Intervention de Pierre Léna Pour avoir beaucoup d`aspirants, au
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Intervention de Pierre Léna Pour avoir beaucoup d`aspirants, au
Intervention de Pierre Léna Pour avoir beaucoup d’aspirants, au lycée et à l’université, aux études scientifiques et technologiques, il est préférable de les recruter sur une population scolaire la plus large possible, éveillée et formée dès l’école primaire et le collège. Ce point est aussi bien réalisé par les Etats-Unis [1] que par la Chine [2] dans leurs réflexions très actuelles pour maintenir ou se doter d’une grande puissance économique. Encore faut-il que cette population n’ait pas perdu le goût des sciences qui caractérise la curiosité enfantine [3] pour le monde des phénomènes de la nature et des objets élaborés par la technique, ou mieux encore, que ce goût n’ait fait que se développer. Les enquêtes citées par le rapport Gago Europe needs more scientists en 2006 [4] montrent qu’à la sortie de l’école primaire, déjà la moitié des petits Européens – mais plus de la moitié des fillettes – estiment que la science et la technique, ce n’est pas pour eux ; ce nombre monte à 90 % en fin de collège, et décroît encore ensuite, comme le démontre l’orientation postbaccalauréat de nos bacheliers S. Le rapport Rocard [5] en 2007 a souligné que l’effort devait porter sur une amélioration de l’éducation scientifique, en citant le facteur de désintérêt des élèves européens de 15 ans, non pas face à la science et aux réalisations techniques, mais à ce qui leur est enseigné. Si l’on s’accorde sur cet objectif (développer le goût des sciences), impossible de ne pas rencontrer les choix à faire. A l’école primaire, un consensus est relativement aisé à établir sur le contenu de l’enseignement scientifique et sur la pédagogie à adopter. Ce consensus sur Inquiry Based Science Education (IBSE) [6] est aujourd’hui largement atteint, et La main à la pâte [7] en représente la version française, en train d’ailleurs de s’étendre à l’Europe par le projet Pollen, mis en avant par le rapport Rocard et, par exemple, de récents articles dans la presse allemande [8]. Consensus qui ne signifie pas garantie de développement adéquat, puisque douze années après le début de La main à la pâte en France, le progrès continu du nombre d’enseignants faisant des sciences dans leur classe de primaire ne conduit en 2008 qu’à environ 30-40 % de celles-ci ! Et les actuels textes de programmes en préparation risquent de marquer sur ce point un retour en arrière préoccupant. Il paraît en tout cas bien établi maintenant que cette pédagogie est efficace pour développer le goût des sciences, chez les filles comme chez les garçons. La question concerne surtout le collège. En effet, ce collège unique (en France) doit composer entre deux objectifs, qui ne sont pas nécessairement convergents : donner à tout futur citoyen (de France mais aussi d’Europe devrait-on dire) une « culture scientifique pour le libre exercice de la citoyenneté » (termes de la Loi de 2005 sur l’avenir de l’école et ce que mesure PISA), mais aussi préparer aux orientations scientifiques ou technologiques futures au lycée. Notre collège a surtout visé le second terme, favorisant les mathématiques (en tant que langage de l’abstraction indispensable à la suite des études scientifiques) et la distinction précoce des disciplines. Face à cet état de fait, l’élaboration récente du socle commun, articulée aux objectifs européens de compétences, veut viser le premier terme, au moins dans son énoncé, car en pratique ses déclinaisons actuelles (contenus, programmes) sont plutôt un compromis entre les deux termes au sein d’un collège unique. Point ne faut longtemps réfléchir pour voir que programmes, organisation du cursus et surtout formation des professeurs [9] devraient évoluer profondément [10] pour mieux expliciter ces choix et leurs conséquences. La croyance bien française que les programmes sont l’alpha et l’omega de toute pédagogie de qualité est à confronter à un autre point de vue, celui qui fait de la qualité des professeurs de science, de leur ouverture d’esprit, de leur formation continuée tout au long de leur vie, les critères majeurs d’un goût de la science communiqué à leurs élèves. Références [1] NSF-STEM program : voir www.nsf.gov/news/newsletter/aug_07/index.jsp#news [2] 2006-2010-2020. Outline of National Action Program for Scientific Literacy of All Chinese Citizens". Gouvernement de Chine, 2006. [3] Charpak G., Léna P., Quéré Y. L’Enfant et la science. O. Jacob, 2005. [4] M. Gago. Europe needs more scientists. Rapport à l’UE, 2006. [5] Science education now. Communautés européennes, avril 2007. [6] Voir par exemple le site d’InterAcademy Panel et les documents de présentation d’IBSE et de son évaluation internationale (www.interacademies.net/CMS/Programmes/3123.aspx), ainsi que l’article de Bruce Alberts (www.interacademies.net/CMS/8038.aspx) [7] www.lamap.fr [8] Der Spiegel. Land der kleinen Forscher. 3.12.2007 [9] Avis de l’Académie des sciences sur la formation des professeurs enseignant les sciences. Novembre 2007. www.academie-sciences.fr [10] Dans le sillage de La main à la pâte. Voir le site Science-techno-college.net