les motifs du licenciement

Transcription

les motifs du licenciement
99187URB_P01C01.fm Page 7 Mercredi, 2. février 2005 4:43 16
Chapitre 1
Les motifs
du licenciement
■
Exigence d’une cause réelle et sérieuse
■
Légalité du motif
■
Contrôle des motifs par les tribunaux
■
Une exception : la période d’essai
99187URB_P01C01.fm Page 8 Mercredi, 2. février 2005 4:43 16
a décision de l’employeur de rompre le contrat à durée
indéterminée en licenciant le salarié doit être fondée sur
un motif légitime qui peut être lié soit à la personne du salarié (pour des raisons disciplinaires ou non), soit à des considérations économiques.
L
Quels que soient la nature du licenciement, l’effectif de
l’entreprise ou l’ancienneté du salarié concerné, ce motif doit
être réel et sérieux. Il ne doit pas être discriminatoire ni
contrevenir aux clauses conventionnelles ou contractuelles
limitant les hypothèses de licenciement.
En cas de contestation, il appartient au juge d’apprécier le
caractère réel et sérieux du motif invoqué.
La nécessité d’une cause réelle et sérieuse ne s’applique pas
à la rupture du contrat de travail pendant la période d’essai.
99187URB_P01C01.fm Page 9 Mercredi, 2. février 2005 4:43 16
Exigence d’une cause réelle et sérieuse
Pour être légitime, le licenciement doit reposer sur un motif réel et
sérieux. Ainsi, les faits invoqués par l’employeur doivent être exacts,
précis, objectifs et revêtir un caractère de gravité.
Dans tous les cas, l’employeur qui envisage un licenciement doit être
en mesure de justifier la réalité et le sérieux du motif qui l’a conduit
à engager une telle procédure. En effet, si l’employeur décide seul du
motif qu’il invoque pour justifier la rupture du contrat de travail, son
pouvoir est contrôlé a posteriori par le juge en cas de contestation de
la part du salarié. Un licenciement prononcé sans motif est automatiquement abusif.
Réalité du motif
Pour être réel, un motif doit être à la fois existant, exact et objectif.
■
Existence du motif
La réalité du motif implique l’existence d’un élément matériel constitué
par un fait concret, susceptible d’être prouvé, lié à l’exécution du contrat
de travail et tenant soit à la personne du salarié ou à son aptitude au travail, soit à l’organisation ou au bon fonctionnement de l’entreprise.
■
Exactitude du motif
Un licenciement dont le motif se révélerait inexact ou varierait dans
le temps devra être déclaré abusif et sanctionné à ce titre par les
tribunaux.
Les faits invoqués doivent être la véritable raison du licenciement.
Lorsque ces faits, même s’ils existent, ne constituent qu’un prétexte
pour dissimuler une cause inavouable, le licenciement est illégitime.
99187URB_P01C01.fm Page 10 Mercredi, 2. février 2005 4:43 16
10 —
L
E
L I C E N C I E M E N T
Le caractère exact ou non du motif s’apprécie au jour du prononcé
du licenciement.
■
Objectivité du motif
Les tribunaux estiment que pour être réelle, la cause doit être indépendante de la bonne ou mauvaise humeur de l’employeur et exclure
les préjugés et les convenances personnelles. Il doit s’agir d’une cause
objective qui tient soit à la personne de l’employé (par exemple faute
ou inaptitude professionnelle), soit à l’organisation de l’entreprise.
La cause doit être objective, c’est-à-dire qu’elle doit reposer sur des
faits. La Cour de cassation exige en effet des griefs matériellement
vérifiables.
Caractère sérieux du motif
Le motif sur lequel se fonde le licenciement doit en outre avoir un
caractère sérieux. Une cause sérieuse est une cause revêtant une
certaine gravité qui rend impossible, sans dommage pour l’entreprise,
la continuation du travail et qui rend nécessaire le licenciement.
Légalité du motif
Le motif de licenciement doit toujours être licite, c’est-à-dire ne pas
aller à l’encontre d’une des libertés publiques ou privées garanties par
la constitution ou la loi. Il ne doit pas non plus violer la réglementation en vigueur (réglementation du travail notamment).
Les licenciements interdits par la loi
Est nul tout licenciement prononcé en raison de l’origine, du sexe, de
la situation de famille, des mœurs, de l’appartenance à une ethnie, une
nation ou une race, des opinions politiques, des activités syndicales
ou mutualistes, de l’exercice normal du droit de grève, des convictions religieuses, de l’état de santé ou du handicap (sauf inaptitude
constatée par la médecine du travail).
Les salariés victimes d’un tel licenciement peuvent saisir le conseil des
prud’hommes pour demander la nullité du licenciement, leur réinsertion
et le paiement de l’ensemble des salaires qui ne leur ont pas été versés.
99187URB_P01C01.fm Page 11 Mercredi, 2. février 2005 4:43 16
L e s
m o t i f s
d u
l i c e n c i e m e n t
Sont également interdits par la loi les licenciements :
– prononcés en raison d’une action en justice relative à l’égalité professionnelle ;
– d’une femme enceinte pendant la période de protection légale ;
– d’un salarié victime d’un accident du travail pendant la suspension
de son contrat ;
– d’un salarié qui s’est exprimé dans le cadre de l’exercice normal du
droit d’expression ;
– d’un salarié qui a refusé ou subi des agissements de harcèlement
sexuel, ou qui a témoigné de tels agissements ;
– d’un salarié ayant exercé son droit de retrait d’une situation dangereuse.
Les limitations contractuelles au droit de licencier
Dans certains cas, les conventions et accords collectifs limitent les
possibilités de licencier de l’employeur à des causes qu’ils déterminent. Le licenciement prononcé pour un motif autre que ceux
conventionnellement prévus est alors dépourvu de cause réelle et
sérieuse.
De la même façon, les signataires d’un contrat de travail
(employeur et salarié) peuvent convenir dans le contrat de dispositions qui limitent ou rendent plus difficile ou plus onéreux le droit
de licencier.
L’employeur peut-il prévoir dans le contrat de travail
des cas de licenciement automatique ?
Non. Aucune clause du contrat de travail ne peut valablement
décider qu’une circonstance quelconque constituera une cause
de licenciement. Cela permettrait à l’employeur de se préconstituer à l’avance un motif de licenciement dont le caractère réel
et sérieux ne pourrait être remis en cause par le juge en cas de
contentieux. Or, seul le juge a le pouvoir d’apprécier si le motif
invoqué constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
— 11
99187URB_P01C01.fm Page 12 Mercredi, 2. février 2005 4:43 16
12 —
L
E
L I C E N C I E M E N T
Contrôle des motifs par les tribunaux
Contrôle judiciaire sur les motifs du licenciement
En cas de contestation, les tribunaux judiciaires (conseil des
prud’hommes, Cour d’appel, Cour de cassation) sont compétents
pour statuer en matière de licenciement. Le juge apprécie le caractère réel et sérieux du motif invoqué. Il ne peut donc se limiter à vérifier l’exactitude des faits invoqués sans rechercher si ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Les juges vérifient la cause exacte du licenciement. Ainsi, lorsqu’un
salarié est licencié pour motif économique mais qu’il s’avère que le
motif essentiel est en fait inhérent à sa personne, le licenciement est
sans cause réelle et sérieuse.
En cas de coexistence d’un motif personnel et d’un motif économique
de licenciement, les juges s’attachent à déterminer celui qui en a été
la cause première et déterminante.
L’inspection du travail contrôle-t-elle la légitimité
de certains licenciements ?
Non. Le contrôle administratif préalable sur les licenciements
d’ordre économique a été supprimé en 1987. Aujourd’hui, seul le
juge, et en premier lieu le conseil des prud’hommes, exerce un
contrôle sur la légitimité des licenciements. Cette suppression de
l’autorisation administrative de licenciement a été remplacée par
un contrôle accru du juge sur les licenciements, et tout particulièrement en cas de plan social.
Recherche de la preuve par les juges
La question de la preuve est centrale dans le procès. On demande à
l’employeur de baser sa décision de licenciement sur des éléments
objectifs et vérifiables. Au procès, il devra pouvoir apporter des preuves de ces éléments. Sa simple parole ne peut suffire. L’employeur
doit justifier d’un ou plusieurs faits précis (il ne peut pas se contenter
de procéder par affirmation), objectifs et contrôlables.
Que ce soit en faveur du salarié ou de l’employeur, la preuve est libre
en matière prud’homale. Elle peut être constituée par des documents
99187URB_P01C01.fm Page 13 Mercredi, 2. février 2005 4:43 16
L e s
m o t i f s
d u
l i c e n c i e m e n t
écrits, des attestations, des témoignages, des lettres, etc. Il est donc
extrêmement important de bien penser à préserver les éléments de
preuve concernant les faits invoqués.
Le rôle du juge oblige celui-ci :
• à vérifier si les faits invoqués par l’employeur pour justifier la
mesure de licenciement sont établis ;
• puis à apprécier si ces motifs sont suffisamment sérieux pour justifier un congédiement.
Mesures d’instruction
Si le juge n’a pu former sa conviction au vu des éléments fournis par
l’employeur et le salarié, il peut s’il le juge utile, prescrire des mesures
d’instruction pour s’informer davantage. Il dispose pour cela des pouvoirs les plus larges. En application du Code de procédure civile, ces
mesures comprennent notamment :
• l’enquête sur place ;
• l’expertise ;
• la demande, à la requête de l’une des parties, de production de
documents détenus soit par l’autre partie soit par des tiers, à
condition dans ce cas qu’il n’existe pas d’empêchements
légitimes ;
• la citation de personnes non appelées à témoigner par l’une ou
l’autre des parties.
Le juge du fond est toujours maître de l’opportunité de prendre ou
de ne pas prendre des mesures d’instruction. Il apprécie la valeur des
documents et moyens de preuve soumis à son examen sans être
obligé de recourir à une mesure d’instruction s’il s’estime suffisamment informé.
Bénéfice du doute pour le salarié
Si le juge, en dépit des explications qui lui ont été fournies et des
mesures d’instruction qu’il a pu ordonner, n’arrive pas à se forger une
conviction quant au caractère réel et sérieux des motifs invoqués par
l’employeur, le doute qui subsiste en matière de preuve du motif du
licenciement doit profiter au salarié.
— 13
99187URB_P01C01.fm Page 14 Mercredi, 2. février 2005 4:43 16
14 —
L
E
L I C E N C I E M E N T
Ainsi, dès l’instant où un doute existe sur la réalité du motif, le juge
en accorde le bénéfice au salarié en déclarant le licenciement sans
cause réelle et sérieuse.
Côté Loi
Code du travail – Article L. 122-14-3
En cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité
de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction
qu’il estime utiles. En cas de recours portant sur un licenciement
pour motif économique, l’employeur doit communiquer au juge tous
les éléments qu’il a fournis aux représentants du personnel en application des articles L. 321-2 et L. 321-4 ou, à défaut de représentants du personnel dans l’entreprise, tous les éléments qu’il a fournis
à l’autorité administrative compétente en application de l’article
L. 321-7 du présent code.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Une exception : la période d’essai
Pendant la période d’essai, les règles relatives à la rupture du contrat
de travail ne sont pas applicables et chaque partie au contrat est libre
de le rompre sans donner de motifs.
Cette liberté ne doit pas cependant aller jusqu’à l’abus, sous peine
d’être déclarée fautive par les juges. Ainsi, la rupture, si elle émane de
l’employeur, doit être fondée sur une appréciation des aptitudes du
salarié à tenir l’emploi.
Le salarié qui arriverait à prouver que la rupture de la période d’essai
est fondée sur des motifs autres que ses qualités professionnelles, et
constitue donc une rupture abusive, aurait droit à des dommages et
intérêts.
99187URB_P01C01.fm Page 15 Mercredi, 2. février 2005 4:43 16
L e s
m o t i f s
d u
l i c e n c i e m e n t
Cas de rupture jugés comme abusifs
– le fait d’utiliser la période d’essai et son prolongement pour assurer l’intérim d’un poste dans l’attente de le confier à un autre
salarié ;
– la preuve que l’intention de l’employeur était, dès l’origine du
contrat, de limiter l’emploi du salarié à la durée de l’essai ;
– le fait que la rupture repose sur une discrimination raciale ou
politique ;
– le fait que l’embauche du salarié en période d’essai est effectuée
pour remplacer un salarié qui n’avait pas encore donné sa démission et qui finalement décide de rester dans l’entreprise ;
– la rupture consécutive à l’annonce du mariage de la salariée ;
– la rupture envers une salariée ayant fait remarquer que le renouvellement de sa période d’essai la plaçait dans une situation peu
sécurisante.
En tout état de cause, la preuve du caractère abusif de la rupture de
la période d’essai incombe au salarié. Cela s’avère assez difficile dans
la majorité des cas, puisque par hypothèse l’employeur n’est pas tenu
de motiver sa décision de rupture dans un tel contexte.
— 15