René Zaszlawsky - La Chaux-de
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René Zaszlawsky - La Chaux-de
LUNDI 18 JUILLET 2016 m GROS PLAN 3 SOCIÉTÉ 4/7 Le Chaux-de-Fonnier René Zaszlawsky évoque ses 13 ans. «Je me révoltais avec le jazz. Mon meilleur copain était Beatles» Walt Disney, c’est aussi tous les films qu’il a fait, que sa maison continue de faire. C’est également une bonne collaboration avec Disney Suisse. ANNÉE 66 DANIEL DROZ L’année 1966 est marquante à plus d‘un titre. Elle voit la musique pop triompher, le mouvement hippie démarrer, et les premières revendications pour libéraliser la société se font jour. Comme un avant-goût de 1968. A cette époque, le Chaux-deFonnier René Zaszlawsky avait 13 ans. Alors écolier, aujourd’hui programmateur du Ciné-club du Locle, il garde des souvenirs précis de cette période. René Zaszlawsky, pour vous l’année 1966, c’est… Le concert de Jacques Brel à la Le Chaux-de-Fonnier René Zaszlawsky se souvient de «La chanson de Lara», titre phare du film «Le Docteur Jivago», de David Lean. LUCAS VUITEL Salle de musique. Mon père en La passion pour le cinéma Moi, je me révoltais avec le était l’administrateur et vendait Cette année, nous projetterons date donc de cette époque... jazz. Assez standard, New Or- des films plus anciens. Un Rosles places. Comme il pensait Le cinéma a toujours été une leans. Mon meilleur copain était sellini, «La mort aux trousses» qu’il y aurait du monde, il a ouaffaire de famille. En 1929, en Beatles. Il essayait de m’initier. d’Alfred Hitchcock. Il se prête vert la caisse du théâtre. Il y sortant du Tech, c’était la crise. Ce n’était pas inintéressant, bien au grand écran. avait tellement de monde enMon père a trouvé une place mais ce n’était pas la passion. Par tassé qu’il n’a pas pu entrer. Il d’opérateur et il est monté dans la la suite, j’ai été plutôt Rolling Walt Disney décède en déest passé par-derrière pour aphiérarchie. A la maison, il n’y Stones. Je suis allé les écouter à cembre 1966, dix jours avant peler la police. Brel, ça ne leur avait pas de télé. Mon père a tou- Berne. Après, j’ai bien aimé les Noël. Ça vous évoque quoi? disait pas grand-chose. Un Ça évoque plein de choses. jours été antitélé. Il pensait que Beatles. Aussi John Lennon avec agent a été envoyé. Il s’est fait C’était un personnage tout-àça allait tuer le cinéma. La voi- Yoko Ono. insulter. Le calme revenu, mon RENÉ ZASZLAWSKY fait intéressant. Il a créé une sosine en avait une. Il n’y avait père a vendu en un après-midi TREIZE ANS EN 1966 ciété qui fonctionne très bien. qu’une chaîne, la Romande, et Si vous deviez projeter les 1200 places. Il a fait des films de très grande elle n’émettait pas tout le temps. un film de 1966 au Ciné-club Le concert, en lui-même, était qualité, d’animation mais aussi A la maison, c’était musique du Locle, ce serait… phénoménal. Même si l’acoustiLe Ciné-club est très éclecti- classiques. que de la salle n’était peut-être que mes contemporains. Aussi classique et chanson française. L’année dernière au Cinépas très bonne. Les gens, der- des films qui n’étaient pas de Je pense que mon père a été un que. Je pourrais bien projeter rière se plaignaient. Il y avait les mon âge. Il y avait des séances des premiers à avoir une chaîne «La grande vadrouille» ou club, nous avons projeté «DerFrères ennemis en première pour la commission de censure. stéréo. Avec une antenne râ- «Fahrenheit 451». Ce n’est pas le rière Mary», qui raconte l’hispartie. Brel bondissait, transpi- Les personnes allaient souvent teau pour capter France Musi- meilleur Truffaut. Il n’avait pas toire de la création de «Mary rait. J’avais la chance d‘avoir ce au parterre. Je prenais prétexte que, qui était la seule chaîne ra- beaucoup de moyens. C’est diffi- Poppins». Walt Disney voulait cile de faire un film de science- acheter les droits. L’auteure père qui était administrateur et de dire bonjour à mon père pour dio en stéréo. fiction avec peu de moyens. n’aimait pas le cinéma. Finaleavait, pour salaire, des billets. me glisser à la galerie. Il y avait «Docteur Jivago», «Un homme ment, elle a cédé. Mais elle a pu Il était aussi directeur du ciné- aussi les séances du Ciné-club. La révolution pop est en et une femme», je pourrais pas- terroriser Walt Disney, le réalima Ritz, là où il y a le parking de Je voyais des films de Godard. Je marche. Plutôt Beatles ou ser tous ces films. Ils ont gagné sateur, les musiciens. C’est un l’ancienne Coop City. Ça me per- ne comprenais rien. Mainte- Rolling Stones? Vous ont-ils influencé? leurs lettres de noblesse. bon film. mettait d’aller voir plus de films nant, j’aime beaucoup. Le concert «de Jacques z Brel était phénoménal. Il bondissait.» En 1966, la guerre du Vietnam fait rage et durera encore jusqu’en 1975. Avezvous des souvenirs, des images qui vous viennent de cette époque? Quand on y réfléchit aujourd’hui, ces années étaient les Trente Glorieuses. L’économie suisse fonctionnait assez bien aussi à cause de la guerre du Vietnam. Des entreprises ont notamment vendu des défoliants. C’est ambigu. Ça impactait la qualité de vie en Suisse parce que ça prospérait. Les images? De temps en temps une photo dans «Paris Match». C’est une époque où la photo de presse n’était pas bridée. Les photographes prenaient plus de risques et faisaient bouger davantage la population. L’Angleterre gagne la Coupe du monde de football à domicile. Le sport, pour vous, c’est… Je ne suis pas du tout intéressé par le sport. Mon père l’était. J’étais son désespoir. J’imagine que les Anglais, à l’époque, étaient des gentlemen. Il n’y avait pas de hooliganisme. C’est lié à la crise sociale. Il n’y avait pas besoin d’hurler son désespoir au football. Avec le recul, cette année tout de même est une cuvée formidable, non? Quand on est jeune, ce sont toujours des bonnes années. Aujourd’hui, quelle est votre actualité, quels sont vos projets? Le principal projet est de continuer le Ciné-club du Locle et de perpétuer cette salle du Casino. Ma retraite risque d’être active. } Censure cinématographique abolie à Neuchâtel CETTE ANNÉE-LÀ... Sons domestiques Chabadabada Une Brian Wilson, leader des Beach Boys, est jaloux des Beatles. Pas encore dépressif, il compose treize chansons incomparables. Dont «Good Vibrations». L’album «Pet Sounds» figure au panthéon de la pop. C’est entièrement mérité. plage à Deauville. JeanLouis Trintignant et Anouk Aimée. Une musique de Francis Lai. Grand Prix international du Festival de Cannes, ce n’est pas encore la Palme d’or. Claude Lelouch cartonne avec «Un homme et une femme». Vacances La chanson Héros malgré lui Le «Les jolie colonies de vacances» égayera de nombreux enfants dans les années à venir. Un cauchemar pour les parents. «Youkaïdi aïdi aïda.» Pierre Perret décroche la timbale. La chanson a pourtant d’abord été interdite de diffusion. Ça n’a pourtant rien du «Zizi». docteur Richard Kimble tient en haleine les téléspectateurs. Accusé injustement du meurtre de son épouse, il tente de retrouver son assassin, un manchot. «Le fugitif» rafle le prix de la série dramatique aux Emmy Awards. Au final, quatre saisons de trente épisodes chacune. Entre 1959 et 1966, 18 films ont été interdits dans le canton de Neuchâtel, apprend-on dans «L’Impartial» de l’époque. Parmi eux, «Plein soleil» de René Clément est jugé «contraire à la morale». La commission de contrôle des films a aussi exigé trois coupures dans le chef-d’œuvre de Roberto Rossellini «Rome ville Ouverte». La censure veille donc à la bonne morale des citoyens neuchâtelois. Elle est pratiquée sur le plan cantonal. Des films non censurés à Neuchâtel ne seront pas forcément projetés dans leur version originale. Sa copie, a pu être victime d’une coupe si elle a été diffusée dans un autre canton auparavant. Le 8 juin, le Grand Conseil fait œuvre de pionnier en Suisse romande. Il supprime la «Plein soleil» de René Clément, avec Alain censure cinématographique à l’égard des Delon, a été interdit dans le canton adultes. A l’époque, seul le canton de de Neuchâtel. DR Berne a déjà introduit cette réforme. Une émancipation? Un progrès? Un avantgoût de libéralisation des mœurs? L’arrivée de la télévision dans les foyers – les chaînes étrangères diffusent des films interdits dans les cinémas suisses – aurait plutôt précipité les choses. En 1966, le cinéma est considéré comme un art mineur en Suisse. La censure s’exerce d’ailleurs différemment à Genève et en Valais. Dans le premier canton, les films pornographiques sont strictement interdits. Dans le second, les classiques de Marcel Carné «Le jour se lève» ou «Quai des brumes» ne sont pas projetés. Pas davantage que les réalisations de Jean-Luc Godard. Si la censure est levée pour les adultes, la jeunesse est «protégée» par des limites d’âge adaptées au contenu des films. }