Prévalence et caractéristiques de la maltraitance parmi les enfants
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Prévalence et caractéristiques de la maltraitance parmi les enfants
Prévalence et caractéristiques de la maltraitance parmi les enfants placés en Foyer de l’enFance DAYAN J., SELLENET C., BAPT-CAZALETS N., CREVEUIL C., CHANTELOUP J. Toute référence à ce rapport doit porter la mention : Dayan J., Sellenet C., Bapt-Cazalets n., et coll. –Prévalence et caractéristiques de la maltraitance parmi les enfants placés en Foyer de l’Enfance – Rapport de l’ANPASE 2000. 1 2 Remerciements aux équipes éducatives ayant participé à cette étude : . Foyer de l’Enfance de Graye sur Mer (14470) Institut Médico-Educatif d’Ecouis (27440) Foyer de l’Enfance de Nîmes (30000) Foyer de l’Enfance de Toulouse (31200) Centre Départemental de l’Enfance de Chantepie (35032) Foyer de l’Enfance de Pont du Casse (47480) Foyer de l’Enfance d’Anglet (64601) Foyer de l’Enfance de Strasbourg (67100) Foyer de l’Enfance de Chambéry (73000) Centre Départemental de l’Enfance de Canteleu (76380) Remerciements à l’ANPASE et plus particulièrement à Monsieur Michel ANDRIEUX, ancien président, qui nous a permis de réaliser cette étude, ainsi qu’à Monsieur Marc MAINFONDS, son président, et à Madame Marie Josèphe BONNETAIN, qui nous ont activement soutenus dans sa mise en place. 3 4 PLAN INTRODUCTION …………………………………………………………….. 9 CHAPITRE I METHODOLOGIE ………………………………….. 11 1. Zone de l’enquête et recrutement. Etude comparative. 2. Mode de recueil des données. Etude diachronique. 3. Variables du questionnaire et objectifs de la recherche. 3.1. Variables socio-économiques. 3.2. Interventions socio-juridiques. 3.3. Définition de la maltraitance et des catégories utilisées pour l’analyse statistique. 3.4. Facteurs de risque. 3.5. Clinique des enfants maltraités. 3.6. Prise en charge des enfants maltraités. 4. Les différentes formes de maltraitance. 4.1. Existence. 4.2. Nature du fait maltraitant. 4.3. Les différentes classifications de la maltraitance : catégorielle, isolée, incidente. 5. Traitement statistique de l’étude – Eléments de validité. 5.1. Les tests statistiques. 5.2. Nettoyage du fichier et données manquantes. 5.3. Calcul des scores. CHAPITRE II DONNEES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES …….…. 21 GENERALITES ………………………………………………………………. 23 1. Qualité du recueil de données. 2. Présentation de l’échantillon et constitution des deux groupes de comparaison. L’EXISTENCE D’UNE MALTRAITANCE. ……………………………… 25 1. Selon le sexe. 2. Selon l’âge. 3. Selon la structure des familles. 3.1. Familles recomposées. 3.2. L’environnement familial. 4. Selon l’âge des parents. 5. Selon la taille des familles. 6. Selon le statut socioprofessionnel. 6.1. L’emploi des pères. 6.2. L’emploi des mères. CHAPITRE III LE STATUT DES ENFANTS………………………. 31 1. Les interventions socio-juridiques contemporaines du placement : Un phénomène massif de judiciarisation. 1.1. Les mesures de garde. 5 1.2. Les poursuites pénales. 2. Les antécédents : des signalements antérieurs répétés. 2.1. Existence de mesures au moment du placement. 2.2. Nom et type de la mesure immédiatement antérieure au placement. 2.3. Signalements antérieurs pour l’enfant placé. 2.4. Le signalement initiateur du placement pour « maltraitance ». 2.5. Signalements pour maltraitance sur d’autres enfants de la famille. 3. Les acteurs du signalement. 4. Provenance des enfants. 5. Personnes mises en cause. CHAPITRE IV MANIFESTATIONS SYMPTOMATIQUES………. 39 A. LA MALTRAITANCE ENVISAGEE COMME UN PHENOMENE GLOBAL. ………………………………………….… 43 1. Symptomatologie observée. 1.1. Non-Réponses. 1.2. Les troubles fonctionnels. 1.3. Les troubles relationnels. 1.4. Instabilité psychomotrice. 1.5. Comportement sexuel. 1.6. Autres manifestations. 2. Les facteurs de risque non sociologiques de la maltraitance. 2.1. Non-Réponses. 2.2. Résultats. 2.3. Commentaires 3. Variation selon le sexe de l’enfant. 3.1. Facteurs de risque. 3.2. Manifestations psychopathologiques. 3.3. Commentaires. 4. Evolution 4.1. Evolution des troubles chez les enfants maltraités. 4.2. Comparaison de la symptomatologie des enfants lors de la sortie des foyers, maltraités versus non maltraités. 5. Facteurs de risque parentaux. 5.1. Commentaires introductifs. 5.2. Résultats. B. LA MALTRAITANCE SELON SA NATURE. …………………….……. 53 1. Les différentes formes de maltraitance. 1.1. Approche sémiologique. 1.2. Classification. 2. Description de la maltraitance : Les formes incidentes. 2.1. Caractéristiques générales. 2.1.1. Fréquence. 2.1.2. Formes incidentes de découverte secondaire. 2.1.3. Formes répétées, formes isolées. 2.2. Description du fait maltraitant. 2.2.1. Maltraitance physique. 2.2.2. Maltraitance sexuelle. 2.2.3. Maltraitance psychologique. 2.2.4. Négligences graves. 6 2.3. Sémiologie des formes incidentes. 3. Prévalence de la maltraitance, comparaison aux résultats de l’ODAS : Les formes catégorielles. 3.1. Généralités. 3.1.1. Prévalence. 3.1.2 Troubles associés. 3.1.3. Répartition selon le sexe de l’enfant. 3.1.4. Répartition selon l’âge. 4. Les formes isolées. 4.1. Prévalence. 4.2. Troubles associés. CHAPITRE V UNE SEMIOLOGIE SPECIFIQUE DE LA MALTRAITANCE……………………………………… 67 1. Etablissement d’un score global « troubles du comportement ». 2. Profils symptomatiques. 2.1. Symptômes isolés. 2.2. Syndromes. 2.2.1. Introduction. 2.2.2. Résultats. CHAPITRE VI SOINS ET EVOLUTION……………………………..73 1. Comparaison entre les modes de prise en charge existantes avant 2. L’admission et celles mises en place lors du séjour en institution. 1.1. Maltraitance globale. 1.2. Selon le type de maltraitance. 1.3. Soins prodigués durant le séjour en institution : Comparaison entre enfants maltraités et non maltraités. 2. Questions posées sur le devenir des enfants. 2.1. Commentaires introductifs. 2.2. L’orientation de l’enfant à la sortie des centres d’accueil de l’aide sociale (foyers). 2.3. Le statut « socio-juridique ». 3. Evolution du comportement de l’enfant au cours du séjour. 4. Les soins. CONCLUSION. …………………………………………………………….… 79 7 8 INTRODUCTION : Les objectifs de l’étude Cette recherche est le premier volet d’un projet plus vaste ayant pour objet l’étude des conditions de la répétition des phénomènes de violence par le sujet lui-même ainsi que de leur reproduction d’une génération à l’autre. Depuis plus d’une décennie la maltraitance est devenue un sujet extrêmement médiatisé qui suscite de nombreuses prises de positions passionnelles. A coté de très nombreux articles cliniques il n’existe en France qu’assez peu d’études de nature épidémiologique. Elles seules pourtant permettent de valider les intuitions cliniques et d’ailleurs parfois de les infirmer. Toutefois ces deux types d’études ne se recouvrent que partiellement. L’étude clinique a pour objet un individu, l’étude épidémiologique la distribution de certaines variables dans une population. Des conclusions hâtives, notamment dans le champ de la maltraitance, sont parfois tirées lorsque les conclusions d’études cliniques portant sur quelques sujets sont étendues et généralisées à une population entière ou bien à l’inverse quand les résultats de recherches menées sur une population sont appliqués sans discernement à un quidam quelconque. Notre champ d’étude est ici précis et limité. Effectuée dans neuf foyers de l’enfance notre recherche répond à plusieurs objectifs : Rendre compte de la fréquence et des caractères socio-démographiques des enfants maltraités présents au sein de ces structures Déterminer leur mode de prise en charge psychosociale Rechercher les facteurs de risque spécifiques de la maltraitance Rechercher une spécificité de la symptomatologie de la maltraitance en tenant compte du facteur de précarité. Son originalité et sa spécificité, tout au moins en France, consistent à utiliser des méthodes statistiques fiables, sur une population suffisamment étendue, en définissant clairement les variables exploitées. Pour cela nous avons procédé par une étude avec groupe de comparaison. Elle nous a permis de mieux cerner la réalité d’une population particulière d’enfants maltraités : ceux séparés de leurs parents et placés en foyer de l’enfance en les comparant à ceux placés pour d’autres motifs. Un autre élément original est l’étude sur une période assez étendue des comportements de l’enfant, non pas en une séance isolée ou rapportée par des adultes non professionnels et impliqués (parents ou enseignants) mais par une équipe de professionnels et pour un nombre bien plus important que les quelques échantillons cliniques d’enfants hospitalisés souvent décrits. Les questionnaires anonymes ont été complétés par une fiche de sortie ayant pour objet de rendre compte de l’évolution des symptômes 9 somatiques ou psychiques de l’enfant placé. Le questionnaire précise donc le type d’environnement familial. Il recherche l’existence d’un suivi social ou une aide éducative antérieure au placement et note si un signalement en est à l’origine. La maltraitance dont a été victime l’enfant est documentée en distinguant la maltraitance physique, sexuelle, psychologique et les négligences graves. Chaque type de maltraitance est défini par un certain nombre d’items précisant à chaque fois s’il s’agit d’une maltraitance signalée ou suspectée, isolée ou répétée. Le questionnaire évalue le comportement de l’enfant à son admission dans le foyer et à sa sortie (sommeil, alimentation, troubles sphinctériens, inhibition, instabilité, agressivité, ....) ainsi que les facteurs de risque associés tels l’existence d’une prématurité, d’un handicap ou d’hospitalisations répétées. Cette étude nous permet de mieux définir les caractéristiques de la maltraitance, d’en évaluer la prévalence, mais aussi au travers des résultats obtenus, d’interroger les définitions de la maltraitance qui nous servent de référence. L’analyse comparative du groupe des enfants placés maltraités, versus les enfants placés non maltraités, nous permet de rechercher d’éventuels facteurs prédisposant à la maltraitance et d’évaluer si certains signes cliniques sont particulièrement évocateurs d’une maltraitance sous-jacente. 10 CHAPITRE I METHODOLOGIE 11 12 METHODOLOGIE 1. Zone de l’enquête et recrutement. Etude comparative. Cette étude a été menée sur l’ensemble de la population infantile âgée de 0 à 16 ans, ayant été maltraitée ou non, présente dans 9 foyers de « l’Aide Sociale à l’Enfance » du 01 au 30 mai 1997. Les renseignements recueillis représentent une sorte de photographie – à temps de pose élevé - de cette population d’enfants placés, pour des séjours en principe relativement brefs dans un foyer avant une nouvelle orientation pour un établissement, une famille d’accueil ou le retour au domicile. Pour que notre échantillon soit représentatif, nous avons choisi, grâce au concours de l’ANPASE, des foyers sur l’ensemble de la France ayant un recrutement rural, semi-rural et urbain. Les foyers ont des tailles et des durées de séjours variables. Une sélection rigoureuse nous a conduit sur 742 réponses à ne retenir que 601 dossiers (81%) qui seront exploités. L’originalité de cette étude est d’utiliser un groupe de comparaison formé par les enfants placés non maltraités (240 enfants), comparé au groupe d’enfants placés et maltraités (361 enfants). Ce groupe de comparaison d’enfants placés et non maltraités est considéré comme groupe d’enfants à risque selon les critères de définition de l’O.D.A.S. : ils connaissent des conditions d’existence mettant en danger leur santé, leur sécurité, leur moralité, leur éducation ou leur entretien mais ne sont pas pour autant maltraités. Ces deux groupes ont comme variable commune le placement et probablement la précarité sociale et/ou économique. Nous vérifierons cette hypothèse avant de comparer pour les autres variables le groupe d’enfants à risque placés non maltraités à celui des enfants placés et maltraités. 2. Mode de recueil des données. Etude diachronique Les données ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire. Ce dernier a été élaboré par le groupe de recherche de l’ANPASE dont chacun des membres exerce une activité professionnelle qui les met en contact avec cette population d’enfants en souffrance : psychiatres d’enfants et d’adolescents, psycho-sociologue, directeur de foyer de l’enfance. Il a été établi à partir des données de la littérature sur la maltraitance et a conservé les définitions que l’O.D.A.S propose de la maltraitance. La passation de ce questionnaire a été établie sous la supervision générale du groupe de recherche. Selon les foyers il était rempli par l’éducateur référent de l’enfant placé ou bien par le chef de service, en collaboration avec le psychologue ou le psychiatre travaillant au sein de ces établissements. Ce questionnaire a fait l’objet au préalable 13 d’une étude de faisabilité et d’une harmonisation dans sa cotation entre les différents foyers (étude de la fiabilité interjuges). Les renseignements ont été recueillis à deux moments : durant le séjour de l’enfant et au moment de sa sortie. Ces éléments permettant d’observer l’évolution socio-clinique de l’enfant constituent aussi une caractéristique tout à fait originale. Seuls quatre foyers ont participé à cette étude et les résultats portent sur 211 dossiers. 3. Variables du questionnaire 3. 1. Variables socio-économiques L’âge de l’enfant, de ses parents, la description de la structure de la famille et le milieu socio-économique selon la classification de l’INSEE nous permettent de vérifier si les deux groupes d’enfants placés, maltraités ou non, sont comparables notamment en ce qui concerne la précarité sociale et/ou économique. 3. 2. Interventions socio-juridiques Nous recherchons si les enfants maltraités bénéficient d’une prévention plus grande et quelle en est son efficacité. Les acteurs des signalements sont alors repérés. Nous comparons le statut juridique des enfants placés en essayant d’analyser s’il paraît justifié. Nous rechercherons qui sont les acteurs de la maltraitance et dans quels cas l’acte de maltraitance fait l’objet d’une poursuite pénale. Nous analyserons, enfin, d’où proviennent les enfants avant leur placement, qu’ils aient été maltraités ou non. 3.3. Définition des « catégories » utilisées pour l’analyse statistique de la maltraitance. La définition générale de la maltraitance est celle de l’O.D.A.S. Nous avons considéré quatre grands types de maltraitance : physique, sexuelle et psychologique ainsi que les négligences graves. Toutefois la maltraitance est rarement isolée : différents aspects de la violence faite aux enfants sont généralement présents conférant aux classifications un caractère arbitraire. Pour une meilleure description de certains items, nous décrivons les formes incidentes qui peuvent s’associer chez le même enfant, les formes isolées, uniques chez un même enfant, et les formes catégorielles permettant des études statistiques et une compréhension dynamique du phénomène (voir paragraphe suivant). 3. 4. Facteurs de risque Le questionnaire recherche, dans l’histoire de l’enfant les facteurs de risque souvent décrits pour la maltraitance. Les uns peuvent affecter le processus de mise en place des liens d’attachement (prématurité, hospitalisations, séparations précoces parents/enfant), les autres sont liés au processus de développement de l’enfant (déficit intellectuel ou 14 handicap moteur). Nous examinons aussi l’existence de vaccinations obligatoires faisant l’hypothèse qu’elle représente un marqueur des soins précoces. Enfin, l’existence de certains troubles chez les parents ou bien d’antécédents de maltraitance ou de placements durant l’enfance sont aussi mis en évidence. Des liaisons entre chaque facteur de risque et chaque type de maltraitance sont recherchées. 3. 5. Clinique des enfants maltraités L’analyse des symptômes présentés par les enfants placés non maltraités et par les enfants placés maltraités permet de répondre à la question de l’existence d’une symptomatologie spécifique des enfants maltraités. L’analyse clinique recherche des symptômes fonctionnels (trouble du sommeil, troubles alimentaires et troubles sphinctériens), des symptômes comportementaux (instabilité / inhibition, hétéroagressivité / autoagressivité, tentative de suicide, conduites à risque), des symptômes relationnels (comportement de victimisation, comportement sexuel inapproprié) et des éléments développementaux et / ou cognitifs (retard de développement, retard scolaire). 3.6. Prise en charge des enfants maltraités Nous recherchons par le questionnaire s’il existe des spécificités dans la prise en charge des enfants maltraités et à quel moment de leur parcours elles sont mises en place 4. Les différentes formes de maltraitance. 4.1. Existence. L’existence de la maltraitance est retenue sur deux critères : ou bien elle est le motif explicite et officiel du placement, que la nature détaillée des faits soit, ou non, précisée - ce qui correspond à la catégorie des maltraitances signalées ou bien elle est reconnue par l’équipe psychosociale sur les critères définis plus loin - ce qui correspond à la catégorie des maltraitances de découverte secondaire ou suspectée. La description des faits maltraitants dans chaque catégorie nous permettra d’évaluer quelle est la connaissance des faits de maltraitance par les équipes éducatives. Pour chaque manifestation maltraitante il sera précisé si elle est isolée ou répétée. Le groupe de recherche pourra aussi apprécier quel type de maltraitance est « judiciarisé » et si on peut établir une distinction entre les formes de maltraitance isolée et celles qui sont répétées. 4.2. Nature du fait maltraitant Nous rappelons que l’existence d’une maltraitance comme sa « nature » est attestée dés lors qu’elle figure dans le motif officiel du placement (notification judiciaire ou administrative). La nature du fait 15 maltraitant peut aussi être déterminée par l’observation ou le recueil de données propre à l’enquête. Elle doit alors correspondre à la description détaillée ci-dessous. La maltraitance physique est définie par l’existence des signes suivants, s’ils résultent d’actes de violence : Ecchymoses ou hématomes. Brûlures ou autres lésions thermiques Cicatrices, plaies ou autres signes cutanés. Alopécie. Fractures (cliniques et/ou radiologiques) Signes d’atteinte neurologique en lien avec une maltraitance physique . La maltraitance sexuelle est précisée par l’existence de pénétration et/ou d’attouchements. Il sera explicité si ceux ci sont génitaux ou extra génitaux. Toute utilisation de l’enfant ayant pour but de satisfaire le désir sexuel d’un tiers étant interprétée comme une violence sexuelle. Nous avons donc aussi retenu les violences sexuelles sans attouchement : exhibition de l’enfant ou devant l’enfant, participation à des films pornographiques, etc. L’existence d’une violence en groupe et les différences d’âge avec l’abuseur (plus ou moins de 5 ans) ont été recherchées. La maltraitance psychologique est définie par les signes suivants : Dévalorisation systématique Humiliations verbales et non verbales, Menaces verbales répétées, Isolation systématique (retrait de la vie sociale, enfermement), Exigences disproportionnées pour l’âge de l’enfant, Injonctions éducatives contradictoires et impossibles à respecter dans un climat de menace ou de dévalorisation. Pour les cas litigieux l’intensité, la fréquence et le retentissement des différentes modalités éducatives ont été prises en compte. Nous avons retenu concernant les négligences graves les items suivants : 16 La dénutrition (par défaut de soins ou d’alimentation), Le retard staturo pondéral en lien avec une carence L’absence de soins médicaux alors que la santé de l’enfant le justifiait, L’absentéisme scolaire injustifié de plus de trois mois Le caractère extrêmement flou des définitions de la négligence nous à conduit à poser une question ouverte permettant au travailleur social, à l’éducateur ou au psychologue de préciser à quel titre la négligence grave a été retenue. 4.3. Les différentes classifications de la maltraitance : catégorielle, isolée, incidente. La difficulté à caractériser la nature d’un comportement maltraitant dès lors que plusieurs formes de maltraitance sont associées chez le même enfant nous a conduit à créer trois variables pour apprécier au mieux le retentissement spécifique à chacune des formes. La maltraitance dite catégorielle se réfère intuitivement à la maltraitance « principale ». Elle semble proche de celle utilisée par exemple en France dans les statistiques de l’ODAS bien que cet organisme, à notre connaissance, n’explicite à aucun moment comment il a caractérisé la maltraitance principale quand plusieurs formes étaient associées. Nous avons choisi de regrouper les catégories de maltraitance selon les critères suivants : « Sexuelle » désigne toute forme d’agression sexuelle commise sur le mineur, même si une autre forme de maltraitance y est associée (psychologique, négligences graves, physique). Nous ne méconnaissons pas pour autant que la violence physique puisse accompagner la violence sexuelle et que toute forme d’agression sexuelle commise est aussi une agression psychologique. « Physique » désigne toute forme de maltraitance physique isolée ou associée à une maltraitance psychologique ou des négligences graves. Si la maltraitance physique est associée à une maltraitance sexuelle, elle sera par contre désignée par la catégorie « maltraitance sexuelle ». « Psychologique » sur le même principe désigne la maltraitance psychologique isolée ou associée à des négligences graves. « Négligences graves » désigne des formes isolées de maltraitance par négligence. Si elles sont associées à une maltraitance sexuelle, physique ou psychologique, elles en sont considérées comme un « co-facteur » et classées selon les critères précédemment établis dans la catégorie « sexuelle », « physique » ou « psychologique ». 17 La maltraitance isolée désigne toute forme de maltraitance qui survient isolément chez un enfant. Elle appartient par définition à une des quatre catégories précédemment définies (sexuelle, psychologique, physique ou négligences graves). Les formes incidentes font référence à une composante du comportement maltraitant, qu’il soit isolé ou non. Contrairement aux formes précédentes, isolée et catégorielle, elles ne sont pas exclusives l’une de l’autre chez un même enfant. Ainsi par exemple pour un enfant maltraité physiquement et sexuellement, sans maltraitance psychologique caractérisée ou négligences graves, on comptabilisera une forme incidente de maltraitance physique, une forme incidente de maltraitance sexuelle mais aucune de négligences graves ou de maltraitance psychologique. Que toute violence sexuelle ou physique s’accompagne intrinsèquement de violence psychologique n’est pas prise en compte s’il n’existe pas d’autres violences psychiques caractérisées associées. 5. Traitement statistique de l’étude Eléments de validité. 5.1. Les tests statistiques Une analyse des données manquantes a d’abord été menée pour chaque item du questionnaire. Des taux de non-réponses ont été calculés en distinguant le manque d’information (réponse : « ne sais pas ») de l’absence de réponse. Des taux de non-réponse par groupe (enfants maltraités et enfants non maltraités) ont également été calculés et comparés pour chaque item (maltraités versus non maltraités). Les tests statistiques utilisés sont le test de X2 ou le test exact de Fisher selon les effectifs. L’analyse comparative des enfants maltraités versus les enfants non maltraités a ensuite été effectuée en excluant les données manquantes. Les tests utilisés sont le test t de Student pour les items quantitatifs (comparaison de moyennes) et le test de x2 (ou le test de Fisher) pour les items qualitatifs. La formulation des tests est bilatérale et le seuil de significativité a été fixé à 5%. La recherche d’une différence significative de la fréquence des troubles entre le début de l’étude et la sortie du foyer chez les enfants maltraités a été évaluée par le test de Mc Nemar. 5.2. Nettoyage du fichier et données manquantes Les dossiers dont l’information sur la maltraitance elle-même était manquante ont été éliminés. Le pourcentage des données manquantes a été systématiquement relevé pour chaque variable et comparé entre les groupes maltraités et non maltraités. 5.3. Calcul des scores 18 Le score « troubles du comportement »a été calculé pour tous les items où le nombre de valeurs manquantes est faible afin d’obtenir un recueil exhaustif pour les items choisis. Nous avons calculé le score pour 469 dossiers sur 601 exploités à partir des items suivants, chacun étant coté également « 1 » : Tableau : score TC Troubles du sommeil (1) et troubles du comportement alimentaire(1) Instabilité psychomotrice(1) Inhibition(1) Comportement hétéro–agressif (1), comportement auto-agressif (1), tentatives de suicide(1), conduites à risque(1) comportement de victimisation(1) Comportement sexuel inapproprié (1), comportement sexuel actif sur un autre enfant(1) Toxicomanie(1) Retard scolaire (plus de deux redoublements) (1). TOTAL 2 1 1 5 2 1 1 13 19 20 CHAPITRE II DONNEES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES 21 22 GENERALITES. 1. Qualité du recueil de données La totalité des enfants présents au sein des foyers durant la période considérée (un mois dans l’année 1997) ont été inclus. Sur 742 dossiers initiaux 141 ont été éliminés car l’information portant sur la maltraitance était manquante ou bien un grand nombre de données était inexploitable. Dans l’enquête de suite, analysant le comportement des enfants tous les dossiers ont pu être exploités. Parmi les dossiers retenus le nombre de valeurs manquantes était plus élevé pour toutes les variables chez les enfants non maltraités. Très souvent cette différence était significative, notamment concernant les données socio-démographiques et la plupart des données d’ordre psychologique ou comportemental. Cette constatation a été interprétée, au moins pour partie, comme le résultat indirect de la pression judiciaire portant sur les situations de maltraitance mobilisant pour la recherche de ces données les intervenants sociaux et les administrations. Le manque d’informations était inégalement réparti, plus important au sein de certains centres. 2. Présentation de l’échantillon et constitution des deux groupes de comparaison. L’échantillon observé comporte 601 enfants dont 283 filles soit 47% et 318 garçons soit 52,9%. Compte tenu du fait qu’il naît chaque année environ 105 garçons pour 100 filles, la répartition des enfants placés montre une légère sur-représentation des garçons (+1,7%). Les enfants non maltraités, au nombre de 240, représentent 40% de l’échantillon, contre 60% pour les enfants maltraités au nombre de 361. En conséquence, la maltraitance apparaît comme la première « cause » de placement au foyer de l’enfance, que cette maltraitance soit physique, psychique, sexuelle, unique ou multiple. Cependant il est certain que l’étude a renforcé le repérage de la maltraitance. Aux cas officiellement signalés se sont ajoutés les maltraitances découvertes en cours de séjour, ou bien, pour des maltraitances connues la reconnaissance de faits de maltraitance non signalés lors de l’admission. 23 Nous comparons dans l’analyse des résultats le groupe d’enfants placés maltraités (N = 361) au groupe d’enfants placés non maltraités (N = 240), intitulé « groupe de référence » ou « de comparaison ». Lors de l’analyse statistique les résultats seront dits significatifs pour une valeur de p<0,05 et notés (*), très significatifs pour p<0,01 et notés (**) et extrêmement significatifs pour p<0,001 et notés (***). Dans les autres cas ils seront dits non significatifs et notés (NS). 24 L’EXISTENCE D’UNE MALTRAITANCE. 1. Selon le sexe. Pour les enfants maltraités, nous trouvons 49,9% de filles et 50,1% de garçons. Aucune différence significative n’est mise en évidence avec le groupe de comparaison (enfants non maltraités). 2. Selon l’âge. Les enfants non maltraités sont (p<0,01) en moyenne admis plus jeunes dans les foyers (6,5 ans) que les enfants maltraités (7,8 ans). L’âge d’admission en foyer n’est pas obligatoirement celui de la maltraitance mais le plus souvent celui de la révélation des actes. 3. Selon la structure des familles 3.1. Familles recomposées. Les deux tiers des enfants placés appartiennent à des familles « classiques » (66,6%), un tiers (33,3%) à des familles recomposées définies ainsi : « Nouvelles alliances après séparation des parents, avec ou sans remariage, avec vivant au domicile, partie ou totalité des enfants du nouveau conjoint » au moins pour leur mode de vie habituel. Les mères vivant avec les enfants de différents concubins, ont souvent été incluses parmi les « familles recomposées » tant que la mère vivait ou déclarait vivre en couple. Toutefois dans l’intermédiaire des remaniements, de ces familles instables en milieu précaire, à en croire nos statistiques, « famille monoparentale » aurait mieux convenu. Il n’existe pas de différence statistiquement significative dans l’organisation familiale, selon ce critère, entre enfants maltraités et non maltraités. Rien donc ne permet de penser qu’il existerait une augmentation du risque de maltraitance associée au seul fait d’appartenir à une famille recomposée. 3.2. L’environnement familial. L’environnement familial diffère globalement et de manière significative (p < 0,001) entre enfants maltraités et non maltraités. Ces différences tiennent à de multiples facteurs dont le placement d’enfants non maltraités directement à partir des services de néonatalogie ou de maisons familiales (incluant centres maternels). 25 Tableau I : Environnement familial des enfants placés en % (p < 0,001) Environnement familial mère et père mère seule mère et concubin* père seul père et concubine* famille d'accueil maison familiale néonatologie autres TOTAL Maltraités N=361 32,4 31,3 14,7 Non maltraités N=239 26,4 30,1 12,1 Ensemble N=600 30 30,8 13,7 3 6,6 3,8 1,3 3,3 4,5 3,9 5,4 4,5 1,7 5 3 0,8 5,5 100 7,9 7,9 100 3,7 6,5 100 *sont inclus ici les (nouveaux) époux si une légalisation de la situation a été effectuée. Seulement 30% des enfants vivaient au moment de la décision de placement avec leurs deux parents. La répartition, précisée dans le tableau ci-dessus montre, résultat étonnant en première instance, que les enfants maltraités vivent plus souvent avec leurs deux parents que les autres enfants accueillis en foyer. Nous constatons que la structure familiale dite classique ne s’avère pas plus protectrice pour les enfants puisque nous y trouvons aussi plus d’enfants maltraités. Parmi les parents d’enfants placés demeurant en couple, la maltraitance représente 65% des motifs de placement. Si aucune spécificité ne peut être mise en évidence pour les couples mère et concubin on remarquera que parmi les enfants placés vivant avec leur père et une concubine la très grande majorité est maltraitée. 30,8% des enfants placés se trouvait avec la mère seule sans que cela entraîne une majoration du risque de maltraitance. Très peu d’enfants vivaient avec leur père seul (3,3%), ce qui n’est pas surprenant puisque la plupart des jugements de séparation du couple conjugal confient l’enfant à la mère. En ce qui concerne la présence de familles d’accueil dans l’échantillon, les informations ne sont pas suffisantes pour préciser dans quelle proportion il s’agissait d’un placement d’urgence en famille d’accueil avant l’arrivée au foyer de l’enfance, d’un échec de placement ou bien d’un passage à l’acte de type maltraitant de la part des familles d’accueil. En conclusion, la structure sociale, juridique de la famille ne peut rendre compte du climat familial. Des services tels que la SNATEM (service national d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée) ou l’aide sociale à l’enfance de Paris font état de 13 à 14 % de conflits conjugaux 26 mentionnés en 1993, chez des parents cohabitant appelant pour un acte de maltraitance. Notre étude confirme la nécessité de ne pas prendre en compte la seule structure juridique de la famille (mariées/recomposées), mais de lui associer systématiquement l’environnement domestique réel, étant donné la variété des situations. 4. Selon l’âge des parents Les données que nous possédons sont plus complètes pour les parents maltraitants toujours mieux connus des institutions. Les pères des enfants maltraités sont significativement plus âgés (41ans en moyenne) que les pères des enfants non maltraités (38 ans). Mais nous rappellerons que les enfants maltraités étaient en moyenne plus âgés de 1,3 ans que les non maltraités. A l’inverse nous ne notons aucune différence entre les mères des enfants qu’ils soient ou non maltraités. 5. Selon la taille des familles La taille des familles semble jouer un rôle non négligeable si l’on compare la population des enfants placés pour maltraitance et celle des enfants placés non maltraités. L’écart des moyennes entre les deux populations est de 0,41. En grossissant le trait on peut considérer qu’environ 4 enfants (3,67) demeurent au domicile de l’enfant maltraité (fratrie et pseudo fratrie) et 3 (3,28) dans les autres cas. Cette différence est significative (p<0,05). Une analyse par classe, plus indicative (p< 0,01), fournit le tableau suivant : 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 40 40 29 29 21 17 1 Maltraités Non maltraités 14 10 2 ou 3 4 ou 5 6 et plus Tableau II : nombre total d’enfants vivant au domicile en % Par contre, il n’existe pas de différence significative dans la taille des fratries issues des deux même parents entre enfants maltraités (2,7) et non maltraités (2,6). La taille élevée des familles est donc probablement due à la combinaison de deux facteurs : fécondité élevée et présence au domicile d’enfants d’autres alliances. On remarque en effet l’importance des grandes fratries dans la population globale des enfants placés, maltraités ou non, phénomène tout à fait atypique si l’on considère que le taux actuel de fécondité en France est de 1,7. 27 Par ailleurs le rang dans la fratrie issue de même père et mère ne distingue pas significativement les deux populations. 46,7% des enfants maltraités et 49,1% des autres enfants placés sont les aînés. 6. Selon le statut socioprofessionnel. 6.1 L’emploi des pères La sous information est la première donnée qu’il nous faut signaler pour caractériser la profession des pères et mères. En effet, pour 41% des pères d’enfants non maltraités contre 27% des pères d’enfants maltraités (p<0,001) il n’existe pas de données le concernant. Le père est mal identifié, mal repéré, pour des raisons diverses : silence de la mère, disparition du père, mais aussi focalisation plus grande des travailleurs sociaux sur le visage de la mère, absence de réflexe visant à identifier le père, à l’interpeller comme tel. Tableau : Activité professionnelle des pères en %. Activité professionnelle Agriculteur Artisan, commerçant Profession libérale Fonction publique (enseignant, administratif) Employé d'entreprise Ouvrier Retraité Scolaires, apprentis Chômeur Inactifs Maltraités 1,5 0,4 0,8 1 Non maltraités 0 2 0,5 2 Ensemble 1 1 0,5 1,5 10 9 10 36 0,8 1,9 22 25 27 0,7 2,3 27 29 33 0,7 2,2 24 26 Le modèle dominant des pères des enfants placés est celui du père sans travail, inactifs (26,4%) et chômeurs (23,7%) représentant 50,1% de la population globale. Nous ne pouvons préciser s’il s’agit d’un chômage de longue durée ou d’une inactivité ancienne doublée du statut d’adulte handicapé. A l’évidence, si l’on considère que le taux de chômage en France est de 12 à 13%, l’on constate une plus grande précarité des pères de notre échantillon. Si donc la population des pères des enfants placés apparaît très précaire, il faut noter que cette précarité est légèrement moindre pour les pères d’enfants maltraités (inactifs : 25% et chômeurs 22%) que pour les pères d’enfants non maltraités (29,1% et 27%). Ce résultat est à la limite de la signification (p = 0,06). Ce n’est donc pas une plus grande précarité sociale qui peut expliquer les passages à l’acte. Globalement les ouvriers (66%) et les employés (20%) représentent la grande majorité des actifs. Sur la courbe de l’activité professionnelle nous constatons une grande similitude entre les deux groupes avec toutefois plus d’actifs chez les pères d’enfants maltraités. 28 Tableau : emploi des pères 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Maltraités Non maltraités Ina Agr Art Lib Fonc Emp Ouv Ret Chô Sco 6.2 L’emploi des mères. La précarité des mères est encore plus flagrante. Elle est mieux repérée par les travailleurs sociaux puisque l’absence de données la concernant n’est que de 12%. La mère est massivement inactive (72,5%) ou au chômage (12,8%). Là encore on note une disparité entre les deux populations concernant l’inactivité mais elle n’est pas statistiquement significative : plus de femmes actives (15 contre 10%) chez les mères d’enfants maltraités. Cette inactivité des mères est totalement atypique avec l’évolution de la femme de nos jours. Il faut en effet se rappeler que le taux d’activité des femmes est aujourd’hui en France de 77 à 79% selon les tranches d’âge. En 1994, près de quatre femmes sur cinq, âgées de 25 à 44 ans, occupent un emploi ou en recherchent un. Les mères des enfants placés qui travaillent sont donc rares (13%). Elles sont surtout employées (7,5%) et ouvrières (3,6%) dans des proportions semblables pour les deux populations. Les données dont nous disposons concernant le système d’aides dont elles peuvent bénéficier sont insuffisantes pour permettre une étude des conditions de vie et des revenus réels. Il faut noter que le statut professionnel de la mère ou son inactivité n’a statistiquement pas d’influence sur la donnée maltraitance. Cette variable sociologique ne permet pas de différencier les deux populations d’enfants. Au total, l’hypothèse se trouve vérifiée d’une précarité globale des familles des enfants placés. Isolement et précarité économique sont particulièrement présents : l’échantillon global des enfants placés comprend au moins 34% de familles monoparentales, 10% d’enfants élevés en institution ou en famille d’accueil. Seuls 44% des enfants sont élevés par deux adultes dont 30% par leurs parents. Pour 30% des pères le statut socioprofessionnel est inconnu. 85% des mères et 50% des pères au statut connu sont sans emploi. Parmi ceux qui ont une activité la catégorie des ouvriers et employés est très majoritaire. 29 30 CHAPITRE III LE STATUT DES ENFANTS 31 32 LE STATUT DES ENFANTS Les enfants placés maltraités et non maltraités sont deux populations à la frontière ténue. Bien que nous ayons un fort taux de réponses (97,5%) concernant les motifs du placement leur très grande hétérogénéité ne nous autorise pas une étude comparative en dehors de l’existence ou non d’une maltraitance. Les principaux motifs de placement cités pour la population globale (maltraités et non maltraités) sont l'absence de famille fiable (16%), la maladie grave physique ou mentale (9%), la violence ou l'enfant laissé seul (près de 7% des cas), la précarité (6%), le conflit parental (4%). On met en évidence une discrète tendance à mettre en avant chez les enfants maltraités, les notions d'abandon et de négligences graves ou de carence et, parmi les enfants non maltraités les notions de précarité et maladie. Néanmoins, à l'évidence, la frontière est fragile entre ces deux populations, nécessitant une meilleure approche des facteurs de risques, et surtout une définition plus fine et plus systématisée des motifs de placement. 1. Les interventions socio-juridiques contemporaines du placement : Un phénomène massif de judiciarisation Nous disposons de données précises concernant le statut des enfants au moment de l’admission (99,2% de réponses). 1.1 Les mesures de garde. Parmi la totalité des enfants placés, nous constatons que 70,8% d'entre eux le sont en garde provisoire et ont donc fait l'objet d'une mesure de protection judiciaire, contre seulement 25,7% de mesures administratives en accueil provisoire. Ces résultats confirment une tendance globale à l'intervention de la justice. Les enfants maltraités sont plus souvent (p<0,001) placés à la demande du juge (82,3% contre 53,8% pour les enfants non maltraités), ce qui en soi est logique et révèle un renforcement de la protection dans des situations critiques. L'on pourrait davantage s'étonner du fait que 15,7% des enfants maltraités soient accueillis avec une simple mesure administrative. Si l’on examine la répartition selon le type de maltraitance des enfants accueillis selon ce mode nous constatons que celui-ci est un peu plus fréquent en cas de négligences graves (32% des cas), un peu moins pour la maltraitance psychologique (29%) et physique (25%), rare pour la maltraitance sexuelle (14%). 33 Tableau I : Type de mesure de garde à l’admission en % (p<0,001) Statut de l'enfant Accueil provisoire Garde provisoire Autres Total Maltraités En % 15,7 Non Maltraités En % 40,4 Total En % 25,7 82,3 53,8 70,8 2 100 5,8 100 3,5 100 1.2. Les poursuites pénales. Si la justice intervient beaucoup dans la décision de placement, elle exerce moins souvent une action pénale, à ce stade qu’est le placement de l’enfant. Seuls les enfants maltraités sont concernés par ces actions. 22% des enfants maltraités ont fait l'objet d'une enquête pénale dont 15% sont en cours d’instruction, 7% classées sans suite, 0,6% assorties d’un non-lieu et 4% d’une condamnation. On remarquera que dans notre échantillon n’ont fait l’objet d’une poursuite au pénal que les maltraitances « objectives », 25% des violences physiques et 50% des violences sexuelles. Les maltraitances psychologiques ainsi que les négligences graves semblent prises en compte uniquement lorsqu’elles accompagnent une forme de maltraitance plus accessible à la répression. 2. Les antécédents : des signalements antérieurs répétés La décision de placement est à l'évidence une décision de dernier recours, qui n'intervient qu'après plusieurs signalements ou après des mesures éducatives en milieu ouvert. En effet, la moitié des enfants placés (54,4%) avaient été suivis avant leur placement, c’est à dire bénéficié d’une mesure d’observation ou d’assistance éducative. 2.1. Existence de mesures au moment du placement. Il s’agit des mesures débutées avant le placement ayant toujours cours au moment du placement, ou bien plus rarement de mesures initiées de manière conjointe. Les enfants maltraités (63,5%) ont significativement (p<0,001) plus que les autres (40,3%) bénéficiés d’un suivi antérieur à leur placement comme en témoignent les pourcentages de mesures existant au moment du placement. Ce sont donc des enfants le plus souvent connus des services de protection. L'absence d'indications précises sur le temps écoulé entre la date du premier signalement et la date du placement ne nous permet malheureusement pas d'évaluer la réactivité des services. De même, des difficultés d'articulation entre les services, entraînent une perte d'informations sur la teneur des mesures exercées avant le placement. 34 2.2. Nom et type de la mesure immédiatement antérieure au placement. Si les intervenants sociaux savent quand l'enfant a bénéficié d'un suivi, ils ne savent pas toujours en quoi consistait la mission de prévention. Le taux de non-réponses augmente donc de près de 50% sur cet item. Pour l’ensemble des enfants placés ayant bénéficié d’un suivi antérieur lorsque le nom de la mesure est connu, il s'agit dans 80,5% des cas d'une AEMO, plus souvent judiciaire (77%) qu’administrative (22,8%). Elle est encore plus souvent judiciaire pour les enfants maltraités (80%). Figure : Type de mesure antérieure au placement en % (p<0,05, N = 292) 80 70 60 50 40 30 20 10 0 80 67 Adm 31 Jud 20 Maltraités Non maltraités (Le total des mesures pour les non maltraités est inférieur à 100 car 1,5% sont placés pour un motif « thérapeutique ») 67,2% d'enfants non maltraités ont bénéficié d'une mesure d'intervention lourde, judiciaire, alors que dans le même temps, 19,6% des enfants maltraités (soit : 36 enfants) n'auraient eu qu'une AEMO administrative. Si l'on considère que le rappel de la loi est nécessaire dans les cas de maltraitance et se doit d’être réduit au minimum en son absence, on mesure l’écart avec la réalité des chiffres. La réponse sociale face à une situation familiale critique prête donc à discussion. 2.3. Signalements antérieurs pour l’enfant placé. Si 63,5% des enfants maltraités étaient suivis antérieurement à leur placement, l'on peut noter que 53,7% d'entre eux avaient également fait l'objet d'un signalement – quel que soit le motif - contre seulement 21,0% des enfants non maltraités (p<0,001) et dans plus d'un tiers des cas d'autres enfants de la fratrie étaient concernés. Au total, le contexte familial est donc bien perçu comme étant à risques, ce qui doit nous amener à être vigilants sur les signes d'alerte, à ne pas les minimiser ou les banaliser, voire à réagir avant que la répétition de l'acte maltraitant ne s'installe. On ne peut qu'alerter sur le manque d'articulation entre les services et constater les difficultés pour dater le premier signalement. Au-delà des quatre dernières années, les informations disparaissent, et nous n'avons des renseignements utilisables que pour 116 enfants maltraités sur 361. Cette absence de 35 continuité pose bien sûr la question de l'histoire de l'enfant : qui en sera le garant ? 2.4. Le signalement initiateur du placement pour « maltraitance ». Un signalement antérieur explicitement pour maltraitance a motivé le placement actuel de 51% des enfants maltraités et de seulement 1% des enfants placés non maltraités. Ce chiffre de 1% peut être interprété diversement et notamment comme le fruit d’une erreur du premier signalement ou la fin d’une maltraitance effective au moment du placement. La maltraitance dans les autres cas (43%) a été découverte postérieurement au signalement qui avait été autrement motivé 2.5. Signalements pour maltraitance sur d’autres enfants de la famille. Pour 39% des enfants maltraités contre 6% des non maltraités (p<0,001) un signalement antérieur avait été effectué pour un autre enfant de la fratrie (au sens large). 3. Les acteurs du signalement Sur l'ensemble de la population des enfants placés, les signalements émanent dans près de ¾ des cas des services sociaux (73,3%). Les services médicaux (18,3%) et l'Education Nationale (12,8%) sont également présents, mais à un moindre degré soit parce qu'ils alertent eux-mêmes les services sociaux, soit parfois pour d'éventuelles réticences à signaler. Le signalement par la police ou la gendarmerie reste marginal (4,6%), tandis que la famille intervient elle-même dans 6,4% des cas. Les pourcentages présentés ci-dessous dépassent les 100%, certains enfants faisant l’objet de plusieurs signalements. Tableau : Acteurs du signalement(en %) Acteurs du signalement % Services sociaux 73 Services médicaux 18 Education nationale 13 Autres 12 Famille 6 Police ou gendarmerie 5 4. Provenance des enfants 36 Les enfants immédiatement avant d’être placés proviennent de lieux divers, parfois déjà intermédiaires entre leur lieu de vie habituel et le foyer. Il n’existe pas de différence significative entre les différents lieux de provenance de l’enfant selon qu’il soit ou non maltraité. Un peu plus de la moitié (59%) des enfants placés, maltraités ou non, viennent du domicile familial 7% de l’entourage immédiat, 18% arrivent d'un centre d'hébergement ou d’autres institutions, 9% de l’hôpital. Il n’y a pas de différence significative entre les deux populations. Provenance des enfants Tableau : Provenance des enfants maltraités en % Maltraités Non Ensemble % maltraités Domicile familial 61 55 59 Institutions sociales ou médico-sociales 17 20 18 Hôpital Entourage familial Autres 8 7 7 100 11 7 5 100 9 7 6 100 Concernant les seuls enfants maltraités, les institutions sociales ou médico-sociales sont représentées essentiellement par les centres d'hébergement mère-enfant (6%), les familles d’accueil où l’enfant est généralement à temps plein (3,6%) et les assistantes maternelles à temps partiel (2,7%). L’entourage familial est constitué principalement par la famille élargie sans droit de garde (5,2%) ainsi que les voisins ou amis (1,8%). La catégorie « autres » est représentée surtout par l’école (5,5%). 5. Personnes mises en cause Pour 20% des enfants, les intervenants auprès de l’enfant ignorent quel est l’auteur de la maltraitance. Lorsque l’information est connue, il s'agit avant tout d'une maltraitance intra-familiale, puisque dans la majorité des cas ce sont les parents ou des substituts parentaux qui sont dénoncés. Bien entendu ceux-ci ayant en charge l’enfant on comprend qu’ils soient massivement représentés car la séparation a été motivée par leur caractère dangereux ou inadéquat. Les enfants non maltraités ont eux-mêmes été séparés car les membres de la famille ne pouvaient pas ou plus les prendre en charge. On remarquera dans le tableau ci-dessous que le total des fréquences dépasse 100%, plusieurs personnes pouvant être mises en cause à la fois. Tableau : personnes mises en cause lors de la mesure de placement 37 Personnes mise en cause Mère Père "Beau-père" "Belle-mère" Ami de la famille, voisinage ; autre membre de la famille élargie Fratrie Grands-parents ou substitut Famille d'accueil Professionnel d'une institution sociale, éducative ou médicale Ex-ami du/des responsable(s) Enfant lui-même Ami de la victime, autre mineur Enfants maltraités en % Enfants non Maltraités en % p 75,4 47,4 13,2 6,1 5 86,2 43,8 9,2 0,8 3,8 * NS NS * NS 3,5 2,6 1,5 0,9 2,3 3,1 1,5 0,8 NS NS NS NS 0,6 0,0 NS 0,6 0,0 0,0 0,8 NS NS La mère est mise en cause dans 75,4% des cas, le père dans 47,4%, le beau-père ou concubin dans 13,2%, la belle-mère ou concubine dans 6,1% enfin les grands-parents dans 2,6%., La responsabilité de la famille d’accueil est relevée dans 1,5% des cas. Les autres professionnels de l’enfance sont impliqués dans environ 1% des cas. Cette proportion totale de 2,5% de professionnels, bien que probablement sous estimée, est déjà élevée si l’on tient compte du fait qu’elle concerne presque uniquement des enfants vulnérables, socialement et psychologiquement, participant fréquemment de l’aide sociale : les autres restent pris en charge par leurs propres parents. On remarquera qu’aucun placement n’est justifié pour un acte maltraitant causé par un autre mineur. 38 CHAPITRE IV MANIFESTATIONS SYMPTOMATIQUES. 39 40 Plusieurs niveaux d’analyse nous ont paru pertinents. Dans un premier temps a été évalué le retentissement de la maltraitance envisagé comme un phénomène global. Dans un second temps nous avons cherché à déterminer s’il existait une spécificité démontrable du type d’action maltraitante sur l’émergence symptomatique. Pour cela nous avons déterminé des règles permettant de classer les actions maltraitantes en 4 catégories : sexuelle (Sex), physique (Phy), psychologique (Psy) et négligences graves (Neg). Nous avons procédé sur ces variables à des analyses statistiques. Elles sont présentées dans la deuxième partie de ce chapitre. Enfin, pour compléter cette évaluation statistique, nous avons procédé à une analyse descriptive des comportements maltraitants, indépendamment des configurations dans lesquelles ils prenaient place. 41 42 A : LA MALTRATANCE ENVISAGEE COMME UN PHENOMENE GLOBAL. Nous rappellerons que 361 enfants sur 601 enfants placés ont été déclarés maltraiter soit avant, soit après leur entrée en foyer. Durant le séjour ont été mis en place l’observation, le recueil de documents complémentaires et l’écoute des enfants ou de leurs parents. 1. Symptomatologie observée. Nous avons recherché à mettre en évidence les troubles externalisés : manifestations fonctionnelles, troubles du comportement, symptômes relationnels, ainsi que des éléments développementaux ou cognitifs. 1.1. Non-Réponses. Concernant les manifestations fonctionnelles, troubles du comportement, symptômes relationnels, elles sont pour chaque symptôme inférieur à 5% (3,5% en moyenne). Leur fréquence ne diffère pas significativement selon que l’enfant soit ou non maltraité. Deux exceptions notables concernent l’encoprésie, symptôme retenu à partir de quatre ans (19,1% de valeurs manquantes en cas de maltraitance, 29,2% dans les autres cas), et l’énurésie régulière symptôme retenu à partir de trois ans mais de fait noté par les éducateurs comme un trouble pathologique uniquement après quatre ans (24,1% et 34,6%). Il est toutefois probable étant donné le caractère gênant du symptôme que la méconnaissance porte plus sur les antécédents que sur l’existence d’un trouble actuel. Concernant le retard de développement, le retard mental et le retard scolaire le pourcentage de valeurs manquantes, qui ne diffère pas entre les deux groupes est plus élevé. Elle atteint en moyenne respectivement 25%, 15% et 7%. Il apparaît, après enquête, que le taux élevé de nonréponses paraît lié à l’inadéquation relative des items pour certaines classes d’âge, parfois avec l’absence de diagnostic porté sur les dossiers et, en l’absence d’examen systématique, à la difficulté de compléter ces données. Elles risquent toutefois d’introduire un biais dans les résultats. 1.2. Les troubles fonctionnels. Il existe une différence significative entre les enfants maltraités et le groupe de comparaison pour les troubles du sommeil (p<0,001), les troubles alimentaires (p<0,01). Concernant l’encoprésie, symptôme relativement rare (environ 5% des enfants maltraités) nous remarquons que sur 15 cas diagnostiqués, 14 concernent des enfants victimes de violences ou de négligences. Bien que le faible effectif ne permette pas de retenir une différence statistiquement significative, l’encoprésie semble un symptôme spécifique de la maltraitance, au moins dans la population étudiée qui nous le verrons plus loin comporte peu d’enfants handicapés 43 physiques (16) ou déficients intellectuels (37). De plus par le statut conféré aux établissements d’accueil il est probable que ces handicaps ou déficits restent en général modérés. Cette notion, peu documentée, sur la fréquence élevée de l’encoprésie parmi les enfants maltraités devra être confirmée sur des populations plus larges. Il n’existe par contre aucune différence significative en ce qui concerne l’énurésie fréquente chez tous les enfants placés. Tableau : Fréquence des troubles fonctionnels en % Maltraités Non maltraités Troubles du 44 29 sommeil Troubles de 23 13 l'alimentation Enurésie 16 16 Encoprésie 4,8 0 1.3. p <0,00 1 <0,01 NS* NS* Les troubles relationnels. Nous avons inclus dans cette catégorie les troubles agressifs. L’autoagressivité (Auto) inclut des comportements telles blessures volontaires, ou la répétition des accidents avec conséquences physiques secondaires à des conduites initiées par l’enfant. Nous avons classé à part les tentatives de suicide. L’hétéro agressivité (Ag) peut être verbale ou gestuelle (coups, morsure, vols). Enfin, nous avons défini par victimisation (Vic) la répétition de situations dans lesquelles l’enfant se fait agresser par autrui : agressions verbales ou physiques, humiliations, agressions sexuelles. Nous avons aussi évalué les comportements de retrait et d’évitement social que nous avons qualifié « d’inhibition »(In). Enfin les conduites à risque, forme d’auto-agressivité mais notion malheureusement assez subjective, ont été recherchées. Figure : Fréquence des troubles relationnels en % 30 29 27 24,3 25 21,4 20 16,5 15 14,7 14 Maltraités Non maltraités 10,1 10 6,5 5 4,2 0 In Ag Vic Ris Auto Comme le montre le graphique ci-dessus la prévalence de ces troubles diffère largement entre les deux groupes. Les différences mises en 44 évidence sont extrêmement significatives (p<0,001) pour l’inhibition, l’hétéro agressivité et la victimisation avec des risques relatifs respectifs de 2.1, 1.6 et 3,7. Elles restent très significatives (p<0.01, RR= 2.4) pour l’auto-agressivité et significatives pour les conduites à risque (p<0.05 ; RR= 1.5 ). On remarquera surtout que le comportement de victimisation, exceptionnellement recherché dans une étude de type épidémiologique apparaît très spécifique de la maltraitance : le risque relatif est de l’ordre de 4 et sa fréquence diffère très significativement entre les deux groupes (p<0,001). 1.4. Instabilité psychomotrice Elle est très fréquente chez tous les enfants placés, atteignant 45,8% chez les enfants maltraités contre 28,0% dans la population témoin. Cette différence est très significative : p<0,001. Le risque relatif est de 1,6. 1.5. Comportement sexuel Il n’existe pas de différence significative entre enfants maltraités et non maltraités concernant l’existence d’un comportement sexuel « inapproprié » (8,5% contre 5,1%), que celui-ci décrive notamment masturbation compulsive, voyeurisme ou exhibitionnisme. Il n’existe pas non plus de différence significative malgré un risque relatif de l’ordre de deux manières significatives et bien que l’on trouve plus souvent des relations sexuelles - agressives ou consensuelles - menées à l’initiative de l’enfant maltraité (4,3%) que des autres enfants placés (2,1%) cette différence n’est pas significative. Nous trouverons par contre une différence significative dès lors que nous comparerons les enfants victimes spécifiquement de violences sexuelles à l’ensemble des enfants non maltraités. 1.6. Autres manifestations. Les tentatives de suicide, en très faible nombre, bien que plus fréquentes chez les enfants maltraités ne différent pas significativement d’un groupe à l’autre (2,6% contre 2,2%), il en est de même pour la toxicomanie plus fréquente chez les enfants non maltraités (1,7% contre 3,0%). La fréquence des troubles mentaux diagnostiqués ne diffère pas d’un groupe à l’autre (7% contre 6,3%), ni celle des retards scolaires de deux ans ou plus (21,7% contre 17,4%). Enfin l’existence d’un retard de développement a été signalée chez 18% des enfants maltraités contre 12,3% chez les autres enfants. Cette différence n’est pas significative. 2. Les facteurs de risque non sociologiques de la maltraitance 45 Certains facteurs de risque sont classiquement évoqués dans la maltraitance. Parmi ceux-ci, la précarité affecte globalement tous les enfants étudiés. Nous avions retenu comme facteurs de risques un certain nombre d'items : les uns plus liés au processus de mise en place des liens d'attachement (prématurité, hospitalisations ou séparations précoces), les autres plus liés au processus de développement de l'enfant (prématurité, déficit physique ou intellectuel). 2.1. Non-Réponses. Nous observons un nombre relativement important de valeurs manquantes qui signe la difficulté des institutions à pouvoir se procurer des renseignements sur le passé de l’enfant, voire même sur son état actuel. Les différences ne sont pas significatives entre les deux groupes mais atteignent des taux importants : prématurité, (20%), handicap, (5%), déficit intellectuel, (10%), plus de 3 hospitalisations, (22%), vaccinations précoces (18%), antécédents de séparations (20%). 2.2. Résultats. Au sein de la population étudiée, marquée par les difficultés d’insertion sociale. Nous n’avons mis en évidence aucune différence significative entre enfants maltraités et non maltraités, sauf en ce qui concerne l’absence d’établissement des vaccinations précoces obligatoires par la famille elle-même (p<0,05). Tableau : Facteurs de risque en % Maltraités Non maltraités Séparations parents enfants Plus de 3 hospitalisations Prématurité Absence de vaccinations précoces Déficit intellectuel Handicap physique 2.3. 38,7 38,6 12,5 11,4 10,9 6,7 10,8 7,2 6,4 3,2 7,5 2,2 Commentaires L’ensemble de la population placée présente des facteurs de vulnérabilité importants, répartis « équitablement » entre enfants maltraités et « témoins » au nombre desquels nous comptons la fréquence des séparations antérieurement intervenues entre parents et enfants (39%) et des hospitalisations multiples (12%). La prématurité qui n’apparaît pas un facteur de risque de la maltraitance pour la population concernée, atteint le taux remarquablement élevé de 10,9% soit plus du double de celui de la population générale. Notons que la donnée "prématurité" manque pour 20% des dossiers : la réponse est inconnue des établissements. Même en considérant l’hypothèse maximale, et peu 46 vraisemblable, que l’absence d’informations équivaut à l’absence de prématurité le taux reste au moins égal à 8,7% soit prés de 75% de plus que le taux de base en France. De plus la répartition des formes de maltraitance varie considérablement selon l’existence ou non d’une prématurité, cette dernière s’accompagnant tout particulièrement de violence physique. Les enfants maltraités physiquement (16) représentent la moitié des enfants maltraités et prématurés. (32) Réciproquement 17% des violences physiques sont exercés sur des enfants prématurés contre seulement 11% dans le groupe non maltraité. Les enfants handicapés physiques (seulement 16 enfants) ou déficients intellectuels – légers - (37 enfants) étant peu présents dans les établissements concernés, l’importance de ces facteurs n’a pu être mis en évidence bien que le premier semble pouvoir jouer un rôle. Dans la trajectoire des enfants placés, l'on retrouve également de nombreux enfants hospitalisés plus de trois fois, dont 68% d’enfants maltraités. La séparation marque l’itinéraire de beaucoup d’enfants. Dans un tiers des cas elle fut longue et prolongée. Elle révèle sans doute des difficultés d’ordre relationnel, mais ne permet pas de différencier de façon significative les enfants maltraités des autres enfants. Tout au plus pouvons-nous noter que cette séparation parfois précoce voire prolongée entre parents et enfants, semble déboucher plus souvent sur des négligences graves que sur les autres formes de maltraitance. Tableau : Enfants séparés et maltraités selon le type de maltraitance Maltraitance et séparations Physique Sexuelle Psychologique Négligences graves Total % 12 14 21 52 100 En conclusion, et dans l'immédiat, tout au plus pouvons-nous prudemment noter que l'absence de vaccinations précoces devrait toujours alerter puisque nous en retrouvons la trace chez 24 enfants dont 20 enfants maltraités. Si la prématurité, ici extrêmement fréquente, peut être un facteur de risque de maltraitance en population générale elle ne l’est pas par rapport au groupe de comparaison d’enfants placés. Toutefois, la fréquence des troubles remarqués dans la population des enfants non maltraités est très probablement supérieure à celle d’un échantillon standard d’enfants vivant en France. En effet les enfants placés cumulent des facteurs de risque reconnus pour leur développement : ceux présentés dans ce paragraphe, ceux associés à la précarité et comme nous le verrons ceux associés aux troubles spécifiques présentés par leurs parents. 3. Variation selon le sexe de l’enfant. 3.1. Facteurs de risque. 47 Seule l’absence de vaccinations précoces diffère significativement entre maltraités et non maltraités (p<0,05) et uniquement chez le garçon. 3.2. Manifestations psychopathologiques La fréquence de plusieurs manifestations diffère significativement entre maltraités et non maltraités parfois seulement pour un sexe donné : des troubles alimentaires (p<0,001) chez le garçon, un comportement sexuel inapproprié (p<0,05) et dans une moindre mesure le handicap physique chez la fille (p=0,05). Parfois la différence entre maltraités et non maltraités est plus significative selon le sexe considéré : les troubles du sommeil (p<0,01 chez le garçon, p<0,05 chez la fille), l’instabilité psychomotrice (p<0,001 chez le garçon, p<0,05 chez la fille), l’inhibition (p<0,01 chez le garçon, p<0,001 chez la fille), l’hétéro agressivité (p<0,05 chez le garçon, p<0,01 chez la fille). Pour aucun autre trouble du comportement on ne met en évidence de différence significative. 3.3. Commentaires. Etant donné les plus faibles effectifs des groupes selon le sexe la puissance de l’étude diminue et ne permet pas de mettre en évidence une différence significative entre maltraités et non maltraités alors qu’elle existait pour la population globale. Toutefois ces résultats rejoignent une constatation clinique parfois énoncée qui fait apparaître parmi les éléments les plus significatifs d’une maltraitance des symptômes ou des traits qui sont habituellement plus ostentatoires dans le sexe opposé. 4. Evolution Nous avons recherché si le séjour en foyer s’accompagnait d’une évolution significative de la symptomatologie. Rappelons que seuls quatre foyers ont participé à cette sous étude effectuée à partir de 211 dossiers. 4.1. Evolution des troubles chez les enfants maltraités. Troubles du sommeil Troubles de l'alimentation Enurésie Entrée en % 42 20 19 Sortie en % 31 10 9 Significativité* p<0,05 p<0,01 p<0,01 48 Encoprésie 5,4 4,5 NS Instabilité 48 44 NS p= 5,4% Inhibition 25 17 Hétéro Agressivité 26 29 NS Auto Agressivité 5 4 NS Tentatives de suicide 3 1 NS Conduites à risque 22 22 NS Comportement de 26 16 p<0,01 victimisation Comportement sexuel 10 10 NS inapproprié Comportement sexuel actif 3 4,5 NS *Nous avons utilisé pour tester le degré de signification le test de MC Nemar comparant les pourcentages chez les mêmes sujets. La fréquence de nombreux troubles est décroissante. La fréquence des troubles « fonctionnels » diminue considérablement et significativement : sommeil, comportement alimentaire et énurésie. Ces troubles sont-ils réactionnels à la séparation ou bien au contraire cèdent-ils lors de l’éloignement des enfants de ceux qui les maltraitent ? Seule une étude prospective pourrait répondre à cette interrogation et déterminer la part de chacun de ces facteurs. Parmi les autres troubles une diminution significative est notée seulement pour les comportements de victimisation, indice supplémentaire au crédit de la participation psychologique au trouble qui ne peut se réduire à ses aspects sociaux. La fréquence des troubles agressifs tels qu’auto et hétéro agressivité ainsi que celle des conduites à risque et de l’instabilité psychomotrice est remarquablement stable et peu sensible à la prise en charge. Il en est de même des comportements marquant l’exacerbation de la sexualité. 4.2. Comparaison de la symptomatologie des enfants lors de la sortie des foyers, maltraités versus non maltraités. Les troubles du sommeil, restent de manière significative (p<0,05) deux fois plus fréquents parmi la population maltraitée (30 contre 15%). Par contre il n’est plus observé de différence significative concernant les troubles du comportement alimentaire. Comme à l’entrée, il n’existe pas de différence significative entre les deux populations pour l’énurésie ou l’encoprésie. On notera toutefois que l’encoprésie ne persiste que parmi les enfants maltraités (5 cas parmi 128 enfants). Figure : Troubles fonctionnels en fin de séjour (en %) 30 30 25 20 15 14,5 Maltraités 9,58,7 10 Non maltraités 9,4 6,3 5 4 0 0 Tr som* Tr alim Enu Enco 49 Les troubles de l’agressivité sont tous atténués après le séjour en foyer. Une différence importante entre maltraités et non maltraités persiste pour l’hétéro agressivité (28,3 contre 18,5%, non significative) et surtout les comportements de victimisation (17,3 contre 6,0%, p<0,05) et les conduites à risque (23,1 contre 10,4%, p<0,05). L’inhibition est de fréquence comparable dans les deux populations, tandis que la prévalence de l’auto-agressivité est à peine plus élevée chez les enfants maltraités (4,3% contre 3%) mais de manière non significative. Les troubles du comportement sexuel différent en ce qui concerne la variable « comportement sexuel inapproprié » ce qui n’était pas observé à l’admission (10% contre 1,5%, p<0,05). La persistance de comportements sexuels actifs envers d’autre(s) enfant(s) ne sont retrouvés que parmi les enfants maltraités (6 cas parmi 134 enfants soit 4,5%). La prévalence de l’instabilité psychomotrice diffère toujours très significativement (p<0,01) atteignant 43,3% parmi les maltraités contre 23,5% parmi les autres enfants placés. Figure : Troubles de l’agressivité en fin de séjour 30 28 25 20 23 19 17 18 17 15 10 10 6 4,3 3 5 0 Inhib Agr Auto Vic* Co R* Fréquence en %, maltraités en clair 50 5. Facteurs de risque parentaux. 5.1. Commentaires introductifs. Seuls 211 dossiers de sortie ont été complétés. Il y figurait les troubles présents chez au moins un des parents, sans plus de précision sur la qualité du parent concerné (père ou mère). Toutefois c’est le plus souvent chez cette dernière que les renseignements sont connus. Des réponses sont apportées pour seulement la moitié environ des parents comme si les travailleurs sociaux s’interdisaient toute intrusion dans le passé des familles aux risques de réactiver, rouvrir de vieilles blessures. Ils ne sont pas dans la position aisée du chercheur spécialement détaché pour une étude car ils ont à connaître la souffrance du parent et à la prendre en charge. Par contre, ils peuvent connaître des faits que les parents ne divulgueraient pas forcément. Les données manquent plus souvent en l’absence de maltraitance. Les résultats observés justifient l’idée d’une deuxième enquête portant spécifiquement sur les parents concernés. Ils sont toutefois à considérer avec prudence. 5.2. Résultats. L’existence de faits de maltraitance subis durant l’enfance est l’élément qui diffère le plus significativement (p<0,01) entre les deux populations avec un ratio égal à 2. Pour 68 enfants maltraités nous retrouvons 46 parents maltraités durant leur propre enfance (67,6%). Cette donnée est précisée pour 70% des enfants maltraités contre seulement 20% des enfants du groupe de comparaison. L’existence de placements durant l’enfance comme l’alcoolisme sont aussi fréquents dans les deux groupes et concernent près d’une famille sur deux. L’existence de troubles mentaux (p<0,05) comme la toxicomanie (p<0,05) - ou plus précisément l’usage de toxiques - sont bien plus fréquent parmi les parents d’enfants non maltraités. Il s’agit surtout de l’usage de cannabis et dérivés, de médicaments divers, l’un ou l’autre pouvant être associés à l’alcool. L’héroïnomanie est moins fréquente. Ce sont donc surtout deux facteurs de risques de placement pour l’enfant. Tableau : Facteurs de risque parentaux en % Facteurs parentaux Maltraitance Alcoolisme Troubles mentaux Toxicomanie Placement Enfants maltraités en % 68 53 20 9 51 Enfants Non maltraités en % 32 45 36 25 41 Taux global de réponses 43% 60% 50% 46% 42% p ** NS * * NS 51 Des risques d’erreur d’interprétation des résultats existent. Si l’on imagine par exemple que l’absence de données sur un item équivaut à son absence (hypothèse du biais maximal) nous retrouverions quand même des antécédents de maltraitance chez plus de la moitié des couples parentaux (père ou mère) d’enfants maltraités. Nous rappelons toutefois qu’il s’agit pour cet item d’une recherche rétrospective, aussi resterons-nous prudents sur les conclusions émises. 52 B : LA MALTRAITANCE SELON SA NATURE. 1. Les différentes formes de maltraitance. 1.1. Approche sémiologique. Chaque forme de maltraitance a été décrite et précisée. Il demeure toutefois qu’une information complète sur le fait maltraitant n’est pas toujours connue des services ayant à prendre en charge l’enfant. A titre d’exemple il est parfois précisé sur le dossier « maltraitance sexuelle » sans que l’on puisse toujours savoir s’il s’agit d’un viol ou d’attouchements, ou bien de quelle nature sont ces derniers, s’il existe une contrainte physique ou non, etc. Nous avons établi pour chaque type de maltraitance (sexuelle, psychologique, physique ou négligences graves) l’incidence des différents éléments la constituant dès lors qu’ils étaient connus. 1.2. Classification. Nous avons souligné la difficulté à caractériser la nature d’un comportement maltraitant dès lors que plusieurs formes de maltraitance étaient associées chez le même enfant. Nous avons créé trois variables pour apprécier au mieux le retentissement spécifique à chacune des formes. La maltraitance dite catégorielle se réfère intuitivement à la maltraitance « principale ». Nous avons précisé lors de l’exposé de la méthodologie comment nous avons établi cette variable. La maltraitance isolée désigne toute forme de maltraitance qui survient isolément chez un enfant. Elle appartient par définition à une des quatre catégories précédemment définies (sexuelle, psychologique, physique ou négligences graves). Les formes incidentes font référence à une composante du comportement maltraitant, qu’il soit isolé ou non. Contrairement aux formes précédentes, isolée et catégorielle, elles ne sont pas exclusives l’une de l’autre chez un même enfant. Elles permettent une approche descriptive (sans analyse de significativité). 2. Description de la maltraitance : Les formes incidentes. Elles permettent une approche exclusivement descriptive. 53 2.1. Caractéristiques générales. 2.1.1. Fréquence. 40 37,6 35 32,9 30 25 24,4 % 20 13,3 15 10 5 0 Phy Sex Psy Nég Figure : formes incidentes, fréquence rapportée au nombre total d’enfants placés La négligence et la maltraitance psychologique en tant que diagnostics incidents affectent environ un tiers des enfants placés sans être toujours pour autant le motif principal du placement. Plus attentifs peut-être que d'autres à cet aspect, il est possible de penser que les travailleurs sociaux ont potentialisé la réponse à cet item. Ces chiffres peuvent aussi être lus en termes d'évolution des mentalités, et de sensibilisation à une forme de maltraitance plus cachée, moins visible, plus subtile, mais tout aussi traumatisante pour les enfants. 2.1.2. Formes incidentes de découverte secondaire. Nous avons cherché à déterminer la qualité des informations que permettait de recueillir l’accueil en foyer et pour cela avons souhaité déterminer les proportions respectives des formes incidentes signalées et celles de découverte secondaire. Cette information a été complétée pour la quasi-totalité des cas. On remarque que les formes de découverte secondaire (« suspectées ») généralement de l’ordre de 20 à 30% s’élèvent en ce qui concerne la maltraitance sexuelle à près de 60% des cas. Comme nous le verrons plus loin ce fait paraît concerner, bien qu’inégalement, toutes les modalités de la maltraitance sexuelle. Nous rappellerons que s’agissant de formes incidentes, une proportion importante d’enfants étaient déjà signalés maltraités. Dans beaucoup de cas l’accueil au sein de l’institution a permis seulement de découvrir d’autres types de maltraitance associés à celle qui motivait le placement. 54 Figure : Proportion des formes signalées/suspectées 78,8 80 70 69,7 68,6 58,1 60 50 41,9 % 40 30 signalé 31,4 30,3 suspecté 21,2 20 10 0 Phy Sex 2.1.3. Psy Neg Formes répétées, formes isolées. Cette information, concerne le caractère chronique de la violence ou des négligences exercées. Contrairement à celle concernant le signalement elle n’a pu être fourni que dans la moitié des cas environ. Ce faible pourcentage témoigne du peu de renseignements concernant le déroulement de la maltraitance en possession des équipes, ce que confirmera l’approche descriptive. Toutefois la tendance est nette qui montre que la maltraitance est massivement, si ce n’est une habitude et un mode de relation, pour le moins un fait répété. L’exception la plus notable concerne la maltraitance sexuelle, sous la forme d’un acte isolé dans 21% des cas. Tableau : Répétition des formes incidentes (en %) isolée répété Total % % % Maltraitance physique 15,8 84,2 Maltraitance sexuelle 20,7 79,3 Maltraitance psychologique 0,9 99,1 Négligences graves 6,1 93,9 100 100 100 100 2.2. Description du fait maltraitant. Le nombre important de données manquantes met en évidence le manque de renseignements en possession des équipes de soins en foyer qui ne peuvent fournir des détails sur la nature exacte des faits maltraitants que dans environ 50% des cas. Nous avons néanmoins souhaité présenter le détail des cas connus qui en l’absence d’autres travaux plus documentés nous permet au moins une première approche. La description est abordée à travers les formes incidentes de maltraitance. Le nombre de cas détaillés relativement faible ne permet qu’une analyse très prudente. 55 2.2.1 Maltraitance physique 146 formes incidentes de maltraitance physique sont recensées, 30,3% de découverte secondaire. Une partie seulement d’entre elles sont documentées aboutissant au tableau suivant. Plusieurs signes peuvent être relevés pour un cas unique. Tableau : maltraitance physique, formes sémiologiques. (N = nombre de cas) signalé suspecté N N Ecchymoses ou hématomes 68 11 Cicatrices, plaies ou autres signes cutanés 24 5 Brûlures ou autres lésions thermiques 7 4 Fractures (cliniques et/ou radiologiques) 5 1 Signes d'atteintes neurologiques 4 2 Alopécie 2 1 Total N 79 29 11 6 6 3 L'on note que pour les enfants maltraités physiquement, ce sont les hématomes, les plaies et les fractures qui sont le plus fréquemment cités. Certains signes de maltraitance comme les brûlures et l’alopécie bien plus rares majorent la suspicion de maltraitance mais ne permettent pas toujours aux intervenants de mettre en acte le processus de signalement. On remarquera que la majorité des violences physiques est signalée à l’entrée. Une minorité sont de découverte secondaire. N’étant pas au moment de l’enquête l’objet d’un signalement, au moins dans le motif officiel de placement elles sont donc indiquées comme « suspectées ». 2.2.2. Maltraitance sexuelle. Au total sur 79 cas de maltraitance sexuelle 58,1% sont de découverte secondaire. Il n’est pas possible de mesurer exactement la perte d’information car plusieurs types d’agression sexuelle peuvent être commis sur le même enfant. Pour les enfants maltraités sexuellement et accueillis en foyer les attouchements génitaux en sont la forme la plus fréquente. Les viols (pénétration) sont relativement rares mais de découverte secondaire une fois sur trois. On peut d’ailleurs soupçonner qu’il existe une sous estimation de leur fréquence. Tableau : maltraitance sexuelle, formes sémiologiques (N= nombre de cas) Signalé Suspecté Total N N N Pénétration 4 2 6 Attouchements génitaux 17 13 30 Attouchements non génitaux 7 12 19 Sans contact 2 10 12 56 Lors d’attouchements non génitaux, ou de sollicitation sexuelle sans contact (vidéo, exhibition...) la maltraitance est fortement suspectée (4/5 des cas) sans preuve et fait rarement l’objet d’un signalement. Beaucoup plus de cas sont connus ou suspectés secondairement que pour la maltraitance physique. L'abuseur est fréquemment âgé de plus de cinq ans que sa victime (19 cas signalés et 18 suspectés). Ce renseignement est celui le plus souvent fourni, ainsi que l’existence d’un lien de parenté avec la victime, fait déjà précisé par ailleurs. 2.2.1. Maltraitance psychologique Sur les 197 enfants maltraités psychologiquement (formes incidentes) 66,5% ont été signalés au moment du placement. Dans 31,4% des cas la maltraitance psychologique est découverte en cours de séjour. Pour 2% restant n’est pas précisé la date du diagnostic. Les menaces verbales, et les exigences disproportionnées pour l'âge de l'enfant sont les mieux repérés. Les humiliations verbales, l'isolement systématique et les injonctions éducatives contradictoires nécessitent pour être connues une plus grande proximité avec le milieu de l'enfant. Tableau : maltraitance psychologique, sémiologie des formes incidentes (N= nombre de cas.) Menaces verbales répétées Exigences disproportionnées pour l'âge de l'enfant Isolation systématique Injonctions éducatives contradictoires ou impossibles à respecter Humiliations verbales et non verbales Dévalorisation systématique Signalé N 51 49 38 33 Suspecté N 21 21 11 22 27 26 21 13 Total N 73 70 49 55 48 49 Le problème de la maltraitance psychologique reste non seulement sa définition, son contenu, le seuil du supportable, mais aussi celui des effets à long terme produits sur le psychisme de l'enfant. 2.2.2. Négligences graves Nous rappelons que 225 enfants ont été repérés comme ayant vécu des négligences graves dont 175 cas signalés. L’imprécision du concept est remarquable. Bien que ce « diagnostic » soit à l’origine d’un nombre important de placements (81) les 4 éléments descriptifs cités ci-après ne permettent de décrire qu’une faible partie de ce qu’il est coutume d’appeler négligence. Il est évident que ce qui donne surtout l'alerte, c'est l'absentéisme scolaire non justifié (47 enfants), l'absence de soins médicaux (45 enfants), les troubles supposés 57 rattachés à la négligence des soins tels la dénutrition (37 enfants) et pour les plus jeunes le retard staturo-pondéral (25 enfants). Motifs explicites Absentéisme scolaire Absence de soins médicaux Dénutrition et autres troubles Retard staturo-pondéral Autres Nombre d’enfants 47 45 37 25 21 Le concept de "négligences graves", contrairement aux autres formes de maltraitance demeure assez flou et largement entaché de subjectivité ce qui nous a conduit à créer une rubrique "autres" dans un quart des cas utilisée par les éducateurs. Il conviendra donc d'étudier les réponses proposées pour mieux cerner la pertinence et les limites de ce concept. Nous avons observé pour les formes isolées et catégorielles que l’état (en relation aux items de la recherche) des enfants négligés est semblable à ceux des enfants placés non maltraités, constatation renforçant l’hypothèse que ces derniers sont d’une certaine manière négligés. 2.3. Sémiologie des formes incidentes. A valeur uniquement descriptive, il nous a semblé intéressant de rechercher si malgré l’influence des formes associées les formes incidentes gardaient une certaine spécificité. Le résultat est dans l’ensemble décevant ce qui tend à justifier l’emploi de formes catégorielles, tant l’interaction d’une forme sur une autre tend à en modifier la sémiologie. Ces résultats montrent que cette classification est très peu performante quant à la discrimination des troubles et justifie pleinement l’emploi des formes catégorielles. Ainsi la fréquence au sein des formes incidentes des différents troubles répertoriés est fort semblable. Les troubles du sommeil varient entre 44 et 49%, les troubles de l’alimentation entre 24 et 27%, sauf pour les troubles sexuels où ils sont minimaux (18%), l’énurésie connaît un maximum pour la maltraitance physique à 25% tandis que pour les autres formes elle affiche exactement la même fréquence de 18%. L’encoprésie est plus importante en cas de maltraitance psychologique et de négligence. La seule originalité de cette analyse est de montrer qu’au sein des formes incidentes, la maltraitance psychologique, précédant de très peu la maltraitance physique, est la plus grande pourvoyeuse de troubles agressifs. Ces deux formes se distinguent nettement, au moins sur le plan descriptif, des maltraitances sexuelles et des négligences qui se confondent dans leurs effets pour ces symptômes. 58 Figure : fréquences au sein de chaque type de maltraitance des troubles agressifs. 35 30 25 33 31 33 31 24 22 21 20 Phy Sex Psy 15 14 10 Neg 9 5 0 Agr Vic Auto L’inhibition est à peu près également répartie entre chaque type de maltraitance (elle varie entre 29 et 34%), ainsi que les conduites à risque (entre 22 et 25%) et l’instabilité psychomotrice (entre 43 et 50%). Par ailleurs l’exacerbation de la sexualité est nettement plus fréquente en cas de maltraitance sexuelle comme le montrent les courbes suivantes : Figure : fréquence (en %) au sein de chaque type de maltraitance incidente de l’existence d’un comportement sexuel inapproprié ou actif-agressif. 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 17 9 9 6 9 9 Inapproprié Actif 6 4 Phy Sex Psy Neg Ce fait est cohérent avec la démonstration d’une action prévalante des agressions sexuelles sur la survenue de troubles sexuels qui sera établie ultérieurement. L’existence d’un retard scolaire majeur est tout à fait répartie entre les différentes formes de maltraitance (entre 21 et 25%), tandis que l’existence de troubles mentaux est maximale en cas de maltraitance psychologique (10%) et physique (8%) et minimale en cas de maltraitance sexuelle (6%) et de négligences (5%). 59 3. Prévalence de la maltraitance, comparaison aux résultats de l’ODAS : Les formes catégorielles. 3.1. Généralités. Seules ces formes permettent un traitement statistique, chaque enfant maltraité ne présentant qu’une forme catégorielle. Nous en avons précisé précédemment la définition. Elle représente ce qu’intuitivement nous nommerions la forme principale de maltraitance. 3.1.1. Prévalence Les 361 enfants maltraités se répartissent entre les 4 catégories cidessous représentées. Nous avons fait figurer côte à côte les statistiques de l’ODAS portant sur 21000 signalements pour l’année 1997 et nos propres chiffres. 35 33 33 32 30 26 25 % 22 22 22 20 Catégorielle 15 Odass 1997 9 10 5 0 Phy Sex Psy Neg Figure : Répartition des formes catégorielles versus formes principales de l’ODAS en 1997 (La lettre de l’ODAS, 10, 1999) Pour la population étudiée, placée dans les foyers de l’enfance, on note une sur-représentation des enfants maltraités sur le plan psychologique. Plus attentifs peut-être que d'autres à cet aspect, il est possible de penser que les travailleurs sociaux ont potentialisé la réponse à cet item. Ces chiffres peuvent aussi être lus en termes d'évolution des mentalités, et de sensibilisation à une forme de maltraitance plus cachée, moins visible, plus subtile. On notera surtout que les enfants maltraités sexuellement semblent proportionnellement moins souvent placés en foyer que pour les autres formes de maltraitance. Il peut être supposé qu’ils représentent une population moins précaire que ceux habituellement placés en institution. Des solutions alternatives telle la garde par le parent restant sont souvent privilégiées. Ce type de maltraitance est peutêtre sous estimé, plus aisément masqué que la violence physique ou la négligence notamment pour des populations souvent démunies et fréquemment connues des services sociaux. De plus il existe une part non négligeable de maltraitance sexuelle extra familiale qui n’est pas une indication de placement. 60 3.1.2.Troubles associés. Ils permettront de déterminer des profils symptomatiques associés à chaque type de maltraitance. Les troubles fonctionnels sont maximaux en cas de maltraitance physique et sexuelle avec deux exceptions pour les troubles alimentaires et l’encoprésie plus fréquents en cas de maltraitance psychologique. Dans le tableau ci-contre sont affichées les fréquences relatives des troubles pour chaque type de maltraitance. Aucune différence significative entre catégories n’est retrouvée (NS). Tableau : Troubles fonctionnels associés en % Type de Troubles du Troubles du Enurésie maltraitance Sommeil comportement Alimentaire NS NS NS Physique 49 27 23 Sexuelle 49 18 18 Psychologique 40 28 10 Négligences graves 36 18 10 Encoprésie NS 4 3 9 3 Les troubles manifestant les difficultés à réguler l’agressivité sont particulièrement importants en cas de maltraitances « directes » ou « actives ». Néanmoins la différence de prévalence entre ces différents troubles selon le type de maltraitance n’est significative que pour les troubles hétéro-agressifs (P<0,05) et surtout les comportements de victimisation (P<0,001). Tableau : Troubles de l’agressivité associés en % Type de Hétéro Victimisation Auto maltraitance Agressivité Agressivité Significativité Physique Sexuelle Psychologique Négligences graves * 34 24 32 15 ** 32 22 31 8 Inhibition Conduites à risques NS 27 30 38 22 NS 25 25 17 17 NS 14 10 11 4 Sur la figure suivante on remarquera que les troubles de « l’agressivité » les plus habituellement décrits en relation avec la maltraitance sont plus fréquents en cas de maltraitance physique et sexuelle, et bien plus rares ne cas de négligences. Figure : Troubles de l’agressivité associés en % 61 40 35 34 32 32 31 30 25 Phy 24 22 Sex 20 Psy 15 15 14 11 10 10 Neg 8 5 4 0 Hétéro Vic Auto Figure : Troubles du comportement sexuel en % 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 17 9 7 8 4 4 2 Phy Inapproprié Actif-agressif Sex Psy 1 Neg Les troubles du comportement sexuel sont plus fréquents en cas de maltraitance sexuelle, comme le montre la figure ci-dessus, et ceci de manière significative pour l’item « comportement sexuel inapproprié » (p< 0,05) Les autres troubles ne différent pas significativement selon la catégorie de maltraitance bien qu’étant toujours moins fréquents en cas de négligences graves. 62 3.1.3. Répartition selon le sexe de l’enfant Les violences sexuelles sont la forme la plus fréquente de maltraitance affectant les enfants de sexe féminin (32,2%), suivie de la maltraitance physique (28,9%). Les maltraitances psychologiques (20,0%) et les négligences (18,9%) totalisent à peine plus d’un tiers des actes maltraitants : les violences exercées contre les filles sont principalement directes et consistent en une agression corporelle. Figure : répartition selon le sexe de l’enfant 40 38 35 32 29 30 25 25 25 20 20 15 19 Garcons Filles 12 10 5 0 Phy Sex Psy Neg Les maltraitances exercées contre les garçons sont principalement physiques. Elles sont dans une moindre mesure et pour une part équivalente constituées de négligences (26%) ou de violences psychiques (24,9%). Les maltraitances sexuelles sont les moins fréquentes. Le sexe est donc une variable importante dans la distinction des types de maltraitance, et ce constat est en tout point corroboré par les recherches de l’ODAS. La répartition de chaque type de maltraitance entre la population féminine et masculine varie très peu selon que la maltraitance soit signalée en population générale ou concerne les enfants placés, encore plus si l’on tient compte du fait que dans la population générale (Les cahiers de l’Odas, décembre 1997) les filles représentent 55% des enfants maltraités contre 50% dans les foyers. Nous remarquons que cette répartition est pratiquement inchangée si l’on considère les maltraitances sous leurs formes catégorielles ou indicielles. Nous avons présenté dans le tableau ci-dessous les pourcentages de garçons victimes. On rappellera que l’échantillon de 361 enfants maltraités comprend 180 filles et 181 garçons. Tableau : Part en % des garçons selon le type de maltraitance, ODAS 1996 (chiffres arrondis) Physique Sexuelle Psychologique Négligences graves ODAS % 55 25 50 55 Catégorielle % 57 27 56 58 63 3.1.4. Répartition selon l’âge. Les différences observées entre les classes d’âge sont très significatives (p<0,001). On note une proportion importante de nourrissons principalement victime de négligences et dans une moindre mesure de violences physiques. La proportion d’agressions sexuelles augmente avec l’âge. La somme des maltraitances psychologiques et des négligences reste à peu prés stable dans toutes les classes d'âge excepté chez le nourrisson. Tableau : Catégories selon la classe d’âge % 0 à 2 ans 2 à 6 ans 6 à 12 ans 12 ans et plus Physique 29,8 37,5 35,6 26,9 Sexuelle 8,8 21,6 21,5 33,3 Psychologique Négligences 17,5 43,9 28,4 12,5 22,2 20,7 17,9 21,8 Total 100 100 100 100 Un graphique simplifié nous montre l’évolution selon l’âge. Il distingue la spécificité du très jeune âge. Le nourrisson est principalement victime de troubles indirects, négligences et psychologiques, dont il est connu qu’elles peuvent avoir un retentissement somatique massif. Figure : nature de l’agression selon la classe d’âge 70 60 50 0 à 2 ans 40 2 à 12 ans 30 12 ans et plus 20 10 0 Physique Sexuelle Psy + Neg 64 4. Les formes isolées de maltraitance. 4.1. Prévalence. Parmi les 361 cas de maltraitance dites catégorielles 156 dossiers sont des cas de maltraitance « isolée ». Les « négligences graves » sont le seul type de maltraitance fréquemment retrouvée sous forme isolée : La plupart des autres formes de maltraitance sont associées entre elles. Tableau : Répartition des maltraitances isolées (N = 156) Maltraitances isolées % Physique 15 Sexuelle 15 Psychologique 18 Négligences 52 Total 100 4.2. Troubles associés. On observe concernant les troubles du comportement les mêmes tendances que pour les maltraitances catégorielles, caractérisées par le fait qu’un maximum de troubles survient en cas de maltraitance « active » ou « directe » quelle qu’elle soit et beaucoup moins en cas de négligences. 65 66 CHAPITRE V UNE SEMIOLOGIE SPECIFIQUE DE LA MALTRAITANCE ? 67 68 UNE SEMIOLOGIE SPECIFIQUE DE LA MALTRAITANCE ? Plus de troubles de sommeil et de troubles alimentaires, plus de problèmes de comportement, est-ce suffisant pour parler d'une symptomatologie particulière aux enfants maltraités, alors que tout semble affaire de degrés ? La réponse se doit d’être nuancée. En effet il reste difficile d'isoler le facteur "maltraitance", des autres facteurs actifs dans la symptomatologie tels le passé de l'enfant, la séparation, les effets de la vie en collectivité. Les dossiers de recherche évoquent une multitude de troubles du comportement : pas moins de 63 types de difficultés sont énoncés et parmi elles de nombreux troubles psychiques graves (12,5% des citations). Dans le cadre restreint de notre recherche qu’entendons-nous alors par spécifique ? Nous avons seulement recherché si certains troubles survenaient plus fréquemment et ceci de manière significative chez les enfants maltraités par rapport au groupe de comparaison, à la fois pour la maltraitance étudiée comme un phénomène global et pour chaque catégorie de maltraitance. Audelà des symptômes nous avons tenté de rechercher des groupements symptomatiques différenciant les comportements maltraitants. Cet aspect fait l’objet de ce paragraphe. 1. Etablissement d’un score « troubles du comportement ». Nous rappelons que le score « troubles du comportement » a été calculé pour tous les items où le nombre de valeurs manquantes est faible afin d’obtenir un recueil exhaustif pour les items choisis. Nous avons calculé le score pour 469 dossiers sur 601 exploités à partir des items suivants, chacun étant coté également « 1 » : Tableau : score TC Troubles du sommeil (1) et troubles du comportement alimentaire(1) Instabilité psychomotrice(1) Inhibition(1) Comportement hétéro–agressif (1), comportement auto-agressif (1), tentatives de suicide(1), conduites à risque(1), comportement de victimisation(1) Comportement sexuel inapproprié (1), comportement sexuel actif sur un autre enfant(1) Toxicomanie(1) Retard scolaire (plus de deux redoublements) (1). TOTAL 2 1 1 5 2 1 1 13 Ce score très simple permet d’établir une première approximation de l’étendue des troubles du comportement chez l’enfant ou l’adolescent. La moyenne de ce score diffère de manière très significative (p<0,001) entre maltraités (2,43) et non maltraités (1,50), pour un risque relatif de 1,6. 69 Il diffère aussi de manière significative (p<0,05) selon le type de maltraitance (distinguées par catégorie) séparant les maltraitances « directes » ou « actives » au score élevé, des négligences au score plus réduit. Tableau : scores selon le type de maltraitance Maltraitance Score catégorielle Physique 2,54 Sexuelle 2,69 Psychologique 2,68 Négligences 1,72 Un score supérieur ou égal à 4 est retrouvé dans 43% des cas de maltraitance contre 26% chez les enfants placés pour un autre motif (p<0,001). Ainsi un enfant présentant au moins quatre symptômes (figurant dans la liste) présente près d’une chance sur deux d’être maltraité. Autrement exprimé, il apparaît clairement que les enfants maltraités ont une tendance franche à présenter plus de troubles « externalisés ». Lorsqu’on étudie le score en prenant en compte la maltraitance sous sa forme incidente, les scores sont pratiquement semblables : respectivement 2,7 ; 2,7 ; 2,8 ; pour les violences physiques sexuelles et psychologiques et 2,5 en cas de négligences graves. L’influence péjorative des maltraitances actives quand elles sont associées aux (très fréquentes) négligences en est probablement le motif. Ainsi l’effet spécifique des négligences est pratiquement effacé, en regard des items examinés par les maltraitances actives qui y sont associées. Ces constatations, comme les nombreuses différences significatives que nous avons mises en évidence dans l’expression des symptômes associés selon le type de maltraitance nous invitent à formuler deux hypothèses : Les négligences sont une catégorie de maltraitance « passive » ou « indirecte » distincte dans ses effets (comme peut-être dans ses causes) des maltraitances « actives » et « directes ». Il existe chez une majorité d’enfants placés un fonds commun de négligences ou de carence, expliquant une partie des troubles observés, bien plus fréquents qu’en population générale. 2. Profils symptomatiques. Nous distinguerons l’analyse des symptômes et celle des syndromes qui sont des regroupements symptomatiques. Nous aborderons très rapidement la maltraitance en général pour nous attarder à l’analyse des maltraitances catégorielles. 2.1. Symptômes isolés. 70 Nous avons montré que l’encoprésie n’est pratiquement présente que chez les enfants maltraités, quelle que soit la forme de maltraitance. Toutefois la faible incidence du symptôme réduit la puissance de l’analyse et ne permet pas de démontrer le caractère significatif de ce franc déséquilibre. Seule une étude menée sur une grande échelle, excluant les enfants présentant une étiologie spécifique de l’encoprésie (certains handicaps) permettra de confirmer ces résultats. Il nous paraît prématuré d’avancer une hypothèse psychopathologique bien qu’il paraisse compréhensible qu’une forme d’opposition primaire puisse se manifester à travers ce symptôme « psychosomatique » chez un enfant attaqué dans son corps et menacé dans son expression. Les troubles du comportement sexuel sont bien plus fréquents chez les enfants victimes de violences sexuelles. Il s’agit plutôt que de troubles proprement dits d’une exacerbation de la sexualité sous la forme d’une conduite érotique sans contact ou d’auto-érotisme exacerbé (Comportement sexuel inapproprié). Il s’agit parfois d’une activité sexuelle répétée avec d’autres enfants de nature plus souvent agressive que tendre. 2.2. Syndromes. 2.2.1. Introduction. Cette étude nous a permis de dessiner certaines configurations syndromiques. Nous avons analysé les résultats selon chaque forme catégorielle de maltraitance. Nous avons pour cela comparé chaque groupe spécifique d’enfants maltraités (sexuellement, physiquement, psychologiquement, gravement négligés) aux enfants placés non maltraités. Nous avons systématiquement évalué le degré de signification des différences observées de prévalence pour chaque symptôme. Nous avons ensuite évalué le risque relatif* (RR) de présenter ce symptôme pour un enfant maltraité par rapport à un enfant non maltraité. *(par exemple : un risque relatif de 2 pour un trouble du sommeil signifie qu’un enfant maltraité placé a deux fois plus de risques qu’un enfant placé non maltraité de présenter un trouble du sommeil). 2.2.2. Résultats. Nous ne faisons état que des troubles pour lesquels une différence significative a été retrouvée par rapport à la population des enfants non maltraités. Maltraitance physique : elle est caractérisée essentiellement par les troubles de l’agressivité dans toutes leurs déclinaisons (dans une moindre mesure pour l’inhibition) : victimisation (RR =5 ; p<0,001), auto-agressivité (RR= 3,5 ; p<0,001), hétéro agressivité (RR= 2, p<0,001). Interviennent aussi les troubles du sommeil (RR= 1,5 ; p<0,001 ), de l’alimentation (RR= 2, p<0,001), et de manière moins significative les conduites à risque (RR = 2 ; p<0,01 ) et l’inhibition (RR= 2, p<0,01) et l’instabilité psychomotrice (p<0.001). 71 Maltraitance sexuelle : elle se caractérise essentiellement par la fréquence de l’exacerbation de l’activité sexuelle soit solitaire et/ou indirecte (RR = 3 ; p<0,001) soit active avec d’autres partenaires (RR = 4,5 ; p<0,001). Les comportements de victimisation (RR = 4 ; p<0,001) et dans une moindre mesure les troubles du sommeil (RR = 1,5 ; p<0,001) apparaissent très caractéristiques. L’inhibition (RR = 2 ; p<0,001) et les conduites à risque sont aussi plus souvent retrouvées (RR =2 ; p<0,05) et l’instabilité psychomotrice (p<0.01). On remarquera que les tentatives de suicide sont particulièrement fréquentes (6,6% contre 2,2% chez les enfants non maltraités) avec un résultat proche de la significativité (p= 7%). Maltraitance psychologique. Le profil symptomatique est ici particulier. : On remarque surtout la fréquence de l’inhibition (RR = 3 ; p<0,001) et du comportement de victimisation (RR = 5 ; p<0,001). Il existe aussi une augmentation moindre mais significative de l’hétéro agressivité (RR= 2 ; p<0,01) de l’auto agressivité (RR = 3 ; p<0,05) et de l’instabilité psychomotrice (p<0.001). Elle est la seule forme de maltraitance pour laquelle l’encoprésie est significativement plus fréquente (9% des cas, RR = 4, p<0,05). La négligence se détache nettement des autres formes de maltraitance : la symptomatologie présentée par les enfants « gravement négligés » est semblable pour tous les items recherchés à celle des enfants placés non maltraités. Certains troubles du comportement sont même moins fréquents, de manière non significative, parmi les enfants « négligés » qu’au sein du groupe de comparaison. Au total on peut distinguer un profil sémiologique particulier selon le type de maltraitance, négligences exceptées. Toutes les formes actives et directes de maltraitance s’accompagnent d’une augmentation très importante des comportements de victimisation. On retiendra aussi les fréquences largement augmentées de l’auto et de l’hétéro agressivité en cas de maltraitance physique, de l’exacerbation de l’activité sexuelle en cas de maltraitance sexuelle et de l’inhibition et/ou de l’agressivité en cas de maltraitance psychologique. Ces constatations témoignent clairement de la manifestation d’une tendance des enfants victimes à se faire agents, passifs ou actifs, de la répétition des actes maltraitants qu’ils ont subi. 72 CHAPITRE VI SOINS ET EVOLUTION 73 74 SOINS ET EVOLUTION 1. Comparaison entre les modes de prise en charge existantes avant l’admission et celles mises en place lors du séjour en institution. 1.1. Maltraitance globale. Nous avons comparé les types de prise en charge avant et pendant l’admission entre enfants maltraités et non maltraités. On constate que non seulement lieu de placement, le foyer de l’enfance est un acteur essentiel du soin soit par une action directe, soit par la pratique du travail en réseau. Tableau : prises en charge des enfants maltraités Avant (en %) Consultations "psy" Psychothérapie Orthophonie Psychomotricité Groupe de soins Hôpital de jour 8 4 2 1 2 1 Pendant (en %) 30 7 4 2 2 1 La maltraitance n'a justifié des consultations spécialisées que dans 30% des cas, ce qui parait fort peu. Le questionnaire ne précisait pas s'il s'agissait d'une consultation à visée diagnostique où thérapeutique mais stipulait qu’il s’agissait de consultations régulières. Certaines avaient lieu à l’intérieur de l’institution. Pour le quart des enfants vus en consultation, celles-ci avaient débutées avant le placement. 1.2. Selon le type de maltraitance. Le recours à la consultation spécialisée est plus massif pour la maltraitance sexuelle (50,7% des cas) et physique (40,6%), plus rare pour les enfants maltraités psychologiquement (33%) et pour les cas de négligences graves (27,8%). 1.3. Soins prodigués durant le séjour en institution : comparaison entre enfants maltraités et non maltraités. On constate que le groupe contrôle bénéficie pendant le séjour de moins de prise en charge psychologique et d’un peu plus de soins de « rééducation ». 75 Tableau : soins enfants maltraités/non maltraités Maltraités Non maltraités En % En % Consultations "psy" 30 21 Psychothérapie 7 5 Orthophonie 4 5 Psychomotricité 2 4 Groupe de soins 2 1 Hôpital de jour 1 1 2.Questions posées sur le devenir des enfants. 2.1. Commentaires introductifs. Par le biais d’une fiche de sortie, nous avons cherché à évaluer le devenir de l’enfant, son parcours pendant son séjour, l’évolution de son comportement. Seules la moitié environ des institutions ont participé à cette deuxième partie de l’enquête. 211 fiches de sortie nous ont été renvoyées soit 35% de l’effectif initial. Ces fiches de sortie abordaient un certain nombre de problèmes : L’orientation de l’enfant, L’évolution ou non de son statut juridique, L’évolution du comportement de l’enfant pendant son séjour, Le type de prise en charge proposé à l’enfant, Les révélations éventuelles sur la maltraitance et le contexte familial. 2.2. L’orientation de l’enfant à la sortie des centres d’accueil de l’aide sociale (foyers). Le recueil de ces données nous permet de pointer quelques différences significatives (p<0,05) dans le choix des orientations proposées aux enfants maltraités et à ceux qui ne le sont pas. Ainsi, le retour à la maison (Fam) des enfants maltraités apparaît plus problématique ; moins d’un quart (23%) en bénéficie. L’institution (Ins) et le placement en famille d’accueil (PF) lui sont préférés dans 70% des cas. 76 Figure : Orientation de l’enfant (en %) 50 47 40 37 30 30 % 20 23 21 Maltraités 23 Non maltraités 12 10 7 0 Ins PF Fam Aut On se souviendra qu’environ 90% des enfants provenaient directement du domicile familial avant leur accueil. On peut supposer que la rupture durable que connaissent les enfants maltraités (et les autres) avec leur famille constitue une cause supplémentaire de souffrance et probablement un facteur pathogène. 2.3. Le statut « socio-juridique ». Le renforcement des mesures de justice est flagrant à la sortie puisque 80,6% des enfants maltraités sont protégés par une mesure de garde provisoire (contre 65% pour les enfants non maltraités). Au total 16% des enfants ont vu leur statut modifié au cours du placement, avec une différence non significative entre enfants maltraités (18,8%) et non maltraités (10,3%). On notera que seuls 4% des enfants maltraités (et aucun des non maltraités) ont fait l’objet d’un signalement administratif ou judiciaire nouveau en cours de séjour. La moitié d’entre eux avaient pourtant déjà été signalée précédemment. Ce chiffre est bas si l’on tient compte du fait que 20% environ de cas de maltraitance incidente ont été de découverte secondaire et n’avaient pas fait l’objet d’un signalement préalable. La principale explication que nous proposons à cette apparente discordance est que la majorité des enfants déjà signalés maltraités ne l’ont pas été à nouveau pour la seule découverte de faits supplémentaires de maltraitance. On notera aussi que 5% des maltraitances incidentes suspectées ont été infirmées. 77 Figure : Statut des enfants à la sortie de l’établissement 80 80 70 65 60 50 % 40 30 20 10 Maltraités Non maltraités 18 14 17 6 0 Acceuil pro 3. Garde pro Autre Evolution du comportement de l’enfant au cours du séjour. Celui-ci a été analysé avec l’étude de la symptomatologie (se reporter au Chapitre 4 : « la maltraitance envisagée comme un phénomène global »). 4. Les soins. La connaissance des soins prodigués à la sortie de l’institution est relativement approfondie pour les foyers qui ont rempli le dossier de sortie. Elle concerne 180 enfants dont 125 maltraités et seulement 55 non maltraités. Pour les enfants maltraités des consultations sont prévus dans 20% des cas, et dans 10% une psychothérapie régulière. L’évolution de la prise en charge de l’enfant maltraité placé en foyer est marquée par l’éviction prolongée de la vie familiale pour plus de 70% d’entre eux. Une prise en charge psychologique ou psychiatrique n’est assurée que pour environ un tiers d’entre eux. Au total, contribuer à la compréhension des troubles résultant de la maltraitance, rendre compte des soins effectivement prodigués et favoriser la prévention tel est l’enjeu de ce rapport. 78 CONCLUSION 79 80 Conclusion. Plusieurs éléments d’analyse émergent clairement au terme de ce travail de recherche. Certains sont d’ordre sociologique : les familles des enfants accueillis dans les foyers de l’enfance sont représentatives d’une forme de précarité sociale. Moins de la moitié des pères ont un emploi ; un quart d’entre eux est au chômage, un autre quart est sans emploi vivant de cotisations diverses. Ceux qui travaillent sont pour la plupart ouvriers. Quant aux mères, celles-ci sont coupées du monde du travail puisque à peine une sur six travaille, les autres sont inactives (70%) ou au chômage (13%). L’isolement est encore plus évident lorsque l’on regarde la structure familiale : seuls 50% des enfants vivent avec deux adultes cohabitants, un tiers environ avec un parent seul, très souvent la mère, les autres provenant d’institutions diverses. Les différences sociales entre population maltraitée et non maltraitée sont réduites. On peut en grossissant à peine le trait affirmer que le recrutement des foyers de l’enfance est essentiellement un recrutement social. De nombreuses caractéristiques marquent la vulnérabilité générale. Celle dont nous avons été le plus surpris est la fréquence de la prématurité qui affecte entre 9 et 11% des enfants placés. Un retard scolaire de trois ans et plus est retrouvé chez environ 15% des enfants. Ces caractéristiques concernent toute la population placée. Ainsi l’hypothèse de départ est globalement validée qui stipulait que nous comparions l’occurrence de la maltraitance dans une population ayant en commun non seulement le placement et la séparation mais aussi la précarité. Celle-ci s’accompagne comme de nombreuses études l’ont démontré plus fréquemment de sentiment d’insécurité et de stress chez les parents, de plus de difficultés cognitives, d’hyperactivité ainsi que d’autres troubles parmi les enfants. La question posée était fondamentalement celle-ci : existe-t-il au sein d’une population d’enfants marqués par la précarité des marqueurs particuliers de la maltraitance ? La réponse est positive pour une série d’items. Sur le plan de la composition familiale, l’élément essentiel est représenté par l’étendue des fratries, issues en partie de recompositions familiales chez les enfants maltraités. Chez ces derniers les familles monoparentales y sont même légèrement moins répandues. Les enfants maltraités sont placés pour la très grande majorité à la demande du juge contre seulement la moitié des autres. Le placement est souvent une mesure prise avec hésitation comme le montrent les nombreux signalements préalables concernant l’enfant lui-même ou sa fratrie. Cette tendance est plus nette chez les enfants maltraités. Pour tous le signalement est effectué essentiellement par les services sociaux, mais ces derniers peuvent avoir été alertés par d’autres instances. Fait remarquable moins d’un tiers des enfants retourne dans leur famille naturelle à leur sortie. Si beaucoup d’enfants présentent des troubles du comportement ceux-ci sont nettement plus fréquents chez les enfants maltraités. On note une relation marquée entre la nature de la maltraitance et les troubles présentés. Ceux-ci paraissent représenter pour une grande part, sous une forme directe ou 81 inversée, la violence subie elle-même. La gestion de l’agressivité est fortement perturbée, marquée par de fortes tendances hostiles dirigées contre les autres enfants ou contre eux-mêmes. La réaction la plus complexe mais la plus caractéristique est l’existence d’un comportement dont il résulte que l’enfant maltraité, en règle par ses parents, le devient souvent par ses pairs, ce que nous avons nommé « victimisation ». L’instabilité psychomotrice est très fréquente chez tous les enfants placés, maximale en cas de maltraitance. L’évolution après un temps de séjour en foyer s’établit dans la population maltraitée vers la régression bien incomplète des troubles présentés. Chez les enfants maltraités seuls diminuent de manière significative le temps du placement la fréquence des troubles fonctionnels (troubles du sommeil, du comportement alimentaire, énurésie) et du comportement de victimisation. Toutefois, en regard de la prévalence chez les enfants non maltraités, il existe significativement toujours plus de troubles du sommeil, de manifestations hétéro agressives, de comportements de victimisation et de conduites à risque. Une exacerbation nette de la sexualité est aussi retrouvée globalement chez les enfants maltraités. Elle est maximale en cas de maltraitance sexuelle. L’encoprésie n’est retrouvée pratiquement qu’au sein de cette population et reste présente lorsque l’enfant quitte l’établissement. Il sera très clairement montré que la négligence dans ses conséquences comportementales et « fonctionnelles » diffère nettement des autres formes de maltraitance. Au sein des foyers de l’enfance il ne sera noté aucune différence significative pour un quelconque trouble entre les enfants dits « négligés » et les enfants non maltraités. Cette constatation nous a laissé supposer que la grande majorité des enfants placés étaient victimes sous une forme ou sous une autre de « négligence » ou plus probablement de « carence ». La maltraitance physique est caractérisée essentiellement par des troubles variables de l’agressivité : victimisation, auto-agressivité et hétéro agressivité. La maltraitance sexuelle est marquée par la fréquence de l’exacerbation de l’activité sexuelle. Les comportements de victimisation apparaissent aussi très caractéristiques. Quant à la maltraitance psychologique on remarque surtout la fréquence de l’inhibition et du comportement de victimisation. Elle est aussi la seule forme de maltraitance pour laquelle l’encoprésie est significativement plus fréquente par rapport aux enfants placés non maltraités. L’âge et le sexe viennent aussi influencer la nature de la maltraitance exercée. La plupart des facteurs de risque de maltraitance classiquement décrits concernant l’enfant (prématurité, séparations précoces, …) se trouvent répartis sans différence significative parmi l’ensemble des enfants placés. Ils sont présents dans une proportion nettement plus importante qu’au sein de la population générale. L’étude des troubles ou des antécédents parentaux permet de mettre en évidence certaines liaisons avec la maltraitance de l’enfant, notamment d’avoir été, pour au moins un des parents, maltraité luimême durant l’enfance. L’étude de la prise en charge a été détaillée. Nous avons insisté sur la fréquente méconnaissance au sein des foyers de l’enfance des éléments objectifs associés à la maltraitance signalée. Elle résulte de plusieurs éléments dont il nous est impossible de déterminer l’importance respective, variable d’ailleurs selon les départements. Nous citerons particulièrement : 82 - le refus de certains services de l’Aide Sociale à l’Enfance de communiquer au(x) foyer(s) de l’enfance certaines données en leur possession - le mythe de « la page blanche », c’est-à-dire l’illusion que l’absence de renseignements connus sur l’enfant ou sur la famille permettrait par un regard dénué d’a priori une plus grande sollicitude et une meilleure prise en charge de l’enfant - l’absence d’organisation systématique du recueil des données cliniques et biographiques sur l’enfant au sein même des structures d’accueil (foyers de l’enfance) ou de concertation avec les structures ayant pris en charge précédemment l’enfant quand elles existent. - le souhait de protéger les familles de la rupture de la confidentialité et l’anonymat. En dehors de quelques situations particulières ces attitudes ne paraissent pas justifiées. En effet, le personnel travaillant dans les foyers de l’enfance est soumis à la confidentialité. Il s’agit de professionnels susceptibles de prendre en charge l’enfant à des moments critiques, et de signaler eux-mêmes les éléments nouveaux à l’Aide Sociale à l’Enfance, dont ils sont partie intégrante, et aux services judiciaires. Les éléments permettant à l’enfant de comprendre et penser sa situation ne peuvent dans ces conditions lui être communiqués. Il s’agit pourtant d’un travail spécifique et complexe à mener dont l’absence peut porter préjudice à l’enfant et entraver sa prise en charge par un personnel sousinformé. Elle peut aggraver la violence de la séparation, favoriser les processus de dénégation et gêner le travail de pensée. Bien entendu le professionnel aura pour mission de conserver la confidentialité des renseignements recueillis et d’éviter tout jugement moralisateur sur la conduite des parents. Les pratiques qui sont parfois craintes, sont bien rarement constatées. Favoriser la formation des travailleurs sociaux et de l’encadrement administratif pour tendre à l’amélioration du fonctionnement institutionnel est probablement le meilleur moyen de les réduire encore. 83