveau. Or, si l’esprit était quelque chose d’impuissant, on ne
pourrait pas observer ces résultats. » Par exemple, une personne atteinte de phobie ou de TOC (trouble obsessionnel
compulsif) va être capable, grâce à une thérapie comportementale, de « reprogrammer » son cerveau en mobilisant
son attention. De nouvelles pensées vont se substituer aux
pensées intrusives ou phobiques, et un nouveau circuit
neuronal va remplacer le circuit pathologique, comme on
l’observe ensuite en imagerie cérébrale. Pour Mario Beauregard, « l’interprétation la plus simple est de considérer que ce
qui se passe au niveau psychique a une influence au niveau neurobiologique. »
Prière « à l’insu de son plein gré »
Ces observations viennent confirmer une quantité impressionnante d’études mettant en évidence que des activités
telles que la méditation, la relaxation, la prière, etc., sont
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Du chapelet
bénéfiques à la santé et favorisent la guérison. Edward
Larson a effectué, dans son livre The Faith factor, une revue
détaillée de 158 études médicales portant sur l’effet de la
religion ou de la spiritualité sur la santé, dont 77 % faisaient
état d’un bilan clinique positif. Une autre étude portant sur
400 personnes âgées de plus de 64 ans a montré que des activités de nature spirituelle étaient associées à un meilleur
taux de survie. À l’inverse, on a montré qu’une relation
conflictuelle avec « la religion » augmentait le risque de décès chez des patients malades et âgés. Le lien de causalité
n’est peut-être pas si évident et il ne s’agit pas de donner
des gages définitifs aux croyants. Ce ne sont pas les croyances elles-mêmes qui sont bénéfiques, puisque différentes
pratiques religieuses donnent des résultats semblables,
mais bien les états mentaux qui en découlent.
D’autres études ont été plus controversées, car elles portaient sur la « prière d’intercession », qui consiste à prier pour
la guérison de quelqu’un d’autre, parfois à son insu. Une
étude portant sur 1 800 patients opérés du cœur n’a pas
montré que les prières orientées vers leur guérison avaient
un effet quelconque. Pire, ceux qui savaient que l’on priait
pour eux se sentaient encore plus mal que les autres ! Pourtant, William Harris avait montré en 1999 que « la prière
d’intercession, complémentaire, à distance, en aveugle, produit
une amélioration mesurable des indicateurs médicaux chez les pa-
au scanner
Ce ne sont
pas les
croyances
elles-mêmes
qui sont
bénéfiques,
puisque
différentes
pratiques
religieuses
donnent
des résultats
semblables,
mais bien les
états mentaux
qui en
découlent.
tients gravement malades ». Et d’autres études l’ont confirmé,
mais dans le cas des opérés du cœur, il a été avancé que
ceux qui savaient que l’on priait pour eux pouvaient s’en effrayer en se pensant réellement à l’article de la mort. C’est
ce qu’on appelle un effet nocebo, contraire au placebo.
Éveil accéléré
Une étape supplémentaire est franchie avec les études
qui montrent que l’éveil induit par une forme de bénédiction produit des modifications dans le cerveau. Le chercheur allemand Christian Opitz s’est penché sur le cas
de la « bénédiction d’unité » appelée deeksha, telle qu’elle
est pratiquée par Sri Bhagavan au sein de la Golden Age
Foundation, en Inde. Selon ce dernier, l’éveil peut être
transmis comme une grâce, et se réaliser en quelques semaines. Opitz a étudié les scans cérébraux de personnes
à différents stades d’éveil et observé qu’ils présentaient
des caractéristiques communes : baisse d’activité dans les
lobes pariétaux, liés au sentiment de soi et à l’orientation
dans l’espace ; et hausse d’activité dans les lobes frontaux,
principalement le gauche, lié au sentiment de bonheur et
de bien-être. Ceci confirme selon lui un processus d’éveil
en marche, comme si le deeksha installait en premier lieu
le « câblage » neuronal, puis que l’expérience subjective
de la personne se transformait peu à peu. Opitz en déduit
à la Une
également que l’expérience mystique « sauvage » peut être
déstabilisatrice et pathologique précisément parce que le
cerveau n’est pas prêt pour l’intégrer. Chez des disciples
indiens de Sri Bhagavan et Amma, Opitz a observé que la
zone appelée « septum pellucidum », associée à l’humeur
et la joie, était « énorme », alors qu’elle est sous-active chez
la plupart des gens et très réduite chez les dépressifs. Au
niveau hormonal, il note également l’augmentation de
la production d’ocytocine, l’hormone de l’amour et de la
confiance. Sri Bhagavan insiste sur la nécessité d’avoir des
relations sociales et personnelles harmonieuses, où l’on
rejoint Maître Philippe et les « pensées justes » qui devaient
accompagner ses soins (lire p. 24).
Nouveau cerveau
Le chercheur danois Erik Hoffmann a étudié les tracés EEG
(électroencéphalogramme) de douze personnes participant à un « séminaire d’éveil » en Inde. Il constate d’abord
« une forte tendance des deux hémisphères à fonctionner de façon plus symétrique ». Ensuite, il observe une augmentation
des ondes cérébrales gamma dans les lobes frontaux, qu’il
traduit par une activation du « nouveau cerveau », indispensable au processus d’éveil et à l’état d’unité. En effet, de
telles ondes gamma ont été observées par Richard Davidson chez des méditants bouddhistes zen expérimentés.
Selon Mario Beauregard, ces ondes gamma seraient toutefois liées à l’effort d’attention qui est requis dans ces formes de méditation. En revanche, il a lui aussi observé que
certaines personnes ayant vécu une expérience de mort
imminente (NDE) conservaient également une trace dans
le cerveau. D’ailleurs, plusieurs cas de guérisons spectaculaires ont été constatés après une telle expérience. Ainsi,
le mystère demeure, mais le potentiel de la conscience
semble illimité. ●
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à la Une
Placebo :
l’inconscient guérisseur
j
Du latin « je
plairai », l’effet
placebo renvoie
aux ressources
extraordinaires de
notre conscience
dans le processus
de guérison.
anis Schonfeld est une architecte d’intérieur âgée
de 46 ans et vivant en Californie. Elle est au bord
du suicide quand elle trouve assez de courage pour
s’enrôler dans une étude clinique sur la dépression.
Après quelques examens préliminaires, elle est impatiente d’essayer ces nouvelles pilules si prometteuses. Et les promesses sont tenues : sa vie est repartie sur de bons rails, même si les effets secondaires
pénibles comme la nausée sont bien présents, mais
son infirmière l’a prévenue. À sa dernière visite à
l’hôpital, le médecin lui annonce qu’elle est guérie
de sa dépression, une authentique guérison. Toutefois, elle fait partie du groupe contrôle de l’étude,
celui qui a pris un placebo, autrement dit une pilule
sucrée sans aucun effet pharmacologique. « Le seul
médicament qu’elle avait reçu était une substance immatérielle et immortelle : l’espoir », écrit le neuropsychologue Mario Beauregard qui relate cette histoire
dans son livre Du Cerveau à Dieu. « Dans l’effet placebo,
les croyances de l’individu et ses attentes au niveau du
traitement semblent influencer l’activité du cerveau
dans la durée, explique-t-il. On a donc une causalité qui
s’exerce du mental au cérébral. » Et Mario Beauregard
de citer une étude de l’université de Colombie britannique à Vancouver avec des patients atteints de
la maladie de Parkinson (dans laquelle un groupe de
neurones cesse de produire de la dopamine) : « Les
patients qui croyaient le plus à l’efficacité du traitement,
soi-disant révolutionnaire, sont ceux dont le cerveau a
produit le plus de dopamine, en quantité comparable avec
des individus sains, alors même que leurs cellules à dopamine étaient détruites à 80 %. Il y a donc un lien entre ce
qui est vécu au niveau mental et l’effet neurobiologique
subséquent. »
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L’effet blouse blanche
Tous les médicaments sont testés
« versus placebo » pour démontrer que
leur effet est supérieur, ce qui ne s’observe souvent qu’à la marge, comme
avec les antidépresseurs. Le simple fait
de voir un médecin en blouse blanche
produit un effet placebo, qui peut être
aussi négatif (on parle alors d’effet nocebo). Le Dr Bernard Thouvenin explique
dans Les Voies de la Guérison que « pratiquement tous les symptômes de toutes les maladies
peuvent réagir au placebo étudié en double aveugle,
même le diabète, l’angine de poitrine (angor, souffrance du cœur) et le cancer. La douleur est particulièrement
“placebo sensible”, même les douleurs cancéreuses, peutêtre en raison de la libération d’origine psychique des endomorphines. » Selon Mario Beauregard, l’effet placebo ne doit
pas être confondu avec les processus naturels de guérison :
« Il repose spécifiquement sur la croyance et la conviction mentale qu’un remède particulier sera efficace. » Mais ce qu’il met
en jeu, ce qu’il mobilise, relève bien d’une extraordinaire
capacité d’autoguérison. Parmi les cas les plus spectaculaires, Mario Beauregard cite celui d’une personne invalide
en raison d’atroces douleurs aux genoux, qui se retrouve
guérie après une intervention chirurgicale « simulée ». On a
pratiqué trois petites incisions au niveau du genou, immédiatement recousues… Lève-toi et marche !
Les sceptiques ont beau jeu d’attribuer à l’effet placebo
toutes les guérisons inexpliquées, mais le problème est seulement déplacé, car encore faut-il comprendre comment il
fonctionne et la réalité qu’il recouvre. ●
à la Une
Vers une psycho-spiritualité ?
Énergie vitale,
expérience
transpersonnelle,
chamanisme…
De plus en
plus de psys
ouvrent leur
cabinet à
l’inexpliqué.
S
ous l’influence du
nombre croissant d’études qui démontrent l’efficacité de pratiques comme la
relaxation, la méditation ou la prière sur
la santé, le regard de la médecine et de
la psychologie a commencé à changer en
Occident. Certes, les positions des sociétés savantes ou instances scientifiques, frappées d’inertie, n’évoluent qu’à la marge. Mais les pratiques des
thérapeutes et leur conception de la maladie sont en pleine révolution. « Le
rationnel a du bon, mais il peut être destructeur, estime Alain Perreve-Genet,
cardiologue et psychiatre. Molière l’avait bien compris. Les médecins ne savent
pas dire “je ne sais pas”, alors ils nomment les choses même quand ils ne comprennent pas. » Ainsi, l’adjectif « psychosomatique » renvoie à une totale ignorance
des causes, plutôt qu’à un savoir objectif. De même, on nomme « effet placebo »
le fantastique potentiel d’autoguérison dont chacun est porteur, sans avoir la
moindre idée des mécanismes en jeu.
Conspiration du silence
« Quand on discute avec des scientifiques en privé, il y a beaucoup plus d’ouverture qu’on
pourrait le croire, observe le neuropsychologue Mario Beauregard. Mais ils disent : nous
devons penser à notre carrière, à nos crédits de recherche, etc. Il y a une sorte de conspiration du silence, qui est aussi une réaction de peur. » C’est donc du terrain que viennent
les évolutions en cours, des thérapeutes eux-mêmes, mais aussi et surtout du public
qui exerce une pression croissante pour que l’on prenne en compte non seulement
le corps de l’individu, mais également les dimensions émotionnelle et spirituelle de
son existence. En témoigne le succès de l’association Inrees1 fondée par le journaliste
Stéphane Allix, et qui vient de publier un Manuel clinique des expériences extraordinaires à l’usage des thérapeutes mais aussi des curieux et passionnés. Contributrice de
l’ouvrage, la psychologue Isabelle de Kochko observe le basculement engagé : « Ce
qui m’étonne toujours quand on parle de l’extraordinaire est la précipitation superficielle à trouver des explications dites rationnelles qui sont parfois bien tirées par les
cheveux, même dans les milieux psy qui devraient être plus ouverts. » Quand on ne
comprend pas, on dit trop facilement que « ce n’est pas possible » ou que « ça
n’existe pas », ajoute-t-elle. Mais elle juge « tout aussi étonnantes » les réactions plutôt confidentielles de professionnels de santé qui parlent de dons
qu’eux-mêmes possèdent : voyance, prémonition, magnétisme… « Comme il
y a quelques années avec l’hypnose, les jeunes psychologues chercheurs qui briguent
des postes universitaires ne doivent pas trop se compromettre », relève-t-elle.
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à la Une
Paradoxe
Thierry Janssen, exchirurgien
devenu
psychothérapeute, a
lui-même parcouru le
chemin qui mène d’une
médecine mécanisée,
quasi déshumanisée, à
une approche globale,
holistique, de la personne et de son trouble. « La guérison est un
concept qui permet de
faire le lien entre le corps
et l’esprit, explique-t-il.
Dans les cultures asiatiques, qui n’ont jamais
séparé le corps et l’esprit,
l’énergie est au centre
des systèmes de guérison : Prana en Inde, Qi en
Chine, Ki au Japon, etc. »
Le paradoxe est que la science, la médecine elle-même, ne
croit pas à l’énergie vitale, comme le constate fort justement le biologiste canadien Bernard Grad. Nous passons
enfin de la biochimie à la biophysique, avec une prise en
compte graduelle de la notion d’énergie (voir Nexus n° 65).
En référence aux rois thaumaturges (« Le Roi te touche, Dieu
te guérit »), Thierry Janssen note qu’en Occident « beaucoup
de guérisseurs ont un mythe personnel. Ils insistent sur un parcours initiatique, passé par la souffrance et au bout duquel il y a
comme une révélation extérieure, qui leur donne une connexion,
une légitimité. » Au final, ils se disent « connectés à plus grand
qu’eux, à ce mystère de la vie que beaucoup appellent Dieu. »
Traumatismes effacés
Psychiatre, neurologue et lui aussi auteur à succès, David
Servan-Schreiber a rencontré le prodigieux au détour du
virage intellectuel qui fut le sien. Parmi les méthodes qu’il
présente dans son livre Guérir, l’EMDR2 est véritablement
spectaculaire, et encore plus incompréhensible pour la
science que tous les concepts d’énergie vitale. Comment
en effet les mouvements oculaires rapides (comme dans le
sommeil du rêve), associés au rappel d’un souvenir traumatisant, peuvent-ils faire disparaître les (graves) symptômes
liés à ce traumatisme ? Victimes d’attentats, de viols, témoins de scènes de massacre…, ils ont perdu le sommeil et
la sérénité depuis des années. Et voilà que quelques séances
d’EMDR effacent littéralement toutes les composantes psycho-émotionnelles associées au traumatisme pour ne laisser que le souvenir lui-même…
Dans le domaine de la maladie mentale, on gravit encore
une marche vers l’inconnu. « Freud a découvert l’inconscient
en étudiant l’hystérie », rappelle le psychiatre Serge Tribolet,
qui a le sens de la formule : le « fou » n’a pas une case en
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Pour Olivier
Chambon,
psychiatre,
les expériences
de type
chamanique,
présentent
des « propriétés
thérapeutiques
originales ».
moins, mais une case en plus ! « À qui sait entendre, le délire
dit beaucoup, écrit-il dans son dernier livre3. Réduire la folie
à la maladie mentale est une grave erreur en même temps qu’une
faute éthique ! La folie n’est pas l’expression d’une carence, mais
la manifestation d’une capacité supérieure, capacité à dépasser le
mur de la connaissance rationnelle pour accéder à un savoir comparable à celui que pouvait transmettre la pythie (oracle grec). »
Expériences chamaniques
Parmi les vécus autrefois systématiquement associés à la folie, les expériences transpersonnelles sont
aujourd’hui vues d’un autre œil. « Après Freud et Jung, on
a découvert que l’inconscient humain est beaucoup plus vaste
qu’on le croyait, souligne Mario Beauregard. L’esprit humain et la notion de soi peuvent varier énormément, au-delà
du temps et de l’espace, jusqu’à des expériences d’identification avec tout l’univers, de conscience cosmique. »
La psychologie transpersonnelle est aujourd’hui un quatrième courant reconnu de la psychologie aux États-Unis.
Olivier Chambon, autre psychiatre formé à l’EMDR, s’intéresse désormais aux expériences de type chamanique,
qui présentent à ses yeux des « possibilités insoupçonnées »,
autant que des « propriétés thérapeutiques originales ». Ainsi,
les voies d’exploration ne manquent pas pour tenter de
comprendre un peu mieux un être humain décidément
multidimensionnel. ●
Notes
1. Institut de recherche sur les expériences extraordinaires
2. Eye Movement Desensitization & Reprocessing (Intégration neuroémotionnelle par les mouvements oculaires)
3. Bien réel le Surnaturel, et pourtant… (Avec Marc Menant, Alphée
2009)
à la Une
Synchronicités :
petits miracles au quotidien
L
« Concomitance
d’événements
reliés par le sens
et non par la
cause. » Derrière
la définition
austère, se cache
un phénomène
lumineux que
nous avons tous
expérimenté.
es coïncidences fascinent les hommes depuis l’Antiquité, mais elles n’ont pris le nom de
synchronicités – lorsqu’elles sont hautement signifiantes –, que suite aux travaux de Carl G. Jung avec le physicien
Wolfgang Pauli. L’épisode qui a mené
le grand psychologue suisse sur la piste
des synchronicités est connu : une patiente lui rapporte un rêve dans lequel
elle reçoit en cadeau un scarabée d’or.
Jung entend alors un léger choc contre
sa fenêtre ; il ouvre et recueille dans
sa main un scarabée (cétoine) doré. Il
précise dans Synchronicité et Paracelsica
qu’un tel événement ne s’était jamais
présenté à lui avant, ni ne s’est reproduit ensuite. Précisément ! pointent les
sceptiques : Jung attribue du sens à ce
qui n’est qu’une coïncidence, entièrement due au hasard. Qui n’a fait l’expérience de s’intéresser aux synchronicités et d’en voir soudain partout ?
C’est donc bien que l’on projette du
sens sur ce qui n’en a pas. Autrement
dit, c’est de la « pensée magique » ou du « délire d’interprétation ». À moins que le monde se mette réellement à « faire
sens » quand on le regarde autrement. Certaines synchronicités peuvent en effet relever d’une forme de « miracle »,
lorsqu’elles permettent par exemple de débloquer une situation, de répondre à une question fondamentale, ou d’indiquer un chemin à suivre
Anges encyclopédiques
J’ai personnellement trouvé dans une
foire aux livres d’occasion un ouvrage
auquel j’avais pensé le matin même,
tout en ayant oublié le titre. N’y pensant plus l’après-midi, je suis allé directement au fond de la salle et ce livre
est le premier que j’ai sorti d’un carton. L’écrivain Arthur Koestler parlait
d’« anges encyclopédiques » à propos de
ces aides inattendues qui nous mettent
entre les mains l’information livresque
que l’on recherche. Ainsi, un livre tombe parfois ouvert à la bonne page ! De
façon générale, beaucoup voient l’intervention de leur « ange gardien » ou
de leur « guide » dans ces coïncidences
signifiantes. Auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, Jean Moisset donne des exemples
pour distinguer coïncidence, sérialité
et synchronicité. Au cours de vos vacances, vous rencontrez un ami : c’est
une coïncidence. En plus de cet ami,
vous rencontrez deux autres connaissances pendant votre séjour : c’est la sérialité. Mais, vous
rendant sur votre lieu de vacances à Arcachon, vous voyez
une affiche des Antilles qui vous fait penser à des amis partis vivre à la Martinique et dont vous êtes sans nouvelles
depuis quinze ans. Arrivés sur place, vos voisins immédiats sont ces mêmes amis : synchronicité. Autre exemple,
d’avant l’ère des téléphones portables : vous passez devant
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à la Une
une cabine téléphonique
et le téléphone sonne.
Vous décrochez et
avez au bout du fil un
ami qui cherchait à
vous joindre mais
s’est trompé de
numéro !
« Tout me parle »
Il faut tout de
même prendre
garde à ne pas
voir des signes là
où il n’y en a pas.
L’écrivain Michel
Cazenave a ainsi
proposé que la synchronicité soit à l’origine de la somatisation,
c’est-à-dire la « symbiose »
corps-esprit qui fait que nous
tombons malades apparemment
sans cause. Dans son livre Ce qui est
caché aux sages et aux intelligents, Thierry
Salmeron met en garde contre les faux signes,
produits du mental, et les vrais qui sont le résultat d’une présence consciente. Il cite les
propos d’un grand chef indien : « Tout ce qui
passe près de moi, me parle ». « Vous êtes guidés
vers le meilleur pour vous, par des signes accessibles à vos sens », ajoute-t-il. Mais il va très
(trop ?) loin en expliquant que le libre arbitre
est néfaste, puisqu’il nous donne des choix
permanents alors qu’il suffirait de suivre des
signes qui nous sont « destinés ». Le libre arbitre serait ainsi à l’origine de la chute d’Adam
et Ève.
« lueur vacillante de notre
intuition », comme l’appelle
Jean-François
Vézina, peut nous
permettre de reconnaître des processus symboliques
qui se déploient
sous la forme de
motifs, de « pentes
qui nous attirent et
nous conduisent
imperceptiblement
vers telle personne, tel travail, tel
auteur ou encore tel
pays. » L’identification de ces processus
et motifs est un apport
majeur de Jung, selon
J.-F. Vézina.
Lien quantique
Mais Jung y voyait plus encore qu’un
cheminement. Les synchronicités manifestaient selon lui l’unité du monde, l’Unus
Mundus, à travers des relations « acausales »
Selon Jung,
les synchronicités (sans relations de cause à effet) dont il voyait
un écho certain dans les propriétés déroutanmanifestaient
tes de la physique quantique. C’est pourquoi
l’unité du monde, il a travaillé sur le sujet avec Wolfgang Pauli,
prix Nobel de physique en 1945. On sait en effet
l’Unus Mundus,
aujourd’hui de façon certaine que des particuà travers
les élémentaires ayant interagi – par exemple
des photons - restent connectées via un lien
des relations
mystérieux et acausal. Toute mesure sur l’une
« acausales »
des particules modifie instantanément l’état de
dont il voyait un
l’autre, mais sans transfert d’information. Il n’y
écho certain dans a pas de « communication » entre elles, mais la
Lâcher-prise et intuition
physique contemporaine est obligée d’accepter
les propriétés
Le psychologue Jean-François Vézina, qui a
qu’elles forment un seul et même système phypublié Les Hasards nécessaires (Éditions L’Hom- déroutantes
sique, non local, même si elles se trouvent éloime 2002), estime avec Michel Cazenave que de la physique
gnées de plusieurs milliards d’années-lumière
« les synchronicités se produisent plus fréquem- quantique.
l’une de l’autre.
ment en période de tension psychique, alors que la
L’aspect initiatique des synchronicités a été
forme symbolique habituelle du rêve n’a pas réussi
mis en exergue dans des romans tels que La
à se faire entendre. » Il ajoute : « La synchronicité vue sous cet
Prophétie des Andes (James Redfield) ou L’Alchimiste (Paulo
angle n’est pas nécessairement “un cadeau magique” comme elle
Coelho). Être davantage à l’écoute, plus conscient, plus préest parfois décrite dans le langage populaire. Encore que la soufsent au monde, voilà qui ne saurait nuire. La coïncidence
france peut être perçue comme une grâce. Je suis toujours amusé
renvoie au hasard, mais le hasard, comme le miracle, n’est
lorsque je lis dans un livre ou un article cette phrase : “Provoquez
qu’une question de point de vue. Souvenons-nous que
la synchronicité dans vos vies !” En réalité, la synchronicité échapl’idéogramme chinois qui traduit le mot « hasard » désigne
pe au contrôle du moi. On ne peut que se rendre disponible aux
en fait la notion d’appariement, de couplage. Ainsi le Yi
messages de l’inconscient qui empruntent cette voie. »
Jing (Livre des Transformations) reposait tout entier selon
Être disponible aux messages de l’inconscient, cela revient
Jung sur un « principe synchronistique », qui fut sa première
à développer son intuition, peut-être en « lâchant prise ». La
proposition de l’idée même de synchronicité. ●
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à la Une
Thierry Salmeron* : « La vie donne
tout, c’est ça le miracle »
NEXUS : Considérez-vous une synchronicité comme un miracle ?
Thierry Salmeron : La réponse passe obligatoirement par cette
question essentielle : « Qu’est-on venu faire sur cette terre ? » Lors
d’une NDE, j’ai vu ce que nous étions réellement, le terme le plus
approprié serait : des êtres de lumière. Nous sommes venus jouer
dans le jeu de la vie avec ce corps (une sorte de scaphandre) qui
nous permet d’expérimenter. Et ça, c’est déjà un miracle. Nous
rentrerons chez nous à notre mort. Pour le jeu, nous avons oublié qui
nous sommes.
L’utilité d’un miracle, comme par exemple se nourrir de lumière, est
discutable puisque nous sommes venus ici-bas pour expérimenter la
matière. Je préfère donc manger une tartiflette que de la lumière.
Dans cet oubli de ce que nous sommes, nous avons le pouvoir de
créer. Nous sommes des créateurs. Nous pouvons donc mettre
derrière chaque miracle une construction personnelle ou collective.
Tout en sachant que nous sommes capables de tout puisque notre
corps sur terre est relié à ce que nous sommes réellement et qui
dépasse totalement notre compréhension humaine.
Nous n’avons pas de mission, mais nous recevons un enseignement
quotidien ici-bas, car nous sommes à l’école de la vie. Ça, c’est le
miracle de la vie. Et il supplante aisément n’importe quel autre miracle.
Dans vos ouvrages, vous distinguez les « vraies » synchronicités
des fausses, créées par le mental. Pouvez-vous expliquer ?
Je ne dis pas synchronicité, mais signe de la vie qui n’est qu’une
pièce de puzzle. La vie en action est un miracle.
Il n’y a pas de bons ou de mauvais signes de la vie. Le signe
est neutre. Nous rentrons dans l’erreur à partir du moment où
nous voulons donner une explication à ce que vous appelez
une synchronicité. À partir du moment où l’intellect limité (et pour
beaucoup, malade) veut expliquer la magie d’un signe de
la vie, c’est la dérive, et nous en faisons quelque chose de
préjudiciable.
Vous avez vécu une NDE. Considérez-vous cela comme un
miracle ?
Une NDE n’est pas un miracle. À l’instar d’une maladie grave,
cancer ou autre, c’est une expérience forte faite pour les
bourricots, pour les derniers de la classe à l’école de la vie.
Pour moi, à l’époque, j’étais très jeune et ça a été un réveil.
J’en ai ramené des devoirs à la maison. Expliquer aux gens
la vigilance, la conscience pour qu’ils se sortent de leurs
histoires à dormir debout qui leur font oublier le pourquoi
de leur venue sur terre : expérimenter et transcender. D’où le
passage obligé : la vigilance pour collecter, la conscience
pour avancer. Lors de la NDE, des êtres de lumière (comme
vous et moi) m’ont demandé de rendre les gens conscients.
En montrant l’exemple, déjà. En écrivant, en parlant.
Quel rôle joue la vigilance dans la perception des signes de
la vie ?
La vigilance est l’observation neutre de ce qui sort de
l’ordinaire. Il y a les signes directs, voire grossiers : vous vous
demandez s’il est judicieux de prendre la voiture ce soir alors
que nous sommes en vigilance orange à cause des pluies ;
vous en faites part à un ami et un camion de pompiers passe
à côté de vous, sirène hurlante. Vous pouvez quand même
tenter l’expérience, pour ma part, la vie me parle, j’écoute, je
n’ai pas de temps à perdre en expériences traumatisantes.
Il y a les signes indirects, comme un verre qui tombe et casse,
tout ce qui sort de l’ordinaire et qui représente une pièce de puzzle,
car pris séparément, il ne mène à rien. Et pourtant, beaucoup se
tricotent une histoire avec rien.
Il y a des signes tout au long de la journée et le jeu de la vie
consiste à les collecter sans chercher à comprendre. Beaucoup ne
verront pas un verre qui tombe et casse, certains le verront et d’autres
en prendront conscience. Dans ce cas, c’est qu’on l’a mis en lumière
comme quelque chose sortant de l’ordinaire. Ceci est important car,
alors, il s’enregistre de lui-même dans notre fabuleux cerveau. Le
cerveau stocke cette pièce qu’il associe aux autres pièces du même
puzzle. Tout à coup, c’est la prise de conscience. Le fameux Eurêka !
Sans qu’il n’y ait aucune intervention volontaire de notre part. La
prise de conscience n’est pas prévisible, car elle ne dépend pas
d’une réflexion intellectuelle. Une évidence apparaît qui ne souffre
d’aucune contradiction. Le problème, si c’en est un, c’est que si vous
devez expliquer intellectuellement ce que vous avez trouvé, les mots
ne pourront traduire cette vérité.
Il y a des signes
tout au long de la
journée et le jeu
de la vie consiste
à les collecter
sans chercher
à comprendre.
Alors que faire de ces signes de la vie ?
Dès qu’il y a cette prise de conscience,
une expérience suit qui va valider
votre trouvaille. N’oubliez pas que
nous sommes venus pour cela :
expérimenter dans la matière. Il n’y a que
l’expérimentation qui s’inscrit dans nos
cellules. L’intellect n’imprime rien.
Ce que je viens de vous dire est formidable pour une personne
consciente. Et banal, voire décevant pour une personne
inconsciente. La personne inconsciente s’ennuie dans la vie car elle
ne sait pas qu’elle est à l’école de la vie. Pour elle, tout est banal et
elle a besoin de miracles spectaculaires. Ces miracles ne lui servent
à rien dans ce qu’elle a à faire ici-bas. La personne consciente va
collecter quotidiennement ces pièces de puzzle utiles puisqu’elles
lui apportent des réponses et des directions pour ce qu’elle a à
faire ici-bas. Vous voulez du fantastique ? La collecte quotidienne
des informations et la prise de conscience n’ont pas encore été
découvertes par les scientifiques. Ça le sera dans quelques années
après que des cobayes humains auront été bardés d’électrodes.
Vous l’avez en prime time.
Selon vous, qu’est-ce qui se joue lorsqu’un grand
thaumaturge comme Padre Pio produit un miracle ?
Padre Pio nous montre la puissance de la pensée.
La puissance de la foi. Il aurait juste fallu y rajouter la
conscience qui fait défaut à la religion. J’ai assisté à de
nombreux miracles. J’ai vu des cancers guérir dans la
journée, des gens pointer leur doigt sur quelqu’un et leur faire
une marque indélébile, etc.
Padre Pio s’est créé des stigmates. Ceux de sa croyance.
Si vous avez du temps à perdre, créez-vous des trous où vous
voulez, je peux vous assurer que vous en êtes capable.
Pour ma part, je me contente de ceux que la vie m’a donnés…
Peu de temps avant cet article, j’ai vécu des expériences et
collecté des informations dont je ne savais quoi faire. Les questions
de NEXUS sont arrivées, elles collaient aux réponses que j’avais
collectées. La vie donne tout, c’est ça le miracle. ●
Propos recueillis par Sylvie Gojard
*Auteur de plusieurs ouvrages sur la vigilance, dont Ce qui est caché aux
sages et aux intelligents (voir boutique p. 110).
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