CINÉMA Le chevalier de La Barre revit à l`écran

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CINÉMA Le chevalier de La Barre revit à l`écran
A VOIR, A FAIRE
VENDREDI 14 FÉVRIER 2014 COURRIER PICARD
LE PERSONNAGE
Louis de Clermont-Tonnerre
Louis de Clermont-Tonnerre est un illustre
militaire, qui perdra la vie lors de la Première
Guerre mondiale. Mort le 30 mars 1918, sa
bravoure lui a valu la Légion d’honneur. Originaire de Bertangles, dont il est maire durant
4 ans, il sera un fidèle d’Albert de Mun, homme politique catholique. Grand voyageur, il parcourt l’Europe et l’Amérique
avant de s’installer comme exploitant agricole à Villers-Bocage. Il y crée l’Union des Syndicats agricoles de la Somme.
ÇA S’EST PASSÉ LE 18 JUIN 1590
LE BLASON
Henri IV rencontre la belle Gabrielle
Le blason d’Abbeville (et les écussons des
policiers municipaux sont fautifs !) est souvent mal reproduit. Ce sont bien trois
bandes d’or qui chargent son champ d’azur
bordé d’or, et non le contraire. Le chef de
France a été ajouté en 1369, sur lettres patentes de Charles V. Cet ajout du roi a été fait pour remercier les Abbevillois de leur fidélité à la couronne.
▶ Plus d’informations : www.armorialdefrance.fr
Roger de Bellegarde, grand écuyer de France propose à Henri IV
de l’accompagner au château de Cœuvres, près de Compiègne.
Il fait beau à la campagne ce 18 juin 1590. Roger de Bellegarde
en profite pour présenter au roi sa nouvelle conquête, Gabrielle
d’Estrées, âgée de 17 ans. Pour le roi, c’est le coup de foudre : il
est ébloui, lui fait la cour… Gabrielle commence par repousser
ce roi âgé de 40 ans qui sent très fort l’ail. Avant de lui céder
6 mois plus tard.
Abbeville
CINÉMA
Le chevalier de La Barre revit à l’écran
« Les 3 vies du Chevalier », documentaire original signé Dominique Dattola, est présenté
en avant-première ce 18 février à Abbeville. Trois films en un. Et d’actualité.
C
’est un documentaire de création. Et même de créations, au
pluriel. Pour faire revivre l’histoire du chevalier de La Barre, Dominique Dattola dépasse le seul
récit historique – toujours présent
pourtant. Et trois histoires, trois
sujets s’entremêlant durant deux
heures, pour constituer ces 3 vies
du Chevalier.
1
LE RÉCIT HISTORIQUE L’histoire de
ce jeune chevalier, plus libertin
que révolutionnaire ou anticlérical, brûlé en place publique le
1er juillet 1766 à Abbeville pour ne
pas s’être découvert au passage
d’une procession est connue. C’est
du moins la légende qui est restée.
Pas fausse, mais partielle. De fait,
c’est surtout la découverte dans sa
chambre du Dictionnaire philosophique de Voltaire, ouvrage placé à
l’index par l’Église, qui aura causé
sa perte. Cela et quelques brouilles
mesquines, entre le lieutenant criminel du roi en charge de l’instruction et la marraine de La Barre,
puis des intérêts géopolitiques qui
le dépassèrent. C’est tout l’intérêt
du film de Dominique Dattola de
replacer cette affaire dans son
contexte. Il le fait à travers des
images d’archives, une recréation
fictionnalisée et, surtout, beaucoup d’entretiens. Avec des gens
aussi différents que le philosophe,
lumineux, Henri Peña-Ruiz, l’avocat Henri Leclerc, des militants
laïcs (dont Alain Sac-Epée, du
groupe La Barre d’Abbeville), mais
aussi des religieux, comme le Père
Brunel (abbé de Saint-Wulfran
d’Abbeville) ou le Père Francis Lecomte
(archiviste
diocésain
d’Amiens).
Une manière, plurielle et didactique, de restituer La Barre dans
l’Histoire. Au cours des deux
siècles et demi qui vont suivre, ce
« fantôme » va régulièrement revenir dans l’Histoire de France, épousant en partie ses convulsions. Du
combat pour la séparation des
Églises et de l’État jusqu’à la destruction – pas si innocente – de sa
statue, érigée par les républicains à
la fin du XIXe siècle, fondue par le
régime de Pétain.
« Le combat
pour la liberté
de penser est
un combat légitime »
Dominique Dattola
Dominique Dattola aura mis plus de dix ans pour parvenir à montrer son film sur les écrans. (Photo extraite de « Les 3 vies du Chevalier »)
2
LE FILM D’ART C’est aussi une
histoire de statue qui fait l’objet du deuxième récit, celle de
la réalisation de la nouvelle statue
du chevalier, de nouveau érigée
sur son socle, dans le petit square
Nadar, à Montmartre, où, ironiquement, il regarde pour l’éternité le
Sacré-Cœur, ce symbole de la réaction catholique après la Commune
de Paris. C’est d’ailleurs de là qu’est
né le film, en 1999. Dominique
Dattola, au départ, a voulu suivre
le travail du sculpteur Emmanuel
Ball. Il a filmé ainsi toute la créa-
tion de l’œuvre, du modelage de la
statue jusqu’à son installation à
Paris, en passant par la coulée de
bronze en fusion. Et c’est en interviewant les personnes qui participaient à l’inauguration, en 2005,
qu’il avoue avoir « pris conscience
de la densité historique phénoménale du sujet. Car il ne s’agissait pas
uniquement du chevalier de la Barre,
mais aussi de ses défenseurs,
puisque, entre son exécution en 1766
et cette inauguration de 2001, il
s’était écoulé environ deux siècles et
demi de controverses et de rebondis-
sements propices au développement
d’un script bien plus ambitieux. » De
quoi, déjà, nourrir deux films. À
cela, le réalisateur ajoute une troisième dimension, musicale et picarde.
3
LA DIMENSION MUSICALE Une
fois parti dans l’idée d’un
long-métrage,
Dominique
Dattola a cherché, comme pour ses
précédents films, à y associer une
musique originale. Et, quoi de plus
logique pour une histoire picarde
Un documentaire, deux créations
« Les 3 vies du Chevalier » se situe aux confluences
de divers genres : documentaire historique, captation
artistique, reportage. Dominique Dattola gère tout cela avec astuce et une indéniable virtuosité. Pour raconter cette histoire d’un « fantôme qui hante l’histoire de
France », il a fait le choix d’éviter de faire « informatif »,
de faire efficace. Pas de faire un documentaire télévisuel cadré et formaté donc, mais de proposer un vrai
documentaire de création. Un « film appolinien »,
comme il le décrit. À la linéarité à laquelle aurait pu se
proposer le récit – ou plutôt les récits – il préfère
l’avancée en parallèle, entre l’histoire de La Barre, celle
de sa statue et celle de la musique du film. Un parti
pris qui pourra parfois surprendre, voire dérouter
(ainsi de rejeter tout générique de présentation des
intervenants, dans la volonté d’inciter le spectateur à
penser au fond du propos plus qu’à celui qui l’émet).
Mais à la fin, c’est un vrai récit documentaire fort qui
est donné à voir qui réussit à raconter une histoire et à
capter deux créations : celle de la statue, celle de la
symphonie. Un bel objet poétique mêlant l’art à la politique.
que d’aller chercher des musiciens
de la région. En l’occurrence
Franck Agier, Gérard Cohen-Tannugi et l’Orchestre de Picardie. C’est
leur symphonie, composée spécialement pour La Barre, qui ouvre
aussi le film. Et la captation de
l’enregistrement – magnifiquement filmé, lui aussi, au théâtre de
Compiègne – revient ponctuer le
récit.
Au bout de près de dix ans de
persévérance et d’obstination, il
peut, enfin, présenter son œuvre.
Comme ce mardi, à Abbeville, pour
une avant-première (et première
séance en Picardie). Il a déjà obtenu un prix de l’initiative laïque au
festival d’Histoire de Blois, à l’automne. Reconnaissance légitime
pour un film forcément engagé,
mais pas dogmatique. « Le combat
pour la liberté de penser est un combat légitime. J’ai voulu élever ma
voix dans ce concert-là. » Désormais, on peut l’entendre. Aujourd’hui distribué par une société régionale (après avoir été soutenu
par Pôle image Picardie et le
conseil régional), il peut espérer
connaître une diffusion nationale.
DANIEL MURAZ
▶ « Les 3 vies du Chevalier »,
de Dominique Dattola. Mardi 18 février
à 20 h 30, cinéma Rex, à Abbeville (80).
Avant-première en présence du réalisateur.