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La cherté de la vie ; vers une extension du concept de cherté perçue. Revue de la littérature, définition et conséquences du concept sur le comportement d’achat des consommateurs. Gaëlle POTHIN Doctorante en Sciences de Gestion Centre d’Economie et de Management de l’Océan Indien IAE de La Réunion 24-26, Avenue de la Victoire, 97400 Saint-Denis GSM : 0692 73 24 23 @ : [email protected] 5 rue Ravine des Figues, 97438 Ste Marie Ile de la Réunion 1 La cherté de la vie; vers une extension du concept de cherté perçue. Revue de la littérature, définition et conséquences du concept sur le comportement d’achat des consommateurs. Résumé : Malgré la place prépondérante de la perception de la cherté de la vie dans les décisions d’achat des consommateurs, ce concept n’a fait l’objet d’aucune recherche en Sciences de Gestion. Etroitement liée au concept de cherté perçue, la perception de la cherté de la vie s’en distingue tout de même sensiblement et semble impacter le comportement d’achat des consommateurs. C’est pourquoi, à partir d’une revue de la littérature, cette recherche propose une définition de cette perception de la cherté de la vie ainsi qu’un modèle conceptuel décrivant l’influence de ce concept émergent sur le comportement d’achat des consommateurs. Mots-clés : Perception des prix ; Cherté perçue, Pouvoir d’achat, Cherté de la vie, Image prix The high cost of living; towards an extension of the concept of perceived expensiveness. Literature review, definition and consequences of the concept on consumer buying behavior. Abstract : Despite the prominence of the perceived high cost of living in consumer purchasing decisions, this concept has never been investigated in Management Sciences. Closely related to the concept of perceived expensiveness, there are nevertheless two different concepts. In addition, the perception of the high cost of living seems to impact the consumer purchasing behavior. Therefore, from a literature review on price perception and perceived expensiveness, this research provides a defining of the perception of the high cost of living and a conceptual model outlining the influence of the emerging concept on buying behavior of consumers. Keywords: price perception; perceived expensiveness, purchasing power, high cost of living, price image Résumé Managérial Crise économique et baisse perçue du pouvoir d’achat obligent! Les consommateurs réalisent des arbitrages dans l'allocation de leurs dépenses au détriment des produits les moins impliquants tels que les produits de grande consommation. Moins enclins à consacrer une part importante de leur budget dans l’achat de ces produits, une attention particulière est apportée à leurs prix ainsi qu’à leurs variations de prix dans le temps et l’espace. Or, un nombre significatif de ces prix ont connu une réelle augmentation confortant les consommateurs dans une impression de « cherté de la vie » et dans le fait que cette cherté serait due aux grandes enseignes. Cherté des produits et cherté des enseignes (image prix) font désormais inéluctablement partie du processus de décision des consommateurs (Fady, Fastre, & Coutelle, 2008). Plus raisonnés, à la recherche de bonnes affaires, les consommateurs sont attirés par les offres les plus attractives dans les magasins les moins chers. Cet article conceptuel propose, à partir d’une revue de la littérature, une définition de cette cherté de la vie ainsi qu’un modèle conceptuel exposant les conséquences de cette perception agrégée des prix sur le comportement d’achat des consommateurs. Préoccupés par le maintien de leur pouvoir d’achat, le choix du point de vente par les consommateurs est désormais guidé par la recherche des prix les plus bas, par les diverses promotions et les images prix des différentes enseignes. Les consommateurs développent ainsi des comportements de wise shopping et de smart shopping. La riposte des grandes enseignes qui crient chacune haut et fort qu’elle est la moins chère finit par accroitre la défiance des consommateurs. D’autant plus sensibles aux prix, aux promotions et aux images prix, ces derniers répartissent leurs achats entre plusieurs magasins afin de profiter de toutes les offres possibles développant ainsi une multi-fidélité aux magasins. Aujourd’hui, le challenge des grandes enseignes consiste à définir une politique de prix leur permettant à la fois de rentabiliser leur exploitation et de proposer aux consommateurs des prix attractifs susceptibles de les attirer, sans pour autant mettre à mal leur image prix. Mais quelles actions promotionnelles et communicationnelles mettre en place dans ce contexte de cherté perçue ? High low price ou Every day low price ? Comment et sur quoi faut-il réellement communiquer pour fidéliser les clients ? Une des clés pour élaborer de bonnes stratégies de prix est la connaissance de la réponse des consommateurs aux variations de prix (Barbotin, 1995, p. 5). D’où l’intérêt de cet article qui consiste à déterminer les réponses comportementales des consommateurs à la perception de la cherté des prix des produits de grande consommation dans le contexte économique et financier actuel. 1 Le début du 21ième siècle est marqué par une vague d’émeutes assignant la brusque hausse du prix des produits de consommation de base. Visible pour la première fois en 2006 au Mexique, réitéré au Maroc en 2007 puis à Haïti, en Grèce et en Egypte en 2008, le phénomène se mondialise. Les Antilles en 2009, Mayotte en 2011 puis La Réunion en 2012 et le Brésil en 2013, tous contestent l’augmentation du coût de la vie, un combat avec comme toile de fond la perception d’une baisse du pouvoir d’achat. Malgré l’affirmation contraire des chiffres de l’INSEE, cette perception collective de perte de pouvoir d’achat occupe désormais une place prépondérante dans la consommation des ménages et se cristallise dans le débat politique et l’espace médiatique sous l’expression de « cherté de la vie ». Etroitement liée à l’évaluation de la cherté perçue, la perception de la cherté de la vie s’en distingue sensiblement. Appréhendé dans la littérature à différents niveaux d’agrégation, le concept de cherté perçue n’a cessé d’évoluer afin de tenir compte des perceptions agrégées des prix par les consommateurs ; cherté d’un produit (Garbarino & Slonim, 2003; Slonim & Garbarino, 1999), d’une gamme de produits (Ladwein, 1995) ou encore celle des points de vente (Coutelle-Brillet, 2000). C’est dans cette dynamique d’évolution qu’intervient la perception de la cherté de la vie. En effet, c’est à partir d’un ensemble de produits très disparate ; ceux de son panier d’achat, que le consommateur se construit une croyance sur la cherté de la vie. Basée sur un effet de halo incriminant les produits de grande consommation couramment achetés, notamment au sein de la grande distribution, la perception de la cherté de la vie serait ainsi une représentation collective et agrégée des niveaux de prix de ces produits de grande consommation. Non pas orientée vers une marque, un produit spécifique ou encore un point de vente en particulier, la cherté de la vie se distingue d’autres concepts de cherté limitrophes de par son niveau d’agrégation jusqu’alors jamais étudié dans la littérature. Alors même que cette perception semble impacter le comportement d’achat des consommateurs qui tendent à développer des comportements de wise shopping1 1 Wise shopping : comportement des consommateurs motivé par un besoin de sécurité. Sensible aux conséquences négatives de son comportement, le consommateur cherche surtout à respecter son budget, le risque étant d’acheter trop cher ou de dépenser trop. A l’inverse du « smart shopper », il raisonne en termes de pertes (Djelassi et al., 2009) 2 (Djelassi, Collin-Lachaud, & Odou, 2009) ou de smart shopping2 (Djelassi et al., 2009), le concept de perception de la cherté de la vie n’a encore fait l’objet d’aucune recherche. C’est pourquoi, cet article s’intéresse aux réponses comportementales des consommateurs à la perception d’une cherté de la vie dans le contexte économique et financier actuel afin de déterminer dans quelle mesure cette perception influence le comportement d’achat des consommateurs. L’objectif de cet article est ainsi de développer, à partir d’une revue de la littérature sur la cherté perçue et la connaissance des prix, un modèle conceptuel des conséquences de la perception de la cherté de la vie sur le comportement d’achat des consommateurs. Pour cela, après avoir développé (1) la littérature actuelle sur la cherté perçue et en exposer les limites, seront présentés (2) le concept émergent de perception de cherté de la vie ainsi que (3) ses conséquences sur le comportement d’achat des consommateurs à travers un modèle conceptuel. En conclusion (4), seront exposés les apports théoriques et managériaux de cette recherche conceptuelle. 1. De l’évaluation de la cherté perçue … 1.1. La cherté perçue et le prix dans son rôle négatif Le prix a des rôles différents et contradictoires dans le processus d’achat des consommateurs (Christine Lambey, 2000; Le Gall-Ely, 2009). Dans le cadre de l’évaluation de la cherté perçue, il joue davantage un rôle négatif et est perçu comme un signe de dépense (Christine Lambey, 2000). Concept central dans l’évaluation de la cherté perçue et définit comme “ce à quoi le consommateur renonce ou ce qu’il sacrifie pour obtenir un produit” (Zeithaml, 1988), le prix représente l’effort monétaire direct qu’il est nécessaire de consentir pour acquérir un bien ou un service (Urbain & Le GallEly, 2009). Au delà d’un certain prix, le sacrifice monétaire est perçu comme trop élevé au regard du produit désiré, le consommateur évalue alors le niveau de cherté de ce dernier. Définie comme « l’attractivité perçue du prix actuel par rapport à un prix de référence » (Slonim & Garbarino, 1999, p. 2), la cherté est toujours perçue relativement 2 Smart shopping : comportement des consommateurs qui consiste à optimiser leur pouvoir d’achat en recherchant systématiquement les « bonnes affaires ». L’orientation est ici défensive et le risque pour le consommateur est surtout de rater « la bonne affaire ». A l’inverse du « wise shopper », il raisonne en termes de gains (Djelassi et al., 2009) 3 par rapport au prix d’un autre produit. Ce dernier est alors utilisé comme élément de comparaison pour évaluer le prix d’autres produits (ou services) et est connu dans la littérature sous l’appellation de prix de référence (PR). Soit disponible dans l’environnement : prix de référence externe (PRE)3, soit stocké en mémoire : prix de référence interne (PRI)4 (Desmet & Zollinger, 1997; Monroe, 1990; Zollinger, 1993), le PR est un concept central dans l’évaluation de la cherté perçue permettant au consommateur de déterminer si l’offre constitue une bonne affaire ou non. Cependant, deux courants de recherche s’opposent sur la représentation du prix de référence interne (Coutelle-Brillet & Rivière, 2013). Alors que les uns prônent un PRI sous la forme d’une image ponctuelle basée sur des connaissances nominales5 d’autres prônent une représentation sous la forme d’une marge issue de connaissances relatives6. 1.2. La cherté perçue : une connaissance relative plutôt que nominale La littérature sur l'évaluation des prix est partie du postulat implicite selon lequel le consommateur se base davantage sur ses PRI et que ces derniers seraient une connaissance mémorisée sous une forme nominale et monadique. De nature polymorphe (Hamelin, 2000), les consommateurs n’utilisent pas les mêmes PRI ni les mêmes processus de formation de ces standards internes (Garbarino & Slonim, 2003; Hamelin, 2000; Zollinger, 2004). Les quelques recherches sur la cherté perçue démontrent que le « prix de réserve7 » ou « consentement à payer » (Le Gall-Ely, 2009) ainsi que le « prix juste8 » (Garbarino & Slonim, 2003) constituent des PRI centraux dans le cadre de l’évaluation de la cherté. Un produit serait perçu comme cher si son prix actuel est 3 Prix de référence externe : prix extrait de publicités ou de l’observation de prix d’autres produits sur le lieu de vente (Zollinger, 1993). 4 Prix de référence interne : prix mémorisé du dernier achat similaire, du prix attendu, ou de quelque autre idée du prix d’un produit dans la même zone de marché (Zollinger, 1993). 5 Connaissance nominale des prix : connaissance exprimée en unité de compte qui se rapporte à un produit spécifique issue d’un codage visuel et auditif (Bernard, 2007, 2013). 6 Connaissance relative du prix : croyance s’exprimant sous la forme d’une association entre un produit (ou l’un de ses attributs) et un niveau de prix analogique (Bernard, 2007, 2013). 7 Prix de réserve : sacrifice monétaire maximum que le consommateur accepte de faire au regard de la somme des bénéfices reçus ou à recevoir. Ce prix peut être assimilé au seuil supérieur de la marge d’acceptabilité du consommateur (Garbarino and Slonim, 2003). 8 Prix juste : Prix que le consommateur estime comme équitable au regard de ses aspirations et de la politique de prix du vendeur (Garbarino and Slonim, 2003). 4 supérieur au prix juste mémorisé ou si son prix est supérieur au prix de réserve. Cependant, des débats quant à l’exactitude des informations retrouvées dans la mémoire des consommateurs (Desmet & Zollinger, 1997; Dickson & Sawyer, 1990; Gabor & Granger, 1961; Hirn, 1986; A. Walser-Luchesi, 1998; Zollinger, 2003) ont contribué à la remise en cause de cette approche du PRI et donc des acquis théoriques sur la cherté perçue. Des recherches empiriques ont démontré que la mémorisation des prix est faible si on la considère comme le rappel précis d’un prix mais que le taux d’erreur est moindre si on s’intéresse aux connaissances des prix comme une connaissance relative, c’est-à-dire dans le cadre de classements en termes de cherté (Coutelle-Brillet & LabbePinlon, 2001; Estelami, Lehmann, & Holden, 2001). Emergea alors une nouvelle approche selon laquelle le PRI est une connaissance relative des prix orientée vers la comparaison et non pas un prix nominal mémorisé (Bernard, 2007, 2013; Herr, 1989; Lawson & Bhagat, 2002). Cette connaissance permet au consommateur de positionner le produit évalué sur une ligne numérique mentale, d’effectuer des comparaisons et de se forger un PRI via un processus d’ancrage-ajustement. Ainsi, la cherté perçue constitue un concept central dans la perception des prix par les consommateurs justifiant des études approfondies quant à ses antécédents, ses différents niveaux d’agrégation ainsi qu’à ses conséquences sur le comportement d’achat des consommateurs. 2. … A la perception de la cherté de la vie 2.1. La perception de la cherté de la vie et le pouvoir d’achat Les évolutions économiques et financières ont intégré une nouvelle variable à la perception de la cherté : le pouvoir d’achat. Le rapport au budget constitue désormais un réel frein dans le comportement d’achat des consommateurs (Bertrandias & Lapeyre, 2009). Impactés par une double augmentation ; celle de leur « devoir d’achat » et celle de leur « vouloir d’achat » (Dupré & Geradon de Vera, 2008), les consommateurs perçoivent une baisse de leur pouvoir d’achat. Face à une contrainte budgétaire augmentant plus rapidement que leur revenu (Coutelle-Brillet & Hamelin), une préoccupation du maintien du pouvoir d’achat9 (Bertrandias & Lapeyre, 2009) s’est 9 La « préoccupation du maintien du pouvoir d’achat » : degré d’importance accordé par le consommateur à la préservation de sa capacité à acheter (Bertrandias and Lapeyre, 2009). 5 installée au sein de la population. Dans le but de sauvegarder leur capacité d’achat, cette préoccupation amène les consommateurs a être dotant plus attentifs aux prix et contribue ainsi à la perception de la cherté de la vie. Malgré ce rôle prééminent du pouvoir d’achat dans la perception de la cherté de la vie, l’intégration du revenu ou du pouvoir d’achat dans le jugement de la cherté n’a été que peu envisagée dans les travaux en marketing (Aurier & Zollinger, 2009; Christine Lambey, 2013). 2.2. La perception de la cherté de la vie : une perception agrégée de la cherté perçue Cherté d’un produit (Garbarino & Slonim, 2003; Slonim & Garbarino, 1999), d’une gamme de produits (Ladwein, 1995) ou encore celle des points de vente (CoutelleBrillet, 2000), la notion de cherté n’a cessé d’évoluer au sein de la littérature. Où et comment se positionne la notion de cherté de la vie dans cet ensemble de concepts de cherté ? La singularité de la notion de cherté de la vie s’exprime à travers un niveau d’agrégation plus élevé que les concepts de cherté connus jusqu’à présent. Non pas orientée vers une marque, un produit spécifique ou encore un point de vente en particulier, l’attention des consommateurs, dans le cadre de la cherté de la vie, est focalisée sur les prix des produits de grande consommation dans l’ensemble des magasins d’une zone de marché. Ainsi basée sur un effet de halo, la cherté de la vie peut être définie comme une représentation collective et agrégée des niveaux de prix des produits de grande consommation au sein de l’ensemble des points de vente. Dans le but de préserver leur capacité d’achat, les consommateurs réalisent des arbitrages dans l'allocation de leurs dépenses au détriment des produits les moins impliquants. C’est ainsi que les enseignes de la grande consommation ont du faire face au recul de ces produits dans la hiérarchie des priorités des ménages au profit d'autres catégories de biens et services (Moati & Ranvier, 2007). Moins enclins à y dépenser une part considérable de leur budget et préoccuper à préserver leur capacité d’achat, les consommateurs sont plus sensibles aux prix10 de ces produits, aux variations de leurs 10 La sensibilité au prix : construit du prix dans son rôle négatif influençant la recherche du prix faible entre points de vente, le souvenir du prix et l’achat de produits en promotion (Lichtenstein, Bloch and Black,1988). 6 prix ainsi qu’à leurs différentiels de prix entre points de vente. A l’affut des meilleures offres dans les points de vente les moins chers, les images prix 11 des différentes enseignes constituent plus que jamais un critère déterminant dans le choix du lieu d’achat. Plus sensibles aux prix et aux promotions, les achats se font ainsi beaucoup plus rationnels, la consommation plus frugale tels des « wise shopper » ou des « smart shopper » (Djelassi et al., 2009). Alors que les premiers tentent de maîtriser leurs dépenses à travers une restriction des achats et une diminution du coût des produits achetés, les seconds, raisonnant en termes de gains, tentent au mieux d’optimiser leur pouvoir d’achat en recherchant systématiquement les « bonnes affaires » et en profitant des opportunités offertes par la distribution. Que l’orientation soit offensive (wise shopping) ou défensive (smart shopping), les consommateurs tendent à répartir leurs achats entre plusieurs magasins afin de maintenir leur pouvoir d’achat développant ainsi une multi-fidélité aux magasins. Or, la multi-fidélité aux magasins constitue une préoccupation majeure des distributeurs (Balagué, Vanhuele, Daudigeos, & Drèze, 2003). D’où l’intérêt de cette recherche qui consiste à définir cette perception de la cherté de la vie et d’en mesurer les conséquences sur le comportement d’achat des consommateurs. 3. Les conséquences de la perception de la cherté de la vie sur le comportement d’achat des consommateurs Dans ce qui suit, nous posons les bases d’un modèle conceptuel visant à étudier les conséquences de la perception de la cherté de la vie sur le comportement d’achat des consommateurs (Cf. Annexe 1 : Modèle de recherche et hypothèses). 11 Image prix : représentation globale du niveau relatif des prix dans les points de vente (Coutelle and Labbe-Pinlon, 1999). 7 3.1. L’influence de la perception de la cherté de la vie sur la sensibilité au prix, l’image prix et la multi-fidélité aux magasins Figure 1. Modèle conceptuel • Perception de la cherté de la vie è Sensibilité aux prix. Dans l’optique d’un maintien de leur capacité de consommation, la perception de la cherté de la vie amène les consommateurs à être plus attentifs et sensibles aux prix bas, aux variations de prix ainsi qu’aux promotions (H1). Plus la cherté de la vie est ressentie par les consommateurs, plus ils recherchent les produits en promotion et les prix les plus faibles entre les différents points de vente. • Perception de la cherté de la vie è Image prix des enseignes. Formée à la suite d’une agrégation mentale des prix pratiqués à travers les catégories de produits référencés par le point de vente (Ngobo & Coutelle, 2014), une « bonne » image prix dans le domaine de la grande distribution est une image prix « pas chère » (Fady et al., 2008). La cherté de la vie conduit les consommateurs à d’autant plus évaluer l’image prix des enseignes et à apprécier une image prix « pas chère » à travers les prix des produits de grande consommation couramment achetés (H2). Plus les consommateurs perçoivent la vie comme étant chère, plus ils évaluent mes niveaux de 8 prix des points de vente et perçoivent les enseignes de la grande distribution comme de plus en plus chères. Concept multidimensionnel, l’image prix n’est pas appréhendée de la même manière par tous les consommateurs. Trois dimensions principales se dégagent : image sécurité prix bas, image valeur et image panier (Coutelle-Brillet, 2000). L’hypothèse 2 peut être déclinée au niveau de ces trois dimensions de l’image prix : plus l’individu perçoit que la vie est chère, plus il cherche à trouver les prix les plus bas possibles entre les différents points de vente (H2 – a) ; plus il est à la recherche du meilleure rapport qualité-prix (H2 – b) et plus il se base sur le prix global de son panier d’achat pour évaluer la cherté des points de vente (H2 – c). • Perception de la cherté de la vie è Multi-fidélité aux magasins. A l’affut des meilleures offres dans les différents points de vente, les consommateurs ont tendance à répartir leurs achats entre plusieurs magasins dans le but de maintenir leur pouvoir d’achat. Ainsi, plus les consommateurs perçoivent la vie comme étant chère, plus ils développent une multi-fidélité envers les enseignes de la grande distribution. • Sensibilité aux prix des produits de grande consommation è Multi-fidélité aux magasins. La sensibilité aux prix des produits de grande consommation contribue au développement d’une multi-fidélité des consommateurs à travers la recherche de produits en promotion et des prix les plus bas entre les différents points de vente (H4). Ainsi, plus les consommateurs sont sensibles aux prix, plus ils répartissent leurs achats entre plusieurs magasins afin de profiter des prix les plus attractifs ou des promotions au sein des différents magasins. • Image prix des enseignes è Multi-fidélité aux magasins. Les entreprises du commerce moderne prétendent chacune, haut et fort, être la moins chère et défendre le pouvoir d’achat des consommateurs. Or, les images prix perçues des enseignes constituent désormais un moyen pour les consommateurs de réaliser des économies en choisissant les magasins en fonction de leur degré de cherté (Coutelle- 9 Brillet & Hamelin). Mais, face à des images prix analogues, les consommateurs ont tendance à alterner leurs achats entre plusieurs magasins et à développer un comportement de multi-fidélité (H5). 3.2. La variable modératrice : « la Préoccupation du maintien du Pouvoir d’Achat » L’inquiétude quant à l’évolution du pouvoir d’achat a fini par traverser la majorité des couches de la société. Cependant, le niveau d’inquiétude engendré et la vigueur avec laquelle le consommateur réagit pour assurer le maintien de son pouvoir d’achat varient d’un individu à l’autre. La préoccupation de maintien du pouvoir d’achat (PPA) permet de prendre en compte ce rapport individuel des consommateurs au pouvoir d’achat (Bertrandias & Lapeyre, 2009). Les PPA-, moins préoccupés par leur pouvoir d’achat, sont davantage sensibles à la qualité et peuvent accepter des écarts de prix importants dans leurs prises de décisions tandis que les PPA+, plus fortement préoccupés par leur pouvoir d’achat, accordent une attention soutenue aux prix et aux réductions affichées de prix. La PPA intervient de façon positive en tant que variable modératrice dans la relation entre la cherté perçue de la vie et les autres concepts du modèle, à savoir : la sensibilité aux prix des produits de grande consommation (H6), la multi-fidélité aux magasins (H7), l’image prix des enseignes (H8). Ainsi, le degré d’importance accordé par les consommateurs à la préservation de leur capacité à acheter a un rôle modérateur au sein de ce modèle. Au plus les consommateurs accordent de l’importance à la préservation de leur capacité à acheter, au plus les relations entre la perception de la cherté de la vie et les autres variables du modèle sont fortes. 4. Discussions et conclusion « La réaction des consommateurs à un prix inattendu est un champ où des recherches futures sont attendues » (Zollinger, 2004, p. 19). C’est dans l’optique de combler cette carence que cette recherche s’intéresse aux réponses comportementales des consommateurs à la perception de la cherté de la vie. En période de récession, les consommateurs ont davantage tendance à se baser sur les prix des produits d’achats 10 courants afin de juger du coût de la vie. Basée sur effet de halo, la cherté de la vie peut être ainsi définie comme une représentation collective et agrégée des prix des produits de grande consommation. Désormais plus sensibles aux prix de ces produits, aux promotions ainsi qu’aux images prix des enseignes de la grande distribution, la perception de la cherté de la vie amène les consommateurs à s’orienter vers les offres les plus attractives dans les points de vente les moins chers dans le but de restreindre leurs dépenses tels des « wise shopper » (Djelassi et al., 2009) ou encore afin de profiter au mieux des bonnes affaires offertes par la distribution tels des « smart shopper ». Préoccupés à maintenir leur pouvoir d’achat dans ce contexte de cherté de la vie, les consommateurs tendent à répartir leurs achats entre plusieurs points de vente engendrant, de ce fait, une multi-fidélité des consommateurs aux magasins. Cette étude présente des apports à la fois théoriques et managériaux. Sur le plan théorique, cet article vient combler une carence d’ouvrages académiques traitant de la politique de prix dans le secteur de la grande distribution (Fady et al., 2008). Pour cela, une conceptualisation de la notion de cherté de la vie est proposée. En intégrant cette notion émergente à un modèle de recherche, l’intérêt principal est alors de déterminer les conséquences de ce concept sur le comportement d’achat des consommateurs. Sur le plan managérial, cette étude s’oriente surtout vers la grande distribution qui doit conjuguer une politique de prix rentable avec des prix attractifs, sans pour autant mettre à mal leur image prix. High-Low Prices12 ou Every day low price13 (Borges, 2009)? Pour quelle stratégie opter ? Une des clés pour élaborer de bonnes stratégies de prix est la connaissance de la réponse des consommateurs aux variations de prix (Barbotin, 1995, p. 5). La mise en place d’une échelle de mesure de la perception de la cherté de la vie permettra l’identification de différents segments de consommateurs, de leurs attitudes et attentes. Une étude quantitative permettrait la vérification du modèle de recherche et d’être force de propositions pour les entreprises de la grande distribution quant aux stratégies commerciales à employer. 12 High-Low Prices : politique consistant à proposer des promotions sur certains produits avec des marges très faibles pour attirer des clients qui achèteront aussi des produits à forte marge (Borges, 2009) 13 Every Day Low Price : politique consistant à afficher les prix les plus bas possibles tous les jours, sans réduction temporaire des prix (ibid..) 11 Bibliographie Aurier, P., & Zollinger, M. (2009). A la recherche du pouvoir d'achat, Introdution au numéro spécuale Marketing et pouvoir d'achat. Décisions Marketing, N°56, p. 5-‐8. Balagué, C., Vanhuele, M., Daudigeos, L., & Drèze, X. (2003). Mesure et analyse de la multi-‐fidélité aux magasins. Décision Marketing, n°32, p.71-‐82. Barbotin, L.-‐M. (1995). Le prix, critère n°1 du consommateur. Décision Marketing, N°6, pp. 11-‐13. 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Recherche et Applications en Marketing, 19, pp. 73-‐97. 15 Annexe 1 : Modèle conceptuel et hypothèses ¡ H1 : La perception de la cherté de la vie par les consommateurs influence positivement leur sensibilité au prix. ¡ H2 : La perception de la cherté de la vie par les consommateurs influence négativement les images prix des enseignes. ¡ H2 – a : L’influence de la perception de la cherté de la vie est positive sur la dimension « sécurité prix » de l’image prix des enseignes. Ainsi, plus la perception de la cherté de la vie est élevée, plus les individus cherchent à trouver les prix les plus bas possibles entre les points de ventes. ¡ H2 – b : L’influence de perception de la cherté de la vie est positive sur la dimension « valeur » de l’image prix des enseignes. Ainsi, plus la perception 16 de la cherté de la vie est élevée, plus les individus cherchent le meilleur rapport qualité-prix notamment à travers les promotions sur les marques nationales. ¡ H2 – c : L’influence de perception de la cherté de la vie par les consommateurs est positive sur la dimension « panier » de l’image prix des enseignes. Ainsi, plus la perception de la cherté de la vie est élevée, plus les individus se basent sur le prix global de leur panier d’achat pour évaluer la cherté des points de vente. ¡ H3 : La perception de la cherté de la vie influence positivement la multi-fidélité aux magasins. ¡ H4 : La sensibilité aux prix des produits de grande consommation influence positivement la multi-fidélité aux magasins. ¡ H5 : L’image prix des enseignes influence positivement la multi-fidélité aux magasins. ¡ H5 – a : La dimension « sécurité prix » de l’image prix des enseignes influence positivement la multi-fidélité aux magasins. Ainsi, plus les individus cherchent à trouver les prix les plus bas possibles entre les points de ventes, plus ils sont multi-fidèles. ¡ H5 – b : La dimension « valeur » de l’image prix des enseignes influence positivement la multi-fidélité aux magasins. Ainsi, plus les individus cherchent le meilleur rapport qualité-prix notamment à travers les promotions sur les marques nationales, plus ils sont multi-fidèles. ¡ H5 – c : La dimension « panier » de l’image prix des enseignes influence positivement la multi-fidélité aux magasins. Ainsi, plus les individus évaluent la cherté des points de vente sur le prix global de leur panier d’achat, plus ils sont multi-fidèles. ¡ H6 : La préoccupation du maintien du pouvoir d’achat a un effet modérateur positif sur la relation entre la perception de la cherté de la vie et la sensibilité au prix. Plus la PPA de l’individu est élevée, plus les effets supposés de la perception de la cherté de la vie sur la sensibilité aux prix sont forts. ¡ H7 : La préoccupation du maintien du pouvoir d’achat a un effet modérateur positif sur la relation entre la perception de la cherté de la vie et l’image prix des 17 enseignes. Plus la PPA de l’individu est élevée, plus les effets supposés de la perception de la cherté de la vie sur les images prix sont forts. ¡ H8 : La préoccupation du maintien du pouvoir d’achat a un effet modérateur positif sur la relation entre la perception de la cherté de la vie et la multi-fidélité aux magasins. Plus la PPA de l’individu est élevée, plus les effets supposés de la perception de la cherté de la vie sur la multi-fidélité aux magasins sont forts.